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Instruction d’audience A. Higaniro Audition juge instruction et inspecteurs police fédérale compte rendu intégral du procès
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1. Audition, questions, commission rogatoire, diapositives
 

7.2.1. Audition, questions, commission rogatoire et diapositives

Le Président : Alors, rien d’autre ? On va faire approcher les témoins qui sont prévus pour cet après-midi : Monsieur le juge d'instruction VANDERMEERSCH, Messieurs DELVAUX, STASSIN, BOGAERT, WATERPLAS et CORNET mais il semble qu’il n’y en ait que trois des cinq. Donc, STASSIN, CORNET et BOGAERT.

Alors, Monsieur le juge d’instruction VANDERMEERSCH, Monsieur DELVAUX n’est pas là, Monsieur STASSIN est présent, Monsieur BOGAERT est présent également, Monsieur CORNET aussi. Monsieur WATERPLAS n’est pas présent actuellement. Je crois que vous avez déjà tous les quatre, prêté serment lors d'une précédente audience.

Non Identifié : Oui, tout à fait

Le Président : Et vous témoignez donc sous le bénéfice de ce précédent serment. Vous pouvez vous asseoir, encore que Monsieur VANDERMEERSCH va demander à pouvoir se relever tout de suite.

Damien VANDERMEERSCH : Ça dépend de vous, Monsieur le président.

Le Président : Donc, encore une fois, Monsieur le juge d’instruction, nous avons abordé aujourd'hui les faits reprochés à Monsieur HIGANIRO. Vous aviez, lors de deux précédents passages ici, dressé le portrait des aspects généraux du dossier. Ensuite, vous aviez résumé les éléments recueillis tant à charge qu'à décharge de Monsieur NTEZIMANA. Nous allons donc aborder aujourd'hui, avec vous, le problème des éléments tant à charge qu'à décharge de Monsieur HIGANIRO. Je ne vous donne pas de ligne de conduite, puisque vous aviez fait, lors de votre précédente prestation, preuve d'un remarquable esprit de synthèse. Je vais laisser cet esprit de synthèse s’exercer à nouveau aujourd'hui en ce qui concerne les faits reprochés à Monsieur HIGANIRO. Les enquêteurs sont là pour apporter éventuellement des précisions. Je signale que la défense de Monsieur HIGANIRO a souhaité qu’en votre présence soient projetées éventuellement deux vidéos : une qui provient de VTM et qui aurait été filmée à propos des bâtiments de la SORWAL et une autre vidéo - je dirais de vacances - qui permettrait un petit peu de situer la maison de Monsieur HIGANIRO à Gisenyi, à Kigufi plus précisément. On a également…

Damien VANDERMEERSCH : Il y a une série de photos qui ont été prises.

Le Président : Des photos, et je crois que sur un des reportages photographiques, un des reportages vidéo, pardon, de la PJ, il y a également, de l'ex-PJ, il y a également des éléments relatifs à cette villa. Mais dans un premier temps, Monsieur le juge d'instruction, tout en demandant à un huissier de bien vouloir vous apporter un grand verre d'eau…

Damien VANDERMEERSCH : Un grand verre d'eau, effectivement.

Le Président : Je vous laisse exposer la synthèse des éléments recueillis à charge et à décharge de Monsieur HIGANIRO.

Damien VANDERMEERSCH : Je vous remercie, Monsieur le président. Donc, en ce qui concerne Monsieur HIGANIRO, je suppose que vous l’avez entendu assez longuement puisque nous arrivons maintenant, et que donc, il y aura - mais ça c'est toujours, je dirais un peu la difficulté pour les témoins qui viennent - c'est que peut-être évidemment il y a des éléments qui vont se recouper en l'espèce de Monsieur HIGANIRO puisque les éléments qui lui sont reprochés tournent autour de certains faits ou de certains documents très précis. Il est évident que je serai amené à les reprendre, même si ça constitue des redites, comme la procédure est orale, je pense peut-être que ce sera pas tout à fait perdu.

Alors, en ce qui concerne Monsieur HIGANIRO, simplement pour donner, je dirais, un aperçu d'abord des auditions que j'ai faites par rapport à lui, de lui plutôt, et des rencontres que nous avons eues : Monsieur HIGANIRO, je l’ai entendu donc le 27 avril, le jour de son arrestation. J’ai été amené… et donc, ça a été principalement concernant les éléments dont nous disposions à ce moment-là, c’est-à-dire plusieurs témoignages faisant état qu'il était fort lié à l'ancien pouvoir, et qu'il aurait eu, ou qu'il était en tout cas catalogué, ou vu par certains, comme extrémiste, également concernant la lettre rapport sur laquelle on reviendra, je reviendrai de façon beaucoup plus longue ou plutôt la réponse à la lettre rapport pour être plus précis. Je l’ai entendu également le 20 juillet, je l’ai… donc, le 20 juillet qui était une audition par rapport aux éléments surtout recueillis lors de la seconde série, donc commission rogatoire internationale. Je l'ai ré-entendu le 2 août, spécifiquement sur la question des photos que nous avions prises de la SORWAL, qui avaient été développées seulement à ce moment-là, et je voulais pouvoir l'interroger, je dirais, pièces en main, photos en main, et c'est d'ailleurs ce qui s'est passé, puisqu'il a pu me donner certaines indications sur les photos, certaines précisions sur les photos et donc, ça a été l'objet de la déclaration du 2 août. Il y a eu un interrogatoire récapitulatif le… sauf erreur de ma part, le 21 septembre.

Donc, l'interrogatoire récapitulatif, c’est à la demande de Monsieur HIGANIRO qui souhaite être entendu, où il a fait part de, notamment, certaines réflexions par rapport aux témoignages qu'il estimait ne pas correspondre, dont le contenu ne correspondait pas à la vérité, et qui selon lui, étaient construits, et également, il a apporté quelques précisions par rapport aux éléments du dossier. Et ensuite, j'ai été amené encore à l'entendre à deux reprises : le 19 octobre et le 22 novembre où ça concernait principalement les documents qui avaient été retrouvés concernant la Commission politique du comité des fonctionnaires de Butare, adhérents au MRND. Je reviendrai, bien entendu, sur ces questions de documents, mais c'est pour vous donner un aperçu qu'effectivement on a rencontré ces différents éléments.

En ce qui concerne plus les faits concernant la famille le témoin 123, c'est évidemment plus court, l'audition a été plus courte puisque là, il conteste formellement, je dirais, toute… tout lien, ou toute implication dans ces faits. Il faut préciser qu'il n'était pas à Gisenyi, et c’est toujours l'élément qu’il a mis en avant, il n'était pas à Gisenyi, en tout cas le jour où cette famille a été tuée, mais ça, j’y reviendrai également pour donner un aperçu des éléments qui ont été recueillis à ce sujet-là.

Alors, en ce qui concerne maintenant plus généralement la situation de Monsieur HIGANIRO, je dirais, le personnage, parce que c'est quelqu'un qui avait une grande visibilité au niveau du Rwanda. Il était connu, c'était une personne connue, et à Butare - malgré le fait qu'il était originaire du Nord - à Butare, il était connu. Donc, comme vous le savez, il était depuis début 1992, directeur de l'usine d'allumettes. Personnage du Nord, proche du président, Monsieur HIGANIRO a toujours dit qu'il avait été assez mal accueilli à Butare, parce qu'il était quelqu'un qui avait été un peu quelque part parachuté comme directeur, directeur de l'usine d'allumettes et que, comme étant un personnage du MRND, le parti du président mais qui n'était pas du tout majoritaire à Butare et en plus, provenant de la région du Nord, il était peut-être, il y avait des a priori un peu négatifs à son égard.

Alors, en ce qui concerne sa position, je dirais, un peu par rapport à la famille, par rapport au président lui-même, je pense qu'on peut quand même qualifier Monsieur HIGANIRO de quelqu'un qui est proche du président, qui était proche du président. D'abord, ils sont originaires, tous les deux, du Nord. Ils avaient des maisons qui n'étaient pas fort éloignées l'une de l'autre à Gisenyi. Donc, quand on parle de Kigufi, c’est en fait le long du Lac Kivu, c'est sur la bordure, on verra d'ailleurs les photos. Quand on vient de Gisenyi vers la maison de HIGANIRO, on passe à côté de la maison du président le témoin 32, donc, du président qui a été assassiné donc, dans l'attentat sur l'avion et donc, ils étaient déjà géographiquement assez proches.

Ils étaient proches également par des liens, je dirais, qu'on peut qualifier de personnels ou privés puisqu’il arrivait qu'ils s’invitent l'un chez l'autre et on en a pour témoignage, une lettre où Monsieur HIGANIRO invite le président pour un anniversaire de mariage, son 10ème anniversaire de mariage, à boire un verre, au mois de janvier 1994. Et également - on a une photo d'ailleurs à ce sujet-là - où le président, encore, a été prendre, enfin manger, déjeuner chez Monsieur HIGANIRO donc, deux jours, le jour de Pâques, le 4 avril, donc, deux jours avant, malheureusement, l'attentat et le début des événements.

Donc, des liens assez proches également qui se concrétisent par le fait que le beau-père de Monsieur HIGANIRO, donc, le père de son épouse, était le médecin personnel du président. Et d’ailleurs, il était dans l'avion, dans l'avion qui a fait l'objet de l'attentat et dont il est décédé également, il est décédé lors de cet attentat. Donc, lien également de ce point de vue-là.

Alors, par rapport à l'ancien pouvoir, Monsieur HIGANIRO connaissait assez bien le frère du président, le petit frère, enfin on l'appelle le petit frère, c'était le plus jeune frère du président, qui était médecin à Butare. Donc, le frère du président le témoin 32 était à Butare et on voit d'ailleurs qu’ils se connaissaient assez bien et d'ailleurs, c’est avec… il avait des contacts assez réguliers avec lui.

Alors, Monsieur HIGANIRO connaissait bien également le frère de Monsieur BAGOSORA. Il connaissait évidemment Monsieur BAGOSORA, mais la personne qu'il connaissait le mieux, c'était le frère de Monsieur BAGOSORA et d'ailleurs, c'est Monsieur BAGOSORA, qui est, je dirais, une des personnes qui est désignée comme ayant repris, je dirais, en main dans les faits, la destinée du Rwanda, après le 6 avril avec malheureusement un peu la direction que l'on connaît, Monsieur BAGOSORA qui a fait l'objet d'ailleurs d'une instruction, ici en Belgique et qui, actuellement, se trouve détenu à Arusha, et donc se trouve détenu à Arusha pour les faits qu'on lui reproche, précisément d'avoir présidé aux destinées, en tout cas d'un point de vue militaire et d'un point de vue un peu stratégique, postérieurement donc, au 6 avril. Donc, Monsieur BAGOSORA d'ailleurs s'est chargé d'accompagner l'évacuation de Monsieur HIGANIRO, qui a eu… lorsque Monsieur HIGANIRO, le 12, si je me souviens bien, le 12 avril, Monsieur HIGANIRO se trouvait à Butare, le 6 avril. Son épouse était à Kigali. Apprenant l'attentat sur l'avion, et la mort de son beau-père, il décide de rejoindre Kigali le 7 avril. Et il restera du 7 au 12 avril à Kigali, et le 12 avril, il quitte Kigali avec une escorte assurée notamment par Monsieur BAGOSORA, escorte donc en direction de Gisenyi et donc, Monsieur HIGANIRO arrive à Gisenyi le 12 avril. Il restera à Gisenyi, d'après ses déclarations, jusqu'au 4 juin. Sous réserve d'un moment où il ira, se rendra à Butare, le 2 mai, donc, fin avril début mai, mais il semblerait que ce soit le 2 mai, moment où il fait un aller-retour jusqu'à Butare pour, dit-il, suivant ses déclarations, « remettre l'usine en route » puisqu'il y avait eu des instructions du gouvernement pour refaire tourner l'économie et reprendre les activités économiques.

Point de vue politique, Monsieur HIGANIRO a toujours dit qu'il était militant MRND, donc parti du président, tout en précisant que - il faut savoir qu'il a été ministre pendant une dizaine de mois, durant l'année 1991 ­ mais, il précise que depuis qu'il avait été directeur de l'usine d'allumettes, depuis qu'il avait été désigné là, il avait décidé - enfin il n'exerçait plus d'activité politique, bien que tout dépend de ce que l'on entend par activité politique puisque, d'après les documents qu'on a retrouvés, il semblerait qu'il avait encore toujours des opinions politiques et qu'il tenait ou qu'il voulait exercer quand même une certaine influence politique ne fût-ce qu'au sein du parti MRND puisque les documents datent d'après 1992, où il semblerait quand-même qu'il voulait avoir encore son mot à dire, en tous cas, dans les événements - mais je pense que Monsieur HIGANIRO, en tout cas, c’est ce qu'il a déclaré devant moi, quand il disait qu'il n'exerçait plus d'activité politique, c'était dans le sens qu'il ne participait plus à des meetings publics ou à des grands, à des démonstrations, et donc, qu’il n'avait plus, je dirais, une visibilité politique dans le sens de grands rassemblements, de participation, de participation à des grandes réunions ou meetings politiques.

Alors, son épouse, son épouse - elle le reconnaît d'ailleurs elle-même, Monsieur HIGANIRO le confirme - avait décidé d'adhérer à la CDR. CDR qui est qualifiée très clairement comme un parti tout à fait extrémiste, parti extrémiste qui d'ailleurs, dans ses statuts, parle vraiment de la défense du Parmehutu, donc Hutu, par rapport aux Tutsi et donc, c'est vraiment un peu la loi de la majorité qui doit l'emporter, et je dirai que c’est un peu le fer de lance, la CDR étant fort opposée aux accords d’Arusha. Je suppose que déjà d'autres témoins ont évoqué la CDR et notamment la position de la CDR dans l'échiquier politique. Alors, Madame HIGANIRO explique son affiliation à la CDR, Monsieur HIGANIRO ne conteste pas que c’est un parti qui a des idées assez extrémistes, mais elle justifie par un geste de mauvaise humeur, parce que son mari qui était ministre n'était plus ministre ou avait été en tout cas invité à se retirer et qu'on l'avait désigné comme directeur d'usine d'allumettes. Elle vivait ça comme, je dirais, comme une certaine punition et que par mouvement de mauvaise humeur, elle avait adhéré à la CDR. J'ai posé la question à Monsieur HIGANIRO de savoir si ça ne le dérangeait pas que son épouse soit à la CDR. Il m'a dit : « Bien, elle est majeure et donc, elle fait les choix qu'elle estime devoir faire ». C’est un élément qui apparaît dans le dossier. Certains témoins semblent dire que Monsieur HIGANIRO était proche, ou faisait même partie de la CDR. Ce qui semble plutôt résulter du dossier, c'est en tout cas son affiliation, et je dirais son maintien, dans le MRND, tout en sachant que le MRND, à la fin, était quand même très proche, semble-t-il, de la CDR, ou en tout cas une aile du MRND était semble-t-il, se dirigeait également vers une certaine, une certaine forme d'extrémisme et donc, il y aurait eu quelque part - et là, j’y reviendrai dans l'analyse des documents - quelque part on faisait un peu le lien entre le MRND et la CDR comme étant un peu, je dirais, les deux partis qui finalement quand même faisaient un peu cause commune, en tout cas au début de 1994 et au moment des événements.

Alors, j’en viens alors… je pense que l'important c'est peut-être de voir par rapport aux éléments, parce que finalement les éléments qui concernent de suite l'accusé qui, je dirais, ont fait l'objet, c'est vrai, principalement de l'instruction. Et je vais le prendre, je crois de façon chronologique, je crois que c'est plus simple, parce que les explications de Monsieur HIGANIRO se situent également dans cette chronologie, et il est peut-être plus simple de pouvoir suivre un peu cette chronologie pour pouvoir suivre également ses explications à ce sujet-là, et peut-être également les éléments qu'il faut confronter par rapport à d'autres éléments recueillis dans le cadre du dossier.

Alors nous avons d'abord la lettre du 16 janvier 1993, au président le témoin 32. Donc, c'est une lettre personnelle, enfin personnelle, c'est une lettre adressée par Monsieur HIGANIRO, elle est manuscrite. Donc, il n'y a pas de contestation, en tout cas durant l'instruction, par rapport à la question de savoir si Monsieur HIGANIRO a écrit cette lettre, il a reconnu immédiatement qu'il avait bien écrit cette lettre. Elle est manuscrite. On reconnaît d'ailleurs assez bien son écriture sur ce document. Et donc, c'est une lettre adressée à Monsieur le président le témoin 32, bien entendu avec toute la déférence et les formules de politesse requises, mais qui est une lettre quand même dans laquelle Monsieur HIGANIRO critique, critique les accords d’Arusha et indirectement où, je dirais presque directement, l'attitude du président d'avoir accepté de s'engager ou de signer de tels accords. Alors, il faut savoir qu'en 1993, les accords d’Arusha sont officiellement scellés, j'emploie le terme « scellés », en août 93. Mais il y avait déjà eu des préaccords ou des discussions, en tout cas Monsieur HIGANIRO l’explique en ce sens-là, avant août 1993, qu'on appelait déjà un peu les accords d’Arusha. Donc en fait, les accords d’Arusha ont mis un an avant d'être tout à fait finalisés. Mais ce qui était déjà prévu dans les accords, et je me situe donc ici, en janvier 1993, c’est une répartition de pouvoir entre le MRND, entre les partis d'opposition, et également le FPR. Parti d'opposition interne, multipartisme et FPR étant évidemment plus à l'extérieur, mais donc, il était prévu un partage de pouvoirs.

