assises rwanda 2001
recherche plan du site
Instruction d’audience V. Ntezimana Audition juge d’instruction et  inspecteurs police fédérale compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience V. Ntezimana > Audition juge d’instruction et inspecteurs police fédérale > Audition, questions, commission rogatoire et diapositives
1. Audition, questions, commission rogatoire et diapositives
 

6.2.1. Audition, questions, commission rogatoire et diapositives

Le Président : L’audience est reprise, vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place. Avant de faire venir les témoins de cet après-midi qui étaient prévus pour ce matin, nous allons peut-être voir ce que nous faisons des témoins de cet après-midi. Sont présents ou étaient présents : Monsieur le témoin 31, Monsieur le témoin 119 et Monsieur le témoin 53. J’ai décidé de reporter l’audition de ces trois témoins, au vendredi 11 mai dans l’après-midi. Nous savons dès à présent que le témoin 91 et le témoin 129 ne viendront pas. Les parties renoncent-elles dès à présent à l’audition de ces témoins moyennant, soit la lecture de leur audition, qui interviendra à un moment où on pourra le faire, soit l’audition du juge d’instruction à propos du contenu de ces auditions ? On est coincé. Est-ce que les parties renoncent dès à présent à l’audition de ces témoins ? De toute façon, on ne saura rien y faire. Il n’y a pas…

Question : [Pas de micro]

Le Président : Moi aussi, si Madame le témoin 91 se présentait, si vous y aviez renoncé, je pourrais encore l’entendre en vertu du pouvoir discrétionnaire, si elle se présentait. Monsieur le témoin 118 n’est pas là pour le moment, mais il pourrait bien arriver avec ce que, au ministère de la justice, on appelle le deuxième shift qui vient du Rwanda. Donc là, je crois qu’il n’y a pas, en tout cas en ce qui le concerne, à renoncer dès à présent parce qu’il y a peut-être bien l’espoir qu’il arrive lors d’un prochain vol. Donc, je pose la question en ce qui concerne le témoin 91 et le témoin 129. Je n’entends pas de réponse.

Me. CARLIER : Monsieur le président, pour ce qui concerne la défense de Monsieur NTEZIMANA, elle ne sait évidemment renoncer volontairement à l’audition de ces témoins. Il ne sait que constater avec la Cour leur absence.

L’Avocat Général : Pas absent, Monsieur TWAGIRAMUNGU est présent au Rwanda, mais en état de détention.

Le Président : Là, le problème est plus flagrant encore que pour son épouse qui, apparemment, n’est plus au Rwanda… et pas en Belgique. Bon, voilà. Alors, on va entendre Monsieur VANDERMEERSCH, juge d’instruction. Monsieur DELVAUX est présent ou pas ? Monsieur DELVAUX n’est pas présent ; il sera entendu à un autre moment aussi. Monsieur STASSIN est là ? Monsieur BOGAERT ? Monsieur WATERPLAS ? Monsieur CORNET ? Monsieur de STEXHE ? Les parties voient-elles un inconvénient à ce que tous ces témoins soient entendus simultanément ? Il s’agit du juge d’instruction et des enquêteurs. Pas d’objection ? Donc, il faudra faire venir… Messieurs VANDERMEERSCH, STASSIN, BOGAERT, WATERPLAS, CORNET et de STEXHE. Monsieur VANDERMEERSCH, vous allez pouvoir vous asseoir tout de suite parce que vous avez déjà prêté serment à une précédente audience et que ce serment vaut toujours pour aujourd’hui. Monsieur STASSIN, quels sont vos nom et prénom ?

Michel STASSIN : STASSIN Michel.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

Michel STASSIN : 42 ans.

Le Président : Quelle est votre profession ?

Michel STASSIN : Inspecteur principal de la police fédérale.

Le Président : Quelle est votre commune de domicile ou de résidence ?

Michel STASSIN : 13, rue des Quatre-Bras, à 1000 Bruxelles.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés avant les faits mis à leur charge ?

Michel STASSIN : Non, Monsieur le président.

Le Président : Etes-vous parent ou allié des accusés ou des parties civiles ?

Michel STASSIN : Non, Monsieur le président.

Le Président : Etes-vous attaché au service des uns ou des autres ?

Michel STASSIN : Non, Monsieur le président.

Le Président : Je vais vous demander de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment qui vous est présenté.

Michel STASSIN : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie, prenez place, Monsieur STASSIN. Monsieur BOGAERT. Mêmes questions : Quels sont vos nom et prénom ?

Olivier BOGAERT : BOGAERT Olivier.

Le Président : Votre âge ?

Olivier BOGAERT : 42 ans.

Le Président : Votre profession ?

Olivier BOGAERT : Inspecteur principal à la police fédérale.

Le Président : Votre commune de domicile ou de résidence ?

Olivier BOGAERT : Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 13.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés avant les faits mis à leur charge ?

Olivier BOGAERT : Non, Monsieur le président.

Le Président : Etes-vous parent ou allié des accusés ou des parties civiles ?

Olivier BOGAERT : Non, Monsieur le président.

Le Président : Etes-vous attaché au service des uns ou des autres ?

Olivier BOGAERT : Non, Monsieur le président.

Le Président : Je vais vous demander à vous aussi, de lever la main droite et de prêter le serment.

Olivier BOGAERT : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Vous pouvez prendre place. Monsieur WATERPLAS, quels sont vos nom et prénom ?

Michel WATERPLAS : Michel WATERPLAS.

Le Président : Votre âge ?

Michel WATERPLAS : 46 ans.

Le Président : Votre profession ?

Michel WATERPLAS : Commissaire à la police fédérale.

Le Président : Votre commune de domicile ou de résidence ?

Michel WATERPLAS : En résidence administrative à Bruxelles.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés avant les faits mis à leur charge ?

Michel WATERPLAS : Non, Monsieur le président.

Le Président : Etes-vous parent ou allié des accusés ou des parties civiles ?

Michel WATERPLAS : Non.

Le Président : Etes-vous attaché à leur service ?

Michel WATERPLAS : Non, Monsieur le président.

Le Président : Je vous demande de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment de témoin.

Michel WATERPLAS : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie. Monsieur CORNET ?

Marc CORNET : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Quels sont vos nom et prénom ?

Marc CORNET : CORNET Marc.

Le Président : Votre âge ?

Marc CORNET : 36 ans.

Le Président : Votre profession ?

Marc CORNET : Commissaire à la police fédérale.

Le Président : Votre commune de domicile ou de résidence ?

Marc CORNET : 4800 Verviers.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés avant les faits mis à leur charge ?

Marc CORNET : Non.

Le Président : Etes-vous parent ou allié des accusés ou des parties civiles ?

Marc CORNET : Non.

Le Président : Etes-vous attaché au service des uns ou des autres ?

Marc CORNET : Non plus.

Le Président : Je vais vous demander de bien vouloir également lever la main droite et de prêter le serment de témoin.

Marc CORNET : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie. Vous pouvez prendre place. Enfin, Monsieur de STEXHE ?

Jean de STEXHE : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Quels sont vos nom et prénom ?

Jean de STEXHE : Jean de STEXHE.

Le Président : Votre âge ?

Jean de STEXHE : 47 ans.

Le Président : Votre profession ?

Jean de STEXHE : Commissaire de police.

Le Président : Votre commune de domicile ou de résidence ?

Jean de STEXHE : Ottignies-Louvain-la-Neuve.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés avant les faits mis à leur charge ?

Jean de STEXHE : Non, Monsieur le président.

Le Président : Etes-vous parent ou allié des accusés ou des parties civiles ?

Jean de STEXHE : Non.

Le Président : Etes-vous attaché au service des uns ou des autres ?

Jean de STEXHE : Non.

Le Président : Je vais vous demander à vous aussi de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment.

Jean de STEXHE : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie, vous pouvez prendre place. Monsieur le juge d’instruction, nous abordons donc maintenant, depuis hier, les faits qui sont plus spécifiquement reprochés à Monsieur Vincent NTEZIMANA. Et c’est dans la perspective d’instruire à l’audience ces faits que je vous ai demandé de revenir, accompagné des enquêteurs, ou des principaux enquêteurs, qui ont participé à l’exécution de divers devoirs dans ce dossier.

C’est surtout à vous que je m’adresse, Monsieur le juge d’instruction et si les enquêteurs sont là, c’est parce qu’ils vont peut-être pouvoir, à l’occasion de l’un ou l’autre devoir, apporter des précisions notamment à des questions qui pourraient être posées par les membres du jury ou par l’une ou l’autre des parties, mais c’est surtout sur votre salive que je vais compter parce que c’est à vous que je vais demander, en quelque sorte, de faire rapport sur les éléments que vous avez pu recueillir, tant à charge qu’à décharge, de Monsieur Vincent NTEZIMANA, en suivant peut-être un ordre chronologique dans la manière dont vous avez recueilli ces éléments, en distinguant aussi s’il s’agit d’éléments matériels découverts en cours de perquisition par exemple, ou d’éléments matériels, documents reçus ou remis par des personnes, ou s’il s’agit éventuellement d’éléments d’autre nature.

Ceci dit, si je vous dis cela, cela ne vous oblige pas à suivre ce que je vous dis puisque votre déposition, vous la faites sans qu’on ne vous interrompe en principe, et si vous avez, dans votre esprit, puisque vous ne pouvez pas avoir de notes, construit autrement la manière dont vous allez déposer maintenant, vous êtes évidemment libre d’adopter votre méthode pour faire votre déposition. Il y aura quelques diapositives qui seront projetées ; je propose qu’on fasse cela en fin d’audition. Je crois qu’on est assez bien fatigués, tous ici, et on voudrait essayer de ne pas terminer trop tard aussi. Tous ces impératifs-là vont-ils pouvoir se joindre ? Je ne sais pas. Il y avait, semble-t-il, une vidéo mais comme on ne remet plus la main sur la vidéo du quartier de la maison de Monsieur Victor NDUWUMWE… Il y a quelques photos. Apparemment, sur les cassettes dont on dispose, il n’y a pas d’indication et s’il y en a une, apparemment on n’a pas l’adaptateur pour la faire fonctionner.

Michel STASSIN : Mais, nous disposons de toute façon d’une copie de travail qui, éventuellement, pourrait être communiquée à la Cour. Mais, sur la vidéo, il y a plusieurs séquences dont il faudrait isoler celle-là.

Le Président : Et cette copie de travail est en quel format ?

Michel STASSIN : La copie de travail, Monsieur le président, est en format VHS.

Le Président : Ah ! Oui, donc cela, on sait projeter.

Michel STASSIN : Sans adaptateur, oui.

Le Président : Cette copie se trouve ici quelque part dans les locaux de l’ ex-PJ ?

Michel STASSIN : Tout à fait, oui. Elle se trouve dans nos locaux, tout à fait oui, elle se trouve dans mon bureau.

Le Président : Il y a un de vos collègues qui a la clé de votre bureau ?

Michel STASSIN : Disons que mon bureau est ouvert mais c’est pour remettre la main dessus. C’est dans une caisse, bon, moi, je sais évidemment où cela se trouve. Peut-être qu’on gagnerait du temps si j’allais la chercher… ou pendant une suspension d’audience.

Le Président : D’accord. Monsieur VANDERMEERSCH, je vais vous donner la parole pour votre déposition en ce qui concerne les faits reprochés à Monsieur Vincent NTEZIMANA ?

Damien VANDERMEERSCH : Je vous remercie, Monsieur le président. Comme tout le monde est fort fatigué, je vais, fidèle à mon habitude, être debout, cela évitera qu’à l’heure de la sieste je m’assoupisse et je crois que pour tout le monde ce sera peut-être quelque peu plus dynamique. Je ne vais évidemment pas reprendre la chronologie du départ du dossier puisqu’au dossier, il y avait immédiatement, dès la mise à l’instruction, Monsieur NTEZIMANA était mis en cause. Mais, il me semble important peut-être simplement de reprendre les différentes auditions que j’ai eues avec l’intéressé puisque ces auditions faisaient, je dirais, au fur et à mesure, un peu l’évaluation des éléments d’enquête repris.

J’ai eu personnellement l’occasion d’entendre Monsieur NTEZIMANA à cinq reprises. Une première fois, le 27 avril, c’était au moment de son arrestation et d’ailleurs c’est une obligation légale que le juge d’instruction entende l’inculpé, puisqu’à ce moment, enfin il n’est pas encore inculpé, c’est au terme de l’audition que le juge d’instruction doit se prononcer sur une inculpation éventuelle mais, disons, la loi oblige le juge d’instruction à faire le point, c’est normal, avant de prendre une décision de cet ordre-là, à faire le point sur les éléments recueillis.

Donc, je l’ai entendu une première fois le 27 avril. Je l’ai réentendu le 24 mai. Je situe, c’est après la première commission rogatoire, donc sur base un peu des éléments recueillis lors de la première commission rogatoire au Rwanda, et bien entendu d’autres éléments qui avaient été recueillis entre-temps. Je l’ai réentendu une nouvelle fois le 28 juin. Le 28 juin, cela se situait après la deuxième commission rogatoire, où une série d’éléments avaient été réentendus, en fait, une série d’éléments avaient été recueillis à nouveau. Je l’ai entendu également le 18 juillet ; cela a été principalement une audition qui concernait notamment des documents retrouvés, faisant suite à l’examen de tels documents. Et je l’ai entendu encore, c’est un interrogatoire récapitulatif, donc, c’était à la demande de Monsieur NTEZIMANA où, je dirais, de façon volontaire, on a un peu avancé l’audition, c’était avant la troisième commission rogatoire, éventuellement dans la perspective de cette troisième commission rogatoire pour, éventuellement, recueillir, je dirais, les suggestions, éventuellement, de Monsieur NTEZIMANA par rapport à des devoirs qu’on pouvait faire sur place lors de la troisième commission rogatoire.

Alors, si on reprend, et je voudrais focaliser quand même fort les éléments que j’ai à rapporter ici par rapport aux faits, donc, aux événements d’avril-juillet 1994, parce que je pense quand même que c’est là que se situe tout le nœud des questions qui vous sont soumises aujourd’hui. Monsieur NTEZIMANA, si on se rappelle bien, est revenu au Rwanda au mois d’avril 1993. Il est resté, il est allé à Butare travailler à l’université où il a été repris comme chargé de cours, donc, comme professeur, pour donner l’enseignement à l’université de Butare, et il est resté à Butare jusqu’au, d’après, si je me souviens bien de ses déclarations, le 20-23 mai. Il y a un autre témoin qui parle que ce sera à peu près jusqu’au 23 mai, disons jusqu’à la date du 20-23 mai, date à laquelle il est allé à Gisenyi. Donc, il s’est rendu dans la préfecture de Gisenyi pour aller chercher ses enfants et pour, alors, aller dans la ville de Gisenyi. Ce qui nous intéresse principalement, c’est bien entendu principalement jusqu’à la date du 20 ou 23 mai.

Durant cette période, prenons la période 7 avril ­ 20-23 mai, l’épouse de Monsieur NTEZIMANA était absente. Elle était aux Etats-Unis. Donc, il était seul. Il était seul, je dirais, dans sa maison, ses deux enfants ayant été conduits dans son village natal, confiés à une tante. Donc, Monsieur NTEZIMANA, au début des événements, a conduit ses enfants dans son village natal et il les a confiés à une tante, et lui-même, donc, est revenu à Butare. Chez lui - et c’est évidemment des éléments importants pour les suites de l’enquête, parce que nous sommes parvenus à retrouver en tout cas une série et à entendre, ou en tout cas avoir le témoignage d’une série de personnes - chez lui se trouvaient différentes personnes pendant les événements. Donc, des personnes que Monsieur NTEZIMANA avait accueillies.

Au point de vue de ces personnes-là, il y avait, je n’ai pas de nouveau les noms de famille, d’ailleurs celui-là j’aurais des difficultés à le prononcer, Aster, c’est le prénom, qui était un collègue d’université de Monsieur NTEZIMANA, et qui est en même temps vice-président du PRD, donc, qui était le parti qu’avait créé Monsieur NTEZIMANA, enfin, avec d’autres personnes, donc le parti dont faisait partie également Monsieur NTEZIMANA, qui était le secrétaire général de ce parti. Aster étant, on parle de professeur invité ou assistant, qui travaillait également à l’université de Butare. Il y avait également… donc… sont venus également, vers la mi-avril, Monsieur Jean-Marie Vianney le témoin 142, qui travaillait à PETRORWANDA, qui est une personne métisse, qui était d’origine… qui avait un père d’origine européenne et une mère, si je me souviens bien, d’origine africaine, donc métis, et qui a été accueilli avec son ami le témoin 118 qui, lui, travaillait dans une banque mais était assez connu par le fait qu’il était entraîneur de football. Donc, Longin était entraîneur de football et a été d’ailleurs entraîneur de l’équipe nationale. Donc, c’était quelqu’un qui avait une certaine notoriété puisqu’il était ou avait été l’entraîneur de l’équipe nationale. Ces deux personnes ont logé chez Monsieur NTEZIMANA.

Etait également chez Monsieur NTEZIMANA, et là, suivant les déclarations, est-ce qu’il logeait tout le temps ou est-ce que des fois il était absent la nuit ou est-ce qu’il logeait des fois ailleurs, mais toujours est-il qu’il était en tout cas présent à certains moments de façon assez régulière, c’est Monsieur Innocent NKUYUBWATSI, qui était… travaillait à la SORWAL, qui est l’usine dont Monsieur HIGANIRO était directeur, et, donc Innocent NKUYUBWATSI était également là. C’est un ancien militaire et on dit d’ailleurs que lors des événements, il portait souvent une tenue militaire. D’ailleurs, il a donné lui-même certaines explications à ce sujet-là puisqu’il a pu être entendu.

En ce qui concerne peut-être les personnes, Aster est parti aux Etats-Unis après les événements et la défense de Monsieur NTEZIMANA a fait joindre au dossier, une attestation ; en fait c’est un témoignage assez détaillé, assez long, en anglais, qui a été traduit bien entendu, et dans lequel Aster détaille l’ensemble des éléments, notamment un peu le développement de l’évolution politique, son trajet personnel et tout le déroulement pendant les événements. Monsieur Longin et Monsieur le témoin 142 ont, eux, été entendus dans le cadre d’une commission rogatoire ; donc, on est parvenu à les retrouver et à les entendre dans le cadre de l’affaire.

Etaient également présent mais avec un statut, semble-t-il, un peu différent, c’étaient deux jeunes filles. En fait, on dit que c’étaient des servantes. C’étaient des personnes qui se trouvaient, qui ont également été hébergées par Monsieur NTEZIMANA, mais plutôt qui étaient hébergées avec sa servante elle-même ou bien sa personne… sa boyesse comme on dit là-bas. Donc, Monsieur NTEZIMANA avait une personne, d’ailleurs qu’on dit suivant certains, était Tutsi. Monsieur NTEZIMANA semble avoir maintenu chez lui et, quelque part, abrité durant les événements et donc cette boyesse, si je ne me trompe pas, du prénom de Caritas. Il y a également deux autres servantes qui sont venues chez Monsieur NTEZIMANA et qui ont été hébergées, semble-t-il, mais plutôt avec la boyesse, donc, peut-être pas nécessairement dans l’immeuble, peut-être je dirais un peu en dehors, qui ne partageaient pas exactement les mêmes espaces de vie que les autres personnes dont je viens de parler.

Un élément important, c’est que toutes ces personnes - je parle sous réserve du professeur Aster que Monsieur NTEZIMANA connaissait, mais tant Longin que Jean-Marie Vianney que les deux servantes, on parlait d’ailleurs que c’étaient deux servantes voisines du capitaine NIZEYIMANA - toutes ces personnes ont été chez Monsieur NTEZIMANA par l’intermédiaire ou à la demande du capitaine NIZEYIMANA. Donc, le capitaine Ildephonse NIZEYIMANA, lui-même abritant certaines personnes et n’ayant pas assez de place chez lui, avait demandé, en tout cas pour certains, où Monsieur NTEZIMANA pour Longin et Jean-Marie Vianney le témoin 142, il semblerait qu’il leur ait proposé de les faire loger chez lui. Et pour les deux servantes, ce serait à la demande du capitaine NIZEYIMANA. Le capitaine NIZEYIMANA qui, entre autres, hébergeait chez lui, - c’est un élément important parce que ces personnes ont pu être entendues également ­ il hébergeait le frère de Longin, donc le frère de l’entraîneur de football, Jean-Baptiste MUKIMBILI, si je ne me trompe pas, on va l’appeler Jean-Baptiste, par son prénom.

Jean-Baptiste logeait chez le capitaine NIZEYIMANA, de même d’ailleurs que son épouse. Il faut savoir qu’au moment où je l’ai entendu personnellement - c’est un élément qui est peut-être important aussi de signaler à cette occasion - c’est que Monsieur Jean-Baptiste MUKIMBILI était détenu. Nous avons, tout au cours des commissions rogatoires, eu le souci également d’entendre des gens qui étaient en prison, donc qui étaient soupçonnés d’avoir participé ­ à tort ou à raison, ce n’est évidemment pas à nous à trancher ces questions-là ­ mais qui étaient détenus à titre préventif par rapport à des faits reprochés, par rapport aux événements qui s’étaient déroulés. Donc, là, cela me semblait important d’entendre les personnes dans les prisons, parce qu’elles pouvaient peut-être apporter peut-être un éclairage différent que des personnes qui étaient peut-être - en tout cas qui étaient présumées - plus neutres. Ici les personnes, on pouvait penser peut-être qu’elles avaient une vision peut-être différente.

