assises rwanda 2001
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Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » > Audition témoins > le témoin 60
1. le témoin 19 2. M.le témoin 44 3. R. Tremblay 4. le témoin 110 5. le témoin 38 6. le témoin 72 7. le témoin 101 8. le témoin 79 9. le témoin 138 10. le témoin 57 11. le témoin 2 12. le témoin 66 13. le témoin 71 14. le témoin 64 15. le témoin 81 16. le témoin 151 17. le témoin 115 18. le témoin 136 19. le témoin 7 20. le témoin 75 21. le témoin 82 22. le témoin 80 23. le témoin 99 24. le témoin 152 25. le témoin 78 26. Commentaires sur textes rédigés à Maredret 27. le témoin 95 28. le témoin 133 et commentaires de défense 29. le témoin 74 30. le témoin 70 31. le témoin 20 32. le témoin 60 33. le témoin 17 34. le témoin 49 35. le témoin 127 36. le témoin 47 37. le témoin 46 38. le témoin 147 39. le témoin 51 40. A. JANSSENS 41. le témoin 48 42. le témoin 145 43. G. Dupuis
 

8.6.32. Audition des témoins: le témoin 60

Le Président : Monsieur le témoin 60 peut approcher.

Avant qu’on amène Monsieur le témoin 60, Monsieur MFISI Christophe qui ne s’est pas présenté ce matin, les parties renoncent-elles à son audition ? Pas de réaction ? On y renonce.

Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

le témoin 60 : le témoin 60.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

le témoin 60 : 52 ans, Monsieur le président.

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 60 : Euh… maintenant je travaille dans une organisation pour la paix.

Le Président : Quelle est votre commune de domicile ?

le témoin 60 : J’habite à Ransart, à Charleroi.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés avant le mois d’avril 1994 ?

le témoin 60 : Non, pas du tout, Monsieur le président.

Le Président : Etes-vous de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles ?

le témoin 60 : Pas du tout, Monsieur le président.

Le Président : Travaillez-vous sous un lien de contrat de travail pour les accusés ou pour les parties civiles ?

le témoin 60 : Non, pas du tout, Monsieur le président.

Le Président : Je vais alors vous demander, Monsieur, de bien vouloir lever la main droite, et de prêter le serment de témoin.

le témoin 60 : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir. Monsieur le témoin 60, vous n’avez jamais rencontré l’un ou l’autre ou l’une ou l’autre des accusés ?

le témoin 60 : Non, Monsieur le président.

Le Président : Vous avez, semble-t-il, publié un article dans un hebdomadaire qui s’appelle « Solidaire »…

le témoin 60 : C’est bien cela.

Le Président : …au mois de mai 1995 ?

le témoin 60 : Oui.

Le Président : Dans cet article, vous mettez en cause le rôle de certaines religieuses de la communauté de Sovu, dans les massacres qui ont eu lieu dans ce monastère, ou à proximité de ce monastère, en avril et mai 1994.

le témoin 60 :  C’est exact.

Le Président : Aviez-vous reçu des informations de témoins directs de ces faits ?

le témoin 60 : Je n’ai pas reçu d’informations de témoins directs de ces faits. Je peux vous préciser ?

Le Président : Oui.

le témoin 60 : L’article que j’ai publié était un témoignage que j’avais reçu, d’abord sous forme de cassette, et qui était le témoignage de Madame le témoin 20. J’ai écouté cette cassette, après quoi j’ai eu un contact téléphonique avec Madame le témoin 20 pour savoir si les faits qui étaient relatés dans cette cassette étaient vraiment vrais, si elle confirmait ce témoignage et aussi pour quelques compléments d’information qui ont été publiés dans l’article. Et alors, sur cette base-là, j’ai décidé à l’époque, que j’étais responsable pour la rubrique internationale du journal « Solidaire », de publier son témoignage tel quel. Donc, en fait, tous les éléments qui se trouvent dans cet article de « Solidaire » proviennent du témoignage de Madame le témoin 20.

