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8.5.1. Audition et questions, commission rogatoire, diapositives
Le Greffier : La Cour.
Le Président : L’audience
est reprise. Vous pouvez vous asseoir et les accusés peuvent prendre place.
Quels sont les témoins qui sont déjà présents ?
Le Greffier : [Inaudible,
sans micro]
Le Président : Pas d’objection
à ce que ces témoins, enquêteurs et juge d’instruction soient entendus ensemble,
j’imagine. Donc, ceux qui sont présents peuvent approcher de ces témoins. Je
vous signale que le témoin de cet après-midi, le témoin 106, a fait parvenir
un courrier ou un fax signalant qu’il ne se présenterait pas. Je ne pense pas
qu’il avait déjà été entendu.
« J’accuse réception de votre lettre du 6
avril m’invitant à comparaître le… Seulement je me trouve dans l’obligation
de porter à votre connaissance que, suite aux contraintes de service, je ne
pourrai pas honorer cette invitation. La possibilité de me faire représenter
au service a été envisagée mais sans issue favorable ».
C’est daté du 30 avril. Je vois que cela aurait peut-être bien été
faxé le 1er mai. Est-ce qu’on peut déjà acter que les parties renoncent à l’audition
de Monsieur le témoin 106 ?
Non Identifié : Bien sûr,
Monsieur le président.
Le Président : Hier, Monsieur
le juge d’instruction, vous avez déjà prêté serment. Je crois qu’il n’y a que
Monsieur DELVAUX qui n’a pas encore prêté serment.
André DELVAUX : Tout à fait.
Le Président : Je vais vous
demander, Monsieur DELVAUX, quels sont vos nom et prénom.
André DELVAUX : André DELVAUX
Le Président : Quel âge avez-vous ?
André DELVAUX : 40 ans.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
André DELVAUX : Inspecteur principal.
Le Président : Quelle est
votre commune de domicile ou de résidence ?
André DELVAUX : A Bruxelles.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés avant les faits mis à leur charge ?
André DELVAUX : Non, Monsieur
le président.
Le Président : Etes-vous
parent ou allié des accusés ou des parties civiles ?
André DELVAUX : Non, Monsieur
le président.
Le Président : Etes-vous
attaché à leur service ?
André DELVAUX : Non, Monsieur
le président.
Le Président : Je vais vous
demander de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment de témoin.
André DELVAUX : Je jure de parler
sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Je vous remercie,
vous pouvez vous asseoir, Monsieur DELVAUX. Euh… A l’intention des quatre témoins
présents, on va en tout cas, débuter aujourd’hui votre audition à propos des
faits de Sovu. Deux témoins devant venir d’Allemagne avaient été convoqués fin
d’après-midi et donc, on n’a pas pu les déplacer. Il y en a un qui a déjà fait
savoir qu’il ne viendrait pas. Le deuxième, on n’a pas de nouvelles, il se présentera
peut-être. Il n’est donc pas exclu que nous n’entendions pas tout aujourd’hui.
Il y a encore deux heures qui sont prévues lundi pour compléter éventuellement
votre audition d’aujourd’hui. Je suis désolé de toutes ces perturbations dans
le timing.
Damien VANDERMEERSCH : Nous sommes
à la disposition de la Cour suivant la formule consacrée.
Le Président : La formule
consacrée devient quasi effective, dans ce cas-ci en tout cas. Monsieur le juge
d’instruction, je vais vous demander, comme vous l’avez fait pour les deux précédents
volets, de bien vouloir dresser la synthèse des éléments que vous avez recueillis
à charge et à décharge, éléments matériels et éléments de témoignage en ce qui
concerne les deux accusées, Madame MUKANGANGO et Madame MUKABUTERA, en ce qui
concerne les faits qui se sont déroulés en avril et mai 1994, au couvent de
Sovu. Je vous laisse le soin de tracer votre synthèse.
Damien VANDERMEERSCH : Oui, je
vais peut-être faire une petite demande, c’est si je peux m’exprimer avec sœur
Gertrude et sœur Kizito, comme… s’il n’y a pas d’objection à ce que… ce qui
sera peut-être plus facile parce que c’est sous cette appellation, enfin sous
cette dénomination-là qu’elles sont chaque fois citées dans le dossier. Alors,
je préférerais plutôt que ma langue ne fourche pas chaque fois sur les noms,
comme cela il n’y aura pas de confusion entre les personnes désignées.
Alors, pour ce volet-là du dossier, comme je l’avais expliqué au
départ, je n’ai été saisi de ce dossier que dans un second temps. D’ailleurs,
il porte le n° 6295, les autres… le dossier principal, puisque ce dossier-ci
a été joint à la clôture de l’instruction, l’autre dossier était le 3795, donc
vous voyez qu’il y a eu toute une série de dossiers entre les deux. Mais donc
6295, pourquoi ? Parce que c’est un dossier qui a commencé par une constitution
de partie civile de sœur Gertrude, qui s’est constituée partie civile contre
un journaliste qui avait écrit un article à propos de sa prétendue responsabilité
durant les événements en 1994 et elle avait donc porté plainte contre ce journaliste,
du chef de dénonciation calomnieuse, plainte avec constitution de partie civile,
ce qui implique qu’un juge d’instruction a été saisi. Ce n’est pas moi-même
qui ai reçu la plainte mais comme la vérification de cette plainte, du fondement
de cette plainte, impliquait qu’on enquête, le cas échéant, si on voulait vraiment
pouvoir vérifier l’ensemble des éléments, euh… implique évidemment la dénonciation
calomnieuse, il fallait évidemment voir si les faits dénoncés correspondaient,
avaient une certaine réalité, oui ou non. Et c’est la raison pour laquelle le
dossier a été redistribué chez moi. Redistribué, c’est-à-dire, c’est une mesure,
ce qu’on appelle, de bonne administration de la justice, par le président du
Tribunal en disant : « Ce sera peut-être bien que Monsieur VANDERMEERSCH
s’en occupe puisqu’il est déjà chargé des autres dossiers qui concernent une
problématique connexe, une problématique en tout cas concernant, en termes de
temps et de lieu… », qui était, évidemment, tout à fait proche.
J’ai reçu des instructions complémentaires du parquet, donc initiative
du parquet, de me demander, non seulement d’enquêter sur la question de la dénonciation
calomnieuse, mais d’enquêter sur les faits eux-mêmes et là, c’était en cause
de sœur Gertrude et sœur Marie Kizito, donc, où là, je dirais, c’est effectivement
un peu l’effet croisé, mais cela concerne bien entendu la même problématique,
mais là où, je dirais, de partie civile, et donc d’ailleurs sœur Gertrude est
partie civile également dans ce dossier-là, elle s’est retrouvée également dans
le statut d’inculpée, c’est-à-dire de l’autre côté, comme pouvant être mise
en cause. Je vous explique cela pour vous… pour vous expliquer évidemment… pour
vous dire pourquoi nous n’avons pas enquêté sur ces faits-là durant les première
et seconde commissions rogatoires. Je n’étais pas en charge du dossier, c’est
aussi simple que cela. Donc, je n’avais pas à enquêter, ce serait d’ailleurs
frappé de nullité si j’enquêtais sur des faits dont je n’étais pas saisi. Donc,
nous n’avons pas, lors des première commission rogatoire et deuxième commission
rogatoire, enquêté sur ces faits-là. C’est principalement lors de la commission
rogatoire du 25 septembre au 14 octobre que nous avons été amenés à, parmi
d’autres devoirs, à également, donc, diligenter et procéder à toute une série
d’auditions concernant les faits. Cela explique peut-être pourquoi aussi on
a fait une seconde commission rogatoire en 2000, donc février… à cheval entre
février et mars 2000 - on était au moment de la clôture de l’instruction - où
également une commission rogatoire d’une semaine, beaucoup plus courte, a été
dépêchée et je me suis déplacé pour procéder à certains devoirs sur lesquels,
bien entendu, je reviendrai.
Alors, en ce qui concerne les éléments recueillis dans le cadre de
cette affaire, je dirais que c’est… ce sont les faits pour lesquels on est quand
même parvenu à recueillir de nombreux témoignages, je dirais, de tous horizons.
Je dirais, par rapport à ces faits-là, je pense qu’on a… on n’a pas pu entendre
tout le monde, il y a des personnes qui ne sont pas localisées ou dont on ne
peut pas savoir exactement où elles se trouvent ou il a été impossible, mais
enfin, il y a quand même une bonne partie des personnes qui étaient concernées
ou qui pouvaient être concernées et qui ont pu être entendues. Je m’explique.
Il y a notamment, d’abord, témoins sur place, c’est tous les membres de la communauté
de Sovu, rescapés, bien entendu. Vous le savez, je suppose, c’est qu’il y a
neuf sœurs qui sont décédées mais à un stade qui ne concerne pas les faits au
moment donné, c’était au moment donné où elles fuyaient en direction du Burundi,
au début du mois de juillet 94. Or, les faits qui vont nous préoccuper ici concernent
le mois d’avril jusqu’au 6 mai principalement, la période étant d’ailleurs,
pour les massacres dont il est question, du 22 avril au 6 mai. C’est donc cette
période-là qui va… qui nous concerne directement.
Nous avons pu entendre, donc, les sœurs faisant partie de la communauté.
Il y a un nombre important de sœurs qui étaient à Maredret, ici en Belgique
puisque la communauté mère, la maison mère de la congrégation, se trouve à Maredret,
ici en Belgique et donc toute une série de sœurs s’étaient réfugiées, d’ailleurs
l’ensemble de la communauté avait fui, vers la Belgique, vers la maison mère,
ce qui est assez normal et c’était donc euh… résidait donc en Belgique, ce qui,
pour nous, était évidemment davantage plus facile puisqu’on pouvait les entendre
ici, je dirais presque à domicile, dans le sens où c’était en Belgique, ce qui
rendait les choses plus faciles. Il y a cependant quatre sœurs, ou plutôt -
je dois m’expliquer si je ne me trompe pas - c’est deux sœurs et deux novices
qui entre-temps étaient retournées au Rwanda et que nous avons entendues au
Rwanda. Il y avait notamment la sœur Scholastique et la sœur Marie-Bernard et
deux novices qui ont été entendues au Rwanda. Nous avons entendu au Rwanda également
un ensemble de personnes qui se déclaraient rescapées des massacres qui auraient
eu lieu à Sovu et donc, qui ont apporté leurs témoignages ; témoignages
qui ont été donc recueillis et qui ont donné certains éléments et un certain
éclairage.
Nous avons pu également entendre, et notamment lors de la dernière
commission rogatoire, différentes personnes qui étaient désignées… qui étaient
détenues et qui étaient désignées comme impliquées elles-mêmes dans les massacres.
Donc, ces personnes-là, nous les avons entendues, dont notamment Monsieur REKERAHO
qui était désigné comme le chef des miliciens, donc le chef des Interahamwe.
Et je reviendrai… si vous le permettez, je vais revenir sur cette audition parce
que, évidemment, elle a un statut un peu particulier puisque cette personne
a été entendue en ma présence mais elle a été également entendue dans le cadre
du Tribunal international, et je crois savoir que cette personne, devant un
journaliste, a laissé entendre qu’elle se rétractait. Je pense qu’il est important
que je rencontre bien cette audition de façon tout à fait, je vais dire, claire,
pour en tout cas que je puisse vous communiquer les éléments que moi-même… dont
moi-même je peux, disons, personnellement témoigner.
Alors, en ce qui concerne l’ensemble de ces témoignages, je dois
quand même, dès le départ - parce que c’est un des éléments auxquels nous avons
été confrontés - c’est évoquer la situation quand même très difficile dans laquelle
se sont trouvées les sœurs rescapées par rapport aux témoignages et par rapport
au fait de témoigner devant une autorité judiciaire.
On a retrouvé… on a saisi des documents. Nous avons saisi des documents
à Maredret. On a fait une perquisition à Maredret où on a saisi différents documents.
Egalement les autorités rwandaises ont arrêté - c’était au mois de septembre…
au mois de septembre 1995, donc juste avant notre arrivée en commission rogatoire
- ont arrêté le père COMBLAIN qui était en possession également de certains
documents et, sauf erreur de ma part, il avait été arrêté parce qu’il était
soupçonné de tenter de suborner certains témoins. En ce qui concerne l’analyse
de ces documents, il me paraît important de les évoquer pour quand même pouvoir
vous éclairer sur les circonstances dans lesquelles les différentes sœurs sont
appelées à témoigner.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la sœur Scholastique et la sœur Marie-Bernard
sont rentrées au Rwanda en décembre 1994, je dirais à l’insu ou en tout cas,
sans l’accord de leurs autorités hiérarchiques religieuses. Et donc, elles se
sont trouvées… première question d’ailleurs qui est évoquée ou premier problème
qui est évoqué dans les différents documents saisis, c’est la question de la
désobéissance d’avoir quitté la Belgique sans prévenir et d’être retournées
à Sovu, d’initiative sans en référer, sans avoir l’autorisation de leurs supérieures.
Deuxième élément posant problème et qu’on retrouve… dont on retrouve trace dans
les documents et qui ne nous concerne alors plus directement, c’est la question
des accusations formulées… qu’on attribuait à sœur Scholastique et sœur Marie-Bernard,
et sans doute à bon droit, c’est qu’elles avaient formulé des accusations à
l’égard de leur sœur supérieure, donc sœur Gertrude.
Dans ces documents - et on retrouve des documents, je dirais, qui
datent déjà à partir du mois de mars-avril 1995, on retrouve des documents,
notamment de l’abbé CULLEN - l’abbé CULLEN est un abbé de nationalité irlandaise
mais qui est le président de la congrégation, donc, c’est en tant que président
qu’il a écrit certains documents - et donc, on retrouve assez rapidement euh…
le problème qui est qualifié, donc, le problème de ce que sœurs Scholastique
et Marie-Bernard auraient déclaré, que c’est qualifié très rapidement de diffamation,
d’accusation mensongère. Donc, c’est quelque chose… c’est, quelque part, une
prise de position très rapide qui a été faite par les autorités, c’était de
dire que c’étaient des mensonges. Et donc, on retrouve ça très rapidement dans
les documents en disant : « Une prise de position », en disant :
« Ce sont des mensonges. Nous avons pu prendre nos renseignements et ce
sont des accusations qui sont sans fondement ».
Dans ces documents, un document - parce que je pense que ça peut…
cela aura pu, peut-être, avoir une incidence sur la portée des auditions auxquelles
nous avons procédé par la suite - il y a eu une réunion, une sorte… c’est qualifié…
je ne suis pas spécialiste en droit canonique, mais on parle d’une visite canonique,
un rapport d’une visite canonique faite notamment par l’abbé DAYEZ - l’abbé
DAYEZ qu’on retrouve un peu comme l’abbé CULLEN (l’abbé DAYEZ est le responsable
de l’abbaye de Maredsous, qui est tout à fait, je dirais, voisin) - et donc,
l’abbé DAYEZ, on le retrouve d’ailleurs par la suite également comme intervenant
dans la problématique pour résoudre le conflit puisqu’il y avait un conflit,
bien entendu, qui était présent : ces deux sœurs qui étaient rentrées au
Rwanda en situation qualifiée de désobéissance flagrante et, d’autre part, la
communauté reste en Belgique et sœur Gertrude dont on faisait état qu’il était
impossible qu’elle retourne au Rwanda parce qu’elle risquait d’avoir des problèmes
suite aux accusations de ces deux autres sœurs. Et dans cette réunion, donc,
dans cette réunion de visite canonique qui dure quand même quelques jours -
c’est du 26 juin 1995 au 4 ou 5 juillet 1995, donc, ça dure une bonne semaine
- et donc, il y a un rapport qui est établi où effectivement on parle de diffamation,
là c’est bien clair, c’est qualifié en termes de diffamation, donc, ce qui a
été rapporté par sœur Scholastique et sœur Marie-Bernard.
Et je ne vous cache pas qu’il y a une phrase qui m’a frappé dans
ce rapport, c’est que, un moment donné, il est écrit que s’il y a critique à
l’égard de sœur Gertrude, il y a lieu… on doit alors l’adresser à l’ensemble
de la communauté et on ajoute : « Il faut aider les sœurs - et on
vise là, la sœur Scholastique et la sœur Marie-Bernard - il faut aider les sœurs
à admettre qu’elles ont beaucoup de torts et qu’elles ont fait beaucoup de tort ».
Je ne vous cache pas que cette phrase me pose un peu de questions parce que
c’est évidemment une question de dire : « Mais, si sœur Gertrude est
coupable, vous êtes toutes coupables » - c’est quand même fort culpabilisant
- et donc : « Si vous faites des déclarations qui mettent en cause
sœur Gertrude, cela pourrait être interprété comme des déclarations vous mettant
vous-même en cause ».
Donc, on voit quand même ce glissement où, dès le départ, c’est un
mensonge. Alors, on retrouve le même glissement, je dirais, tout en respectant
bien entendu la présomption d’innocence, mais ici, dans le dossier, elles vont
dans les deux sens, puisque vous avez une plainte de dénonciation calomnieuse,
vous avez dans l’autre sens, une accusation de responsabilité dans… dans le
cadre de ce qui s’est passé à Sovu. Moi, je dis, en tant que juge d’instruction,
que je n’ai pas de préjugés, j’ai à voir simplement ce qu’il en est et donc,
ici, je ne me base pas du tout sur le fond, je procède simplement à l’analyse
mais c’est vrai que dès le départ, on semble avoir pris une position.
Et on retrouve alors là, le père COMBLAIN… la mission du père COMBLAIN.
Il semblerait que le père COMBLAIN ait été chargé par les autorités religieuses,
d’aller rencontrer les deux sœurs au mois d’août 1995. Cela s’est d’ailleurs
passé, il y a eu une réunion le 15 août 1995, à Butare, entre la sœur Scholastique,
la sœur Marie-Bernard et le père COMBLAIN. Et on voit que la mission… Et c’est
confirmé parce que, lors de cette rencontre, il y a un premier entretien. Le
père COMBLAIN fait un rapport où il dit : « J’ai rencontré les sœurs
mais les sœurs ne sont pas prêtes à se désolidariser des rumeurs comme je leur
avais proposé » - donc, l’objet étant de se désolidariser des rumeurs -
et la sœur Scholastique aurait répondu : « Vous n’avez pas de
mandat donc, moi, j’estime que je ne veux pas signer de documents », la
sœur Marie-Bernard avait été plus loin en disant : « Moi, je n’accepte
pas de signer un document sans avoir discuté avec l’ensemble de la communauté ».
Et d’ailleurs, les deux sœurs dans le rapport, c’est indiqué, qu’elles s’étonnent
un peu qu’on fasse tellement de cas par rapport à sœur Gertrude et les accusations
dont elle fait l’objet mais on ne fait peut-être pas beaucoup de cas des morts
qu’il y aurait eu, et donc, laissant entendre qu’il y avait toujours un problème
qui subsistait.
Lettre du 4, donc… On peut présumer que père COMBLAIN a fait rapport,
donc, a transmis ce rapport et a posé la question du mandat et donc, vient avec
une lettre du 4 septembre 1995, signée notamment par l’abbé CULLEN, le supérieur,
et qui transmet le mandat. Là, je dirais, c’est une lettre très claire - elle
a le mérite d’être très claire - où la mission du père COMBLAIN, c’est…
face aux accusations mensongères, il faut que les sœurs se rétractent. Et on
parle d’ailleurs… c’est une condition pour qu’elles puissent encore être admises
dans la communauté. Dans cette lettre-là, on joint également un communiqué de
presse que l’abbé CULLEN avait fait début du mois de septembre, où c’était un
démenti des accusations. Dans le courrier, on dit : « C’est le minimum
que les sœurs devraient signer ». Donc, elles devraient se désolidariser
des rumeurs mais qu’elles devraient formellement, formellement donc, se désolidariser,
je dirais, et dire que sœur Gertrude est innocente. Et c’est là qu’on voit quand
même un glissement un peu étonnant, c’est que finalement, dans ces documents,
sœur Gertrude est déclarée… est présentée comme victime d’agissements calomnieux
et les deux autres sœurs sont présentées comme, je dirais, ayant une certaine
culpabilité puisque, à un moment, dans la lettre, on dit : « Mais,
si elles sont innocentes, qu’elles viennent s’expliquer en Belgique et qu’elles
prouvent leur innocence ». Donc, ce sont les termes qui sont employés dans
cette lettre.
Voilà, c’est un contexte évidemment dont je devais faire état qui
montre quand même dans quel environnement les sœurs sont appelées, et dans quel
environnement conflictuel - il y avait manifestement un conflit - dans quel
environnement conflictuel les sœurs témoins, je dirais, ont été appelées à apporter
leurs témoignages. Et c’est vrai qu’on a eu des témoignages assez différents
selon que les sœurs - nous avions entendu les sœurs au Rwanda - ont donné des
témoignages, je dirais, quelque peu quand même différents que les sœurs ici,
entendues en Belgique. On a été quand même frappé, lors des auditions ici en
Belgique, c’est que les sœurs souvent ne savaient pas ou n’avaient pas vu ou
étaient recluses dans le monastère, étaient au courant, semble-t-il, de peu
de choses, à la différence des sœurs qui étaient au Rwanda où les déclarations
me paraissaient quand même beaucoup plus détaillées, bien entendu sans préjuger
du tout de la crédibilité à accorder à ces déclarations, mais on peut constater
que, d’un côté, il semblait qu’il y avait plus de retenue que de l’autre côté.
Alors, j’en viens à la chronologie des événements. Et là, Monsieur
le président, je crois que, en rassemblant et en refaisant une synthèse des
éléments du dossier, je dois vous dire qu’on arrive à une certaine cohérence
dans le sens où l’ensemble des éléments recueillis de part et d’autre - je vous
ai dit, on a eu les auditions des sœurs en Belgique, les auditions des sœurs
au Rwanda, les auditions, bien entendu, de sœur Gertrude et de sœur Marie Kizito,
les auditions des témoins sur les collines, les auditions également de certaines
personnes qui étaient détenues à Butare - et je dois vous dire qu’en reconstituant
l’ensemble de la chronologie des événements, quelque part, tout le monde est
assez d’accord. Et même, est assez d’accord, je dirais, de façon très approfondie
sur, je dirais, les positions, les relations de chacun, les… sous réserve de
quelques points que, bien entendu, je rencontrerai, sur lesquels il y a discussion,
il y a désaccord, mais sur l’ensemble des éléments, il y a, semble-t-il, une
version commune. Cela ne veut pas dire que la lecture des événements est la
même, bien entendu, mais sur le déroulement et le contenu même des événements
et des contacts qu’il y aurait eu, je suis assez frappé par le fait qu’il y
a quelque part une version commune, une version… enfin je dirais, un commun
dénominateur assez important. Alors, c’est ça que je vais essayer de vous relater,
c’est cette chronologie avec les éléments sur lesquels… les éléments rapportés
par les uns et les autres et, bien entendu, en mettant en évidence s’il y a
l’une ou l’autre dissension entre les différentes versions recueillies.
En ce qui concerne le monastère de Sovu, pour bien comprendre les
événements, il faut peut-être distinguer les catégories de personnes qui étaient
dans le monastère au moment des faits, au moment des événements. On peut parler
de quatre catégories de… on a parlé de réfugiés, mais ce n’est pas tout à fait
cela parce que la première catégorie n’était pas des réfugiés. Donc, il y avait
quatre catégories que je qualifierai de personnes.