Donc, toutes ces personnes ont été entendues. Il y a une constante, semble-t-il, si l’on regarde l’ensemble des déclarations - parce que, lorsque nous avons mené nos investigations, nous avons été évidemment attentifs compte tenu, et cela, il faut le dire, Monsieur NTEZIMANA ne l’a jamais contesté, il l’a toujours même d’ailleurs déclaré - c’est qu’il avait des relations d’amitié avec le capitaine NIZEYIMANA. D’ailleurs, il dit que pendant les événements, ils se voyaient, ils se sont vus à maintes reprises, il semblait qu’ils allaient l’un chez l’autre de façon assez régulière, en tout cas, Monsieur NTEZIMANA l’a déclaré. Il l’a déclaré d’ailleurs dès le départ. Il est évidemment intéressant, à ce moment-là, de s’intéresser quand même aux faits et gestes de ce capitaine, puisqu’il semblait être en relations assez étroites avec Monsieur NTEZIMANA, et je dois dire que dans la toute grande partie, je dirais la quasi-unanimité des témoignages que nous avons recueillis, mais également dans le cadre du dossier de Monsieur KANYABASHI, puisque c’était la même commune, donc le nom de Monsieur NIZEYIMANA revient de façon quasi systématique, comme étant un des organisateurs ou un des principaux organisateurs, vraiment assez haut, des massacres dans la commune, dans la ville de Butare.

Alors, Monsieur NIZEYIMANA, il faut le savoir, était capitaine, c’est un grade assez important. D’ailleurs, Monsieur NTEZIMANA le situe vers le n° 3 ou 4 au point de vue de la hiérarchie militaire, au niveau de Butare. D’après beaucoup de témoignages, il aurait été le n° 2, mais qui aurait même supplanté le n° 1. C’était le colonel le témoin 151 qui l’avait remplacé. Vous vous rappelez que le commandant de place avait été muté avant le 19 avril. Le colonel le témoin 151 l’a remplacé et semblait, suivant plusieurs témoignages, qu’il aurait été dépassé par, et on cite le nom du capitaine NIZEYIMANA et d’un autre lieutenant, HATEGEKIMANA, qui est un nom qui revient également à de maintes reprises comme les personnes qui, au niveau militaire, je parle bien au niveau militaire, étaient responsables des massacres qui se déroulaient dans la ville de Butare. Alors, on a quand même eu l’un ou l’autre témoignage, je dirais plus privilégié à cet égard, c’est notamment le témoignage de Jean-Baptiste MUKIMBILI, donc la personne, le frère de Longin, qui habitait chez NIZEYIMANA et qui, lui, dit très clairement dans sa déclaration : « On venait apporter des piles de cartes d’identité en disant « mission accomplie ». Donc, des militaires venaient régulièrement et rapportaient des piles de cartes d’identité de personnes que lui, en tout cas, concluait que c’étaient des personnes qui avaient été tuées, et que Monsieur le capitaine NIZEYIMANA avait tenu des propos très clairs en disant qu’il approuvait les massacres et même qu’il laissait entendre que c’est lui qui les organisait. En tout cas la déclaration de Monsieur MUKIMBILI est, je dirais, assez claire, notamment par cet élément concret de cartes d’identité qu’on venait déposer chez le capitaine NIZEYIMANA.

Evidemment, cette question de lien entre Monsieur NTEZIMANA et le capitaine NIZEYIMANA, dont Monsieur NTEZIMANA a été… je l’ai entendu bien entendu à ce propos-là, il l’a toujours reconnu en disant : « Mais oui, c’est un ami », et d’avant les événements, puisqu’il dit d’ailleurs qu’il a été hébergé chez lui lorsqu’il est revenu de Belgique à Butare, qu’il a été logé, donc, il y avait vraiment des liens entre les deux familles.

Pendant les événements, Monsieur NTEZIMANA dit qu’il avait des contacts avec lui, mais il… je l’ai quand même interrogé de façon plus… en disant : « Oui, on discutait mais je ne discutais pas avec lui de la question éventuelle de l’implication des militaires ». Donc, Monsieur NTEZIMANA, en tout cas devant moi, n’a pas contesté qu’il savait que les massacres étaient l’œuvre de militaires et de miliciens. Militaires… le capitaine NIZEYIMANA étant quand même une certaine autorité, donc, il y avait éventuellement un lien qui pouvait être fait. Il m’a déclaré, dans sa première déclaration du 27 avril, qu’il n’avait pas abordé ce sujet-là avec le capitaine NIZEYIMANA parce qu’il ne savait pas exactement s’il était impliqué, oui ou non. Ce qu’on peut peut-être se dire, c’est qu’il se posait en tout cas la question de savoir de son implication oui ou non, et qu’il avait préféré ne pas aborder ce sujet.

Il est évidemment étonnant, parce que, dans, je dirais, l’ensemble des témoins qui ont été entendus, sous réserve de l’un ou l’autre témoin comme le professeur Aster ou un collègue, Bernard, on va l’appeler Docteur Bernard le témoin 93, sous réserve de ceux-là, je dirais que l’ensemble des autres… enfin, il est quand même étonnant que ces trois personnes qui, quand même, semblaient circuler, que ces personnes ne semblent pas être au courant des agissements du capitaine NIZEYIMANA, alors que plein d’autres disaient : « Mais, oui, c’était assez clair ». Alors, notamment Monsieur KANYABASHI, qu’on ne peut pas… dont on ne peut pas soupçonner évidemment qu’il était spécialement… je dirais, disposé à prendre parti pour l’une ou l’autre personne. Je vous rappelle que Monsieur KANYABASHI a été détenu, donc je l’ai placé moi-même sous mandat d’arrêt. Il a été détenu et transféré vers le Tribunal international.

Dans ses auditions, Monsieur KANYABASHI, qui était bourgmestre de la ville de Butare, lui, met directement en cause également le capitaine NIZEYIMANA, qu’il qualifie d’ailleurs de « méchant », de « très méchant », donc, par rapport directement dans une implication par rapport aux massacres. Il justifiait d’ailleurs que lui n’avait plus grand-chose à dire à cause de personnes qui, vraiment, détenaient ou qui semblaient diriger les opérations. Par rapport au capitaine NIZEYIMANA, évidemment cette question, donc Monsieur NTEZIMANA dit : « Moi, j’avais peur et je ne voulais pas aborder cette question-là parce que cela me semblait… ça me semblait un peu… ça me semblait pouvoir éventuellement être une question délicate ». Alors, je dois dire que Monsieur NTEZIMANA avait soumis une sorte de mémorandum de cette compréhension et là, il a abordé également ce sujet-là, et il disait qu’en ce qui concerne les agissements des militaires, c’était couvert par le secret. Le secret défense ou le secret militaire. Là, je dois vous dire qu’en tout cas pour d’autres personnes, ça semblait n’être… ce n’était pas une question d’agissement secret, il semblerait quand même que les massacres avaient une certaine visibilité.

Durant les événements eux-mêmes, en ce qui concerne les activités de Monsieur NTEZIMANA, lors des premières auditions, je lui ai posé la question de savoir : « Mais qu’est-ce que vous faisiez pendant les événements ? ». Il m’a dit effectivement qu’il n’y avait plus d’activité à l’université, les cours étaient suspendus, et cela semble évidemment logique puisque c’était la guerre et que, en fait, bon, il ne faisait pas grand-chose si ce n’est qu’il… qu’il jouait aux cartes, enfin qu’il s’occupait, qu’il parlait. J’ai été amené à le réentendre au sujet, je dirais, de la période des événements et là je dirais, lors de cette ré-audition - mais qui était plus approfondie sur base d’éléments qui avaient été recueillis - on a abordé la question quand même de toutes les réunions qui étaient tenues pendant les événements. Il est apparu que, pendant les événements, il y a eu beaucoup de réunions, de réunions qui avaient comme principal objet la sécurité, la défense. A ce sujet-là, il est évidemment intéressant d’entendre Monsieur NTEZIMANA à ce sujet et donc, Monsieur NTEZIMANA a déclaré avoir participé à quatre réunions avec soit le préfet, soit le bourgmestre, ou les deux ensemble, réunions qui avaient pour objet la défense civile - donc après le 19 avril, on parle de la période d’après le 19 avril - de quatre réunions, qui avaient pour objet donc la défense civile, défense civile que j’ai évoquée lors de mon rapport introductif. Défense civile où Monsieur NTEZIMANA, entendu à ce sujet-là, admet que les messages étaient confus. Il est bien clair que ces réunions avaient pour but la mise en œuvre des directives et des recommandations du gouvernement en l’espèce. Mais la défense civile, Monsieur NTEZIMANA dit : « On pouvait l’interpréter comme la défense par rapport au FPR. Evidemment, on ne pouvait pas nier qu’il semblait y avoir des dérapages et qu’il y avait quand même des massacres, par ailleurs ».

Par rapport à cette question précisément de défense par rapport au FPR, je lui ai posé la question de savoir : « Oui, mais qu’est-ce qu’on entendait par se défendre par rapport au FPR ? ». Et notamment, il était question toujours d’infiltrations ennemies. J’ai dit : « Mais est-ce que vous avez été témoin d’infiltrations ennemies ? », l’ennemi étant - en tout cas dans l’esprit de Monsieur NTEZIMANA - le FPR. Je lui ai posé la question de savoir s’il avait été - c’est dans l’audition du 18 juillet - s’il avait été lui-même témoin d’infiltrations FPR, c’est-à-dire d’infiltrations, où il y aurait eu une escarmouche, où il y aurait eu des gens armés qui auraient été découverts et qui étaient des soldats, ou en tout cas des personnes actives au sens d’infiltration d’une armée, infiltration de soldats. Il m’a répondu : « Non ». Et je lui ai posé également la question : « Mais est-ce que, en tant que professeur d’université, vous avez des éléments qui vous donnent à penser qu’il y avait ces infiltrations ? ». C’est vrai qu’on pouvait ne pas peut-être en être témoin direct mais, comme Monsieur NTEZIMANA semblait circuler assez librement durant les événements, il aurait pu évidemment avoir des informations à ce sujet. Il m’a répondu également par la négative. C’est vrai que je suis arrivé à la question en disant : « Mais alors, quoi par rapport à ces infiltrations ? ». Et là, il m’a répondu en disant : « C’est en quelque sorte à titre préventif ». Evidemment, c’est toute une question. Quand on combat les infiltrations à titre préventif…

Enfin, bon, c’est la réponse qu’il m’a donnée en ajoutant que peut-être que le gouvernement disposait d’informations dont le simple citoyen comme lui, n’avait peut-être pas connaissance. Ceci étant, pour les quatre réunions préfet-bourgmestre, il y a eu également, suivant les déclarations de Monsieur NTEZIMANA, mais on a des éléments qui… ces réunions on en retrouve des traces également dans les documents, dans tous les documents de Butare, on retrouve des traces de ces réunions au niveau de la préfecture, de ces réunions également par quartier ou secteur, donc, c’est quelque chose qui correspondait effectivement à une réalité, qui montrait qu’il y avait toute une organisation, en tout cas au niveau civil, toute une autorité civile qui faisait des réunions par rapport à la problématique de la sécurité avec, comme le disait Monsieur NTEZIMANA, tout le caractère peut-être un peu ambigu ou confus, des messages qui étaient donnés à ces occasions-là.

Réunions à l’université, et là, c’est important, puisque vous vous rappelez que Monsieur NTEZIMANA était président de l’APARU, donc du personnel scientifique, et là, on a retrouvé des documents par rapport à cette réunion à l’université. On a retrouvé notamment, je parle ici de la première, enfin… d’une réunion en tout cas, où le premier ministre, Monsieur KAMBANDA était présent, réunion le 14 mai, à l’université, dont nous avons d’ailleurs retrouvé la convocation du vice-recteur, Jean Berckmans, qui avait convoqué le personne à cette rencontre avec le premier ministre. Monsieur NTEZIMANA a… se souvient bien de cette réunion, il y a d’ailleurs participé.

Si je pouvais avoir un peu d’eau, sinon j’ai peur que, tout à coup… je ne voudrais pas m’arrêter en plein milieu pour une extinction de voix…

Donc, le recteur avait convoqué l’ensemble du personnel. Monsieur NTEZIMANA se souvient de cette réunion, où il dit qu’il était question effectivement, lors de cette réunion, de mise en œuvre des directives du gouvernement, de la défense civile et, donc, le premier ministre était venu pour cette réunion. D’ailleurs, il pensait au départ, ou en tout cas il avait été approché au départ, pour faire une intervention, donc pour une réponse ou en tout cas faire un petit discours, un petit speech vis-à-vis du premier ministre en tant que responsable de l’APARU. Et il semble qu’un autre professeur s’y soit opposé en disant : « Mais non, c’est nous qui l’avons invité ». Et c’est vrai que dans le compte rendu de la réunion, on trouve l’intervention de cet autre professeur et pas de trace, en tout cas d’intervention de Monsieur NTEZIMANA. Toujours est-il que nous avons le compte rendu de cette réunion. Dans le compte rendu, en fait c’est dans le carnet d’un sous-préfet, on a retrouvé dans les documents à Butare, un carnet manuscrit où, au jour le jour, cette personne notait les réunions, les comptes rendus de réunions, ses activités, enfin, différents éléments. Et donc, à la date du 14 mai, on retrouve ce compte rendu de la réunion avec le premier ministre.

Alors, ce compte rendu, il y a d’abord l’intervention du préfet, le préfet qui remercie le premier ministre d’être là, qui rappelle la guerre, qui rappelle la nécessité d’appeler la population à se défendre, qui rappelle également l’opposition, la dénonciation du rôle de la Belgique et de l’Ouganda, comme alliés du FPR. Et nous avons la réponse, ou en tout cas le discours, du premier ministre qui également rappelle différents éléments. Il remercie d’abord le personnel de l’université pour le soutien au gouvernement. Pour le premier ministre, c’est un élément évidemment d’avoir le soutien éventuellement de l’université. Donc, le premier ministre parle, évoque différents aspects dont de nouveau l’autodéfense civile et la nécessité de sensibiliser la population à l’autodéfense civile. Je ne vous cache pas qu’il y a une phrase qui m’a un peu posé question. C’est que, pour une fois je dirais, on évoque ­ c’était rare, c’est assez exceptionnel ­ pour une fois les massacres, mais dans des termes qui sont, me semble-t-il, un peu inquiétants puisque le premier ministre dit : « Contrairement à ce que prétend le FPR, il n’y a pas eu de massacres à Kibungo et à Butare, il y a simplement la population qui a été attaquée et elle n’a fait que se défendre ; il y a eu la guerre ». Cela, c’est le compte rendu. On qualifie les massacres en disant : « Mais non, il n’y a pas de massacres ».

Or, d’après l’enquête et je dirais qu’on n’est pas les seuls, c’est qu’il semblait quand même qu’il y avait des massacres et qu’il n’y avait pas la guerre, que la guerre se situait ailleurs, mais, donc, la qualification qui est donnée aux événements qui se sont passés à Butare, c’est donc de dire : « La population a été attaquée » - mais en tout cas pas matériellement ; c’est vrai qu’il y a eu une attaque du FPR mais qui se situait ailleurs, en tout cas concrètement il ne semblerait pas qu’elle ait été attaquée à Butare - « Elle n’a fait que se défendre », on se demande contre qui ? Si évidemment l’ennemi était si loin… c’est une drôle… enfin, c’est une interprétation en tout cas qui pose question par rapport à l’interprétation des événements puisque là, on emploie le terme massacre, le FPR ayant dénoncé, c’était peut-être son intérêt évidemment, les massacres sur la scène internationale.

Monsieur KAMBANDA, entendu par les enquêteurs du TPIR, a été entendu également au sujet de cette réunion. Là, on a enfin me semble-t-il, dans l’audition de Monsieur KAMBANDA, on a deux ou trois éléments qu’il me semble intéressant à mentionner ici. C’est d’abord qu’il était accompagné, et qu’il a organisé cette réunion. D’après Monsieur KAMBANDA, d’après ses déclarations, c’est le chef des renseignements du gouvernement intérimaire, qui était NSABIMANA Alexis. Or NSABIMANA Alexis était le président du PRD. Il faut savoir que le président du PRD, le parti de Monsieur NTEZIMANA, est devenu - et Monsieur NTEZIMANA l’a expliqué en disant : « Oui, mais c’est un ami de KAMBANDA » - mais, donc, Monsieur NSABIMANA Alexis est devenu le chef du service des renseignements du gouvernement intérimaire. Et Monsieur KAMBANDA ajoute : « Le discours que j’ai prononcé à cette occasion-là a été préparé par Alexis NSABIMANA ».

Donc, on peut quand même dire que là, il y avait une prise de position par rapport aux événements qui a été dite, qui a été énoncée par Monsieur KAMBANDA, mais il dit que ce discours était préparé par Alexis NSABIMANA. C’est aussi une question dans le dossier. Vous savez que Monsieur NTEZIMANA qualifiait le PRD comme un parti modéré. Pas mal de témoins ont dit que c’était un parti qui était tendance Hutu Power et qui était certes nouveau, qui avait encore peu de visibilité sociale, mais qui se situait plutôt du côté extrême, ce qui est formellement contesté par Monsieur NTEZIMANA, et par le témoin Aster également, qui conteste formellement cela. Je dois ajouter que les statuts du parti ne laissent pas entendre du tout qu’il y ait quoi que ce soit comme extrémisme, mais cela, je dirais, à l’instar d’autres partis. Il n’est pas toujours marqué dans les statuts, sauf erreur de ma part, du MRND, ce sont des statuts, je dirais… en termes assez généraux.

Pour la CDR, là, c’était plus clair comme statuts. Là, on voyait beaucoup plus l’option, je dirais, plus… un peu… « anti-Tutsi » ou en tout cas anti-colonial. On parle, on fait référence à la période antérieure, donc là, je dirais que c’est un peu plus marqué. Mais par rapport au PRD, on retrouve trace du président comme chef des renseignements du gouvernement intérimaire. Aster, qui était vice-président, logeait chez Monsieur NTEZIMANA, on a, et là je pense que ce témoin a été convoqué, il pourrait être entendu. Et alors, également, il y avait le témoin 23 Jean. On a retrouvé un document signé par le témoin 23 Jean et d’autres personnes, signé par quatre personnes, aussi un document qui est quand même assez, je qualifierais de « coloré », dans le sens où il prend très fort position contre la Belgique, et notamment la Belgique comme complice du FPR. C’est un document qu’on peut qualifier éventuellement, enfin, on parle de la responsabilité de la Belgique dans la mort du président, on parle des complicités de la Belgique qui a favorisé les infiltrations FPR, enfin, c’est un document assez agressif par rapport en tout cas au FPR et à la Belgique.

Revenons-en au niveau de l’université. J’ai interrogé Monsieur NTEZIMANA quand même sur la question, d’abord des préfets, et sur la question de l’attitude des préfets, l’attitude des autorités universitaires. En ce qui concerne les préfets, il m’a dit : « Mais en fait, le discours avant le 19 avril et après le 19 avril, était assez identique ». C’est vrai qu’on parlait de sécurité avant et après. C’est tout à fait objectif, il y avait des réunions de sécurité avant le 19 avril également. D’ailleurs, on parle également de rondes, de rondes avant le 19 avril. Mais simplement la réalité semblait quand même très différente. Avant le 19 avril, il n’y avait pas de massacre ; après le 19 avril il y avait des massacres qui n’étaient pas isolés. Je veux dire qui étaient quand même à une échelle d’une telle importance qu’il était difficile de les ignorer, ou en tout cas de ne pas avoir connaissance de leur existence. C’est vrai que si les messages étaient peut-être les mêmes où on parlait de sécurité, ils étaient en tout cas reçus, semble-t-il, de façon différente.

Alors, je lui ai posé la question en disant : « Oui, mais alors ce changement, ce changement de préfet et de commandant de place ? ». Il m’a répondu qu’effectivement au Rwanda, quand on change les têtes, cela crée souvent des modifications aux étages inférieurs. Et donc, j’ai l’impression qu’il se situait à ce moment-là en disant, dans cette hiérarchie rwandaise, c’est vrai qu’il y a… où on suit, où on se conforme aux directives données d’en haut. Et pour l’université, il a donné un peu une analyse semblable, en disant que les autorités universitaires avaient été nommées par l’ancien régime ; ancien régime, sous-entendu MRND, parti unique ; donc, étaient des personnes, en d’autres termes, de l’ancien président. Et étant des personnes de l’ancien président MRND, donc pas sa tendance, en tout cas, c’est qu’il soutenait, ces personnes donc, dans cette logique-là, ne faisaient, n’ont fait, après le 19 avril, qu’appliquer également les directives qu’elles recevaient. On peut se poser la question évidemment si cela joue en cascade, cela a joué évidemment au niveau du personnel avec, effectivement, toujours cette question des massacres à grande échelle, qui se passaient, parce qu’il faut évidemment voir tous ces documents et tous ces événements par rapport à ce qui se passait malheureusement dans les rues et sur les barrages, où là, il semblait, en tout cas - ce ne sont pas les témoignages qui manquent - pour dire qu’on massacrait, qu’on triait et que c’étaient des massacres qui avaient une grande visibilité.

