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Instruction d’audience V. Ntezimana Lecture déclarations de témoins par président compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience V. Ntezimana > Lecture déclarations de témoins par président > F. Kikabo
1. le témoin 119 2. le témoin 53 3. le témoin 91 4. le témoin 129 5. Commentaires défense V. Ntezimana 6. F. Kikabo 7. le témoin 76 et commentaires partie civile, défense de V. Ntezimana 8. J.M.V. le témoin 142 et commentaires défense de V. Ntezimana 9. le témoin 5 10. G. Hategekiman 11. A. Rutibabarir 12. le témoin 63 13. le témoin 107
 

6.4.6. Lecture de déclarations de témoins par le président: Faustin le témoin 45

Le Président : L’audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place. Y a-t-il déjà des témoins présents ? Bien. Il n’y a pas encore de témoins qui soient présents. Je propose qu’on utilise le temps pour des lectures, de manière à avancer quand même. Vous aurez, sans doute dans le courant de la matinée, une liste des noms des témoins auxquels les parties ont renoncé jusqu’à présent, de manière à ce que vous puissiez vérifier par la suite s’il y a des lectures qui sont inutiles. Alors, on s’était arrêté hier aux lectures en ce qui concerne Monsieur le témoin 129. Le suivant, selon moi, c’est Monsieur le témoin 45 Faustin. le témoin 45, ça concerne toujours le volet des faits reprochés à Monsieur NTEZIMANA.

J’ai une première audition, faite le 10 mai 1995, dans le cadre d’une commission rogatoire du juge d’instruction VANDERMEERSCH, en présence de celui-ci, le témoin 45 étant détenu, à cette époque en tout cas, à la prison de Butare. Il déclare ceci :

« J’étais professeur à la faculté des sciences, département de chimie de l’UNR, depuis octobre 1987. Je connaissais bien le professeur KARENZI qui travaillait dans la même faculté que moi. Je ne sais pas dans quelles circonstances il a été tué. Sur interpellation, je ne sais pas s’il a été un des premiers visés. J’ai appris sa mort lorsqu’on nous a permis de sortir des maisons. Après le limogeage du préfet, nous avons entendu des coups de feu dans la ville et nous sommes tous restés enfermés chez nous, et ce, du 20 avril à la fin du mois d’avril. Ce n’est qu’en sortant ensuite que j’ai appris la mort du professeur KARENZI. Je ne suis pas au courant des circonstances dans lesquelles d’autres membres de sa famille ont été tués. En prison, un chauffeur de l’UNR m’a dit qu’il avait vu son corps devant l’hôtel Faucon.

Je connais également NTEZIMANA qui travaillait dans la même faculté. Je ne m’intéressais pas tellement à la politique, et ne suis pas très au courant de ses opinions politiques. Je sais qu’il avait fondé un parti, le PRD. A mon avis, il n’était pas modéré. Je ne sais pas en quels termes le dire, il était de la tendance extrémiste. Je ne suis pas au courant qu’il aurait établi des listes. Vous me demandez s’il n’a jamais été question de listes pour évacuer les professeurs. Au début, il nous avait dit : « Ceux qui veulent évacuer des membres de leur famille, peuvent se faire inscrire chez moi ». Finalement, on ne l’a pas fait. C’est lui qui a pris l’initiative de ces listes. Je ne sais pas si ces listes ont été établies, mais je ne me suis pas inscrit. Je suis resté sur place.

Vous me demandez si je sais si NTEZIMANA avait des relations avec les militaires. Je pense qu’il collaborait avec eux car, un jour, il a pu récupérer chez eux, la carte d’identité de MUSABYIMANA, beau-frère de GATWAZA Emmanuel, le vice-doyen de la faculté des sciences, département de physique. C’est GATWAZA qui m’a raconté cela avant qu’il ne soit assassiné, ainsi que MUSABYIMANA. Ce dernier s’était vu confisquer sa carte d’identité, parce qu’on n’avait pas cru la mention « Hutu » sur cette carte. GATWAZA est alors allé trouver NTEZIMANA, qui est allé chez les militaires, et a pu récupérer la carte. Je n’ai jamais vu NTEZIMANA avec des militaires, circuler dans le quartier. J’habitais le même quartier que lui, à à peu près 200 m. Je ne l’ai pas vu circuler pendant le couvre-feu. Je ne pouvais pas le voir puisque tout le monde devait rester enfermé.

