assises rwanda 2001
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Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » > Audition témoins > le témoin 145
1. le témoin 19 2. M.le témoin 44 3. R. Tremblay 4. le témoin 110 5. le témoin 38 6. le témoin 72 7. le témoin 101 8. le témoin 79 9. le témoin 138 10. le témoin 57 11. le témoin 2 12. le témoin 66 13. le témoin 71 14. le témoin 64 15. le témoin 81 16. le témoin 151 17. le témoin 115 18. le témoin 136 19. le témoin 7 20. le témoin 75 21. le témoin 82 22. le témoin 80 23. le témoin 99 24. le témoin 152 25. le témoin 78 26. Commentaires sur textes rédigés à Maredret 27. le témoin 95 28. le témoin 133 et commentaires de défense 29. le témoin 74 30. le témoin 70 31. le témoin 20 32. le témoin 60 33. le témoin 17 34. le témoin 49 35. le témoin 127 36. le témoin 47 37. le témoin 46 38. le témoin 147 39. le témoin 51 40. A. JANSSENS 41. le témoin 48 42. le témoin 145 43. G. Dupuis
 

8.6.42. Audition des témoins: le témoin 145

Le Président : Madame le témoin 145, ah, oui, Madame, épouse le témoin 145 ? Madame, quels sont vos nom et prénom ?

le témoin 145 : le témoin 145

Le Président : Quel âge avez-vous ?

le témoin 145 : Je suis née le 19 décembre 1938.

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 145 : Sans.

Le Président : Quelle est votre commune de domicile ?

le témoin 145 : Liège.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés avant le mois d’avril 1994 ?

le témoin 145 : Oui, je connaissais Gertrude et Kizito.

Le Président : Toutes les deux ?

le témoin 145 : Toutes les deux.

Le Président : Etes-vous parente ou alliée, c’est-à-dire de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles ?

le témoin 145 : Non, absolument pas.

Le Président : Etes-vous attachée par les liens d’un contrat de travail avec les accusés ou les parties civiles ?

le témoin 145 : Non.

Le Président : Je vais vous demander, Madame, de bien vouloir lever la main droite et de prononcer le serment de témoin.

le témoin 145 : Je jure de parler sans haine et sans crainte et de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir. Madame, pouvez-vous exposer, puisque je n’ai pas non plus en ce qui vous concerne trouvé de déclaration dans le dossier ; il y en a une… Ou il y  a une attestation peut-être… ?

Me. de CLETY : Il n’y a pas d’attestation, Monsieur le président, il y a une lettre au dossier qui se trouve…

Le Président : Dans le carton 5.

Me. de CLETY : Carton 4.

Le Président : Ah ! 4.

Me. de CLETY : Sous-farde 2, pièce 6, annexe 18.

Le Président : Farde 2, il n’y pas de farde 2 dans le classeur 4.

Me. de CLETY : Oui, alors, c’est la sous-farde 8. C’est un témoignage du 11 septembre 1995, signé par le témoin.

Le Président : Le carton 4 commence à la farde 9.

Me. de CLETY : Voulez-vous avoir ma pièce, Monsieur le président ?

Le Président : Non, on va se débrouiller comme ça, hein. Voulez-vous bien exposer, Madame, dans quelles circonstances et à quelle époque vous avez fait la connaissance de sœur Kizito.

le témoin 145 : De sœur Kizito ?

Le Président : Et de sœur Gertrude ? Peut-être est-ce à des moments différents ?

le témoin 145 : A des moments différents, oui, oui.

Le Président : Alors, pour l’une et pour l’autre.

le témoin 145 : C’est au cours - nous devions partir avec mon mari au Rwanda en voyage en juillet 1986 - c’est à ce moment-là que nous avons fait la connaissance de toute la communauté de Sovu, puisque notre tante était religieuse là-bas, et une des fondatrices de la communauté. Avant de partir au Rwanda, nous sommes évidemment passés par Maredret pour aller voir si sœur Gertrude qui faisait, ici en Belgique, ses études avec sœur Bernadette, si elles n’avaient pas des colis ou des lettres à apporter. Nous les avions vues d’ailleurs plusieurs fois avant notre départ. Alors, nous sommes arrivés au Rwanda et nous avons été accueillis dans la communauté. Une communauté qui avait à ce moment-là à peu près une vingtaine, une trentaine de religieuses. Nous avons été, je dois dire, fort impressionnés par la qualité de cette communauté qui était très accueillante, vraiment très accueillante, ce qu’on appelle le vrai accueil rwandais, très priante, très jeune, vraiment pleine d’entrain et de joie de vivre, je vais dire.

Alors, nous avons pendant notre séjour là-bas, qui a duré du 1er au 21 juillet, nous avons assisté à plusieurs… et nous avons participé activement à des ateliers qu’elles avaient au sein de leur communauté, des ateliers qui leur permettaient de vivre. Il y avait un atelier d’hosties qui fournissait les hosties à toute… je crois que c’était la province, elles avaient beaucoup de travail avec les hosties. Il y avait un atelier de reliure. Elles fournissaient à des clients du pays. Il y avait une école d’alphabétisation où des petits enfants de la région venaient une ou deux fois par semaine apprendre à lire, à écrire, à compter, etc., c’étaient toujours les sœurs qui s’occupaient, qui étaient responsables de ces ateliers-là.