Monsieur NTEZIMANA a déclaré également qu’il avait participé à quatre réunions de secteur ou de quartier. Il habitait le quartier de Buye où on organisait la sécurité. D’ailleurs, on a une trace d’un compte rendu de réunion où le docteur, enfin, professeur, je crois qu’il est docteur aussi, en tout cas on l’appelle docteur dans le dossier, le témoin 93, je vais dire Bernard, ce sera plus facile. Donc, le Docteur Bernard avait dirigé d’ailleurs lui-même cette réunion et cette réunion où l’on parle de sécurité, c’est vrai, sans évoquer les massacres, mais sans non plus dire -sauf un paragraphe dans ce compte rendu de réunion, qui est traduit et qui se trouve au dossier - où on parle simplement qu’à un moment donné, on pose la question de comment on va pouvoir identifier les gens qui ne sont pas des Inyenzi qui sont connus des autorités. Quand même une fois la question a été posée mais sinon, pour le reste, ce document est plutôt, je dirais, quelque part neutre.

Par rapport à ces réunions de secteur, ces réunions de sécurité, je dois faire référence à un document, parce que Monsieur NTEZIMANA a dit que ce document avait été fait, avait été écrit, suite à une réunion d’un conseil de sécurité de son secteur. En fait, nous avons retrouvé une lettre datant, si je ne me trompe pas, du 25 avril 1994, la date est importante, donc 19 avril, le discours du président SINDIKUBWABO et, malheureusement, les massacres qui sembleraient commencer à partir du 19 avril, et donc le 25 avril, c’est une lettre qui est signée par Jean-Népomucène RUTAYISIRE, on essaie quand même de retenir, et par Monsieur NTEZIMANA Vincent. Népomucène était, semble-t-il, un des responsables de la… du comité de sécurité du secteur et donc, cette lettre est une demande d’entraînement et d’arme pour l’université, pour le personnel de l’université. Dans cette lettre, dans le premier paragraphe, on fait état des recommandations du gouvernement pour la mobilisation, pour lutter pour l’intégrité du pays, allusion sans doute à la guerre par rapport au FPR.

Dans le deuxième paragraphe, on évoque les efforts de l’armée. Les efforts de l’armée doivent recevoir l’appui des populations civiles pour barrer la route à l’ennemi, c’est le terme qui est employé, l’ennemi. Dans le troisième paragraphe, on dit que les membres du personnel… vu que les membres du personnel de l’université ­ donc, c’était le personnel cadre, les professeurs et les membres du personnel cadre - ne peuvent pas rester les bras croisés et qu’ils doivent assurer la défense des quartiers ou la défense dans les quartiers, je ne sais plus si c’était des quartiers ou dans les quartiers. Et donc, vient un paragraphe où l’on demande un entraînement à l’arme à feu pour le personnel, pour les professeurs et le personnel de l’université. Je ne vous cache pas que ce qui m’a posé plus question, c’est le mot « quartier ». Qu’il y ait mobilisation par rapport à la guerre, par rapport au FPR, me paraît évidemment assez normal. Si on est en situation de guerre, qu’on se mobilise éventuellement pour faire face à ceux qui étaient qualifiés d’envahisseurs, cela me semble assez logique. Mais alors, dans les quartiers… j’ai entendu bien entendu Monsieur NTEZIMANA à ce sujet.

Dans un premier temps, il ne se souvenait pas bien de la lettre, donc la première audition, il m’a dit qu’il ne se souvenait pas bien de cette lettre mais qu’il l’avait peut-être… qu’elle avait été soumise à sa signature parce qu’en tant que président de l’APARU, elle aurait sans doute plus de poids, et donc, pour cette demande. Mais il ne se souvenait pas, il pensait qu’on la lui avait soumise comme cela et qu’on lui avait demandé de signer cela en tant que président de l’APARU. Et puis, par la suite, il m’a écrit un document en disant, en resituant le contexte du 25 avril, en disant : « Il y avait, d’une part, le FPR et une menace du FPR du Burundi ». Il disait qu’à 25 km de là, ils vivaient sous la hantise d’une attaque du FPR et, d’autre part, il reconnaissait qu’il y avait quand même les massacres aussi.

Donc, il a simplement dit : « Tiens, voilà le contexte de la lettre ». Et puis, dans l’audition du mois de septembre, je l’ai ré-interrogé là-dessus, sur cette question-là, et il m’a dit - je pense déjà que c’était le 18 juillet où il parlait de la défense des quartiers contre le FPR et j’ai l’impression que, si on se défend contre un envahisseur, on irait plutôt au front que dans les quartiers. Enfin, c’est un peu difficile de se défendre contre une armée, surtout quand vous verrez les photos, tels que les quartiers sont conçus, c’est quand même assez répandu, enfin, ce n’est pas facile de s’organiser ; on imagine plutôt une armée faisant face à une autre armée - mais alors, il m’a précisé qu’à ce moment-là, en fait, c’était après cette réunion de secteur où, là, on avait évoqué qu’en fait, pour le moment, dans l’autodéfense civile et dans tous ces comités de sécurité, il n’y avait que de la jeunesse ou des partisans du MRND, de la CDR qui en faisaient partie, qui s’entraînaient, et qu’il trouvait que c’était inquiétant qu’il n’y ait des gens que de ce côté-là qui s’entraînent et qui participent à l’armement ; donc, qui puissent, eux, s’entraîner. Et il trouvait, lui, que tout le monde devait pouvoir s’entraîner. Il faut quand même savoir, les jeunes MRND et CDR, eh bien, ce sont les Interahamwe et les Impuzamugambi qui sont les milices de la CDR et qu’alors, à ce moment, je crois que dans la réponse de Monsieur NTEZIMANA, c’était le but de dire : « Oui, mais comme cela s’il y a des modérés qui seront prêts, ils pourront peut-être retenir les autres ».

Une autre analyse peut être de dire : « On a fait cause commune ». C’est quand même ce qui résulte de certains témoignages, c’est qu’au niveau de tous les partis, il y a un peu une cause commune Hutu qui s’est créée, la réunion de tous les partis et que c’est peut-être dans ce cadre-là qu’à ce moment il y a eu une cause commune qui a été faite, malheureusement, au niveau des massacres également.

Je crois qu’avec ceci j’ai un peu cerné les questions des réunions et des activités de Monsieur NTEZIMANA pendant les événements. D’ailleurs, il semblait qu’il circulait quand même assez régulièrement, d’ailleurs il ne le conteste pas en disant : « Effectivement, pendant les événements je n’avais pas beaucoup d’activités ». Si ce n’est par après, en voyant après, il y avait quand même toutes ces réunions, cela fait quand même pas mal de réunions sur un temps qui n’est pas tellement étendu puisque, après le 19 avril, il y a quand même déjà toute une série de réunions. D’ailleurs Aster, dans son attestation, a fait état quand même que Monsieur NTEZIMANA était fort absorbé par ses activités en tant que président de l’APARU. Par rapport à ces activités, je dirais générales, voilà ce que j’estime pouvoir en dire, de façon évidemment bien synthétique.

Maintenant, j’en viens plus précisément aux différents faits qui lui seront reprochés mais il m’a semblé évidemment important de voir un peu qui était chez lui, quelles étaient ses activités suivant ses déclarations et, je dirais, en quoi consistaient ses activités. En ce qui concerne les faits qui lui sont reprochés, je suppose que cela a déjà été évoqué mais là… vous m’excuserez s’il y a des répétitions mais moi je ne sais pas ce qui s’est dit ce matin, je ne sais pas ce qui s’est dit dans les jours antérieurs. Donc, moi, je vais essayer d’en faire une synthèse d’après ce que moi je peux en dire mais, il y aura sans doute peut-être des redites ou des répétitions par rapport à d’autres témoins.

Il y a d’abord la question du meurtre de la jeune fille. Je vous ai parlé des deux jeunes filles, les servantes d’un voisin de Monsieur NIZEYIMANA qui se trouvaient chez Monsieur NTEZIMANA à titre de… je dirais à titre de dépannage, ou parce qu’il n’y avait pas de place chez Monsieur NIZEYIMANA, en tout cas à titre de service vis-à-vis de Monsieur NIZEYIMANA et, donc, à propos de ces deux servantes, et donc Monsieur NTEZIMANA en parle le 10 mai, pour la première fois. Avant, je lui avais posé la question s’il avait été témoin de massacres, il m’avait répondu par la négative et le 10 mai, c’est lui-même qui en a parlé en disant : « Mais je dois vous parler d’une personne que j’ai vu mourir sous mes yeux ». Et il a commencé à expliquer. Je dois vous dire également que c’est une rumeur qui courait un peu que, en tout cas chez lui, qu’il l’aurait tuée. Mais c’était vraiment de l’ordre de la rumeur.

En ce qui concerne cette personne, que dit Monsieur NTEZIMANA à ce niveau-là ? Que m’a t-il dit ? Il ma dit : « Voilà, ces deux personnes ont un jour disparu avec Monsieur Innocent NKUYUBWATSI, elles se connaissaient, et, un matin elles sont parties et Monsieur NKUYUBWATSI est revenu seul. Et Là, je lui ai dit : « Tiens, elles ne sont pas là ? ». Et alors, il m’a répondu d’un ton assez sec : « Mais pourquoi tu me poses la question ? Elles sont rentrées chez elles ». Monsieur NTEZIMANA dit : « A ce moment-là, j’ai pensé qu’elles avaient peut-être été violées ou qu’ils s’étaient disputés ». Il pense de suite à malheur, par rapport au fait qu’il leur serait arrivé quelque chose. Et puis, quatre jours plus tard, ou cinq jours plus tard, d’après ce que dit Monsieur NTEZIMANA, si je me souviens bien, il déclare qu’une des jeunes filles revient mourante chez lui, ou il trouve une des jeunes filles mourante chez lui. Et, dit-il : « Monsieur NKUYUBWATSI - elle était mourante, agonisante - l’achève avec un couteau - dit-il - l’achève avec un couteau, sous mes yeux ». Je lui ai posé la question évidemment de la question de son attitude, puisqu’une personne qui semblait, alors d’abord il laissait entendre qu’elle était mourante, qu’elle allait de toute façon mourir. Je lui ai quand même posé la question : « Sur quel élément il pouvait se baser pour dire qu’elle allait mourir ? ». Et puis il m’a dit : « En fait, non, il y avait impossibilité de chercher du secours parce que si on allait chercher du secours pour quelqu’un qui était blessé, quelqu’un peut-être qui était d’origine Tutsi ou soupçonné en tout cas d’être ennemi, ou plutôt Inyenzi, ou tenir avec le FPR, à ce moment-là, on pouvait avoir des ennuis ».

Donc, il disait plutôt qu’il y avait une impossibilité en tout cas de la secourir. En tout cas, c’est comme cela que lui analysait la situation. Puis, je lui dis : « Mais par rapport à Monsieur NKUYUBWATSI, vous aviez quand même la possibilité d’intervenir, de lui dire : « Mais non ! ». Et puis il me dit : « Mais écoutez, je ne pouvais pas laisser apparaître que j’étais opposé au massacre ; je ne pouvais pas laisser apparaître que je désapprouvais son geste parce que sinon, moi-même, j’allais être en danger, j’avais peur - il a d’ailleurs qualifié en disant : « J’avais peur, c’était une question de survie, et donc, moi-même, je risquais de me trouver en danger ». Je lui ai quand même posé la question, à ce moment-là, plutôt c’était une réflexion, en disant : « Oui, mais ces jeunes filles étaient envoyées par NIZEYIMANA. Lui-même hébergeait NKUYUBWATSI ». Or, il est incontestable que NKUYUBWATSI lui-même était un peu redevable à Monsieur NIZEYIMANA et, Monsieur NTEZIMANA au premier. Et d’ailleurs, c’est vrai, suivant son curriculum vitae, c’est vrai qu’ils se connaissaient avant.

Donc, Monsieur NKUYUBWATSI semblait être en très bonnes relations avec le capitaine NIZEYIMANA. A priori, il n’avait aucune raison de tuer les protégées de NIZEYIMANA puisque c’étaient celles-là dont on avait demandé l’hébergement et, par rapport à NTEZIMANA aussi, il était quelque part également l’obligé de Monsieur NTEZIMANA puisqu’il était hébergé. Je ne vous cache pas que j’ai fait part de mon étonnement. En plus, dans la question de la hiérarchie de la société rwandaise, que Monsieur NTEZIMANA avait peur de quelqu’un qu’il hébergeait, qui lui rendait service, de quelqu’un qui est un ouvrier de la Sorwal alors que lui-même était professeur d’université et qui, aussi, tuait sous ses yeux quelqu’un qui était, semble-t-il, en tout cas d’après les éléments du dossier, protégé du capitaine NIZEYIMANA. En d’autres termes, si NKUYUBWATSI agissait contre l’avis de Monsieur NIZEYIMANA et de Monsieur NTEZIMANA, c’était quand même un geste qui risquait de lui créer peut-être des problèmes. Monsieur NTEZIMANA a répondu : « Non, non, c’était vraiment une situation, vous devez comprendre, on ne raisonnait pas comme avant et c’était une situation de peur et de survie, moi j’ai eu peur et j’ai l’impression que si je montrais ma désapprobation, il allait me dénoncer ailleurs et que je risquais donc moi-même d’être tué ou de mettre en péril les autres personnes, les autres personnes que j’abritais chez moi ».

A cet égard, il faut souligner que Monsieur NTEZIMANA est intervenu pour protéger certaines personnes. En tout cas, en ce qui concerne Monsieur le témoin 142, on fait état d’un incident - et c’est confirmé par plusieurs personnes, par Aster, mais c’est confirmé également par Jean-Baptiste MUKIMBILI, le frère de Longin, qui était présent lors de l’incident - c’est que Monsieur NTEZIMANA est intervenu, parce que c’était, si je me souviens biens, à Nyanza, donc c’était en dehors de Butare, et là, il y avait un militaire qui avait interpellé le témoin 142 en le mettant en cause comme Inyenzi, ou complice d’Inyenzi, ou en tout cas pouvant… quelqu’un à l égard de qui on pouvait nourrir des soupçons, et Monsieur NTEZIMANA s’était présenté garant en disant : « Non, non, je le connais », et puis, avait défendu sa cause et lui avait en tout cas permis de continuer son chemin, alors que Monsieur le témoin 142 était sur le point de se faire interpeller.

Je cite également une autre situation, qui est également mise en évidence par les témoins que nous avons entendus, et notamment, si je me souviens bien, c’était Longin, qui a fait état également que, par rapport à des voisins, Monsieur NTEZIMANA, qui avait des voisins professeurs qui avaient dit : « Oui, mais tu caches des Inyenzi, tu caches des… » et que Monsieur NTEZIMANA était intervenu en disant : « Non, je me porte garant pour eux ». D’ailleurs Monsieur NTEZIMANA dit : « Je disais toujours que c’étaient des Hutu ». Pour Monsieur le témoin 142, comme il était métis, la question ne se posait pas directement. Je dois vous dire que Monsieur Longin déclare qu’il avait sa carte d’identité Hutu mais qu’en fait il était, semble-t-il, d’origine Tutsi, c’est ce que lui, en tout cas, déclare. Donc, que Monsieur NTEZIMANA serait intervenu de façon efficace également pour protéger Longin et le témoin 142. Cela, ce sont des éléments qui résultent du dossier.

Nous en venons au deuxième élément, c’est la question du meurtre d’une personne sur une barrière, une personne qui est demeurée inconnue, que nous n’avons pas pu identifier. Monsieur NTEZIMANA en fait état pour la première fois en fin d’audition, lorsqu’on a évoqué, cela devait être le 24 mai, la question de la jeune fille. Je dis : « Vous dites que vous n’avez pas été témoin d’autres massacres ? Vous êtes bien sûr, puisqu’il y a déjà un élément… ». Alors, il dit : « Je dois vous signaler qu’un jour, j’étais avec Longin et le témoin 142 ; on a vu un jeune se faire tuer à une barrière ». C’est ce qu’il me dit.

Alors, commission rogatoire… début juin, nous allons en commission rogatoire et nous entendons Monsieur Longin et Monsieur Jean-Marie Vianney le témoin 142. Je dois préciser que ces auditions ont été faites simultanément, sur ma décision, parce que je voulais éviter qu’il puisse y avoir contamination et d’ailleurs, moi-même, j’ai fait, à un moment donné, la navette entre les deux auditions pour poser des questions complémentaires d’un côté et de l’autre, en fonction de ce que disait l’un et de ce qui disait l’autre. Peut-être parler juste un tout petit peu du cadre de ces auditions. C’est que ces deux personnes - en tout cas c’est l’impression que j’ai eue - ces deux personnes étaient, au moment de ces auditions, ambivalentes. Ambivalentes dans quel sens ? Dans le sens où elles sentaient qu’elles avaient été aidées par Monsieur NTEZIMANA, qu’elles avaient été protégées par lui.

Et, d’ailleurs, je vous ai évoqué certains éléments où Monsieur NTEZIMANA était intervenu en leur faveur. Et quelque part, ces personnes disaient : « Nous sommes redevables à Monsieur NTEZIMANA, il nous a hébergés pendant les événements, il nous a aidés. Et d’autre part, on ne peut pas cacher par ailleurs, on ne peut pas taire ce qu’on sait, ce dont on a été témoin sur place ». J’ai vraiment eu l’impression de gens qui étaient vraiment pris entre, je dirais, le fait de dire : « Mais au fond on lui doit quelque chose, mais, par ailleurs on ne peut pas non plus se taire ». Notamment, ils font état à ce moment-là de discours plus extrémistes de Monsieur NTEZIMANA, de ses liens et discours avec Aster, où on parle de Tutsi, discours qui allaient dans le sens de l’approbation des massacres, dont ils déclarent qu’ils avaient été témoins, bien que, souvent, ils ne participaient pas trop aux conversations mais ils ont été témoins et ils le citent, de citation en tout cas directe. Il y a certains exemples qui sont donnés dans l’audition où, je dirais, ces paroles étaient sans ambiguïté dans le sens de l’approbation des massacres ou éventuellement même dans l’encouragement ou dans la suggestion de personnes à trouver.

Ces deux personnes ont donc été entendues et Monsieur le témoin 142 a fait état de cet incident, enfin, « incident », si on peut parler d’incident, bien entendu, de la barrière. Lui donne une autre version. Il déclare que Monsieur NTEZIMANA est allé, non seulement qu’il… non seulement qu’il… il faut préciser une chose, c’est que Monsieur NTEZIMANA, cela, il ne l’avait pas dit dans sa déclaration, mais cela semble s’être avéré et Monsieur NTEZIMANA l’a effectivement confirmé par la suite, c’est que Monsieur NKUYUBWATSI Innocent était là également.

Donc, Monsieur le témoin 142 dit : « Oui, mais Monsieur NKUYUBWATSI Innocent et Monsieur NTEZIMANA sont allés tous les deux se joindre au groupe ». Et c’est vrai qu’on était en train d’interpeller quelqu’un qu’on soupçonnait d’être Inyenzi et alors, semble-t-il, c’était, je dirais, un élément d’identification qui était des fois retenu à l’époque, c’est le fait d’avoir plusieurs pantalons. Porter plusieurs pantalons, c’était le signe qu’on était Inyenzi. En fait, cela voulait peut-être dire, c’est qu’on était toujours prêt à s’enfuir ou à se cacher, qu’on mettait plusieurs pantalons pour ne pas avoir froid et pour avoir, je dirais, des vêtements sur soi. Vrai ou pas vrai, c’est l’explication qui m’a été donnée mais il semblait que c’était un signe distinctif d’avoir deux pantalons sur soi pour dire : « C’est quelqu’un qui peut-être songeait à fuir », donc, qui est qualifié peut-être de mauvais ou d’Inyenzi. Monsieur le témoin 142 fait état de cet épisode des deux pantalons comme un des éléments qui aurait fait qu’on ait qualifié cette personne d’Inyenzi et Monsieur le témoin 142 dit : « J’ai vu, j’ai vu Monsieur NKUYUBWATSI achever cette personne mais Monsieur NTEZIMANA, avant, a participé et a donné des coups à cette personne sur le barrage ». Il le dit, il le déclare, alors que par ailleurs, il a été nuancé pour d’autres choses. Et donc, il déclare, en ce qui concerne cet élément-là, et j’ai bien posé la question : « Je vous confirme que j’ai vu Monsieur NTEZIMANA porter des coups avant que Monsieur NKUYUBWATSI n’intervienne ».

