assises rwanda 2001
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Instruction générale d'audience Présentations parties compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction générale d’audience > Présentation parties > C. Mukangango
1. V. Ntezimana 2. A. Higaniro 3. C. Mukangango 4. J. Mukabutera
 

5.2.3. Présentation des parties: Consolata MUKANGANGO

Le Président : L’audience est reprise, vous pouvez vous asseoir. Je vais demander à Madame MUKANGANGO de bien vouloir se lever. Madame, vous vous appelez, en religion, sœur Gertrude ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Je vous avouerais que pour moi, ce serait plus facile de vous appeler comme cela mais comme vous êtes accusée, je vais quand même vous appeler Madame MUKANGANGO tout en vous demandant, comme je l’ai demandé à Monsieur NTEZIMANA et à Monsieur HIGANIRO, si votre patronyme a une signification ? Est-ce que MUKANGANGO signifie quelque chose, un événement heureux ou malheureux ou une invocation quelconque ?

Consolata MUKANGANGO : Je ne crois pas que mon nom ait une signification particulière au Rwanda. Les jeunes filles portaient le même nom que moi et donc je ne connais pas la signification.

Le Président : Vous êtes née en 1958 dans la préfecture de Gitarama et plus précisément, puisque le Rwanda est le pays des mille collines et que, semble-t-il, on localise les gens par les communes qu’ils habitent ou où ils résident ou où ils naissent, vous êtes née sur la co      lline de Kinyambi 

Consolata MUKANGANGO : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Vous semblez, en tout cas lorsque vous avez établi votre curriculum vitae avec la police judiciaire, avoir eu quelques doutes sur vos origines ethniques ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Vous avez une carte d’identité Hutu mais vous n’êtes pas certaine de votre origine ethnique ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, Monsieur le président. J’ai une carte d’identité Hutu mais pendant ma jeunesse et jusqu’à la fin de ce génocide, j’ai été toujours considérée comme Tutsi ayant une carte d’identité Hutu.

Le Président : Vous aviez un frère et deux sœurs ?

Consolata MUKANGANGO : J’ai un frère et deux sœurs.

Le Président : Qui sont toujours en vie ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, ils sont toujours en vie, Monsieur le président.

Le Président : Ils vivent toujours au Rwanda ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, ils sont au Rwanda, Monsieur le président.

Le Président : Vos parents, par contre, sont décédés. Votre père aurait été assassiné, avez-vous expliqué, au cours de la guerre au Rwanda, mais à quel moment, parce que la guerre au Rwanda, cela peut être en 1990 ou à un autre moment, cela peut être en 1994, en 1992, en 1993 ?

Consolata MUKANGANGO : Mon père est décédé en 1994 à l’époque du génocide. Mes parents ont dû fuir la maison paternelle à cause de l’attaque des miliciens, mon père fuyant avec les autres a été fusillé avec ma mère ; mon frère et les autres ont réussi de se cacher et ont survécu.

Le Président : Quel a été votre parcours scolaire ?

Consolata MUKANGANGO : J’ai fait l’école primaire dans mon village à Kinyambi. Après cela, j’ai fait l’école familiale chez les sœurs bernardines de Oudenaarde pendant trois ans. Quand j’ai terminé mes études, j’étais déterminée à devenir religieuse mais les conditions familiales m’ont sollicitée pour une aide durant un an, que j’ai acceptée. Après cela, je suis rentrée.

Le Président : Vous pouvez expliquer quelles étaient ces circonstances qui ont fait que vous n’avez d’abord, semble-t-il, pas pu poursuivre des études que vous auriez bien voulu poursuivre ?

Consolata MUKANGANGO : Quand j’ai terminé la formation de l’école familiale, j’avais bien réussi et mon père aurait aimé que j’étudie, moi également. Mais étant deuxième d’une famille de cinq enfants, ma grande sœur venant de se marier, je me suis sentie obligée d’aider ma mère qui avait une petite santé et pour lui permettre de s’habituer à ne pas avoir ma sœur et moi-même auprès d’elle. Après un an, elle a pu se débrouiller, donc je suis entrée dans le couvent.

Le Président : Vous avez expliqué qu’il y a eu ce problème-là mais qu’en plus il vous aurait fallu, semble-t-il, un piston pour trouver une école ? Pour rentrer à l’école au Rwanda, il faut un piston peut-être ? Ce n’est pas impossible. Nous, c’est pour devenir magistrats qu’il nous faut un piston !

Consolata MUKANGANGO : Mon père étant un simple marchand, n’avait pas une situation importante au niveau social pour me permettre d’avoir accès facilement à l’école secondaire, je n’ai pas eu de piston parce que cela est un fait qui était courant.

Le Président : Vous êtes donc rentrée relativement jeune finalement au couvent, vous aviez 19 ans, je crois ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Vous êtes immédiatement rentrée au couvent de Sovu ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, Monsieur le président.

Le Président : La colline de Sovu par rapport au lieu où vous avez vécu votre enfance et votre adolescence, c’est très éloigné ou pas ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, à ce moment-là, c’était assez bien éloigné parce que les routes n’étant pas asphaltées, passer de ma colline de Kinyambi jusqu’à Butare c’était très loin et cela faisait une question de toute une journée de voyage en voiture.

Le Président : Au sein du monastère, vous avez suivi une formation ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, j’ai suivi une formation normale comme toutes les jeunes qui entrent dans la vie monastique, le postulat, le noviciat et durant ce temps, il y avait des cours qui nous étaient accordés, organisés par la supérieure de la communauté.

Le Président : A un moment donné, vous avez quitté le Rwanda pour vous rendre d’abord en France pour suivre des cours de théologie ?