Le Président : Madame le témoin 20 vous avait-elle signalé avoir, comment dirais-je, avoir elle-même reçu des témoignages de personnes qui avaient vécu les événements ?

le témoin 60 : Euh… non.

Le Président : Vous êtes-vous rendu à Sovu ?

le témoin 60 : J’ai été à Sovu au mois de juillet 1995, donc ça veut dire à peu près trois mois après avoir publié cet article.

Le Président : Avez-vous à ce moment-là, lors de cette visite à Sovu en juillet 95 je crois, fin juillet 1995…

le témoin 60 : Oui, oui.

Le Président : …avez-vous recueilli sur place d’autres témoignages ?

le témoin 60 : Oui, en effet. Donc, nous avons eu la possibilité pendant une journée, d’être à Sovu et donc, j’ai pu parler entre autres avec Madame le témoin 71.

Le Président : Le témoignage que vous avez reçu à ce moment-là de Séraphine, euh… vous a-t-il conforté dans l’article que vous aviez écrit quelques mois auparavant ?

le témoin 60 : Oui, absolument, absolument. Donc, le témoin 71 a fait le récit, en fait, principalement de la tuerie du garage. Donc, elle a d’abord expliqué comment les réfugiés sont arrivés près du couvent, dans le jardin du couvent, comment ils ont été refoulés par les séminaires et par certaines sœurs. Puis, elle a expliqué que euh… énormément de gens étaient concentrés dans le centre de santé, une centaine de mètres plus bas que le couvent. Comment des grenades ont été lancées dans la foule et que suite à un mouvement de panique, à un certain moment, des centaines de personnes se sont réfugiées dans le garage, dont notamment Madame le témoin 71. Comment les miliciens ont essayé, d’abord avec des coups de fusil, de casser, de briser la serrure pour entrer dans le garage, pour tuer les gens. Quand ils n’y sont pas arrivés, comment ils ont versé de l’essence sur la porte du garage pour faire le feu, pour incendier le garage, pour brûler les gens et pour les faire suffoquer et donc, le témoin 71 a expliqué que finalement quand même, des gens ont réussi à sortir, qu’ils ont été tués avec des machettes et que, elle, finalement, n’a eu la vie sauve que grâce au fait qu’elle a fait le mort. C’est ce qu’elle nous a expliqué à l’époque.

Après ce témoignage, nous avons visité le couvent. On a parcouru tout le bâtiment, on a vu les caves, on a vu les chambres, on a vu effectivement qu’il y avait beaucoup de séquelles d’actions violentes qui avaient eu lieu au sein de ce bâtiment et puis, nous avons été accompagnés aussi dans la bananeraie où une personne nous a raconté comment des membres des familles de sœur Régine avaient été tués là ; donc, j’ai fait une déposition auprès de Monsieur le juge d’instruction là-dessus, avec les noms, les dates de naissance et la date de l’assassinat de ces six personnes, le 6 mai 94.

Le Président : Bien. Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Monsieur le 3ème juré ?

Le 3e Juré : Pouvez-vous demander au témoin, lorsqu’il parle des séquelles, parle-t-il des séquelles qu’il a vues au centre de santé ou au monastère lui-même ?

Le Président : Ah oui. Vous parlez de bâtiments abîmés, hein, de séquelles aux bâtiments. S’agit-il de séquelles aux bâtiments du centre de santé ou au monastère lui-même ?

le témoin 60 : Le centre de santé lui-même était complètement détruit évidemment, mais au sein de… du couvent, pour autant que je me souvienne, j’ai vu des portes enfoncées, des traces de violence manifestes.

Le Président : Mais ça, vous constatez en juillet 1995, hein ?

le témoin 60 : Oui.