Première catégorie, ce sont des personnes venant de Kigali, des Rwandais
venant de Kigali qui étaient en session - on parle des gens en session donc,
qui étaient présents au monastère, je dirais, au début, avant les événements,
de façon tout à fait normale puisqu’il y avait une hôtellerie au monastère et
je dirais, comme on pouvait faire des retraites ou des sessions, donc, le couvent
de Sovu accueillait des gens qui pouvaient tenir des sessions. C’étaient des
gens qui n’ont jamais été présentés, semble-t-il, sous réserve peut-être de
l’une ou l’autre personne Tutsi, mais majoritairement, elles n’ont pas été présentées
comme des personnes menacées. Que du contraire, il semblait que c’étaient des
personnes qui, pendant les événements, ont pu continuer à circuler, ou en tout
cas certaines personnes d’entre elles, et on parle même d’ailleurs que deux
des personnes en session étaient même armées. Donc, ce n’étaient pas des réfugiés
au sens du terme, ils étaient présents avant, je dirais, les événements, avant
le début des événements et ils sont restés peut-être un peu par la force des
choses parce que la circulation était… vis-à-vis… par rapport à Kigali, était
peut-être moins évidente, mais ce n’étaient pas des gens qui ont été présentés
comme étant menacés.
Deuxième catégorie de personnes, c’étaient les familles des sœurs
et j’ajouterai Tutsi parce que là, c’étaient les familles de certaines sœurs
Tutsi qui s’étaient réfugiées dans le couvent. On parle d’une trentaine, à peu
près, de personnes.
Troisième catégorie de réfugiés, là, je peux prendre le terme réfugié,
puisque deux, trois, quatre ce sont des réfugiés, enfin à mon sens ils peuvent
être qualifiés comme tels. Troisième catégorie, c’est les membres du personnel
du couvent et les membres de leur famille qui étaient venus se réfugier au couvent.
Et la quatrième catégorie étant les gens des environs, les gens des
collines environnantes qui étaient venus se réfugier, ou même des gens d’ailleurs
qui étaient venus, je dirais, d’ailleurs se réfugier d’abord sur les collines
et puis au couvent de Sovu. Dernière catégorie où là - je vais commencer par-là
puisque, je dirais, au point de vue chronologie, c’est par rapport à ces personnes-là
que se posent… s’est posé d’abord les… se sont posés d’abord les premiers problèmes
- et donc, ces personnes… on parle d’un premier flux de réfugiés des collines,
venant des collines avoisinantes. Alors, cela ne veut pas dire nécessairement
qu’ils pouvaient venir de plus loin, mais, je dirais, physiquement, ils sont
qualifiés comme venant des communes avoisinantes, donc des collines avoisinantes
puisque c’est un endroit où il y a des collines, enfin comme partout au Rwanda,
mais enfin bref, autour de Butare c’était sûrement vrai à cet endroit-là et
également donc, des personnes… on parle de certaines personnes qui venaient
de plus loin.
17 avril. Je vous avais dit que, lors du discours du président, le
19 avril, que c’était le calme toujours dans la commune de Butare ville. Ici,
on se situe… Sovu, on peut situer à peu près de 7-8 kilomètres… Monsieur STASSIN ?
7-8 kilomètres du centre, hein… On peut, à peu près, donc, situer 7-8 kilomètres…
7-8 kilomètres, donc, de piste - ce n’est pas une route en macadam - c’est quand
même une certaine distance, donc, ce n’est plus, bien entendu, la ville de Butare,
c’est considéré déjà comme une commune périphérique. Les premiers réfugiés viennent,
dit-on, des femmes et des enfants, les hommes étant restés sur les collines
pour occuper les maisons ou pour se défendre. Et, dit-on - c’est l’ensemble
des déclarations qui semblent l’indiquer - que comme on semble indiquer que
ça a été peut-être… que tout est calme sur les collines, les gens rentrent chez
eux… rentrent chez eux le 17 ; donc, femmes et enfants sont arrivés puis
ils sont rentrés chez eux, semble-t-il, immédiatement le 17 parce qu’on avait
dit que la situation était calme. C’était peut-être à titre… je dirais, par
peur, entendant par peur, je dirais, d’émeutes ou de problèmes, qu’ils s’étaient
réfugiés puisque les hommes étaient restés sur place. On n’a pas fait état vraiment
à ce moment-là de problèmes réels sur les communes et dans les communes avoisinantes
mais qu’ils sont retournés sur les collines.
Le 18 avril, il y a un événement et un événement qui est rapporté
par tout le monde. Un événement où l’on parle que le bourgmestre de Huye - c’est
quelqu’un qui reviendra dans le cadre du récit des événements - Monsieur Jonathan
RUREMESHA, donc, le bourgmestre de Huye - on va l’appeler Jonathan dans la suite,
ce sera peut-être plus facile donc, est venu sur une des collines et aurait
posé la question à la population de qui savait utiliser des armes, qui était
disposé ou qui était en tout cas habilité à manier des armes, et on fait état
qu’il aurait donné deux grenades à deux jeunes et qu’un des jeunes aurait lancé
une ou plusieurs grenades et on parle à ce moment-là d’un Tutsi qui a été tué
par cette grenade, un certain RANDGIRA ou RANGIRA. Et donc, cet événement est
vraiment relaté par plusieurs réfugiés mais également une des personnes que
nous avons entendues lors de la dernière commission rogatoire, reconnaît avoir
lancé cette grenade, reconnaît l’avoir reçue du bourgmestre, donc, il met en
cause le bourgmestre, et reconnaît l’avoir lancée. J’ai entendu sœur Gertrude
à ce sujet-là, à l’époque, et elle m’a dit également qu’elle avait entendu par
les réfugiés que le bourgmestre avait pris le côté des Hutu et n’avait pas été
bon à ce moment-là.
Donc, le 18 avril, cet événement semble être relayé et donc, semble
être conforté par des témoignages, je dirais, de différents horizons. Suite
à cela (grenades et, semble-t-il, quand même, donc, problèmes et morts), les
réfugiés sont arrivés en masse à ce moment-là, sont revenus en masse et, semble-t-il,
en beaucoup plus grand nombre, au monastère et donc, on est le 18 avril. Le
18 avril, des réfugiés reviennent en masse au monastère et, semble-t-il, sont
orientés vers le centre de santé. Alors, nous verrons sur les photos - ce sera
peut-être tout à l’heure, demain, euh… demain, ou lundi, suivant le temps dont
nous disposerons - le centre de santé fait partie, enfin je dirais, dépend du
couvent ; il y a des sœurs qui travaillaient au centre de santé situé à
peu près à 200 ou 300 mètres du couvent. Nous verrons les photos… on a pris
des photos avec le couvent dans le dos, vers le centre de santé et dans l’autre
sens, donc, ce sont des photos qui sont… dont vous disposez peut-être, mais
je ne sais pas ce dont vous disposez. Mais donc, le centre de santé est situé…
on le voit du couvent. Et donc, ces réfugiés sont orientés vers le centre de
santé et donc, hébergés à cet endroit-là. Et, semble-t-il, le 18 ou le 19, c’est
confirmé de nouveau par plusieurs témoignages, on parle de fausses grenades,
de pétards ou de vraies grenades, d’explosions, en tout cas, il y a des explosions,
qui fait que le soir, soit le soir du 18, soit le soir du 19, une partie des
réfugiés reviennent dans la cour intérieure du couvent parce qu’il y a eu des
fausses grenades - sœur Gertrude parle de fausses grenades lancées par les Interahamwe
pour faire peur - mais il y a toute une série de réfugiés qui reviennent dans
le couvent.
Et il pleut, plusieurs témoignages font état qu’il pleut. Et comme
il n’y a pas assez de place dans le bas, il semblerait qu’on ait ouvert les
magasins - on verra les magasins sur les photos - qui sont situés au sous-sol
mais qui ne sont pas très profonds ; effectivement, il n’y a pas beaucoup
de place, il semblerait qu’une partie des réfugiés reste sous la pluie. Ils
sont réorientés le lendemain matin vers le centre de santé. Alors, à ce sujet-là,
il y a différentes versions qui sont données comme quoi sœur Gertrude aurait
refusé d’accueillir les réfugiés autre part que dans les magasins et aurait
laissé les réfugiés dans la pluie parce qu’elle ne voulait pas qu’ils entrent
dans le couvent. J’ai moi-même entendu sœur Gertrude à ce sujet-là qui m’a dit
qu’effectivement, elle ne voulait pas que les réfugiés partagent l’espace occupé,
donc, la partie avec les sœurs, parce que, dit-elle, les sœurs étaient déjà
menacées et elle ne voulait pas les exposer davantage. Donc, les réfugiés étaient
présentés comme une menace complémentaire… le fait de les héberger. D’autres
disent vraiment… des témoins rescapés, eux, font état que sœur Gertrude voulait
absolument qu’ils aillent au centre de santé parce qu’ils dérangeaient les activités
du couvent et qu’il n’était pas question de les accueillir dans le couvent.
Quand on voit la disposition des lieux, il y avait pas mal de place en haut,
c’est évident, mais le nombre de réfugiés pouvait constituer effectivement un
envahissement des lieux, ça bien, mais, je veux dire, il y avait en tout cas
place dans le couvent pour les abriter matériellement de la pluie. Je veux dire,
au point de vue espace, il y avait une possibilité.
Nous en sommes donc, au 19 avril. Nous arrivons alors… semble-t-il,
donc, ils restent au centre de santé. On parle… au point de vue nombre des réfugiés
au centre de santé, les chiffres varient suivant les estimations parce que c’est
vraiment de cet ordre-là. Sœur Gertrude parle à peu près de 600 réfugiés. Il
y a une des personnes, un Interahamwe… enfin une personne détenue, suspectée
d’être Interahamwe à Butare, en aveu, parle de 1.500 réfugiés au centre de santé,
d’autres parlent de 3.000. Donc, on voit qu’on est dans des chiffres, dans des
estimations. Enfin, même s’il y a 500-600 personnes, c’était quand même un grand
nombre. 500-600 personnes, c’est effectivement un grand nombre mais on parle,
donc, entre - je ne peux que vous dire les chiffres qui m’ont été donnés - entre
500-600 et 3.000.
Le 22 avril. Le 22 avril, c’est le jour où le centre de santé est
attaqué. Là, il y a des éléments différents. Le centre de santé est attaqué ;
ça, tout le monde est d’accord. Il y a l’incendie qui est bouté ; on met
le feu notamment au garage. Alors, je peux vous dire, je l’ai constaté moi-même,
ce garage a été manifestement… on a bouté le feu à ce garage. D’ailleurs, on
a mis le feu aussi à d’autres endroits dans le centre de santé, nous le verrons
sur les photos, on en voyait toujours les traces une année après. Donc, il y
a eu une attaque, il y a eu beaucoup de morts, on parle de… sœur Gertrude parle
de 500 morts, c’est à ce moment-là qu’elle cite ce chiffre-là. Il y a sans doute
certaines personnes, et en tout cas certaines personnes déclarent… ont finalement
réchappé mais dans des conditions… des fois avec des blessures, des coups de
machette. Cela a été le carnage, cela a été vraiment le massacre, à coups, semble-t-il,
de machettes, mais avec feu et grenades également. On voit, semble-t-il, des
traces d’éclatement de grenades, alors vous vous rendez compte, dans des endroits
où les gens étaient entassés - vous verrez que le centre de santé n’était pas
très grand, vraiment pas très grand du tout - une grenade au milieu de gens
entassés, ça, malheureusement, ça a dû faire beaucoup, beaucoup de morts et
de blessés. Ça a dû vraiment être quelque chose de terrible.
Je pense que vraiment cet événement a dû être terrible. Ça a commencé,
semble-t-il, vers 9-10 heures le matin. Les miliciens semblaient s’être donné
rendez-vous. Et déjà que la veille au soir, on avait déjà commencé à faire…
un peu… faire entendre par l’une ou l’autre explosion ou coup de feu… donc,
on avait laissé entendre que l’attaque, en tout cas que la tension ou que, en
tout cas, les Interahamwe… on parle de coups de feu ou peut-être d’escarmouches
déjà, dès la veille au soir. Je dois préciser, pour être complet, que sœur Gertrude
- et donc cela se retrouve dans ses déclarations - avait été, le 17 avril, à
Butare pour s’adresser au commandant de place pour demander des militaires pour
la protection du couvent et, dit-elle, elle est revenue seule… enfin, elle est
revenue seule, je veux dire sans militaires, parce qu’on aurait dit qu’il n’était
pas possible d’envoyer des militaires mais il semblerait que par la suite il
y ait des militaires quand même qui soient venus. Mais par contre, elle a obtenu
deux policiers communaux de la part du bourgmestre, donc deux policiers communaux
étaient présents et, semble-t-il, en tout cas suivant plusieurs déclarations,
ils auraient été même impliqués dans les massacres, ou en tout cas ne s’y seraient
nullement opposés… mais on parle même qu’ils auraient pu être impliqués, donc
les deux policiers communaux envoyés vraisemblablement par le bourgmestre Jonathan
RUREMESHA.
En ce qui concerne le déroulement des événements, je ne peux évidemment
que vous donner, à ce moment-là, les différentes versions qui ont été données
concernant alors plus l’implication de sœur Marie Kizito et sœur Gertrude par
rapport aux événements du 22. Il y a plusieurs témoins… plusieurs témoins qui
affirment avoir vu directement sœur Marie Kizito remettre un bidon d’essence
à un des Interahamwe qui aurait mis le feu. D’autres personnes qui ont été entendues,
notamment des personnes détenues, déclarent qu’elles ne l’ont pas vu mais qu’elles
ne savent pas d’où venait l’essence. Sœur Gertrude et sœur Marie Kizito contestent
formellement avoir fourni cette essence. En ce qui concerne, j’en viendrai,
je parlerai de Monsieur REKERAHO parce que là, je pense que ce qu’il dit à ce
propos-là… comme il a donné deux versions opposées, je crois que ce sera mieux
du resituer dans le contexte de l’audition que j’ai faite. Ce qu’on peut
dire, c’est qu’il y a en tout cas une convergence pour dire que c’est un certain
BYOMBOKA qui a eu le bidon. Et comme on serait assez d’accord sur la présence
d’un bidon jaune, cela semble effectivement être convergent, de la présence
d’un bidon jaune, que l’essence ait été employée, ça, tout le monde semble le
dire. Qu’il y avait un bidon jaune, tout le monde semble effectivement parler
d’un bidon jaune qui aurait été en possession de la personne qui a mis le feu.
On parle tous d’un certain BYOMBOKA, et cela se retrouve dans différentes
déclarations, en ce compris, je dirais, des différents horizons, on parle d’un
certain BYOMBOKA qui a été entendu, qui se trouve détenu à Butare mais qui a
dit qu’il n’était pas présent, qu’il n’est venu que le lendemain pour enterrer
les morts, mais donc, il n’était pas présent le jour même ; bon, c’est
ce qu’il déclare. Mais là, je peux vous dire qu’il y a quand même pas mal de
déclarations qui vont dans un autre sens. Ce qui est aussi un fait qui semble
être établi, c’est qu’il y avait une réserve d’essence avec des jerricanes…
au couvent. On a pris d’ailleurs, lors de la dernière commission rogatoire,
des photos du petit bâtiment qui se trouve, quand on regarde l’église, à l’arrière,
mais du côté gauche, un peu ce qu’on appelait du côté de la ferme, et donc,
c’est près du générateur et des bâtiments abritant cela, donc, on a pris de
toute façon des photos. Et ce bâtiment qui abritait l’essence semble en tout
cas ne pas avoir été forcé. D’ailleurs sœur Marie Kizito le confirme dans sa
déclaration, elle dit : « On n’a pas vu de traces d’effraction, il
ne semble pas qu’on ait forcé la porte pour voler de l’essence ». Il semblerait
qu’il n’y avait pas beaucoup d’essence disponible dans les environs immédiats,
qu’il fallait aller à Butare ou plus loin, donc, il n’y avait pas tellement
d’autres alternatives si on voulait de l’essence immédiatement et qu’on n’en
avait pas emportée, je dirais, c’est vrai qu’il était peut-être naturel d’aller
chercher l’essence à cet endroit-là.
Pour le reste, il y a des déclarations qui sont… certains qui disent
qu’on a vu remettre l’essence, qu’on a vu sœur Marie Kizito remettre l’essence,
d’autres disent qu’ils n’ont pas vu ou que ce n’est pas exact. Je suppose que
ces témoins, et certains témoins seront entendus… il faudra effectivement que
vous appréciiez l’ensemble de ces témoignages, moi, je ne peux que donner les
éléments. Je reviendrai à la version de Monsieur REKERAHO là-dessus qui a été
contradictoire. Il a une fois dit, à un moment donné, il a commencé par dire :
« C’est faux, l’essence m’a été remise mais pas directement, elle m’a été
remise pour la voiture ». Et dans une seconde audition, il dira :
« Effectivement, elle a été remise immédiatement ». Donc, il y a,
je dirais, en tout cas contradiction dans ses déclarations devant moi à ce sujet-là
mais j’y reviendrai.
Ce qu’on peut dire également, c’est que… en tout cas, on peut en
revenir à la version, toujours, des faits de sœur Gertrude où sœur Gertrude
- et sœur Marie Kizito le reconnaît également - déclare qu’elle a été avertie
de l’imminence de l’attaque. Donc, elle dit : « J’ai été avertie par
une personne qu’il allait y avoir une attaque ». Donc, avant l’attaque.
Elle dit : « On a eu fort peur ». Et elle dit : « Mais
j’ai décidé d’aller voir le responsable des Interahamwe », donc, Monsieur
REKERAHO. Et donc, elle dit : « Je prends l’initiative de prendre
les devants et d’aller le voir ». Donc, il y a, en tout cas ce jour-là,
un contact entre sœur Gertrude et le responsable des Interahamwe, semble-t-il,
le jour avant, pendant, cela a duré une journée. Sœur Kizito reconnaît également…
elle dit également : « Il y a eu un contact, et j’ai rejoint d’ailleurs,
je ne sais pas ce qui m’a poussée…- ce qu’elle déclare devant moi - mais
j’ai voulu m’associer, enfin, j’ai rejoint… j’ai participé à la conversation
où il a été question », et elle ajoute que c’est à ce moment-là que
Monsieur REKERAHO aurait demandé la voiture ou la camionnette plutôt, du centre
de santé. Il faut savoir que beaucoup de témoins disent que la camionnette du
centre de santé était utilisée par les Interahamwe dont Monsieur REKERAHO, donc,
pendant les événements. Monsieur REKERAHO a déclaré devant moi que c’était à
partir du 10 avril, donc plus tôt, ici on est le 22 avril. Donc, pour sœur Marie
Kizito, elle dit : « Il nous a demandé la voiture et on a ouvert la
porte du garage et il a pris la voiture ».
Donc, contact qui a sûrement eu lieu le 22 avril, donc contact entre
sœur Gertrude, sœur Marie Kizito, au moins un contact, où ils auraient été ensemble ;
c’est confirmé d’ailleurs par Monsieur REKERAHO lui-même.
Le lendemain matin, donc, à l’occasion de ce contact, sœur Gertrude
- en tout cas, si je ne me trompe pas, c’est dans la lettre qu’elle a jointe
à sa plainte, lettre adressée à l’abbé CULLEN pour relater les événements -
elle dit d’ailleurs qu’à ce moment de ce contact, il a dit qu’il reviendrait
le lendemain et, dit-elle, c’est le motif pour lequel le lendemain, à 5 heures
du matin, sœur Gertrude semble, donc a décidé de partir, que l’ensemble de la
communauté irait vers Butare, donc le 23 à 5 heures du matin. Et comme il n’y
a pas de place, je veux dire tout le monde ne peut pas prendre place dans les
véhicules en un convoi, finalement il est décidé de faire deux convois. Alors
là, il y a des discussions en ce qui concerne les familles des sœurs. Il semblerait
que certaines familles des sœurs aient manifesté la volonté de venir, d’accompagner
leurs sœurs ou que certaines sœurs ont émis le désir de se faire accompagner
de leur famille, d’autant plus qu’il était question d’imminence d’attaque du
couvent ; on peut effectivement comprendre une telle démarche. Sœur Gertrude
explique que, comme il n’y avait pas de place dans le premier convoi - elle
est partie avec le premier convoi - il a été décidé que les familles accompagneraient
lors du second convoi et puis les familles n’ont pas accompagné lors du second
convoi, il y a d’ailleurs trois sœurs qui sont même restées sur place et elle
a dit : « Tout ce qu’on m’a dit c’est qu’elles n’ont pas voulu venir ».
Il semblerait que pour le second convoi, ce n’était pas une question de place.
D’autres témoins déclarent que c’est sœur Gertrude qui s’est opposée
à ce que les familles accompagnent parce que cela faisait trop de monde et qu’on
ne savait pas prendre tout le monde et que donc, c’était une question, pas seulement
pour le premier convoi mais également pour le deuxième convoi. Donc, là il y
a des déclarations dans un sens contraire. Les sœurs se rendent à la paroisse
de Ngoma. On a entendu le curé d’ailleurs de la paroisse de Ngoma. Là, ils se
rendent à Butare ville. Trois sœurs restent dans le couvent. Sœur Marie Kizito
dira devant moi que c’était pour… qu’elle restait pour « voir ce qui allait
se passer », c’est l’expression qu’elle a employée devant moi. On a le
récit alors de ce qui s’est passé à la paroisse de Ngoma où il semblerait que
l’intention des sœurs était d’aller à l’évêché et qu’elles n’ont pas pu atteindre
l’évêché, que la situation à Ngoma ne leur a pas permis d’aller jusqu’à l’évêché,
donc, elles se sont retrouvées, je dirais, coincées quelque part à la paroisse
de Ngoma. Alors, on fait état qu’à ce moment-là, la paroisse faisait l’objet
de menaces de milices d’Interahamwe et il est fait état, sœur Gertrude d’ailleurs
le confirme, c’est qu’elle aurait même dû payer de l’argent pour, je dirais,
avoir la vie sauve ou en tout cas pour échapper aux menaces. Toujours est-il
qu’il semblerait que, face à cette situation bloquée, sœur Gertrude ait décidé,
à ce moment-là, de retourner au couvent. Elle dit que : « Quitte à
mourir, plutôt que mourir ici, quitte à mourir alors, à ce moment-là, au couvent ».
C’est comme cela qu’elle présente en tout cas la décision de retourner à Sovu.
Alors, nous sommes donc le 23.
Et le 23 au soir, elle aurait eu un contact, c’est, je dirais… tout
le monde le dit, elle aurait eu un contact avec le commandant de place militaire
et sœur Gertrude dit que le commandant lui aurait répondu : « Cela
ne se fait pas de me contacter directement comme ça, vous n’avez pas à faire
ça ». Et ensuite, elle aurait eu un contact avec le numéro… celui qui se
trouvait en dessous. J’en ai parlé lors de mon introduction, le lieutenant HATEGEKIMANA
qui est un peu qualifié comme étant… le n° 1 étant sans doute le colonel le témoin 151
qui est actuellement détenu à Arusha, le n° 2, suivant certains, étant
le capitaine NIZEYIMANA, le n° 3, on parlait un peu du lieutenant, on parle
d’ailleurs… le curé de la paroisse, le témoin 54, parle du terrible lieutenant
HATEGEKIMANA. Et donc, elle aurait eu ce lieutenant au téléphone. Sœur Gertrude
dit : « Je l’ai eu ». Il faut savoir que le père le témoin 54 déclare
qu’ils avaient l’air de bien se connaître et que, je dirais, elle parlait comme
avec quelqu’un avec qui elle s’entendait bien, ce que conteste sœur Gertrude
en disant qu’elle ne le connaissait pas.
