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Instruction d’audience V. Ntezimana Lecture déclarations de témoins par président compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience V. Ntezimana > Lecture déclarations de témoins par président > le témoin 76 et commentaires partie civile, défense de V. Ntezimana
1. le témoin 119 2. le témoin 53 3. le témoin 91 4. le témoin 129 5. Commentaires défense V. Ntezimana 6. F. Kikabo 7. le témoin 76 et commentaires partie civile, défense de V. Ntezimana 8. J.M.V. le témoin 142 et commentaires défense de V. Ntezimana 9. le témoin 5 10. G. Hategekiman 11. A. Rutibabarir 12. le témoin 63 13. le témoin 107
 

6.4.7. Lecture de déclarations de témoins par le président: Rose le témoin 76

Le Président : Alors, le témoin 76 Rose, qui n’est pas venue. Moi, il me semble avoir vu une pièce indiquant qu’elle refusait de venir pour des raisons professionnelles. Vous avez retrouvé la pièce, Maître CLEMENT ?

Me. CLEMENT : Non.

Le Président : Madame le témoin 76 Rose est la députée FPR dont un témoin est venu nous dire qu’elle racontait beaucoup de mensonges sur ses collègues, et qui aurait été expulsée du Parlement. Ca concerne toujours le cas de Monsieur NTEZIMANA. Alors, j’ai une déclaration faite le 27 février 1995, devant le commissaire de police d’Ottignies-Louvain-la-Neuve de STEXHE. Elle déclare ceci :

« Par la présente, j’entends préciser certains points relatifs au comportement de Vincent NTEZIMANA, avant les événements dramatiques d’avril 1994 au Rwanda, ou pendant ceux-ci. Durant les études de Vincent NTEZIMANA en Belgique, je l’ai rencontré à l’occasion d’une conférence sur le thème de la situation politique au Rwanda, organisée sur le site universitaire de Louvain-la-Neuve.

NTEZIMANA s’affichait clairement partisan du MDR et ennemi du FPR. Il était d’ailleurs l’ami d’Alexis NSABIMANA, président de la section MDR de Belgique. En  juillet 1992, j’ai participé, devant l’ambassade du Rwanda, à une manifestation dénonçant les exactions du régime le témoin 32 alors que NTEZIMANA était parmi les contre-manifestants.

D’un témoin direct en la personne du témoin 124, je tiens que NTEZIMANA est l’auteur ou l’un des auteurs du tristement célèbre « Appel à la conscience des Bahutu » et des « Dix commandements ». Cet écrit criminel joua un rôle déterminant dans l’incitation ethnique dans mon pays. Sa portée était d’autant plus grande qu’il émanait d’intellectuels dont l’aura est importante dans un pays traditionnellement respectueux de la hiérarchie sociale. « L’appel à la conscience des Bahutu » est bien le document répertorié à l’annexe 9 de votre P.V. 3474/94.

A l’appui de mes dires, je cite le témoin en la personne du témoin 124, collègue de NTEZIMANA et travaillant dans le même laboratoire que celui-ci, à la faculté de physique de l’UCL à Louvain-la-Neuve. le témoin 124 est docteur en physique et séjourne actuellement au Rwanda. Il m’a affirmé avoir vu le libellé du texte de « L’appel à la conscience des Bahutu » sur un terminal de l’ordinateur de cette même faculté de physique à l’UCL.

Durant la période postérieure à son retour au Rwanda de septembre 1992, NTEZIMANA est rentré au pays en septembre 1992, après avoir défendu sa thèse à l’UCL. Il y créa, avec son ami Alexis NSABIMANA, le PRD, Parti du Renouveau Démocratique, le premier en était secrétaire général et le second, président. En octobre 1993, pour vous situer le personnage, nous empruntions tous deux le même autobus pour nous rendre à nos domiciles respectifs, dans le quartier de Buye à Butare jusqu’au site de l’UNR, Université Nationale du Rwanda où nous étions tous deux professeurs de sciences. C’est à cette époque que le président NDADAYE, du Burundi voisin, a été assassiné.