Alors, Longin, ces personnes vont être entendues sans doute devant votre Cour, Longin, lui, a contesté dans un premier temps être présent lors de cet épisode du barrage. Il ne faut pas oublier que Monsieur NTEZIMANA le confirmait, donc, cet événement semble vraiment avoir eu lieu puisque lui-même en a fait état. Mais donc, Longin a dit dans un premier temps qu’il n’avait rien vu, qu’il n’était pas là et puis dans un deuxième temps, il est revenu sur sa déclaration, on l’a confronté notamment, il a dit : « Mais, finalement, j’ai vu, mais moi j’étais déjà plus loin, enfin je n’ai pas vu exactement ce qui se passait, si ce n’est que j’ai vu Monsieur NTEZIMANA rejoindre le groupe ». Il ne met pas plus en cause Monsieur NTEZIMANA, pour ce point-là en tout cas.

Ce qu’il faut savoir, c’est que depuis lors, et c’est un événement récent, c’est que Monsieur NKUYUBWATSI Innocent lui-même a pu être retrouvé et a pu être entendu à ce sujet-là. Là, je dois peut-être dire deux mots sur les circonstances dans lesquelles Monsieur NKUYUBWATSI… dans le cadre duquel ce témoignage a été recueilli. En fait, il faut savoir que, quand il y a eu la clôture de l’instruction, on m’a demandé de continuer à investiguer par rapport à d’autres personnes. En fait, quand on a mis le dossier à l’instruction, on a mis à charge Monsieur HIGANIRO, à charge ou en cause Monsieur HIGANIRO, Monsieur NTEZIMANA, l’épouse de Monsieur HIGANIRO, et on met toujours X. Pourquoi ? Parce que le juge d’instruction, de quoi il s’occupe ? C’est d’un fait.

Donc, ce qu’on m’a confié là, c’est un peu tout ce qui s’était passé à Butare. Il est évident qu’il pouvait… et l’optique était aussi de dire que peut-être, comme le juge belge est compétent, je vous l’ai expliqué, que si, par exemple, une personne qui était soupçonnée et qui était déjà dans le dossier, si par exemple Monsieur NIZEYIMANA venait en Belgique, c’est vrai qu’à ce moment-là il fallait que je reste en charge du dossier, si on voulait que dans le cadre de ce dossier-là, je puisse prendre une mesure. Donc, on a ce qu’on appelle disjoint. C’est-à-dire que le juge d’instruction restait chargé de l’instruction par rapport aux autres personnes, autres que celles qui faisaient l’objet de la décision de la clôture de l’instruction, donc, c’est-à-dire les quatre accusés devant vous. Dans ce cadre-là, comme nous avions reçu des informations au mois d’avril notamment, que Monsieur NKUYUBWATSI se trouvait à Ruhengeri, information non confirmée, je dirais, des informations qui viennent et qui se vérifient souvent, mais enfin qui demandaient à être vérifiées.

Evidemment, si Monsieur NKUYUBWATSI se trouvait localisé, il était intéressant, nous disposions quand même de pas mal d’éléments à son égard comme quoi il était impliqué également dans les massacres ou en tout cas certains meurtres, et donc, j’ai estimé nécessaire, via le parquet, de demander au parquet qu’on transmette au moins les éléments que nous avions par rapport à NKUYUBWATSI pour un peu motiver les autorités rwandaises à voir : « Mais, est-ce qu’il est vraiment au Rwanda ? Et, s’il est au Rwanda, qu’on puisse l’interpeller par rapport aux éléments que nous avions recueillis ». Cela a été transmis le 20 mai 2000, donc, après le dessaisissement, donc, mais dans le cadre de ma saisine, je restais en charge du dossier par rapport à X, donc des inconnus, mais qui pouvaient s’identifier à NKUYUBWATSI ou à d’autres personnes. Nous avons transmis cela aux autorités rwandaises ; on n’a pas reçu de réaction, tout cela passe par la voie diplomatique, cela prend peut-être du temps, cela doit arriver, on ne sait pas toujours où cela arrive.

Toujours est-il que quand il a été question que les enquêteurs se re-déplacent, dans le courant du mois de février, pour, notamment, préparer la venue des témoins en vue de l’audience ici, le parquet m’a demandé, comme on voulait vérifier… on avait reçu entre-temps une autre information comme quoi il était à Kigali, qu’il n’était plus à Ruhengeri, qu’il était à Kigali. Information nouvelle donc, assez précise, et, sur cette base-là, le parquet m’a demandé, par réquisition, de faire une commission rogatoire pour entendre, pour essayer d’entendre Monsieur NKUYUBWATSI, notamment sur son rôle à lui et sur le rôle du capitaine NIZEYIMANA, étant entendu évidemment que j’étais chargé toujours de l’enquête concernant ces deux personnes-là, mais X pouvant correspondre évidemment à ces deux personnes-là. J’ai fait d’ailleurs une commission rogatoire au nom de ces deux personnes-là, en tant qu’inculpées, en tant que visées dans la commission rogatoire. Qui était visé ? C’étaient NKUYUBWATSI Innocent et NIZEYIMANA Ildephonse qui était le capitaine. Je ne pouvais pas inclure les autres accusés puisque ceux-là, je n’étais plus saisi par rapport à ces personnes.

C’est dans ce cadre-là que suite… mais cela, peut-être que Monsieur STASSIN pourra vous en parler si vous le souhaitez, c’est que je pense qu’il a rencontré, en tout cas cela résulte d’un de ses procès-verbaux, c’est qu’il a rencontré un des enquêteurs en charge à Butare, les enquêteurs rwandais en charge du dossier, qui lui a communiqué qu’il y avait un mandat d’amener à sa charge et qui a rappelé à ce moment-là : « Attention, nous avons adressé une commission rogatoire demandant qu’il puisse être entendu dans le cadre de mon instruction ». Et donc, il a été arrêté, semble-t-il, vers le 20 mars, je ne sais pas. Enfin, toujours est-il qu’il a pu être entendu et que cette commission rogatoire m’a été renvoyée avec son audition. Monsieur NKUYUBWATSI, également à ce sujet-là, au sujet du jeune de la barrière, donne une version un peu différente, dans le sens où il parle également de cet épisode des deux pantalons. Il parle également de cet épisode des deux pantalons, mais il conteste avoir en tout cas tué lui-même la personne. Mais il dit que c’est Monsieur NTEZIMANA qui a lui-même demandé qu’il soit déshabillé, ou du déshabiller, et qu’il en a conclu, que ce serait Monsieur NTEZIMANA qui aurait conclu que c’est un Inyenzi parce qu’il portait deux pantalons. Là, je pense que vous allez peut-être entendre le procureur qui l’a entendu.

Le Président : Il était prévu de l’entendre aujourd’hui mais on l’entendra en toute fin de parcours et comme cela on pourra peut-être l’entendre à propos d’autres sujets aussi.

Damien VANDERMEERSCH : Là, je reste, je dirais… moi je n’ai reçu que l’audition, donc je ne peux que vous faire état d’une lecture que vous pouvez d’ailleurs aussi bien faire peut-être que moi. Donc, c’est un document écrit mais je voulais quand même dire dans quel cadre cette personne avait été entendue. Egalement, par rapport à Monsieur NKUYUBWATSI, de façon, je dirais, un peu étonnante, je ne peux que qualifier comme cela mais chacun a ses us et coutumes et c’est vrai qu’au Rwanda cela se passe différemment, mais, donc, j’ai eu également vent que des journalistes avaient pu rencontrer l’intéressé et l’interviewer alors qu’il est détenu. Chez nous, vous vous adressez à la prison de Forest pour entendre un détenu, cela m’étonnerait que vous puissiez l’entendre et s’exprimer de façon aussi libre et aussi large, ou, enfin dans un cadre tel que cela s’est passé.

Toujours est-il qu’au Rwanda, cela s’est fait avec l’approbation du parquet local, nous n’avons pas… c’est leur compétence et ils sont bien entendu… Enfin, je veux dire, c’est vrai, que pour nous cela paraît un peu étonnant parce que ce n’est pas du tout dans nos us et coutumes mais il semblerait, et c’est vrai qu’au Rwanda, la situation des détenus est très différente. On ne voit jamais un détenu avec menottes, les gens ne sont jamais menottés quand ils sont détenus. Ils ont simplement une petite veste rose ou bleue et c’est comme cela qu’on reconnaît que ce sont des détenus, et souvent les détenus circulent même en dehors de l’enceinte de la prison. Pourquoi ? Parce que peut-être s’évader, c’est aller où ? C’est courir un danger peut-être beaucoup plus grave, donc… il semblerait que les détenus n’aient pas beaucoup d’intérêt, je dirais, à s’évader. Ce ne sont pas du tout les mêmes mesures que chez nous. C’est vrai que c’est un peu déconcertant parce qu’on voit des détenus circuler. On se dit : « Mais, s’ils courent plus vite que le policier ». On a envie de dire, mais c’est une question qu’on n’envisage même pas.

Donc, Monsieur NKUYUBWATSI a été entendu par la RTBF, semble-t-il, dans un premier temps, et puis par RTL, dans un deuxième temps. Alors, apprenant cela, moi, j’ai estimé devoir saisir cette cassette parce que j’estimais que la justice devait peut-être en avoir la primeur, en tout cas d’avoir la possibilité, cela n’a pas toujours été fort apprécié d’ailleurs que j’aille perquisitionner et saisir cette… ce document, cette cassette vidéo bien que je l’aie fait, à mon avis, avec toute la courtoisie nécessaire et tout le respect puisque j’ai simplement demandé et invité en disant : « Voilà, je souhaiterais avoir la cassette, c’est tout ». On m’a remis gentiment la cassette, il n’y a pas eu d’incident et je n’ai heureusement pas dû fouiller nulle part ailleurs, j’ai eu ce document. Du coup, quand la question, à mon avis, s’est posée pour RTL, RTL s’est empressée de me l’offrir, la cassette, parce que, évidemment, ils avaient peur de réaction similaire, que je vienne perquisitionner pour aller chercher la cassette. Du coup, on est venu très gentiment et très rapidement me l’apporter.

Toujours est-il, ces deux cassettes, je les ai, bien entendu, versées dans mon dossier mais avec une transmission à la demande du parquet. Le parquet m’a demandé de transmettre une copie de ces cassettes dans lesquelles on voit l’interview de Monsieur NKUYUBWATSI par ces deux journalistes, les journalistes des deux chaînes de télévision, et donc, cela a été transmis au parquet, mais c’est pour être complet, qu’on voit bien dans quel cadre ces documents ou ces pièces sont rentrées en ma possession. Là, il y a une version de Monsieur NKUYUBWATSI par rapport à la jeune fille également où, là, il déclare qu’il a agi sur ordre du capitaine NIZEYIMANA et du capitaine NTEZIMANA. Mais je suppose que cela sera relaté par ailleurs puisqu’il y a des personnes qui ont été témoins directs de son audition, ou bien alors la vidéo, c’est vrai qu’on voit en direct aussi, je dirais, les réponses de Monsieur NKUYUBWATSI.

Nous en arrivons à ce qui concerne toute la question de la famille KARENZI. En ce qui concerne la famille KARENZI, ce qu’on a eu comme éléments et ce qu’on a pu recueillir comme éléments d’enquête, donc, Monsieur NTEZIMANA conteste formellement toute implication dans le meurtre tant de Monsieur KARENZI que dans le meurtre de sa famille. Monsieur KARENZI aurait été tué devant le Faucon ; le Faucon, c’est un hôtel qui se trouve dans la rue principale. Ce n’est pas difficile, à Butare, il y a deux hôtels, je dirais, un peu connus, ce sont l’Ibis et le Faucon. C’est dans la rue principale, ils sont à 100 m l’un de l’autre, et qui sont en même temps des établissements, des cafés où je dirais, tout le beau monde, je veux dire tout le monde de Butare se retrouvait vers 5-6h pour boire un verre, les professeurs d’université. J’ai envie de dire que quand nous y étions, c’était le cas aussi. On logeait d’ailleurs dans un de ces deux hôtels, c’était à l’Ibis, je pense. C’était à l’hôtel Ibis que nous logions, je ne veux pas me tromper. C’est vrai que des fois on rencontrait des témoins qu’on avait entendus pendant la journée. Quand on avait entendu un professeur d’université, on le rencontrait, des fois, qui venait boire son verre, donc c’était vraiment un endroit très convivial, pas seulement un hôtel, mais également un peu le café, je dirais, local, où les gens se réunissent. Monsieur KARENZI est tué devant l’hôtel Faucon et la famille semble avoir été emmenée, mais Madame KARENZI est exécutée, ou est tuée en tout cas, sur place, dans la maison. Qu’est-ce que nous avons pu recueillir comme éléments à ce sujet-là ? C’est qu’il y a eu un témoin…

[Interruption d’enregistrement]

Damien VANDERMEERSCH : …mais enfin, c’est à elle peut-être de vous dire directement ce qu’elle a à vous dire et ce n’est pas à moi à répéter ce qu’elle vous dira peut-être. Là, la rigueur m’oblige à dire… à lui laisser la parole. Mais toujours est-il, qu’elle décrit, avec notamment la fuite des enfants après vers le couvent des benebikira, si je ne me trompe pas, enfin… des sœurs, et, là, on a pu quand même entendre certaines sœurs également qui avaient recueilli les enfants. Je dirais en tout cas sur la première partie, elle était seule puisqu’elle est la seule rescapée, si ce n’est qu’elle déclare que les enfants s’étaient cachés dans le plafond, là, en fonction des vérifications qu’on a pu faire sur place et qu’on pourra peut-être voir sur les diapositives. Mais de cette première partie, il semble que ce soit la seule qui ait survécu, il y a sa déclaration. Mais par rapport à la deuxième étape, où là, il n’est plus question de Monsieur Vincent NTEZIMANA, pour cela on a pu quand même vérifier par des recoupements, et notamment par le témoignage des sœurs. Vient à ce sujet-là, aussi, le témoignage de Monsieur NKUYUBWATSI qui, comme éléments à ce sujet-là, dit qu’un militaire, envoyé par le capitaine NIZEYIMANA et par Vincent NTEZIMANA, serait venu chez lui, lui logeant chez Monsieur NTEZIMANA, en demandant où se trouvait la maison de KARENZI. Et puis, il lui aurait dit : « Je ne sais pas, je ne suis pas exactement du quartier », et puis, ils auraient été demander plus loin.

D’après lui, ce serait ce militaire-là qui serait le militaire qui serait arrivé et qui aurait pris Monsieur KARENZI et, donc, peut-être l’un d’eux aurait tué Madame KARENZI. Un élément également par rapport à ce fait-là, c’est que Monsieur NTEZIMANA et le docteur Bernard déclarent que, le lendemain, ils sont allés voir dans la maison pour, d’après les déclarations de Monsieur NTEZIMANA, pour aider éventuellement, ayant appris que le mari était décédé ou en tout cas qu’il y a eu un problème, pour voir s’ils ne pouvaient pas aider la famille et les enfants. Et ils auraient découvert le cadavre de Madame KARENZI dans la maison, donc le Docteur Bernard et Monsieur NTEZIMANA, et donc, il dit : « Voilà… ». J’ai quand même posé la question : « Mais les enfants, vous ne vous en êtes pas préoccupé ? ». Il dit : « Non, elle était morte, on ne savait pas ce qu’étaient devenus les enfants, nous n’avons rien pu faire d’autre ». Cela, je dirais que ce sont un peu les éléments différents qu’on a pu recueillir en gros, par rapport à ce fait-là.

En ce qui concerne maintenant la question de la famille de Victor. On va l’appeler la famille Victor, je pense que ce sera plus facile de qualifier en tout cas comme cela, les personnes dont il est question dans ce fait-là. En fait, ce sont des personnes qui habitaient dans une dizaine de maisons qui étaient louées par l’école sociale. D’ailleurs, Victor était enseignant à l’école sociale et donc, c’était une dizaine de maisons. On a des photos. D’ailleurs, la vidéo concerne notamment… en vidéo on voit cet alignement, cette perspective de dix maisons, parce que la perspective est importante, en tout cas par rapport au témoin, en tout cas ce qu’il rapporte. Il est peut-être intéressant de noter comment, tout à coup, le nom de Monsieur NTEZIMANA vient dans, dans… par rapport à ce fait-là. En fait, c’est une déclaration du témoin 91. Bernadette le témoin 91 est l’épouse du témoin 129, on va dire Jean-Baptiste, qui est détenu. Et soyons clair, il est détenu parce qu’il est soupçonné du meurtre de Victor. Ici la question, on ne va pas parler de la mise en cause de Monsieur NTEZIMANA, ce n’est pas pour le meurtre de Victor, mais pour le meurtre de la famille ; de l’épouse, de l’enfant et de la boyesse.

Donc, le témoin 129 est détenu et donc, son épouse dit : « Mais, mon mari est innocent ». Et elle donne des arguments par rapport… Il est soupçonné de deux meurtres, du meurtre de Victor et du meurtre d’une autre personne. Et elle dit : « De toute façon, ce n’est pas juste, c’est… ». Elle prend la défense de son mari et elle fait une déclaration devant, semble-t-il, une ONG, au Commissariat des Nations Unies, une antenne des Nations Unies au Commissariat pour les… je ne sais plus, pour les droits de l’homme, enfin, quelqu’un qui est délégué. Et en toute fin, il est simplement question que pour la famille de Victor, pas pour le meurtre de Victor, pour la famille de Victor, que ce serait, qu’elle aurait vu un certain Vincent venir avec un militaire et que ce seraient eux qui seraient responsables du meurtre de la famille de Victor.

Et donc, il est question uniquement d’un certain Vincent de l’université. Il n’est question de pas plus. En fait, comment j’ai connaissance de ce fait-là ? C’est en rencontrant le procureur de Butare qui me dit : « Mais, dans un de mes dossiers, à savoir le dossier en cause du témoin 129, j’ai entendu, d’après le témoin 129, qui m’a parlé, lui, de Vincent en disant que Vincent, c’était Vincent NTEZIMANA ». le témoin 129 déclare en fait qu’il ne connaissait pas Vincent NTEZIMANA mais qu’il connaissait son épouse, et c’est par son épouse qu’il connaissait de nom Monsieur NTEZIMANA mais pas question de, je dirais, de relations directes, mais par contre, son épouse, il l’avait eue comme professeur ou ils avaient été ensemble à l’université, enfin ils s’étaient rencontrés à l’université. Et donc, en fait, c’est le procureur qui me parle en disant : « Vous savez, dans un de mes dossiers en cause de cette personne, il est question - pas pour les faits dont je suis saisi mais pour le meurtre de la famille - d’un certain Vincent NTEZIMANA ».

Et donc, j’ai été amené à entendre tant le témoin 91 que le témoin 129. Et, donc, qu’est-ce qu’ils expliquent ? Ils expliquent en fait qu’ils ont vu un militaire et le nommé Vincent. Bernadette le témoin 91 a reconnu, nous avions une photo de Monsieur NTEZIMANA avec nous, elle a reconnu Monsieur NTEZIMANA comme étant le Vincent en question de l’université. D’ailleurs, dans un autre cadre, Monsieur NTEZIMANA avait été questionné à ce sujet-là. Il disait : « Si on parlait d’un Vincent de l’université, normalement il n’y en avait pas d’autres ». Il est question aussi pour la question KARENZI d’un Vincent de l’université ou collègue de… Enfin, toujours est-il qu’en tout cas Monsieur le témoin 129 nomme nommément Monsieur Vincent NTEZIMANA. Là, il y a une différence entre les deux déclarations. Enfin, il y a une différence, ou peut-être l’un ajoute quelque chose par rapport à l’autre. Madame le témoin 91 dit : « Moi, je les ai vus, j’ai vu Monsieur NTEZIMANA passer devant la maison avec un militaire et, après, pointer du doigt la maison n° 8. Ou la maison n° 9, ma maison numéro 9 puisque… ce doit être la maison n° 9. Et le témoin 129 ajoute ceci en disant : « Oui, mais en fait ils se sont arrêtés d’abord devant notre maison », qui est la maison n° 2. En fait, selon qu’on comptait d’un côté ou de l’autre, évidemment, la maison n° 9 était la seconde en arrivant d’un côté, la maison n° 2 étant la neuvième en arrivant de l’autre côté.