Et dans ce document donc, Monsieur HIGANIRO critique assez fort les accords d’Arusha dans le sens où il a l'impression que l'opposition et le FPR, par le fait des accords d’Arusha, peuvent développer des stratégies qui mettraient presque le MRND qui était le parti unique, qui était le parti du président, qui risquaient de mettre le MRND et là, il emploie le terme même « le couple MRND-CDR ». Donc là, il y a quand même une association, il parle, c'est l'expression employée, « le couple MNRD-CDR » qui risquait de mettre ce couple-là sur la touche, et dans ce sens-là, Monsieur HIGANIRO, dans ce courrier, préconise une stratégie plus offensive, c’est-à-dire que le MRND ne devrait plus faire de « concessions », c'est le terme qui est, ce sont les termes qu’il emploie, et également qu'il faudrait développer - et alors là, il parle de plan ou de stratégie - enfin que « les planificateurs du parti devraient se pencher pour développer des stratégies ». Dans ses explications, Monsieur HIGANIRO situe tout ça à un niveau purement politique. On peut évidemment avoir un peu, en tout cas il y a certaines expressions qui peuvent évidemment toujours être interprétées dans différentes significations, dans différents sens.

Alors, dans ce courrier, Monsieur HIGANIRO développe certaines thèses, notamment que les militants du parti devraient recevoir les postes de responsabilité en ne tenant compte du critère régional que si cela ne nuit en rien. Donc là, il explique, en disant qu'il estimait que c'étaient les fidèles du MRND, ceux qui étaient vraiment fidèles à la ligne de conduite, qui n'était peut-être pas tellement, cette ligne de conduite, pas tellement favorable aux accords d’Arusha, puisqu'il contestait les accords d’Arusha, que c'étaient ces personnes-là à qui il fallait confier les postes de responsabilité.

Également, c’est une phrase, évidemment, qu'il faut quand même resituer dans le contexte, où il dit que le gouvernement de transition tel que prévu par Arusha, qui n'était pas encore aussi précis puisqu'on est en janvier 1993, ne devrait pas voir le jour quel qu'en soit le « dérapage naturellement contrôlé ». Alors, naturellement, c’est un terme qui, quand on voit ce qui s'est passé par la suite, interpelle bien entendu, mais enfin, il faut situer également ici, on est en janvier 1993, et Monsieur HIGANIRO explique que « ce dérapage naturellement contrôlé », c'était de dire que même si ça fait des mécontents, eh bien, il faut peut-être ne pas être d'accord avec les accords d’Arusha et prévoir d'autres accords. Alors, je lui ai quand même posé la question de savoir : « Oui, mais quand vous parlez de la répartition, de la clé de répartition qui était déjà prévue à ce moment-là », j'ai demandé : « Mais est-ce que vous avez eu une suite à votre lettre ou est-ce que la clé de répartition a été modifiée par la suite ? », et donc, Monsieur HIGANIRO a reconnu que les accords d’Arusha finalement en août 93, n'ont fait que confirmer la clé de répartition qui était déjà prévue au moment où il écrit cette lettre. Et, me dit-il, il s’est résigné, il a accepté finalement les accords d’Arusha parce que, bien voilà, ils avaient été signés et donc son attitude en août 93, ou en tout cas après août 93, aurait été modifiée, et il se serait finalement résigné à accepter ces accords alors que, qu'il résultait manifestement de cette lettre de janvier 93, qu'il y était fermement opposé. Je ne vous cache pas, et j’arrive maintenant aux deux documents de fin décembre 93 et de début 94, où j’ai l’impression que ces accords d’Arusha n'étaient pas autant acceptés, que Monsieur HIGANIRO ne semblait pas être aussi résigné qu’il l'a dit, en tout cas, dans cette déclaration, par rapport à cette lettre de 1993.

Alors, j’en viens aux deux documents, qui sont des documents qui émanent, le terme exact employé dans le document c'est la Commission politique, que je ne me trompe pas, la Commission politique du Comité des fonctionnaires affectés à Butare, adhérents au MRND. Donc, on est avec une Commission politique d’un comité directeur, c'est ça, du comité directeur des fonctionnaires de Butare, affiliés au MRND. Donc, nous avons deux documents, le premier a été retrouvé, semble-t-il, tant à la SORWAL avec la réponse de la lettre rapport, qu’au domicile privé du Monsieur HIGANIRO. En fait, on l'a reçu, semble-t-il, de deux sources différentes. Le second document ayant été retrouvé, si mes souvenirs sont bons, à la SORWAL. Donc, des documents qui sont écrits de la main - il y a une expertise en écriture qui a été faite à ce sujet-là - de la main de Monsieur le témoin 21, dont on reparlera, qui était le numéro deux de la SORWAL et qui s'est occupé de l'usine pendant l'absence de Monsieur HIGANIRO. Donc, à partir du 7 avril, c'est Monsieur le témoin 21 qui naturellement a repris, en tant que directeur technique de l'usine d'allumettes, donc, c'est lui qui a repris, je dirais, la direction en l'absence de Monsieur HIGANIRO, agissant bien entendu, dit-il, sous les instructions de Monsieur HIGANIRO.

Et donc, dans ces deux documents, donc, il s'agit d'une Commission politique du comité directeur, c'est une Commission politique qui n'était pas composée de beaucoup de personnes. Suivant Monsieur HIGANIRO, en faisaient partie, outre lui-même, Monsieur le témoin 21, un bibliothécaire de l'université et un agent, un autre agent de la SORWAL, donc de l'usine d'allumettes. On a retrouvé un document à la SORWAL où il semblerait, c’est un document de fin novembre 93, où on semble créer ce comité, cette Commission politique, où Monsieur HIGANIRO semble être, je dirais, désigné ou en tout cas mentionné comme responsable, et on y trouve en plus Monsieur le témoin 40 qui était l'agent commercial de la SORWAL, et encore le petit frère du président, le médecin qui ferait partie également, ou qui était affecté, ça ne veut pas dire qu'il était présent à la réunion, mais qui était affecté à cette Commission.

Suivant Monsieur HIGANIRO, il y a eu deux réunions de cette Commission. Effectivement, on retrouve deux rapports. La première réunion se serait tenue fin décembre 1993, début janvier 1994 suivant les déclarations de Monsieur HIGANIRO. Et la deuxième réunion, eh bien là, il y a une date, c'est le 13 février 1994, il y a une date qui apparaît sauf erreur de ma part, sur le document, donc là, on a pu le dater, mais il est marqué Rapport numéro deux. Donc, on peut savoir évidemment à partir de là que le premier rapport qui n'est pas daté, le premier rapport de réunions a été évidemment antérieur, vraisemblablement, au 13 février 1994.

Alors, le premier rapport, je dois vous dire, a tenu grandement notre attention dans le cadre de l'instruction. Parce qu'il semble qu'il y avait quand même une série d'éléments qui est intéressante pour, bien entendu, par rapport aux événements qui se sont déroulés à partir du mois d'avril 1994. Le premier rapport donc : Suggestions de la Commission politique, c'est l'intitulé avec, donc l'intitulé complet. Dans un premier temps, on y dénonce le coup d'état civil véhiculé par les accords d’Arusha. Alors, entendu à ce propos donc, on dénonce, on s'oppose au coup d'état civil, Monsieur HIGANIRO m’a donné les explications suivantes en disant qu'il estimait que les accords d’Arusha constituaient un coup d'état civil, non pas militaire on s’entend bien, un coup d'état civil dans la mesure où le MRND risquait de se retrouver dans l'opposition sans avoir plus rien à dire. Alors, il invoque deux éléments à ce sujet-là : c'est que, dans la clé de répartition du gouvernement et des ministères, le MRND se voyait attribuer cinq ministères, donc cinq ministres. Et il était, évidemment avec ces cinq ministres sur l'ensemble, non seulement minoritaire s'il se trouvait face à tous les partis d'opposition et face aux autres portefeuilles distribués, mais il n'avait même pas la minorité de blocage. Il était prévu une minorité de blocage. Et là, c'est vrai que Monsieur HIGANIRO disait que : « C’est inacceptable. C'est inacceptable que le MRND perde même cette possibilité d'au moins avoir cette minorité de blocage ». C'est la raison pour laquelle il me semble, qu'il n'acceptait pas non plus les accords d’Arusha. Il m'a dit : « Non, c'est certaines conséquences des accords d’Arusha que je n'acceptais plus, mais les accords, dans la globalité, je les acceptais ». Or ceci est évidemment quelque chose de tout à fait essentiel.

Alors, le rapport de cette réunion poursuit en disant : « Face à cet état de choses qu'il faut que l'union des Hutu se fasse à tous les niveaux pour barrer la route aux Tutsi assoiffés de pouvoir ». Donc, ce sont les termes utilisés. Alors évidemment, face, je l’ai interpellé au sujet de cette union de Hutu pour barrer la route aux Tutsi assoiffés de pouvoir, alors, il m’a précisé en disant : « Mais les Tutsi assoiffés de pouvoir… »

[Interruption d’enregistrement]

Damien VANDERMEERSCH : …pour désigner les extrémistes Tutsi, féodaux, monarchistes, c’est-à-dire le FPR. Alors, je ne vous cache pas qu'une des questions qui reste, c'est de savoir si c’est pas ce type de raccourci qui, malheureusement, a entraîné la logique des événements, après le 6 avril 1994 ? C'est effectivement d'assimiler en termes, au lieu d’employer le FPR, on emploie le « Tutsi assoiffé de pouvoir » et on parle de Hutu de l'autre côté, puisqu'on dit qu'il faut faire la « réunion de tous les Hutu face… pour barrer la route aux Tutsi assoiffés de pouvoir ». Alors, dans la suite du rapport, on ré-insiste sur la nécessité de faire l'union de tous les Hutu, donc c'est les termes employés, on ne parle pas de parti, on parle de Hutu, et on dit d'ailleurs qu'il faut laisser les querelles partisanes de côté, quitte à re-discuter après. Donc, d'après ce qu'on peut comprendre, c’est qu'il fallait que les Hutu de tous les partis se réunissent et que, s'il y avait des dissensions entre les différents partis, ces dissensions, on les règlerait après, une fois qu'on aurait réglé le problème - interprétation de Monsieur HIGANIRO - le problème du FPR, interprétation qui pourrait être autre, le problème Tutsi. Là, évidemment, ce sont les deux lectures selon qu’on prenne, selon ce qu'on peut comprendre d’un tel texte.

Alors, dans cette même, dans ce même rapport, on finit par des recommandations. Et dans les recommandations, on retrouve un peu le rappel où on parle de, de nouveau, de cette nécessité de réunifier, de réunifier les Hutu par-delà, au-delà de tous les partis, pour barrer la route aux accords d'Arusha, au coup d'état véhiculé par les accords d'Arusha. Et on ajoute : « Tous les moyens sont bons, c'est une question de survie de l'ethnie ». Alors, de nouveau, je ne vous cache pas que je suis interpellé par une telle expression. Alors, « tous les moyens sont bons », Monsieur HIGANIRO en donne comme explication en disant : « Ça voulait dire des réunions et des rassemblements pour faire l'union des Hutu ». « Tous les moyens sont bons », on peut penser aussi à autre chose, malheureusement, par rapport à ce qui s'est passé par la suite. Et alors, « c'est une question de survie de l'ethnie », on peut se poser la question que si génocide il y a eu, est-ce que c'est pas au nom de la survie d'une ethnie qu’on a peut-être tué l’autre ethnie ? Que c'est dans cette logique-là, d'antagonisme entre une ethnie par rapport à l'autre, que malheureusement, une explication peut être trouvée pour les événements postérieurs au 6 avril, et pour expliquer tous ces massacres qui, semble-t-il, c'est vrai, dépassent l'entendement, mais pour lesquels il pourrait, en tout cas certains l’affirment, qu'il y avait une logique derrière tout ça, une logique d'extrémisme, une logique extrémiste d'antagonisme entre Hutu et Tutsi.

Donc, on voit cette lettre… Alors, dernière recommandation, c’est que tous les préfets sont invités à réaliser ou encourager cette union entre les Hutu et à assurer, à favoriser leur autodéfense civile. Alors, on voit que l’autodéfense civile, de nouveau, est située par rapport, on dit « faire l'union de tous les Hutu et d'assurer, de favoriser leur autodéfense civile », comme si l'autodéfense civile ne concernait que les Hutu. Alors là Monsieur HIGANIRO répond en disant que c'est un abus de langage, en disant : « Mais non, c'était plus large que cela ».

Il faut savoir qu'en ce qui concerne l'autodéfense ou l'autodéfense collective, c'est plutôt le terme qui est utilisé dans ce document, il faut savoir qu'il est également question, dans ces documents, du problème des comités de cellule, des comités de cellule qui devaient, où il avait un litige lié à des indemnités. Alors, c'est vrai que quand j'avais lu cette phrase-là, je ne comprenais pas bien et Monsieur HIGANIRO a donné par rapport à ça, des explications qui, en tout cas, permettent évidemment de resituer exactement. Donc, il m’a expliqué qu'en ce qui concerne ces comités de cellule, donc, où vous aviez au point de vue structure, préfecture, commune, et la cellule était à peu près 30 familles, la plus petite, je dirais, division administrative, et à partir de 1990, donc après l'attaque du FPR en octobre 1990, eh bien, avaient été mis sur pied, des comités de protection civile, d'autodéfense civile dont on a déjà, qu'on a déjà évoqués ici. Donc, Monsieur HIGANIRO explique qu'à partir de 1990, ces comités avaient été mis en place pour combattre les infiltrations FPR, et que dans ce cadre-là, on avait donc constitué ces comités de cellule avec un responsable de cellule. Personne qui était payée, donc qui recevait une certaine rémunération. Personne qui était également affiliée, par définition, au MRND, puisque c'était le parti unique à ce moment-là. Avec l'avènement du multipartisme, les autres partis s'étaient insurgés contre ces comités de cellule, où on estimait que c'était trop - je parle toujours des explications de Monsieur HIGANIRO - que ce comité de cellule était trop d'obédience MRND et donc, qu’il fallait des équilibres, qu’il fallait plus d'équilibre, mais comme ces comités étaient trop des émanations du MRND, on estimait qu'il ne fallait plus les payer. Et c'est la raison pour laquelle il y avait des litiges concernant les indemnités. Mais dans ce rapport, on dit qu'il fallait réactiver ces comités, pour justement, semble-t-il, recréer cette autodéfense collective par rapport au FPR ou à l'ennemi. Alors, c'est donc, ces comités d'autodéfense, d'ailleurs le terme en tout cas on le retrouvera également pendant les événements.

Alors, le rapport numéro deux, qui date du 13 février 1994, je dirais, il y a répétition : on reparle de l'opposition au coup d'état civil d’Arusha, on parle de nouveau de la nécessité de l'union des Hutu à tous les niveaux et on parle déjà, et d'ailleurs on en parlait déjà, dans le premier rapport en disant : « Cette union existe au niveau des adhérents et on cite MDR, CDR et MRND ». Donc, on situe déjà, on associe ces trois partis en disant qu’il y a une union des Hutu qui est déjà faite au niveau de ces trois partis qu’on associe mais en disant qu’il y avait des dissensions. Alors, Monsieur HIGANIRO explique que c'est vrai qu’à l’époque, au niveau tant du parti libéral, le PL, que du MDR, il y avait deux ailes : l’aile, je dirais, qualifiée, acceptant de s'engager dans les accords d’Arusha et par d’aucuns qualifiée de pro-FPR, de nouveau cette bi-polarisation cette polarisation entre soit vous êtes pro-FPR, soit vous êtes anti-FPR, cette bi-polarisation qui a été d'ailleurs qualifiée par Hutu Power qui était l'autre, l'autre faction. Et dans ce rapport numéro deux, on fait état d'ailleurs, on se plaint de l'attitude un peu molle, de l'attitude un peu molle des leaders Hutu Power du MDR en disant qu’au niveau de la direction, on n'est peut-être pas assez actifs pour créer cette union entre les Hutu. Sinon pour le reste, on retrouve un peu les mêmes conclusions. Et on fait également référence à l'autodéfense civile.

Donc ceci, ce sont des documents dont je vous ai indiqué la provenance. Monsieur HIGANIRO donc, se souvient de deux réunions et confirme, je dirais, assume en tout cas le contenu dans les termes que je vous ai indiqués, assume le contenu de ces deux documents, mais bien entendu dans l'interprétation qu'il donne, et pas dans une autre interprétation.

Alors, nous en arrivons à un document qui est daté du 23 mai 1994, donc document pendant les événements. 23 mai 1994 à Butare, le gros des massacres a déjà eu lieu. Et donc, on a ce document qui a recueilli pas mal d'attention, et pas mal d'examens, et pas mal de recherches et pas mal d'auditions ont tourné à propos de ce document où il s'agit en fait d'un document écrit de la main de Monsieur HIGANIRO, qui aurait été retrouvé à la SORWAL, qui aurait été communiqué par le nouveau directeur de la SORWAL à un père, qui l’aurait communiqué à une sœur, qui l'aurait communiqué à Monsieur TOSCH dont nous avons parlé la fois dernière, qui était là pour organiser une formation, et puis finalement qui m'aurait été communiqué, qui aurait été communiqué également à Monsieur GASANA Ndoba. Bon. On a retracé ce trajet du document. Je vous dirai que ça ne m’a pas semblé, je vais dire le premier enjeu, à partir du moment où Monsieur HIGANIRO reconnaît avoir écrit ce document. De nouveau, c'est un document manuscrit, écrit de sa main. Afin d'avoir tous les apaisements à ce sujet-là, j’ai fait une expertise en écriture qui a confirmé que cette lettre était bien écrite de la main de Monsieur HIGANIRO.

Donc, Monsieur HIGANIRO reconnaît avoir écrit ce document en réponse, et ça semble exact, à une lettre rapport qui lui avait été adressée par Monsieur le témoin 21. Cette lettre rapport, on ne l'a jamais retrouvée. Elle ne se trouvait pas, enfin en tout cas, on a fait toutes les investigations, on a interrogé, on a vu. Cette lettre rapport devant se trouver en principe, plutôt à Gisenyi, puisqu'elle avait été envoyée de Butare, à Monsieur HIGANIRO à Gisenyi.