Consolata MUKANGANGO : Oui.

Le Président : A Angers ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, quand j’ai fait mes vœux perpétuels en 1984, la supérieure m’a demandé d’aller en France pour faire des études de théologie en vue de m’occuper des jeunes sœurs dans la vie religieuse.

Le Président : Vous n’êtes pas restée très longtemps là-bas en France ? Vous avez, semble-t-il, préféré alors venir en Belgique pour poursuivre cette formation théologique ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, quand je suis arrivée en France dans l’université d’Angers, j’ai suivi des cours de théologie mais je ne m’y suis pas sentie à l’aise. Etant encore jeune dans la foi, je n’étais pas à même de suivre les courants d’idées qui circulaient à cette époque, cela me déstabilisait au niveau de ma foi et j’ai préféré revenir en Belgique où des cours étaient organisés pour les moines et moniales et qui étaient mieux adaptés à ce que je désirais faire.

Le Président : Vous êtes donc venue suivre ces cours à l’abbaye de Maredsous ?

Consolata MUKANGANGO : Les cours étaient organisés à partir de l’abbaye de Maredsous pour tous les moines et moniales bénédictins et cisterciens et cela se donnait dans un lieu différent tous les trimestres.

Le Président : Normalement, il s’agit d’un cycle de trois ans mais que vous n’avez pas achevé d’un coup, si je puis dire, vous êtes rentrée au Rwanda à un moment donné parce que vous étiez, avez-vous expliqué, fatiguée et vous êtes revenue alors en Belgique en 1990 pour terminer ce cycle d’enseignement théologique ?

Consolata MUKANGANGO : Effectivement, oui.

Le Président : Ces études terminées, vous êtes alors retournée au Rwanda en 1991, toujours dans le même couvent de Sovu où vous êtes restée jusqu’en 1994, jusqu’en juillet 1994 ou fin juin ou début juillet 1994 ?

Consolata MUKANGANGO : Jusqu’au 3 juillet 1994, je suis restée à Butare et nous avons été évacuées dans le camp de Murambi à Gikongoro où nous avons pu avoir un avion pour Bukavu et de Bukavu à Goma, de Goma à Bangui, nous sommes arrivées en France et de France en Belgique.

Le Président : Vous êtes devenue la sœur supérieure de Sovu à quelle époque ?

Consolata MUKANGANGO : J’ai été élue supérieure de la communauté le 2 juillet 1993.

Le Président : C’est par élection ? Les élections se font comme chez nous tous les quatre ans pour le Parlement, ou je ne sais pas ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, cela s’est fait par élection dans la communauté. La prieure est élue pour huit ans. J’ai été élue pour quatre ans parce que j’étais la première rwandaise à être élue comme prieure après un mandat prolongé de notre fondatrice, mère Marie-Jeanne         DE MEULEMEESTER et donc, comme la communauté faisait un nouveau passage, nous avons préféré avoir un mandat de quatre ans pour pouvoir faire certaines expériences.

Le Président : Vous êtes donc à Maredret maintenant depuis combien de temps ?

Consolata MUKANGANGO : Je suis à Maredret depuis le 6 août 1994.

Le Président : Vous avez des fonctions particulières dans ce couvent ?

Consolata MUKANGANGO : Actuellement, depuis quatre ans, je fais une formation de secrétariat de direction à l’école de la ville de Namur. A cause de cela, je n’assume aucune fonction dans la communauté de l’abbaye de Maredret.

Le Président : Pour les deux hommes que j’ai interrogés il y a quelques minutes, je leur ai demandé quels étaient leurs loisirs, j’imagine qu’il n’y a pas d’équipe de basket ou de football ou que sais-je à l’abbaye de Maredret, mais avez-vous des loisirs ou des centres d’intérêt particuliers ?

Consolata MUKANGANGO : Mes loisirs comme religieuse, en dehors de la prière et de la lecture, j’aime les promenades, les marches.

Le Président : N’étiez-vous pas une bonne chanteuse ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, j’ai assumé la charge de responsable de chœur au monastère au Rwanda et j’aimais beaucoup chanter.

Le Président : Est-ce que vous chantez encore ?

Consolata MUKANGANGO : Malheureusement, à cause de la guerre et tous les assauts que j’ai subis, je ne sais plus chanter.

Le Président : Vous souhaitez éventuellement encore ajouter autre chose pour qu’on cerne un peu votre personnalité ?

Consolata MUKANGANGO : Oui, ce que je peux ajouter, c’est que durant ma vie religieuse à Butare, j’ai pu collaborer à la Fondation des jeunes religieux et religieuses des communautés à Butare. J’ai enseigné l’anthropologie morale, donc j’aidais les jeunes à découvrir le sens de la liberté dans cette ligne, que la vraie liberté c’est l’amour et là-dedans j’ai bien réussi à faire passer le message. Je me suis occupée aussi de la revue Urumuli Rwa Kirisitu qui avait comme président l’abbé Smaracht MBONYINTEGE aussi dans le sens de l’évangélisation et aussi j’ai écrit quelques fascicules à propos des apparitions de Kibeho et aussi pour traduire le message du pape pour aider la population à avoir une vraie compréhension de la doctrine mariale.

Le Président : Souhaitez-vous encore dire quelque chose ?

Consolata MUKANGANGO : Je vous remercie, Monsieur le président.

Le Président : Vous pouvez vous asseoir, Madame. J’ajoute que vous n’avez évidemment pas d’antécédent judiciaire en Belgique et que j’imagine que vous n’en aviez pas au Rwanda ?

Consolata MUKANGANGO : Non.