Donc, de ce point de vue-là, il dit : « Pour moi, il y a eu confusion entre les deux maisons ». Il s’est adressé à un enfant travailleur, un boy qui travaillait devant la maison et qui aurait dit : « Non, ce n’est pas ici ». Et qui aurait indiqué que c’était la maison n° 9. Et donc, TWAGIRAMUNGU dit : « Je les ai vus alors se diriger vers l’endroit et nous les avons vus repasser après » et, dit-il, ils auraient discuté avec un voisin qui était là et, d’après ce que le voisin aurait rapporté à Jean-Baptiste TWAGIRAMUNGU, il aurait posé la question : « Est-ce qu’il n’y a pas un Tutsi qui habite au n° 3 ou 4, enfin dans la série de maisons ? ». Il a posé cette question, dit-il. Ils ont entendu des coups de feu. Toujours est-il que, semble-t-il, qu’à cette occasion-là, l’épouse, l’enfant très jeune ­ c’est un bébé, je pense, ou un enfant de deux ans ­ et la boyesse auraient été tués. C’est confirmé par d’autres personnes, le fait qu’ils sont morts. On a entendu la famille, mais eux disent : « Nous, on ne sait pas du tout ce qui s’est passé ». On a ces éléments. Monsieur NTEZIMANA conteste de la façon la plus formelle toutes… ces deux déclarations qui ont été faites. On l’a évidemment interrogé là-dessus et là il dit : « Cela ne correspond vraiment à rien, en tout cas c’est… Moi, je n’ai jamais été là et moi je ne connais pas ces personnes ». Là, Monsieur NTEZIMANA dit : « Je n’ai rien à voir avec ces personnes et moi je ne connaissais d’ailleurs pas ces personnes, donc je ne vois pas pourquoi j’aurais été montrer, désigner cette maison ».

Si, je continue, en ce qui concerne les faits… je fatigue aussi un peu… Pour que je ne me trompe pas, à ce moment-là, il y a encore la question évidemment de toutes les listes. Pour les listes, je crois qu’on vous en a déjà parlé. Moi, je pense qu’au niveau de la matérialité des listes, il n’y a pas de contestation. Monsieur NTEZIMANA, tout le monde est d’accord en disant… Monsieur NTEZIMANA dit : « Moi, j’ai établi des listes ». Tout dépend évidemment… toute la question, tout le nœud du problème, c’est la destination. En ce qui concerne la destination des listes, il y a deux interprétations ou deux versions. Une version, celle de Monsieur NTEZIMANA, en disant que c’était pour évacuer les gens, et c’est vrai que les gens étaient menacés ; on ne peut pas contester qu’ils étaient effectivement menacés, et principalement les Tutsi, bien entendu. Mais d’ailleurs, Monsieur NTEZIMANA a souligné qu’il y avait pas mal de Hutu également qui étaient repris sur les listes et, donc, que cette évacuation n’a pas pu avoir lieu parce que des barrages s’étaient dressés entre-temps, ce qui n’est pas exclu. C’est vrai que la situation de Butare ville était un peu protégée mais tout autour, notamment avec la frontière avec le Burundi, on ne peut pas exclure qu’il y avait effectivement un gros risque à passer à travers toutes ces contrées où il semblait, autour de Butare, où c’était déjà un peu plus agité, en tout cas vers le 18 ou 19 avril. Or, c’était à ce moment-là que l’évacuation aurait pu avoir lieu, bien que les listes étaient peut-être un peu antérieures. Enfin, toujours est-il que le vice-recteur a dit que l’évacuation était impossible, donc cela ce sont les déclarations de Monsieur NTEZIMANA.

Alors, vous verrez qu’il y a d’autres déclarations, enfin, vous entendrez, on vous dira qu’il y a d’autres déclarations donnant une interprétation tout à fait différente. C’était évidemment que les listes étaient la façon la plus subtile pour avoir le nom de toutes les personnes qui ne partageaient pas la lutte contre l’ennemi ou qui, en tout cas, pouvaient être associées à l’ennemi. Et donc, que c’était une façon de répertorier tous ceux, et de pouvoir faire les tris entre « les bons et les mauvais », ou ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre. Alors, bon, voilà, je pense que les données sont là. Ce qu’on peut dire évidemment, c’est que… mais c’est avant le 19 avril. Monsieur NKUYUBWATSI, cela m’avait frappé, dit à un moment donné, sauf erreur de ma part, que ces listes étaient entre les mains de militaires. Il parle de listes entre les mains de militaires. Alors, évidemment, on peut spéculer peut-être que cela aurait pu passer entre les mains de… Je dirais, nos investigations, elles sont là, avec les deux lectures.

Que sont devenues ces listes après ? On ne les a jamais retrouvées. Il faut être très clair, on n'a jamais retrouvé ces listes. Donc, que sont-elles devenues ? Elles s’arrêtent au moment où elles sont entre les mains du vice-recteur. Le vice-recteur étant décrit tout au long du dossier quand même comme une personne qui avait pris parti, qui était du côté du gouvernement, enfin du côté, semble-t-il, en tout cas qualifié comme extrémiste. Il était du MRND. D’ailleurs le recteur et le vice-recteur étaient MRND et, donc, ces personnes sont qualifiées comme étant impliquées dans les massacres. Maintenant, cela ne veut pas dire pour autant que ces listes ont été nécessairement ailleurs. Ce sont les éléments que nous avons pu récolter par rapport à ces listes.

Il y a les rondes, j’en ai déjà parlé. Il y a encore peut-être un élément dont il faut parler mais qui est… très à part, parce que là, c’est vraiment toute une enquête qui a été menée plus en Belgique qu’au Rwanda, c’est la question de « L’appel aux Bahutu ­ Les dix commandements ». Pour cela, notamment un témoin, Monsieur le témoin 124, avait fait état que Monsieur NTEZIMANA serait impliqué, il aurait demandé la dactylographie ou se serait chargé de la dactylographie de ce document. Qu’est-ce qu’on peut dire ? C’est que ce document effectivement, enfin ce texte, a paru dans Kangura, sauf erreur de ma part, c’était le n° 5 ou le 10.

Le Président : Le n° 6.

Damien VANDERMEERSCH : Le n° 6, voilà. On a le Kangura de l’époque. Il semblerait, d’après ce qui est dit dans le journal, c’est que ce document venait d’Europe. Document, je vais dire, in tempore non suspecto, donc recueilli, 1991-1992. En ce qui concerne l’enquête, il était question de dactylographie par un étudiant zaïrois, qui se serait chargé de la dactylographie en son temps, c’est ce que disait Monsieur Bonfils et qu’il lui aurait parlé de ce document-là à l’époque. Document qui, il faut admettre que ce document-là est sans ambiguïté. C’est un document qu’on peut qualifier, je pense, de raciste sans aucune hésitation, c’était vraiment plus… un document très clair. Ce document, je pense qu’on en a déjà fait état ici, c’est un document disant que, vraiment, les Tutsi et tout ce qui est autour des Tutsi, c’est à exterminer. C’est vraiment de cet ordre-là.

En ce qui concerne l’enquête qu’on a pu mener, on a pu retrouver cet étudiant zaïrois. Je dois vous dire que, finalement, dans l’enquête, par rapport à tous les témoins ou toutes les personnes qui étaient citées, finalement il y a pas mal de personnes qui ont pu quand même être retrouvées et être entendues. Cette personne a été entendue et a contesté avoir dactylographié ce document et n’en avait plus un souvenir, en tout cas précis, mais il contestait l’avoir dactylographié. Par contre, en poursuivant l’enquête au niveau du magasin de photocopies, il était étudiant jobiste et faisait comme job de temps en temps des dactylographies de textes. Il y a une autre personne, Madame le témoin 50 qui, elle, a dit : « Mais, c’est moi qui ai dactylographié ce document ». Je pense que ce témoin, je n’en ai pas plus à dire, ce témoin viendra et s’expliquera et dira elle-même ce qu’elle a à dire. Moi, je peux simplement vous dire, c’est qu’il était question, à partir de la déclaration de Monsieur le témoin 124, d’un étudiant qu’on a pu entendre et qui a dit d’ailleurs, en disant : « Ce n’est pas moi. C’est vrai que je faisais… ». Et puis on a pu entendre cette personne, et qui fait d’ailleurs allusion également à l’étudiant en disant qu’elle avait eu un contact. Je dirais qu’à ce niveau-là, on est parvenu, en tout cas, à pouvoir identifier et entendre les personnes qui ont fait des déclarations dans le dossier.

Je pense peut-être, Monsieur le président, avoir essayé d’être synthétique et peut-être pouvoir, je dirais, à ce niveau-ci, en étant évidemment tout prêt à répondre à toutes les questions, mais je dirais, en rester là au point de vue, disons, d’un aperçu synthétique, parce que je me rends compte que c’est vraiment difficile évidemment. C’est difficile pour moi mais je me rends bien compte que c’est difficile pour vous aussi, d’essayer d’avoir… J’essaie simplement, à partir de tous les éléments recueillis, d’un peu remettre, je dirais, les différentes pièces recueillies. Je ne sais pas si cela vous permet de voir plus clair mais j’ai essayé de retracer, à partir des éléments recueillis, un peu, disons, l’ensemble par rapport à ce qui concernait Monsieur NTEZIMANA.

Le Président : Merci, Monsieur le juge d’instruction. Mesdames et Messieurs les jurés, vous êtes prêts à siéger jusqu’à quelle heure aujourd’hui ? 6h00 ? 18h00 ? 19h00 ? (Rires du président) 18h00, oui ? On va peut-être quand même suspendre un quart d’heure pour que Monsieur VANDERMEERSCH reprenne son souffle, que Monsieur STASSIN aille voir dans le tiroir de son bureau s’il trouve une copie de vidéo. On reprend à 16h30 ? Oui, on reprend à 16h30.

[Suspension d’audience]

Le Greffier : La Cour.

Le Président : L’audience est reprise, vous pouvez vous asseoir et les accusés peuvent prendre place. Les témoins peuvent également reprendre place. On a pu retrouver la cassette, Monsieur STASSIN ?

Michel STASSIN : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Merci. Je voudrais adresser une question à Monsieur de STEXHE. Parce que je dirais que, historiquement, il semble bien que les faits mis à charge de Monsieur NTEZIMANA, quelque part débutent dans votre bureau, Monsieur de STEXHE, par la circonstance que le 9 septembre 1994, vous recevez une déclaration d’un témoin désirant conserver l’anonymat, anonymat qui lui est garanti par le procureur du roi de Nivelles, sous réserve que cet anonymat n’existerait pas ni à votre égard, puisque vous savez qui est le témoin, ni à l’égard du procureur du roi, ni à l’égard du juge d’instruction qui serait éventuellement saisi du dossier. Le secret auquel vous êtes tenu, je ne peux pas vous obliger à le transgresser et à dire ici quel serait le nom de ce témoin anonyme. Il y a quand même une question que je veux vous poser. Ce témoin anonyme, sans révéler son identité, encore que cela dépendrait de la réponse à donner, est-il ou n’est-il pas Monsieur GASANA Ndoba ?

Jean de STEXHE : Je suis formel, Monsieur le président, non.

Le Président : Et donc, ce témoignage anonyme va ensuite être alimenté par le témoignage de Monsieur GASANA Ndoba ? Quand je dis témoignage, j’entends par-là un fait de témoignage indirect parce que Monsieur GASANA Ndoba ne se trouvait pas sur les lieux des faits au moment des événements d’avril 1994. Il a été informé du décès de sa famille ou de son frère et de sa famille. Lui-même a procédé par recoupement, il a lui-même essayé de retrouver une série de renseignements qu’il vous a communiqués. Et Monsieur GASANA Ndoba est venu exposer ce matin quels étaient les divers éléments, donc ce n’est pas à ce sujet-là que je veux vous interroger. Vous êtes bien certain que ce témoin anonyme, ce n’est pas Monsieur GASANA Ndoba, sinon on pourrait se dire qu’il y a deux personnes qui parlent de quelque chose, il y a Monsieur GASANA d’un côté et puis il y a un témoin anonyme et puis si c’est le même, cela voudrait dire que cela ne faisait finalement jamais qu’un témoignage.

Jean de STEXHE : Comme vous l’avez expliqué, Monsieur le président, j’ai communiqué l’origine de ma source au parquet et cela a été transmis au parquet qui a connaissance, sous réserve de la confidentialité, du secret professionnel, de cette identité et, effectivement, je peux dire que ce n’est pas Monsieur GASANA Ndoba, non.

Le Président : Ce témoin anonyme mettait en cause Monsieur Vincent NTEZIMANA ?

Jean de STEXHE : C’est bien cela, Monsieur le président.

Le Président : Pouvez-vous relater brièvement le contenu de la déclaration de ce témoin anonyme en ce qui concerne Monsieur Vincent NTEZIMANA ? Ne rentrons pas dans des considérations d’ordre général, je dirais que ce n’est plus le moment du débat ici.

Jean de STEXHE : C’est cela. Donc, les faits… Quand même, cette audition remonte à près de sept ans, cela fait quand même un bout de temps. Je crois que, essentiellement, cette personne avait… dénonçait l’implication de Monsieur Vincent NTEZIMANA dans le drame qui est survenu chez KARENZI ; donc, d’une part. D’autre part, le fait que cette personne avait des liens privilégiés avec certains militaires, qu’il avait des facilités de pouvoir circuler qui, apparemment, n’étaient pas réservées au commun des mortels à Butare à cette époque. Voilà, je crois que cela portait essentiellement sur ces points-là, Monsieur le président.

Le Président : En ce qui concerne plus particulièrement la famille KARENZI, vous pouvez me confirmer que ce témoin anonyme vous déclare que Monsieur NTEZIMANA aurait accompagné et guidé trois militaires jusqu’à la maison de Monsieur KARENZI, qu’après leur avoir montré la maison il se serait retiré en laissant sur place les militaires qui auraient alors sorti Monsieur KARENZI de la maison pour aller le tuer sur la rue devant l’hôtel Faucon ?

Jean de STEXHE : C’est bien cela, Monsieur le président.

Le Président : Ce témoin anonyme préciserait que cela se serait déroulé le 21 avril 1994 vers 16h30 ?

Jean de STEXHE : C’est cela.

Le Président : Ce même témoin anonyme, en ce qui concerne le sort de l’épouse de Monsieur KARENZI, dit qu’elle aurait été assassinée à son domicile, que des témoins ont vu le cadavre sur le sol. Parmi ces témoins, il y aurait, donc les témoins ayant vu le cadavre de Madame KARENZI, il y aurait le Docteur le témoin 45 et Vincent NTEZIMANA ?

Jean de STEXHE : C’est bien cela.

Le Président : Selon ce même témoin, quatre enfants de la famille KARENZI auraient été emmenés par les militaires et n’auraient plus jamais reparus.

Jean de STEXHE : Tout à fait, donc je suppose que cette personne n’était pas au courant du nombre précis qui s’est révélé ultérieurement, qu’on a pu énumérer ultérieurement.

Le Président : Bien. En ce qui me concerne… Ah ! Oui… je voudrais peut-être… Est-ce que c’est vous, Monsieur de STEXHE, qui avez présenté des photographies à Madame le témoin 50 ?

Jean de STEXHE : C’est bien cela, Monsieur le président.

Le Président : Pour identifier quelle aurait été la personne qui aurait remis à Madame le témoin 50 le manuscrit lui ayant permis, selon elle, de dactylographier « L’appel à la conscience des Bahutu » avec ses « Dix commandements ? ».

Jean de STEXHE : C’est cela.

Le Président : Il semble que dans les photos qui ont été présentées à Madame le témoin 50, il y avait deux photographies de Monsieur NTEZIMANA ?

Jean de STEXHE : C’est bien cela. Il y en avait une qui remontait à l’époque où Monsieur NTEZIMANA avait, je dirais, un autre look, dans les années 1990. Si je me souviens bien, il devait avoir une barbe, enfin, il n’avait pas la même… il était plus rond de visage, plus jeune, puisqu’il y a quand même quatre ou cinq ans de différence, et cette photo, je l’ai jointe puisqu’il y avait deux photos effectivement de Monsieur NTEZIMANA ; une qui datait d’après son arrestation, fournie par la PJ et l’autre des années 1990, qui m’avait été fournie par l’Office des étrangers via la Sûreté tout au début de l’enquête, donc, dans le… je joignais cette photo dont vous parlez à mon deuxième ou troisième PV, donc, en octobre 1994.

Le Président : Une des photos présentées de Monsieur NTEZIMANA a un format beaucoup plus grand que toutes les autres photos ?

Jean de STEXHE : C’est cela. Donc, je n’avais pas les conditions techniques de pouvoir modifier ou uniformiser, donc, j’ai joint la photo que j’avais déjà depuis un an puisque c’est fin 1995 qu’il s’est révélé que, suite à l’apostille de Monsieur le juge d’instruction, bon… après une audition de Monsieur BENDE, Madame le témoin 50 avait des éléments d’information à apporter. Donc, j’ai pris les photos que j’avais et j’ai repris une photo de l’époque que j’avais déjà depuis un an.

Le Président : C’est cela. Il y a eu par la suite, une présentation à Madame le témoin 50, mais je pense que c’est à la police judiciaire, devenue fédérale, une présentation à Madame le témoin 50, de plusieurs individus de race africaine, parmi lesquels se trouvait Monsieur Vincent NTEZIMANA. Et au cours de cette présentation, Madame le témoin 50 a également reconnu, je ne sais si c’est l’un des commissaires ou inspecteurs présents qui a procédé à ce devoir ?

Jean de STEXHE : Oui, donc effectivement, Monsieur le président, il y a eu une confrontation. Si je me souviens bien, nous avions été chercher des ressortissants de race noire ici au poste de gendarmerie et, donc, nous avons placé Monsieur NTEZIMANA à une place libre de son choix parmi ces personnes et, donc, Madame le témoin 50, après cette confrontation physique, derrière une vitre sans tain, a donc reconnu Monsieur NTEZIMANA. Et, suite à cela, il y a donc eu une confrontation à notre bureau entre Madame le témoin 50 et Monsieur NTEZIMANA.

Le Président : Chronologiquement, les photographies avaient été présentées avant que ne se réalise cette confrontation derrière une vitre sans tain ?

Jean de STEXHE : Oui, effectivement.

Le Président : Je pose ces questions-là parce que, habituellement, vous savez que c’est le genre de choses qu’on dit. Si on reconnaît le témoin, si le témoin reconnaît parmi des êtres vivants, c’est parce qu’on lui a déjà montré la photo et qu’il n’a pas le souvenir de ce qu’il a vu au moment des faits, mais il a le souvenir de la photo qu’on lui a présentée quelques jours auparavant. C’est un moyen de défense très, très habituel, et qui est peut-être psychologiquement vrai, je n’ose pas me prononcer, n’ayant  pas…

Jean de STEXHE : Si vous le permettez, Monsieur le président, ici on n’a pas pu faire autrement puisque les photos avaient déjà été montrées bien avant, par notre collègue, donc, c’était pour…

Le Président : Ce n’est pas un reproche, hein.

Jean de STEXHE : Non, non, mais… chronologiquement…

Le Président : Je veux qu’on situe chronologiquement comment cela se passe. Bien. Moi, je suggère ceci. Puisqu’on a la vidéo, je ne sais pas si on a pu retrouver déjà le passage, mais peut-être que Monsieur STASSIN, vous avez peut-être indiqué le passage ?

Michel STASSIN : Non, la vidéo est prête à démarrer sur le passage qui concerne le dossier actuel. Les autres passages n’ont rien à voir, pour le moment, avec les faits qui sont reprochés, pour le moment.

Le Président : D’accord. Euh…

Michel STASSIN : Je voudrais simplement préciser, comme il s’agit d’une cassette de travail, c’est une cassette qui a été copiée sur la super 8, la caméra qu’on avait à l’époque, et donc, à un moment donné, je vais quand même demander si on ne peut pas accélérer la séquence parce qu’il y a quelqu’un d’entre nous qui a laissé malencontreusement le bouton poussé et donc, forcément, on voit le sol du quartier de Buye et je crois que cela n’intéresse pas grand monde.

Le Président : Cela dépend de ce qu’il y a dessus.

Michel STASSIN : On a oublié de couper tout simplement entre les différentes séquences.

Le Président : Merci. Donc, je propose qu’on voie cette vidéo et juste après, les quelques diapositives qui concernent Monsieur NTEZIMANA avant que les parties, le jury, les assesseurs, Monsieur l’avocat général ne posent, au juge d’instruction et aux enquêteurs, les questions concernant les faits reprochés à Monsieur NTEZIMANA. Je vais vous demander de bien vouloir faire cette projection. Peut-être devriez-vous vous déplacer avant qu’on éteigne. N’éteignons pas trop vite, pour que les témoins puissent se déplacer. Je vais demander aussi qu’on ferme, dans la galerie, les tentures pour que la qualité de vision soit un peu meilleure.

Michel STASSIN : Nous nous trouvons donc pour le moment, dans le quartier de…

Le Président : Attendez. On va couper le son parce que le son ne présente aucun intérêt mais, par contre, empêche de vous entendre.

Michel STASSIN : Donc, nous sommes actuellement dans le quartier de Buye. Il y a là toute une série de maisons qui sont habitées par les professeurs de l’université. La maison que l’on voit ici est la maison de Monsieur Pierre-Claver KARENZI qui est donc située sur un coin.

C’est une vue en gros plan de la maison de Monsieur KARENZI.

Le petit chemin que l’on va voir ici, si je ne me trompe pas, descend vers les maisons de ce que l’on qualifiait les maisons de l’école sociale. A l’époque, on nous a signalé, juste l’image qu’on voyait, se situait un barrage, une barrière. Voici le petit incident technique dont je vous parlais tout à l’heure, Monsieur le président.

Le Président : Monsieur l’huissier, vous pouvez accélérer jusqu’à ce qu’on ait une image un peu intéressante, c’est possible ? Voilà.