Cette lettre rapport, pour son contenu, Monsieur le témoin 21 a donné une certaine… un ensemble d'explications. Alors ici, je dois expliquer - puisque par rapport à cette lettre-rapport je vais essayer de vous exposer ce que Monsieur HIGANIRO en pense - ce que Monsieur le témoin 21 en a dit également et ce que peut-être d’autres personnes de la SORWAL en ont, en pensent ou en savent plus largement.

En ce qui concerne Monsieur le témoin 21. Donc, après les événements, il a été… donc, il a fui au Zaïre. C’était le Zaïre à l’époque. Et notamment, c’est vrai qu’un des soucis, on avait, c’est une des raisons pour lesquelles notamment j’avais eu la volonté d’aller entendre des témoins au Zaïre, c’est notamment de pouvoir entendre Monsieur le témoin 21. D’ailleurs, c’est une audition que Monsieur HIGANIRO a toujours souhaité avoir. Alors, à un moment donné donc, m’a été transmis un document, écrit de la main de Monsieur le témoin 21 Martin. Ça devait se situer au mois de… peut-être un mois ou un mois et demi après l'arrestation de, ça devait être fin du mois de mai 1995, donc , j'ai reçu un document, sorte de témoignage écrit de Monsieur le témoin 21 par l'intermédiaire de Maître SCHEERS donc qui…

Le Président : Ce serait peut-être plus tard, Monsieur le juge d'instruction, parce qu'il semble daté du 10 juin 95, mais…

Damien VANDERMEERSCH : Le document ? Oui, donc, je vous dis fin mai, donc un mois à peu près, donc 27 avril au 27 mai mais j'ai dû faire à un, enfin, de toute façon, cette lettre, il y a une lettre d'accompagnement à mon avis, enfin ça m'a été remis, donc cette attestation de Monsieur le témoin 21.

Alors, au départ, on a présenté un peu cette attestation comme une attestation spontanée, et je ne vous cache pas que, personnellement, donc la personne qui m'avait transmis cela avait laissé entendre, donc cet avocat avait laissé entendre qu'il avait reçu spontanément, qu'il avait rencontré Monsieur le témoin 21 qui lui avait remis spontanément ce document sachant qu'il allait retourner par la suite en Belgique et Monsieur le témoin 21 ayant entendu que Monsieur HIGANIRO était détenu en Belgique, pour sa défense donc, Monsieur le témoin 21 lui aurait remis spontanément ce document. Je ne vous cache pas que le contenu assez détaillé de ce document, qui était effectivement une réponse par rapport à tous les éléments, me laissait, m’a toujours donné plutôt à penser que ce n'était pas un document aussi spontané qu'on le prétendait. Ne fût-ce qu'au point de vue mémoire, se souvenir exactement de tout ce qui pouvait y avoir dans le document de base, ne me semblait pas évident de savoir un an après, tout ce qui avait été écrit, la réponse donc, de Monsieur HIGANIRO.

On a poursuivi l'enquête, et finalement, Monsieur le témoin 21 qu'on a fait venir en Belgique, a été entendu à plusieurs reprises, ici. Monsieur le témoin 40, qui était l'agent commercial, a pu être entendu également. Et Monsieur le témoin 40 était en même temps que Monsieur le témoin 21 dans les camps au Zaïre, à l'époque. Et donc, l'un comme l'autre semblent indiquer qu'ils ont plutôt été approchés à un moment donné, bien que Monsieur le témoin 21 dit : « J'avais appris par la radio antérieurement et j'avais déjà préparé un pré-document, mais c'est vrai que l'avocat est venu me demander et m’a fourni certaines informations, en tout cas certaines informations sur la situation de Monsieur HIGANIRO en Belgique et sur les reproches qui lui étaient faits ». Monsieur le témoin 40 va plus loin en disant que, d'après lui, il pense se souvenir que Monsieur le témoin 21 avait une copie de la lettre rapport en main et donc, il déclare avoir été approché par Monsieur le témoin 21, mais que, comme il n'était pas au courant de cette lettre, contrairement à ce que Monsieur le témoin 21 semble avoir indiqué, ou en tout cas, a déclaré un certain moment dans le dossier, il n'a pas apporté son témoignage en plus de celui de Monsieur le témoin 21, mais je pense que Monsieur le témoin 40 va être entendu puisqu'il réside actuellement en Belgique.

Alors, je veux être précis par rapport à l'audition de Monsieur le témoin 21. J'ai estimé ne pas pouvoir l'entendre sous serment, comme témoin. Nous l'avons fait venir comme témoin. Donc, son voyage a été payé. Et comme témoin, donc, nous l'avons fait venir du Rwanda, puisqu'il était, sauf erreur de ma part, oui, il était retourné au Rwanda à l'époque, et nous l'avons fait venir comme témoin, il me semblait que c'était un témoin essentiel, et qu’il fallait financer son déplacement, ce qui a été fait et accepté, notamment par le ministère de la justice. Donc, nous avons pris en charge son billet d'avion pour qu'il puisse être entendu ici.

Alors, en ce qui concerne son témoignage, compte tenu des interprétations qui pouvaient être données à ce courrier et compte tenu, quand même, des éléments qui se trouvaient dans le dossier - notamment, c'est Monsieur le témoin 21 qui avait écrit les deux rapports de réunions - j'ai estimé que les questions que je lui posais pouvaient être en même temps, enfin que ses réponses, pouvait l'amener éventuellement à ce qu'on appelle s’auto-incriminer, c’est-à-dire se mettre en cause lui-même, ou contester, et peut-être mentir par rapport à son serment. Parce qu'évidemment un témoin entendu par le juge d'instruction est entendu sous serment, en principe. Mais il y a évidemment un problème, c'est que quand on est dans un statut où on peut en même temps vous reprocher certaines choses, vous avez le droit au silence, et vous avez le droit à ne pas répondre aux questions. C'est un peu du droit, je le reconnais. Mais c'est la raison pour laquelle je ne l'ai pas entendu sous serment, parce que j'ai estimé qu'il pouvait, alors sous serment, être obligé de dire la vérité et peut-être, la vérité je n'en sais rien, et peut être amené, soit à ne pas dire la vérité, soit peut-être à s’auto-incriminer. Ce qui était en tout cas quelque chose que je ne pouvais pas exclure, et c'est la raison pour laquelle je l’ai entendu, comme on le fait dans ces situations-là, c’est-à-dire, à titre de simple renseignement.

Alors, j'en reviens au contenu de ce courrier du 23 mai 1994. Et je vais, en fait ce courrier reprend, si je me souviens bien, neuf points. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Ils sont numérotés. Et il y a différents points qui concernent des points manifestement plus techniques par rapport à l'usine, par rapport au fonctionnement de l'usine. Il faut savoir que la lettre commence par : « Merci pour votre lettre-rapport ». Donc, il semblerait effectivement qu'il y ait eu une lettre rapport qui ait été faite suivant les éléments du dossier, par Monsieur le témoin 21 qui s’occupait, qui s'occupait du fonctionnement de l'usine. Il y avait eu une réunion le 2 mai. Je vous ai dit que Monsieur HIGANIRO était revenu à Butare pour assurer la remise en marche de l'usine. Donc, le 2 mai. Et il semblerait donc, qu'à partir du 2 mai, l'usine aurait commencé, aurait repris ses activités et donc, repris la production d'allumettes puisque c'est l'objet unique de cette usine, donc c’était la production d'allumettes, à partir du 2 mai.

La première… donc, il y a des éléments assez logiques, assez logiquement qui concernent le fonctionnement de l'usine. D'ailleurs Monsieur HIGANIRO, et vous le verrez dans ses explications, situe l'ensemble de la lettre plus dans le cadre vraiment des activités de l'usine. Et il en donne une interprétation, personnellement peu, enfin on peut être d'accord ou pas d'accord, mais lui en donne une interprétation surtout dans le cadre, dans le cadre du fonctionnement de l'usine.

La première phrase, le premier point, donc c'est : « Merci pour votre lettre- rapport et pour le carburant qui me permet (que j'espère que vous n'avez pas acheté trop cher) qui me permet de travailler », le « travailler » étant entre guillemets. Alors travailler, c'est un terme auquel on, au sujet duquel on vous a sans doute parlé. Et on dit beaucoup de choses, surtout en rwandais, en kinyarwanda, enfin ici, il est en français. C’est une lettre qui a été intégralement écrite en français. Et Monsieur HIGANIRO explique à ce sujet-là, donc que… il avait reçu du carburant et que c'était destiné, qu’il faisait des activités d'agent commercial. Et c'est donc à ce titre-là qu'il travaillait pour l'usine, plus comme seulement directeur, mais qu'il faisait la prospection, l'agent commercial donc, dans le secteur de Gisenyi, là où il se trouvait. Il faut savoir que dans une première, dans la première audition, il a parlé qu'il avait assumé ce rôle à partir du 10 mai, mais là, c'est une erreur de date, parce que c'est vrai que la livraison est arrivée le 14 mai et donc, dans ses premières auditions, il a dit qu'il avait déjà joué ce rôle d'agent commercial dès le départ, à partir du 14 mai.

Or, ce qu'on a constaté par la suite, c'est que lors du trajet du 14 mai, l'agent commercial était, accompagnait ce trajet, et donc, était présent. Il semblerait que lui, en tout cas c’est sa déclaration, Monsieur le témoin 40 déclare : « Non, il n'a jamais été question que Monsieur HIGANIRO joue l'agent commercial, c'était moi qui assurais tout à fait ce rôle et je n'ai jamais été mis au courant d'ailleurs, je n'ai jamais été mis au courant que Monsieur HIGANIRO reprenait mes fonctions ou assurait le rôle d'agent commercial », tout en reconnaissant qu’il est vrai que Monsieur HIGANIRO avait trouvé deux ou trois clients du côté des Gisenyi, donc, à quelques reprises des commandes étaient passées par Monsieur HIGANIRO. Donc, Monsieur HIGANIRO dit… il a rectifié par la suite, en disant que lors de sa première audition, il était un peu fatigué, et il a précisé par la suite qu’en fait, c’est après le 14 mai qu’il a notifié à Monsieur le témoin 40 en disant : « Ne vous occupez plus, moi, je m'occupe au niveau de Gisenyi, de la région, de la prospection et du rôle de l'agent commercial », et donc, c'est ce qu'il déclare pour expliquer le mot travailler.

Alors, je lui ai posé quand même la question : « Pourquoi est-ce que le mot travailler est entre guillemets ». Ce qui me permet de travailler entre guillemets. Alors, il explique : « Mais justement, les guillemets voulaient dire à Monsieur le témoin 21, c'était en réponse à la lettre-rapport, le carburant était à imputer sur le poste de l'agent commercial, et pas sur le poste du directeur général ». Et donc, que ces guillemets, ces guillemets signifiaient : « attention », entre guillemets voulaient dire travailler mais travailler comme un agent commercial. Alors, je dois vous dire, Monsieur le témoin 21 a été entendu à ce sujet-là, et lui, qui était pourtant le destinataire et qui devait normalement comprendre cette imputation de poste, lui déclare : « Moi, je ne sais pas pourquoi il y a ces guillemets ». Donc là, c'est un peu étonnant qu'on ne dise pas simplement : « Attention postes, être plus explicite ». En tout cas, Monsieur le témoin 21 ne semble pas avoir compris le message exactement comme l'entendait Monsieur HIGANIRO.

Alors, le deuxième point aborde un point, je vais en parler puisque ça ne se situe pas de nouveau strictement dans les activités de l'usine, en tout cas le lien est en tout cas moins direct. Donc, il fait état à ce moment-là en disant : « La situation militaire est grave, faute d'armes et de munitions. C'est la préoccupation, c’est une des préoccupations du gouvernement ». Alors, c'est vrai que ça n'a pas de lien direct avec les activités, les activités de l'usine. Alors, Monsieur HIGANIRO donne comme explication qu’en fait, Monsieur le témoin 21 avait fait état, dans son courrier, que la guerre, que la situation de guerre créait évidemment un problème au niveau de la production et de l'écoulement des marchandises et que c'est la raison pour laquelle il avait répondu de façon tout à fait générale, fait cette réflexion tout à fait générale par rapport… Monsieur HIGANIRO déclarant qu'il répond point par point à la lettre de Monsieur le témoin 21.

Alors, le troisième point qui est le point évidemment le plus central et qui pose le plus de questions dans ce courrier, c'est la phrase : « Pour la sécurité dans Butare, il y a lieu de poursuivre et d'achever le nettoyage », nettoyage étant mis entre guillemets. En ce qui concerne cette phrase-là, Monsieur HIGANIRO a donné comme explication qu’en fait, il s'agissait d'un nettoyage au sens premier du terme, donc nettoyage, nettoyer de… alors, il a parlé des routes d'abord, mais enfin après, assez rapidement au niveau de l'usine. Donc, il y aurait eu une coulée de boue, une coulée de boue qui se serait répandue sur l'aire de déchargement - nous verrons toutes les photos à ce sujet-là - sur l'aire de déchargement du camion, et que le camion se serait embourbé et aurait patiné, et qu’à ce moment-là, le disque d’embrayage aurait fumé, donc pas endommagé mais fumé, et que c'est dans ce cadre-là qu'il demandait qu'il fallait nettoyer cette aire donc, qui se trouvait… de déchargement, devant la fabrique, donc le bâtiment où on fabriquait effectivement les allumettes.

Alors, il faut savoir que des camions, enfin il y avait un camion au niveau de la SORWAL, un camion Nissan qui avait, qui était récent, qui avait une petite année. Il avait été acheté, donc acquis en 1993. Donc, c'est un camion neuf. Alors, le camion, c'est vrai, amenait du bois et déchargeait du bois, bois pour fabriquer des allumettes. Et en ce qui concerne donc ce camion, Monsieur HIGANIRO disant : « Il y a eu un problème au niveau… » et c'est ce que Monsieur le témoin 21 m'avait écrit ce que Monsieur le témoin 21 confirme d'ailleurs dans des termes tout à fait identiques. Mais avec effectivement la question, on peut se poser la question si effectivement il y avait une concertation ou enfin des éléments en tout cas communiqués. Toujours est-il que, je lui ai quand même posé la question : « Mais en quoi ça concernait la sécurité dans Butare ». Alors, Monsieur HIGANIRO a toujours insisté en disant que ce n'était pas la sécurité de Butare mais dans Butare. Bon, il a toujours fort insisté sur ce point-là en disant : « Oui, mais je mettais dans Butare par opposition à la préfecture de Gikongoro ». Alors, il a expliqué qu'en fait, le camion sur les routes de Gikongoro avait aussi, compte tenu des pluies, eu des problèmes, mais enfin eu des problèmes non, il avait risqué, mais que là il ne pouvait rien faire, tandis que dans Butare il pouvait faire quelque chose puisque ça, c'était son usine.

Alors, il parle en fait - c'est la sécurité du camion dont il est question ­ alors il parle, et je cite ses termes en disant qu'en fait, le fait que le camion pouvait déraper et qu’en fait ça mettait en danger ses organes, les organes du camion, et que donc, cela créait une certaine insécurité du camion dans la préfecture de Butare, ici la préfecture de Butare étant dans l'usine même, dans l'usine même de Butare. Donc, c'est les explications qu'il donnait par rapport à cette phrase-là. Alors, je lui ai posé la question : « Mais, pourquoi y a-t-il des guillemets, parce que le mot nettoyage, faut poursuivre et achever le - et puis, c'est entre guillemets ­ nettoyage ». Alors, il me dit :  « Oui, mais les guillemets veulent dire que je me réfère à ce que Monsieur le témoin 21 m’a expliqué, et qu'il veut bien que je comprenne que c'est bien de ce nettoyage-là qu'il s'agit. Nettoyage dans l'usine ». De nouveau, on peut se poser la question, les guillemets. Alors, la question a été posée à Monsieur le témoin 21 également, les guillemets : « Je sais pas. Je ne sais pas pourquoi il y a des guillemets. Je ne sais pas pourquoi il y a des guillemets ». Monsieur HIGANIRO dit : « Oui, mais c'est pour que ce soit une référence, pour qu'il comprenne bien que c’est de ce nettoyage-là que je parle et pas d'autre chose, que c'est par rapport à sa lettre rapport ».

Alors, je ne vous cache pas que je suis retourné 3 fois, 3 fois à SORWAL, les enquêteurs y ont été encore peut-être plus de fois que moi parce qu’ils ont dû faire des auditions. Mais je suis passé 3 fois pour vraiment, je dirais, pouvoir non seulement photographier, prendre des photos mais photographier également dans mon esprit, la disposition des lieux de la SORWAL et donc, l'explication - j'ai fait une audition d'ailleurs de Monsieur HIGANIRO le 2 août, rien que sur cette question-là - j'étais retourné sur place au mois de juin pour vraiment, j'avais ses explications à ce moment-là. La première fois je… on a été, je ne sais même pas si j'avais été à la SORWAL, la première fois. Oui, je pense bien. J'avais été de passage très rapidement, mais sur base de ces explications, je suis vraiment retourné en disant : « Mais est-ce que l'explication c'est, bien entendu le rôle d'une instruction c’est de savoir, de vérifier ce que l’explication peut être corroborée par la situation des lieux ». Alors, je ne vous cache pas qu'il y a beaucoup, beaucoup d'éléments et mon audition du 2 août se justifiait par mes gros points d’interrogation par rapport à l'explication donnée par Monsieur HIGANIRO.