NTEZIMANA ne pouvait cacher sa haine ethnique en qualifiant d’Inyenzi (cancrelat), les Tutsi. Aucun ne trouvait grâce à ses yeux. Ainsi, il dénigrait le professeur KARENZI, collègue de NTEZIMANA, alors que cet enseignant était respecté pour sa pondération parmi ses collègues du corps académique. Dans la perspective de déstabiliser l’université nationale du Rwanda à des fins inavouables, NTEZIMANA incita ses collègues, en novembre 1993, et les étudiants, à la grève en prétextant du problème des indemnités de logement redevables au personnel académique qui n’avait pas reçu de logement de fonction. A l’époque, nous nous étonnions de la virulence de NTEZIMANA alors qu’il n’était pas personnellement concerné puisque ses indemnités lui étaient versées ainsi qu’à son épouse. Alors que ces revendications ne concernaient en rien les étudiants de l’UNR, NTEZIMANA a tenté de les impliquer dans le mouvement de grève, sans y parvenir.

La stratégie de NTEZIMANA visait à perturber le cours normal de l’année académique afin de la voir déclarer nulle. Ce qui aurait permis de détourner le budget normalement affecté à l’université nationale du Rwanda, pour l’affecter à l’achat d’armes et pousser à l’agitation dans la région de Butare, considérée comme peu inféodée au pouvoir de l’époque. Ce dernier aurait trouvé là un prétexte pour réprimer toute forme d’opposition.

A la mort de Félicien GATABAZI, secrétaire général du PSD, j’ai entendu NTEZIMANA dire au sujet de celui-ci : « Je ne comprends pas. Félicien était un Inyenzi (un cancrelat Tutsi). Il y a pourtant bien d’autres Inyenzi à tuer. En réalité, cet assassinat est imputable à la CDR (Coalition pour la Défense de la République), parti extrémiste. Ce parti était manipulé par la présidence de la République. Malgré cela, RTLM, la trop célèbre radio Mille Collines, lança une campagne diffamatoire accusant Alexandre RYAMBABAJE de l’assassinat du président de la même CDR, Martin BUCYANA.

Alexandre RYAMBABAJE était d’autant plus visé qu’il était originaire du Sud du Rwanda. Il avait postulé la fonction de vice-recteur de l’UNR à Butare. Ces accusations mensongères ont été reproduites par le journal extrémiste « Kangura », périodique qui s’était déjà illustré par la publication de « L’appel à la conscience des Bahutu » et « Les dix commandements ». Alexandre RYAMBABAJE réside actuellement en France. Dès que possible, je vous communiquerai son adresse. Son audition se révélerait probablement édifiante quant au comportement de NTEZIMANA Vincent lors de la préparation et l’exécution du génocide ainsi que les massacres des opposants à Butare.

Je l’ai également entendu s’en prendre à Jean-Marie MANIRAHO. Il s’agissait d’un Hutu, professeur de l’UNR, professeur de physique comme Vincent NTEZIMANA. Je l’ai entendu lui tenir des propos tels que : « Dis-moi, comment peux-tu communiquer avec un Inyenzi (cancrelat Tutsi) ? ». Il faut préciser que l’épouse de MANIRAHO était Tutsi. Il a été l’un des premiers à être assassiné lors des massacres d’avril 1994, à Butare.

Concernant l’entraînement d’enseignants de l’UNR aux techniques militaires, toujours durant la période qui précéda les massacres d’avril 1994, des enseignants, dont ceux de l’UNR de Butare, qui, comme Vincent NTEZIMANA, étaient originaires du Nord, allaient suivre un entraînement militaire à l’Ecole des sous-officiers de Butare, l’ESO, à raison d’une demi-journée par semaine. En dotation, ces enseignants avaient reçu une arme personnelle.

Pour la période comprise entre le 6 avril, date de l’assassinat du président le témoin 32, et le 21 avril, date du déclenchement des massacres à grande échelle, à Butare, les chefs de famille étaient réquisitionnés afin de participer à des groupes de surveillance censés assurer la sécurité dans chaque quartier de Butare, dont celui de Buye où je résidais, ainsi que NTEZIMANA et KARENZI. le témoin 119, collègue de l’UNR et époux d’une Tutsi, y était astreint. Il m’a affirmé avoir vu NTEZIMANA parmi les militaires qui recensaient les maisons de Tutsi. Lors d’une de ces patrouilles, profitant de l’absence organisée du témoin 119 à domicile, les extrémistes en ont profité pour assassiner son épouse. le témoin 119 réside actuellement en Belgique, à Leuven (l’adresse est indiquée ainsi même que le numéro de téléphone).