Toujours est-il qu’il y a ce contact et alors, sœur Gertrude déclare
qu’elle n’a pas eu… qu’elle n’a pas pu avoir, je dirais, un soutien des militaires
ou qu’on a annoncé les militaires mais qu’ils ne sont pas venus. Et le lendemain,
donc le 25 euh… le 24, le 24 avril, le lendemain, à ce moment-là, elle téléphone
au camp militaire de Ngoma, donc de Butare ville. Et là, elle a REKERAHO au
téléphone, donc REKERAHO, le responsable, en tout cas celui qui est désigné
par tous comme le responsable des milices Interahamwe de Sovu. REKERAHO dira
d’ailleurs lui-même qu’il confirmera ce contact mais en disant que c’était plutôt
lui qui avait téléphoné. Et alors, il semblerait en fait que la réaction de
Monsieur REKERAHO - et c’est confirmé vraiment par l’ensemble des témoins -
c’est qu’il était fâché. Il était fâché parce que les sœurs étaient parties
à son insu, et lui dira : « Je me sentais investi de la protection
des sœurs et moi, je protégeais les sœurs et elles vont derrière mon dos alors
que je les protège, je fais tout pour les protéger, elles vont, derrière mon
dos, fuir sans m’avertir ». Je devais préciser encore que pour les deux
trajets, les deux convois pour aller à Ngoma Butare ville, sœur Gertrude a fait
appel au bourgmestre, Jonathan RUREMESHA qui les a accompagnées pour le premier
convoi, pour passer les barrières et qui lui-même s’est chargé du second convoi.
Donc, c’est le bourgmestre qui a assuré le transfert des sœurs de Sovu à Butare
ville.
Et donc, finalement, elles obtiennent une escorte de militaires pour
rentrer à Sovu et là, elles rencontrent Monsieur REKERAHO et Gaspard qui est
un voisin, Gaspard… RUSANGANWA, merci Monsieur STASSIN. On va l’appeler Gaspard,
ce sera plus simple. Gaspard, qui est un voisin, qui est juste derrière, qui
est… précisément qui habite derrière le couvent. Il y a une petite porte à l’arrière
qui donne sur la maison de Gaspard - on a pris des photos à ce sujet-là
parce que c’est un personnage qui intervient également… les contacts de Gaspard,
le voisin - qui est en fait un ancien moine, qui est quelqu’un qui aurait travaillé
avec la Croix Rouge mais qui, pendant les événements, est qualifié, en tout
cas, désigné par beaucoup, comme étant Interahamwe très actif, comme responsable
également des Interahamwe, en dessous, collaborateur, je dirais, un peu bras
droit de Monsieur REKERAHO. Donc, il est qualifié comme étant tout à fait… faisant
partie des personnes étant impliquées. Donc, REKERAHO et Gaspard sont là lorsque
les sœurs reviennent et Monsieur REKERAHO est fâché ; je vous ai dit pourquoi,
semble-t-il, il est fâché : parce qu’elles étaient parties à leur insu.
D’ailleurs sœur Gertrude dira qu’il les méprise, qu’il est agressif et elle
dit qu’à ce moment-là, elle le fait monter dans l’hôtellerie - sa déclaration
de sœur Gertrude devant moi, donc ça, c’était au mois de janvier 1996 - quand
j’ai été appelé à l’entendre.
Et donc, elle déclare à ce moment-là qu’ils sont montés dans l’hôtellerie
et qu’à ce moment-là, Monsieur REKERAHO lui a dit : « C’est pour demain
8 heures ». Monsieur REKERAHO… elle dit : « Il », cela pourrait…
peut-être Gaspard, je ne sais pas si c’est l’un ou l’autre, mais enfin on dit :
« C’est pour demain 8 heures ». Et sœur Gertrude comprend qu’à ce
moment-là, cela veut dire que demain il y aura une attaque. Et j’ai posé
la question à sœur Gertrude de dire : « Mais oui, bon, demain 8 heures… ? ».
Alors, elle dit : « On a passé la nuit dans l’anxiété et le lendemain
matin on a informé les réfugiés qu’ils allaient venir ». Je dis :
« Mais pourquoi vous n’avez pas prévenu le soir ? ». Elle dit :
« J’étais tellement perturbée avec ce qui s’était passé à Ngoma où on avait
été menacées que je n’ai pas pensé à les prévenir ». Et donc, le lendemain
matin, elle convoque, semble-t-il, tout le monde avant l’attaque, avant que
les Interahamwe soient là ; en tout cas, c’est ce qu’elle déclare. Elle
dit : « Je les convoque en disant : « Ecoutez, ou bien vous
restez ici et vous allez mourir - c’est ce qu’elle déclare - ou bien vous
restez ici et vous allez mourir, ou bien vous partez, vous avez peut-être une
chance de survivre ». Je dis : « Mais compte tenu des événements
et qu’on avait annoncé une attaque, survivre… ». Alors, elle dit :
« Oui, mais j’espérais que les gens aient le temps de se cacher dans les
buissons ». On peut se demander pourquoi alors elle n’a pas prévenu la
veille au soir, c’était quand même plus simple.
Toujours est-il que, ça semble qu’on n’ait pas du tout le temps parce
que les Interahamwe sont aux portes de… aux portes du couvent. D’autres témoins
déclarent qu’en fait la sœur Gertrude aurait déclaré en disant : « Ecoutez,
ou bien c’est tout le monde qui meurt ici ou bien il n’y a que vous qui mourez ».
En disant un peu : « Ou bien on meurt tous parce que si vous ne vous
dévouez pas à vous livrer, eh bien, tout le monde va être pris ». Là, c’est
un peu une version quand même un peu différente de ce qui se serait dit, donc,
le 25 au matin.
Toujours est-il que Monsieur REKERAHO et donc, les Interahamwe viennent,
se présentent et, disent-ils, ils demandent… alors on parle d’une liste et il
n’est pas exclu qu’une liste ait été établie, en tout cas il semblerait que
pendant l’absence des sœurs, Monsieur REKERAHO serait venu, aurait été fâché
d’ailleurs de voir que les sœurs étaient parties et aurait fait l’inventaire
des personnes se trouvant encore là. Mais il n’y aurait pas eu d’attaque à ce
moment-là. Et il aurait rencontré les trois sœurs qui étaient restées. Donc,
REKERAHO demande à sœur Gertrude de faire sortir les réfugiés. Il s’agit ici,
semble-t-il, des réfugiés, les membres du personnel et les familles des membres
du personnel. Il a l’air de dire les sœurs, les familles des sœurs, je n’y touche
pas ; il semblerait qu’il le confirmera par la suite. Et sœur Gertrude
rentre et demande, et dit aux gens : « On vous appelle, sortez, les
Interahamwe vous appellent ». Donc, il semblerait que les Interhamwes ne
soient pas entrés dans le couvent et que ce soient les réfugiés qui soient sortis,
je ne vais pas employer le terme volontairement, mais, je dirais, suite à l’avis
donné par sœur Gertrude, d’ailleurs on parle, certains qui ont dit : « Nous
sommes d’accord de mourir, donc nous allons devant puisqu’il n’y a pas d’autres
solutions ».
Et donc, en présence, semble-t-il, de sœur Gertrude et de sœur Marie
Kizito et donc, semble-t-il, donc, il y a un tri qui se fait entre, semble-t-il,
Hutu, Tutsi et il y a une partie en tout cas des réfugiés qui se fait tuer sous
les yeux… sous les yeux, semble-t-il, de sœur Gertrude et sœur Marie Kizito
euh… où là, semble-t-il, donc il y a toute une série de personnes qui s’étaient
réfugiées, il semblerait que ce soit la majorité, on parle de 30 personnes,
50 personnes qui auraient été tuées à ce moment-là. Les familles des sœurs,
par contre, là, on ne les inquiète pas. Donc, ça étant, je dirais, deuxième
massacre concernant Sovu.
Alors, entre le 25, on peut situer une période que certains qualifieront
d’accalmie ou, en tout cas, une période où il y aurait eu des menaces mais en
tout cas il n’y aurait plus eu d’attaque, entre, donc, le 25 et le 6 mai. Alors,
il y a plusieurs sœurs, dont une sœur en Belgique qui avait fait une attestation
qui est jointe à la plainte, donc on ne peut pas dire que cette attestation
était produite par quelqu’un à charge puisque cette attestation a été produite
par sœur Gertrude elle-même à l’appui de sa demande de dénonciation calomnieuse,
qui, si je me souviens bien, c’est la sœur Domitille, qui déclare qu’en fait
Monsieur REKERAHO avait dit : « Moi, les familles des sœurs, je les
laisse sauves », en d’autres termes donc : « On a assez travaillé,
on ne vous inquiétera plus ». C’est confirmé par deux autres sœurs. C’est
confirmé aussi par Monsieur REKERAHO lui-même qui dira : « Moi, j’avais
décidé que c’était terminé à ce moment-là ». Par contre, sœur Kizito et
sœur Gertrude disent qu’ils avaient encore des menaces de miliciens et que les
miliciens continuaient à les harceler en disant : « Vous avez toujours
des réfugiés chez vous et donc vous protégez toujours des réfugiés ». Elles
se sentaient menacées.
Et alors, on en vient à la fameuse lettre, il faut l’appeler comme
ça, du 5 mai 1994, où c’est une lettre adressée par sœur Gertrude au bourgmestre
Jonathan RUREMESHA, au bourgmestre de Huye. Je pense qu’il est important de
s’attarder à cette lettre et aux termes utilisés dans cette lettre. Donc, cette
lettre est adressée au bourgmestre, datée du 5 mai - la date est évidemment
importante - et il y a d’ailleurs copie pour le préfet et pour le commandant
de place ; d’ailleurs, c’est comme cela qu’on a retrouvé cette lettre…
on l’a retrouvée sans doute à Butare à la préfecture. On ne l’a pas retrouvée
à la commune de Huye ; d’ailleurs on voit un cachet d’entrée sur la lettre,
qui date du 9 mai, qui… on peut penser que c’est la copie qui a été transmise
à la préfecture de Butare. Et cette lettre, donc… l’objet… elle mentionne comme
objet… Une lettre en kinyarwanda mais qui a été traduite, et je me base ici
sur la traduction du traducteur juré, donc la traduction que j’ai demandée moi-même,
et d’ailleurs sœur Gertrude a été entendue à ce sujet-là et a confirmé que c’était
la traduction qui lui semblait la plus conforme, il y avait une autre traduction
qui figurait au dossier, mais elle trouvait que la traduction du traducteur
juré était en tout cas la plus fidèle.
« Concerne : demande de protection »,
ça c’est la rubrique.
Et donc, les termes de la lettre sont les suivants :
« Monsieur le bourgmestre, ces dernières
semaines… » - je ne dis pas que c’est du mot à mot, mais enfin
je vais essayer d’être le plus fidèle possible compte tenu de ma mémoire, mais
je pense que je m’en sortirai « …ces dernières semaines,
nous avons reçu la visite de différentes personnes… », donc au couvent,
« …nous avons reçu la visite de différentes personnes
qui, soit étaient en visite et qui ne restaient pas plus qu’une semaine, qui
soit étaient en mission, ou encore qui venaient se reposer ou venaient prier ».
Donc, je crois qu’on vise là : « Ces dernières semaines, nous avons eu la visite de façon habituelle »,
il faut ajouter, je pense : « C’est de façon habituelle »,
ce sont des personnes qui venaient de façon habituelle, c’est-à-dire en mission
pour prier, se reposer, ou des visiteurs qui ne restaient pas plus d’une semaine.
Deuxième paragraphe - donc je crois qu’on visait là les gens en session… les
gens en session qui étaient accueillis à l’hôtellerie - deuxième paragraphe,
c’est : « Depuis que la guerre s’est propagée,
nous avons vu venir des gens au monastère de façon désordonnée et qui s’obstinent
à rester ici alors que nous n’avons pas les moyens de continuer à les héberger
ici de façon… nous n’avons pas les moyens de les héberger de façon illégale ».
Alors, je ne cache pas que le terme « illégal » est évidemment un
tout petit peu particulier. Là, on vise bien plus précisément ceux qui étaient
venus de façon désordonnée, c’étaient des réfugiés, semble-t-il.
Alors, le fait qu’on n’avait pas « Les moyens
de les héberger de façon illégale », on s’adresse à une autorité,
donc, il semblerait que dans l’esprit de sœur Gertrude, c’était illégal, que
ces réfugiés étaient en situation illégale. C’était peut-être plutôt en situation
de danger… enfin situation illégale. « Il y a quelques jours - je poursuis le paragraphe - il y a quelques jours, j’ai demandé aux autorités communales de les
mettre en demeure de rentrer chez elles- donc ces personnes - de les mettre en demeure de rentrer chez elles ou d’aller ailleurs
où elles veulent vivre puisque je ne peux pas subvenir… on ne peut pas subvenir
à leurs besoins, au monastère ». Et, dernier paragraphe : « Je
vous demande avec insistance - c’est en grandes lettres - je
vous demande avec insistance, Monsieur le bourgmestre, que la date du 6 mai
soit la date limite, que tout soit terminé pour cette date afin que les activités
habituelles du monastère puissent se poursuivre sans inquiétude ».
Et puis, il y a une formule : « Nous vous confions »,
enfin « nous vous prions de confier nos prières à Dieu », enfin
bon, une formule de politesse religieuse.
Alors, cette lettre évidemment est adressée au bourgmestre, Monsieur
RUREMESHA Jonathan. Alors, sœur Gertrude donnera comme explication dans ses
auditions en disant : « Oui, mais c’était pour protéger les réfugiés
qui étaient menacés… j’avais appris qu’ils étaient menacés au couvent et j’ai
demandé qu’ils soient mis en un lieu sûr ». Cela ne correspond pas au contenu
de la lettre puisqu’on ne parle pas du tout de les mettre en lieu sûr, on dit
qu’ils retournent chez eux ou qu’ils aillent ailleurs où ils veulent aller vivre.
Donc, le contenu même de la lettre en tout cas ne semble pas du tout correspondre
à cette intention de vouloir les protéger. Alors, j’ai fait quand même remarquer
à sœur Gertrude… c’est que la question c’est qu’elle faisait appel au bourgmestre ;
alors, le bourgmestre n’étant pas quelqu’un, semble-t-il, de neutre puisque
dès le 18 avril, il y avait eu ce problème de grenade où, semble-t-il, il avait
pris position.
Deuxième élément, c’est qu’il y avait eu aussi - et ça, c’est à un
moment donné, sœur Gertrude qui l’a déclaré - elle a dit qu’à un moment donné
elle avait eu, entre le 25 avril et le 5 mai, une demande… REKERAHO qui était
venu chez elle « avec un papier du bourgmestre », elle dit, pour demander
les derniers réfugiés. Et elle avait dit : « J’ai refusé parce que
je savais qu’ils allaient être tués ». Alors, évidemment, on peut se poser
la question, pourquoi après elle fait appel à la même personne, puisque Monsieur
REKERAHO serait venu avec un papier du bourgmestre et là, elle dit : « Ah,
je savais qu’ils allaient se faire tuer et j’ai refusé ». Après, elle déclare
en disant : « Je fais appel parce que je pensais que c’était
la seule façon de pouvoir les protéger étant donné qu’ils étaient menacés ».
Quand on voit que c’est pour poursuivre les activités du couvent sans inquiétude,
c’est plutôt peut-être un autre élément qu’elle avançait dans ses auditions
en disant : « Oui, les réfugiés constituaient une menace pour le couvent ».
Que si on abritait des réfugiés… c’est quelque chose qu’elle a déclaré, en disant :
« Oui, mais la présence des réfugiés doublait la menace vis-à-vis du couvent ».
Maintenant, elle pouvait… effectivement, elle faisait appel à une autorité qui
quand même pouvait, me semble-t-il, poser problème. A cela, elle m’a répondu :
« Oui, mais vous savez les gens qui tuaient étaient aussi les gens qui
sauvaient ». C’est ce qu’elle m’a répondu quand j’ai dit que le bourgmestre
semblait quand même être du côté… et Gaspard et le bourgmestre étant quand même
du côté… et REKERAHO, du côté quand même des personnes qui participaient activement
aux massacres. Alors, elle dit : « Oui, mais s’ils avaient bonne grâce,
on était sauvé et si c’était pas le contraire, s’ils voulaient tuer, ils tuaient ».
On peut se poser la question, évidemment, avoir « bonne grâce »,
si ce n’est pas cela qui a été un peu recherché, évidemment, c’est d’être en
« bonne grâce » avec Monsieur REKERAHO, avec le bourgmestre et avec
Gaspard. Mais je reviendrai sur cette question-là, sur les relations… en tout
cas, de ce qui ressort de l’ensemble des auditions concernant les relations
entre ces différentes personnes.
Toujours est-il que le 6 mai, le bourgmestre arrive. On demande…
on fait sortir tous les derniers réfugiés, c’est-à-dire les familles des sœurs.
Et à ce moment-là, il y en a une partie qui est tuée quasi sur place et l’autre
partie qui semble avoir été emmenée à Butare et tuée à Butare. Avec des épisodes
assez interpellants et dramatiques… notamment une des sœurs qui a payé un des
soldats pour que sa famille soit tuée plutôt par balles que par machettes. Et
ça semble être confirmé tout à fait que cet épisode s’est passé. Donc, vraiment
cela a été un massacre, je veux dire, où les sœurs, je dirais, ont vu leurs
propres familles tuées sous leurs yeux. Et le 6 mai, c’est la date limite du
courrier ; c’est le lendemain, date limite du courrier. Donc, ça semble
quand même un lien direct entre le courrier et ce qui se passe le lendemain,
puisque dans le courrier, on parle que tout doit être terminé pour le 6 mai,
date limite, tout doit être terminé pour cette date-là. Là, effectivement, c’est
un élément qui… cet épisode-là est évidemment… pose question et doit être, évidemment,
est un des éléments clés qui est soumis à votre… qui sera soumis à votre décision.
J’en viens maintenant pour la suite - je suppose qu’elle a déjà été
évoquée, je pense que, par rapport au nœud des questions, c’est principalement…
pour la suite - il semblerait que le couvent n’ait pas été inquiété, que les
sœurs n’aient plus été inquiétées après cela. Le couvent n’a jamais été attaqué.
Il n’y a même pas une vitre qui semble avoir été cassée, donc, le couvent lui-même,
les pierres ont été sauvées. Les sœurs elles-mêmes ont été épargnées jusqu’à
leur départ ; je vous ai expliqué la suite… malheureusement, dans le trajet
vers le Burundi, il y a différentes sœurs qui ont été tuées, mais donc, ce n’est
pas à Sovu. Et alors, il faut peut-être encore ajouter, c’est qu’il a été fait
appel à Monsieur REKERAHO pour quitter Butare, c’est quand même un élément qu’on
refait appel quand même à Monsieur REKERAHO.
J’en viens maintenant… je vous ai retracé la chronologie des événements,
mais il me semble évidemment… un des points essentiels dans le cadre… pour l’appréciation
des faits reprochés aux deux accusées, c’est notamment toute la question de
leurs relations avec le bourgmestre et leurs relations avec Monsieur REKERAHO
et Gaspard, donc le voisin, qui sont désignés, tous deux, comme étant ceux qui
dirigeaient les Interahamwe. D’abord, il faut voir que, suivant beaucoup de
déclarations, et notamment des déclarations des sœurs, il semblait que sœur
Gertrude et sœur Marie Kizito étaient les deux seules sœurs qui avaient des
contacts avec les gens extérieurs. Donc, c’étaient les deux sœurs… et qu’elles
avaient ces contacts la plupart du temps ensemble, donc qu’elles faisaient…
Alors, il y avait une explication à cela, notamment pour sœur Gertrude :
elle était la supérieure, pour sœur Marie Kizito : l’explication était
qu’elle venait de la colline et qu’elle connaissait tous ces gens-là. D’ailleurs,
certaines personnes font état que deux frères de sœur Marie Kizito étaient des
Interahamwe, donc, qui auraient été impliqués dans les massacres… ce que sœur
Marie Kizito dit : « J’ignorais, je restais au couvent ». Ce
n’est pas tout à fait vrai. D’ailleurs, elle reconnaîtra par la suite que quand
même, enfin, elle restait peut-être au couvent, enfin des fois elle avait quand
même des contacts avec l’extérieur et elle aurait pu peut-être en savoir quand
même un peu plus.
En ce qui concerne maintenant les contacts entre le bourgmestre et
sœur Gertrude et sœur Marie Kizito… je veux dire, tout le monde est d’accord
en disant qu’il y a eu plusieurs contacts. Il y a eu notamment la demande pour
les deux policiers communaux pour qu’ils viennent protéger le couvent, il y
a eu par la suite l’aller pour… quand ils se sont rendus à Butare ville le 23 avril
où le bourgmestre est allé faire… aider le premier convoi et s’est chargé totalement
du second convoi et par la suite également, donc, il semblerait… là, évidemment,
la question de la lettre du 5 mai avec la venue du bourgmestre le 6 mai
puisque le bourgmestre est venu, donc lui-même, le 6 mai avec des gens, et c’est
à ce moment-là qu’une partie des personnes aurait été tuée et une autre emportée
à Butare, mais aurait été tuée également dans cette ville.
En ce qui concerne les relations entre sœur Gertrude, sœur Marie
Kizito et Gaspard, enfin Monsieur Gaspard et Monsieur REKERAHO Emmanuel, on
peut dire que - et d’ailleurs sœur Marie Kizito et sœur Gertrude le disent -
qu’ils entretenaient des relations assez étroites, donc, des relations… qu’ils
étaient en contact, c’est confirmé par les sœurs également, que la sœur Gertrude
et la sœur Marie Kizito, c’étaient elles qui parlementaient, qui discutaient
avec le chef des miliciens, comme on le dit, donc, qu’il y avait des contacts,
plusieurs contacts fréquents. Alors, c’est peut-être intéressant de relever
d’ailleurs que sœur Gertrude dit elle-même que les contacts ne se limitaient
même pas à Monsieur REKERAHO entre sœur Kizito, elle dit : « Sœur
Kizito avait plus de contacts avec les Interahamwe de façon générale, parce
qu’elle les connaissait et elle plaidait pour nous ». Alors, je lui ai
posé la question : « Mais qu’est-ce qu’elle disait aux Interahamwe ? »
puisque, semble-t-il, c’étaient des gens des environs. Elle dit :
« Cela, je ne sais pas mais elle me rapportait en disant qu’elle plaidait
pour nous et qu’elle plaidait pour notre défense », pour la défense des
sœurs. Et je dis : « Et des réfugiés ? », « Ah, oui,
oui. Et des réfugiés aussi ». Enfin, c’était sur interpellation que cela
a été ajouté. Je dois vous dire que cette relation assez proche entre sœur Marie
Kizito et sœur Gertrude, même si je pense que ça pouvait être une relation teintée
de peur, mais par son côté par ailleurs également amical ou assez étroit, en
a choqué plus d’un qui ont dit : « Mais, on savait quand même
ce qu’ils faisaient ».