Le capitaine NIZEYIMANA, je le connais, je le voyais passer même avant les événements, je le connais de vue. Je ne sais pas s’il est impliqué dans les massacres. Je ne sais pas s’il connaissait NTEZIMANA, mais ils étaient de la même région, Gisenyi. Avant le 19 avril, le préfet avait demandé des rondes. Tout le monde dans le quartier y participait. Après le 19 avril, il y a eu un temps mort, puis les rondes ont repris. NTEZIMANA a participé alors aux rondes, c’était obligatoire. Après le 19 avril, ces rondes servaient à nous protéger contre les gens qui venaient piller les maisons. En fait, cette protection n’était pas assurée, parce que les militaires venaient avec des fusils, piller les maisons des expatriés. Sur interpellation, ces rondes n’étaient pas faites avec des militaires, elles étaient composées uniquement de civils. Dans notre quartier, nous ne procédions pas à des contrôles d’identité, nous voulions seulement éviter les pillages. Il n’y avait pas de collaboration entre ces rondes et les militaires. Vous me dites que NTEZIMANA est accusé, en Belgique, d’avoir participé aux massacres. Je ne sais pas, je ne peux pas l’affirmer, mais j’ai été étonné qu’il puisse si facilement récupérer une carte d’identité chez les militaires.

HIGANIRO Alphonse, je le connais un peu, il était le directeur de la SORWAL, je ne sais ses opinions politiques, mais je sais qu’il était originaire de Gisenyi et que la plupart des gens de Gisenyi étaient extrémistes. Je ne peux pas vous dire si des véhicules de la SORWAL circulaient avec des militaires étant donné que je restais chez moi. Je suis en prison parce qu’on m’accuse d’avoir participé aux rondes durant le mois de mai ».

Une seconde audition de Monsieur le témoin 45 a été réalisée le 28 septembre 1995, toujours dans le cadre de l’exécution d’une commission rogatoire internationale du juge d’instruction VANDERMEERSCH, en présence de celui-ci. Monsieur le témoin 45 est toujours, à cette époque, détenu à la prison de Butare. Il déclare ceci :

« Je connais le témoin 129 - c’est celui dont nous avons donné lecture des déclarations, hier - vous me dites que cette personne a été entendue dans le dossier et qu’elle déclare que je lui aurais indiqué que NTEZIMANA serait impliqué dans le meurtre de GATWAZA Emmanuel et MUSABYIMANA Wulfran. Je vous rappelle que j’avais dit que NTEZIMANA était probablement en contact avec des militaires parce qu’avant la mort de GATWAZA, vers le 20 avril, les militaires sont venus la nuit, dans la maison de Wulfran et ensuite, chez GATWAZA lui-même qui était à l’époque vice-doyen de la faculté des sciences.

Chez Wulfran, ils ont demandé sa carte d’identité, elle portait la mention « Hutu ». Comme ils n’étaient pas convaincus, ils lui ont pris sa carte d’identité et sont partis. Sans carte, on ne pouvait pas circuler et on risquait d’être tué. GATWAZA m’a dit, avant sa mort, qu’il est allé chez NTEZIMANA et lui a exposé le problème. Wulfran était le beau-frère de GATWAZA.

NTEZIMANA a dit qu’il allait essayer de retrouver la carte. Il a été à l’Ecole des sous-officiers (ESO), récupérer cette carte. Il paraît qu’il a récupéré la carte de Wulfran. Dans le quartier, nous nous demandions comment il était parvenu à récupérer aussi facilement et avec une aussi grande rapidité, cette carte. Nous nous sommes demandé cela, moi et GATWAZA. Nous nous disions qu’il était sans doute très bien avec les militaires car, à l’époque, ce n’était pas évident d’entrer dans le camp militaire. Il était aussi dangereux de demander à récupérer une carte car on disait alors que vous étiez de connivence avec cette personne et vous pouviez être tué. Nous présumions donc que NTEZIMANA devait être bien avec les militaires.

En ce qui concerne le meurtre de GATWAZA Emmanuel et MUSABYIMANA Wulfran, je sais qu’ils ont été tués par des militaires. Je ne sais pas du tout si NTEZIMANA était à l’origine de cela. Au moment des événements, j’étais à Butare. J’ai entendu à la radio le discours du président SINDIKUBWABO. Ce discours incitait la population locale à tuer les Tutsi et ceux qui les soutenaient, soit l’opposition. J’ai retenu ce discours parce que je le trouvais sanguinaire. Je ne me rappelle pas d’avoir entendu la réponse de Monsieur KANYABASHI. Je ne suis pas au courant de réunions tenues par KANYABASHI après le 19 avril. Dans mon quartier, je n’ai vu aucune barrière où on a tué les gens.

