assises rwanda 2001
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Instruction générale d'audience Audition témoins de contexte compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction générale d’audience > Audition témoins de contexte > G. Sebudandi, journaliste
1. C. Braeckman, journaliste 2. F. Reyntjens, juriste 3. A. Desforges, historienne 4. G. Sebudandi, journaliste 5. Y. Mukagasana, écrivain 6. R. Zacharia, médecin 7. J.P. Chrétien, historien, J.F. Dupacquier, journaliste 8. F. Twagiramungu, ex premier ministre rwandais 9. J. Matata 10. C. Vidal, historienne, sociologue 11. C. De Beul, ingénieur technicien 12. W. Defillet, assistant social 13. E. Vandenbon, assistante sociale 14. A. Vandeplas, magistrat retraité 15. le témoin 39, ex militaire de l’APR 16. le témoin 135 17. Explication suite déroulement procès 18. le témoin 41, sociologue 19. F.X. Nsanzuwera, ex procureur République à Kigali 20. A. Guichaoua, sociologue et commentaires A. Higaniro
 

5.5.4. Témoin de contexte : Gaëtan SEBUDANDI, journaliste

Le Président : Alors il nous reste encore Monsieur SEBUDANDI qui n'a pas fait beaucoup de déclarations dans le dossier et qui a toujours promis d'envoyer des pièces qui apparemment ne sont jamais parvenues à personne. On va essayer de l'entendre quand même hein, Monsieur SEBUDANDI. Il a peut-être la pièce avec lui. Ça ira pour un dernier effort avant le week-end ?

Le Président : Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

Gaëtan SEBUDANDI : SEBUDANDI Gaëtan.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

Gaëtan SEBUDANDI : Soixante-dix ans.

Le Président : Quelle est votre profession ?

Gaëtan SEBUDANDI : Journaliste.

Le Président : Quelle est votre commune de domicile ou de résidence ?

Gaëtan SEBUDANDI : Cologne, en Allemagne Fédérale.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés avant le mois d'avril 1994 ?

Gaëtan SEBUDANDI : Personnellement, on ne peut pas dire que je connaissais les accusés.

Le Président : Non… ça suffit !

Gaëtan SEBUDANDI : Mais il y en a un tout de même que j'ai déjà rencontré avant cette date.

Le Président : Avant avril 94, lequel ?

Gaëtan SEBUDANDI : L'ancien ministre.

Le Président : Monsieur HIGANIRO ?

Gaëtan SEBUDANDI : Exactement.

Le Président : Alors, êtes-vous de la famille des accusés ou des parties civiles ?

Gaëtan SEBUDANDI : A ma connaissance non.

Le Président : Vous ne travaillez pas pour les accusés ni pour les parties civiles ?

Gaëtan SEBUDANDI : Non, non, je suis un journaliste indépendant.

Le Président : Voilà. Eh bien, je vais vous demander de bien vouloir lever la main droite et de prononcer le serment de témoin qui vous est présenté.

Gaëtan SEBUDANDI : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie, Monsieur SEBUDANDI. Asseyez-vous. Monsieur SEBUDANDI, en 1994 au mois d'avril, étiez-vous au Rwanda ?

Gaëtan SEBUDANDI : Je crois que je ne serais pas là pour venir témoigner si j'y avais été à cette date-là.

Le Président : A quand remontait - avant les faits d'avril 94 - à quand remontait votre dernier passage au Rwanda ?

Gaëtan SEBUDANDI : Exactement en 1990, janvier 90.

Le Président : C'est à cette occasion-là que vous avez rencontré Monsieur HIGANIRO ?

Gaëtan SEBUDANDI : Exactement oui. Très brièvement d'ailleurs. Il m'a été présenté alors que je devais faire une interview avec le secrétaire exécutif de la Communauté des grands lacs dont il était l'adjoint.

Le Président : C'est ça. Donc, il n'était pas ministre à l'époque ?