Alors, c’est vrai qu’il y a l’un ou l’autre élément qui pose question,
c’est vrai qu’on peut se poser la question si ce n’était pas une collaboration.
Alors, une collaboration peut-être pour… dans le but de sauver le couvent et
sauver les sœurs, mais est-ce que ce n’est pas une collaboration qui s’est installée
aux dépens des réfugiés ? Collaboration dont on a quand même certains éléments
qui se sont traduits… certains éléments objectifs, notamment l’utilisation du
véhicule. Je crois que dans la tête de sœur Marie Kizito et sœur Gertrude, elles
disent qu’elles n’avaient pas le choix, qu’elles ont donné le véhicule. REKERAHO
déclare qu’il a reçu le véhicule en contrepartie de la protection qu’il allait
assurer pour le couvent et pour les sœurs. Il semblerait qu’il recevait l’essence
aussi pour le véhicule, véhicule qui servait à transporter les Interahamwe,
semble-t-il. Collaboration qui s’est traduite aussi dans un autre sens par des
aides qu’elles ont reçues. C’est vrai que quand il y avait un problème, d’ailleurs,
sœur Gertrude dit : « Je vais parlementer avec REKERAHO pour essayer
d’arranger les choses ». REKERAHO est fâché quand elles vont ailleurs parce
qu’il se considère comme leur protecteur et d’ailleurs, à un moment donné, dans
leurs déclarations, sœur Marie Kizito et sœur Gertrude reconnaîtront que Gaspard,
le voisin et REKERAHO, étaient tous deux un peu quelqu’un… enfin qu’elles faisaient
appel pour les protéger et avec lesquels elles voulaient entretenir de bonnes
relations. Cela s’est traduit également, semble-t-il, par des avertissements,
des avertissements de ce qui allait se passer. Sœur Gertrude dit : « Le
22 avril, j’ai été avertie le matin qu’il allait y avoir une attaque ».
Le 24 au soir, elle dit : « Gaspard et REKERAHO me préviennent, c’est
pour demain 8 heures ».
Donc, il semblerait qu’il y ait quand même une relation, quelque
part une relation particulière, pour qu’on prévienne en disant : « On
vient ». Il fallait quand même un certain type peut-être de relation quand
même… je ne vais pas parler du terme de confiance, mais en tout cas que REKERAHO
n’allait pas se faire trahir puisqu’il pouvait… semblerait-il, on n’hésitait
pas à prévenir même qu’on allait venir le lendemain. Il faut reconnaître que
ce n’est pas toujours parce qu’on prévenait que les gens parvenaient à fuir.
Il fallait encore savoir où fuir. De ce côté-là, c’est vrai que ce n’était peut-être
pas toujours évident. Relation qui s’est traduite également par Monsieur REKERAHO
qui les a aidées, par exemple, dans la fuite après pour quitter finalement Butare,
REKERAHO qui est intervenu. Mais alors aussi, plus amicalement peut-être - et
là c’est vrai que certains se sont posé la question - c’est qu’il semblerait
qu’on leur servait également à boire et sœur Gertrude a déclaré devant moi,
c’est que : « Sœur Kizito leur servait à boire pour les distraire,
pour essayer qu’ils ne pensent pas trop à massacrer, mais plutôt pour les distraire ».
Et c’est vrai qu’il y a des témoins qui parlent qu’après… notamment que le 22
avril, avant ou après les massacres, on aurait eu une consommation qui aurait
été servie à Gaspard, à REKERAHO.
Alors, c’est vrai que tout ça est à apprécier mais cette relation
sans doute… le souci de protéger le couvent, protéger les sœurs était sans doute
présent, et toutes les sœurs sans distinction, mais au prix de quoi ? Et
là, c’est vrai que c’est une question qui reste entière et sur laquelle vous
aurez à vous pencher.
Nous en arrivons maintenant, et je finirai parce que je pense que
c’est plus quelque chose dont il faut laisser peut-être un statut un peu à part,
c’est la question de l’audition de Monsieur REKERAHO. Donc, Monsieur REKERAHO…
nous avons appris qu’il avait été arrêté. Vous savez, on apprend tôt ou tard…
je crois que les autorités rwandaises sont un peu submergées par l’ensemble
des affaires, et ce n’est que tardivement que nous avons appris que Monsieur
REKERAHO avait été arrêté et même d’ailleurs, au moment où je suis allé au Rwanda,
condamné à mort en première instance. Donc, il était en appel au moment où je
l’ai entendu et donc, il me semblait effectivement un témoin assez essentiel
à pouvoir entendre. Alors, Monsieur REKERAHO… nous avons obtenu l’ensemble de
son dossier pénal qui a été constitué par l’auditorat militaire puisqu’il était
considéré comme adjudant chef, ancien adjudant chef, mais on considère comme
encore un statut de militaire. Et donc, il y a eu tout un dossier qui a été
constitué par les autorités rwandaises avec plein de témoignages, dossier d’ailleurs
qui est joint à la procédure, dont on a assuré la traduction par la suite… donc,
qui est joint à la procédure, dans lequel, je dirais, on a tous les éléments
qui semblent avoir fondé sa condamnation à mort et on peut dire qu’il y a, c’est
vrai, beaucoup d’éléments convergents disant que, effectivement - je pense que
c’est peu contesté, d’ailleurs cela a été reconnu par sœur Kizito et sœur Gertrude
- que REKERAHO était celui qui dirigeait les miliciens, les Interahamwe et que
c’était lui qui serait à l’origine en tout cas de certains massacres, d’ailleurs
pas seulement à Sovu.
Dans les accusations dont il faisait l’objet, ce n’était pas limité
du tout à la colline de Sovu, c’était également dans tous les environs. Il faut
noter qu’on retrouve d’ailleurs REKERAHO dans les comités, dans les réunions
de sécurité. On a retrouvé un document du 19 mai où on retrouve Monsieur REKERAHO,
un document d’une réunion de sécurité organisée par le bourgmestre Jonathan
RUREMESHA qui montre bien qu’ils se connaissaient, je n’ai pas envie d’employer
les termes « travailler ensemble » parce que c’est à double terme,
mais qu’ils participaient aux mêmes réunions de sécurité. D’ailleurs, Monsieur
REKERAHO déclarera devant moi qu’il était membre responsable de la section MDR
de la commune de Huye et effectivement dans ce document, on voit les responsables
politiques, Monsieur REKERAHO Emmanuel, représentant le MDR. C’est quelque chose
qui, je dirais, est confirmé par un document qui a été retrouvé, document où
d’ailleurs on parle d’une réunion d’un comité de sécurité, le 9 mai, à
Sovu, donc, après le 6 mai, on parle de Sovu mais là, dans le sens pas au couvent,
dans le sens de la colline de Sovu.
En ce qui concerne donc, l’audition de Monsieur REKERAHO… il était
détenu, il l’est toujours, je pense d’ailleurs… et donc, nous avons procédé
à son audition. Il faut savoir qu’il avait déjà été entendu par un enquêteur
du Tribunal international (sauf erreur de ma part, cet enquêteur va être entendu
comme témoin) donc, moi, cette audition, j’estime que je peux témoigner de ce
que j’ai entendu et pas de quelque chose auquel je n’étais pas présent, mais
cette audition a été jointe au dossier. D’ailleurs, sauf erreur de ma part,
suivant les procédures applicables par le Tribunal international, a été également
enregistrée et ce sont des auditions qui sont également enregistrées. Et donc,
nous avons rencontré Monsieur REKERAHO et nous avons procédé de façon circonstanciée
à son audition. Et je dirais… je crois qu’il faut rencontrer les problèmes,
on a dit, on a écrit… un journaliste, sauf erreur de ma part, c’est dans Le
Soir, a écrit que Monsieur REKERAHO s’était rétracté. Je peux vous dire qu’en
lisant les éléments avancés par le journaliste - je n’en sais pas plus, je n’étais
pas là, je ne sais pas ce qu’il a dit au journaliste - il s’est rétracté un
peu pour sa participation lui-même, et cela ne semble peut-être pas tellement
crédible. Mais pour les éléments, par rapport à sœur Marie Kizito et sœur Gertrude,
il ne semble pas avoir tellement modifié sa déclaration, en tout cas la première
déclaration qu’il a faite vis-à-vis de moi. Parce qu’il confirme bien les relations
très étroites qu’il avait avec les sœurs, il reconnaît bien que les sœurs lui
avaient demandé d’évacuer les réfugiés, bien qu’il conteste l’affaire du bidon
d’essence, mais moi… dans la première déclaration devant moi, il l’a contestée
également.
J’en viens… Qu’est-ce qu’il dit dans cette déclaration ? En
fait, beaucoup de choses qu’on retrouve par ailleurs et que je vous ai déjà
exposées. Ce qui me semble quand même intéressant de voir, c’est que, dans cette
déclaration, c’est recoupé quand même par pas mal d’éléments du dossier. Qu’est-ce
qu’il dit ? Il dit d’abord qu’il habitait la région et qu’il connaissait
bien le couvent parce qu’il avait un voisin qui travaillait à la FAO, FAO qui
est une organisation internationale, et donc, lui-même travaillait avant les
événements, à la FAO. Et donc, c’est comme cela qu’il connaissait assez bien
le couvent, bien que sœur Gertrude dira qu’elle ne le connaissait pas personnellement.
Toujours est-il qu’il connaissait bien, dit-il en tout cas, et qu’il habitait
tout à fait dans les environs, qu’il n’habitait pas loin du tout du couvent.
Alors, il dit que sœur Gertrude aurait fait appel à lui, dès le 10 avril, pour
assurer la protection du couvent, et notamment qu’il aurait reçu dès ce moment-là,
le véhicule pour assurer la protection du couvent. Là, il y a une contradiction
par rapport aux déclarations de sœur Gertrude et sœur Marie Kizito qui prétendent
que ça ne s’est passé qu’à partir du 22 avril, le fameux jour où il aurait pris
la camionnette, donc, le jour du massacre au centre de santé.
Il déclare également qu’il aurait eu plusieurs réunions avec Gaspard
et même chez Gaspard ou au couvent, avec - réunions, alors cela peut être réunions,
contacts, quand il dit « réunions », ce sont plusieurs colloques,
plusieurs entretiens - avec toujours sœur Marie Kizito et sœur Gertrude, les
deux ensemble, donc, il confirme bien qu’elles sembleraient être dans tous leurs
contacts, qu’elles étaient ensemble. Et de ce point de vue-là, il déclare qu’ils
auraient déjà eu une réunion le 19 avril, le soir, donc, après le discours
du président et donc, ils en auraient même discuté, où Gaspard aurait laissé
entendre, en disant que le discours du président était bien clair, qu’il fallait
commencer les massacres. Et lors de cette réunion - c’était chez Gaspard, et
il précise que Gaspard était là, que la femme de Gaspard était là et que sœur
Marie Kizito et sœur Gertrude étaient là - il dit que sœur Gertrude aurait dit,
à ce moment-là, qu’elle avait des réfugiés chez elle, et qu’elle avait même
des Tutsi chez elle et qu’elle se sentait menacée. Menacée, semble-t-il, dans
le sens que les Tutsi allaient peut-être l’attaquer. C’est ce qu’il déclare.
Il fait état d’une réunion juste avant l’attaque du centre de santé, ce qui
pourrait correspondre à l’information que sœur Gertrude dit : « J’ai
appris qu’on allait attaquer le centre de santé ». Lui dit : « Oui,
Gaspard a informé en disant : demain ». Enfin, il semble situer cela,
la veille. On a une réunion… il dit : « On est allé au couvent ».
Il dit : « C’était devant le couvent, on s’est rencontré devant le
couvent ». Et là, Gaspard a annoncé en disant : « Demain, on
va attaquer », enfin, il n’a pas précisé demain, il a dit : « On
va attaquer le centre de santé ».
Et Monsieur REKERAHO, toujours dans son audition en ma présence -
en fait j’ai dit devant moi, mais ce n’est pas tout à fait cela, c’est en ma
présence puisqu’il y avait un officier de police judiciaire rwandais qui était
là pour formellement, je veux dire, assumer le procès-verbal qui était fait
à son nom ; enfin, bon, c’est moi qui manuscritement… je voulais assumer
la responsabilité de ce qui était dit, de sa transcription, donc, je peux vous
dire… c’est en tout cas ce qu’il m’a dit qui a été relaté - et donc, il a déclaré
à ce moment-là que les sœurs n’avaient pas réagi, lui, l’interprétant comme
une approbation. Il dit simplement : « Quand Gaspard a annoncé qu’on
va attaquer le centre de santé, les sœurs n’auraient pas réagi ». C’est
ce qu’il déclare.
En ce qui concerne le 22, donc l’attaque même du centre de santé,
il confirme ce que l’on avait un peu par ailleurs, c’est-à-dire qu’il était…
que l’attaque avait déjà commencé un peu la veille, qu’il y avait déjà un peu
des escarmouches, la veille. Il déclare, à un moment donné, qu’il y aurait quelqu’un
du centre de santé qui aurait lancé une grenade vers les Interahamwe ;
cela n’est pas confirmé par beaucoup de monde, c’est une justification d’ailleurs
qui est reprise dans… devant les journalistes, en disant : « On a
été attaqué les premiers ». Bon, toujours est-il qu’après, il semblerait
bien que les Interahamwe aient attaqué et aient massacré. Et cela, il le confirme
en disant qu’il n’était pas présent tout le temps. Car il dit qu’un moment donné :
« J’ai dû aller ailleurs », et ce qui semble se confirmer sur une
autre colline où il y avait le couvent des pères blancs, et il dit : « J’ai
du aller chercher des étudiants là-bas, des étudiants Tutsi », et, sauf
erreur de ma part, cela est confirmé par d’autres éléments du dossier, qu’à
un moment donné, REKERAHO serait venu, le chef des miliciens serait venu chercher
des étudiants Tutsi dans le monastère, je vais dire frère… c’est un monastère
de pères blancs, qui était sur une colline, tout à fait, je dirais, quasi en
vis-à-vis, en fait une colline un peu plus éloignée.
Il déclare, en ce qui concerne le bidon - quand on est arrivé dans
l’audition au moment du bidon, il a commencé une diatribe contre les Belges
et contre les Américains et j’ai dû acter cela sur mon procès-verbal, sur mon
procès-verbal de compte-rendu de commission rogatoire parce qu’il n’a pas voulu
acter, et moi, j’ai dit : « Il n’y a pas de problèmes, on va le dire,
vous dites que ce sont les Belges qui sont responsables à cause de la distinction
Hutu / Tutsi » - donc, il a commencé à dire en disant : « L’histoire
du bidon, ce n’est pas vrai, c’est la faute des Américains et des Belges, c’est
pour cela que nous avons eu tous ces problèmes », et il a ajouté, c’est
acté, là, dans mon compte-rendu de commission rogatoire, puisqu’il n’a pas voulu
signer cette partie, il n’a pas voulu que j’acte cette partie-là, il a ajouté
en disant : « Je ne vois pas pourquoi je chargerais les sœurs alors
qu’il y a d’autres, plus grands qu’elles, comme le colonel le témoin 27 et… »
un autre militaire, et c’est exact, « …sont en liberté ». Et c’est vrai
que ces deux officiers militaires sont réintégrés dans la nouvelle armée, enfin
dans l’armée… l’APR et donc, sont effectivement en liberté, alors que Monsieur
REKERAHO estime qu’ils ont une responsabilité également. Donc, c’étaient des
gens qui étaient dans les anciennes forces armées rwandaises et qui ont été
intégrés dans les nouvelles forces armées rwandaises et donc, il dit :
« Ce n’est pas normal que ceux-là courent, je ne vais pas aller charger
des sœurs quand ceux-là qui sont beaucoup plus gros, courent toujours ».
Donc, il a dit, en ce qui concerne l’essence : « Ce n’est
pas exact que la sœur me l’a apportée pour mettre de suite le feu ». Mais
il dit : « Par contre », il a de suite ajouté, mais c’était dans
la même foulée, « par contre, c’est vrai qu’elles m’ont demandé d’évacuer
les réfugiés et qu’elle m’a livré les réfugiés, qu’elle me les a donnés ».
Donc ça… Dans le même coup, il disait : « Ce n’est pas exact pour
le bidon d’essence mais c’est vrai qu’elles me demandaient sans cesse de faire
évacuer les réfugiés, de les débarrasser des réfugiés ». Donc, c’est, je
dirais, un peu dans la même diatribe qu’il a… et cela, bon… on a alors repris
l’audition en reprenant… donc, on a bien acté, bien entendu, qu’en ce qui concerne
l’essence, le bidon d’essence, il ne confirmait pas ce qu’il avait dit à l’enquêteur
du Tribunal international, et que… de ce point vue-là, mais que, par contre,
il confirmait bien le reste, les contacts où les sœurs, c’est ce qu’il disait :
« Les sœurs demandaient d’évacuer les réfugiés parce qu’elles estimaient
que cela mettait en cause le couvent et les sœurs », semble-t-il, le bâtiment…
quand on parlait du couvent, c’était notamment le bâtiment et qu’elles ne voulaient
pas que le bâtiment soit démoli. Donc, à ce niveau-là : divergence.
Je dois ajouter, pour être complet, que j’ai organisé une sorte de
confrontation avec l’enquêteur du Tribunal international puisque c’était quand
même un point qui me semblait litigieux. Moi, j’ai souhaité de pouvoir le réentendre
en présence de l’enquêteur du Tribunal international. Il a déclaré à ce moment-là…
il est revenu à sa première version telle qu’il l’avait faite devant l’enquêteur
du Tribunal international en disant : « Non, c’est quand même vrai
pour les bidons d’essence » et, dit-il, qu’il n’avait pas voulu dire la
vérité devant nous parce qu’il était fâché, parce qu’il n’était pas devant le
Tribunal international. Il semblerait qu’on lui ait fait miroiter le fait… c’est
qu’il puisse un jour se trouver plutôt devant le Tribunal international que
devant les autorités rwandaises, avec la question évidemment de la peine de
mort à la clé ou pas. Donc, on peut comprendre évidemment qu’à partir du moment,
s’il restait au Rwanda, il ne soit pas très heureux d’autant plus si on lui
a fait miroiter peut-être la circonstance qu’il puisse être déféré devant le
Tribunal international ou en tout cas, aux yeux des Rwandais ou des détenus
rwandais, le Tribunal international paraît peut-être un régime plus favorable
que le régime qui existe au Rwanda.
Donc, ce que je peux dire : dans une première version, il ne
confirme pas le bidon d’essence ; dans une seconde version, il le confirme.
Je ne peux que vous le rapporter comme cela. Moi, j’ai acté l’un et j’ai acté
l’autre, avec les explications qu’il a données.
En ce qui concerne la suite des événements, on retrouve une suite
un peu du même ordre en disant de nouveau, pour l’épisode de l’aller-retour
à Butare, il confirme complètement en disant : « Moi, je ne savais
pas, je n’étais pas content. Elles me demandent de protéger le couvent, de protéger
les sœurs et derrière mon dos, elles vont à Butare. C’est vrai que quand elles
sont revenues, je n’étais pas content du tout. A quoi cela sert que je les protège
si elles vont s’exposer ailleurs ». Cela me paraît effectivement un peu
cohérent en disant : « Oui, mais moi, si je les protège, elles ne
doivent pas aller derrière mon dos ». Et donc, il dit : « C’est
vrai que j’ai dit que cela n’allait pas ». Alors, il déclare, pour le 25,
que c’est des listes… qu’il aurait reçu des listes de sœur Gertrude. L’histoire
des listes est toujours une question de savoir pourquoi, bien qu’on ait quand
même des éléments pensant que les listes avaient été faites pendant l’absence
des sœurs, donc, là, cela reste quand même quelque peu nébuleux. Mais, toujours
est-il que pour le 25, il confirme le déroulement tel que cela s’est passé,
mais il dit : « Je n’ai jamais dû perquisitionner. On m’a amené les
réfugiés. Il a suffi que je me présente pour qu’on me les amène. On n’a pas
dû aller les chercher de force dans les chambres ». Il dit : « D’ailleurs,
de tout temps, cela s’est fait sur base amiable dans le sens où on n’a pas dû
forcer le couvent, on n’a pas dû casser des vitres, on n’a pas dû… », comme
cela s’est passé ailleurs. Il faut reconnaître qu’il y a des couvents, des églises
qui se sont fait attaquer ailleurs ; ici, cela n’a pas été le cas. Il dit :
« Je me suis présenté effectivement ». Et il confirme exactement le
déroulement tel que cela a été relaté. Et alors, il ajoute : « C’est
qu’après cela, j’ai dit que je les laissais en paix, que les familles des sœurs
je ne les inquiétais pas ».
Donc là, il l’a vraiment confirmé devant moi en disant : « La
question des sœurs… moi, j’ai dit que les familles des sœurs, il y avait déjà
eu assez d’histoires, que les familles des sœurs, je ne les inquiétais pas davantage »
et donc, je vous ai dit que cela a été confirmé par trois autres sœurs. Et elles
avaient précisé, ces sœurs-là, que sœur Kizito et sœur Gertrude n’étaient pas
là lorsque REKERAHO leur avait dit cela. C’est possible qu’effectivement la
sœur Gertrude et la sœur Marie Kizito n’étaient pas au courant de cela. Enfin,
bon… C’est vrai que par la suite en tout cas, il n’y a plus eu d’action, d’attaque
de REKERAHO en tout cas lui-même vis-à-vis des familles des sœurs réfugiées
puisque-là, cela a été le bourgmestre qui est intervenu. Il a également ajouté
en ce qui concerne l’essence, c’est que l’essence, il en a reçu à plusieurs
reprises de sœur Gertrude. Il dit : « C’est sœur Gertrude qui me remettait
l’essence, elle siphonnait, pour la voiture ». Il dit : « Pour
l’essence, on allait presque naturellement s’approvisionner au couvent pour
obtenir l’essence de la voiture ».
Alors, par rapport à cette… Il semblerait qu’effectivement, pour
ce qui était l’approvisionnement d’essence avant les événements, c’était une
sœur qui avait la clé et que comme cette sœur était Tutsi, pendant les événements,
elle ne pouvait pas sortir, donc, que cette clé avait été donnée à sœur Gertrude,
en tout cas c’est quelque chose qui est avancé dans le dossier en disant que
cette histoire de clé… qu’il est possible, ce que sœur Gertrude en tout cas
ne confirme nullement, en disant… elle ne dit pas du tout qu’elle était responsable
de donner l’essence, mais REKERAHO déclare en tout cas que l’essence lui était
produite… lui était donnée par le couvent et il désigne sœur Gertrude comme
la personne qui lui donnait l’essence. Quand on voit l’ensemble de cette déclaration,
eh bien finalement ça recoupe grandement, je dirais, les événements. Il y a
évidemment cette histoire de bidon d’essence qui reste un nœud dans lequel j’espère
que les débats permettront de voir plus clair, notamment en entendant directement
les témoins, mais sinon, pour le reste, c’est vrai qu’on retrouve une chronologie
assez parallèle avec des relations étroites et d’ailleurs que REKERAHO qualifie
d’ailleurs : « J’étais chargé de la protection des sœurs et du couvent ».
