assises rwanda 2001
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compte rendu intégral du procès
Procès > Exceptions préliminaires > Réponse avocat général
1.  Avocats défense: problèmes procédure, écartement pièces dossier, irrecevabilité 2. Réponse avocat général 3. Réponses partie civile 4. Réponses défense 5. Conclusions président
 

3.2. Réponse de l’avocat général

Le Président : L’audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Je me permets de rappeler à toutes les personnes présentes que tous les GSM soient coupés de manière à ne pas perturber le cours des débats. Les avocats de Monsieur HIGANIRO.

[Bruit de fond-Inaudible]

L'Avocat Général : …Il n’en a rien été. La défense, disons n’a pas été jusqu’au bout du raisonnement, et à un certain moment elle a abandonné son pourvoi, elle s’est désistée de son pourvoi, ce qui me semble quand même, vu l’importance de l’enjeu, et cette importance apparemment est tellement grande qu’on vous repasse encore une fois le plat aujourd'hui, ce qui me semble quand même assez symptomatique.

Alors, il me paraît tout à fait clair que toutes les juridictions se sont déjà prononcées sur ce problème et qu’il n’y a pas lieu à déclarer irrecevables les poursuites à l’égard de Monsieur HIGANIRO.

Je termine cette partie en reprenant une petite phrase de Maître EVRARD. Maître EVRARD vous a dit en termes de plaidoirie qu’on a jugé quelque chose au TPIR à Arusha. Eh bien, oui. On a jugé quelque chose, mais on a jugé tout à fait autre chose que ce qui vous est soumis aujourd'hui.

Vous pourrez prendre connaissance de l’acte d’accusation du procureur du TPIR ; vous pourrez prendre connaissance de la décision du TPIR. Ils se trouvent au dossier et vous pourrez les consulter. Vous verrez qu’il s'agit d’un tout autre débat selon de toutes autres règles, selon une toute autre procédure que celle qui s’ouvre aujourd'hui devant vous. Par exemple, je vous donne un simple exemple, l’acte d’accusation du TPIR visait nommément à l’égard de Monsieur HIGANIRO le crime de génocide, alors que Monsieur HIGANIRO ici pour des raisons techniques que je vous expliquerai plus tard est poursuivi pour des infractions graves du droit international humanitaire, ce qui n’est pas exactement la même chose.

Il n’y a donc pas d’autorité de la chose jugée et d’autre part, les juridictions compétentes belges ont tranché de manière claire et sans équivoque aucune ce problème.

Deuxième problème : l’écartement des pièces. Je réfute avec véhémence la thèse selon laquelle des pièces auraient été versées au dossier en violation des règles de notre procédure pénale ou en violation des règles des droits de la défense. Je m’étonne aussi quand même que ces demandes d’écartement des pièces n’aient pas été formulées en temps opportun devant les juridictions adéquates instaurées justement dans ce but par notre législateur. L’article 235bis du Code d’instruction criminelle auquel j’ai déjà fait allusion donne expressément aux parties la possibilité de demander à la Chambre du conseil, puis après à la Chambre des mises en accusation, et puis, le cas échéant, à la Cour de cassation de déclarer nulles certaines pièces et d’ordonner que ces pièces soient écartées du dossier. Je constate qu’aucune des parties n’a fait usage de cette possibilité et que c’est à la toute dernière minute, avant la lecture de l’acte d’accusation, qu’en une fois on semble découvrir la portée essentielle de l’article 235bis du Code d’instruction criminelle. Aucune demande à aucune époque n’a été formulée pour écarter quelque pièce que ce soit de ce dossier.

Les commissions rogatoires exécutées au Rwanda ont reçu l’autorisation du ministre de la justice belge, ont reçu l’autorisation du ministre de la justice rwandais, ont été exécutées conformément au droit rwandais par les autorités judiciaires rwandaises. Je signale ici que je trouve l’argument un peu faiblard que j’ai lu qu’on conteste l’existence des deux autres commissions rogatoires au motif qu’on ne trouve pas les pièces émanant du juge d’instruction. La réponse en est tout à fait simple : la commission rogatoire au Rwanda a eu lieu en trois vagues. C’est en somme une commission rogatoire qui, vu le nombre invraisemblable de devoirs qui a dû être exécuté, a bien entendu été scindée en trois étapes distinctes, mais ces trois étapes distinctes portaient chaque fois sur la même commission rogatoire et portaient chaque fois sur l’audition de témoins concernant Monsieur HIGANIRO, Monsieur NTEZIMANA et les deux sœurs.

Lorsque je lis certains passages des conclusions, j’ai quand même un peu l’impression que la défense est un grand adepte de la méthode Coué. Car il ne suffit pas de dire que des pièces ont été transmises par le TPIR, et je cite, « en contrariété avec les règles internes du TPIR » pour que ce soit ainsi. Je ne vois aucunement où les règles internes du TPIR pourraient avoir été transgressées. Je ne vois pas où il y a une violation des règles internes du Tribunal pénal international. Ces pièces ont été jointes à la demande du magistrat instructeur ici en Belgique ; ces pièces sont arrivées ici en Belgique de manière tout à fait régulière, de manière tout à fait légale ; ces pièces ont été jointes au dossier de manière tout à fait régulière, et tout à fait légale et ces pièces ont été soumises à la contradiction de toutes les parties.