Michel STASSIN : Ceci, c’est l’allée principale du quartier de Buye.

Le Président : Incident technique ou trop de bière de banane ?

Ca prenait combien de minutes jusque là-bas ? Voilà. C’est ce chemin qui descend…

Michel STASSIN : Tout à fait. Lorsque l’on longe la maison de Monsieur KARENZI, on descend ce petit chemin. Ici, c’est de nouveau l’allée principale. La maison de Monsieur KARENZI est située sur la gauche. Le petit chemin qui descend vers… l’autre chemin qui longe les différentes maisons de l’école sociale. On voit, là derrière, sur la gauche, une des premières maisons. Voilà le chemin, sur la droite, qui compte donc les dix maisons de l’école sociale. La vue que l’on voit ici actuellement, c’est ce qu’on appelle, quand on vient de la ville de Butare… Sur la droite, le chemin qui remontait chez Monsieur KARENZI.

C’est la maison qui abritait le couple du témoin 129 et le témoin 91. La deuxième maison sur la gauche lorsque l’on vient de la ville. La première maison est située là, derrière le feuillage qui est très abondant ; donc malheureusement on ne voit pas la maison. Ceci est la maison du témoin 91 lorsqu’on se trouve à l’intérieur de la propriété. Je ne sais pas si c’est assez précis, mais je me souviens très bien que les parcelles ne sont pas du tout délimitées à l’arrière des habitations. Ceci est l’arrière de la propriété.

Voici le chemin où nous nous rendons actuellement vers la maison de Victor.

C’est une image de la forêt où on verra, en fin de reportage, où l’on a retrouvé des traces ; il y avait donc des corps qui avaient été enterrés et qui étaient un début de fosse commune.

Le véhicule blanc que vous venez de voir, on l’avait laissé à hauteur de la maison du témoin 91, car plus tard, on va faire une vue générale, si je me souviens bien, qui va pouvoir nous montrer la distance plus ou moins entre la maison de Victor et la maison du témoin 91 et de Jean-Baptiste TWAGIRAMUNGU.

Ici, il s’agit de la maison de Victor. Forcément, lorsque l’on remonte le chemin si vous voulez, de la brousse et qu’on retourne vers la ville de Butare, on découvre évidemment que cette maison est la deuxième.

Le chemin qui remonte juste ici, remonte vers la rue principale du quartier de Buye où habitaient les professeurs de l’université. Ceci est un chemin qui est distant d’environ une petite cinquantaine de mètres qui descend dans la brousse, donc distant d’une cinquantaine de mètres par rapport à la maison de Victor et également de la dernière maison de cette rangée.

C’est ici que durant notre visite sur place, suivant les informations, nous avons pu recueillir parmi les habitants. Vous voyez ici la terre manifestement toute fraîche où on a déterré des cadavres.

Le Président : On n’a pas pu préciser s’il s’agissait des cadavres de la famille de Victor ?

Michel STASSIN : Non, Monsieur le président. Généralement, les rwandais parlent de Caterpillar mais en réalité, ce qu’ils veulent dire, c’est que cela a été fait à l’aide d’une pelleteuse ou d’un bulldozer.

Ici, je pense qu’on avait voulu filmer la maison de Monsieur NTEZIMANA mais lorsque Monsieur NTEZIMANA a été confronté à cette petite vidéo, il nous a précisé qu’il n’habitait pas à cette adresse, donc à l’UNR 52, il s’agissait manifestement d’une erreur de notre part. Mais il habitait quelques maisons plus loin, je pense la cinquième maison sur la droite à partir de la maison de Monsieur KARENZI. Ce sont toutes les maisons que l’on voit situées ici, qui abritaient donc les professeurs d’université.

Voilà, c’est terminé.

Le Président : Merci. On va placer l’autre appareil pour projeter les quelques diapositives. Il s’agit d’abord, Monsieur l’huissier, du chargeur n° 3 et ensuite du chargeur n° 19, cela se trouve dans une farde qu’on a intitulée « Dias relatives au quartier de Buye, préfecture de Butare ». Je vois comme commentaire qu’il s’agirait ici déjà d’une vue de l’extérieur, de la maison de Monsieur Pierre-Claver KARENZI

Michel STASSIN : Oui, c’est exact, Monsieur le président, c’est une vue générale. C’est une vue avec le portail de l’entrée principale.

Le Président : Ceci serait la maison de Monsieur le témoin 93 ?

Michel STASSIN : Oui, qui était un des voisins de Monsieur KARENZI. Le petit sentier qui longe sur la gauche la propriété de Monsieur KARENZI et qui arrive à la rangée des dix maisons sociales.

Le Président : Ceci serait la première maison en venant de chez Monsieur KARENZI ?

Michel STASSIN : Je pense que oui. La première maison du coin, première maison, je dirais la n°1 avec, dans notre dos, la ville de Butare.

Le Président : Ceci serait alors la n°2 ?

Michel STASSIN : La n°2 qui abrite le couple TWAGIRAMUNGU-le témoin 91.

L’arrière de la maison n°2 du témoin 91.

Le portail bleu, c’est la maison de Victor.

Le Président : Et ici, ce sont des vues vers la forêt de Buye ?

Michel STASSIN : Oui, tout à fait, Monsieur le président.

Voilà l’endroit, comme je l’ai précisé tout à l’heure lors de la petite vidéo, où on a déterré des cadavres, on a exhumé les cadavres.

Le Président : Ce n’est pas la maison de Monsieur NTEZIMANA, UNR 52 ?

Michel STASSIN : Non, ce n’est pas la maison de Monsieur NTEZIMANA.

Le Président : Alors il y a, Monsieur l’huissier, le chargeur n°19. La maison de Monsieur KARENZI ?

Michel STASSIN : Oui, avec le portail entièrement ouvert.

Ici, c’est une vue sur la porte d’entrée, on voit qu’on débouche sur un petit hall avec, en prolongement de ce hall, le salon-salle à manger.

Le Président : Evidemment, ici sur la diapositive, cela ne se voit peut-être pas très bien mais au coin droit de la cheminée se trouve un fil de raccordement téléphonique.

Michel STASSIN : Oui, tout à fait. Cette vue, lorsque l’on pénètre dans le hall, je l’ai dit donc, avec prolongement on arrive dans le salon et cette vue se situe lorsque l’on arrive dans le salon, à gauche, on a donc cette vue avec la cheminée, avec le fil qui pend sur la gauche.

Le Président : Ce sont des vues du faux plafond ? Cela ne se voit pas très fort mais qu’est-ce que vous avez constaté en ce qui concerne ces faux plafonds ?

Michel STASSIN : Lorsque nous avons pénétré dans cette demeure, il faut quand même bien replacer le tout dans un contexte, c’est que lorsque l’on a démarré le dossier avec Monsieur le juge d’instruction VANDERMEERSCH, on était évidemment à 7.000 km des faits qui s’étaient commis et lorsque, dans les premières déclarations, on nous signale qu’un témoin, ou disons des rescapés s’étaient cachés dans un faux plafond, cela peut paraître un peu bizarre. On apprendra par la suite que beaucoup de gens ont réussi à se sauver de cette façon. On a profité que nous étions en commission rogatoire pour avoir accès à la maison de Monsieur KARENZI, qui a bien sûr changé de propriétaire, et nous avons pu constater, on le voit vers les 3/4 de la dia, que manifestement le plafond a un petit peu souffert. Ce n’est pas moi qui suis monté parce que je crois que je suis un peu trop lourd mais c’est Monsieur de STEXHE, je crois, qui a réussi à monter sur la cheminée, avec mon aide. On voit que les lattes de ce plafond sont, non pas fissurées, mais elles ont l’air d’être légèrement décollées ; je présume qu’elles n’étaient dans leur entièreté complète, manifestement à cet endroit le plafond a souffert, on le voit clairement ici. En ouvrant légèrement, on voit que les lattes, je ne sais plus vous dire en quelle matière c’était, mais les lattes présentaient…

Le Président : Des ondulations.

Michel STASSIN : Tout à fait, Monsieur le président, elles sont affaissées manifestement. Je me souviens bien, si on reprend la dia où l’on me voit assis dans un fauteuil, face à la cheminée dans le coin gauche, je pense que c’est là que mon collègue Monsieur de STEXHE est monté sur la cheminée avec mon aide et donc, a réussi à repousser quelques lattes pour pouvoir vérifier que manifestement des personnes pouvaient s’y cacher.

Ici, il s’agit d’une vue arrière de la maison de Monsieur KARENZI. C’est une vue sur le jardin avec une petite cabane.

Le Président : C’est déjà la dernière photographie. On peut rallumer dans la salle. Les témoins peuvent reprendre, en transportant leur siège, leurs place.

Le Président : Y a-t-il des questions au juge d’instruction ou aux enquêteurs, de la part du jury ? Oui, Monsieur le 6e Juré. Ah, oui, vous donnez un micro… Monsieur le 6e Juré. Apparemment, c’est lui qui est délégué par les autres pour prendre la parole.

Le 6e Juré : Non, pas du tout. Est-ce qu’on sait savoir plus ou moins à quelle heure le jeune homme a été tué sur cette barrière ?

Le Président : Donc, le cas du jeune homme qui aurait été tué sur la barrière, est-ce qu’on a une situation de l’heure à laquelle cet événement serait survenu ?

Damien VANDERMEERSCH : C’était une barrière dans le quartier de Buye, dans les environs. Est-ce que… ?

Le Président : Monsieur NTEZIMANA a expliqué que cela se serait passé vers 19h00 ?

Damien VANDERMEERSCH : Moi, je pensais que c’était, pas entre chien et loup, enfin… un peu en début de soirée. C’est le souvenir que j’en avais mais je n’ose plus dire de quelle source, de quelle déclaration cela venait, mais j’avais le souvenir que c’était en rentrant, en venant d’ailleurs, de chez le capitaine NIZEYIMANA, et c’est en rentrant chez eux que cet épisode se serait passé, donc en début de soirée.

Le Président : Vous êtes allé sur place à trois ou quatre reprises ?

Damien VANDERMEERSCH : Au Rwanda ?

Le Président : Au Rwanda.

Damien VANDERMEERSCH : Oui, tout à fait. Cela veut dire qu’il faisait nuit. A 19h… à 18h00, ça tombe et ça tombe très, très vite. Il n’y a pas… je veux dire, une fois que le soleil s’est couché, il fait très sombre.

Le Président : D’autres questions ? Oui, je vous en prie.

Le 6e Juré : En pleine nuit, sans éclairage, pour quelqu’un qui voit plus ou moins normalement, jusqu’où on peut voir ?

Damien VANDERMEERSCH : C’est difficile à dire parce que, comme toute nuit, une nuit peut être plus lumineuse ou moins lumineuse bien que les nuits africaines soient plutôt assez sombres. Tout dépend, s’il y avait un attroupement, il y avait sur… on peut, mais c’est pure hypothèse, c’est que les gens ne restaient pas habituellement totalement dans le noir. Souvent il y avait ou bien un petit feu ou il y avait, éventuellement… nous, ce qu’on a pu observer, c’est que les gens avaient un petit moyen, une petite lumière, une petite lampe de poche. Je veux dire qu’après, comme tout le monde ne va pas se coucher à 18h00, il y a encore beaucoup d’animation dehors. Donc, il y a toute une vie dehors qui continue après la tombée du jour, où il y a une petite lampe à pétrole, il y a des petits moyens d’éclairage qui sont utilisés. Maintenant, je n’y étais pas, donc, je ne sais pas vous dire quel était l’éclairage, ou s’il y avait un éclairage. Mais je peux dire qu’il y a toute une vie nocturne qui fait… et qui n’est pas une vie à l’intérieur des maisons, qui est aussi une vie sur les trottoirs en rue qui fait que les gens… et alors beaucoup de bougies, on utilise beaucoup de bougies également.

Le Président : Plus de questions ? D’autres membres du jury puisque vous n’êtes pas le délégué ? C’est le 3e juré.

Le 3e Juré : Oui. Merci, Monsieur le président. Voulez-vous demander à Monsieur le juge d’instruction, il a parlé d’une visite du premier ministre à l’université, en présence du sous-préfet, en date du 19 avril…

Damien VANDERMEERSCH : Sauf erreur de ma part, du 14 avril.

Le 3e Juré : …du 14 avril.

Damien VANDERMEERSCH : Euh… du 14 mai ! 14 mai.

Le 3e Juré : Est-ce que Monsieur le juge d’instruction a eu connaissance de documents qui émaneraient, enfin, qui attesteraient de la présence de plusieurs professeurs de l’université, dont Monsieur KARENZI ?

Le Président : A cette réunion ? Le 14 mai ?

Damien VANDERMEERSCH : Pas le 14 mai. La réunion dont j’ai parlé, c’est une réunion le 14 mai, d’ailleurs, où Monsieur KAMBANDA annonce qu’il va donner des directives la semaine suivante au plus tard, et cela correspond peut-être aux directives que j’ai évoquées du 25 mai. Mais cela n’a rien à voir avec le discours du président de la république, qui s’est passé le 19 avril, Monsieur KARENZI étant décédé, semble-t-il, le 21 avril, donc deux jours après. Ici, cette réunion se situe à peu près 20-25 jours après.

Le 3e Juré : Merci.

Le Président : Donc, Monsieur KARENZI n’y était pas mais il y avait d’autres professeurs ?

Damien VANDERMEERSCH : Il y avait un public assez nombreux, on parle d’un nombre assez important de professeurs.

Le Président : Oui, Monsieur KARENZI était décédé à ce moment-là.

Damien VANDERMEERSCH : Oui, il était décédé le 21 avril. Donc, 19 avril, le discours du président SINDIKUBWABO ; 21 avril, le décès de Monsieur KARENZI ; puis il y a eu des réunions, et il y a eu notamment cette réunion du 14 mai, si mes souvenirs sont bons, d’ailleurs annoncée ; on trouve le document, c’est le 14 ou 15 mai, je ne pourrais plus être sûr absolument de la date mais enfin c’est vraiment à cette période-là, où il y a eu une rencontre entre le personnel de l’université et le premier ministre, donc, le premier ministre qui venait sur place.

Le Président : Une autre question ? Madame le 12e Juré suppléant.

Le 12e Juré suppléant : J’aurais voulu demander, Monsieur le président, si le juge d’instruction avait été perquisitionner à l’université et s’il avait retrouvé des listes avec effectivement, comme nous a dit l’accusé, la détermination de l’ethnie des membres du corps professoral ?

Le Président : Monsieur NTEZIMANA - Monsieur le juge d’instruction, vous n’étiez évidemment pas dans la salle d’audience et donc, vous ne pouvez pas savoir ce qu’il a notamment déclaré - a expliqué que nul n’aurait besoin qu’il établisse lui-même des listes de personnes dans la mesure où, notamment, toute une série de documents de l’université reprenaient les appartenances ethniques, que ce soit des étudiants ou que ce soit des professeurs ; et donc, il eût été bien plus facile, pour des personnes qui voulaient avoir des listes, de se servir de ces listes quasiment officielles reprenant l’ethnie plutôt que des listes ainsi faites à la va-vite ou… Alors, avez-vous vous-même perquisitionné ? Je crois que là… 

Damien VANDERMEERSCH : Non, de toute façon je n’avais pas la compétence. Nous avons rencontré des personnes de l’université, des responsables, les nouveaux responsables, parce qu’il faut savoir qu’au niveau de l’université, évidemment, tout a été profondément modifié au point de vue personnel par rapport à avant et après les événements. Il y a toute une série… je vais être honnête envers vous en disant qu’on a retrouvé toute une série de documents, et notamment qu’on a attribués au bureau de Monsieur NTEZIMANA. Mais je trouve que cela a été fait avec tellement peu de rigueur que ces documents, je veux dire, qu’ils ont été trouvés à tel ou tel endroit… On a trouvé la personne disant : « Cela venait de tel endroit, cela venait de tel endroit ». On a trouvé des documents de la CDR, des cartes de parti de la CDR, qu’on a attribués au bureau de Monsieur NTEZIMANA. Moi, je vous dis, ma rigueur de juge d’instruction me fait dire, qu’à partir du moment où c’est un fouillis qui m’a été présenté, je veux bien croire qu’ils ont été retrouvés à l’université, mais j’estime qu’il y avait tellement peu de classement, cela a été… parce qu’en fait, toute l’université a été… quand les gens ont repris possession, cela a été au fur et à mesure et même, de façon, semble-t-il, peu méthodique, je veux dire, examiné ; tout a été examiné.

En ce qui concerne des listes avec… il y avait, je me souviens de listes de membres de personnel, effectivement, on a retrouvé d’ailleurs des listes aussi même des rondes, etc., donc, mais cela plutôt du côté de la préfecture. Maintenant, en ce qui concerne avec l’appartenance ethnique, personnellement je n’en ai pas un souvenir précis. Maintenant, cela ne veut pas dire qu’elles n’existaient pas mais je n’en ai pas de souvenir. Maintenant, si c’est au dossier… Enfin, j’ai eu le souci de mettre au dossier les documents, souvent on les dépose au greffe mais alors j’estime que souvent on ne les a plus… on a plus la vue ici. Tout ce qui m’a semblé pertinent, je l’ai versé au dossier. Je n’ai plus de souvenir, mais c’est bien possible.

Le Président : Non, mais Monsieur NTEZIMANA ne dit pas que ce genre de listes se trouveraient au dossier, hein, il dit que…

Damien VANDERMEERSCH : Je n’en ai pas…

Le Président : …que, compte tenu du système administratif existant à l’université…

Damien VANDERMEERSCH : Je peux vous dire que si j’en avais trouvés avec « appartenance ethnique », j’aurais joint ces documents, bien entendu. Maintenant, ils n’ont peut-être pas été présentés, je n’ai pas été fouiller systématiquement. D’abord, l’université, c’est grand, il faut se rendre compte. Et puis, c’est vrai que, c’est plus les gens qui ont occupé les bureaux qui ont eux-mêmes ouvert les tiroirs qui se trouvaient sur place et qui ont dit : « Tiens, j’ai trouvé cela, tiens j’ai trouvé ceci ». C’est un peu comme cela que cela a été fait. Ce ne sont pas les autorités rwandaises judiciaires, elles n’existaient plus, il n’y avait plus d’autorités judiciaires, donc, c’est plutôt chaque personne à qui a été attribué un nouveau bureau qui, elle, a fait le ménage dans son nouveau bureau, et qui déclare avoir éventuellement trouvé tel ou tel document.

Le Président : D’autres questions ? Monsieur le 6e Juré ? Il ne faut pas avoir peur, vous savez. Je peux vous dire, c’est la 15e session de Cour d’assises que je préside, il y en a toujours un qui pose beaucoup plus de questions que les autres ! Ce sera sans doute vous !

Damien VANDERMEERSCH : Habituellement c’est plus le juge d’instruction et les enquêteurs qui ont peur des questions qu’ils vont recevoir, donc, n’ayez crainte.

Le 6e Juré : Est-ce qu’on pourrait poser la question, ente le campus et les habitations des professeurs, la distance plus ou moins ?

Damien VANDERMEERSCH : Du campus jusqu’au… on situe le plus souvent le point de repère, c’est l’Ibis et le Faucon, qui sont vraiment au centre de Butare, donc sur la Grand-rue, c’étaient les deux hôtels avec l’endroit où on se réunissait, c’était vraiment le centre. L’université est située à peu près, non, moins loin, puisque je l’ai fait une fois à pied, à mon avis, à 1 km. Un kilomètre, mais c’est assez proche, par rapport à… c’est une ville assez étendue, l’université, je ne sais pas… Monsieur NTEZIMANA peut-être pourra le confirmer mais, pour moi, c’est à peu près à 10 minutes à pied, un quart d’heure. Par contre, pour Buye, peut-être que Monsieur STASSIN peut indiquer plus ?

Michel STASSIN : Lorsque l’on revient des maisons des professeurs pour revenir vers le centre ville, c’est-à-dire, sur le coin il y a l’hôtel Faucon, je dirais qu’il y a environ entre 1 et 2 km, à pied.

Le Président : En voiture aussi, vous savez !

Michel STASSIN : En voiture aussi, mais non, c’est parce que Monsieur le juge parlait…

Damien VANDERMEERSCH : Il faut préciser que Buye, on est bien d’accord, est du côté opposé à l’université. Donc, on est bien d’accord que quand ont dit, quand je parle pour repasser par le centre, c’est parce que Buye est du côté opposé à l’université. Donc, il faut repasser par le centre pour aller à Buye. Donc, vous additionnez les deux.

Le Président : Monsieur NTEZIMANA ? 3 à 4 km entre Buye et l’université ?

Monsieur Vincent NTEZIMANA : Cela se pourrait ; 4-5 km, oui, tout à fait. Mais comme l’inspecteur STASSIN l’a dit, les deux quartiers se trouvent de part et d’autre du centre-ville…

Le Président : …du centre de Butare.

Monsieur Vincent NTEZIMANA : Oui.

Le Président : D’accord. D’autres questions ?

Le 6e Juré : Non, Monsieur le président.