Bien entendu, il semblerait que dans les faits, la protection ne s’est vraiment
pas étendue aux réfugiés, ça, semble-t-il, ce n’était pas compris dans la question
de la protection.
Voilà, je pense que j’ai brossé… C’est fatigant pour moi et je me
rends compte que c’est fatigant pour vous aussi, d’essayer de brosser avec quand
même l’ensemble d’éléments convergents qui vont faire l’objet sans doute du
débat, mais avec quand même dans les événements… je pense qu’on est parvenu
à retracer et bien resituer chacun des événements avec les différentes versions,
mais des versions qui, dans l’ensemble, ne sont pas si éloignées que cela, même
si les lectures qui peuvent en être faites, peuvent être évidemment assez différentes.
Le Président : Merci. Vous
pouvez peut-être vous asseoir un instant, Monsieur le juge d’instruction. Il
y a un témoin qui s’est présenté ? Euh… Oui, oui. Nous allons, en fonction
de ça, voir un peu comment on organise le reste parce que je pense que personne
n’a envie de repartir à 6 heures ou 6 heures et demie aujourd’hui.
Me. EVRARD : Monsieur le
président, si vous le permettez, pour l’organisation, ce sont… ces deux témoins
avaient été demandés par Monsieur HIGANIRO. J’ai appris que l’un ne viendrait
pas, mais, en ce qui concerne le second, au vu des éléments du débat qui ont
déjà été apportés jusqu’hier, nous n’avons pas de questions à lui poser, à ce
stade-ci.
Le Président : Cela veut
dire que… enfin, il n’y a pas d’audition de ce témoin dans le dossier, donc,
je ne sais pas ce qu’il va raconter.
Me. EVRARD : Non, justement,
mais puisqu’il y a un problème de calendrier ici, je souhaitais simplement le
signaler à la Cour.
Le Président : Bon. Maintenant,
on va suspendre évidemment un quart d’heure pour permettre à tout le monde de
souffler. Donc, on reprendrait les débats à 4 heures moins 10. Je pense que
ce qu’on pourrait peut-être faire alors, c’est entendre le témoin qui resterait,
vers 4 heures et demie-5 heures moins le quart, si vous n’avez pas de questions
à poser. 5 heures moins le quart de manière à ce que nous terminions à 5 heures
aujourd’hui, exceptionnellement. Ce sera le seul jour peut-être, j’espère que
non, mais enfin ! Donc, nous reprendrions à 4 heures moins 10 jusqu’à 5
heures moins le quart, avec le juge d’instruction et les enquêteurs. Deux possibilités :
ou bien nous consacrons ce temps à présenter la vidéo… les deux passages vidéo,
je crois, sur Sovu et les photos de Sovu et alors, nous demandons au juge d’instruction
et aux enquêteurs, de revenir lundi matin pour les questions à leur poser. Ou
bien on pose les questions après l’interruption et on fait les dias et la projection
lundi. Maître BEAUTHIER ?
Me. BEAUTHIER : Monsieur le président,
je crois qu’on a tout intérêt à ce qu’on, je m’excuse pour eux, à ce que les
enquêteurs et Monsieur le juge d’instruction reviennent lundi et que le jury
voie d’abord les photos pour situer la topographie qui, pour nous, a été très
difficile déjà à situer dans le dossier.
Le Président : Cela convient,
ce procédé ? On va faire comme cela alors.
Damien VANDERMEERSCH : Nous sommes
à la disposition de la Cour.
Le Président : Suspension
jusqu’à 4 heures moins… moins 10. On reprend jusque vers 5 heures moins le quart,
avec les projections.
[Suspension d’audience]
Le Greffier : La Cour
Le Président : L’audience
est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place et
les témoins, juge d’instruction et enquêteurs peuvent également reprendre place.
Comme on va faire de la projection, on peut peut-être se… vous pouvez
peut-être vous mettre…
Bien, alors projection d’abord des dias ou d’abord de la vidéo ?
Vidéo d’abord.
Un Enquêteur : Donc, le film
a été réalisé lors de la troisième commission rogatoire, donc en octobre 1995.
Donc, ici, c’est le chemin, ici nous arrivons donc euh… à la chapelle du monastère,
donc, c’est le chemin pour arriver jusqu’au centre de santé qui se trouve ici,
plus bas. Donc ceci, c’est le centre de santé avec le garage ; nous voyons
déjà que tout cela est détruit et brûlé. Voilà, ici, c’est la porte du garage
qui manifestement a été brûlée. L’entrée du garage, bien sûr.
Le Président : Lorsqu’on
parle de 500 à 700 personnes qui auraient pu prendre place dans ce garage, est-ce
que c’est possible ?
Damien VANDERMEERSCH : C’est la
question qu’on s’est posée sur place mais on est des fois très surpris de… quand
on voit dans les prisons, on est confronté au… des fois, les gens restent entassés
de façon assez inimaginable. Je dois vous dire qu’on n’a pas fait de reconstitution
pour le nombre de personnes, mais euh…
Un Enquêteur : Mais c’est plausible,
de toute façon.
Damien VANDERMEERSCH : Enfin,
ce n’est pas un espace énorme…
Un Enquêteur : Donc ici, on le
voit ici…
Damien VANDERMEERSCH : …pour
moi, ça me paraît… ça me paraît excessif, 500 à 600, mais qu’on parle de 200-300
c’est pas impossible alors que pourtant l’espace est un garage. Mais on a déjà
vu que des personnes pouvaient vraiment s’entasser de façon… surtout lors d’une
attaque, je veux dire, lors d’une attaque, ils pouvaient se mettre… mais 500-600,
cela me paraît… mais c’est difficile à apprécier parce que nos critères ne sont
pas nécessairement…
Un Enquêteur : Donc ici, c’est
l’intérieur avec une fosse. Ici, le trou ; donc les miliciens faisaient
des trous dans les murs pour pouvoir lancer les grenades.
Voilà, le trou est ici, à l’arrière.
Damien VANDERMEERSCH : Je vous
rappelle que pour le… quand on voit l’ensemble des bâtiments, on parlait de
500 à 3.000, c’est pour l’ensemble, évidemment. Qu’on parlait… donc c’est vrai,
sans doute ils étaient répartis dans l’ensemble des bâtiments.
Un Enquêteur : Oui, parce qu’on
parle du garage et du centre de santé. Donc, le garage se trouvait juste à côté
du centre de santé.
Damien VANDERMEERSCH :
Intégré.
Un Enquêteur : Oui, intégré. Ici,
ce sont des impacts ; ici, ici, ici. Ça, c’est le centre de santé, hein.
Damien VANDERMEERSCH : Je dois
vous dire que quand on allait sur place, il y avait encore des odeurs très importantes
de cadavres.
Un Enquêteur : Ici, ce sont des
traces de sang séché.
Ce sont des impacts de balles.
Ici également.
Donc, c’est le chemin que nous prenons du centre de santé pour rejoindre
le monastère.
Ceci, c’est la chapelle et c’est l’entrée du monastère, sur la droite.
Donc, le monastère, on le voit maintenant ici, ne présente aucune dégradation.
On se trouve à l’intérieur de la chapelle.
Ici, nous sommes à l’intérieur du monastère. Ceci, c’est le bâtiment
central.
Damien VANDERMEERSCH : Ce sont
les magasins, en dessous, là.
Un Enquêteur : Ceci, ce sont les
magasins et la fabrique d’hosties se trouve ici, en dessous. Tout cela, c’est
le parc. Donc, les bâtiments ne présentent aucune dégradation.
Ceci, c’est la fabrique d’hosties.
Damien VANDERMEERSCH :
C’est le garage.
Le Président : Voilà, je crois
que c’est terminé pour la vidéo. On va passer aux diapositives.
Damien VANDERMEERSCH : On peut
peut-être commencer par celles de 1995, comme diapositives. Je crois qu’il y
en a en février 2000 aussi qui ont été prises.
Le Président : Oui, le chargeur
n° 1, chargeur 22 et ça c’est en 2000. Oui. Donc, on commence d’abord par le
chargeur n° 1, comme il n’y a pas grand-chose dans ce chargeur n° 1, je crois
qu’il y a juste deux dias et puis on passera le chargeur 22.
Damien VANDERMEERSCH : Oui, ces
deux dias-là, on peut aller rapidement, parce que je pense que c’est plutôt
le chargeur 22 qui pourra donner un aperçu global.
Le Président : Oui, c’est simplement
une vue avant et une vue arrière du couvent. Oui, Monsieur l’huissier, on peut
passer à la suivante. C’est simplement la vue avant et la vue arrière du couvent.
Damien VANDERMEERSCH : Voilà,
ça ne donne pas exactement, on ne voit pas l’ensemble, mais avec les photos
de 95, je crois qu’on pourra bien décrire l’ensemble de la construction.
Le Président : On va pouvoir passer tout de suite, alors, Monsieur
l’huissier, au chargeur n° 22.
Damien VANDERMEERSCH : Je
ne suis même pas sûr que les deux photos qu’on a vues, ce sont des photos du
couvent de Sovu. Non, pour moi, c’est l’autre couvent, euh… c’est un autre couvent ;
je me demande si ce n’est pas Ndera, qui fait l’objet d’une autre instruction.
Le Président : Ah, c’est possible.
Damien VANDERMEERSCH : Ou bien
le… le…
Le Président : Butare, vue du
couvent. Oui, effectivement, je ne sais pas si…
Damien VANDERMEERSCH : Eh bien
oui, mais ce sont les couvents… le couvent
où se sont réfugiés les enfants KARENZI…
Le Président : Ah oui.
Damien VANDERMEERSCH : …à mon
avis, c’est plutôt ces photos-là. Le couvent de bene… benekira…
Un Enquêteur : Benebikira
Damien VANDERMEERSCH : …cela n’avait
rien à voir avec Sovu, c’est bien ce que je pensais.
Voilà.
Le Président : C’est bien Sovu,
ici ?
Damien VANDERMEERSCH : Donc, ici,
c’est Sovu, donc je vais peut-être faire le commentaire de ces photos. Donc
au… C’est le chemin d’entrée, à gauche le centre de santé et donc, on a pris
en fait une photo à partir du centre de santé et une photo dans l’autre sens.
Evidemment, avec la vidéo on a pu faire la vue panoramique et donc, on voit
la chapelle, donc, qui se trouve là et qui est sur le devant, mais on verra
ici, plus l’ensemble des constructions, notamment vers la… vers le côté, ce
n’est pas tout à fait l’arrière, ceci étant considéré comme l’avant.
Le Président : Donc, cette photo
est prise depuis le centre de santé ?
Damien VANDERMEERSCH : Depuis
le centre de santé, c’est exactement ça, avec la chapelle donc, qu’on voit,
et la route qui monte ; c’est une route qui est un peu en pente et donc,
qui monte. Voilà.
Le Président : Oui.
Damien VANDERMEERSCH : On peut
aller à la suivante.
Donc ici, on se rapproche. Alors on aura… Donc ici, tous les bâtiments
que nous avons vus sur la vidéo, d’ailleurs on reverra le détail sur la droite,
mais il y a également, et on verra après, tous des bâtiments, je dirais, sur
la gauche également avec également tout un espace et là, c’est le côté qu’on
parle du côté de la ferme et c’est notamment de ce côté-là également que se
trouve la réserve d’essence.
Le Président : Oui.
Damien VANDERMEERSCH : Une photo
de la chapelle. On peut passer à la dia suivante.
Le Président : La suivante, Monsieur
l’huissier. Photo suivante.
Damien VANDERMEERSCH : Voilà,
donc c’est la grille d’entrée. Il y avait
une grille d’entrée, sinon pour le reste, c’est plutôt des haies qui délimitent
l’espace, disons, un peu le parc du couvent, donc, il y a un espace ici et comme
je l’ai expliqué, il y a une sorte également d’espace de l’autre côté.
Voilà, alors ici, on est le long de la chapelle, donc c’est la chapelle.
Alors, nous avons l’entrée principale qui est à cet endroit-là. Nous avons les
hosties, donc les ateliers d’hosties, qui sont sur la gauche à cet endroit-là,
vers le bas et nous avons le garage - il semblerait que c’est là qu’était garée
la voiture, semble-t-il - et alors là, on verra que c’est l’hôtellerie et ce
qu’on appelle au, je dirais, au sous-sol presque, les magasins.
Le Président : Donc, ici on va
voir depuis la gauche jusque vers l’extrême droite.
Damien VANDERMEERSCH : Voilà,
donc on va faire… Donc, première photo, c’était
la précédente, donc on va faire des vues panoramiques. Ici donc, on peut bien
voir dans le coin, dans l’angle, le garage, les magasins et alors à l’étage,
c’est l’hôtellerie, alors il y a… on a indiqué que sœur Scholastique se serait
située là, lorsqu’elle décrit notamment certaines scènes, donc qu’elle aurait
pu voir certaines scènes de cet endroit-là et c’est vrai que de cet endroit-là,
on voit, en tout cas sans problème, l’entrée du couvent. La sœur Scholastique
était responsable de l’hôtellerie. Ici, on est un peu plus vers la droite, donc,
c’est de la vue panoramique donc vers le… pas le parc, mais disons, l’espace
jardin qui se trouvait à cet endroit-là. On va faire d’ailleurs tout le tour,
on va aller à l’angle suivant. Donc, voilà, c’est ce qu’on a vu, un peu l’espace
jardin. Et on va remonter jusqu’à l’entrée. Voilà, donc, ici… ici, c’est une
vue dans l’autre sens, donc, on est au bout de l’espace jardin et donc on voit
un peu, donc, l’entrée, le… et donc tout l’espace qu’il y a devant.
Alors c’est là, donc, qu’on voit le garage, les magasins, l’atelier
d’hosties. En dessous, le grand parloir qui se trouve à cet endroit-là et donc
l’hôtellerie qui se trouve à cet endroit-là. Ceci, c’est la vue du garage. Donc
ça, c’est la vue des magasins. C’est là que se seraient réfugiés lorsqu’il pleuvait,
donc, les… lorsque les réfugiés seraient venus du centre de santé à cause, je
dirais, des premiers coups de feu, des premières explosions, qui seraient venus
ici et certains auraient pu se réfugier et s’abriter en dessous, mais d’autres
seraient restés sous la pluie. C’est un détail du magasin, enfin de ce qu’on
appelle les magasins qui sont des sortes de petits entrepôts. Mais c’est pour
le stockage. Donc ici, c’est la vue dans l’autre sens, donc on est dos… dans
le dos, les magasins. On est peut-être, je ne sais pas… non, je crois qu’on
est au rez-de-chaussée et donc on voit la vue dans l’autre sens et donc le centre
de santé se trouve au bout de l’allée qui descend. L’entrée de nouveau. Alors
ici, donc, à l’époque, je pense que le bâtiment était encore partagé, donc,
entre les deux sœurs qui étaient revenues et l’ONG Terre des Hommes qui accueillait
des enfants, ce qui explique toute la présence d’enfants et d’ailleurs aussi
également toutes les marchandises qui se trouvaient dans la chapelle. Et donc,
ici, on est à l’entrée. Alors, si je me souviens bien, ceci est le parloir.
Le Président : Le parloir, oui.
Damien VANDERMEERSCH : Ici, donc,
c’est l’entrée principale, donc là, que j’ai indiquée. Et alors ceci, c’est
le réfectoire des sœurs. Alors, ici, on est de l’autre côté. Donc, le bâtiment
central qu’on a vu (attendez, je vais…) sauf erreur de ma part, est ce bâtiment-là
et alors en fait, on a une… ce qu’on appelle le premier espace intérieur, donc
il y a deux cours intérieures, je crois que c’est le grand cloître et le petit
cloître, c’est nommé comme cela. Et donc, on a… ici logeraient, donc, les personnes
qui étaient en session, donc, logeraient, ce seraient les chambres qui seraient
à ce niveau-là. Ici, on a la vue inverse, donc le bâtiment euh… ce n’est pas
le bâtiment qu’on a vu, donc le bâtiment… il y a deux angle avec des bâtiments
plus bas, donc ici derrière, on voit un arbre qui est dans le jardin ou le parc
situé de l’autre côté, qu’on n’a pas encore vu. Et donc ici, ce seraient les…
ce sont les chambres des novices. Et donc, le bâtiment central que nous avons
vu avec, à l’étage, des chambres pour les gens en session, pour les hôtes. Alors,
ici, de nouveau, c’est la vue, ici, à l’extérieur, donc vous voyez la petite
porte qui entre dans le cloître, donc ici on est à l’extérieur du cloître, on
est dans le jardin. On a une vue, donc, ici sur les chambres, donc, des invités,
des gens… des gens en session et ici à gauche, c’est le bâtiment avec les chambres
des novices. Ici, ce sont les couloirs intérieurs des chambres. Ici, on est
dans l’autre petit…
Le Président : Le petit cloître.
Damien VANDERMEERSCH : …on est
dans le petit cloître où on aura d’un côté ce qu’on a vu, évidemment, bordant,
et de l’autre côté ce sont les chambres des sœurs, le bâtiment qui abrite les
chambres des sœurs. Ici, c’est une vue intérieure, donc, d’un couloir avec les
chambres. Enfin, ça vous donne quand même une idée de la grandeur de l’espace
intérieur du couvent. Il y avait quand même de nombreux bâtiments. Alors, ici,
on a une vue qui est intéressante puisque vous avez ici le bâtiment principal
et la continuation, donc, c’est la chapelle. On a le bâtiment qui abrite les
chambres des sœurs avec ici, où il y a un caoutchouc, c’est le petit cloître,
donc qu’on a vu. Ici, c’est le bâtiment, donc, qui fait la scission entre le
petit cloître et le grand cloître et alors nous avons le grand cloître qui est
là avec le bâtiment des… qui abrite les chambres des sœurs novices. Et alors
tout ceci, donc, est… ici c’est ce qu’on appelle la ferme et là, ce sont justement
les bâtiments techniques et on verra d’ailleurs, lors de la dernière commission
rogatoire, on a pris des photos beaucoup plus détaillées, on a, à ce moment-là,
la réserve d’essence qui se trouverait de ce côté-là et également, vers l’arrière,
la sortie qui donne vers la maison de Gaspard qui se trouve, donc, juste derrière
le couvent, ici. On a dit qu’en fait la terre sur laquelle était construite
la maison de Gaspard était en fait une terre du couvent qui avait été prêtée
ou donnée aux habitants, à des voisins, donc il avait pu construire sa maison,
mais donc c’est vraiment… on verra qu’il y a une clôture là, enfin une clôture
là, c’est un mur avec une porte et qui donne alors à ce moment-là, à 100 mètres
à peu près sur la maison de Gaspard.
Donc ici, on a le bâtiment des sœurs, le petit cloître avec le caoutchouc
et on voit bien alors la situation par rapport à la chapelle et l’entrée principale.
Donc, ici, on a la chapelle et donc ce qu’on appelait le devant, le devant du
monastère. Alors, ici, c’est la vue du monastère vers le centre de santé. Donc
ici, cela nous permet de voir, vraiment d’apprécier donc, ce que vous avez ici,
c’est la porte de la chapelle. J’avais demandé qu’on voit la porte de la chapelle
pour qu’on se situe exactement et donc voilà le centre de santé, on apprécie
à peu près la distance qu’il y a entre les deux. Là, c’est la même photo, donc
avec le centre de santé. En fait, le centre de santé est un peu… c’est l’entrée
du centre de santé qu’on voit. On se rapproche vers le centre de santé. Et donc,
le bâtiment qui est le premier bâtiment, c’est le garage, donc, ce qui explique
peut-être que ce soit le garage qui ait été incendié en premier lieu puisque
c’était le premier bâtiment, je dirais, qui est à front de rue. Et donc voilà
la photo du garage, donc on voit manifestement qu’il y a eu une agression, enfin
qu’il y a eu en tout cas une attaque, c’est tout à fait évidemment… les vestiges
sont tout à fait compatibles et avec ce changement de couleur qui serait dû
aux flammes.
Le Président : Sur la droite,
se trouve le chemin qui monte vers le couvent…
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait, donc là, la droite c’est le chemin qui monte vers le couvent. Et donc
on voit vraiment le… ce qui aurait chauffé, donc la peinture qui aurait chauffé
et qui aurait changé de couleur. Voilà l’entrée, on voit avec la fosse, la fosse
était pour les réparations de voitures, qui permettait de descendre. C’est assez
oppressant comme endroit parce que, je ne dis pas qu’on sentait encore la présence,
mais on sentait vraiment ce qui s’y était passé. Donc, on aura observé le trou,
là, pour la grenade que Monsieur DELVAUX avait mise en évidence. Et donc, ici
alors, donc, le garage est ici à droite et nous entrons dans le centre de santé
qui est composé d’un ensemble de bâtiments. Ici, les bâtiments ne sont pas fermés,
en tout cas il y a toute une série, ou c’est simplement un abri et de l’autre
côté, il y a plusieurs autres bâtiments qui, je dirais, avaient en tout cas
sur la devanture, un mur avec des vitres et donc, qui étaient davantage protégés.
Et donc, là tout est en état de délabrement. Donc, on peut s’apercevoir, la
végétation a un peu repoussé bien entendu, mais on voit vraiment des traces
d’effraction et de bris assez répétées et des traces de balles également. C’est
en fait toute une série de petits bâtiments qui sont accolés les uns aux autres.
Le Président : Donc, ce bâtiment-ci,
qu’on vient de voir, aurait lui aussi été incendié ?
Damien VANDERMEERSCH :
Oui.
Voilà, nous avons ici les traces d’incendie également, donc les…
Il faut dire que ce n’est pas qu’à Sovu qu’il y a eu du feu avec de l’essence,
donc ça a été malheureusement une technique utilisée pour notamment les gens
qui se réfugiaient quelque part, pour les obliger également à sortir bien entendu,
c’était une technique et pour effectivement ne pas être confronté directement
avec des gens qui sortaient, c’était d’incendier et à ce moment-là, soit les
gens périssaient dans l’incendie, soit ils sortaient et malheureusement les
machettes pouvaient les attendre à la sortie. Donc là, on voit bien les traces
de feu.
Le Président : Ce sont des fichiers
de clients du centre.
Damien VANDERMEERSCH : Oui, c’est
pour montrer que vraiment tout a été laissé, enfin je veux dire, on n’est pas
passé depuis lors, donc vraiment tout, était dans… pas en état, bien entendu,
puisqu’il y avait un an qui s’était déroulé, mais il y a rien qui a été… les
lieux n’ont pas été réinvestis, on a retrouvé encore des vestiges anciens de
la disposition des lieux tels qu’ils étaient, tels qu’ils existaient avant.
Le Président : Oui, alors on peut
passer maintenant, Monsieur l’huissier, au chargeur n° 23 qui sont des
diapositives plus récentes, donc, de la commission rogatoire.
Damien VANDERMEERSCH : Oui, je
vais passer la parole à Monsieur STASSIN qui a fait ces photos-là, bien que
j’aie eu l’occasion, bien entendu, de me rendre de nouveau sur les lieux, également
au mois de… au mois de mars 2000.
Michel STASSIN : Oui, donc ici,
donc, il s’agit, donc, d’une vue comme on a pu le voir précédemment donc, du
chemin, donc à partir d’où j’indique ici, donc de la grille de départ, donc,
du monastère et qui descend donc vers le centre de santé. Ça c’est un monument,
donc, aux personnes décédées, donc, qui se trouve dans le contrebas du chemin,
donc, qui conduit au monastère de Sovu.