Gaëtan SEBUDANDI : Ah non, non, non ! Il était à la Communauté des grands lacs.

Le Président : Euh… est-ce que vous avez connaissance personnelle d'éléments qui permettraient de nous éclairer sur les événements du mois d'avril 1994 ? Vous avez expliqué dans des auditions que vous étiez persuadé que le génocide, qui s'est déclenché à ce moment-là, était bien orchestré et vous avez expliqué - notamment - que vous aviez un exemple concret. Vous avez expliqué ça aussi bien aux enquêteurs de la police judiciaire de Bruxelles qu'aux enquêteurs du Tribunal pénal international, parce que vous aviez reçu un fax en mars 1993 à la rédaction de votre journal ou chez vous, je ne sais pas où…

Gaëtan SEBUDANDI : Oui, c'était à la rédaction que j'ai reçu ce fax.

Le Président : Ah ! Et qui était un pamphlet incitant à l'élimination de Tutsi qualifiés dans ce document « d'ennemis intérieurs », et ce document mentionnait qu'il était diffusé par la radio, vous avez dit…

Gaëtan SEBUDANDI : A plusieurs reprises il a été…

Le Président : Pardon…

Gaëtan SEBUDANDI : …il a été diffusé par la radio nationale rwandaise.

Le Président : Mais vous n'y étiez pas au Rwanda ?

Gaëtan SEBUDANDI : Ah, il faut peut-être que je…

Le Président : Mais vous avez peut-être écouté la radio rwandaise, moi je ne sais pas…

Gaëtan SEBUDANDI : Il faut peut-être que je vous précise quelques détails qui vous feront mieux comprendre…

Le Président : La porte doit rester ouverte.

Gaëtan SEBUDANDI : …qui feront comprendre l'intérêt avec lequel j'ai suivi l'évolution dans mon pays natal, durant toute la période de crise et particulièrement à partir d'octobre 90. Je travaillais à l'époque pour « La Voix de l'Allemagne », la « Deutsche Welle » qui est un organe gouvernemental un peu comme la RTBF ici, mais qui émet à destination des pays d'Outre-Mer et d'Afrique en particulier. Et qui possède son relais pour l'Afrique à Kigali. Ce qui veut dire que nous avions des relations de coopération particulièrement étroites entre mon employeur « La voix de l'Allemagne » et les autorités rwandaises bien entendu, et la radio rwandaise en particulier. Donc, nous recevions tous les jours les extraits, les monitoring des déclarations faites par radio Rwanda tous les jours.

Le Président : Et c'est comme ça que le texte de ce document qui vous était faxé, vous avez pu constater, dans les relevés qui vous étaient envoyés des émissions radio, que ce texte était…

Gaëtan SEBUDANDI : A été plusieurs fois dans la journée diffusé. C'était juste avant les massacres qui se sont déroulés au Bugesera.

Le Président : C'est ça ! Alors vous avez expliqué que dans les jours qui ont suivi cette émission ou ces émissions radio, un massacre en tous cas a eu lieu, dans la province du Bugesera avez-vous dit ?

Gaëtan SEBUDANDI : Eh bien c'est exact. Avant même le déclenchement des massacres au Bugesera, dès que j'ai reçu le fax, je l'ai transmis au responsable de « La voix de l'Allemagne » pour le secteur Afrique, en leur disant : « Ce texte veut dire ceci : demain il y aura des massacres, c'est clair ! ». C'était évident. C'était comme un message codé si vous voulez.

Le Président : Ah, c'était quand même un message codé, parce que pour vous c’était clair, mais ce n’était pas clair pour tout le monde ?

Gaëtan SEBUDANDI : C’est pour cela que je me suis donné la peine de l’expliquer à mes employeurs.

Le Président : Alors, ce fax, vous aviez dit que vous l’avez envoyé au juge d’instruction, moi, je n’ai jamais vu que ce fax était arrivé. Je me trompe peut-être parce que le dossier est tellement volumineux, une page, cela peut passer inaperçu mais... Curieusement vous avez dit au TPIR : « Je vais vous l’envoyer aussi ». Je ne sais pas, est-ce que vous avez envoyé ce document ?

