assises rwanda 2001
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compte rendu intégral du procès
Procès > Prologue > Obligations jurés
1. Composition jury 2. Prestations serment 3. Ouverture débats 4. Obligations jurés 5. Dépôt conclusions
 

2.4. Obligations des jurés

Le Président : On va permettre effectivement aux personnes de quitter la salle…

Alors, il est évidemment souhaitable que dans le public, dans le jury, parmi les avocats, parmi les membres de la Cour éventuellement, on éteigne les GSM. Pas seulement les laisser sur vibreur parce que même les vibreurs risquent de provoquer dans les micros notamment des perturbations, raison pour laquelle, pour que tout puisse s’entendre de manière la plus claire possible, il serait souhaitable que les GSM soient arrêtés tout à fait.

Bien, Mesdames et Messieurs les jurés, il y a quelques instants, vous venez de prêter un serment, et c’est un serment qui vous impose une lourde tâche, celle de juger en votre âme et conscience quatre accusés qui ne sont peut-être pas citoyens belges, mais qui sont malgré tout nos concitoyens.

Juger, ce n’est pas une chose facile, et pourtant cette charge qui repose sur vous qui n’êtes pas des professionnels, c’est un devoir qui est prévu par la Constitution, c'est-à-dire par la loi fondamentale de notre Etat.

La tâche sera d’autant plus difficile dans ce cas-ci que les faits ont été commis à plusieurs milliers de kilomètres d’ici, que l’on ne se trouve pas face à des dossiers habituels avec des autopsies, des experts, que l’on se trouve face à un phénomène d’une ampleur considérable et que donc vous aurez sans doute, plus encore que dans les dossiers habituels, des difficultés à juger.

Je vais en tout cas examiner avec vous les conditions que vous devez remplir pour respecter le serment que vous avez prêté, il y a quelques minutes.

L’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit que les personnes mises en accusation ont droit à un procès équitable.

Ça veut dire que le juge et chacun d’entre vous est maintenant un juge, le juge doit être indépendant et impartial. Le juge doit statuer sans haine, sans crainte, sans affection. Le juge, pour former son opinion, se basera uniquement sur ce qu’il apprendra à l’audience au cours des débats qui est le seul endroit où chacune des parties, l’avocat général, la défense, les parties civiles, les accusés, peuvent exprimer leur opinion.

Le juge forme sa conviction personnelle sans se laisser influencer par qui que ce soit. Le juge ne demande pas l’avis de son conjoint, de ses enfants, de ses voisins, de ses amis. Il ne se laisse pas influencer par les émissions de télévision, de radio, les articles de journaux. Et même si vous allez voir que cette salle va sans doute se remplir de journalistes au fur et à mesure que le temps va passer, je vous donne le conseil de ne pas lire les journaux, ou en tout cas de ne pas lire ce qui est consacré à cette affaire, de ne pas regarder les émissions télévisées, ou de ne pas écouter les émissions de radio.

J’imagine que c’est un conseil un peu vain que je vous donne, alors si vous regardez quand même les articles dans les journaux et les émissions, et si vous écoutez les radios, faites la gymnastique intellectuelle de vous dire que ce que vous voyez là ou que ce que vous entendez là ne doit pas entrer en ligne de compte pour former votre conviction, que ce qui doit vous convaincre, c’est ce qui sera dit et discuté ici, en audience publique.

Comme juges, vous ne suivrez que ce que vous dictent votre âme et votre conscience, rien d’autre.

En dehors des audiences, vous pouvez entre vous jurés effectifs et jurés suppléants, entre vous discuter de l’affaire, bien sûr. Mais en dehors de l’audience, vous ne pouvez par contre pas dialoguer avec les accusés, avec leurs avocats, avec les avocats des parties civiles, avec les parties civiles, avec les journalistes, avec l’avocat général, avec le président, avec les assesseurs, avec le greffier. En dehors de l’audience publique, vous ne pouvez pas discuter de l’affaire, si ce n’est entre vous. Ça ne vous empêche pas, si nous nous croisons dans les couloirs, de se dire bonjour ou bonsoir. C’est de l’affaire que vous ne pouvez pas discuter, sauf entre vous en dehors de l’audience publique.

C’est à ce prix que vous pourrez rester indépendants et impartiaux.