Monsieur HIGANIRO donc, expliquant qu’il y avait eu des travaux dans le champ - nous verrons les photos - dans le champ situé à côté, un peu en surplomb et donc, il y a un champ qui est situé en surplomb de la cour, de la fameuse… espace, l'emplacement de déchargement des camions. C’est une cour, c’est en béton, c'est une surface assez grande où le camion peut tourner d'ailleurs. Et sur, donc dans ce champ en surplomb, il y avait des travaux qui ont été faits. Donc, Monsieur HIGANIRO dit : « Il y a eu un Caterpillar qui est venu faire des travaux ». Et ça, tout le monde reconnaît tout à fait l'existence de ces travaux qui d'ailleurs, étaient terminés avant le 6 avril. Donc, un Caterpillar est venu. Alors, quel était l'objet des travaux ? Ça, Monsieur HIGANIRO avait comme projet de mettre des poulaillers, des clapiers, des petites cultures pour le personnel de l'usine. C'était une ancienne bananeraie et donc, il fallait enlever tous les bananiers, les souches des bananiers, et c'est ce que le Caterpillar a fait, et creuser, ou en tout cas, faire l'empreinte nécessaire pour les fondations des poulaillers et éventuellement d'autres cultures. Alors, sur place, on constate effectivement, nous sommes arrivés donc un an, un peu plus d'un an après les événements, on voit effectivement les traces de ces emplacements notamment le but, la végétation avait repoussé bien entendu, pour autant que la végétation ait tout à fait été éliminée, je n'étais évidemment pas présent, je n'ai pas pu voir les lieu des faits en 1994, en mai 94. Mais ce qu'on peut voir, en tout cas, c’est que tous les emplacements, tous les emplacements, en tout cas l'empreinte, je vais dire, du Caterpillar qui avait fait certains trous, se trouvait tout à fait là-bas.

Alors, je ne vous cache pas que je me suis fait… et les photos je m'en expliquerai encore plus avant, sur la base des photos, c'est d'abord que ce champ n'est pas fort en pente, pour créer des coulées de boue pouvant entraîner le fait que le camion s’embourbe. Donc, ce champ est vraiment…

Deuxième réflexion, c'est que s’il y avait eu effectivement des coulées de boue, eh bien, ça aurait dû niveler, je dirais, enlever un peu le côté tranchant, je vais dire, qui avait été fait des emplacements. Or, je dois vous dire que tous les emplacements qui avaient été faits et la bordure, c'est vraiment tranché, c'est pas en pente douce. S’il y avait eu des coulées de boue, on pourrait penser qu'il y aurait eu un certain nivellement. Alors, Monsieur HIGANIRO a expliqué qu'aussi peut-être, une partie était passée par le chemin, mais là, je vous indiquerai ce qu'il m'a donné comme explication sur la base des photos.

Troisième élément. Donc, il y a un caniveau qui est prévu, mais qui ne va pas jusque devant le chemin mais dans une grande partie, il y a un caniveau qui est prévu donc, pour récolter l'eau et d'après tous les témoins qu'on a entendus, il n'y a jamais eu de problèmes de déplacement de terrain ou de problèmes. Il y a simplement un caniveau qui est là pour récolter l'eau de façon, je dirais, assez classique avec un surplomb, mais qui est assez tranché, qui n'est pas du tout comme s’il y avait eu des éboulements. Je crois que l'on pourra voir ça sur photo.

Alors, on a interrogé tout le personnel de la SORWAL, notamment des… enfin ceux qui étaient évidemment sur place au mois de mai 1994 et sauf Monsieur le témoin 21, il n'y en a aucun, aucun qui fait état, aucune personne qui fait état de problèmes de déplacements de terre ou de problèmes qu'il y aurait eu dans, du fait qui aurait pu entraîner que le camion s’embourbe ou qui aurait entendu dire que le camion aurait eu un problème. On a même entendu le chauffeur du camion, le chauffeur du camion qui dit : « Mais non, le camion avait, le camion n’avait même pas un an, c'est un camion assez neuf, un camion Nissan, et je n'ai jamais entendu le moindre problème, le moindre problème par rapport à ce camion, durant le mois de mai 1994 ». Il précise toutefois qu'il n’utilisait pas toujours le camion, qu'il y avait de temps en temps - surtout pendant les événements, parce qu'il avait peur pour lui-même - qu'il y avait un autre chauffeur qui utilisait également, un chauffeur de remplacement qui utilisait le camion.

Alors, quand on a interrogé Monsieur le témoin 21 à ce sujet-là, qu'est-ce qu'il répond ? On l'a confronté à l'ensemble, puisque c'était en décembre 1999, donc, bien plus tardivement, on avait déjà recueilli l'ensemble de ces éléments bien avant, on n’a pu l'entendre qu'en décembre 1999. Il déclare, pour expliquer que personne n'a été témoin de cela, il déclare d'abord que ça s'est passé le week-end, donc un moment donné où l'usine était fermée. Alors, je lui ai posé la question : « Oui, mais si l'usine est fermée, pourquoi le camion… ? ». Alors, il a dit : « Oui, mais ce n'était pas le chauffeur habituel, c'était le chauffeur de remplacement ». Oui, mais je dis : « Mais si l'usine fermée, normalement même le chauffeur de remplacement ? ». « Il passait par-là, il est venu lui dire bonjour dans le bureau », et à ce moment-là, Monsieur le témoin 21 qui travaillait donc le dimanche, semble-t-il, aurait dit au chauffeur de remplacement de juste bouger le camion pour le mettre dans le bon sens. Et dit-il, c’est à ce moment-là qu’il y aurait eu l'incident de l'embrayage... Mais j’ai dit : « Mais personne n'a rien remarqué après ces écoulements de boue ? ». Alors, il me dit : « Non, ces écoulements de boue, ça s'est passé le week-end. J'ai fait appel de suite aux détenus de la prison de Butare, un dimanche, j'ai obtenu qu’ils viennent tout nettoyer et tout était propre le lundi ». Alors, si le camion devait s’embourber, c'est pas sur 2 cm semble-t-il, c'était quand même sur une épaisseur d’écoulement et vous verrez la surface très grande de cet emplacement. On peut s'étonner que tout puisse être nettoyé aussi rapidement sans que personne du personnel remarque le lundi quoi que ce soit qui s'est passé. Ça pose quand même, semble-t-il, question.

Alors également, Monsieur le témoin 21, je lui ai dit : « Mais      pourquoi ? ». Il m'a expliqué qu'il fallait vite, qu'il nettoie vite tout pour le lundi parce qu'il avait peur qu'on rapporte à Monsieur HIGANIRO que le chauffeur de remplacement avait utilisé le camion alors qu'il n'avait pas les autorisations requises ou qu'on n'avait pas suivi les procédures. Il semblerait que Monsieur HIGANIRO était, en tout cas d'après les déclarations de Monsieur le témoin 21, était assez à cheval sur les procédures et les règlements à respecter, et donc, il ne souhaitait pas que Monsieur HIGANIRO soit au courant donc, que c'est un chauffeur de remplacement et il avait peur que si les gens avaient vu encore, s'il y avait encore des coulées de boue, des problèmes, eh bien que quelqu'un, une bonne âme, vienne le dire à Monsieur HIGANIRO.

Alors, on peut s'étonner que Monsieur le témoin 21 fasse état simplement de l'incident à Monsieur HIGANIRO, puisqu’il n'y avait finalement pas eu de dégâts. Juste que le disque d’embrayage qui avait un tout petit peu fumé. Pas de problème, on ne parle pas qu'il avait fallu le remplacer. On a dit qu'il a légèrement chauffé ou fumé. Donc là, on peut s'étonner qu'il faille vite tout nettoyer pour le lundi, et puis qu’après cela, il en fasse quand même état à Monsieur HIGANIRO, de l'incident.

Donc, Monsieur le témoin 21, je lui ai posé la question aussi à ce moment-là, de dire, mais : « Oui mais, il y a quelque chose que je ne comprends pas bien, c'est que, si vous dites que tout était fini le lundi, pourquoi est-ce qu'il fallait « poursuivre et achever le nettoyage, puisqu'il était terminé ? ». Alors, il m'a dit qu’il n'avait pas précisé ça dans sa lettre à Monsieur HIGANIRO. Qu'il avait simplement dit qu’il y avait eu un incident, que, à cause des coulées de boue, mais qu'il n'avait pas précisé que tout était déjà nettoyé, parce que, c'est vrai que poursuivre et achever, si le nettoyage était déjà terminé, bon. Ça, ce sont les explications, moi, je vous donne l'ensemble des explications et des questions, je vous explique pourquoi je les ai posées en disant : « Voilà, moi, c’étaient des éléments que je souhaite leur poser et voilà les réponses qui m’ont été données ».

Alors, je poursuis donc l'examen des différents éléments dans cette lettre-rapport, le reste concerne d'ailleurs principalement l'usine. Il y a simplement une phrase où Monsieur HIGANIRO fait état donc, pour le moment, il dit : « Je m'occupe pour le moment de la défense de la République, principalement en relation avec le Zaïre, notre seule porte de secours ». Et donc, je l’ai interrogé en disant : « Mais quel est le sens de cette phrase-là : je m'occupe de la défense », lui qui ne faisait plus de politique, qui déclarait qu'il était confiné à Gisenyi, en tout cas, c’est ce qu’il soutenait et qu’il s'occupait exclusivement de cette activité d'agent commercial. Et donc, il a expliqué qu'en fait, ce qu'il entendait pour la défense de la République, c'est que, comme le gouvernement avait demandé qu'on reprenne l'activité économique, il vendait des allumettes, ce qui faisait des rentrées, il allait payer des taxes et ces taxes allaient bénéficier à la République, enfin à l'Etat. Et donc, c'est l'explication qu'il dit : « En vendant des allumettes, je produisais des taxes qui bénéficiaient à la République et c'est ça qui aidait à la défense de la République », donc, c'est l'explication qu'il donne, par rapport, en disant que pour le moment donc, il s'occupe de la défense de la République.

Alors, encore un petit élément : le point 7, où on, le point 7 me semble quand même intéressant à mentionner. Les autres concernent des questions de personnel et notamment de personnes qui notamment devaient être remplacées parce qu'elles n'étaient plus là. Et pour le point 7, c’est un point un peu plus général où Monsieur HIGANIRO, donc ce sont les termes qu'il emploie : « Il va de soi que pour, que pour les disparus…

Le Président :les déserteurs et autres...

Damien VANDERMEERSCH : …les déserteurs et tous les autres qui ne travaillent pas, pas de salaire ». Alors, je ne vous cache pas que les disparus, ça peut être ceux qui, c'est vraisemblable que ce soient ceux qui malheureusement sont décédés dans les massacres ; les déserteurs c'est peut-être ceux qui se cachent ou ceux qui ont fui ; et les autres qui ne travaillent pas, bon c'est plus général. Mais c'est vrai qu’il y a peu, enfin je vais, je veux dire, c’est assez direct par rapport à tout ce problème-là où, eh bien, c'est un peu la considération de Monsieur HIGANIRO ou la vision qu’il avait des problèmes des victimes, des victimes des massacres. On pourrait peut-être quand même penser, un peu s'inquiéter de leur sort, mais ici, la réponse semble, enfin c'est une réponse d'un directeur effectivement qui dit : « Eh bien, à ce moment-là, s'ils ne travaillent plus, pas de salaire ». On sait quand même que pour, que pour les événements, c'était quelque chose qui, notamment pour les victimes qui se cachaient, on aurait pu imaginer peut-être une aide ou s'inquiéter des familles ou des disparus. Bon, c'est un style, mais enfin c’est peut être aussi une réponse, enfin Monsieur HIGANIRO déclare que c’est une réponse par rapport à une question de Monsieur le témoin 21, en disant : « Qu’est-ce que je dois faire par rapport à la situation de ces personnes-là ? ». Il déclare que c'est une réponse et il dit : « Bien, j'ai répondu de façon très laconique par rapport à une question très limitée qui m'était posée ».

Voilà, je pense que j'en ai terminé, alors, pour disons, les différents éléments recueillis par rapport à cette lettre-rapport, étant entendu que donc, que plusieurs témoins ont été entendus au niveau de la SORWAL et que donc, ils disent qu'ils n'ont pas, en tout cas, été témoins des événements décrits par, ou relatés par, Monsieur le témoin 21 et par Monsieur HIGANIRO.

Alors, j’en viens sur deux éléments un peu plus périphériques par rapport à la SORWAL, donc, qui concernent, où il était question de l'engagement d’Interahamwe à la SORWAL et d'entraînement. Donc, il y a plusieurs témoins qui ont fait état qu’on avait engagé des Interahamwe à la SORWAL, et que, également il y aurait eu des entraînements. Pour la question des entraînements, il y a pas eu d'éléments très, très précis permettant, en tout cas, de voir des entraînements au sein de la SORWAL. Mais en ce qui concerne l'engagement d’Interahamwe, dire que d'abord, on a retrouvé certains documents à la SORWAL ou dans des procédures d'engagement, on faisait référence à cette qualité d’Interahamwe. Mais je dirais beaucoup plus simplement, Monsieur HIGANIRO a dit : « Eh bien oui, moi, Interahamwe, jeunesse du parti MRND, lorsque j'engageais des gens, je préférais engager des gens qui avaient des références, qui m’étaient recommandés par certains de mes amis. Et certains de mes amis, eh bien c’était du MRND donc, et peut-être pas seulement du MRND », parce que bien entendu, il n’a pas fait état en disant qu’il engageait que des personnes de cette obédience-là, mais il dit : « C’est bien possible que parmi les gens que j'ai engagés, il y avait des Interahamwe, puisque ce sont des gens qui m'étaient recommandés par des amis du MRND ».

Alors, il faut savoir, c'est vrai que dans le personnel de la SORWAL, il semblerait en tout cas, on parle de 3,4 personnes qui ont été très actives, qui ont été très actives pendant les événements. On fait état notamment de Monsieur NKUYUBWATSI Innocent qui logeait, dont on a fait état déjà précédemment en ce qui concerne le premier accusé Monsieur NTEZIMANA Vincent. Mais Monsieur NKUYUBWATSI Innocent donc, travaillait à la SORWAL, et se serait vanté d'ailleurs à plusieurs personnes, de massacrer, d'avoir participé à des massacres donc, parallèlement je dirais, à ses activités à la SORWAL. Il faut savoir que Monsieur NKUYUBWATSI Innocent avait été engagé à la SORWAL, à la demande du capitaine NIZEYIMANA. Donc, il faut savoir que Monsieur HIGANIRO connaissait le capitaine NIZEYIMANA, ils se fréquentaient d'ailleurs. Comme Monsieur HIGANIRO déclare qu'il connaissait Monsieur NTEZIMANA Vincent, qu'il leur arrivait de boire de temps en temps un verre ensemble. Par rapport au capitaine NIZEYIMANA, il semblerait, Monsieur le témoin 21 le connaissait bien parce qu'ils venaient du même, ils étaient originaires de la même région et donc, il semblerait qu'effectivement pendant les événements, il y ait une certaine collaboration, en tout cas une certaine bonne entente qui ait persisté pendant les événements, entre le capitaine NIZEYIMANA et Monsieur le témoin 21 puisque Monsieur HIGANIRO était à Gisenyi. Mais donc, en ce qui concerne les Interahamwe, il semblerait bien qu'il y en avait, qu’il y en avait à la SORWAL, mais Monsieur HIGANIRO dit « Mais oui, il y avait peut-être des Interahamwe au sein de la jeunesse du parti mais ça ne portait pas à conséquence dans le sens ou je n’ai donné aucune instruction à ces personnes, et je ne suis nullement impliqué dans leurs agissements ».

Alors, deuxième élément, c'est la question de l'utilisation de véhicules de la SORWAL, par les Interahamwe. Alors, Monsieur HIGANIRO a toujours affirmé en disant : « J’ignorais complètement, je n'ai jamais été mis au courant que des véhicules de la SORWAL auraient été utilisés par des militaires ou par des milices Interahamwe ». Monsieur le témoin 21 a déclaré qu'effectivement, le minibus avait été, un moment donné, réquisitionné, réquisitionné par les militaires et par l’ESO, donc l'Ecole des Sous Officiers par, ou en tout cas, les militaires sous la responsabilité du capitaine NIZEYIMANA. D'ailleurs, si je me souviens bien, ce n'était pas le capitaine NIZEYIMANA. De toute façon, c'est confirmé par Monsieur NTEZIMANA Vincent aussi, qui dit qu'il a utilisé un véhicule de la SORWAL pour se rendre à Gisenyi, véhicule de la SORWAL qui était réquisitionné par les militaires et, semble-t-il, sous la responsabilité du capitaine NIZEYIMANA parce qu'il avait demandé au capitaine NIZEYIMANA de pouvoir utiliser ce lift pour aller voir ses enfants, le minibus ayant comme mission d'aller chercher de la bière à la BRALIRWA, qui était la brasserie je dirais, la brasserie nationale du Rwanda, qui est située à Gisenyi.

Alors, on déclare « réquisitionné », il semblerait en tout cas que la SORWAL était un peu une institution. D'ailleurs, on parle de garde au niveau de la SORWAL qui avait quand même une protection militaire, parce que c'était quand même un endroit stratégique. On parle également aussi qu'il y avait des matériaux qui étaient inflammables ou qui pouvaient exploser. Avec les allumettes, c'est tout à fait probable. Mais qu’il semblerait que la SORWAL représentait une institution, d'ailleurs on voit quand même qu'il y avait dans les personnes, des contacts avec, je dirais, d'autres personnes, d'autres liens, qui représentaient, que je dirais, qui représentaient un peu un pôle économique, mais qui créent des liens. Il semblerait que pendant les événements, en tout cas, les véhicules de la SORWAL, et c'était prévu d'ailleurs, pouvaient circuler et avaient les autorisations, et en tout cas qu'il y avait des liens et des concertations nécessaires pour pouvoir poursuivre l'exploitation. Donc ça, pendant les événements donc, l'utilisation des véhicules, oui. On peut dire que l'enquête a révélé que des véhicules de la SORWAL ont été utilisés, en tout cas par les militaires, sous la direction du capitaine NIZEYIMANA. Maintenant, est-ce que c'était réquisitionné ? C’est en tout cas la version que donne Monsieur le témoin 21. C’est, sauf erreur de ma part, ce que déclare Monsieur NTEZIMANA Vincent également : « Que c'étaient des véhicules réquisitionnés ». Ou bien est-ce qu’ils ont été donnés, je dirais, à la simple demande ou dans une optique de bonne collaboration mais… ou sur ordre de Monsieur HIGANIRO, eh bien, cela c'est évidemment toute la question qui, me semble-t-il, reste entière.