Gaëtan SEBUDANDI : Ce document je l’ai envoyé au TPIR. Oui, ils l’ont.

Le Président : C’était un document rédigé en kinyarwanda.

Gaëtan SEBUDANDI : Oui, c’était kinyarwanda, bien sûr, parce qu’il faut dire que les émissions en langue française, capable d’être captées dans les pays autres que le Rwanda étaient tout de même un peu plus discrètes sur ce sujet que celles qui était diffusées en kinyarwanda.

Le Président : Quand vous dites, notamment que c’était codé, cela veut dire quoi ? Quel était le genre de terme qui était utilisé et la traduction que vous, ou le décodage que vous en avez fait ?

Gaëtan SEBUDANDI : Je vais essayer de reconstituer de mémoire l’impression que j’ai ressentie ce jour-là. Arrive un texte qui invite la population à prendre les devants pour devancer les plans machiavéliques de l’ennemi dont le projet était d’éliminer toutes les têtes pensantes, l’élite Hutu.

Le Président : Cela ne paraît pas très codé, tout cela jusqu’à présent, cela me paraît assez clair.

Gaëtan SEBUDANDI : Pour certains, ils ne comprennent pas tout de suite, mais en tout cas, ce qui était codé, c’est ceci… C’est que le texte, le libellé disait que cette mise en garde avait été envoyée par un observateur qui se trouvait à Nairobi, qu’il a donc adressé aux autorités rwandaises, lesquelles ont diffusé en disant : « Le message que nous avons reçu, dit ceci, à vous d’en tirer les conclusions ». Il se fait que ce texte, quand je l’ai eu entre les mains, j’ai eu un réflexe tout à fait professionnel pour voir d’où provenait le numéro émetteur du fax.

Le Président : C’est cela.

Gaëtan SEBUDANDI : Et bien, le numéro émetteur du fax qu’ils n’ont pas eu l’intelligence d’effacer, provenait de Kigali vers Nairobi et de Nairobi vers Kigali. C’est-à-dire que le point de départ, il avait été fabriqué à Kigali et je l’ai fait vérifier, bien sûr, le numéro émetteur correspondait au numéro de la centrale du MNRD, le siège de l’ex-parti unique.

Le Président : Et vous avez expliqué quelques jours après, donc il y a un massacre, 300 personnes selon le bilan officiel, dites-vous ?

Gaëtan SEBUDANDI : C’est exact, oui.

Le Président : Et vous avez considéré qu’il s’agissait d’un coup d’essai, d’un…

Gaëtan SEBUDANDI : Cela avait l’air, oui.

Le Président : Comme une répétition générale...

Gaëtan SEBUDANDI : Comme une répétition générale.

Le Président : Oui.

Gaëtan SEBUDANDI : C’était tout à fait mon impression et je confirme qu’à cette occasion, je ne me suis pas contenté du texte qui arrivait par fax, j’ai également pris contact avec un missionnaire père blanc qui se trouvait dans la région du Bugesera pour avoir confirmation des massacres qui s’y déroulaient, et il m’a parlé ouvertement au téléphone en me disant : « Bien sûr ! Ce que je peux confirmer, ce sont le nombre de tués qui sont arrivés à l’intérieur de notre station. Quant à ce qui se passe derrière les collines, vous savez, on ne peut pas donner d’estimation… ».

Le Président : Cela donc, c’est un document précis, parce que pour le reste vous avez des convictions sur la planification, etc. mais…

Gaëtan SEBUDANDI : Attendez, mes convictions sont basées sur des faits.

Le Président : Sur quoi ? Des choses que vous avez vues, que vous avez vécues ?