Le Président : Je crois pas qu’il y ait une contestation que jusqu’au départ de… des religieuses de la communauté de Sovu, fin juin 1994, ce monastère était préservé. C’est peut-être pour ça que vous vous étonniez. On a dit jusqu’à présent que le monastère n’avait eu aucun dégât, cela ne veut pas dire qu’après le départ de la communauté, il n’y a pas eu éventuellement d’autres dégâts que ceux commis peut-être par d’autres personnes d’ailleurs. Une autre question ? Monsieur le 6ème juré.

Le 6e Juré : Vous pouvez demander au témoin, parce que je ne suis pas sûr d’avoir bien compris, ce qu’il a écrit ou ce qu’il a relaté, c’est Madame Marie-Claire qui lui a dit ou alors, c’est une cassette qu’elle lui a envoyée ?

Le Président : Si nous avons bien compris, vous avez reçu une cassette enregistrée dont vous saviez quelle était la provenance ?

le témoin 60 : Oui.

Le Président : Vous saviez que c’était Madame le témoin 20 ou le témoin 20-le témoin 20 ?

le témoin 60 : Oui, donc il y a un collaborateur à « Solidaire » qui a fait une interview de Marie-Claire, qui a recueilli son témoignage. Et donc, moi j’ai reçu cette cassette et donc, j’ai écouté cette cassette et je trouvais que ça devait être publié et donc, j’ai pris contact avec Madame le témoin 20 pour savoir si ça pouvait se faire. Je pense que j’ai recueilli quelques informations complémentaires, je ne me souviens plus exactement lesquelles. Et donc, elle a dit : « Vous pouvez le publier mais sous anonymat », ce que nous avons fait.

Le Président : Oui ?

Le 6e Juré : Donc, si on comprend bien, le témoin n’était pas un ami proche, ou il n’a jamais discuté ou été chez Madame le témoin 20 ?

Le Président : Etiez-vous un ami, un proche, une connaissance de Madame le témoin 20 ?

le témoin 60 : Non, pas du tout, pas du tout.

Le Président : Est-ce qu’éventuellement le collaborateur qui vous a remis la cassette était une connaissance de Madame le témoin 20 ?

le témoin 60 : Certainement pas.

Le Président : Non plus.

le témoin 60 : Non.

Le Président : Bien. Une autre question ? Maître VANDERBECK ?

Me. VANDERBECK : Je vous remercie, Monsieur le président. L’article du témoin date du 31 mai 1995. Est-ce que, dans le témoignage que lui a remis Madame le témoin 20 via cassette, il lui était parlé de sœur Maria Kizito ?

le témoin 60 : De sœur Maria Kizito ?

Le Président : Oui.

le témoin 60 : Non, il n’était pas question de cette sœur-là dans l’article. Il était seulement question de la prieure Gertrude.

Le Président : Oui. Une autre question ? Maître WAHIS ?

Me. WAHIS : Oui, Monsieur le président. Dans l’article publié dans « Solidaire », il n’est pas question, à une seule ligne de cet article, de l’incendie du garage du centre de santé, ni de l’utilisation d’essence, ni a fortiori de la provenance de cette essence. Est-ce que le témoin peut confirmer que, dans toutes ses déclarations, dans sa cassette, son interview, son coup de fil, Madame le témoin 20 n’a, à aucun moment, parlé de l’incendie du garage et de l’essence qui aurait servi à cet incendie ?

le témoin 60 : Oui, c’est exact.

Le Président : Une autre question ?

Non Identifié : Monsieur le président, le témoin, dans son article, dit que, je cite : « Pour des raisons de sécurité, notre témoin souhaite rester anonyme ». Est-ce qu’il pourrait éventuellement nous donner des explications par rapport à ce souhait qu’avait, à l’époque, Madame le témoin 20 puisqu’on sait qu’il s’agit d’elle ?

Le Président : Oui ?

le témoin 60 : Je dois avouer que c’est un souvenir très vague, mais je… il me semble quand même me souvenir que Madame le témoin 20 estimait que les accusés avaient des pouvoirs de protection assez forts et elle voulait en tenir compte, mais donc, je n’ai aucune autre information à ce propos.