Votre indépendance et votre impartialité nécessitent aussi que vous ne pouvez pas dire publiquement, même ici à l’audience publique, ce que vous pensez de l’affaire ou de tel accusé ou de tel témoin. Vous devrez à tout moment vous garder de trahir votre pensée. Je me permets d’attirer particulièrement votre attention sur ce point parce que comme juges vous aurez la possibilité, vous avez le droit d’interroger directement les témoins, les experts ou les accusés. Dans la manière dont vous formulerez vos questions, soyez prudents, de manière à ce que cette formulation ne trahisse pas ce que vous pensez.

Si par malheur il vous arrivait de vous exprimer publiquement sur ce que vous pensez, très vraisemblablement, l’avocat général, la défense ou les parties civiles demanderaient à ce que vous soyez récusés, donc vous devriez quitter le jury si vous êtes juré effectif et être remplacés par un juré suppléant, ou si vous n’êtes que juré suppléant, quitter de toute façon les rangs des juré suppléant. Parce que un juge ne peut pas manifester publiquement son opinion à propos de l’affaire, à propos des accusés, à propos des témoins, à propos des experts. Ça, vous pouvez le faire uniquement entre vous, et en dehors de l’audience publique.

Il vous est également interdit de faire des enquêtes personnelles. Je dirais que compte tenu de l’éloignement des lieux où les faits se sont commis, il y a peu de chance que vous alliez faire sur place des enquêtes personnelles. Mais n’essayez pas de savoir des choses par la bande.

Si vous estimez que des devoirs complémentaires devraient être faits, vous pouvez demander au président qu’il les ordonne en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Le président ne les ordonnera peut-être pas, mais vous pouvez en tout cas par son intermédiaire solliciter qu’éventuellement des devoirs soient effectués. Ne nous faisons pas non plus d’illusions, si c’était pour exécuter des devoirs en dehors du territoire national.

Votre mission vous impose évidemment de rester attentifs tout au long des débats, et ce sera sans doute difficile parce que ce sera long. Mais il faut que vous soyez attentifs parce que c’est ici, pendant les audiences publiques, que vous allez apprendre ce qui va vous permettre de décider. Bien sûr, il y a un dossier qui a été constitué, c’est tout ce qu’il y a dans cette armoire, là-bas… Vous n’aurez pas le temps de lire tout cela ; donc c’est ici que l’essentiel des choses va se faire. Et ce dossier n’a d’ailleurs devant la Cour d’assises qu’un caractère tout à fait préparatoire. Parce que l’essentiel de ce dossier va revivre devant vous ; les personnes qui ont fait des enquêtes, les personnes qui ont été entendues ou l’essentiel de ces personnes vont revenir ici dire peut-être la même chose que ce qu’elles ont dit dans l’instruction préparatoire, peut-être autre chose.

Donc, c’est ici que vous apprendrez ce qui va vous permettre de prendre votre décision. Ça veut dire qu’il faut être attentif. Ça veut dire que vous allez sans doute prendre des notes. Si vous prenez des notes, de grâce, ne les laissez pas traîner pendant les suspensions d’audience, de manière à éviter que des personnes indiscrètes ne prennent connaissance de vos notes.

Tout au fil de la procédure, je vous donnerai des explications. J’essaierai d’être le plus clair possible, mais ce n’est pas toujours facile d’être clair quand on est un habitué et qu’on doit s’adresser à des profanes. Alors, si quelque chose n’est pas clair, n’hésitez pas à poser des questions. N’hésitez pas non plus si à un certain moment vous êtes fatigués, si vous avez l’un ou l’autre problème qui nécessite que vous vous absentiez pendant quelques instants de la salle d’audience, n’hésitez pas à le faire savoir de manière à ce que l’audience puisse être suspendue et que vous puissiez, soit vous reposer, soit satisfaire une absence absolument indispensable.

Les débats, je vous l’ai dit, dureront vraisemblablement six semaines, peut-être un peu moins, peut-être un peu plus. Les audiences en principe se tiendront de 9 h à midi, midi et demi, le matin. Et de 13 h, 13 h 30 jusqu'à 17 h, 17 h 30, l’après-midi, avec des suspensions le matin et l’après-midi.