Gaëtan SEBUDANDI : Je n’ai pas vécu directement le drame au Rwanda, j’étais tranquillement à Cologne, mais j’ai suffisamment obtenu d’échos en provenance du Rwanda, et aussi des pièces en provenance du Rwanda qui ont renforcé ma conviction. Elle n’est pas basée sur des spéculations.

Le Président : Mmm.

Gaëtan SEBUDANDI : Par exemple, un an exactement après le génocide, au mois de mars 95, je suis reparti au Rwanda avec une équipe de la télévision allemande pour un reportage concernant spécifiquement le rôle de l’Eglise avant, pendant, et après le génocide.

Le Président : Mmm.

Gaëtan SEBUDANDI : A l’occasion de cette visite - qui a duré une quinzaine de jours, je crois, trois semaines même - j’ai pu visiter Butare, j’ai pu rencontrer l’évêque de Butare qui était un de mes vieux amis, j’ai rencontré beaucoup, plusieurs de ses collaborateurs, nous avons visité plusieurs charniers, notamment à côté de l’abbaye de Sovu, tout cela m’a été raconté par des témoins qui étaient sur place à l’époque. J’ai eu également entre les mains un ouvrage collectif publié par l’université nationale de Butare en 1991 déjà. Cet ouvrage - et je cite de mémoire le titre, « La situation des relations inter-ethniques au Rwanda depuis les années 1960 » - cet ouvrage était fait par des professeurs d’université, de plusieurs disciplines. Il y avait des historiens, des politologues, des sociologues et des juristes et d’autres, je crois qu’il y avait au moins une dizaine ou peut-être une douzaine de signataires de cet ouvrage. Ce qui m’a frappé, m’a sauté aux yeux immédiatement, c’est que l’ouvrage en question, publié en 1991, donnait le détail du personnel dans tous les organismes socio-économiques du pays, les entreprises publiques et privées avec exactement le nombre, le total du personnel employé par chaque entreprise et la répartition ethnique au sein de ce personnel.

Combien il y avait de Hutu ? Combien il y avait de Tutsi ? Que représentait, en pourcentage, le nombre des Tutsi dans cette entreprise et dernier détail tout à fait révélateur, quel était le pourcentage excédentaire par rapport au quota autorisé de Tutsi dans chaque entreprise ? Cela m’a frappé, d’autant plus que l’entreprise pour laquelle je travaillais à l’époque, « La voix de l’Allemagne » et sa station de Kigali, était pratiquement tout en haut du palmarès avec le nombre excédentaire de Tutsi par rapport à ce qui était autorisé. Je me suis demandé si on n’avait pas, au passage, compté aussi ceux qui se trouvaient à Cologne, et qui, hélas, étaient également d’appartenance Tutsi, en tout cas, l’excédent pour « La voix de l’Allemagne » avoisinait les 30% par rapport à ce qui était autorisé. Ce sont des faits devant lesquels on ne peut pas fermer les yeux et qui montrent que la planification ne datait pas d’hier.

Le Président : C’est cela, il y a d’autres documents de ce genre dont vous avez eu connaissance ?

Gaëtan SEBUDANDI : Je peux plutôt citer des témoignages de ce genre mais qui ne sont pas écrits mais qui m’ont été faits de vive voix. Lors de mes précédents séjours au Rwanda, vous savez que...

Le Président : Votre dernier séjour avant les faits d’avril, c’est 1990, c’est ça ?

Gaëtan SEBUDANDI  : Celui de 1990, mais j’avais déjà été en 1988 et même en 1984.

Le Président : Mmm.