Donc, je vous ai dit hosties, alphabétisation, dispensaire bien entendu. Une des sœurs était responsable du dispensaire. Tous les gens de la colline descendaient au dispensaire. Mon mari a aidé à la vaccination de la rougeole qui avait lieu à ce moment-là, etc. Et puis alors, il y avait l’hôtellerie, l’hôtellerie qui était quand même très, très importante parce qu’elle permettait aux gens de passage, de voyages, des gens de la région, Rwandais ou autres, de venir un peu, je vais dire, se ressourcer dans un endroit calme où ils trouvaient un bon accueil et qui était un endroit où le pilier central était la prière et les offices, parce qu’elles étaient quand même contemplatives et voulaient le montrer à ce moment-là. Les gens qui allaient là étaient conscients qu’elles étaient dans une communauté contemplative. Voilà, nous avons participé donc à tous ces ateliers-là. Je dois dire que nous n’avons pas été les seuls bénéficiaires évidemment, hein. Pendant qu’on était là, il y avait des voyageurs, des jeunes qui étaient en voyage, enfin, voilà. Ca c’est avant la guerre. Je ne connaissais que Gertrude à ce moment-là.

Puis, après la guerre, j’ai connu Kizito, parce que sœur Kizito était beaucoup plus jeune, donc, je n’étais pas encore entrée au monastère à ce moment-là, je ne l’ai connue que lors de leur retour en Belgique. Et voilà. Je l’ai vue épisodiquement en allant, moi, par affection, les voir, etc. J’ai eu beaucoup de contacts avec elle quand elle était à Liège, où elle suivait ses études à Liège. Nous avons beaucoup sympathisé et moi je trouve que c’est une personne vraiment très simple, très dévouée, elle a un amour des personnes âgées, vraiment je crois que c’est très, très important à dire parce qu’elle a une prévenance pour les gens absolument étonnante. Elle a dans son entourage une personne qui pour le moment souffre énormément de la situation. Eh bien, Kizito sait toujours le mot à dire ou à ne pas dire pour ne pas inquiéter la personne en question.

Le Président : Et la personnalité de sœur Gertrude ?

le témoin 145 : La personnalité de sœur Gertrude. Sœur Gertrude, bien sûr, je la connais depuis plus longtemps et je l’ai évidemment vue beaucoup plus aussi. Pour moi, Gertrude est une personne très équilibrée, est une personne consciente, absolument, de son devoir, de ses responsabilités. Elle est très énergique. Je vais vous dire, moi je ne l’ai pas connue au Rwanda puisque, je vous l’ai dit, elle était en Belgique. Je l’ai connue depuis son retour où elle subit ce qui nous amène ici, et je dois dire qu’elle le fait avec une sérénité qui est vraiment exemplative pour nous tous. Il faut quand même dire que dans ces circonstances-là, elle fait des études, elle réussit ses études avec des grades, ce qui n’est quand même pas rien du tout et je suis certaine, connaissant sœur Gertrude, ça je le dis, je l’affirme, je l’ai juré, que sœur Gertrude, c’est impossible qu’elle ait fait ce dont on l’accuse. Peut-être que les circonstances ont fait qu’un acte qu’elle aurait pu faire ou dire l’a amené à des choses plus graves. Mais elle a sans arrêt demandé l’avis de ses sœurs. Si les sœurs lui répondaient : « Tu fais ce que tu veux », elle prenait la responsabilité toute seule et elle a eu plusieurs fois l’occasion d’entendre ces réponses-là. Elle a eu plusieurs fois l’occasion de donner sa propre vie pour quelqu’un d’autre, et elle m’a dit textuellement : « Si je suis ici, c’est plusieurs fois que j’aurais dû être morte et être tuée, si je suis ici, c’est que Dieu a décidé que je devais être vivante aujourd’hui ». C’est tout ce que je peux vous dire.

Le Président : Suit-elle encore actuellement des formations ou des études ?

le témoin 145 : Elle finit ses études à Namur, maintenant, elle n’a pas encore tout à fait terminé, elle a encore des examens à faire en juin.

Le Président : Vous voyez bien, Maître VERGAUWEN, qu’il y a un problème de timing ! Ce sont les examens de sœur Gertrude ! Y a-t-il des questions plus précises à poser au témoin ? S’il n’y a pas de questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Madame, confirmez-vous les déclarations que vous venez de faire et persistez-vous dans ces déclarations ?

le témoin 145 : Absolument, je l’ai juré.

Le Président : Madame, la Cour vous remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps après avoir récupéré votre carte d’identité et votre convocation.

le témoin 145 : Merci beaucoup.