Damien VANDERMEERSCH : C’est une
sorte de mémorial.
Michel STASSIN : Mémorial, effectivement.
Alors ici, nous nous situons à l’arrière du monastère où cette dame, donc, qui
habite la colline, on l’a interpellée et on lui a demandé, donc, si elle pouvait
nous situer la maison de Gaspard RUSANGANWA qui était donc cet ancien moine
et assistant du bourgmestre de Ngoma, donc RUREMESHA Jonathan. C’est sa maison
qui est située ici…
Damien VANDERMEERSCH : Attention,
Monsieur ! Donc, c’est assistant bourgmestre de Ngoma, donc ce n’est pas
de Huye. C’était de KANYABASHI en fait qu’il était assistant. Mais pendant les
événements, il était à Sovu et Huye.
Michel STASSIN : Alors donc ici,
derrière la végétation, se situe la maison qu’on vient de voir il y a 30 secondes
et donc, voici le chemin qui conduit comme ceci, et nous arrivons donc à une
petite barrière qui accède à l’enceinte du monastère. Donc voilà. De la gauche,
je reviens donc de la maison de ce Gaspard, j’emprunte ce petit chemin et donc
j’arrive à la petite barrière pour pénétrer, donc, dans l’enceinte du monastère.
Damien VANDERMEERSCH : Donc, on
a pris notamment ces photos après l’audition de Monsieur REKERAHO qui disait
qu’il arrivait très souvent que les deux sœurs sortent par l’arrière et qu’ils
se rencontraient à la maison de Gaspard, donc juste derrière le couvent et qu’il
leur est arrivé plusieurs fois pendant les événements, de se réunir donc dans
cette maison, de se retrouver dans cette maison. Il est évident que c’était
situé à même pas 50 mètres et qu’il y avait une petite porte directe, il
ne fallait pas faire le tour du couvent.
Michel STASSIN : Voilà, donc ça,
c’est lorsqu’on se place déjà à l’intérieur de l’enceinte, donc ça, c’est une
vue un peu plus précise de cette barrière, donc de ce passage et là, donc, quand
je tourne vers la droite, je suis reparti vers la maison de Gaspard. Donc, la
petite barrière est ici, donc c’est une vue un peu plus générale, donc, de ce
qu’on appelait les bâtiments de la ferme et donc, si on suit le petit point
lumineux ici vers la droite, nous allons donc déboucher sur un sentier à l’intérieur
même, donc, de l’enceinte du monastère. Voilà, donc je me situais là tout à
l’heure, donc c’est un petit sentier, donc, qui descend pour aller vers l’intérieur
du monastère et donc ici, se situe le bâtiment qui nous a été désigné, donc,
par un jeune garçon, que je crois qu’on verra d’ailleurs plus tard sur les photos,
ce bâtiment étant donc le bâtiment où était entreposé le carburant. Derrière
cette haie ici, le chemin continue à descendre vers l’intérieur, pour se rendre
à l’intérieur, donc, du monastère. Donc ça c’est une vue du bâtiment où étaient
entreposés les jerricanes de carburant, les jerricanes d’essence. Donc, si je
me souviens bien, j’avais interpellé sœur Gertrude à ce sujet en mars 2000 et
donc, cet album photographique lui a bien sûr été présenté et elle m’a donc
effectivement confirmé qu’il s’agissait bien du bâtiment où est entreposé le
carburant.
Le Président : Tout en précisant
que la porte, à l’époque, était verte et non pas rouge.
Michel STASSIN : Oui, c’est exact,
Monsieur le président. Voilà, donc ici il s’agit d’une prise de vue de la porte
avec un plus gros plan. On remarque la présence d’un cadenas. On a fait donc…
on a tiré cette photo pour, disons, vraiment voir le détail à tirer au point
de vue des briques, de la maçonnerie, voir si quelque chose avait été reconstruit,
rebâti et disons également voir un détail de cette porte pour voir si elles
présentait des traces d’effraction ou bien des coups ou quoi que ce soit. Apparemment
donc, ceci est complètement, donc, intact à l’époque bien sûr où nous avons
constaté.
Damien VANDERMEERSCH : Il faut
préciser qu’aucun témoin, aucune des sœurs n’a fait état que cette porte aurait
été fracturée à un moment donné.
Michel STASSIN : Alors ceci, je
me trouve pour le moment, donc, dos au bâtiment qu’on vient de… au bâtiment
que l’on vient de voir où est entreposé le carburant et ceci, c’est la petite
porte blanche que l’on a vue sur les photos précédentes et donc, qui permet
d’accéder au cloître.
Damien VANDERMEERSCH : Au grand
cloître.
Michel STASSIN : Au grand cloître,
ici. Voilà, donc maintenant je me replace dos à cette porte comme si je sortais
du grand cloître et donc je dois gravir les quelques escaliers ici. Alors, je
ne sais pas si c’est assez précis mais là où j’essaie d’indiquer le mieux que
je peux, le petit point lumineux, on voit donc derrière cette haie la porte
de ce bâtiment, donc, où est entreposée, donc, l’essence ; donc c’est pour
bien resituer les lieux. Euh… oui, donc il s’agit donc du jeune garçon que nous
avons rencontré à l’époque et donc il nous avait certifié, donc, que l’essence
se trouvait bien dans le bâtiment dont on a vu les photos.
Le Président : Eh bien voilà,
nous avons terminé. Rallumez dans la salle, je crois. Bien. Oui, Maître JASPIS ?
Me. JASPIS : Oui, Monsieur le
président, si vous le permettez, tant que tout le monde a bien fraîche à la
lumière les… à la mémoire, pardon…
Le Président : De deux choses
l’une, ou bien nous le faisons lundi ou pas ?
Me. JASPIS : Est-ce que vous ne
pourriez pas m’autoriser à poser deux toutes petites questions de demande de
précisions sur ceci ?
Le Président : S’il y a deux questions,
c’est 25 questions pour les autres.
Me. JASPIS : Mais c’est sur les
dias, non ? Voilà, je les poserai lundi, c’est comme vous voulez.
Le Président : Y a-t-il d’autres
conseils qui souhaitent poser des questions immédiatement sur les dias ou pas ?
D’autres parties ? Alors, comme il n’y a que vous et que vous n’avez que
deux questions de détail, je vous y autorise.
Me. JASPIS : Je vous en remercie
vivement. La première concerne l’estimation de la distance entre le centre de
santé et le monastère. Bon. Je sais bien que c’est une appréciation qui est
quand même relativement subjective. Pour ma part, d’après les images qu’on a
vues, je me demande dans quelle mesure la distance n’est pas de loin inférieure
à ce que Monsieur le juge d’instruction nous a dit tout à l’heure. Il me semble
qu’il a parlé de 200 ou 300 mètres, j’ai l’impression que c’est plutôt une petite
centaine de mètres. Je ne sais pas s’il peut préciser.
Damien VANDERMEERSCH : En regardant
la dia, j’ai fait attention aux clôtures. C’est toujours difficile à dire exactement,
on n’a pas fait les pas, mais pour moi, c’est vrai que c’est une bonne centaine
de mètres. Je ne sais pas, on peut demander aux autres qui ont été sur place,
Monsieur STASSIN ?
Michel STASSIN : Oui, effectivement,
je pense qu’il s’agit d’environ une centaine de mètres, oui.
Damien VANDERMEERSCH : Je m’étais
basé, pour être honnête, sauf erreur de ma part, c’est quelqu’un qui l’avait
dit dans une déclaration et c’est de là que j’ai ressorti les 200-300 mètres.
Mais en voyant les dias, effectivement, on peut situer de façon plus proche.
Me. JASPIS : Et la deuxième, toute
petite précision aussi. On a vu sur certaines dias que certaines fenêtres étaient
grillagées, notamment certaines fenêtres du…
Le Président : Du magasin.
Me. JASPIS : J’allais l’appeler
le rez-de-chaussée, je ne sais pas comment il faut l’appeler exactement… du
magasin, mais également l’espèce d’entresol, enfin où il y a l’entrée principale.
Simplement avoir confirmation que tous ces grillages aux fenêtres étaient bien,
eux aussi, toujours intacts, de même que le reste des bâtiments ? Parce
que c’était pris d’assez loin, et c’est tout ce que je voudrais demander.
Damien VANDERMEERSCH : Je dirais
que de façon générale, quand on a posé les questions, on dirait qu’il n’y a
pas eu le moindre dégât parce qu’il n’y a jamais eu la moindre attaque par rapport
au couvent. Il n’y a même pas eu une vitre cassée. On n’a jamais fait état de
la moindre attaque. Cela a été confirmé, je dirais, par l’ensemble, en disant,
chaque fois qu’il y a eu… je veux dire par rapport au couvent même, donc, le
bâtiment, la chapelle, l’ensemble des bâtiments avant et arrière, je dirais,
il n’y a jamais eu d’attaque et donc, il n’y a jamais eu la moindre même… il
n’y a pas une vitre cassée. Et donc, c’est confirmé d’ailleurs par les sœurs
elles-mêmes. L’ensemble des sœurs, je dirais, c’est de toute part, on n’a jamais
fait état d’une attaque ni du moindre dégât, ce qui n’est pas le cas pour le
centre de santé, là on a pu voir autre chose, bien entendu.
Le Président : Bien. Alors, on
va en rester là avec ces témoins-ci pour aujourd’hui. Le feu des questions étant
pour lundi. Mais avant cela, je vais quand même vous demander, Monsieur VANDERMEERSCH,
Monsieur DELVAUX, Monsieur STASSIN, Monsieur BOGAERT, si c’est bien des accusés
ici présents dont vous avez voulu parler et si vous persistez dans vos
déclarations ?
Damien VANDERMEERSCH : Oui, Monsieur
le président.
Marc CORNET : Excusez-moi, Monsieur
le président, mon nom, c’est CORNET pas BOGAERT…
Le Président : Excusez-moi, Monsieur
CORNET. Oui, Monsieur BOGAERT était absent lui, aujourd’hui.
Marc CORNET : Oui, il est à l’étranger,
effectivement.
Le Président : C’est juste.
Marc CORNET : Si je peux me permettre,
Monsieur le président, étant donné que je n’ai pas tellement travaillé dans
ce dossier-ci, c’étaient plutôt les deux autres dossiers. Est-ce que ma présence
est indispensable lundi matin ? Parce que je viens de Vervier, et j’ai
autre chose à faire.
Le Président : Les parties auront-elles
des questions à poser à Monsieur CORNET ? Apparemment non. Donc, je crois
qu’on va pouvoir vous dispenser lundi.
Marc CORNET : C’est comme on veut.
Le Président : Oui, Monsieur,
oui, je pense. Si jamais, on enverra un avion ou un hélicoptère de la police
fédérale, vous chercher.
Marc CORNET : Il n’y en a que
pour 1 heure quart en voiture, hein… ce n’est pas un problème.
Le Président : Oui, Monsieur STASSIN ?
Michel STASSIN : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Oui, aux deux questions ?
Michel STASSIN : Oui, aux deux
questions que vous venez de poser, bien sûr.
Le Président : Et Monsieur DELVAUX ?
André DELVAUX : Oui, Monsieur
le président.
Marc CORNET : Je confirme également,
Monsieur le président.
Le Président : Bien. Donc à vous
trois, en tout cas, à lundi, je dirais 9 heures… 9 heures, oui. Monsieur CORNET,
vous pouvez… vous pourrez disposer. Lundi, vous pouvez travailler à autre chose.
Monsieur BOGAERT n’était pas là et je crois qu’il ne sera peut-être pas de retour
lundi ?
Michel STASSIN : Il rentre ce
soir de mission, Monsieur le président, donc normalement il sera là, lundi.
Le Président : Donc, lui pourrait
peut-être vous accompagner lundi si jamais il y avait des questions.
Michel STASSIN : On lui signalera.
Le Président : Merci. Je vous
souhaite un bon week-end.
[Suspension d’audience]
Le Greffier : La Cour.
Le Président : L’audience
est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place. Les
accusés peuvent prendre place, oui. Nous nous excusons du retard dû, semble-t-il,
à un mouvement social dans les transports en commun, ayant empêché un des jurés
d’arriver plus tôt. Monsieur VANDERMEERSCH est présent et deux enquêteurs ?
Oui, ils peuvent approcher. Alors, dans les témoins qui étaient prévus ce matin
à 9h00, ils ne sont pas là. Les parties renoncent à l’audition du témoin 43,
NIYITEGEKA Innocent, MUKARUTAKWA Marie-Goretti, le témoin 54, MUKAGASANA Annunciata,
le témoin Consolée, le témoin 65 Immaculée et Monseigneur le témoin 59 ?
Prenez place, je vous en prie. Désolé du retard dû à un mouvement social dans
les transports en commun. Bien. Donc, nous avions abordé, vendredi après-midi,
les auditions de Monsieur VANDERMEERSCH et des enquêteurs en ce qui concernait
le volet Sovu. Y a-t-il des questions à poser aux témoins de la part des membres
du jury ? Monsieur l’avocat général ? Pas de questions ? Les
parties civiles ? Maître JASPIS ?
Me. JASPIS : Je vous remercie,
Monsieur le président. Différentes questions concernant la famille des deux
accusées. Il semble, à diverses reprises, qu’on ait des indications de leur
part concernant le fait que leurs familles seraient dites mixtes. Est-ce que
les enquêteurs ont recueilli des éléments d’information utiles à ce sujet, Monsieur
le président ?
Le Président : Monsieur le
juge d’instruction ? Monsieur STASSIN ?
Damien VANDERMEERSCH : Je partage
puisqu’on a travaillé toujours en équipe et Monsieur STASSIN a entendu beaucoup
de personnes. Mais sœur Gertrude a toujours déclaré qu’elle avait un physique
mixte, enfin qu’elle avait un physique qui avait certains traits Tutsi. Parmi
les témoins, l’ensemble des témoins entendus, pour sœur Kizito, cela semblait
assez clair qu’elle était originaire de la colline et qu’il n’y avait en tout
cas, à ma connaissance ou à mon souvenir, aucun élément disant qu’il y avait,
je veux dire, une famille mixte. Elle était plutôt originaire et, semble-t-il,
que toute la famille… enfin on n’a pas fait état de personnes faisant partie
de sa famille d’origine Tutsi. Maintenant, en ce qui concerne sœur Gertrude,
sa famille, elle n’en a pas tellement fait état parce qu’il semblait d’abord
qu’il y avait une grande distance, qu’elle avait épousé la vie religieuse et
que la famille était plutôt la… c’était plutôt la communauté religieuse où là,
effectivement, parmi les religieuses, il semblait qu’il y avait 17 religieuses
d’origine Tutsi et 9 religieuses d’origine Hutu.
Donc, voilà, si ce n’est… mais la question d’ethnie est toujours
une question difficile aussi, une question qu’on a posée franchement à certains
témoins à partir du moment où ils étaient impliqués dans les événements comme
pouvant être classés dans une catégorie ou dans une autre catégorie. Mais je
dirais que c’est une question aussi… ou peut-être par, je ne sais pas, par aussi
volonté éthique, on ne posait quand même pas systématiquement en disant chaque
fois… on ne faisait pas une analyse généalogique parce qu’on trouvait que ce
n’était peut-être pas toujours la vraie question, que la vraie question était
plutôt : « Est-ce qu’on était catalogué par les autres ? ».
Ce n’était pas spécialement, je veux dire, la généalogie qui était importante,
c’était peut-être la vue ou comment on était perçu, et c’est plus dans ce sens-là
que les questions ont été posées à certains moments, à certains témoins ou à
certains accusés. Cela me semble plutôt… disons la question ethnique entre guillemets
n’a été posée que quand elle était pertinente par rapport aux faits. Au-delà
de cela, personnellement, j’ai estimé que je ne devais pas rentrer dans ces
questions-là.
Le Président : Oui, Maître
JASPIS ?
Me. JASPIS : Monsieur le
président, le sens de la question était précisément - mais je ne l’ai peut-être
pas dit très clairement - plutôt au niveau de la perception des deux accusées
par des tiers. Est-ce que, d’après l’enquête, est-ce que les enquêteurs ont
le sentiment qu’effectivement, il pouvait y avoir une confusion à cet égard,
et est-ce que, par exemple, plus particulièrement sœur Gertrude, est-ce qu’il
s’est avéré, à travers le travail des enquêteurs, qu’elle pouvait ou qu’elle
était effectivement perçue comme Tutsi ou, autre chose également, pro-FPR ?
Damien VANDERMEERSCH : Les seuls
éléments qui l’ont dit, ce sont ses propres déclarations. C’est vraiment de
ses propres déclarations où elle s’est toujours qualifiée comme menacée, disait-elle,
parce qu’elle avait certains traits Tutsi et parce qu’elle était perçue… mais
c’est elle qui le déclarait. Par contre, nous n’avons pas recueilli d’autres
éléments, d’autres témoignages, sauf erreur de ma part, disant qu’elle était
mise en cause par, je dirais, éventuellement, une assimilation à l’autre ethnie,
c’est-à-dire l’ethnie Tutsi, puisqu’elle ne contestait pas qu’en tout cas sur
sa carte d’identité où elle se cataloguait officiellement du côté Hutu. C’était
plutôt, s’il y a eu certaines personnes qui ont laissé entendre quelque chose,
c’était plutôt parce qu’il y avait des Tutsi dans le couvent, mais pas par rapport
à elle-même.
Le Président : Oui ?
Me. JASPIS : Monsieur le
président, je ne sais pas si les enquêteurs ont plus d’éléments que ce que j’ai
découvert dans le dossier concernant les frères de sœur Kizito. Je ne sais pas
s’ils ont recueilli des éléments d’information au sujet de leur rôle durant
les événements et puis, de ce qu’ils sont devenus par la suite ; de même
d’ailleurs que d’autres membres de la famille, puisqu’on parle à un moment,
de certains décès mais sans bien comprendre s’il y a un lien quelconque ou pas
avec le génocide, ou bien s’il s’agit de décès postérieurs, accidentels, dus
à d’autres causes.
Le Président : Oui, à ce
point de vue-là ?
Damien VANDERMEERSCH : Je l’ai
évoqué vendredi dans mon témoignage en disant qu’il avait été question, et je
pense qu’un ou deux témoignages qui font état… que les frères de sœur Kizito,
deux des frères faisaient partie des Interahamwe. Sœur Kizito a répondu qu’elle
ne savait pas, elle n’a pas démenti mais elle n’a pas non plus approuvé. Mais,
je dirais, par rapport… ce sont des enquêtes effectivement assez difficiles
par aussi leur ampleur. Je dois rappeler qu’en ce qui concerne ce dossier-là,
nous n’avons pu enquêter vraiment que lors de la troisième commission rogatoire.
Alors, évidemment, quand on a… je veux dire, on met des jalons et c’est vrai
que quand on revient, des fois, un mois après, on sait mieux se situer. Ce sont
des enquêtes qu’on aurait pu sans doute faire… approfondir davantage. L’histoire
du dossier fait que c’est principalement lors de la troisième commission rogatoire,
sous réserve de celle en 2000, mais qui était beaucoup plus axée, elle, sur,
je dirais, les événements nouveaux, c’est-à-dire l’arrestation de Monsieur REKERAHO
et éventuellement certains détenus que nous avons voulu entendre. Enfin, il
n’y a pas d’éléments non plus dans l’autre sens. Ce qui semble bien, c’est qu’ils
étaient originaires de la colline et voilà, les quelques éléments qui ont été
recueillis, ils sont dans ce sens-là.
Le Président : Est-ce qu’on
a d’ailleurs leur identité précise ?
Damien VANDERMEERSCH : Même pas
plus. Je veux dire, avec l’identité. Evidemment ne portant pas le même nom,
de toute façon… Donc, déjà cette difficulté-là. Mais je pense qu’on aurait pu
faire… mais on aurait pu faire trois, quatre commissions rogatoires rien que
sur Sovu. On aurait pu travailler trois mois sur place et on aurait eu effectivement
un dossier beaucoup plus complet.
Le Président : Oui, Maître
JASPIS ?
Me. JASPIS : Est-ce que les
enquêteurs ont recueilli des éléments d’information concernant non seulement
l’existence, mais également le rôle de sœur Stéphanie ? Qui est sœur Stéphanie,
Monsieur le président ?
Damien VANDERMEERSCH : Le nom
me dit, mais là vous me prenez… Sœur Stéphanie, le nom se trouve dans le dossier,
mais…
Me. JASPIS : On n’en a pas
parlé.
Le Président : Il n’apparaît
pas dans le dossier qu’elle ait joué un rôle particulier.
Damien VANDERMEERSCH : Elle avait
quelle fonction ? Parce que des fois par un…
Me. JASPIS : Je pense que
c’était la comptable, mais je pense que c’est indifférent.
Le Président : Le problème
étant que, selon des déclarations dont vous n’avez pas connaissance puisque
ce sont des déclarations faites à l’audience par sœur Gertrude, il aurait pu
y avoir confusion…
Damien VANDERMEERSCH : …entre
sœur Stéphanie et…
Le Président : …entre sœur
Stéphanie ou sœur Bernadette et sœur Kizito.
Damien VANDERMEERSCH : Je dirais
que par rapport aux témoins, il y a des témoins qui ont décrit physiquement,
simplement, cette sœur l’une ou l’autre fois. Il peut y avoir, effectivement,
à ce moment-là une certaine confusion. Mais sinon, je pense que les témoins
parvenaient quand même à identifier assez directement. D’ailleurs, il y avait
cette relation, pour les témoins, souvent, la sœur de la colline, sœur Kizito,
était plus connue que les autres sœurs parce qu’elle était originaire du coin.
Alors, sur le rôle des autres, je pense que… qu’est-ce que vous entendez par
rôle ? C’est vrai qu’elles étaient là. Mais il n’y a pas de rôles particuliers
qui ont été mis en évidence par rapport à ces sœurs-là, si ce n’est une des
sœurs, mais je ne sais pas si c’est sœur Stéphanie, qui aurait accompagné sœur
Gertrude, le 17 à Ngoma où il semblerait que ce ne soit pas, là, avec sœur Kizito,
donc la première fois, quand elle est allée rencontrer le commandant de place
pour avoir, dit-elle, une protection et qu’elle serait revenue les mains vides,
si on peut s’exprimer ainsi.
Michel STASSIN : D’autant
plus que lorsque l’on parle de sœur Kizito, les témoins la désignent en étant
« mama Kizito ».
Le Président : Oui, Maître
JASPIS ?
Me. JASPIS : Il est question,
à différents endroits du dossier, du fait que des, je ne connais pas les termes
techniques, enfin des… un voile comme en portent les religieuses, aurait été
distribué. Est-ce que les enquêteurs ont pu recueillir des informations sur
le nombre de personnes qui ont bénéficié de ce voile. Donc, je m’explique, surtout
pour le jury, l’idée étant qu’un certain nombre de personnes ne portaient pas
de voile, de jeunes filles bien entendu, parce que leur statut ne le permettait
pas et un certain nombre de jeunes filles ont été sauvées, ont pu s’enfuir avec
les sœurs, à l’un ou l’autre moment, grâce au fait qu’elles ont été assimilées
à des sœurs parce qu’on leur avait prêté un voile. Mais, est-ce qu’on a une
idée, d’après les enquêteurs, du nombre de personnes qui ont bénéficié de cette
extraordinaire bouée de sauvetage ?