Le Président : Je vous en prie, allez-y. Si vous en avez, n’hésitez pas, hein. Alors… peut-être les parties ont-elles des questions ? Monsieur l’avocat général ? Pas de questions ? Maître HIRSCH ? Ensuite Maître CARLIER, ou Maître CARLIER d’abord.

Me. CARLIER : Une première question sur la vidéo et les diapositives que nous avons vues. Il y a, à un moment donné, dans les diapositives et dans la vidéo, il y a une vue de l’arrière de la maison du témoin 91 et le témoin 129. Nous sommes là, donc, dans le dossier de l’assassinat de la famille de Victor. Si je ne m’abuse, je ne sais pas si c’est Monsieur STASSIN qui peut répondre à cette question, Monsieur le président, ou un autre des enquêteurs ? A un moment donné, dans la vidéo, quelqu’un dit en voix off que de l’arrière de la maison le témoin 91-TWAGIRAMUNGU, il n’est pas possible de voir la maison de la famille de Victor. On voit effectivement sur la photo, un cabanon, on ne voit rien d’autre. Est-ce qu’il est exact que, de l’arrière de la maison le témoin 91-TWAGIRAMUNGU, il n’est pas possible de voir la maison de la famille de Victor ?

Le Président : Monsieur STASSIN, c’est vous qui étiez sur place ?

Michel STASSIN : Oui, effectivement, il me semble, à l’arrière de la parcelle du couple TWAGIRAMUNGU-le témoin 91, il ne me semble pas qu’il soit possible de voir l’arrière de la propriété de la famille de Victor.

Le Président : Est-ce qu’il est, par contre, possible de voir ce qui se passe en face de la maison le témoin 91, sur la rue ?

Michel STASSIN : Oui. Une fois qu’on est sur la rue, effectivement on sait voir, on voit le chemin. Donc, tout à l’heure…

Le Président : Oui. Non, mais, c’est pas cela, ma question n’est pas là. Madame le témoin 91 semble dire qu’elle s’est rendue à l’arrière de son bâtiment et que, de là, elle a vu quelque chose, Monsieur NTEZIMANA montrant quelque chose, dans sa déclaration. Montrant du doigt.

Michel STASSIN : Dans la déclaration, je ne me souviens pas si elle parle de l’arrière ou bien si elle se retrouve devant la maison.

Le Président : On va essayer de retrouver la déclaration de Madame le témoin 91… Elle dit qu’elle était avec son mari à la maison, elle a vu passer des militaires avec un civil, un ou deux militaires, pas plus. Elle dit que le civil c’était Vincent, qu’elle le connaît, elle, en tout cas sous le prénom de Vincent. Elle. Alors, c’est vrai que son expression ne nous dit pas spécialement qu’elle était à l’arrière de la maison puisqu’elle dit qu’elle est sortie avec son mari, par derrière, pour voir où allaient ces militaires et ce civil. Ils avaient peur, c’était la première fois qu’ils voyaient des militaires dans leur quartier des dix maisons. Et elle dit qu’elle a vu personnellement Vincent pointer du doigt la maison de Victor.

Michel STASSIN : Moi, disons, tout ce que je peux dire…

Le Président : Cela ne signifie pas pour autant qu’elle se trouvait à l’arrière de sa maison, si je lis cette déclaration.

Michel STASSIN : A l’époque, donc, nous sommes en mai 1995, donc, 13 mois après le début du génocide, je me trouve à l’arrière de la maison. Je peux quasi affirmer qu’il n’est pas possible de voir l’arrière de la maison de Victor au moment où je m’y trouve. Par contre, si je me trouve sur la rue, là on sait facilement voir qui se trouve un peu plus sur la route, et y compris jusqu’à la maison de Victor. C’est peut-êt…

Le Président : C’est notamment ce que vous avez indiqué dans la vidéo, en nous indiquant l’endroit où se trouvait la voiture blanche par rapport à la maison de Victor ?

Michel STASSIN : Tout à fait, Monsieur le président. Oui ?

Le Président : Une autre question ? Maître CARLIER en a encore, Maître HIRSCH, c’est pour cela que je ne vous donne pas la parole. Oui, Maître CARLIER ?

Me. CARLIER : Je reviens sur la question du témoin anonyme que vous avez soulevée, Monsieur le président, qui est une question que je souhaitais également poser. Je voudrais prolonger votre question. Le témoin anonyme apparaît effectivement tout au début de l’enquête relative à Monsieur NTEZIMANA, le 9 septembre 1994. Et de nombreuses accusations, qui se retrouvent ultérieurement, vous en avez demandé un résumé, sont déjà dans ce témoignage anonyme. C’est donc effectivement très important. Monsieur de STEXHE, dans ce procès-verbal, signale que ce témoin sera anonyme et, je cite :

« Monsieur le procureur du Roi nous autorise à approcher ce témoin en lui garantissant, en son nom propre, que les faits portés à notre connaissance le seraient avec la garantie de l’anonymat, excepté à son égard (donc, à l’égard du procureur du Roi), ainsi qu’à l’égard du juge d’instruction éventuellement saisi ». (Puisqu’il n’y a pas encore de juge d’instruction saisi à ce moment-là).

Donc, ma question s’adresse alors à Monsieur le juge d’instruction. Est-ce que lui a connaissance de l’identité de ce témoin ou est-ce qu’à son égard l’anonymat a également été maintenu, ce qui n’était pas prévu dans le procès-verbal de l’époque ?

Le Président : Monsieur le juge d’instruction ?

Damien VANDERMEERSCH : Je peux vous répondre sans problème. C’est quelque chose auquel, une situation à laquelle on est confronté, ce n’est pas un cas unique, évidemment, du problème de l’anonymat de personnes par rapport à des enquêteurs et qui peut se poser par rapport au parquet et par rapport au juge d’instruction. Ma position a toujours été, c’est… c’est d’essayer de travailler en toute transparence et donc de ne pas disposer de plus d’informations que la défense ou que les autres parties, que le parquet, enfin pas le parquet, parce que le parquet a une position privilégiée, mais de ne pas disposer de plus d’informations parce que j’estime que cela peut influencer éventuellement ma position alors que les autres parties n’auraient, ne disposeraient pas de la même information que moi. J’estime que quand je prends une décision, les gens ont le droit de savoir pourquoi je prends cette décision et pas qu’il y a quelque chose de caché en plus. Donc, je suis très clair. Je ne souhaite pas et je ne veux pas, et je le fais dans tous les dossiers, connaître, je dirais, la… l’identité d’un témoin entendu sous l’anonymat parce que j’estime qu’à ce moment-là, je risquerais de disposer d’un élément de plus que les parties et je trouve que ce n’est pas le rôle du juge d’instruction.

C’est par contre, j’estime, le rôle du parquet à vérifier, le rôle du parquet c’est aussi une mission légale, il est partie au procès, c’est différent, mais il a une mission légale également de vérifier la loyauté et la légalité des moyens de preuves, mais, à ce niveau-là, personnellement, je sais que cette position n’est pas partagée par tous mes collègues, mais personnellement, j’estime que c’est le rôle du parquet, à jouer son rôle de contrôle à ce niveau-là. Il me semble délicat, pour un juge d’instruction, de disposer d’informations et l’identité d’un témoin, c’est une information qui peut évidemment, dans la tête d’un juge d’instruction, dire : « Ah ! Oui, mais compte tenu de l’identité… », cela peut éventuellement influencer certaines choses dans l’enquête. Moi, je prends le principe, c’est que je travaille en transparence et donc, je ne veux pas disposer de plus d’informations. Donc, Monsieur de STEXHE m’a proposé de me donner, de me communiquer l’identité de la personne et j’ai refusé parce que j’ai estimé que je ne souhaitais pas avoir cette identité pour, justement, garder mon statut vraiment de juge d’instruction et de travailler en toute transparence.

Jean de STEXHE : Ici, je peux ajouter, Monsieur le président, qu’à la demande de Monsieur le juge d’instruction, à plusieurs reprises, j’ai réapproché le témoin anonyme en lui demandant s’il voulait éventuellement revoir sa position et sortir de l’anonymat qu’il avait choisi de demander, ce qu’il a refusé.

Damien VANDERMEERSCH : Sauf erreur de ma part, la seule question que j’ai posée à Monsieur de STEXHE à cet égard, c’était - parce que là je trouve que cela pose problème - c’était de savoir si cette personne était entendue comme témoin dans l’enquête. Parce qu’effectivement, il me semble délicat qu’il y ait une partie de l’audition qui soit, je dirais, à visage découvert et puis éventuellement, autre chose qui soit… et donc, sauf erreur de ma part, vous m’avez répondu par la négative.

Jean de STEXHE : Par la négative.

Le Président : Donc, ce témoin anonyme n’apparaît pas sous un nom, identifié quelque part dans le dossier ?

Jean de STEXHE : Non. Ces informations ont été transmises au parquet qui en a connaissance.

Le Président : Bien. Maître CARLIER, encore d’autres questions ?

Me. CARLIER : Est-ce que Monsieur de STEXHE peut confirmer que ce témoin est un témoin qui aurait été à Butare au moment du génocide et qui serait en Belgique au moment où il est interrogé, voire encore actuellement ?

Le Président : Monsieur de STEXHE ?

Jean de STEXHE : Comme je viens du dire, le parquet est au courant de l’identité de cette personne, donc, Monsieur l’avocat général… et je ne sais pas s’il est opportun que je réponde à cette question qui permettrait éventuellement de l’identifier. Je ne sais pas.

Le Président : Je crois que vous pouvez répondre sans que le témoin soit identifié.

Jean de STEXHE : Je réponds donc affirmativement. La personne était bien sur les lieux, donc ce n’est pas un témoignage indirect mais un témoignage direct. Et cette personne réside bien en Belgique.

L’Avocat Général : Si vous me permettez d’intervenir puisqu’on a cité le parquet, le parquet général, Monsieur le président ?

Le Président : Oui, Monsieur l’avocat général.

L’Avocat Général : Je peux vous affirmer que, comme vous l’avez demandé, le témoin anonyme n’est pas Monsieur GASANA Ndoba, que le témoin anonyme ne figure pas parmi les témoins qui ont été entendus dans le cadre du dossier et ne figure pas parmi les témoins qui seront entendus dans le cadre de ce procès.

Le Président : D’autres questions ?

Me. CARLIER : Une question qui concerne, je crois, un peu plus l’inspecteur principal BOGAERT. Est-ce qu’il pourrait donner à la Cour et aux jurés, quelques explications sur la façon dont ce qu’on appelle les back-up ont été faits, c’est-à-dire, l’examen informatique des dossiers de l’ordinateur de Monsieur NTEZIMANA à l’université ?

Le Président : Oui, il y avait d’abord eu un expert chargé de cela mais qui finalement n’a fait, si j’ai bien compris, qu’assister à la manière dont on faisait les back-up, pour éviter que cela ne crashe j’imagine, mais pour le reste, l’examen proprement dit des back-up des ordinateurs de l’université, dont celui utilisé, qu’utilisait, lorsqu’il était à l’UCL, Monsieur NTEZIMANA, vous avez mené certaines recherches sur les fichiers de ces back-up. Vous pouvez exposer en quoi consistaient ces recherches ?

Olivier BOGAERT : J’ai effectivement accompagné en son temps sur le site de l’université, Monsieur GOLVERS qui avait été désigné par le juge d’instruction pour cette tâche mais, à ma connaissance, ultérieurement, l’analyse des données qui ont été récupérées, l’a été par un de mes collègues de la police judiciaire qui est Monsieur WALRAET. Je crois que c’est un procès-verbal de Monsieur WALRAET qui reprend les éléments d’analyse proprement dits. J’ai assisté aux opérations menées en présence des informaticiens de l’UCL, aux devoirs qui avaient été demandés par Monsieur le juge d’instruction, mais ce n’est pas moi qui ai procédé à l’analyse des documents proprement dits. Par contre, effectivement, le travail de Monsieur GOLVERS sur place avait, si mes souvenirs sont bons, à ce moment-là, Monsieur GOLVERS a effectivement vérifié dans quelle mesure, dans les données qui étaient disponibles sur les serveurs de l’université, il était possible de travailler par mots clés pour une recherche ultérieure sur les back-up qu’il voulait constituer. Mais, à ce niveau-là, je ne suis pas intervenu, c’est mon collègue WALRAET, si mes souvenirs sont bons, qui a procédé à l’analyse ultérieure.

Le Président : Monsieur WALRAET n’est pas là et n’est pas convoqué. Alors, Monsieur le juge d’instruction, cette analyse a-t-elle donné des résultats dont il aurait valu la peine de parler ?

Damien VANDERMEERSCH : Ils sont au dossier, ça c’est une première chose. Ils se trouvent bien entendu intégralement au dossier, cela a fait l’objet d’une sous-farde séparée. Il y a, je dirais… toute une exploitation qui est faite, d’un ensemble de documents mais se trouvent beaucoup de documents de Monsieur NTEZIMANA lui-même, également postérieurs aux événements, documents dont, d’ailleurs, certains avaient déjà été communiqués. Il y a un document qui a attiré l’attention un peu plus davantage du parquet, qui a fait l’objet d’ailleurs de réquisitions complémentaires, qui était une lettre, si je me souviens bien, de 1991 ou 1990, adressée à un certain Vianney, qui était une copie de lettre, et dans laquelle il y avait certains passages sur lesquels le parquet a souhaité qu’il soit entendu. Sinon, pour le reste, c’étaient surtout des documents, je ne dis pas que c’étaient des documents qui étaient étrangers, c’étaient surtout des documents explicatifs de Monsieur NTEZIMANA par rapport aux dénonciations dont il faisait l’objet. Et puis, il y avait toute une séries d’autres… enfin, je pense qu’il y a tout un listing aussi informatique qui a été fait mais je dirais qu’il n’y avait pas d’éléments très… C’est évident, c’étaient les éléments de l’ordinateur de l’université.

Le Président : On n’a pas retrouvé « Les dix commandements » ?

Damien VANDERMEERSCH : Non, pas du tout. Je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’il disposait de cet ordinateur…

Le Président : …à l’époque ?

Damien VANDERMEERSCH : au moment où… Je ne pense pas. On est bien d’accord que c’est l’ordinateur qu’il utilisait après être revenu ici en Belgique, donc, après les événements. Ce n’est pas l’ordinateur qu’il utilisait avant 1993, en tout cas on n’a pas d’éléments de penser que c’était exactement. Enfin, c’était peut-être le même, mais je doute qu’il y ait une continuité. Si Monsieur NTEZIMANA partait pour Butare, il n’a pas laissé… en principe, on… met de l’ordre parce que son ordinateur passe à quelqu’un d’autre, on ne laisse pas ses données dessus, en principe, enfin… On sentait que c’était un ordinateur qui était surtout utilisé après le retour de Monsieur NTEZIMANA en Belgique.

Le Président : Oui ?

Me. CARLIER : Simplement pour éviter toute confusion, Monsieur BOGAERT peut-il bien confirmer que c’est un back-up complet de documents bien antérieurs à 1993 ? On vient notamment à l’instant de parler d’une lettre de 1991.

Olivier BOGAERT : Ecoutez, si mes souvenirs sont exacts, l’expert a sollicité des informaticiens qui étaient présents avec nous, d’accéder à la zone… on travaille donc avec un serveur et chaque utilisateur dispose d’un espace réservé sur le serveur, et donc, c’étaient les données qui pouvaient plus particulièrement concerner Monsieur NTEZIMANA. L’ensemble des données qui le concernaient avaient été sollicitées par l’expert, si mes souvenirs sont exacts, et ce sont ces données qui ont été back-upées. Il était exclu, évidemment, vu le volume des données sur cette machine, qui est en outre partagée par d’autres services au sein de l’université, de faire un back-up général, ce qui aurait été monstrueux évidemment.

Damien VANDERMEERSCH : Je dois préciser que les instructions étaient de faire le back-up le plus complet possible. En tout cas, c’est ce qu’on a essayé de faire. Je ne dis pas qu’on… Mais en tout cas, les instructions étaient d’avoir effectivement l’ensemble des documents de façon exhaustive. Il est exact qu’on a retrouvé des documents antérieurs. Maintenant, je ne peux plus vous dire si c’était même après ou bien si c’est par disquettes ; là, je pense que Monsieur NTEZIMANA sait mieux répondre que moi sur cette question.

Le Président : Oui.

Me. CARLIER : Une dernière question, Monsieur le président. Est-ce que Monsieur le juge d’instruction pourrait donner quelques informations à la Cour et au jury à propos des devoirs qui ont été effectués relativement à un tract AREL ? De quoi s’agit-il ? Et les devoirs qui ont été effectués ?

Damien VANDERMEERSCH : C’est un document, donc, un document AREL, qui est remonté à la surface assez rapidement, assez tôt dans l’enquête, et d’ailleurs qui était antérieur, à mon avis, à ma saisine - en tout cas cela est remonté à la surface - par rapport auquel on est parvenu à remonter. C’est un Rwandais habitant en Belgique qui a présenté ce document à la police judiciaire, si mes souvenirs sont bons, c’est à Madame DESEILLE, qui était en charge, à ce moment-là, du dossier et qui est venue en disant : « Voilà, moi j’ai ce document qu’on m’a communiqué ». Elle a d’ailleurs donné la source d’où il avait été communiqué en disant : « C’est un document signé par quelqu’un qui est cité, enfin par NTEZIMANA Vincent, donc, un document signé. Ce document, je vous le remets, je n’en sais rien, il n’a pas affirmé en disant qu’il venait de tel endroit ou de tel autre, il m’a été transmis ». On est parvenu à établir, à partir du numéro de fax, que cela venait d’un autre Rwandais qui travaillait à la KUL et puis qui dit qu’il l’a reçu encore d’une autre source. Enfin, bon la source, à un moment donné, se noie un peu dans l’imprécision.

Quelle est la source exacte ? Mais ce qui a bel et bien été établi, et là j’ai ordonné une expertise en écriture à ce sujet, c’est que la signature qui apparaissait, ce n’est pas l’original qu’on avait, c’était un fax, ce n’était pas de première main qu’on a eu ce document non plus, que la signature, je dirais déjà moi-même je pouvais constater qu’elle ne correspondait pas, on avait assez de signatures de Monsieur NTEZIMANA, ne fût-ce qu’au bas de nos auditions, et là, ce n’était pas la difficulté d’avoir des points de comparaison, mais l’expert conclut de façon assez formelle qu’il ne s’agit pas de la signature de Monsieur NTEZIMANA. Le reste, c’est dactylographié, donc, on ne peut pas comparer, mais la signature qui apparaît dessus, pour autant qu’on puisse… évidemment c’est sur un fax, mais cette signature-là, et je dirais de façon assez grossière, n’est pas attribuable à Monsieur NTEZIMANA, en tout cas ce n’est pas la façon dont il signe habituellement.

Le Président : Une autre question ? Maître HIRSCH ?

Me. HIRSCH : Merci, Monsieur le président. Une petite question qui fait suite à celle que vous aviez posée et qui concerne « L’appel à la conscience des Bahutu ». Est-ce que Madame le témoin 50 a identifié une autre personne sur photo qui accompagnait Monsieur NTEZIMANA à Copy fac ?

Michel STASSIN : Si mes souvenirs sont bons, elle identifiait Monsieur Joseph-Désiré RUHIGIRA.

Le Président : Oui, Maître HIRSCH ?

Me. HIRSCH : Une autre question, Monsieur le président. Monsieur NTEZIMANA nous a dit aujourd’hui, et cela figurait dans l’enquête, qu’il avait téléphoné le 21 avril, soit dans le soir, dans la soirée…

Le Président : 21 avril 1994 ?

Me. HIRSCH : Oui. Le 21 avril 1994, le jour de l’assassinat de Monsieur KARENZI, qu’il avait téléphoné chez les KARENZI et donc, à Madame KARENZI puisqu’il savait la mort de Monsieur KARENZI. Est-ce que, je ne sais pas qui parmi les enquêteurs, peut confirmer qu’effectivement Monsieur NTEZIMANA, durant l’enquête, aurait dit cela ?

Damien VANDERMEERSCH : Moi, je n’en ai pas le souvenir. Je le dis très clairement dans mes auditions, je n’en n’ai nullement le souvenir. Ce que je me rappelle bien, c’est qu’on a essayé, au Rwanda, de faire ce qu’on appelle des repérages de communications téléphoniques, c’est-à-dire, de pouvoir déterminer les numéros de téléphone, mais c’était demander l’impossible. C’était vraiment demander l’impossible. C’est un pays qui était complètement sinistré et, soyons clairs, je n’ai même pas eu la réponse de savoir si techniquement c’était possible. Il n’y avait personne qui était capable de me donner la réponse, dans tous les interlocuteurs, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il est évident que ce n’était pas uniquement cette possibilité d’éventuellement voir toutes les communications qui avaient été faites, ne concernait pas uniquement Monsieur NTEZIMANA, cela concernait toutes les personnes mises en cause. C’est très intéressant de savoir par téléphone quels pouvaient être les contacts. On n’a même pas eu un interlocuteur. Et pourtant, on est allé à RWANDATEL, on a vraiment interpellé les autorités pour avoir un interlocuteur. Je crains qu’il n’y avait peut-être même pas un technicien qui était capable de donner la réponse, pas de faire la recherche mais de donner la réponse. Moi, je n’en ai pas souvenir, devant moi en tout cas.