Il est déjà prévu dans la mesure où la durée des débats permettrait peut-être de se rendre compte qu’il va y avoir des congés, du genre 1er mai, on a prévu dans le programme de vous permettre de faire le pont, comme on dit. Ça veut dire que si vous voulez partir en week-end et à ce moment-là prolonger, vous êtes en droit du faire, mais n’oubliez pas de revenir, ou essayez de ne pas avoir d’accident durant ces moments que vous prendriez pour vous relaxer.

Vous avez déjà pu rencontrer très brièvement sans doute les huissiers d’audience ; ce sont des personnages tout à fait charmants qui vous fourniront bien des explications en tout cas sur les aspects matériels, sur les repas, sur les indemnités, sur les cartes d’accès au parking. Vous obtiendrez auprès d’eux tous les renseignements nécessaires.

Un procès d’assises, en ce qui concerne votre rôle de juges, comprend six grandes parties :

La première, c’est la lecture d’une série d’actes de procédures.

La seconde, c’est l’examen oral de la cause en audience publique qui comprend l’interrogatoire des accusés, l’audition des témoins et des experts.

Une fois cet examen terminé, la partie civile, ou les parties civiles, l’avocat général et la défense des accusés prendront la parole pour défendre leur point de vue à propos des accusations et surtout à propos de la culpabilité ou de l’innocence de chacun des accusés, éventuellement ce premier temps de parole sera suivi de répliques de la part de chacune de ces parties.

Une fois cela terminé, les débats seront clos, et le président vous adressera un questionnaire auquel vous devrez répondre. Vous aurez toutes les explications techniques sur la manière de répondre, je dis bien techniques, on ne vous dira pas s’il faut répondre oui, ou non. On dira techniquement comment il faut répondre à ce questionnaire. Et vous entrerez donc en délibération à propos de ce questionnaire. Et cette délibération vous permettra de statuer sur chacune des questions et de vous prononcer sur la culpabilité ou l’innocence de chacun des accusés et à propos de chacun des faits qui est reproché à chacun des accusés.

La cinquième étape, c’est votre verdict, la décision d’acquittement si vous dites que quelqu'un n’est pas coupable. Et dans ce cas-là, il y aura des ordonnances d’acquittement qui seront rendues. Ou un verdict de culpabilité. Si vous dites que l’un ou l’autre des accusés est coupable de tout ou d’une partie des faits qui lui sont reprochés, c’est un verdict, partiellement, mais qui sera un verdict de culpabilité. Dans ce cas-là, il y aura un deuxième débat pour ceux des accusés qui auraient été déclarés coupables par votre jury de l’un ou l’autre des faits ; il y aura un nouveau débat qui concernera la peine qu’il conviendrait d’appliquer aux faits que vous auriez déclaré établis. Dans ce débat-là, seul Monsieur l'avocat général et la défense de l’accusé ou des accusés concernés par le verdict de culpabilité interviendront ; les parties civiles n’interviendront plus.

Il y aura alors une nouvelle délibération du jury et de la Cour sur la peine et le prononcé d’un arrêt conforme à cette délibération de la Cour et du jury réunis.

Nous allons après le repas entreprendre la première partie de cette longue, longue procédure, c'est-à-dire la lecture des actes de procédures, encore que je crois savoir qu’il y aura même avant la lecture des actes des conclusions qui seront prises par certaines parties demandant certaines choses.

Rassurez-vous, quand il sera question de problèmes purement juridiques, ce ne sera pas à vous de répondre aux questions qui se posent, ce sera uniquement à la Cour composée de mes deux assesseurs et de moi-même ; les problèmes d’ordre juridique seront tranchés par la Cour d’assises, mais uniquement par les magistrats professionnels ; vous n’aurez pas à intervenir dans les décisions d’ordre purement juridique.

Compte tenu de l’heure, je vais donc maintenant suspendre l’audience. Nous la reprendrons cet après-midi, à 14 h, de manière à ce que vous puissiez et nous aussi prendre un repas. D’ici là, vous aurez peut-être encore l’occasion de rediscuter entre vous, jurés effectifs, si vous maintenez ou non le chef des jurés actuel. Je vous l’ai dit, c’est jusqu'à ce que les débats soient clôturés, donc vous avez, à moins que le procès ne soit fini cet après-midi, vous aurez quelques semaines pour réfléchir à un changement éventuel de chef de jury.

L’audience est suspendue et reprend cet après-midi à 14 h.

 
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