Après le 21 avril, date du début des massacres généralisés, certaines personnes dont je n’exclus pas de retrouver les coordonnées au Rwanda, ont vu NTEZIMANA participer à des barrages dont le but était de procéder à l’arrestation et l’exécution sommaire de Tutsi ou d’opposants politiques.

En août 1994, après mon retour en Belgique, j’ai été contactée téléphoniquement par le garant, à UCL, de NTEZIMANA. Il s’agissait du professeur le témoin 144. Celui-ci évoquant l’urgence, me sommait, d’un ton qui n’était pas conciliant, de confirmer que NTEZIMANA, son protégé, n’était pas impliqué dans le génocide et l’organisation des massacres au Rwanda, et plus spécialement à l’UNR. Ce professeur prenait la défense de NTEZIMANA. Bien qu’inquiète de l’effet de ces pressions quant aux conditions de mon séjour en Belgique, j’ai refusé d’y donner suite.

Pour ce qui concerne ma situation personnelle lors du génocide, j’ai échappé à de nombreuses reprises aux massacres. Sur la cinquantaine de personnes qui composaient ma famille, nous sommes quatre survivants ».

Le 8 mars 1995, elle déclare, toujours au commissaire de STEXHE :

« Je désire vous produire un document circulant actuellement dans la communauté rwandaise émanant d’une certaine Association Rwandaise d’Entraide et de Liaison (c’est le document AREL dont l’expert le témoin 127 nous a parlé en ce qui concerne la signature, hier). Je précise qu’à ce jour, cette association m’était totalement inconnue. Ce document que je vous produis et que vous joindrez en annexe de votre PV, me laisse dubitative. Bien que signé par NTEZIMANA Vincent, j’ai de très sérieux doutes quant à son authenticité car, sur le fond et sur la forme, il pourrait s’agir d’un faux. Quoiqu’il en soit, il reste que Vincent NTEZIMANA, à l’égard duquel je maintiens mes accusations, pourrait prendre peur et disparaître pour échapper à la justice belge en s’inquiétant des propos et projets criminels dont il y est fait mention ».

Est annexé ce document. Je pense que ce sont les seules déclarations de Madame le témoin 76. Euh… toujours pas de témoins ? Ah ! Bien. Nous allons de toute façon interrompre les lectures. Mais, Maître GILLET, oui ?

Me. GILLET : Oui, un commentaire, si vous me le permettez, Monsieur le président.

Le Président : Oui.

Me. GILLET : Sur ce témoignage de Madame le témoin 76 qui, c’est vrai, a été fort accusée de malhonnêteté, de mensonges, de parti pris, etc. Mais je note tout de même, et cette dernière déclaration est vraiment très importante, que c’est elle qui, lorsqu’elle vient déposer ce tract, le soumet à la critique en disant : « Moi, je doute, je crois que c’est un faux ». Si elle avait été la personne telle qu’on l’a présentée, elle aurait présenté ce tract comme étant clairement de la main de Monsieur NTEZIMANA.

Le Président : D’autres commentaires ? Maître Clément ? CARLIER, excusez-moi.

Me. CARLIER : Merci, Monsieur le président. Juste un commentaire, nous y reviendrons en plaidoiries mais, par rapport à ce témoignage du témoin 76 qui a signalé ne pas pouvoir venir pour des raisons professionnelles, je rappelle simplement à Mesdames et Messieurs les jurés que nous avons entendu, ici le témoin 124, le collègue d’université de Monsieur NTEZIMANA, qui l’accuse au demeurant, mais avoir dit ne jamais avoir vu, sur un terminal d’ordinateur de Monsieur NTEZIMANA, ce fameux « Appel à la conscience des Bahutu » et Madame le témoin 76, on vient du lire, je cite : « Il m’a affirmé avoir vu le libellé du texte de « L’appel à la conscience des Bahutu » sur un terminal de l’ordinateur de cette même faculté de physique ». Monsieur le témoin le témoin 124 s’en est expliqué en disant que c’était probablement une erreur de compréhension entre eux. On voit, à ce moment-là, comment des témoignages sont reportés par erreur de compréhension.

Le Président : D’autres commentaires ? Donc, les témoins présents sont ? Oui, et puis il y a… Ah, donc ce serait la même personne ? Bien. On va d’abord entendre le témoin 47.