Je ne connais pas NDAYAMBAJE Elie. J’ai appris en prison qu’il avait été arrêté. Après son arrestation, j’ai entendu des commentaires en prison de codétenus comme quoi il n’était pas catholique, dans le sens qu’il avait incité la population aux massacres. Certains détenus disaient que c’est pour cette raison qu’il a remplacé le bourgmestre en place, en guise de récompense. C’est ce qui se disait en prison. Je suppose que ces informations provenaient de gens de sa région, détenus ici. Je ne pourrais pas vous donner les noms de ces personnes ».

Alors, une troisième audition de Monsieur le témoin 45 dans les dernières pièces qui ont été traduites qui sont dans le complément, audition du 30 octobre 2000, par Monsieur le témoin 31, officier du ministère public. Monsieur le témoin 31, nous l’avons entendu à propos du témoin de NKUYUBWATSI. Cette audition est la suivante :

« Question : Connaissais-tu NTEZIMANA Vincent ? Que faisait-il ? Qu’avait-il fait comme études ? Quel niveau (niveau en français dans le texte original ­ ce sont des traductions donc, ceci) ?

Réponse : Je le connaissais comme étant professeur à l’UNR, département physique. Il avait fait le troisième cycle en physique, dans une université en Belgique.

Question : Vous étiez-vous rencontrés récemment lorsque la guerre d’avril 1994 a éclaté ?

Réponse : Il était présent en avril, lorsque la guerre a commencé.

Question : Dans quel parti était-il à ce moment-là ?

Réponse : Il était président du PRD, Parti du Renouveau Démocratique, un petit parti qui était tout nouveau.

Question : Et pendant cette période de guerre, comment se comportait-il, à ton avis ?

Réponse : En avril, lorsque les massacres ont commencé, il y a eu des militaires qui sont venus tuer pendant la nuit. Ils ont attaqué GATWAZA Emmanuel, ainsi que MUSABYIMANA Wulfran, le mari de la sœur de sa femme. C’était pendant la nuit du 21 au 22 avril 1994. Mais ils n’ont pas été tués ce jour-là et on a pris les pièces d’identité de MUSABYIMANA. Et pouvoir se déplacer, en ce moment-là, sans aucune pièce d’identité, était très difficile. Mais du fait que GATWAZA Emmanuel enseignait en physique avec NTEZIMANA Vincent et comme ils devaient se connaître, ainsi il est allé lui soumettre la question et NTEZIMANA est allé à ESO, retirer la carte d’identité de MUSABYIMANA.

Question : En tant que voisin de NTEZIMANA et travaillant également avec lui, quel a été, pendant cette période en particulier, son bon ou son mauvais comportement ?

Réponse : Ce que je savais de lui, c’est ce fait de prendre ces pièces d’identité, il pouvait donc connaître ceux qui venaient tuer à Buye.

Question : Le fait d’avoir été chercher la pièce d’identité ne prouve-t-il pas qu’il était de connivence avec eux ?

Réponse : Nous y avons pensé également.

Question : A-t-il collaboré avec les Interahamwe ?

Réponse : Je n’ai pas remarqué cela chez lui. Là où nous habitions, il n’y avait pas d’Interahamwe.

Question : Il n’y a pas eu une part de responsabilité dans les massacres qui ont eu lieu au sein de l’université ?

Réponse : Je n’en sais rien.

Question : Il n’a pas eu une part de responsabilité dans les massacres qui ont eu lieu à Buye ?

Réponse : En ce qui le concerne, je ne l’ai pas vu tuer.

Question : Tu n’as rien d’autre à ajouter sur ta déclaration ?

Réponse : Je n’ai rien à ajouter ».

Si jamais l’une ou l’autre des parties constatait qu’il y a éventuellement une autre audition qui m’aurait échappé, n’hésitez pas à le signaler. Alors, s’il y a des commentaires, n’hésitez pas non plus à demander à pouvoir les faire, s’il y a des précisions à apporter, pour autant que je sache le faire, n’hésitez pas non plus à le demander. Monsieur le 6e juré ?

Le 6e Juré : [pas de micro au début] …Il y en a un qui est en prison, il est accusé, qui faisait des rondes. Je ne sais pas, je demande.

Le Président : Peut-être que l’on considère que le simple fait de participer à des rondes est constitutif d’une infraction, hein.