Même chose lorsque l’on m’affirme que des pièces auraient été versées au dossier suite à l’intervention de tiers. Ma réponse est la même : ces pièces sont arrivées en Belgique chez le juge d’instruction qui les a versées au dossier, qui les a reçues de manière tout à fait régulière, qui les a jointes au dossier et qui les a soumises à la contradiction.

Qu’il me soit d’ailleurs permis, et vu l’intervention d’il y a quelques instants, je serai prudent, mais qu’il me soit quand même permis de dire également que d’autres pièces émanant plutôt de la part de la défense ou qui sont des pièces qui démontrent certaines thèses de la défense ont également été jointes à l’intervention de tiers. Je pense ici à la fameuse lettre de Monsieur le témoin 21 Martin qui sera entendu comme témoin ici et qui concerne ou qui concernait soi-disant les travaux de nivellement dans sa fabrique la SORWAL, tout cela pour expliquer l’emploi fort embêtant pour Monsieur HIGANIRO des mots « travailler », « nettoyer », « nettoyage ». Vous verrez lorsqu’on entendra le témoin que dans le contexte rwandais, ces termes avaient à cette époque-là une signification tout à fait spécifique.

On a fait allusion à l’arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 1999 disant que le juge d’instruction est dessaisi par son rapport en Chambre du conseil. Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que cette décision de la Cour de cassation a fait l'objet de vives critiques dans la jurisprudence ; je signale ici qu’il y a un arrêt de Monsieur MORLET sous cet arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 1999 qui dit qu’il s'agit là d’une opinion et d’une thèse fort stricte et qui ne correspond pas aux principes généraux de notre procédure pénale.

Quoiqu’il en soit, parce que si l’on applique cette jurisprudence à la lettre, ça voudrait dire que c’est le juge d’instruction qui se dessaisit lui-même du dossier, on se demande encore à quoi devrait alors servir l’ordonnance de la Chambre du conseil qui en outre reprend dans son dispositif qu’elle dessaisit le juge d’instruction. Mais comme on l’a déjà signalé de la part de la défense même, je signale quand même à l’attention de la Cour que tant dans le dossier 3795 que dans le dossier 6295, le juge d’instruction est resté saisi dans le premier cas de X et dans le deuxième cas de l’affaire en cause de Monsieur Michel le témoin 60.

Dans la mesure donc où dans le cadre de cette saisine que conserve, qu’a conservée et que conserve encore actuellement le juge d’instruction, des pièces lui sont transmises, que ces pièces ont trait aux accusés ici présents, il me semble tout à fait normal, et je dirais même plus que normal qu’il est du devoir du juge d’instruction de communiquer ces pièces et de joindre ces pièces au dossier.

Dernier élément, Monsieur Emmanuel REKERAHO. L’intéressé a été condamné à mort au Rwanda pour son implication dans les événements à Butare. Ne soyons quand même pas dupes. Les avocats de la défense savent très bien que l’audition d’une personne ici en Belgique condamnée au Rwanda, donc l’audition physique de cette personne est impossible. Notre droit, le droit pénal rwandais ne le permet pas, et toutes les parties ici le savent. C’est d’ailleurs justement pour cette raison qu’une commission rogatoire a été adressée pour entendre l’intéressé et que vous entendrez, outre le juge d’instruction, outre des enquêteurs et outre des témoins de l’affaire à Butare, que vous entendrez aussi l'enquêteur Monsieur Jean TREMBLAY qui a procédé à l’audition de Monsieur REKERAHO. La défense sait aussi bien que moi que cela n’est pas contraire à la règle de l’oralité des débats.

Et Maître VERGAUWEN qui a l’habitude de la Cour d’assises le sait très bien, ce n’est pas la première fois qu’un témoin ou que plusieurs témoins ne se présentent pas devant une Cour d’assises et notre droit interne vous donne la solution : à ce moment-là il faut lire la déclaration de l’intéressé. Vous aurez donc ici le juge d’instruction, les enquêteurs, les témoins, Monsieur TREMBLAY et la déclaration de Monsieur REKERAHO qui se trouve dans le dossier. La décision qui est invoquée par Maître VERGAUWEN ne me semble d’ailleurs pas concerner cette hypothèse. Monsieur REKERAHO a été entendu dans le courant de l'instruction et pour des raisons légales, ne peut pas se présenter à l’audience. C’est en somme le cas contraire de ce qui est signalé dans l’arrêt que Maître VERGAUWEN a commenté.

En conclusion, je crois qu’il n'y a pas lieu à déclarer l’irrecevabilité des poursuites, qu’il n'y a pas lieu à écarter quelque pièce que ce soit de ce dossier et il me semble bien évidemment exclu et contraire à votre devoir d’impartialité, et d’ailleurs illégal me semble-t-il, de donner acte à une partie qu’il y a une violation des droits de la défense.

Le Président : Je vous remercie. Les parties civiles. D’abord Maître BEAUTHIER.

 
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