Alors, je finirai cet exposé, on est toujours évidemment obligé de synthétiser, c'est concernant alors ce qui se serait passé donc, à Gisenyi. A Gisenyi, donc, le 8 avril 1994. En ce qui concerne la famille de Monsieur Benoît RWAMYA… le témoin 123, j’y arriverai, donc, qui était voisin de Monsieur HIGANIRO. Alors, il faut savoir que, on le verra sur les photos que nous avons prises, il y a un couvent. Le couvent de Kigufi où résidaient des sœurs bénédictines. Pour la petite histoire, c'est le couvent qui relève de la même congrégation que le couvent de Sovu, si bien que certaines sœurs qui étaient de Kigufi, ont pu être entendues en Belgique, parce qu'elles étaient retournées à Maredret donc, qui se trouvait dans la maison-mère des sœurs, mais c'est la même communauté, dans le sens le même ordre religieux. Donc, Kigufi et Sovu, ce sont les mêmes sœurs. Donc, il y a le couvent ­ qui, quand on fait dos au Lac Kivu, puisque c’est en bordure du lac Kivu - il y a le couvent qui est à gauche, la maison de Monsieur HIGANIRO, la maison de Monsieur Benoît - je vais dire Monsieur Benoît, comme ça je n’estropierai pas trop le nom - qui est l'assistant médical donc, qui était un infirmier semble-t-il donc, et qui est Tutsi et qui travaille au centre de santé, au dispensaire du couvent. Donc, c'était quelqu'un qui travaillait dans le secteur médical et qui a sa maison, je dirais, petite maison quand on compare à celle de Monsieur HIGANIRO, elle est vraiment, j’ai été sur place, elle est vraiment contre… enfin elle paraît très petite par rapport à la maison de HIGANIRO. Mais elle est juste à côté donc, en bordure aussi du lac et beaucoup plus loin se trouve, et on en parlera, c’est la maison, ce qu'on appelle la maison de l'évêque, l'évêque qui est décédé déjà depuis de nombreuses années, mais qui s'appelle toujours la maison de l'évêque, dans laquelle… où logeaient à l'époque, où se trouvaient à l'époque, le père le témoin 18 et la sœur le témoin 52 sauf erreur de ma part, qui seront des témoins qui ont été… enfin la sœur le témoin 52 a été entendue, et le père le témoin 18 m’a adressé une attestation, je pense qu'il est convoqué comme témoin devant vous.

Nous avons, au point de vue… évidemment comme élément essentiel, ce qui nous a amenés à nous préoccuper de ce qui s'était passé à Kigufi, dans la maison de Monsieur HIGANIRO, et je dirais, aux alentours, c'est évidemment différents témoins, différentes personnes qui ont fait état donc, de la… qui ont fait état du meurtre de la famille, de la famille de l'assistant médical. À l'exception, il y aurait eu trois enfants qui auraient survécu, dont un certain Olivier qui a pu faire tout le récit de ce qui s'est passé. Alors, on a pu entendre les sœurs qui étaient sur place. On a pu entendre différents témoins qui nous ont relaté les événements, je dirais, de façon assez semblable, et on peut résumer de la façon suivante. C'est donc, dès le 8 avril, il semblerait que des militaires soient venus à la maison de l'assistant médical Benoît, et auraient demandé de l'argent pour les épargner. Et une somme, semble-t-il, de 120.000, enfin une somme de 500.000 F rwandais aurait été demandée et une somme de 120.000 aurait été donnée en disant : « On n'a pas plus pour le moment ». Somme qui aurait été prêtée, semble-t-il, peut-être par les sœurs. Cette somme a été remise, et les militaires ont dit : « On reviendra pour avoir le reste puisqu'on demande 500.000 F rwandais ». Entre-temps, à ce moment-là, Benoît se trouvait, semble-t-il, déjà au couvent, et c'est donc les enfants et la maman qui auraient rencontré ces militaires, Olivier étant celui qui est allé chercher l'argent. Ils se sont tous réfugiés au couvent, puisque les militaires avaient annoncé qu'ils reviendraient. Et, semble-t-il, dans l'après-midi, vers 16h00, des militaires et des Interahamwe et certains témoins impliquant également les deux gardiens de la maison d’HIGANIRO, seraient venus dans le couvent, et auraient demandé encore de l'argent. Le fils Olivier aurait encore, avait obtenu une somme de 80.000 F rwandais. Donc, c'est lui qui déclare en disant : « J'ai essayé de, j'ai dit que j'allais encore chercher de l'argent et quand j'ai vu que ils s'en contenteraient pas, j'ai lancé l'argent en l'air, j'ai reçu un coup de machette », et il en porte les cicatrices. On a pris des photos des blessures, c'est du… donc, il a été blessé, et il s'est enfui. D'ailleurs il est parti à la nage vers la maison du Monseigneur, où il a été recueilli par, semble-t-il, la sœur le témoin 52 et évidemment par le père le témoin 18.

À ce sujet-là, il semblerait que toute la famille, donc les autres, sauf deux sœurs, et on sait pas très bien comment elles en ont réchappé, mais toute la famille s’est fait tuer. Donc, le père, la mère, et en tout cas un enfant de 2,3 ans et je crois qu’il y a encore un autre enfant qui a été tué également. Et donc, de ce point de vue-là, il y a des témoins qui semblent impliquer, qui semblent impliquer des gardiens de la maison de Monsieur HIGANIRO, qui ont d'ailleurs pu être entendus, qui étaient présents sur place, qui ne disent pas grand-chose à ce sujet-là. Donc, ces personnes ont été entendues. Je dirais que dans l'ensemble, on a entendu beaucoup de personnes par rapport à ces événements. Et alors, il y a des témoins qui citent notamment des paroles que HIGANIRO aurait dites, après. En disant : « Vous n'auriez pas, c'est comme ça que vous faites que le, quelque part vous vous occupez de cela ». Enfin, j'ai peur d'employer le mot travailler parce que je ne suis pas sûr que c’est cela qui est à attribuer. Mais enfin, c'était : « C’est comme ça que vous vous y êtes pris », alors que, semble-t-il, il aurait dit que « le fils de la famille a pu échapper, a pu vous échapper, comment est-ce possible ? ». Il faut savoir qu’il y a un témoin qui donne une explication par rapport à ce meurtre, ou pourrait donner, plutôt, avance un mobile. C'était de dire que la maison d'HIGANIRO en fait, Monsieur HIGANIRO avait obtenu la terre, c’était sur les terres du couvent. Et qu’en fait, il avait construit après. Qu'à une époque, il y avait l'assistant médical qui avait sa petite maison avec d'ailleurs une petite terre de culture. Et puis qu’il y avait le couvent à côté. Et Monsieur HIGANIRO avait obtenu, certains disent, dans des conditions… qui par certains, par certains…

Le Président : Pistons.

Damien VANDERMEERSCH : Oui, enfin, je suis toujours très prudent dans lequel, d'employer des termes, enfin disons, avait eu certaines facilités pour obtenir ce terrain et donc, que d'ailleurs, il aurait bien voulu avoir un accès direct, un accès, je dirais, plus, moins abrupt, parce que sa maison surplombe un peu le lac, un accès, je dirais, plus par le côté, et c'est vrai que le terrain à côté était effectivement un bon endroit, qui avait un accès plus aisé vers le lac. Alors, c'est expliqué comme pouvant être un des mobiles, étant sous-entendu que Monsieur HIGANIRO avait donné les instructions, avait donné les instructions pour… et, les témoins en tirent, je dirais, comme élément, c’est les réflexions qu’il aurait faites après, les réflexions qu’il aurait faites après en disant : « Vous n'avez pas fait exactement, vous n'avez pas été jusqu'au bout de ce que je vous avais demandé ».

Il faut savoir qu'il y avait le téléphone dans la maison de Monsieur HIGANIRO et, à mon sens, le téléphone fonctionnait, puisque Monsieur le témoin 21 Martin a fait état, par la suite en tout cas, pendant le mois d'avril, pas au moment du 23 mai, mais pendant le mois d'avril, qu’il y avait des contacts téléphoniques pour donner les instructions. Donc, il semblerait que le téléphone fonctionnait à ce moment-là, de la villa de Monsieur HIGANIRO. Comme je vous l’ai dit en début d'exposé, Monsieur HIGANIRO conteste formellement toute implication dans le meurtre de la famille de l'assistant médical. Il dit : « Je ne le connaissais même pas spécialement, j'avais des bons, j'avais des contacts de voisinage avec eux », il dit même : « Il arrivait que nos enfants jouent ensemble ou, en tout cas, se baignent ensemble, et donc, il n'y avait aucune raison que j'agisse… que j'agisse de la sorte ». Les témoins viendront s'expliquer. J'estime évidemment ne pas avoir à reprendre entièrement leurs dépositions, ça leur revient évidemment, d’exposer directement ce dont ils ont été témoins, mais c'est pour vous dire un peu, je dirais, les éléments, en tout cas la version de l'argent donné une première fois, les militaires qui reviennent accompagnés, on essaie de donner l'argent une seconde fois, ça semble être confirmé par les sœurs qui étaient présentes et par différentes personnes. Et que la famille s'est fait massacrer dans le couvent vers 16h00, 16h30, ça semble être confirmé, non seulement par Olivier, le rescapé, mais également par d'autres, les autres personnes qui étaient présentes.

Je crois que je vais en rester là tout en étant évidemment tout disposé à répondre à toutes les questions.

Le Président : Bien, on va peut-être suspendre l'audience 1/4 d’heure pour mettre la machine en route pour les vidéos, je crois, d'abord. Et Monsieur STASSIN, Monsieur STASSIN, c’est vous qui avez fait les reportages vidéo ?

Michel STASSIN : Une partie.

Le Président : C’est-à-dire, ce serait pour situer sur la bande vidéo que nous avons, nous avons vu l’autre fois le quartier de Buye, je crois que c'est sur la même bande.

Michel STASSIN : Oui, Monsieur le président

Le Président : Pour situer avec notre opérateur, l'endroit où on peut retrouver ce qui a trait à la maison de Monsieur HIGANIRO. Pendant cette suspension, ce serait gentil de bien vouloir faire ça.

Michel STASSIN : Ça va bien.

Olivier BOGAERT : Monsieur le président, si vous le permettez j'ai un petit problème, c'est que je dois être à l'aéroport à 17h45 parce que je pars à Vienne pour une autre mission.

Le Président : Ah, bien. Y a-t-il éventuellement… rasseyez-vous, y a-t-il éventuellement des questions à poser à Monsieur BOGAERT, dès à présent ?

[Interruption d’enregistrement]

Damien VANDERMEERSCH  : Enfin aux témoignages auxquels Monsieur BOGAERT a assisté, ce sont des témoins qui viennent, sauf erreur de ma part, de ce point de vue-là donc, les auditions, et sinon le reste, ça a été fait collectivement, je dirai, pour toute la description de la SORWAL, il est évident que Monsieur STASSIN, moi-même, Monsieur CORNET, sont au… peuvent également apporter leurs commentaires.

Le Président : Oui, y a-t-il, chez les parties, des questions à poser à Monsieur BOGAERT ? Maître BEAUTHIER ?

Me. BEAUTHIER : Une petite question technique. Vous avez parlé de l'imputation, pour ce qui concerne la vérification de l'imputation de ce que Monsieur HIGANIRO aurait travaillé comme agent commercial. Une double question à ce niveau-là : est-ce qu'il y avait une vérification possible, moi, je ne l’ai pas vue dans le dossier

Le Président : C'est une question à Monsieur BOGAERT ?

Me. BEAUTHIER : Oui, à Monsieur BOGAERT, ou à Monsieur le juge d’instruction, ou aux gens de la police judiciaire qui ont effectué le travail, peut-être de vérification de la comptabilité, pour savoir s'il y avait eu une imputation reprise dans les documents comptables, comme Monsieur HIGANIRO, agent commercial.

Damien VANDERMEERSCH : Je peux répondre doublement à cette question. C’est qu’il semblerait que l'agent commercial donc, est venu à Gisenyi le… que je me souvienne bien, le 14 mai. Donc avec, en ayant vendu en chemin, toute une cargaison d'allumettes, et dans les environs de Gisenyi et donc, il y avait une somme qui était le produit de cette vente-là. Et pour des raisons, Monsieur le témoin 40 déclare que pour des raisons de sécurité notamment, il a remis cette somme contre reçu, reçu qui a été retrouvé dans les pièces, à la SORWAL, donc, c'était une somme de 486.000 francs rwandais, et donc, que Monsieur HIGANIRO a gardé cette somme en disant qu'il allait la verser sur le compte de la SORWAL, ce qui n'a jamais été fait. Donc, cette somme, et il dit qu'il l’a utilisée après, pour ses activités, mais il semblerait que, par contre, son salaire de directeur a continué à être payé également, parallèlement, je dirais, par automatisme puisque du côté de la SORWAL, ils n'ont pas trace en tout cas de ce versement qui aurait été fait et quelque part, cette somme n'a pas été reprise dans la comptabilité, si ce n'est qu'on avait le reçu, mais ça n’a jamais été versé sur les comptes de la SORWAL. Mais le salaire, semble-t-il, habituel de Monsieur HIGANIRO, a continué à être payé.

Me. BEAUTHIER : Toute petite question technique, elle est double, et c'est la 2e partie. Le PS à la fin, Monsieur le juge instruction, Messieurs, ne vous a-t-il pas attirés : « La boîte d'allumettes ­ donc, on a lu ce matin - à 15 francs au détail quand elle est importée. L'agent commercial doit s'agiter pour vendre le maximum ». Alors, il s'adressait à lui-même une lettre ou bien est-ce que c'était vraiment à cet agent commercial ? À votre avis ? Vous n'avez pas posé la question ?

Damien VANDERMEERSCH  : Je n'ai pas posé la question dans le sens où vous la posez, vous. Mais ce que je peux dire, de toute façon, cette lettre était destinée à Monsieur le témoin 21 Martin, qui était le directeur technique, mais qui était le directeur, je dirais, en poste sur place. Donc, Monsieur le témoin 40 conteste formellement avoir été au courant du contenu de la lettre. Il dit, Monsieur le témoin 21, il y a d'ailleurs d'autres témoins, il n'y a personne d'autre qui fait état de la connaissance de cette lettre pendant les événements, semble-t-il, sauf erreur de ma part.

Le Président : D'ailleurs Monsieur le témoin 21 dit : « Oui, j'ai peut-être bien parlé à l’un ou à l'autre, de l’un ou l'autre point qui le concernait, mais je n'ai jamais fait de réunion de tout le monde pour communiquer à tout le monde le contenu de cette… »

Damien VANDERMEERSCH  : Ah oui, mais cela, ce n'est pas confirmé par les témoins, même d'avoir parlé de l’un ou l'autre point comme venant d'une lettre, ce n'est pas confirmé, je dirais, par les autres témoins. Mais alors, en ce qui concerne l'agent commercial, je vais répondre un peu de biais, en disant que l'agent commercial n'a jamais su qu'il n'avait plus cette fonction-là. Donc simplement, il a bien appris que Monsieur HIGANIRO avaient trouvé l’un ou l’autre client du côté de Gisenyi et ça, il le dit, d'ailleurs il y a certaines livraisons qui ont été faites, notamment à des clients présentés par Monsieur HIGANIRO. Mais lui en tout cas n'a jamais été informé qu'il n'avait plus cette fonction d'agent commercial.

Le Président : Bien alors, question pratique. Est-ce que le témoin qui doit prendre un avion peut se retirer ? En ce qui concerne les parties ? Je vais simplement alors, vous demander, Monsieur BOGAERT, avant de vous permettre de quitter les lieux pour d'autres cieux, est-ce bien des accusés ici présents dont vous avez voulu parler ? Persistez-vous dans les déclarations que vous avez faites ?

Olivier BOGAERT : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Les parties étant d'accord, vous pouvez donc, en tout cas provisoirement, quitter les lieux, et je vous signale qu'en principe vous devriez déjà revenir vendredi.

Olivier BOGAERT : Je rentre vendredi, en fin de journée.

Le Président : Oui, le timing a dû être complètement revu. Donc, on abordera le problème Sovu tout en perdant le bénéfice de regrouper les témoins par thème, on abordera le problème de Sovu, dès vendredi après-midi.

Damien VANDERMEERSCH : Nous sommes heureux d'en être informés. Donc, vendredi après-midi ?

Le Président : En ce qui vous concerne, l'interrogatoire des accusés ayant déjà lieu le matin.

Damien VANDERMEERSCH : Parfait.

Le Président : Eh bien voilà, si Monsieur BOGAERT n'est pas de retour euh…

Olivier BOGAERT : Je serai de retour normalement vers 17h30, 17h45, si tout va bien.

Le Président : A l'aéroport

Olivier BOGAERT : A l'aéroport. Je peux repasser par ici.

Le Président : Je ne sais pas si les membres du jury voudront rester jusqu'à 20h00, vendredi.

Olivier BOGAERT : Non, voilà. Je suis à votre disposition dès lundi matin.

Le Président : Je crois que si éventuellement des compléments d'information concernant les devoirs effectués par Monsieur BOGAERT devaient être recueillis, ça pourra se faire alors à un autre moment que vendredi.

Bien, suspension d'un quart d'heure, on reprend vers 17h15, 17h17. Et pendant ce temps-là, Monsieur STASSIN, si vous vouliez bien…

[Suspension d’audience]

 

Le Président : Les témoins peuvent reprendre leur place habituelle. Y a-t-il des questions à poser aux témoins ?

Me. WAHIS : Oui, à Monsieur le juge d'instruction. En ce qui concerne les deux documents de la Commission politique, on sait donc d'où viennent ces documents, comment ils ont été établis, du moins d'après les déclarations de Monsieur HIGANIRO. Mais est-ce que vous avez des éléments au sujet de la destination de ces documents ? A quoi étaient-ils destinés dans l'esprit des membres de cette Commission politique ? Et en pratique, à quoi ont-ils été destinés ?