Le Président : Cela ne vous
dit rien ?
Damien VANDERMEERSCH : Non, je
ne peux donner aucune information complémentaire à ce sujet-là. C’est quelque
chose qui n’apparaît pas, en tout cas à grande échelle, dans le dossier, qu’il
y ait eu beaucoup de sauvetages par des prêts de voiles.
Le Président : C’est cela,
oui. Maître BEAUTHIER.
Me. BEAUTHIER : Oui, Monsieur
le président, pouvez-vous poser à Monsieur le juge d’instruction et à ses enquêteurs,
les questions suivantes. Première question. Quelle information sur la façon
dont sœur Gertrude rencontre Monsieur REKERAHO, quand peuvent-ils situer cette
rencontre ?
Le Président : Oui.
Damien VANDERMEERSCH : Il n’y
a pas de problème, la question est claire, donc je peux y répondre. Il y a deux
versions, enfin deux versions dans le sens que sœur Gertrude parle que la première
fois qu’elle le voit et qu’elle le rencontre, c’est le 22, donc, quand elle
dit - et ça se situe, semble-t-il, plutôt le matin du 22, donc, le 22, je rappelle
que c’est le jour où il y a l’attaque sur le centre de santé - et donc, dans
une de ses déclarations, elle fait état qu’elle le rencontre le matin parce
que l’attaque commence, or l’attaque a commencé le matin. Et donc, c’est à ce
moment-là qu’elle décide d’aller rencontrer le chef des miliciens - on ne sait
pas exactement d’ailleurs pourquoi - dit-elle, parce qu’il y avait menace et
elle va au-devant. Mais, dit-elle, elle ne le connaissait pas.
Par contre, vous avez la version de Monsieur REKERAHO qui est très
claire, qui, lui, dit qu’il la connaissait déjà d’avant et parce qu’il donne
l’exemple très concret : c’est du voisin Cassien qui était un de ses
collègues de travail et qui connaissait… et là, il parle de façon générale,
il ne parle pas qu’il connaissait sœur Gertrude en tant que telle mais il dit :
« Je connaissais bien le couvent ». On peut en déduire que peut-être
il connaissait, au moins de vue, la prieure du couvent. Mais, dit-il, à
partir du 10, là, il est très clair, Monsieur REKERAHO, c’est qu’il parle, qu’il
fait état que sœur Gertrude… qu’il y a eu une rencontre, enfin, qu’elle est
venue le trouver pour demander protection pour son couvent, Monsieur REKERAHO
étant, semble-t-il, déjà… reprenant un peu les destinées des gens mais à ce
moment-là, le 10, en tout cas c’est ce qu’il déclare lui-même.
Et alors, il y a Monsieur le témoin 151 qui fait état également
de contacts antérieurs au 22. Là, on a deux personnes qui font état tout à fait…
le témoin 151 étant le conseiller de secteur et connaissant bien Gaspard
et connaissant bien Monsieur REKERAHO ; d’ailleurs Monsieur REKERAHO en
parle tout à fait, dans son audition, du témoin 151. Je dois ajouter
que le témoin 151 fait état aussi que Monsieur REKERAHO utilisait la
voiture avant le 22, donc, que la voiture du centre de santé n’aurait pas été…
Monsieur REKERAHO prétend qu’il l’a eue au début des événements, dit-il, parce
qu’il s’était engagé à protéger le couvent et Monsieur le témoin 151 confirme en tout
cas que Monsieur REKERAHO utilisait ce véhicule avant le 22, ce que démentent
sœur Kizito et sœur Gertrude puisqu’elles disent que c’est le 22 qu’il est venu,
ou qu’il a reçu le véhicule.
Le Président : Oui ?
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, dans cette foulée-là, il y a une autre question. Le dossier fait
apparaître, notamment dans les déclarations de Monsieur REKERAHO, qu’en fait
il y a eu, sans doute le 9, le 10, une réunion - et là, je voudrais que les
enquêteurs et le juge d’instruction précisent un peu le rôle de Gaspard - qu’il
y a eu une réunion entre REKERAHO, Gaspard, sœurs Gertrude et Kizito et qu’à
cette occasion, on a, non seulement donné ce qu’on appelait l’ambulance à Monsieur
REKERAHO, mais on a aussi donné une autre voiture, au même moment, à Gaspard.
Alors, est-ce qu’ils ont eu l’attention attirée par cette autre voiture qui
a également circulé, qui a été donnée par les religieuses, (qui était la deuxième
voiture du couvent) à Gaspard et quel est le rôle de Gaspard ? S’il reçoit
une voiture, c’est également sans doute aussi pour protéger.
Damien VANDERMEERSCH : En ce qui
concerne la seconde voiture, il en est question, donc effectivement, que Gaspard
aurait eu une autre voiture du couvent euh… mais, je dois dire, il n’y a pas…
c’est une, semble-t-il, une Berline, enfin ce n’était pas une voiture… la voiture
du centre de santé c’était une camionnette, je veux dire, assez facilement identifiable.
Et ça, c’est vrai qu’il y a plusieurs témoins qui ont fait état de l’utilisation
de ce véhicule, qui était quand même assez… c’était l’ambulance, on l’appelait
l’ambulance. Donc, c’est un véhicule qui ne passait pas inaperçu. En ce qui
concerne l’autre véhicule, il n’en est fait état que Gaspard en avait reçu l’usage,
entre guillemets ; ce n’est pas précis, exactement pendant combien de temps
et quelle durée. Il n’y a pas de témoins, non plus, qui font tellement état
de l’utilisation de ce véhicule en tant que tel pour… mais les témoins se référant
évidemment toujours plus au transport des miliciens, donc à ce qui apparaissait ;
ce qui n’exclut pas que Gaspard ait utilisé éventuellement ce véhicule pendant
les événements. En ce qui concerne son rôle, je crois qu’il est assimilé, -
et ça se retrouve dans les déclarations mêmes de sœur Gertrude - en disant que
c’était le protecteur, c’était même, je dirais, l’informateur. D’ailleurs, il
est renseigné, suivant les déclarations tant de sœur Kizito que de sœur Gertrude,
comme la personne qui donnait les renseignements entre guillemets à l’avance
et qui, semble-t-il, en tout cas, a donné l’information notamment avant le 25,
le 24, comme quoi il y aurait une attaque le lendemain : « Demain,
c’est à 8h00 ». Alors, c’était le voisin aussi immédiat derrière. D’ailleurs,
sœur Gertrude… ils se connaissaient, manifestement, déjà avant les événements.
Il avait d’ailleurs, je crois, une petite activité au couvent, je ne sais plus
dans quelle…
Me. BEAUTHIER : Ca, je crois
que c’est important. Dans le dossier, il est noté à deux endroits - notamment
quand on entend l’évêque - que Gaspard, c’est vrai, joue le rôle que Monsieur
le juge d’instruction donne, mais que Gaspard est chargé, surtout chez les moniales,
c’est important, du rôle de maître, enfin ce n’est pas un jeu de mots, de maître-chanteur.
C’est lui qui organise…
Damien VANDERMEERSCH : Avant les
événements, oui, on précise bien.
Me. BEAUTHIER : Donc, c’est
lui qui va, revenant de la maison où il est à côté - parce qu’il faut bien voir
que cette maison est juste à côté - qui entre par la petite porte, et qui va
aider les sœurs à chanter. Donc, il est souvent dans le couvent.
Damien VANDERMEERSCH : En fait,
avant les événements, donc, avant le 7 ou le 10, il avait cette activité-là
et d’ailleurs c’est… sœur Gertrude explique que c’est comme cela qu’il y avait
des contacts entre lui et le couvent, et qu’ils se connaissaient. Alors,
pendant les événements, je ne sais pas s’il y a eu beaucoup de chance, je ne
pense pas, et, donc, son activité, de toute façon, semblait - enfin elle est
décrite par de nombreux témoins - comme différente, c’est-à-dire plutôt comme
étant le bras droit de Monsieur REKERAHO.
Du point de vue de sœur Gertrude et de sœur Kizito, il est décrit
comme la personne qui est aussi le relais, qui donne les informations, qui est
un peu le relais avec les miliciens, qui permet… en tout cas qui est bien informée
de ce que vont faire et de ce que font les miliciens, et qui aurait d’ailleurs
même un pouvoir, une direction sur ces miliciens.
Donc, il est fait état, à plusieurs reprises, de ces contacts. Monsieur
REKERAHO confirme également, lui, un grand nombre de rencontres. On a l’impression
que d’un côté, il y a eu Monsieur REKERAHO et Gaspard qui étaient souvent ensemble
et de l’autre côté, sœur Gertrude et sœur Marie Kizito qui étaient également
souvent ensemble. Et quand les rencontres se passaient, c’était à quatre ou
même, avec le témoin 151, à cinq. Mais donc, ça, ça semble être, je
dirais, une constante. Ils se connaissaient avant et pendant les événements,
ces contacts ont été, avec Gaspard, semble-t-il, assez étroits.
D’ailleurs, sœur Gertrude dira que c’est sur le conseil ou presque
sur la dictée de Gaspard qu’elle aurait écrit la lettre du 5 mai. Donc là, il
semblerait que les contacts étaient répétés et assez étroits avec Gaspard, Monsieur
REKERAHO allant plus loin, lui disant : « Il y avait vraiment des
réunions où on discutait » et au cours desquelles, comme je l’ai dit vendredi,
il déclare que sœur Gertrude demandait vraiment de chasser les réfugiés.
Me. BEAUTHIER : Il ressort
du dossier que sœur Kizito et sœur Gertrude ont participé à des réunions, non
pas uniquement dans le couvent ou à côté, dans la maison de Gaspard (qui est
en fait, d’ailleurs, la maison du père de Gaspard, si on voit bien ; il
est allé habiter là à un moment donné, c’est ce que Monsieur REKERAHO dit).
Et on voit aussi que les sœurs participaient à des réunions en dehors de l’enceinte
du couvent, et pas uniquement chez Gaspard.
On a noté une réunion - mais je ne sais pas si les enquêteurs ont
pu en savoir plus - où sœur Kizito serait venue au moment où on transmettait
les informations et les ordres, en quelque sorte, du bourgmestre et du préfet,
à un endroit, je m’excuse d’écharper cet endroit, c’est Munyinya, et la déclaration
est celle-ci : « Sœur Kizito - c’est REKERAHO qui le dit - est restée
à la réunion quelques minutes, cette réunion se tenait à ce moment-là à Munyinya ».
Est-ce que vous avez eu vent de ce que des réunions, autres que celle-là, aient
pu se tenir en présence des religieuses qui tout de même, manifestement, d’après
certains témoignages, sortaient assez souvent et non pas uniquement une ou deux
fois, entre le 10 avril et le mois de mai ?
Damien VANDERMEERSCH : Vous avez
cette déclaration, effectivement, qui se trouve dans le dossier. Elle a été
faite devant le Tribunal international, je pense.
Me. BEAUTHIER : Oui.
Damien VANDERMEERSCH : Donc, ce
n’est pas la déclaration que j’ai prise moi-même. Donc, c’est pour ça que je
pose la question, donc c’est en 2000 que nous en avons connaissance. Donc, de
ce point de vue-là… Vous savez, réunion… d’abord le terme « réunion »,
il ne faut peut-être pas… il y a réunion et réunion. On a qualifié de réunion
un échange qu’il y avait eu également, les réunions pouvaient être très informelles
dans le sens où cela pouvait se passer devant la grille du couvent ; c’était
aussi ce qui est qualifié de réunion mais qui effectivement représentait l’échange
d’informations des fois indispensables ou en tout cas où il y avait des informations
très importantes qui s’échangeaient.
Alors, les faits et gestes des intéressées, ce qu’on peut dire, c’est
qu’il y en a certains qui disaient qu’effectivement, elles sortaient, elles
semblaient avoir une liberté de mouvement importante, ce que les autres sœurs
n’avaient pas, principalement, bien entendu, les sœurs Tutsi. Par ailleurs,
on a plusieurs états… donc, en ce qui concerne cette réunion-là, oui, on a cette
déclaration ; mais enfin on n’a pas pu enquêter davantage puisqu’on était
déjà à un moment charnière où on était au règlement de procédure. Donc on n’avait
pas la possibilité d’aller au-delà puisque l’instruction se terminait à ce moment-là.
Par contre, on a quand même eu des éléments, notamment de sœur Kizito,
qui est allée apporter des motos… qui est allée apporter des motos au niveau
de la commune, motos… Et d’ailleurs, on parle des effets des réfugiés, donc,
c’étaient des réfugiés, semble-t-il, disparus ou décédés, qui avaient fui. Et
donc, il y avait toute une série d’objets, et notamment de matériel, qui étaient
là, et donc sœur Gertrude… Et on suppose qu’il y a eu un contact, qu’il a dû
y avoir des contacts pour organiser ce transfert, mais donc que ces motos ont
été déposées par sœur Kizito et… semble-t-il, vers le 26 avril ou 27 avril,
en tout cas à cette période-là, où sœur Kizito aurait amené ces motos chez le
bourgmestre, donc à la commune, ce qui, d’ailleurs, est confirmé par sœur Gertrude
et sœur Kizito, là, il y a eu un contact et il y a eu inévitablement… je dirais…
Alors, est-ce qu’on doit qualifier cela de réunion ou pas, je n’en sais rien,
mais toujours est-il, que pour organiser ce transport, il a dû y avoir quand
même certains contacts pour simplement les déposer. Alors, dit-on, on a mis
ces motos pour si les gens réapparaissaient, ou peut-être que ces motos attiraient
la convoitise d’autres.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, je m’excuse, mais j’ai encore quelques questions, notamment à
propos de la déclaration de Monsieur REKERAHO. Monsieur le juge d’instruction
vient de parler de celle que Monsieur REKERAHO a faite, et qui contient 56 pages,
devant Monsieur TREMBLAY. Monsieur TREMBLAY interroge donc Monsieur REKERAHO
au nom, sur papier, des Nations Unies, déclaration de témoin, le 9 février 1999.
Quelle est à ce moment-là, la situation de Monsieur REKERAHO ?
Damien VANDERMEERSCH : Monsieur
REKERAHO est incarcéré à ce moment-là.
Me. BEAUTHIER : C’est cela.
Damien VANDERMEERSCH : Enfin,
là, je pense que Monsieur TREMBLAY viendra et vous le confirmera sans doute.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
REKERAHO, lorsqu’il parle - et j’en viens à cette question-là qui est importante
- lorsque Monsieur REKERAHO parle à Monsieur le juge d’instruction, il va faire
référence à cette longue déclaration en disant, en quelque sorte, dès le départ :
« Prenez la référence de Monsieur TREMBLAY, s’il est d’accord, tout mon
témoignage chez Monsieur TREMBLAY vaut ». C’est en quelque sorte comme
cela qu’il commence. Quand Monsieur le juge d’instruction va le voir, est-ce
que Monsieur REKERAHO, d’abord a bien dit ça textuellement au point qu’on puisse
s’en référer, et ensuite, est-ce que Monsieur REKERAHO a, à ce moment-là, l’idée
déjà - ce qu’il va faire après - d’un peu se rétracter, puis de revenir sur
sa position à propos de l’essence ? Est-ce que Monsieur REKERAHO, en d’autres
termes, au moment où Monsieur le juge d’instruction l’aborde, était confiant
dans les déclarations qu’il avait faites au départ et avant Monsieur TREMBLAY ?
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
répondre, d’abord… de façon, d’abord, très nette, que j’ai acté que Monsieur
REKERAHO confirmait la déclaration faite devant Monsieur TREMBLAY et, je dirais,
de départ. Et là, en fait, Monsieur REKERAHO, on l’a rencontré, il a dit :
« Ecoutez. Si vous avez connaissance… », je pense que cette déclaration
devant Monsieur TREMBLAY - mais il s’en expliquera - elle est très, très détaillée,
elle a, je suppose, pris pas mal de temps, Monsieur REKERAHO disant : « Mais,
à quoi ça sert de répéter tout cela ? ». Alors là, j’ai pris ma responsabilité
en disant : « Mais non, ce n’est pas la même chose du faire »,
et donc, c’est moi qui ai insisté, mais pour Monsieur REKERAHO, on pouvait en
rester là. Mais c’est moi-même qui ai insisté en disant : « Non, Monsieur
REKERAHO, moi, je suis juge d’instruction indépendant, je n’ai rien à voir avec
le Tribunal international ou en tout cas, je ne suis nullement mandaté par lui,
je ne suis mandaté par personne si ce n’est par la justice pour laquelle je
dois rassembler un dossier ».
Et j’ai dit : « Je souhaite entendre de votre bouche l’ensemble
des éléments qui concernent… puisque sœur Gertrude et sœur Marie Kizito font,
en tout cas, l’objet de poursuites en Belgique, j’estime qu’il faut une audition
devant le juge, et que ce n’est nullement équivalent à l’audition devant Monsieur
TREMBLAY », en disant : « Parce que, moi, je suis juge et je
dois pouvoir après, si nécessaire, devant une Cour d’assises, pouvoir expliquer
ce que j’ai entendu personnellement ».
Et c’est dans cet esprit-là que j’ai souhaité poursuivre l’audition
sans nécessairement… et là, je le dis bien clairement, je n’ai pas voulu me
calquer sur l’audition de Monsieur TREMBLAY pour éviter justement le recopiage
qu’il suggérait. Si c’était juste pour faire le recopiage, alors il suffisait
de faire marcher la photocopieuse. C’est volontairement que je n’ai pas nécessairement
abordé toutes les mêmes questions. Et je dois vous dire que je n’avais pas tellement
l’audition de Monsieur TREMBLAY, j’en avais connaissance mais je ne l’ai pas…
je veux dire, je ne m’en suis pas imbibé avant, pour justement, précisément,
éviter ce danger de contamination que vous pourriez avoir.
C’est que si vous suivez… ce sont des choses auxquelles on est confronté
quotidiennement, souvent on a une audition première qui est faite par la police,
et puis le juge d’instruction entend. Moi, j’ai l’habitude de très peu me baser…
plutôt d’essayer d’être devant le terrain le plus vierge possible. Pourquoi ?
Parce que si les questions sont posées différemment, si la trame est différente
quelque part, et que les réponses sont différentes, on posera la question ;
si les réponses sont les mêmes, on dira : « Effectivement, il y a
une convergence dans les deux récits ».
Et donc, c’est la raison pour laquelle j’ai voulu, autant que faire
se peut, que le terrain soit vierge de mon côté, même s’il ne l’était pas du
côté de Monsieur REKERAHO, et qu’on a commencé à aborder toute une série de
questions qui me semblaient, pour moi, les questions pertinentes. Et c’est bien
pour cela que, peut-être, vous parlez là d’une réunion que je n’ai même pas
abordée dans mon audition parce que, je veux dire, je n’en avais pas connaissance,
ou je n’en avais en tout cas pas le… ce n’était pas un des éléments sur lesquels
j’estimais devoir l’entendre par rapport à mon schéma d’audition tel que je
l’avais conçu, indépendamment des auditions antérieures de Monsieur REKERAHO.
Me. BEAUTHIER : Mais, maintenant
que les deux versions, enfin les deux récits de Monsieur REKERAHO sont au dossier,
est-ce qu’on peut dire, à part le fait de l’essence mais j’y reviendrai, qu’il
y a eu des différences autres que la question de l’essence, entre la version
faite au juge d’instruction et la version faite à Monsieur TREMBLAY ?
Damien VANDERMEERSCH : Pour moi,
pour une lecture faite, je dirais, a posteriori - pas a priori, a posteriori,
puisque là, je vous dis que c’est même tout en préparant le procès d’assises
que je me suis un peu plus imbibé de l’audition faite devant le Tribunal international
- on constate effectivement de nombreux points de convergence ou plutôt pas
de divergences notables, l’audition faite par Monsieur TREMBLAY allant quand
même, sur certains aspects, plus en détail que la mienne, je dois, bien entendu,
le concéder. Mais, comme je l’ai dit vendredi, même par rapport aux autres récits,
si ce n’est sous des différences de situation… Par exemple Monsieur REKERAHO
qui déclare en disant : « J’ai reçu de l’essence, j’ai demandé de
l’essence à sœur Gertrude et je l’ai reçue », mais finalement sœur Gertrude,
qui a été interrogée à ce sujet-là, reconnaît qu’elle a donné à un moment la
clé, alors simplement REKERAHO dit qu’il allait verser… que c’est sœur Gertrude
qui versait l’essence et sœur Gertrude déclare qu’elle s’est servie elle-même,
mais cet élément-là qui est apporté par Monsieur REKERAHO, donc, je dirais,
indépendamment, cet élément-là est confirmé, semble-t-il, par sœur Gertrude.
Donc, je dirais que l’audition de REKERAHO, oui, par rapport à une
audition antérieure, elle est, je dirais… elles sont assez compatibles sous
la réserve bien entendu de cette question de bidon d’essence, je dirais, également,
par rapport à un ensemble d’autres éléments dans le dossier ; ce qui me
fait dire que, en tout cas, ce qui a été apporté par Monsieur REKERAHO… en tout
cas, il y a, je dirais, une convergence sur un ensemble d’événements où on se
dit qu’il ne pouvait pas non plus savoir que, par ailleurs, les déclarations
de sœur Gertrude étaient nécessairement dans notre dossier, ça, il devait les
ignorer, et on rencontre quand même beaucoup de points de convergence.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, justement sur ce seul point-là, et là, je voudrais insister. Il
y a donc une version, comme cela : Mesdames et Messieurs les jurés le savent,
il y a donc, une version relative à l’essence répandue pour brûler des réfugiés.
Il y a eu la version REKERAHO chez Monsieur le juge d’instruction. Je me permets
de lire une phrase et je lis la seconde phrase, celle qui, soi-disant, est en
contradiction et qui aurait été donnée après, par Monsieur REKERAHO.
Donc, Monsieur REKERAHO dit la première fois à Monsieur le juge d’instruction :
« Je voudrais dire que j’ai dit que les sœurs avaient
donné de l’essence, mais ce n’est pas juste. Ce que je sais, c’est qu’elles
voulaient chasser les réfugiés, qu’elles ont donné… les réfugiés pour les tuer.
Si les sœurs ont donné de l’essence, je peux seulement dire que je ne l’ai pas
vu ». Ca, c’est donc ce qu’il dit au juge d‘instruction.
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait.
Me. BEAUTHIER : Alors, Monsieur
le juge d’instruction, visiblement, voit Monsieur TREMBLAY, d’ailleurs il nous
l’a expliqué et organise une réunion, si je me souviens bien, entre Monsieur…
Damien VANDERMEERSCH : Une confrontation,
en disant : « Monsieur TREMBLAY est là, Monsieur REKERAHO est là ».
Devant Monsieur TREMBLAY, là, j’avais évidemment… je m’étais imbibé du passage
concernant l’essence en disant bien : « Vous avez déclaré devant Monsieur
TREMBLAY ceci, vous avez déclaré ceci devant moi, qu’en est-il ? ».
Me. BEAUTHIER : C’est cela,
et donc, il donne cette appréciation : « Je peux
seulement dire que je ne l’ai pas vu ». Et puis alors, il vient
vous dire devant Monsieur TREMBLAY : « Tout
ce que je vous ai dit l’autre jour, le 1er mars - et on se
situe le 3 mars - tout ce que je viens de vous dire, c’est
la vérité, sauf l’histoire de l’essence qui a servi à incendier le garage ».