Michel STASSIN : Je peux confirmer également que les rares auditions que j’ai faites de Monsieur NTEZIMANA, je n’ai pas souvenir qu’il m’ait dit qu’effectivement il avait téléphoné à Madame KARENZI.

Le Président : Je précise qu’il dit avoir téléphoné le soir à la maison de KARENZI dont il venait d’apprendre la mort dans le courant de l’après-midi, a-t-il précisé aussi, non pas de n’importe qui, mais du témoin 150 Jean-Bosco. C’est cela, hein ? C’est bien du témoin 150 Jean-Bosco ? C’est du témoin 150 Jean-Bosco qu’il a appris la mort de Monsieur KARENZI dans l’après-midi du 21 avril et que, le soir, après être passé par chez Monsieur NIZEYIMANA où il a rencontré l’une ou l’autre personne avec lesquelles il a joué aux cartes, le soir en rentrant chez lui, il a donné un appel au numéro correspondant à la maison de Monsieur KARENZI, sans recevoir, bien sûr, de réponse. Est-ce que cela vous dit quelque chose ? Est-ce que cela vous dit aussi quelque chose que c’était de Jean-Bosco SEMINEGA qu’il avait appris le décès de Monsieur KARENZI ?

Damien VANDERMEERSCH : Monsieur le témoin 150 est un des témoins qui, d’abord, n’a pas voulu faire une audition, classique je dirais, suivant la méthode que j’avais, enfin, suivant la loi que j’estimais devoir respecter, c’est-à-dire, sous forme d’une audition par les autorités locales. Donc, il s’y est opposé. Mais, c’était un témoin dont la défense souhaitait absolument qu’il puisse, s’il le désirait ou s’il pouvait le faire, s’exprimer. Donc, Monsieur le témoin 150 Jean-Bosco qui est un voisin, il occupait la maison de Madame le témoin 143 qui était une maison voisine à la maison de NTEZIMANA, et donc, il était voisin, et lui, occupait cette maison pendant les événements. Monsieur le témoin 150, cela n’a pas été facile de… On le localisait à Kigali, on savait qu’il était à Kigali et d’ailleurs Madame VAN CUTSEM déclarait qu’elle avait eu des contacts avec lui. Monsieur le témoin 150 Jean-Bosco, on lui a fixé deux fois, je lui ai fixé deux fois rendez-vous et finalement la première fois cela ne s’arrangeait pas parce qu’il est venu et il y avait un autre témoin qui devait être entendu, et l’autre fois, il ne s’est pas présenté au rendez-vous. Si bien que j’ai demandé à Monsieur DELVAUX et Monsieur de STEXHE d’essayer de voir où il était.

J’avais souhaité le rencontrer personnellement parce que je trouvais que c’était important puisqu’il semblait qu’il pouvait donner des éléments intéressants à décharge. Cela me semblait important de pouvoir essayer de les recueillir. Monsieur DELVAUX et Monsieur de STEXHE ont recueilli une déclaration, mais il ne souhaitait pas faire une déclaration, je dirais, officielle, sous forme de procès-verbal. Si bien que, comme témoin, je dirais, à ce moment-là, ils ont fait un document, un compte rendu de l’entretien, aussi fidèle que possible, comme une déclaration, mais qui n’était pas signé. Sinon le témoin est anonyme, mais ici, c’étaient des circonstances un peu particulières, il ne voulait pas. Et il m’a semblé important qu’on ait quand même sa version des faits. Ce n’est pas que je n’ai pas confiance dans les enquêteurs, mais j’ai estimé que, compte tenu du contenu de ce témoignage qui était… bon, soyons clairs, Monsieur le témoin 150 laissait entendre à Madame le témoin 143 qu’il savait beaucoup de choses à décharge de Monsieur NTEZIMANA et qu’il pouvait dire des éléments intéressants mais qu’il n’osait pas parler. Cela, c’est ce qu’on savait. C’est vrai que Monsieur le témoin 150, à la différence d’autres, n’a pas voulu faire de déclaration devant des inspecteurs rwandais et qu’il a souhaité éventuellement pouvoir faire une déclaration sous cette forme-là.

Maintenant, le contenu. En fait, Monsieur le témoin 150 - c’est pour cela que je n’ai pas évoqué le contenu de cette audition, enfin de cette audition, demi-audition, de ce rapport relatant ce qu’il avait dit aux inspecteurs judiciaires mais qu’il a confirmé devant moi - n’apportait pas tellement d’éléments nouveaux, dans le sens où il confirmait grandement ce que Monsieur NTEZIMANA déclarait lui-même, à savoir que Monsieur NIZEYIMANA avait des contacts avec Monsieur NTEZIMANA, qu’il y avait de temps en temps des militaires qui venaient chez Monsieur NTEZIMANA, qu’Innocent NKUYUBWATSI était chez Monsieur NTEZIMANA, qu’il y avait eu des rondes, qu’il avait été forcé lui-même à participer aux rondes et que Monsieur NTEZIMANA, si je me souviens bien, à moment, il a dit qu’il faisait partie du comité de sécurité du quartier.

En tout cas, Monsieur NTEZIMANA dit lui-même qu’il a été à de telles réunions mais qu’il était opposé aux rondes et qu’il avait été forcé d’y participer. Donc, je dirais que cela se rejoignait quelque peu… Je dirais que le seul élément qu’il apportait, c’était de dire que lui-même avait fait l’objet d’une fouille et qu’après, Monsieur NTEZIMANA était venu chez lui pour lui demander qui se trouvait chez lui. Lui, l’a ressenti en disant : « Il voulait savoir si je cachais un Tutsi ». C’est comme cela qu’il l’a ressenti.

Pour moi, cette audition était finalement assez neutre par rapport à l’ensemble des éléments, mais enfin, elle n’allait pas dans le sens de dire non plus, il confirmait quand même toute une série d’éléments. Lui-même disait que Monsieur NTEZIMANA était… avait choisi un peu son camp, avait choisi un peu le camp des extrémistes, mais qui, pour moi, était une interprétation personnelle, c’est parce qu’il abritait Monsieur Innocent NKUYUBWATSI, parce qu’il avait des contacts avec le capitaine NIZEYIMANA et parce qu’il abritait des gens bien, comme Longin et comme Jean-Marie Vianney le témoin 142. Mais je dirais que cela, ce sont des choses qu’on savait. Bon, qu’il… donc, il l’interprète comme cela, cela n’ajoutait pas tellement. Mais j’ai estimé, comme c’était un témoin important, j’ai voulu moi-même, et j’estime que c’est ma responsabilité en tant que juge d’instruction, contrôler, assurer la maîtrise de l’enquête et j’ai voulu rencontrer moi-même cette personne, que j’ai rencontrée seul à seul. Il n’a pas voulu signer mais il a corrigé lui-même certains passages du compte rendu d’audition. C’était, pour moi, c’était suffisant, c’était une forme de signature aussi. A partir du moment où il corrigeait manuscritement certains éléments, c’était une façon, je veux dire j’étais assez à l’aise, quitte à faire une expertise en écriture après, s’il y avait des contestations, enfin j’étais quand même là pour l’attester moi-même. Mais disons, le fait qu’il signe ou qu’il ne signe pas, à partir du moment où il le confirmait devant moi et qu’en plus il y apportait lui-même quelques corrections manuscrites, j’estimais qu’il y avait assez de garanties par rapport à la contradiction permettant de dire que c’est ce qu’il m’avait… c’est ce qu’il avait dit aux enquêteurs et qu’il avait confirmé devant moi.

Maintenant, Madame le témoin 143, et je l’ai entendue sous serment, a déclaré devant moi que Monsieur le témoin 150 lui avait dit après qu’il avait fait l’objet de pressions. Et je n’ai aucune raison, je dois vous dire, de mettre en doute la déclaration de Madame le témoin 143. Donc, c’est sans doute une personne qui avait un double langage vis-à-vis de nous, ou, enfin, qui a eu, à un moment donné, un double langage vis-à-vis de nous et vis-à-vis de Madame le témoin 143. Maintenant, pourquoi ou pas ? Les éléments qu’il nous a communiqués sont des éléments, je dirais, qui étaient déjà confirmés par Monsieur NTEZIMANA lui-même. Pour moi, il n’y a pas d’éléments tout à fait nouveaux dans cette déclaration, je dirais compte rendu, qui a été faite sous forme de compte rendu. Mais c’est vrai qu’à Madame le témoin 143, il a toujours laissé entendre autre chose, je n’ai jamais su exactement, pour tout vous dire, quoi. Parce Madame le témoin 143 a dit : « Il n’ose pas parler mais il aurait des choses à dire ». Moi, je ne peux que constater ce qu’il nous a dit.

Le Président : Bien. D’autres questions ? Maître CUYKENS ?

Me. CUYKENS : Oui, Monsieur le président. Une seule question mais un tout petit peu longue…

Le Président : Si la réponse est courte, ce n’est pas grave !

Me. CUYKENS : La réponse devrait être courte. C’est pour obtenir une réponse claire, parce qu’il y a deux informations différentes au dossier. Le 5 avril 1995, Monsieur le juge d’instruction reçoit une lettre de Monsieur TOSCH qui explique dans quelles circonstances il s’est rendu au Rwanda et il a reçu un pli à apporter effectivement à Monsieur GASANA, ce qu’il nous a confirmé ce matin. Il dit que c’est à l’occasion d’une mission qui lui avait été confiée par le ministre de la justice dans le cadre de l’école de criminologie et que, comme il s’intéresse d’une manière générale aux événements du Rwanda, il a été amené à rentrer en possession de ces documents et donc, à se faire le porteur de ces documents. Et par ailleurs, et c’est donc une question que je voudrais que vous posiez à Monsieur de STEXHE, j’ai relevé dans un procès-verbal du 15 avril 1995 qui a été dressé par Monsieur de STEXHE et qui est une audition de Monsieur GASANA, si je comprends bien ce qui est écrit parce que c’est écrit à la première personne et donc, j’entends que c’est Monsieur GASANA qui parle, et à un moment donné Monsieur GASANA dit « vous », et donc je suppose qu’il parle de Monsieur de STEXHE. Et il explique que ces documents lui sont venus par effectivement Monsieur TOSCH, inspecteur de police judiciaire, et alors il dit :

« Vous l’aviez rencontré et informé du dossier d’information judiciaire que vous aviez constitué à charge de Vincent NTEZIMANA. Vous m’informez que vous lui aviez demandé, s’il en avait le loisir, d’approcher les sœurs benebikira de Butare,… etc. pour obtenir des informations ».

Est-ce que, effectivement, il y a eu un contact antérieur entre Monsieur de STEXHE et Monsieur TOSCH avant que Monsieur TOSCH ne se rende au Rwanda ou bien est-ce que c’est à la suite d’une rencontre fortuite que Monsieur TOSCH ramène les documents parce que ce procès-verbal n’est pas très, très clair ?

Jean de STEXHE : Non, c’était avant, si je me souviens bien, le passage à l’instruction que j’avais rencontré Monsieur TOSCH qui devait partir pour donner une formation d’officier de police judiciaire et qu’à cette occasion-là, je lui avais expliqué ce qu’il en était des sœurs benebikira. Et donc, je lui avais dit : « Si vous avez l’occasion de … ». Et c’est comme cela qu’il y a été et, si je me souviens bien, il a été chez les sœurs benebikira avec une de ses sœurs qui connaît le kinyarwanda, ce qui fait qu’il y a eu une relation de confiance qui s’est établie avec les sœurs benebikira, m’a-t-il dit, et donc les sœurs lui ont remis ce document. Puisque ce document lui a été remis par Yvette, enfin… je ne sais pas, en tout cas rédigé par le témoin 134, je ne sais pas si c’est elle qui l’a remis ou les sœurs, cela je ne saurais pas le dire, et ce document était destiné au frère de KARENZI, c’est-à-dire à Monsieur GASANA. Et donc, Monsieur TOSCH l’a ramené à Monsieur GASANA qui me l’a produit pour que je le verse au dossier.

Me. CUYKENS : Je vous remercie.

Damien VANDERMEERSCH : On est bien d’accord qu’on parle du carnet d’Yvette, là.

Me. CUYKENS : Il y a plusieurs documents. Comme Monsieur de STEXHE ne revient pas au moment où on parlera de Monsieur HIGANIRO, j’ai profité de sa présence ici mais il y a plusieurs documents, dont le carnet d’Yvette.

Damien VANDERMEERSCH : C’est pour la précision. On y reviendra normalement.

Jean de STEXHE : Donc, entre la demande qui était au stade de l’information et la production du document du carnet d’Yvette, là on était passé à l’instruction.

Le Président : Une autre question ? Maître RAMBOER ?

Me. RAMBOER : Monsieur le président, la question est peut-être bête mais pourquoi est-ce que c’est tellement nécessaire qu’une personne accompagne des militaires pour aller indiquer les maisons où les personnes recherchées se trouvent ? Est-ce qu’on ne peut pas, sur base de l’adresse, du nom de rue et du numéro de la maison, aller chercher les personnes ? Est-ce qu’on ne peut pas le faire sur base d’un plan de ville ? Pourquoi est-ce que le prévenu était nécessaire pour accompagner les militaires ?

Le Président : Oui, mais Monsieur NTEZIMANA plutôt que le facteur du coin ou… oui, bon. Les éléments de l’instruction vous permettent-ils de vous dire, que ce soit Monsieur NTEZIMANA ou quelqu’un d’autre d’ailleurs, est-ce qu’il était indispensable, pour désigner l’endroit où habitait quelqu’un, de se faire accompagner par quelqu’un qui connaissait l’endroit ?

Damien VANDERMEERSCH : Monsieur le président, j’estime que ce n’est pas une question à répondre directement parce que nous ne sommes pas… nous n’étions pas sur place à ce moment-là. Le seul élément que je peux vous fournir à cet égard, c’est que, suivant des témoins, avec toute la réserve qu’on peut avoir, ce qu’ils disaient eux, c’est qu’on a parlé à un moment donné qu’il y avait des éléments étrangers à Butare qui commettaient les massacres, et notamment que les Interahamwe qui étaient actifs à Butare - le MRND n’était pas très actif, n’était pas le premier parti à Butare - il y avait peut-être des Interahamwe, mais on a parlé d’Interahamwe venant de Kigali. Alors, il est évident que pour ceux qui venaient d’en dehors de la ville, il pouvait être utile que quelqu’un indique. Les plans, là je peux compr… les plans de la ville, on n’a jamais eu un plan en main, on a toujours dû se débrouiller pour se faire indiquer le chemin, parce que c’est comme cela qu’on… je veux dire, on demande. Et certains témoins ont dit : « On avait besoin des gens locaux pour nous indiquer les personnes qui, que, quoi ». Maintenant, cela, en l’espèce, concrètement, je ne veux pas répondre par rapport au cas d’espèce.

Le Président : Oui, nous avons l’exemple dans le dossier. Je suppose que vous avez demandé où se trouvait la maison où habitait à l’époque Monsieur NTEZIMANA et qu’on vous en a montré une et que ce n’était pas la bonne ?

Damien VANDERMEERSCH : Ce n’était pas la bonne, voilà. Et on croyait que c’était la bonne, au point qu’on a pris les photos et on a mis : « Maison de NTEZIMANA ».

Jean DESTHEXE : Je pense qu’on en était au point où les convocations pour les témoins, pour être bien sûr qu’elles arrivent, on a également dû demander aux collègues rwandais, pour bien chercher les maisons, être bien sûr que les individus y résidaient bien, pour remettre les convocations. Et nous sommes en 2001.

Le Président : Maître RAMBOER ?

Me. RAMBOER : Bien. En vérité, Monsieur le président…

Le Président : Je vous signale, Maître RAMBOER, que 18h00 ont déjà sonné. Mais, si vous avez une question intéressante, je vous écoute.

Me. RAMBOER : En réalité, ce que je voulais mettre en évidence et ce que moi-même j’avais constaté au Rwanda quand j’y ai été, c’est qu’il n’y a pas de noms de rues, il n’y a pas de numéros de maison et qu’effectivement, il me semble que c’est la raison principale pourquoi il était nécessaire d’avoir quelqu’un du coin pour indiquer où se trouvaient des personnes recherchées.

Le Président : Voilà. Ce n’était pas une question ! Y a-t-il encore des questions ? S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord pour que les témoins se retirent provisoirement, car… Sauf peut-être en ce qui concerne Monsieur de STEXHE dont il n’est pas prévu qu’il revienne. Ceci dit, ce n’est pas parce qu’on dirait qu’il peut retourner chez lui qu’il ne pourrait pas être invité à revenir malgré tout. Les parties sont-elles d’accord pour que les témoins se retirent provisoirement ? Donc, je demande à ce que vous restiez à la disposition. Je vais quand même vous demander pour clôturer l’audition d’aujourd’hui, à chacun d’entre vous : S’agit-il bien des accusés dont vous avez voulu parler ? Persistez-vous dans les déclarations que vous venez de faire, Monsieur VANDERMEERSCH ?

Damien VANDERMEERSCH : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Monsieur STASSIN ?

Michel STASSIN : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Monsieur BOGAERT ?

Olivier BOGAERT : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Euh ?

Michel WATERPLAS : C’est WATERPLAS.

Le Président : Monsieur WATERPLAS ?

Michel WATERPLAS : Oui, Monsieur le président.

Le Président : C’est parce que vous avez le nom le plus compliqué dans le dossier. Monsieur CORNET ?

Marc CORNET : Je confirme, Monsieur le président.

Le Président : Monsieur de STEXHE ?

Jean de STEXHE : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Eh bien, vous pouvez, pour aujourd’hui, disposer de votre temps.

Damien VANDERMEERSCH : Monsieur le président, peut-être demain après-midi, est-ce que vous aurez besoin de moi ?

Le Président : Non, normalement, nous entendrons…

Damien VANDERMEERSCH : Sinon, en cas d’urgence je peux toujours venir, je serai contactable par GSM mais sinon j’avais peut-être… enfin sous réserve de demain après-midi, sinon les autres jours il n’y a pas de problème.

Le Président : Non, normalement, non. Si certains d’entre vous sont chargés de faire venir les témoins qui sont à l’école royale militaire, j’ai demandé un devoir, qui apparemment n’est pas encore arrivé à moins qu’il le soit, parce que certains témoins, semble-t-il, voulaient demander le huis clos.

Jean de STEXHE : Oui, donc, j’ai pris contact avec… Oh, excusez-moi.

Le Président : J’attends le PV et tant que je n’ai pas le PV, je ne sais pas faire l’horaire. Or, on voudrait bien commencer demain à 9h00. Bon…

Jean de STEXHE : Nous avons l’intention maintenant de nous rendre à l’école royale militaire. J’avais demandé que l’on contacte les témoins sur place afin qu’ils précisent exactement s’ils veulent passer à huis clos ou pas et quelles étaient les motivations. Donc, on s’en va maintenant, de suite, pour les retrouver.

Le Président : OK. Mais moi, je devrais avoir cela avant 9h00 demain. Je devrais avoir cela à 8h00 demain matin, 8h15 au greffe, de manière à ce que je puisse vous dire : « Compte tenu de cette demande, il faudrait plutôt faire venir tel ou tel témoin de l’école royale militaire parce que … » Soyons clairs. En pratique, cela veut dire que s’il y en a plusieurs qui demandent le huis clos, on va les grouper, eux, pour faire, si huis clos il y a, non pas chaque fois un arrêt, huis clos, on vide la salle, on rouvre la salle, on fait rentrer les gens, on en entend un et puis un autre, on revide la salle. C’est pour pouvoir essayer de grouper toutes ces personnes. Je ne dis pas quel sera l’arrêt, je n’en sais rien. Mais si arrêt il doit y avoir, il vaudrait mieux que toutes ces personnes soient groupées pour que le huis clos soit décrété pour les auditions d’une série de personnes et pas…

Jean de STEXHE : J’ai une petite question, Monsieur le président. Pour réaliser le devoir que vous nous avez demandé, il n’est pas nécessaire de procéder chaque fois à une audition ? Cela peut être par style direct ?

Le Président : Non. Les renseignements, c’est « Monsieur ou Madame UNTEL souhaite le huis clos parce que ceci, parce que cela ». Mais pas une audition complète en disant… Il faut, bien sûr, un contact avec eux pour pouvoir savoir quelle est leur motivation, c’est évidemment indispensable mais cela ne doit pas reprendre une audition complète de ces personnes.

Jean de STEXHE : Ca va, c’est bien compris, Monsieur le président. Merci.

Le Président : Donc, si possible, si j’avais cela à 8h15, comme cela je peux vous dire aussi que, compte tenu de ces demandes-là, on peut procéder en faisant venir plutôt telle et telle personne d’abord, et puis telle et telle autre.

Jean de STEXHE : Ca va bien.

Le Président : Je vous remercie. Et donc, l’audience est levée.