Damien VANDERMEERSCH : Donc, c'était à l'époque où les accords d’Arusha avaient été signés, en août 93. Et donc, on était dans la période où normalement le gouvernement, les institutions de transition comme on les appelait, devaient être mises en place, et d'ailleurs, c'était un des gros problèmes et la pression internationale se faisait de plus en plus forte pour que ce gouvernement de transition se mette réellement en place. Donc, il y avait effectivement toute une réflexion qui, et notamment des tensions qui se passaient par rapport à ces institutions de transition et le retard dans la mise en place de ces institutions de transition.

Alors, en ce qui concerne cette Commission politique, comme je vous l’ai expliqué, c'était une Commission politique de 5, 6 membres, qui faisait partie, il y avait plusieurs Commissions, donc, de ce comité directeur. D'après ce que dit Monsieur HIGANIRO, d'après ce que déclare Monsieur HIGANIRO, c'étaient des réflexions destinées à, je dirais, à remonter dans le parti. C'était un groupement, donc c'était les fonctionnaires de Butare, attachés au MRND, donc c'est bien à l'intérieur, une commission de parti donc, qui faisait des réflexions, et qui faisait des suggestions aux autorités du parti. Donc, c'était destiné, semble-t-il, à, je dirais, à être transmis aux autorités nationales comme une émanation venant du groupe de Butare.

Me. WAHIS : D'accord.

Damien VANDERMEERSCH : Alors, la destination, ce qu'il en a été fait, ce qu'on sait, c’est qu’en tout cas, peut-être plusieurs exemplaires ont été faits, suivant l'habitude rwandaise, on faisait pas mal de copies de documents. Je suppose que ça a été transmis à qui de droit. Maintenant là, savoir jusqu'où c'est remonté, ou ce qu'il en a été fait, là évidemment, nous n'avons pas d'éléments.

Me. WAHIS : D'accord. Toute autre question qui n'a rien à voir avec ceci. Madame DESFORGES, dans l'ouvrage « Aucun témoin ne doit survivre », expose que Monsieur le témoin 21 recevait la visite du capitaine NIZEYIMANA une à deux fois par jour pendant les événements c’est-à-dire sans doute pendant le mois d'avril. Est-ce que vous avez eu, est-ce qu’il existe des éléments qui ont été recueillis à ce sujet ?

Damien VANDERMEERSCH : Donc, il existe des éléments très clairs suivant lesquels ils se connaissaient bien. C'étaient des personnes en relation. D'ailleurs, Monsieur le témoin 21 qui était marié à une dame Tutsi, la première chose qu’il a faite au début des événements, c'est de prendre contact avec le capitaine NIZEYIMANA pour savoir ce qu'il devait faire et là, le capitaine NIZEYIMANA, donc c'est Monsieur le témoin 21 qui le déclare lui-même, lui a conseillé qu'elle se cache, qu'elle reste bien chez elle, qu'elle se fasse très discrète, pour effectivement éviter tout problème.

Monsieur le témoin 21 était quelqu'un de connu, enfin qui avait et, son père était officier de l'armée, supérieur, donc officier de l'armée dans les forces armées rwandaises. Quelqu'un qui était assez haut-placé dit-il, d'ailleurs, ça lui a permis de bénéficier d'une certaine protection pendant les événements. Il disait : « Je jouais sur l'image de mon père ». Donc, le témoin 21 n'était pas, je dirais, un quidam. Il avait quand même un père qui était assez connu et qui était, je dirais, parti pour être dans l'armée, un officier supérieur de l'armée, c'est une intégration évidemment importante au niveau de l'ancien pouvoir. C'était sans doute une fonction, en tout cas, qui semblait avoir une certaine aura, puisque Monsieur le témoin 21 pouvait en bénéficier.

Alors, Monsieur le témoin 21 a déclaré que, lors des événements, il avait eu des contacts avec le capitaine NIZEYIMANA. Maintenant, je ne peux pas vous dire, il faudra peut-être lui poser la question directement, si c'est à la fréquence indiquée par Madame DESFORGES. Mais qu’il y ait des contacts et qu'il y ait plusieurs contacts, on en fait état.

On fait état d'ailleurs aussi, un moment donné, on est allé voir quelqu'un qui avait été menacé, Monsieur le témoin 40 en parle d'ailleurs, où la personne qui avait été menacée a dit plutôt qu'elle se sentait menacée également par les personnes qui, suivant les autres déclarations, allaient la soutenir. Bon, tout ça est toujours avec un peu aussi, avec en toile de fond, le capitaine NIZEYIMANA qui semblait être, quand même, la personne répondante, notamment pour aussi les autorisations de circuler.

Michel STASSIN : Si je peux me permettre, donc, toujours dans l'entourage du capitaine NIZEYIMANA, il ressort donc de plusieurs témoignages, également donc, que Innocent NKUYUBWATSI qui avait donc gravi les échelons d’une manière assez rapide, puisqu'il était rentré comme gardien et qu'il s'était retrouvé comme contrôleur de qualité, il ressort à travers les témoignages que NKUYUBWATSI donc, était, quittait relativement souvent l'usine pour s'en aller avec des militaires.

Damien VANDERMEERSCH : NKUYUBWATSI ayant logé pendant un certain temps chez le capitaine NIZEYIMANA, et également chez Monsieur NTEZIMANA Vincent.

Le Président : D’autres questions parmi les membres du jury ? Monsieur le 3e juré ?

Le 3e Juré : Oui, Monsieur le président. Pouvez-vous demander au témoin s'il a connaissance d'une réquisition de prisonniers pour nettoyer les boues ?

Le Président : Il semble que ça a été une déclaration. Y a-t-il des éléments…?

Damien VANDERMEERSCH : Il faut préciser que les prisonniers donc, de la prison de Butare, ont été à certains moments, entre guillemets utilisés, ce n'était pas sous forme de réquisition mais la prison, il est arrivé que des prisonniers travaillent donc, avant même le 6 avril, fassent certains travaux dans le champ, dans l'usine, enfin dans le champ concerné. Maintenant, en ce qui concerne le week-end en question invoqué donc, par Monsieur le témoin 21, il n'y a que Monsieur le témoin 21 qui en fait état. Il déclare d'ailleurs que ça ne s'est pas fait sous forme de réquisition. Il dit : « J'ai demandé que des prisonniers viennent, et ils sont venus immédiatement. On était un dimanche ». Alors ça semble, je dirais, cet appel semble avoir été improvisé. Mais, il est exact qu'à certains moments, des prisonniers ont travaillé, semble-t-il, dans l'usine, sous forme de demande, pas de prêt, mais je vais dire, de main-d'œuvre mise à disposition, et sans doute, à bas prix ou même peut-être gratuitement, je n'en sais rien.

Le Président : D'autres questions par les membres du jury ? Monsieur l'avocat général ?

L’Avocat Général : Pas de questions, Monsieur le président.

Le Président : Maître HIRSCH ?

Me. HIRSCH : Oui, Monsieur le président. A l'occasion de la commission rogatoire du, entre le 5 juin et le 24 juin…

Damien VANDERMEERSCH : La 2e commission rogatoire

Me. HIRSCH : …la 2e commission rogatoire, Monsieur le juge d'instruction et je ne sais pas qui l’accompagnait à cette occasion-là, à Gisenyi, ils ont entendu le Docteur Charles ZIRIMABAGABO, préfet de Gisenyi, qui, dans le dossier, atteste des activités de Monsieur HIGANIRO à Gisenyi pendant la période du génocide, et également de prise de position qu’il aurait prise par rapport à la suppression éventuelle de barrières.

Damien VANDERMEERSCH : Pour autant que mes souvenirs soient précis, il faut penser que c'est un dossier d'ampleur, je pense que ça n'a pas été fait sous forme d'une audition, mais ça a été repris dans le procès-verbal donc, de commission rogatoire. Alors, il faut savoir que certaines personnes et étonnamment pas toujours, des fois c'étaient des personnes peut-être d'un rang plus élevé, avaient peut-être plus de difficultés des fois à faire des déclarations, que je dirais le simple citoyen rwandais. Donc, ce préfet n'a pas souhaité le faire sous forme d'audition et je vais vous dire qu’on m’a fait ressentir que ça serait un peu déplacé d'ailleurs du faire sous forme d'audition.

Si je me souviens bien, c'était un dimanche que cette audition, enfin que cette rencontre a été faite. C'est un des premiers contacts qu'on a eus à Gisenyi, donc, c'est avec le préfet. Et donc, moi, j'ai simplement acté sous forme de propos que j'avais entendus dans le cadre de ma commission rogatoire. Et là, je dirais, pour avoir les termes exacts, je préférerais que ce soit lu, mais je peux dire que ce qui a été acté, m’a été dit. J'essaie en tout cas d’acter de façon…

Le Président : Vous avez la pièce sous les yeux ?

Me. HIRSCH : Oui, Monsieur le président

Damien VANDERMEERSCH : Donc, je l’ai acté de la façon la plus fidèle. Habituellement j'ai l'habitude, et je le fais d'ailleurs aussi dans mon bureau, d'utiliser au maximum la terminologie et les mots employés par mes interlocuteurs.

Me. HIRSCH : Vous dites ceci, Monsieur le juge d'instruction : « Lors de notre entretien qu'il n'a pas souhaité voir prendre la forme d'une audition, celui-ci nous communique les éléments suivants :

Damien VANDERMEERSCH : Exactement.

Me. HIRSCH : Avant les événements, j'ai fait un séjour à Paris, du 8 janvier au 4 avril 94. J'étais à Kigali le 6 avril. Et je ne suis arrivé à Gisenyi que le 20 avril, date à partir de laquelle j'ai exercé les fonctions de préfet. Lorsque j'ai été désigné comme préfet, je ne pouvais pas refuser. HIGANIRO Alphonse était à Gisenyi durant cette période. Je l'ai vu à plusieurs reprises. Il participait aux réunions du MRND - CDR. J’en ai été personnellement témoin. Il y avait beaucoup de réfugiés, de l'entourage du président à Gisenyi. Je voyais HIGANIRO actif avec d'autres membres du MRND, connus pour leur extrémisme. Je les voyais tous ensemble. J'ai vu une seule fois son épouse au Méridien, en compagnie d'autres extrémistes. J'ai personnellement aidé les gens qui étaient cachés dans la cathédrale de Nyundo, qu'on voulait faire mourir de faim, je leur ai fait acheminer de la nourriture à l’insu de leurs gardes, mais ils ont été éliminés, malgré tout, par après. J'ai eu moi-même des menaces parce que je les avais nourris. Il y avait pourtant, sur place, des gendarmes pour les garder. Mais ils ont affirmé qu'ils n'avaient rien pu faire. J'ai demandé immédiatement au procureur de la République d'ouvrir une enquête, mais ceci n'a pas pu avoir lieu à cause des autres événements. J'ai voulu supprimer des barrières, et j'ai appris que lors d'une réunion, HIGANIRO s’y était déclaré opposé. J'ai toutefois réussi à supprimer certaines barrières durant un certain temps ».

L'audition continue mais je ne sais pas si…

Le Président : Ça ne concerne plus Monsieur HIGANIRO ?

Me. HIRSCH : Mais, euh… pas directement. On parle du colonel BAGOSORA…

Damien VANDERMEERSCH : Donc, je peux confirmer que j'ai, que compte tenu évidemment donc, la personne, comme c'est relaté, n'a pas voulu faire une déclaration et je me souviens que j'avais insisté pour que ce soit une déclaration écrite, enfin c'était le préfet toujours en poste à ce moment-là, et donc, c'est vraiment, il a estimé qu'il ne devait pas faire de déclaration, que ça suffisait qu'il me le déclare comme cela. Du coup, je me suis vu contraint, je dirais, de l'acter et dans les termes, mais je me souviens bien que j'ai pris les notes au moment même, moi-même, lorsqu'il a fait cette déclaration. Donc, je peux confirmer que c'est dans ces termes-là qu'il s'est exprimé.

Le Président : Une autre question ? Oui

Me. NKUBANYI : Pourriez-vous demander au témoin, si, au cours de l'instruction, Monsieur HIGANIRO aurait fait état du fait que le document « Suggestions émises » par la Commission ainsi de suite, n'était qu'un brouillon, que les idées qui étaient dans son document n'ont pas été retenues dans le document « Rapport numéro deux » qui pour lui, en fait, remplace le document « Suggestions émises » et ainsi de suite.

Damien VANDERMEERSCH : Non, il n'a pas fait état d'un brouillon. D'ailleurs, il a dit qu'il y avait eu deux réunions. Et, je dirais, c'est plus sur l'ensemble qu'il l’a reconnu dans l'un des documents et comme l'autre document… puisque je l’ai interrogé, de façon point par point, sur le 1er document et sur le 2e document où il a reconnu, je dirais, les idées qui étaient exprimés sans établir, je dirais, une hiérarchie entre le premier et le second document.

Le Président : Donc, au cours de l'instruction, il semblait bien faire la distinction entre les deux documents, deux réunions, deux documents…

Damien VANDERMEERSCH : Deux réunions, deux documents. Les documents étant assez semblables, mais ne faisant pas une hiérarchie, je dirais, en disant que l’un était brouillon et l'autre était… en disant plutôt ces documents reflétaient effectivement les opinions, et d'ailleurs il a dit que c'étaient les opinions du MRND. Et d'ailleurs, devant moi, il les partageait toujours, ces opinions, il les partageait toujours.

Le Président : C'est ça. En tout cas, il ne vous a pas, au cours de l'instruction, donnée la version, l’explication qu'il venait aujourd'hui, lors de son interrogatoire, à savoir qu'il y avait eu deux réunions effectivement une première fin 93, début 94, qui a donné lieu à un résumé établi par Monsieur le témoin 21 qui est les « Suggestions », le document non daté. Une seconde réunion, le 13 février 1994, qui devait approuver le résumé est par Monsieur le témoin 21 et qui a donné lieu à une modification de ce résumé étant devenu le « Rapport numéro deux », du 13 février 1994.

Damien VANDERMEERSCH : Non, il ne m’a pas du tout donné une telle… il m'a dit simplement : « Voilà, il y a eu la première réunion, et puis la seconde réunion ». D'ailleurs « Rapport numéro deux » laisse entendre « Rapport numéro un » mais sans dire. D'ailleurs, si je me souviens bien de la structure, le premier était un peu plus structuré en recommandations, donc c'étaient déjà des recommandations. Mais c'était pas sous forme de, enfin, il ne m'a pas fait état en tout cas, de réserves par rapport au premier document et que le second soit finalement un document final. Il n'en a pas fait état dans les auditions, devant moi.

Le Président : Oui.

Me. NKUBANYI : Justement, dans le prolongement de la même idée, c'est que l'accusé HIGANIRO a dit que le terme défense civile, défense collective, pardon, signifiait défense de tous les Rwandais, et pas seulement des Hutu, parce que le… dans les deux documents ce n'est pas si clair. Dans le premier, c’est assez clair…

Le Président : Une question, Monsieur l'avocat. Pas de commentaires. Une question.

Me. NKUBANYI : Oui, je voudrais savoir en fait, la version qu'il a donnée de cette expression-là, pendant l'instruction.

Damien VANDERMEERSCH : Donc, je lui ai fait remarquer, qu'il était question de l'union de… dans la même phrase, de l'union de… donc c'est dans le premier document, de l'union de tous les Hutu au-delà des partis, que les préfets devaient « encourager l'union de tous les Hutu et leur autodéfense collective ». Et je lui ai fait remarquer que c'était « leur » le terme. Et c'est là qu'il m’a répondu : « Mais, c'est un abus de langage ». C'est le terme qu’il a employé, en disant : « On ne visait pas que les Hutu ». C’est un abus de langage que d'avoir mis le « leur » alors qu'évidemment ça se référait à Hutu par rapport à avant. Je lui ai fait la réflexion, et voilà ce qu'il m'a répondu.

Le Président : Oui, Maître HIRSCH.

Me. HIRSCH : Monsieur le président, et est-ce que Monsieur le juge d'instruction pourrait préciser si, dans les multiples interrogatoires qu’il a faits de Messieurs HIGANIRO et NTEZIMANA, ceux-ci lui ont précisé les liens qui les unissent durant la période des événements ou avant ? Et les rencontres évidemment.

Damien VANDERMEERSCH : Je crois qu'on leur a posé la question à l'un comme à l'autre. Et ils ont, notamment par exemple chez Monsieur HIGANIRO, on a été amené à l'interroger, je crois que c'était une audition d'ailleurs de la police judiciaire, puisque la mention, le nom de Monsieur NTEZIMANA a été retrouvé dans son agenda. Et donc, il a effectivement reconnu qu'ils avaient eu des contacts et qu’il leur arrivait de boire un verre ensemble.

Le Président : Ainsi d'ailleurs qu’une collaboration, des rencontres à propos d'une asbl ou d'une association ADSK.

Damien VANDERMEERSCH : Effectivement, alors ça, c'est Monsieur NTEZIMANA qui a déclaré qu'ils avaient eu des contacts, qu'ils avaient des contacts ensemble dans le but de fonder une association commune qui était effectivement l’ADSK, et que dans ce cadre-là, ils avaient été amenés à se rencontrer, et à se concerter pour la mise sur pied de cette association.

Le Président : Oui, Maître HIRSCH.

Me. HIRSCH : Oui, merci, Monsieur le président. Une dernière chose. Est-ce que Monsieur le juge d'instruction se rappelle que Monsieur HIGANIRO a envisagé la possibilité d'avoir passé la soirée du 6 avril, donc avant l'assassinat du président, en compagnie du capitaine NIZEYIMANA.