Le Président : Une autre question ? Maître JASPIS ?

Me. JASPIS : Monsieur le président, je pense que les jurés souhaitent peut-être savoir, et nous aussi, comment alors Madame le témoin 20 a été mise en contact avec Monsieur le témoin 60. Pourquoi ce journaliste-là et pas un autre ? Est-ce qu’il y a une personne qui était peut-être une connaissance commune alors, qui a servi de lien entre les deux, si je puis dire ?

Le Président : Savez-vous comment finalement Madame le témoin 20 est entrée en contact avec vous ou avec votre collaborateur ?

le témoin 60 : Euh… oui.

Le Président : Pourquoi à vous, pourquoi pas à Madame BRAECKMAN du journal « Le Soir » ? Je ne sais pas moi, bon ?

le témoin 60 : A un certain moment, mais je n’ai pas de détails à ce propos, à un certain moment, Madame le témoin 20 est entrée en contact avec Riet D’HONDT, qui travaille dans la même maison que moi, donc pour « Solidaire », et donc, Madame le témoin 20 est effectivement venue à « Solidaire » pour faire son témoignage sur cassette, donc pour faire cette interview et donc, Madame Riet D’HONDT de Bruxelles, si vous voulez, est une connaissance commune à nous deux.

Le Président : Vous pouvez peut-être situer cette revue « Solidaire » ? Ça traite de quoi ? C’est diffusé dans quel public ?

Michel  le témoin 60 : L’hebdomadaire « Solidaire », c’est l’hebdo-madaire du Parti du travail de Belgique. C’est un hebdomadaire de tendance anticapitaliste, de solidarité avec le Tiers-monde, c’est un hebdomadaire communiste en fait. Et donc, depuis les événements au Rwanda, pour parler de ce sujet, nous avons apporté énormément d’importance à ces événements, parce que nous sommes fondamentalement solidaires des peuples du Tiers-monde, nous sommes fondamentalement anti-racistes et donc, nous estimions que ce qui s’était passé au Rwanda était vraiment effroyable pour l’humanité. Et donc, je dis : « Nous avons attaché beaucoup, beaucoup d’importance à cela ». Il n’y a d’ailleurs pas uniquement des publications dans « Solidaire », nous avons aussi organisé des campagnes de solidarité concrètes avec le peuple rwandais victime, et nous avons organisé des délégations de solidarité, des voyages pour aller voir sur place, pour recueillir des témoignages et donc, c’est dans ce cadre-là que j’ai été, au mois de juillet 95, aussi au Rwanda avec un groupe.

Le Président : Alors, votre hebdomadaire, s’agit-il de quelque chose qui est distribué ou bien faut-il être abonné pour le recevoir ?

le témoin 60 : Nous travaillons surtout par abonnement et par la vente militante. Ça veut dire que ce n’est pas facilement disponible, disons, dans les librairies.

Le Président : Encore moins dans un couvent, j’imagine ?

le témoin 60 : Oui, je pense, oui, en effet. Quelqu’un doit certainement l’avoir apporté, enfin, c’est mon sentiment.

Le Président : Puisque vous savez que sœur Gertrude a déposé plainte contre vous avec constitution de partie civile, à raison de cet article, hein ?

le témoin 60 : J’ai appris ça, oralement jusqu’ici. Donc, j’ai été convoqué chez le juge d’instruction pour l’apprendre.

Le Président : Bien. Une autre question éventuellement ? Plus de questions ? Les parties sont d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 60, confirmez-vous les déclarations que vous venez de faire ? Persistez-vous dans ces déclarations ?

le témoin 60 : Absolument.

Le Président : La Cour vous remercie pour votre témoignage, Monsieur. Vous pouvez disposer librement de votre temps.

le témoin 60 : Merci.