Gaëtan SEBUDANDI : C’était la date de ma première visite depuis plus de 20 ans de vie dans la diaspora, comme on dit. Et bien à cette occasion-là, notamment en 88, j’ai été de nouveau à Butare et j’ai rencontré très longuement l’évêque de Butare de l’époque avec tous ses collaborateurs. Et à l’époque, déjà, c’est-à-dire en 88, l’un des recteurs qui était autour de l’évêque, recteur du petit séminaire, avec, on était au moins cinq ou six, il y avait le vicaire général de l’époque de l’évêché de Butare qui m’ont dit ceci : «  Toi, tu es un vieil ami, on te doit la vérité et tu as, plus que nous, la chance de rencontrer même les gens, c’est-à-dire les Rwandais de la diaspora à l’extérieur. Est-ce que tu es au courant des projets que l’on prête au FPR, un jour d’envahir le Rwanda ? ». j’ai dit : « Ecoutez, je n’ai pas de contact personnellement avec le FPR ». A l’époque, c’est vrai, je n’en n’avais pas et j’en entends parler comme vous mais... il m’ont dit ceci : « Ecoute, on te fait confiance, tu leur diras de notre part, que ces projets sont insensés parce que s’ils les mettaient à exécution, dis-leur bien ceci, ils ne retrouveront plus personne de nous dans ce pays, on aura tous été exterminés ». Et cela c’était en 88.

Le Président : Et l’évêque de Kigali n’avait pas la possibilité de prendre contact avec le FPR ?

Gaëtan SEBUDANDI : L’évêque de Butare était à l’époque, sans doute, celui qui était le moins bien placé pour tenter de prendre contact avec le FPR parce qu’il était Tutsi et on peut considérer pratiquement qu’il était comme un otage dans ce pays. D’autant plus que sa famille avait joué un rôle politique éminent du temps de la monarchie, avant les années 60, et que donc, il était particulièrement surveillé. Il pouvait, moins que d’autres, se permettre de prendre contact, je crois, avec les gens de la diaspora.

Le Président : Et vous-mêmes vous avez joué l’agent secret en prenant contact avec le FPR ?

Gaëtan SEBUDANDI : Je n’avais pas besoin de jouer les agents secrets, les gens de l’extérieur, évidemment, avaient des contacts entre eux, ils se voyaient de temps en temps. Mais je vous dirais simplement, pour illustrer ce que je viens de vous affirmer, que le jour où la communauté rwandaise de la diaspora en Allemagne, a reçu l’émissaire du FPR qui a pratiquement sondé les diverses communautés rwandaises pour savoir, si en cas d’attaque, ils auraient le soutien de ces groupes, j’ai été le seul à émettre un avis défavorable, parce que je connaissais les conséquences. Tous les autres ont dit : « Il n'y a pas de problèmes …». Moi je me suis prononcé contre.

Le Président : Bien. Y a-t-il des questions à poser ? Monsieur l’avocat général ?

L’Avocat Général : Une simple question, Monsieur le président. Est-ce que le témoin peut confirmer ce qu’il dit dans sa déclaration qu’il a appris d’un représentant d’une fondation, un nommé TINBOUT, Frans Tinbout qui aurait entendu dire…

Gaëtan SEBUDANDI : Frans Tinbout, c’est un francophone originaire de Tahïti.

Le Président : Oui.

L’Avocat Général : Qui aurait entendu dire par Monsieur HIGANIRO, je cite ce qui est dans le PV : « Le temps est venu pour nous d’appliquer au problème Tutsi, la solution finale ».

Gaëtan SEBUDANDI : Eh bien, je confirme, oui ! Cette déclaration émanerait - je ne l’ai pas entendu personnellement, bien entendu - mais émanerait de Monsieur HIGANIRO, ce qui ne m’a pas surpris, disons outre mesure, parce que lorsque je l’avais rencontré, en janvier 1990, à l’époque, le prédécesseur de Monsieur TINBOUT, qui était Monsieur ROUGEMONT, un suisse romand, qui avait été un de mes collègues pendant de nombreuses années, à la rédaction de « La voix de l’Allemagne », m’a reçu et m’a conduit auprès de ses partenaires du secrétariat exécutif de la Communauté des grands lacs où donc, on m’a présenté Monsieur HIGANIRO et ROUGEMONT m’a dit ce jour-là : « Oh méfie-toi de celui-là, cela je te conseille de faire très attention ». Il était déjà réputé être anti-Tutsi à l’époque, c’est tout à fait exact.