Damien VANDERMEERSCH : Je dois vous dire, on n’a, on n'a pas évoqué cet élément-là. Maintenant, ce qui est exact, c'est que Monsieur NKUYUBWATSI, dans sa déclaration, mais ça, c'est évidemment tout à fait postérieur et c'est dans le cadre, disons, plus récent, d'ailleurs postérieur également à ma « dessaisie », si je puis m’exprimer ainsi, mon dessaisissement en ce qui concerne Monsieur HIGANIRO donc, je n’ai pas été à l’amener… mais lui, Monsieur NKUYUBWATSI Innocent, fait état d’un contact, dans la soirée, après la nouvelle de l'attentat sur l'avion.

Je dois préciser, pour être correct, Monsieur le président, en ce qui concerne Monsieur NKUYUBWATSI Innocent, j'ai dit, lors de mon témoignage, que cette cassette m’avait été remise par RTLM, Monsieur Martin m'a contacté en disant, en précisant, que c'était à titre personnel qu’il me l'avait remise et pas en tant que citoyen, à titre personnel, qu’il me l'avait remise et par… je dirais, c'est l'institution qui me l'avait remise, mais que c'était une initiative personnelle de sa part. J'ai dit que si j'avais l'occasion, je ferais la rectification. Ce que je fais.

Le Président : Bien. Maître GILLET.

Me. GILLET : Oui, Monsieur le président. Ce midi, en regardant les pièces à conviction, nous sommes tombés sur des pages de l'agenda de Monsieur SEBALINDA, donc, le directeur administratif et financier de la SORWAL, qui ne faisaient pas partie des photocopies se trouvant dans les dossiers qui nous ont été livrés par le greffe. Et cette page dit que, selon le directeur administratif et financier d’Electrogaz, c’est là où travaillait Madame HIGANIRO, si j'ai bon souvenir, « KAJUGA va livrer pour 50.000.000 francs rwandais mais sera payé à la livraison ». Et on parle, on dit 50.000.000 francs rwandais de marchandises. Et c'est une phrase qui m'interpelle pour trois raisons : la première c'est qu’on parle de marchandises de manière générale, alors que d'habitude, dans cet agenda comme dans d'autres documents, quand on parle de fournitures, on parle de choses très précises : du chlorate, de la colle, des cartons, du papier, etc. Première chose. Deuxième chose, c'est le montant. 50.000.000 francs rwandais, qui est un montant important pour la SORWAL quand on voit le budget 94 de la SORWAL, toutes les matières premières de toute l'année 94, sont budgétées pour des achats de 70.000.000 francs, et ici, on se trouve dans une somme de 50.000.000. Ça m'interpelle aussi parce que c'est Monsieur kAJUGA, et Monsieur KAJUGA est le président national des Interahamwe. Et donc, j'aurais souhaité savoir si le juge d'instruction et son équipe ont une idée de ce que cette phrase pourrait signifier.

Le Président : Des idées, ça….

Damien VANDERMEERSCH : Je dirais, on n’a pas à répondre ou à donner des idées. Je dirais, cette phrase, elle est là, Monsieur KAJUGA, c'est vrai qu'on sait qui il est, et qu'il était un moment donné… et qu'il s'est trouvé, à un moment donné, à Butare. Donc, effectivement. Maintenant, cette phrase est, enfin je veux dire, cette mention est là, je ne peux pas dire que j'ai reçu une réponse dans mon instruction, correspondant à une explication par rapport à ce montant.

Le Président : On ne va pas demander des idées au témoin. Je suis désolé. Ou bien il y a eu des constatations, ou bien il y a eu des réponses, ou bien il y a eu des auditions à ce sujet. Mais c'est tout ce qu'on peut demander au témoin. À ma connaissance, il n'y a pas d'audition qui porte là-dessus.

Damien VANDERMEERSCH : Non, il n'y a pas eu d'audition sur ce point-là.

Le Président : Alors, si vous avez une idée, vous en ferez part à un moment. Mais ce sera votre idée. Autre question ? Pas de questions de la part de la défense ? Les parties sont d'accord pour que les témoins se retirent en ce qui les concerne, provisoirement, puisqu'ils devront encore revenir…

Damien VANDERMEERSCH : Vendredi.

Le Président : Vendredi , vendredi. Je pensais que vous aviez été avertis plus tôt. Mais, il y a eu un…

Damien VANDERMEERSCH : Non, ce n'est pas grave, du moment qu'on est averti, c'est déjà une bonne chose.

Le Président : Je vais quand même encore vous demander si c'est bien, à chacun d'entre vous, des accusés ici présents dont vous avez voulu parler ? Si vous persistez dans vos déclarations ?

Damien VANDERMEERSCH : Oui, Monsieur le président.

Michel STASSIN : Oui, Monsieur le président.

Marc CORNET : Oui, Monsieur le président.

Le Président : Je vous remercie. Alors, avant de suspendre l'audience maintenant et pour la reprendre demain à 9h00, vous aurez remarqué dans la planification qui vous a été remise, que des témoins sont éventuellement à convoquer par vous-mêmes, partie civile ou défense, dans la mesure où ce sont des témoins que vous aviez dénoncés, et qui ont été notifiés aux accusés, mais que l'avocat général n'a pas voulu citer.

Le type de convocation n'a guère d'importance, ça ne doit pas nécessairement se faire par une citation, ça, il faut que vous le sachiez. Très curieusement en Cours d'assises, il n'y a pas vraiment de formalités en ce qui concerne le mode de convocation. Il n'y a pas de citation, évidemment le témoin ne pourrait pas être condamné à payer une amende parce qu'il ne s'est pas présenté. Donc, le mode de convocation est libre en quelque sorte, ça peut être une lettre, ça peut être un coup de fil, du moment que le témoin est dénoncé, il est là, il est entendu en qualité de témoin.

Si, dès à présent ou dans les jours qui viennent, vous… vous savez déjà que vous ferez pas venir les témoins dont vous avez demandé l'audition, faites-le savoir aussi, de manière à ce qu'on puisse se rendre compte que cet après-midi qui est réservé à ces témoins-là, eh bien, il n'y en aura que deux, il n'y en aura que trois, il n'y en aura pas, et qu'on puisse alors éventuellement utiliser utilement le temps qui serait disponible.

Me. MONVILLE : [Question inaudible]

Le Président : Ils sont dénoncés, ils sont dénoncés par les parties, à l'avocat général ; ils ont été dénoncés aux accusés par la signification qui leur a été faite le jour même de l'ouverture de la session. Mais ils ne sont pas cités. Ça, je vous le dis. Ils ne le sont pas puisque Monsieur l'avocat général ne les a pas cités.

En principe, je vous rappelle aussi, que les frais des témoins que vous citez ou que vous convoquez, sont à charge de la partie qui convoque.

Ceci dit, nous ne sommes pas encore au jour prévu pour l'audition de ces témoins, donc vous avez encore le temps de réfléchir. Je ne vous demande donc pas la réponse maintenant, immédiatement. Mais le plus tôt serait le mieux si vous dites : « Nous renonçons à l'audition d'un tel ou d'un tel », autant le savoir.

Donc, l'audience est suspendue, elle reprendra demain à 9h00 et j'espère que demain, nous pourrons terminer un peu plus tôt qu'aujourd'hui.

[Suspension d’audience]

Le Greffier : La Cour.

Le Président : Merci. L’audience est reprise, vous pouvez vous asseoir et les accusés peuvent prendre place.

Les témoins peuvent également reprendre place et peut-être s'installer face à l'écran.

Voilà, on a pu repérer sur la cassette ?

Damien VANDERMEERSCH : Ah, voilà ! Alors, c’est peut-être mieux de commencer par les dias parce que la vidéo est de suite sur le champ. Enfin, ou bien on…

Le Président : C'est un problème de chauffage des machines.

Damien VANDERMEERSCH : Alors, il faudra faire une petite gymnastique simplement de l'esprit. C’est qu’on va vous montrer les détails du champ en tout cas, donc c'est devant l’esplanade, mais vous pourrez bien resituer ça dans les dias où on commence par l'entrée de l'usine, la descente vers la gauche, donc là, il faudra que vous fassiez le petit effort de… de resituer a posteriori mais donc ce seront plutôt… plus le détail du champ qui… vers lequel donc il y a une grande plate-forme devant et c'est ça…

Le Président : C'est le seul extrait sur la vidéo qui concerne Monsieur HIGANIRO ? C'est la SORWAL ?

Damien VANDERMEERSCH : Oui. Oui. C'est le seul extrait, oui, de la vidéo.

Le Président : Le reste concerne surtout Sovu, je crois. Et alors, Buye qu'on a déjà vu.

Michel STASSIN : Oui, effectivement, Monsieur le président.

Le Président : Bien. Cependant donc, la défense de Monsieur HIGANIRO demande également la projection d'autres vidéos. Une vidéo de VTM, ça dure combien de temps ? Qui concernerait les bâtiments de la SORWAL ? Et alors une vidéo de vacances dont on pourrait peut-être projeter un extrait.

Me. MONVILLE : C’est 6 minutes, 6 - 7 minutes.

Le Président : Bon. Donc, on va faire la projection. D'abord la vidéo de l'ex-PJ, de l’ex-PJ en ce qui concerne le champ de la SORWAL. Monsieur l’huissier, il y a un petit instrument là pour que le juge d’instruction puisse, ou Monsieur STASSIN, puisse pointer les éléments qu’il commente. Vidéo SORWAL provenant d'une émission de VTM. Vidéo vacances à Kigufi. Qui sont donc des vidéos produites par la défense de Monsieur HIGANIRO.

Non Identifié : C’est Sovu, là, hein ?

Michel STASSIN : Donc, ici, il s'agit donc des prises de vues, donc du site du monastère de Sovu.

Le Président : Ah, alors ce n'est pas le bon endroit, Monsieur l’huissier, apparemment.

Michel STASSIN : C'est après le… ce reportage ici.

Damien VANDERMEERSCH : C'est après ? Donc, il faut aller plus vite.

Le Président : Il faut aller plus… il faudrait accélérer, Monsieur l’huissier. Cette partie-ci ne concerne pas Monsieur HIGANIRO.

Non, couvent de Sovu aussi, ça…

Damien VANDERMEERSCH : Non ce n’est pas le bon, c’est Sovu.

Le Président : Terrain vague, usine SORWAL. Voilà. C’est cette partie-ci.

Non Identifié : Voilà.

Le Président : On peut démarrer à vitesse normale.

Damien VANDERMEERSCH : Il n’est pas encore 6h00 du soir pourtant.

Donc ça, c’est le bâtiment, mais on le verra heureusement mieux sur les photos. Donc, là on voit bien le bâtiment et, donc ça c'est le champ, on est dans le champ. Et donc, c'est l'espace devant. Je pense que ce sera plus aisé avec les dias. Oui, donc on voit le champ en contrebas.

Le Président : Oui, on ne voit pas grand chose.

Damien VANDERMEERSCH : Non, je pense que ce n'est pas tellement pertinent mais les photos en tout cas, si elles ont bien… si elles ont été reproduites, celles qui se trouvaient au dossier…

Le Président : Donc, c'était le seul extrait qui était sur la vidéo, Monsieur STASSIN ?

Damien VANDERMEERSCH : Monsieur STASSIN ?

Michel STASSIN : C'est à un collègue qui est arrivé, donc, lors de la 3e commission rogatoire qui est actuellement donc, à l’ex-police judiciaire de Louvain.

Le Président : Alors, on va peut-être passer une autre vidéo, produite par l'accusé.

Damien VANDERMEERSCH : Oui, on va peut-être passer les autres vidéos. De toute façon je ne suis pas inquiet, sur les photos ce sera plus facile, on pourra en même temps rester et bien voir.

Le Président : Oui, il y a deux vidéos produites par les accusés… par l'accusé HIGANIRO. Je ne sais pas s’il y a une indication sur la pochette ? Ici, il est mis : Kigufi juin 94. Donc, ça doit être celle-ci qui concerne la SORWAL. Et ensuite on passera les vacances à Kigufi.

Donc, ceci serait…

Damien VANDERMEERSCH : Oui. Donc, c’est l’entrée de l’usine.

Le Président : On peut couper le son, hein. Si… Monsieur l’huissier, coupez le son, si vous voulez bien.

Damien VANDERMEERSCH : Donc, c’est l’entrée où on a les bâtiments administratifs donc, bâtiment direction administrative ici à gauche.

Ceci, c'est la route qui remonte, à mon avis, le long de l'usine

Michel STASSIN : Oui. Donc, la route qui s'en va sur la gauche s'en va vers le quartier, donc, de Matyazo qui fait partie de la préfecture de Butare. Lorsque l'on fait dos… lorsque l'on fait face, donc, à la grille que l'on voit ici actuellement, donc, dans notre dos, donc, on retourne vers le centre-ville et, donc, sur la droite nous avons, donc, le chemin qui retourne vers la prison de Butare.

Damien VANDERMEERSCH : Il faut noter que, donc, le… on voit bien… il n'y a pas de… ce sont des routes qui sont en terre, donc qui ne sont pas goudronnées ou qui ne sont pas bétonnées. À la différence de l'intérieur de la SORWAL, où l’on observera que tout est bétonné.

Sur la route, donc, qui mène à la prison, voilà nous sommes…

Michel STASSIN : Donc, ici nous sommes donc dans le… dans le contre bas, donc, de l'usine.

Damien VANDERMEERSCH : Ça, c'est la montée vers l'entrée.

Michel STASSIN : Donc, ici, on se trouve au cœur même, donc, de l'usine.

Damien VANDERMEERSCH : C’est l’arrière du champ, donc on est tout à fait à l’arrière, la plate-forme étant donc là. Ça, c’est l’ensemble du champ.

Le Président : Ce n’est pas le champ concerné par les travaux ?

Damien VANDERMEERSCH : Oui, oui, c’est le champ concerné, mais c’est… c’est… on est tout à fait à la partie arrière.

Michel STASSIN : A l’arrière, donc, de la… de l’usine.

Damien VANDERMEERSCH : Donc, la plate-forme est… est là. Donc, la plate-forme commence à cet endroit-là, donc, on est le long du bâtiment, le long duquel on verra la vue dans l’autre sens tout à l’heure. Voilà, ici on voit le caniveau, tout le long, ainsi que tout le bord du champ. Et ce caniveau, donc, va jusque… il continue donc jusque devant la place, enfin l’emplacement.

Voilà, ici on est… le quai de déchargement ici, avec le caniveau et le champ juste devant.

Donc, de nouveau la vue sur le champ.

Voilà donc le champ. Et alors, il y avait un… un chemin qui mène vers une grille en haut, donc, qui est un ancien chemin.

Ça, je ne peux pas dire où c’est.

Voilà, donc ça, c’est le bâtiment avec la cour devant. Et donc, on voit ici le chemin sur le côté. Il y avait plus de végétation lorsqu’on est allé en 1995. Voilà, vous verrez les photos.

Le Président : Pardon ?

Me. CUYKENS : Je peux faire un petit commentaire au sujet de ce qu’on voit ?

Damien VANDERMEERSCH : Vous seriez peut-être mieux placé, puisque moi, c’est la première fois que je vois cette vidéo.

Le Président : Mais pour le moment, on entend les témoins, Maître CUYKENS.

Damien VANDERMEERSCH : Donc, c’est l’emplacement. On voit que c’est donc, en pente. On peut apprécier à peu près la force de la pente.

Donc, ceci, je suppose, c’est pour le logo de la SORWAL ?

Donc là, on est sur la route, donc sur la route au-dessus du champ. Donc, le bâtiment est là, l’emplacement est derrière, et, donc, ceci c’est… on est donc sur la route, la route principale et donc là, le champ est à cet endroit-là. Donc, l’emplacement de déchargement est derrière, mais on entre évidemment par l’entrée latérale qui se trouve… qu’on a vue tout à l’heure et qui se trouve plus sur la droite.

C’est toujours les mêmes vues.

Donc, on peut deviner peut-être là des - mais là, je ne peux pas être précis - des emplacements où il y avait eu des excavations pour les poulaillers et autres petits bâtiments. Les fondations.

Le Président : Voilà, je suppose que c’est la fin du reportage ? Donc, on peut arrêter. Monsieur l’huissier, on peut arrêter. Alors exceptionnellement, Maître CUYKENS, bien que l’audition des témoins ne soit pas terminée, maintenant je vous autorise à faire un tout petit commentaire à propos d'images que nous venons de voir.

Me. CUYKENS : Je pense que Monsieur le juge d'instruction a dit exactement ce que je voulais dire, c’est-à-dire qu’à un moment donné on voit l'aire de déchargement avec les morceaux de bois et on peut constater la déclivité du terrain grâce au petit muret dont on voit en fait un triangle… qui forme un triangle et donc, on peut constater la déclivité du terrain par rapport à ce petit muret, juste à ce moment-là Monsieur le juge instruction a dit, on voit la pente à cet endroit-là, donc tout a été dit.

Le Président : Bien. Alors, une petite vidéo de vacances à Kigufi. C’est peut-être pas des vacances à Kigufi, d’ailleurs. Ça concerne Kigufi, mais c’est peut-être pas…

C’est une vidéo de Monsieur HIGANIRO ?

Damien VANDERMEERSCH : Voilà. Donc, on voit la maison de l’évêque, donc qui se trouve en face. On est, semble-t-il, donc, dans la maison de Monsieur HIGANIRO, sans doute sur la terrasse.

Voilà, ça c’est la maison donc de l’assistant, juste à côté. C’était la maison de l’assistant médical Benoît.

Ça, c’est la maison, la terrasse de la maison de Monsieur HIGANIRO.

Le Président : Vous pouvez couper le son, vous savez, Monsieur l’huissier, parce que de toute façon, on ne comprendra pas ce qui est dit.

L’Huissier : Pas de son ?

Le Président : Non, pas de son.

Damien VANDERMEERSCH : Donc, on voit vraiment la maison surplombe, enfin vraiment est en surplomb quasi. Il faut descendre assez… de façon assez raide pour arriver à la berge du lac.

On voit derrière, là, la pointe qui est la maison, le bâtiment, donc, la maison de l’évêque. Et sur le côté gauche, donc, il y a la maison de l’assistant médical, mais qui est cachée par une paillote, semble-t-il.