Le Président : Oui.

Me. EVRARD : Je souhaiterai poser une question au témoin ?

Le Président : Je vous en prie.

Me. EVRARD : Dans le dossier, carton 14, farde 50, pièce 88, un PV est daté du 28 juillet 1995, Monsieur le témoin vient de nous dire à deux reprises qu’il connaissait Monsieur HIGANIRO pour l’avoir rencontré au siège de la Communauté économique des grands lacs. Pouvons-nous demander au témoin pour quelle raison il a déclaré alors, dans ce PV, que personnellement, il n’avait jamais rencontré cette personne, en parlant de Monsieur HIGANIRO, et page 2, il a précisé qu’au sujet de HIGANIRO, il n’avait aucun renseignement. Merci.

Le Président : Et vous dites aujourd’hui : « Monsieur HIGANIRO, je l’ai rencontré à une occasion... »

Gaëtan SEBUDANDI : Attendez, je ne vois pas à quoi fait allusion Monsieur l’avocat.

Le Président : Vous avez été entendu par la police judiciaire ?

Gaëtan SEBUDANDI : Oui.

Le Président : De Bruxelles ?

Gaëtan SEBUDANDI : Oui.

Le Président : Cela s’appelait police judiciaire à l’époque, cela a changé de nom depuis lors mais... en juillet 1995, le 28 juillet 1995, on vous demande, vous dites : « La dernière fois que j’ai été au Rwanda, c’était en janvier 1990 ».

Gaëtan SEBUDANDI : C’est exact. Oui, jusque-là, ça va.

Le Président : Vous demandez, comme cela n’est pas une déclaration devant le juge d’instruction, je vais vous lire, enfin ce que le PV relate...

Gaëtan SEBUDANDI : Ah c’est cela, parce que je ne suis pas sûr...

Le Président : Selon le PV vous dites : « Je peux effectivement vous parler au sujet de HIGANIRO Alphonse. Personnellement je n’ai jamais rencontré cette personne. Par mon métier je connais sa carrière ». Aujourd’hui vous nous avez dit que vous l’avez rencontré au moins une fois, on vous l’a présenté.

Gaëtan SEBUDANDI : Je l’ai rencontré, probablement. Alors, il est possible que ce soit une faute d’interprétation. J’ai dit que je ne le connaissais pas personnellement, mais je l’ai rencontré une fois.

Le Président : Vous n’avez pas parlé avec lui ?

Gaëtan SEBUDANDI : Non, non, non. Quand je l’ai rencontré à la Communauté, on s’est serré la main, on a échangé deux mots de politesse et puis c’est tout, cela s’arrête là. Cela ne suffit pas pour dire que je connais cette personne.

Le Président : Bien. Oui.

Me. EVRARD : On parle d’une erreur d’interprétation, je voudrais simplement ajouter que ce PV ne fait pas état de la présence d’un traducteur et que le témoin s’exprime parfaitement clairement en français.

Gaëtan SEBUDANDI : Il peut quand même y avoir des erreurs d’interprétation même quand on s’exprime en français.

Le Président : Oui.

Gaëtan SEBUDANDI : Vous êtes d’accord ?

Le Président : Oui, c’était aussi l’époque où on ne relisait pas des formules, « Vous êtes bien sûr que c’est cela que vous avez dit », la ligne « Lecture, persiste et signe au bas du PV... »

Gaëtan SEBUDANDI : Je n’ai certainement pas signé cela.

Le Président : Ah, je vois une signature, je ne sais pas si c’est la vôtre, c’est peut-être la signature de l’enquêteur, il n’y en a qu’une... Bien, d’autres questions ? Oui, Maître CARLIER.