Eh bien voilà, la vue. Donc, on voit que au point de vue berge, évidemment, c’est assez, assez à pic. La maison surplombe…

On n’a pas pu aller en barque pour faire des photos de ce point de vue-là.

Donc, à gauche de l’immeuble, se trouve le couvent de Kigufi. Donc, c’est sur le terrain du couvent. Là, c’est le couvent.

Donc, la maison de l’évêque.

Le Président : Bien, je crois qu’on peut peut-être en rester là pour… ? C’est juste après que c’est intéressant ? Oui…

On peut peut-être faire avancer un peu plus vite, Monsieur l’huissier ?

Stop. Voilà. Enfin, vous pouvez aller maintenant à vitesse normale. Je suppose que c’est pour démontrer l’existence d’un accès direct de la propriété au lac.

Voilà, je crois que… il y a encore d’autres choses plus intéressantes ? Pardon ?

C’est celui-ci qui… ? Non, pardon.

Damien VANDERMEERSCH : Ça, c’est le couvent qui est donc à côté.

Le Président : Bien, alors on va s’arrêter là.

Damien VANDERMEERSCH : C’est vers le couvent, là.

Le Président : On peut s’arrêter, Monsieur l’huissier. Et on va passer à la projection de diapositives, le temps de changer les appareils. Oui, vous pouvez stopper. Oui, Maître CUYKENS ?

Me. CUYKENS : Un mot de ce qu’on a vu en dernier lieu. Ce qu’on voit donc de profil : la façade qui donne sur la berge de la maison de Monsieur HIGANIRO et derrière la face qui donne sur la berge du lac de Monsieur le témoin 123. Donc, on voit les deux murs les uns à côté des autres.

Le Président : Bien, alors on peut changer l’appareillage ? Je vais vous demander les… Monsieur le greffier, je peux avoir les fardes avec les photos ? Les fardes là-bas… merci. Alors, Monsieur l’huissier, chargeur numéro 2 pour commencer. Chargeur numéro 2 pour commencer. Chargeur numéro 2 : il s’agit de prises de vues du site de la SORWAL à Butare.

Damien VANDERMEERSCH : Voilà donc, on a l’entrée ici, on voit bien l’entrée principale où il y a la descente. À gauche, on va vers le bâtiment de fabrication, donc qu'on a vu tout à l'heure avec l’esplanade et à droite nous verrons plus en détail, ce sont des bâtiments notamment de stockage. Ici, c'est le bâtiment administratif.

Le Président : Oui.

Damien VANDERMEERSCH : Voilà, même vue, toujours l'entrée, donc l'entrée, on voit, on verra donc dans le bas il y a un chemin qui va vers la gauche et c'est là qu’on aura une vue vers le bâtiment de production et donc, à droite ce sont les bâtiments plutôt de stockage.

Toujours même vue.

Michel STASSIN : Donc ici, c'est un terrain de tennis ou de volley-ball qui se situe, donc, directement à droite lorsque l'on entre dans la SORWAL. Donc, il fait face, donc, au bâtiment administratif. Il est situé tout au-dessus, donc, de… de l'usine.

Le Président : Oui

Damien VANDERMEERSCH : Là, c'est la même vue.

Le Président : Oui. Ce serait sur ces terrains que peut-être bien les entraînements de type militaire auraient eu lieu, c'est ça ?

Michel STASSIN : Oui, Monsieur le président.

Oui, et donc ici, il s'agit donc, comme Monsieur le juge vient de le dire, des bâtiments de stockage donc, pour le soufre, les différents produits chimiques, cartons d'emballage, etc.

Si je me souviens bien, donc, ces photos ont été réalisées lors de la première commission rogatoire, donc celle qui s’est liquidée… s’est déroulée, donc, du 1er au 13 mai 95. Et donc, on avait photographié ce minibus étant donné qu’il était question que certains véhicules, donc, de la SORWAL auraient transporté, donc, des militaires ou des miliciens durant les événements.

Damien VANDERMEERSCH : Mais, on a appris par la suite que l’ensemble du charroi avait été vendu au Zaïre, donc, ce qui laisse entendre que ce ne serait pas ces véhicules-là, les véhicules présents n’étaient pas ceux précédemment utilisés.

Voilà, alors on peut peut-être s’arrêter ici à cette photo. Donc ici, on est au bas de la descente, de la pente, donc, qu'on a vue. Et donc, on voit le bâtiment de production, on voit l'aire de déchargement qu'on verra plus en détail, et, comme on l'a souligné la… disons la pente. On a une idée de la force de la pente.

Alors, il y a… oui, il n'y a pas de problème. On peut passer peut-être à la dia suivante.

Le Président : Vous pouvez aller à la suivante, Monsieur l’huissier.

Damien VANDERMEERSCH : Donc là, on est toujours dans le même axe, mais un peu plus vers la vue de… vers le bas. Donc, c'est l'aire de déchargement du côté droit où il y avait des… à l'époque où on est passé, il y avait des branchages qui étaient sans doute des résidus du bois utilisé pour les allumettes.

Donc, on a la même vue, je vous dirais à moitié. Donc là, c’est plus vers le haut, avec le champ, donc, qu'on verra de façon plus détaillée.

Voilà, donc ici, on a donc la… ici on a une belle vue sur l’ensemble de l’aire de déchargement et donc, comme on peut observer - c’était d’ailleurs une des réflexions qu’on s’est faites sur place - c’est que l’ensemble donc est bétonné. Or, vous aurez vu que les chemins d’accès sont des chemins en terre et je dois dire que, par exemple la montée vers la prison et vers la SORWAL, c’était un chemin où il y avait des ornières assez importantes, donc, qui en cas de pluie, peuvent effectivement poser des difficultés. Alors, on a fait la remarque qu’il me semblait plus logique de s’embourber peut-être dans les chemins où il y a de la terre et des ornières qu’évidemment sur un endroit bétonné. J’avais fait aussi la réflexion à Monsieur HIGANIRO que si des terres avaient déboulé avec des fortes pluies, en principe, il n’y avait aucune raison, il n’y avait rien pour les arrêter ou pour, je dirais les accumuler. Alors, il m’a expliqué que c’était la force, je dirais de…

Le Président : D’inertie… ?

Damien VANDERMEERSCH : D’inertie qui aurait arrêté les boues un peu au fur et à mesure.

Alors ici, c’est une vue sur le champ avec, à droite… donc, on est dans le chemin qu’on a vu beaucoup plus… je ne sais pas quand la vidéo de VTM a été prise mais à mon avis, c’est plus récemment ou c’est antérieurement. Je l’ignore. Mais en tout cas, en 95, quand on est allé, donc, ce chemin n’était pas du tout dégagé comme vous l’avez vu. Il y avait de la végétation et donc on voit ici le rebord qui jouxte le… qui jouxte donc l’aire et on verra d’ailleurs la vue. Donc là, on arrive… le rebord le long du bâtiment et on aura une vue plus précise à ce sujet-là.

Alors ceci, c’est un exemple d’une des empreintes qu’on peut voir, et qui ont été faites sans doute pour faire des fondations d’un petit bâtiment qui était destiné à faire un poulailler ou un clapier.

Alors, c’est le champ dans toute sa végétation. On ne peut pas en dire plus au point de vue… Là, on voit la clôture.

Donc, voilà un exemple ici, d’un endroit où le Caterpillar avait travaillé.

Alors ici, donc, ici on est dans… alors, si on peut s’arrêter à cette photo. Parce que, sauf erreur de ma part, c’est en tout cas une de ces photos-ci sur laquelle Monsieur HIGANIRO m’a indiqué comment, selon lui, les terres avaient déboulé du champ. Donc, nous sommes sur l’aire d’emplacement. Le bâtiment est à droite, donc le bâtiment de production est à droite. Nous avons le chemin et donc il m’a fait - et ça se trouve d’ailleurs au dossier - il a fait des flèches en disant qu’il y avait de la boue qui était allée comme ceci, donc le long et par le chemin mais alors aussi, il a… deux, trois flèches qui montraient que la boue avait, je dirais, quelque part surmonté les talus, enfin passé par les talus et se serait déversée par cet endroit-là. Donc, la boue aurait été par-là et également par cet endroit-là. Et donc, on observe quand même le…

Michel STASSIN : Est-ce qu’on pourrait revenir à la précédente s’il vous plaît ?

Le Président : Oui.

Michel STASSIN : Donc, on voit bien ici, donc directement en bordure donc de la cour, le caniveau qui est ici, donc il est exact aussi, donc, qu’il y a une partie de ce caniveau qui est donc recouverte par une dalle en béton. Mais ça représente vraiment, disons, un minimum par rapport à toute la longueur de ce caniveau qui s’en va, donc, jusqu’à l’arrière de l’usine de fabrication d’allumettes.

Damien VANDERMEERSCH : Donc, ici on a la vue à partir du champ, donc on est un peu en surplomb puisque là il y a à peu près… je ne sais pas… on peut évaluer à peu près un mètre de surplomb à cet endroit-là, et donc on est dans les champs et on voit donc bien cette aire de stationnement, cette aire de déchargement.

Alors, ici, donc, c’est la vue latérale. Donc, le bâtiment de production est à droite avec l’aire de déchargement sur la droite et on voit donc ici bien le talus qui me semble, enfin qui m’est apparu en tout cas, assez fort découpé. Et, donc, on a ce talus qui fait tout le long avec le caniveau et, donc, qui continue pour se finir à la hauteur du chemin.

Donc, voilà la même vue.

Ici, on est de l’autre côté. On est à l’extérieur de l’usine avec le chemin extérieur et, donc, ça c’est la grille avec le chemin qui donne vers… mais qui n’est pas… en tout cas qui n’était plus utilisé au moment où on a pris les photos.

Et donc voilà ce chemin, donc, qui.. va vers l’air de déchargement. Donc ici, même vue avec Monsieur STASSIN qu’on voit prendre une photo, enfin je ne sais pas si c’est une photo de l’aire de déchargement.

Le Président : Bien. Alors, je vais demander le chargeur numéro 4… qui serait relatif à… au domicile de la famille HIGANIRO à Gisenyi ou à Kigufi.

Damien VANDERMEERSCH : Voilà, on voit la maison. Donc évidemment, ici il faut signaler qu’on est après les événements, donc la maison n’est pas… ne sera pas dans le même état que celui dans lequel on l’a vue dans la vidéo, et donc la vidéo, je dirais, est plus fidèle à ce niveau-là puisqu’elle est, je dirais, dans l’état où elle se trouvait le 6 avril, vraisemblablement plus ou moins. Ici, la maison était… était non occupée au moment où on est allé.

Le Président : Oui, vous pouvez passer les…

Damien VANDERMEERSCH : Donc, voilà ce sont les photos prises lors de la - sauf erreur de ma part - deuxième commission rogatoire. A ce moment-là on n’avait pas tout le récit et on ne s’était pas intéressé de la même façon que les photos… la série de photos suivante. On a pris plus la photo de l’environnement, euh… les photos de l’environnement par rapport aux déclarations que nous avions recueillies. Donc, ceci c’est vraiment les photos de la maison plutôt elle-même.

Le Président : Oui.

Damien VANDERMEERSCH : C’est le chemin d’entrée ceci, vers la maison.

Donc, ici, c’est la vue de la terrasse, comme on a vu tout à l’heure, avec, là au bout, la pointe où se trouve la maison de l’évêque.

Le Président : Je vais vous demander alors, Monsieur l’huissier, le chargeur numéro 12, d’abord, qui concerne encore la maison de Monsieur HIGANIRO. Chargeur numéro 12 d’abord. On passera le 11 après. Le 12 parce que ça concerne encore la maison de HIGANIRO. Le 11 concerne une autre maison.

Damien VANDERMEERSCH : Voilà, donc, la maison de Monsieur HIGANIRO. Donc, ceci, c’est la pièce intérieure, la salle de séjour. Donc cette… comme on le voit à la date, ça a été pris lors de la 3e commission rogatoire.

Voilà, donc ça, c’est la vue de la maison d’HIGANIRO, vers du côté du couvent des sœurs de Kigufi, donc le couvent qui est… qui est derrière la végétation, qui est caché.

Et donc ça, c’est la vue dans l’autre sens, et donc ça, c’est la maison de Benoît le témoin 123.

Et donc là, c’est la vue vers la maison de l’évêque. On voit que le niveau du lac est un peu plus bas.

Donc, la même chose.

Voilà une vue, donc, un peu plus précise, donc, de tout, de ce qu’on appelle la maison de l’évêque. Donc, c’est là que Olivier se serait réfugié. Et donc, c’est la vue dans l’autre sens. Donc, c’est là que Olivier se serait réfugié. Oui donc on voit à peu près. Et il parle d’ailleurs d’avoir été en partie à la nage.

Et la photo suivante, donc, c’est de la maison de l’évêque, la vue de la maison de HIGANIRO. Donc, on voit… c’est la vue dans l’autre sens. Et donc le couvent est là, le couvent de Kigufi est là et la maison du voisin est cachée là, elle est plus petite donc, manifestement plus petite. On a vu lors de la photo que c’est une maison beaucoup plus petite, c’est pas style villa. C’est une petite maison telle qu’il y en a beaucoup au Rwanda.

Le Président : Oui. Je vais demander maintenant à Monsieur l’Huissier, le chargeur numéro 11 qui concerne des vues, en fait, de la maison de… du président HABYARIMANA Juvénal à Gisenyi.

Damien VANDERMEERSCH : Je ne sais pas si ça… On peut voir à travers ça que c’est une maison qui est au bord du lac également.

Le Président : Oui, mais il n’y a pas beaucoup de photos. Et elles n’étaient donc pas situées l’une à côté de l’autre ?

Damien VANDERMEERSCH : Non, non, elles n’étaient pas situées l’une à côté de l’autre, c’est à peu près une distance de… je ne sais pas…

Le Président : Monsieur HIGANIRO nous a dit ce matin, 8-10 km.

Damien VANDERMEERSCH : Oui, ça doit être à peu près ça.

Donc, c’est-à-dire que la route à ce niveau-là était en bien meilleur état que la route qui mène jusqu’à chez Monsieur HIGANIRO.

Le Président : Jusqu’à l’abri…

Damien VANDERMEERSCH : Donc, il y une route macadamisée qui longe le lac pendant tout un temps. Et elle est assez bonne sauf quand on… je dirais enfin, Monsieur HIGANIRO se trouve au-delà de la maison du président et c’est vrai que là, la route est en moins bon état qu’à la hauteur de la maison du président.

Le Président : C’est cela.

Damien VANDERMEERSCH : Avant cela, c’est une route en macadam.

Donc on voit, c’est une maison également qui donne sur le lac. La maison était inhabitée au moment… en 95, quand on a pris ces vues.

Donc, c’est la maison, une vue de la maison avec… donc, qui jouxte le lac également.

Le Président : Oui, je vais encore vous demander, Monsieur l’huissier, le chargeur numéro 17 qui concerne de nouveau l’aire de déchargement de la SORWAL.

Damien VANDERMEERSCH : Qui n’ajouteront pas tellement. Ce sont des photos qu’on a…

Le Président : Où en tout cas, on voit le bois et…

Damien VANDERMEERSCH : Voilà, où on voit le bois. Et on voit de nouveau bien le profil, le profil du champ et surtout du surplomb du champ.

Voilà donc, on voit ici la grille. Ça, c’est lors de la troisième commission rogatoire que ces photos ont été prises tandis que les autres ont été prises lors de la dernière… lors de la deuxième commission rogatoire et donc on a le bâtiment de production à cet endroit-là.

Donc ici, on voit donc le… c’est du bois qui avait été déchargé, mais donc on voit bien la bordure du champ et on voit d’ailleurs, on peut voir la profondeur du caniveau ici, pour avoir une idée de la profondeur du caniveau.

Là, donc, on a la même vue avec la bordure.

On peut voir quand même ici le découpage qui est vraiment… l’angle qui est assez… qui est quand même assez prononcé, qui n’est pas un angle doux mais qui est quand même assez fort découpé. On le voit là et ici de ce côté-ci.

Le Président : Et alors, je vais vous demander enfin Monsieur l’huissier, les photos du chargeur numéro 21 qui sont relatives aux enfants du couple le témoin 123 Benoît et NIWEMUKOBWA Constance.

Damien VANDERMEERSCH : Oui, qui sont les survivants de… Si je me souviens bien, la sœur… la soeur d’Olivier qui était âgée à peu près d’un an de plus n’a pas pu être entendue, si je me souviens bien, en raison de son état mental.

Michel STASSIN : Oui, elle est devenue handicapée par les faits.

Donc ici, donc voici la photo du témoin 123. A l’époque le garçon devait avoir aux alentours de 14 ans.

Damien VANDERMEERSCH : C’est une photo qui a été prise en 1995, donc en octobre 1995. Octobre ? Oui, septembre-octobre, donc début octobre.

Michel STASSIN : Donc, ici on voit donc une des cicatrices suite à un coup de machette qu’il a reçu, donc, au niveau du front.

Voilà, ici je crois que c’est encore beaucoup plus parlant ­ donc, c’est ici au niveau de l’épaule - également coup de machette. Comme, donc, il pourra relater lors de son témoignage puisqu’il est appelé à venir devant la Cour.

Le Président : Ici, il s’agit de Sylvie…

Michel STASSIN : Sylvie, donc sa sœur, qui elle, donc, si je me souviens bien, à reçu, donc, des coups au niveau, donc, de la tête et suite à cela, donc, elle a… elle a un handicap mental.

On voit également donc une partie de la cicatrice, là au niveau du front, au-dessus de l’œil gauche.

Ça, c’est un… une rescapée également. Je pense…

Le Président : C’est Raïsa.

Michel STASSIN : Ah, Raïsa.

Et ça, ça doit être la petite Yvette si je ne m’abuse. Effectivement.

Damien VANDERMEERSCH : C’est Yvette.

Le Président : C’est Yvette.

Eh bien, voilà. On peut rallumer dans la salle. Les témoins peuvent reprendre leur place habituelle.