Me. CARLIER : Monsieur le président, dans le dossier au carton 30, farde 97, il y a une pièce qui dit ceci et je voudrais savoir si cela correspond au document qui a été faxé au témoin, la presse dit ceci : « Au début du mois de mars 1992, un document d’une prétendue commission inter-africaine pour la non-violence qui énumérait une liste de personnalités que le FPR devait assassiner avec la complicité du PL, a été diffusée à plusieurs reprises à la radio nationale. Après la diffusion de ce communiqué et des tracts incitant à la haine, des violences se sont déclenchées au Bugesera. Le comportement du bourgmestre RWAMBUKA, alors membre du comité central du MRND, au cours de ces violences, a été dénoncé à plusieurs reprises mais n’a pas été inquiété, la plupart des observateurs, partis politiques, associations de défense des droits de l’homme, presse libre ont déjà mis à nu le recours du MRND au mensonge et à la violence pour se maintenir au pouvoir contre vents et marées ». Est-ce que ce serait les mêmes tracts de 1992, dont le témoin nous a parlé ?

Le Président : Non, si je comprends bien, vous nous avez parlé de mars 1993.

Gaëtan SEBUDANDI : Ecoutez, cela doit être une erreur de mémoire, je pense effectivement que c’est plutôt en 1992 qu’a eu lieu le massacre au Bugesera.

Le Président : Et donc, cela fait... le document que l’on vous donne en lecture.

Gaëtan SEBUDANDI : C’est ça… le résumé correspond tout à fait à ce que j’ai reçu, correspond à cela, tout à fait.

Le Président : Plus de questions ? Plus de questions ? Alors Monsieur SEBUDANDI, est-ce bien des accusés ici présents dont vous avez voulu parler, confirmez-vous dans vos déclarations ?

Gaëtan SEBUDANDI : Je suis venu témoigner à propos... 

Le Président : Je vous demande : « Confirmez-vous vos déclarations ? ».

Gaëtan SEBUDANDI : Je confirme tout à fait mes déclarations mais je voudrais peut-être aussi ajouter une petite remarque.

Le Président : Non, non, quand le témoignage est fini, il est fini.

Gaëtan SEBUDANDI : Comment se fait-il que l’on appelle des témoins sans leur communiquer la date de leur audition ? Cela me paraît quand même incroyable, que l’on soit sur une liste sans avoir été informé et que personne ne s’inquiète de savoir si oui ou non les témoins ont bien reçu la convocation et leur citation ? Peut-être qu’à l’avenir on pourrait vérifier un peu plus soigneusement. Je l’ai appris incidemment par un coup de téléphone que moi j’ai donné à un de mes amis à Bruxelles, que je figurais sur la liste. Il y a peut-être quelques défauts de fonctionnement. je ne sais pas ?

Le Président : Ah... il y a quelques années que l’on dit que c’est comme cela... Les parties sont d'accord pour que le témoin se retire ? Monsieur SEBUNDANDI, la Cour vous remercie, vous pouvez disposer de votre temps.

Gaëtan SEBUDANDI : Merci.

Le Président : Nous allons suspendre l’audience, rassurez-vous, le samedi et le dimanche, il n’y a pas d’audience. Je vous souhaite… oui Maître CARLIER ?

Me. CARLIER : Je dois faire un commentaire pour donner l’information à la Cour, suite au témoignage, le document dont j’ai donné lecture à la Cour et qui figure donc au carton 30, farde 97 est un document qui dénonçait précisément ces tracts appelant à ce qui a été dit par le témoin et qui dénonçait ces pratiques du MRND et ce document est écrit par Monsieur NTEZIMANA en juin 1992.

Le Président : Plus de commentaires ou autres ? Encore un quart d’heure de retard sur ce que l’on avait déjà prévu comme retard, ce n’est pas bien grave. Je vous souhaite à chacun et à chacune un excellent week-end. J’espère que vous pouvez reprendre des forces parce que cette semaine n’a été composée que de 4 jours de travail et la semaine prochaine est composée de 5 jours, mais avec un week-end plus long.