Il dit simplement ceci : « C’est moi-même qui ai
remis le jerricane d’essence à Nyundo ».
Et, phrase importante : « J’ai discuté
avec sœur Gertrude pour lui demander de l’essence, sœur Kizito était présente
aussi ». Donc, ce qu’on présente comme des versions contradictoires
où il se rétracte, en fait, c’est simplement à un moment donné où il vous dit
au départ, sans Monsieur TREMBLAY : « Je ne l’ai
pas vu ». Et puis après, il vient dire : « Au fond, ce n’est pas vrai, je l’ai vu, il y avait de l’essence,
il y avait les sœurs et j’ai reçu cette essence de Nyundo ». Est-ce
qu’on peut résumer ça comme cela ?
Damien VANDERMEERSCH : En tant
que témoin, je dis simplement qu’il a bien fait les déclarations que j’ai actées,
donc, ces deux déclarations que vous venez de dire, pour le reste, le commentaire,
ce n’est pas à moi à…
Me. BEAUTHIER : Mais donc,
on est bien d’accord, qu’on ne s’égare pas : il y a eu deux versions !
Damien VANDERMEERSCH : Je dis
simplement… les deux versions que vous avez données et que vous avez lues, ce
sont bien les déclarations qu’il m’a faites.
Me. BEAUTHIER : C’est cela, donc
ce n’est pas nécessairement contra-dictoire ?
Damien VANDERMEERSCH : ça, je n’ai pas à me prononcer là dessus…
Me. BEAUTHIER : On peut peut-être
aborder un autre point. Dans le dossier, il y a une très, très brève déclaration,
mais intéressante, de la femme du bourgmestre. Première question. Cette audition
a dû être interrompue pour des raisons de service parce que je crois que cette
dame a dû être…
Damien VANDERMEERSCH : C’est aussi
simple, là je peux répondre très clairement. C’était le transfert, il fallait
que les détenus rentrent à la prison de Butare. Et donc, nous avions entendu
toute une série de détenus, pas à la prison, mais dans les locaux du parquet,
donc, c’est un petit bâtiment, mais qui se trouve quand même situé à 1 ou 2
kilomètres de la prison. Et c’était le transfert qui partait pas seulement avec
cette dame-là, mais avec tous les autres. Et donc, il fallait stopper à ce moment-là
parce qu’ils partaient et on se faisait houspiller depuis cinq minutes. Alors,
on avait commencé et puis voilà, il fallait interrompre pour les nécessités
du service, c’est-à-dire la nécessité du transfert de retour, mais qui ne concernait
pas uniquement cette détenue-là, il y avait toute une série de détenus qui étaient
présents.
Me. BEAUTHIER : Or, cette
dame commençait une déclaration en disant qu’elle connaissait évidemment les
sœurs et que celles-ci s’étaient adressées à plusieurs reprises - est-ce que
Monsieur le juge d’instruction peut le confirmer, à plusieurs reprises - au
bourgmestre, pour demander de les aider ?
Damien VANDERMEERSCH : C’est une
audition, sauf erreur de ma part, faite en kinyarwanda, donc là, j’émets la
réserve en disant… Vous savez, on travaillait au fur et à mesure avec l’inspecteur
de police judiciaire qui comprenait, qui était bilingue, kinyarwanda-français,
donc, cela a été effectivement noté. Maintenant, dans la… je vais dire, dans
le départ, comme on savait qu’il y avait l’heure qui allait intervenir… ce n’est
pas une audition, on a fait une traduction, je veux dire, au fur et à mesure,
donc cela a été acté. Mais je n’ai pas eu l’occasion de poser des questions
complémentaires.
Me. BEAUTHIER : Mais elle
le dit.
Damien VANDERMEERSCH : Cela a
été dit devant l’inspecteur de police judiciaire, et je n’ai remarqué aucune
anomalie dans le cadre de cette audition, si ce n’est qu’on était un peu pressé
par le fourgon, enfin le transfert qui allait se passer.
Me. BEAUTHIER : Et dans la
deuxième phrase, c’est la même dame qui dit que les vélos, enfin les motos,
je ne sais pas si ce sont des vélos ou des motos, ont été bien remis par sœur
Kizito.
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait, mais on parle de motos.
Me. BEAUTHIER : C’est ça,
de motos…
Michel STASSIN : Si je me
souviens bien, c’est moi qui étais là pour l’interpellation de cette dame. Effectivement,
on lui a demandé, en ayant connaissance des autres déclarations, si elle pouvait
confirmer qu’effectivement sœur Kizito avait donc été reconduire les motos et
les effets des réfugiés, et elle a répondu positivement.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, il y a encore trois questions, je m’en excuse. On a vu les photos,
on a vu que le couvent n’était tout de même pas un petit édifice, que c’était
important, que c’était un couvent important. Est-ce qu’on sait combien de terres
le couvent possédait en dehors de l’enceinte ?
Damien VANDERMEERSCH : On ne peut
pas vous dire, comme… Il y avait un grand espace devant, on l’a vu, un espace
sûrement équivalent, au point de vue surface derrière. Maintenant s’il y avait
des terres agricoles, oui ou non… Je dois vous dire qu’on s’est préoccupé d’abord
de témoignages plus directs par rapport aux circonstances. Pour la distance
du monastère et du centre de santé, je n’ai pas retrouvé mais je sais qu’on
a compté en pas, sans doute on a oublié du noter ; mais quand j’avais
parlé de 200-300 mètres, c’était en me basant sur les déclarations de sœur Gertrude,
là je veux préciser. Mais donc vous avez les photos… Mais ce sont des éléments
effectivement. Si on avait pu passer deux mois sur place, on aurait pu effectivement…
enfin cela ne nous paraissait pas la plus grande des priorités à partir du moment
où, je veux dire, il y avait beaucoup d’éléments qui étaient en relation directe
et ce sont ces éléments-là qui ont retenu davantage notre attention.
Me. BEAUTHIER : Je pose cette
question parce que j’introduis une deuxième question sur la nourriture. Beaucoup
de gens ont fait état de ce qu’il y avait, et on l’a vu, un magasin, de ce qu’il
y avait une ferme. Monsieur REKERAHO dit lui-même à sœur Gertrude : « Mais
vous avez de la nourriture, vous pouvez même tuer les vaches ». Sœur Gertrude
est venue nous dire qu’il n’y avait plus de nourriture ou pas assez de nourriture.
Or, on sait qu’en plus, Laurien est venu apporter des sacs de riz. Le rôle de
cette ferme, le rôle de la nourriture au moment où commencent les événements,
avez-vous une idée ?
Damien VANDERMEERSCH : En ce qui
concerne la nourriture, il y a eu une distribution, avant que le témoin 110
vienne, de flocons d’avoine aux réfugiés. Donc là, il a été fait état, par plusieurs,
d’un repas de flocons d’avoine. En ce qui concerne le riz, Monsieur Laurien
NTEZIMANA… ça semblait quand même être des quantités relativement importantes
puisque c’est pour l’ensemble des réfugiés, ce n’était pas pour les réfugiés
au couvent, c’était pour, semble-t-il, l’ensemble des réfugiés… des sacs de
riz, on parle de sacs mais des sacs qui peuvent être, je ne sais pas, pas des
petits sachets, on parle de sacs de riz qu’il fallait décharger. Mais là, peut-être
Monsieur le témoin 110 pourra être plus précis sur la quantité.
Mais sœur Gertrude a été interrogée à ce sujet-là et elle a dit :
« Je n’ai pas distribué les sacs parce que je pensais que cela pouvait
risquer de durer et donc, il fallait économiser », ce qui nécessite quand
même… supposait que c’étaient quand même des quantités qui permettaient de pouvoir
répartir cela en plusieurs… je dirais, sur un certain laps de temps. Il ne faut
pas oublier que tous les réfugiés n’ont rien reçu comme riz, or on parle, comme
je vous l’ai dit, entre 600-1.500-3.000. Or, après, il restait au couvent… on
parle en centaines maximum, plus en milliers. Or, c’est vrai que dans sa lettre,
et notamment des explications pour la lettre, c’est qu’elle n’avait pas les
moyens de subsistance. Je veux quand même souligner que dans tous les autres
témoignages des sœurs, on n’a jamais fait état de disette ou de problème de
nourriture.
Donc, il semblerait - d’ailleurs sœur Kizito, dans sa déclaration
du 25 janvier 1996, n’a pas donné du tout cela comme explication pour le fait
de la lettre - que ce n’était pas pour une question de… qu’il n’y avait plus
les moyens de les nourrir, mais c’était une question que… c’étaient ses termes
d’ailleurs utilisés : « Sœur Gertrude était livrée à elle-même et
donc, elle a décidé de livrer les réfugiés pour sauver les sœurs ». Donc,
elle n’a pas parlé d’un problème d’approvisionnement. D’ailleurs, la sœur Gertrude
a ajouté que tout ce qui était l’approvisionnement, elle ne s’en occupait pas.
Elle disait : « Moi, j’étais prieure, ce n’était pas dans mes attributions ».
Et donc, même pendant les événements, quand je lui ai posé la question sur la
distribution des sacs de riz, elle m’a dit : « Oui, ça ce n’est
pas mon secteur, c’est le secteur d’une autre sœur, la sœur économe, ce n’est
pas mon secteur ». Mais il semblerait, en tout cas… c’est quelque chose
de l’ensemble, je dirais, des témoignages.
Hormis cette lettre de sœur Gertrude et sa version elle-même, on
ne voit pas beaucoup d’autres sœurs ou d’autres témoins qui font… Oui, on dit
que les réfugiés n’ont pas été nourris à un certain moment, ceux qui étaient
au centre de santé, mais ils ne font pas état en tout cas, notamment après,
de problème, en tout cas de nourriture, de manque de nourriture. Sœur Kizito
fait d’ailleurs état qu’elle a fait elle-même des cultures en dehors du monastère,
ce qui semblerait qu’il y avait des cultures et des champs qui pouvaient produire
et, dit-elle, précisément : « Je continuais ces cultures pour permettre
d’approvisionner le couvent ».
Me. BEAUTHIER : C’est cela.
C’est pour cela que je posais la question, parce que dans la lettre notamment,
on demandait de pouvoir continuer les travaux habituels du couvent, cela devait
notamment être, semble-t-il, ce genre de choses-là. Une question bien précise.
Où habitait, si vous le savez, Monsieur REKERAHO ?
Damien VANDERMEERSCH : Dans sa
déclaration, Monsieur REKERAHO déclare qu’il habitait à 300-400 mètres du couvent.
Il semblait que… En tout cas, ce n’était pas dans l’environnement immédiat.
Ça, ça apparaît que ce n’était pas un voisin. 300-400 mètres, semble-t-il, je
ne dis pas que c’était sur un autre versant, mais ce n’était pas un voisin au
même sens que Monsieur Gaspard ou que le voisin Cassien qui étaient vraiment
dans l’environnement immédiat. Donc, on ne peut pas dire que Monsieur REKERAHO
était un voisin, mais n’habitait pas très loin. Mais 300-400 mètres sur des
pistes, en tout cas en voiture ou à pied, la voiture ne va pas tellement plus
rapidement que la personne à pied sur les chemins tels qu’ils sont là-bas. Nous-mêmes,
nous avons dû aller par exemple à l’arrière du couvent, c’étaient des routes
vraiment très pénibles et je dois dire que ceux qui allaient à pied allaient
aussi rapidement que la voiture.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, on va aborder la question alors de Monsieur COMBLAIN, si vous
le voulez bien. Monsieur le juge d’instruction a recueilli des témoignages,
recueilli des faits de ce qu’on appelle la police judiciaire au Rwanda, à propos
du rôle de Monsieur COMBLAIN. Pourrait-il nous expliquer ce qu’il sait, ce qui
s’est passé avec Monsieur COMBLAIN et est-ce qu’il y a lieu de croire qu’effectivement
Monsieur COMBLAIN avait pour mission deux fois, le 15 août et puis un peu après
au mois de septembre, de venir pour obtenir une rétractation de ce que certaines
sœurs avaient déclaré ?
Damien VANDERMEERSCH : Je vais
répondre en deux temps, c’est que je ne sais pas si Monsieur COMBLAIN, le père
COMBLAIN, est rentré entre les deux, je ne suis pas sûr qu’il est rentré en
Belgique, je ne pense pas, je pense que c’est un séjour continu et donc, il
est parti…
On peut peut-être parler rapidement de son arrestation. Donc, il
a été arrêté lors d’un contrôle, à la sortie de Butare comme il y en avait beaucoup
à l’époque. Nous-mêmes, nous étions contrôlés… à peu près entre septembre et
octobre, il devait y avoir 4-5 barrages entre… il y en avait plus en mai et
en juin, mais entre Butare et Kigali, il y avait sûrement 5-6 contrôles où chaque
fois on devait montrer son passeport ; c’étaient des contrôles, je veux
dire, de contenu sur les personnes, on voulait savoir qui était là. Alors, est-ce
qu’on est tombé sur les documents ou est-ce qu’ils étaient renseignés. Monsieur
COMBLAIN est convaincu, lui ; le père COMBLAIN en tout cas l’a écrit par
la suite dans un rapport en pensant qu’il avait été, entre guillemets, balancé
par une des sœurs en disant : « Vous voyez bien, c’est une preuve
peut-être de leur calomnie ou en tout cas de leur attitude ». Toujours
est-il qu’on a trouvé une série de documents en sa possession.
Et là, je dirais, je réponds à la deuxième partie de la question.
C’est que ces documents, au-delà de ce qu’ont pu penser les autorités rwandaises
qui l’ont arrêté, ces documents, j’en ai fait état vendredi, sont très clairs.
J’ai cité en disant que dès le 15 août, le père COMBLAIN, qui a une mission
de rencontrer les sœurs, mission qui est présentée comme une mission de conciliation
et disons, de ramener - on a l’impression un peu - les deux brebis égarées qu’il
faut ramener au bercail. Et d’ailleurs, on dit qu’il y a deux points. C’est
la question de la désobéissance, point qui semble est assez vite réglé. Désobéissance,
c’étaient les deux sœurs qui étaient parties à l’insu des responsables où, il
semble assez vite que ce point est réglé à partir du moment où les sœurs ont
reconnu qu’elles étaient parties sans… mais, dit-elle… bon, elles voulaient
retourner absolument au Rwanda puisqu’elles veulent toujours s’inscrire dans
un projet dans le couvent de Sovu, donc, dans une certaine continuité. Ce problème-là
semble en tout cas ne pas être un problème majeur.
Reste le second point et là, on le rencontre en deux, je veux dire,
en deux points. C’est d’abord le père COMBLAIN qui, dans son courrier, dans
son rapport du 15 août, fait état de sa proposition, donc la proposition du
père COMBLAIN faite… donc, il rapporte à l’abbé CULLEN, dans ce rapport, il
dit : « Voilà, j’ai fait la proposition aux deux sœurs de se désolidariser
formellement des rumeurs, des rumeurs qui courent à l’égard de sœur Gertrude » .
Donc, il dit que c’est la proposition qui a été faite. Il explique : « Il
y a une question pour sœur Scholastique, elle voudrait d’abord que soit clarifié
mon mandat, au nom de qui je viens ». Et sœur Marie-Bernard, c’est sœur
Marie-Bernard, je pense hein… elle est plus nette en disant : « Je
veux d’abord une discussion plus large et je veux qu’on discute peut-être aussi,
qu’on voit quand même toute la problématique des morts ». ça,
c’est le rapport du père COMBLAIN, le 15 août.
Vient une lettre du 4 septembre qui est, en quelque sorte, une réponse
au rapport, une réponse, lettre qui est signée par l’abbé CULLEN, si je ne me
trompe pas, l’abbé DAYEZ et la prieure, la nouvelle prieure de Sovu, par une
prieure. Et donc, dans cette lettre-là, c’est là qu’on joint le communiqué de
presse de l’abbé CULLEN qui est un démenti, et là, on est plus clair en disant :
« C’est le minimum auquel les sœurs devraient souscrire. Vous devez… on
espère que vous obtiendrez cela des sœurs ».
La lettre termine comme cela. Et effectivement, dans cette lettre-là,
on parle également : « Les sœurs doivent se rétracter », rétracter
leurs accusations et c’est dans la même lettre où on dit : « Elles
doivent également formellement se rétracter » ; on prend le mot formellement,
c’est-à-dire par écrit, qu’il faut un écrit qui le dise, où elles se désolidarisent
des rumeurs. On parle de rétractation et qu’elles disent que sœur Gertrude est
innocente. Et c’est dans la même lettre où il y a un peu le retournement en
disant : « Oui, mais si elles sont innocentes, qu’elles prouvent leur
innocence ». Donc, cette lettre est assez claire en disant : « La
mission du père COMBLAIN est d’obtenir un document, un papier, on en fait état
d’ailleurs, la question du mandat, c’est aussi dans le but de signer un papier
où les sœurs doivent se désolidariser formellement des rumeurs à l’égard de
sœur Gertrude.
Le Président : Oui.
Me. BEAUTHIER : Une dernière
question. On a parlé, dans le couvent, d’un séminaire. Je me contenterais simplement
de savoir si on a un peu enquêté pour savoir qui étaient les personnes qui étaient
dans le séminaire. Qu’est-ce qu’elles sont devenues, puisqu’on a vu qu’il y
avait un tri qui avait été, à un moment donné, opéré, mais on n’a pas beaucoup
de renseignements sur ces personnes qui étaient dans le séminaire depuis le
début des événements, jusqu’à une date qu’on peut difficilement préciser quand
on lit l’ensemble du dossier.
Le Président : Donc, les
personnes en session.
Damien VANDERMEERSCH : Oui, les
personnes en session, séminaire, session, c’étaient des personnes qui étaient
qualifiées « régulièrement au couvent ». Je suppose que c’étaient
ces personnes-là qu’on évoquait sous ce vocable-là « en session »,
donc en séminaire.
On parle qu’il y avait, dans ces personnes-là, des personnes de Kigali,
rwandaises, mais on parle également de deux Américains qui étaient d’une ONG,
qui se réunissaient en séminaire, je suppose réunion de travail, donc, tout
à fait indépendamment, indépendamment des événements, puisqu’il semblait que
la session ou le séminaire était commencé avant le 7 avril et que les personnes
se sont retrouvées plutôt coincées ou calées à Sovu par l’irruption des événements.
Il faut savoir qu’à Kigali, c’était déjà la guerre à partir du 7 avril. Donc,
revenir à Kigali, pour ces gens de Kigali, n’était pas… on peut comprendre qu’ils
souhaitaient plutôt voir l’évolution des événements avant de retourner immédiatement
à Kigali, puisqu’à Kigali, il faut savoir qu’il y avait dans les quartiers,
il y avait le FPR et les FAR, il y avait quand même un conflit armé au sein
même de la ville de Kigali. Et donc, les deux Américains semblent être partis
assez rapidement.
Et parmi ces personnes du séminaire, sous réserve d’un élément (on
disait qu’il y avait peut-être l’une ou l’autre personne Tutsi), mais on a vraiment
le sentiment que ces personnes-là n’étaient pas menacées, et d’ailleurs qu’il
y avait deux personnes qui prenaient un peu le leadership de l’équipe, qui étaient
même des personnes armées. Ce qui veut dire armées, non seulement, elles étaient
armées, mais elles circulaient et elles avaient des contacts, elles allaient
à Butare. Et d’ailleurs, sœur Gertrude dira que ce sont les gens du séminaire
qui ont ramené, qui ont finalement obtenu deux militaires. Ce qui semble indiquer
qu’elles étaient en bon termes avec les autorités et, en tout cas, qu’elles
étaient bien acceptées par les autorités, pas en tout cas, suspectées d’être,
je dirais, complices ou d’être ennemies, puisque c’est ces personnes-là qui
auraient obtenu l’aide des militaires, d’ailleurs, pour également transférer
les réfugiés du monastère vers le centre de santé.
Alors, en ce qui concerne leur départ, la plus grande partie des
déclarations semble indiquer qu’elles sont parties quand même assez rapidement,
entre… je dirais, aux alentours du 25, ou en tout cas qu’une grande partie d’entre
eux soient partis à ce moment-là. Sœur Gertrude fait état qu’après il y avait
encore… Lorsqu’elle a parlé du papier du bourgmestre, elle a dit à un moment
donné : « Monsieur REKERAHO, après le 25, est venu avec un papier
du bourgmestre ». Et là, elle fait allusion à des gens encore en session.
Et donc, le papier du bourgmestre, de dire : « Laissez aller les gens
en session ». Et elle dit : « J’ai refusé. J’ai refusé parce
que je savais que ces personnes allaient être tuées ». Je ne vous cache
pas que c’est le seul élément qu’on a de la présence de gens encore en session,
semble-t-il, après les événements, ou bien alors ce n’était plus que les gens
en session menacés. Mais il semble, en tout cas, que les gens qui n’étaient
pas menacés avaient déjà quitté le couvent à ce moment-là. On ne parle plus
en tout cas de l’intervention des deux personnes qui avaient un certain leadership
après le 22, on ne parle plus tellement de ces personnes en tout cas au moment
du 25, on ne parle pas de l’intervention de ces deux personnes qui auraient
pu être présentes là, si elles avaient toujours été là.
Me. BEAUTHIER : Je vous remercie.
Le Président : Oui, Maître
HIRSCH ?
Me. HIRSCH : Oui, Monsieur
le président. A ce sujet et après la déclaration de sœur Gertrude disant que
le 18 avril, elle était retournée à Butare, accompagnée de deux Américains et
de deux personnes qui se sont avérées être armées, nous avons reçu ce week-end
par mail, euh… hier, un mail adressé à Maître GILLET émanant justement d’un
de ces deux Américains et nous souhaiterions vous apporter des précisions à
cet égard, si vous le permettez.
Le Président : Il faudrait
peut-être que la pièce soit déposée et communiquée aux parties.
Me. HIRSCH : Monsieur le
président, c’est parce qu’on en parle maintenant, mais il s’agit d’une demande
de constitution de partie civile que nous devons instruire et nous vous déposerons
une pièce dans les jours qui viennent, mais pour le moment, c’est un mail qui
date d’hier soir. On ne peut pas faire plus que d’en faire état auprès de la
Cour à partir du moment où on en parle.
Le Président : Il n’y a pas
de question, si je comprends bien ?
Me. HIRSCH : La question
que j’aurais voulu poser à Monsieur le juge d’instruction, c’est s’il savait
la date de départ des Américains, mais maintenant j’ai la réponse. Les Américains
sont partis le 9 et ne sont pas partis le 18.
Le Président : Y a-t-il d’autres
questions ?
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, il m’a échappé de poser, à Monsieur le juge d’instruction, une
question. J’imagine qu’il n’a pas entendu l’enregistrement de ce que Monsieur
REKERAHO a très longuement expliqué à Monsieur TREMBLAY mais que cet enregistrement
existe ?
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait. Là, je peux dire que c’est une procédure tout à fait constante au niveau
du Tribunal international, c’est d’enregistrer. Et d’ailleurs, le document écrit
est habituellement la transcription de l’enregistrement, donc, ce qui est la
base, c’est l’enregistrement et d’ailleurs, on l’a même pour l’audience. Tous
les documents que nous avons reçus du Tribunal international sont habituellement
des documents enregistrés. Je dois signaler simplement, c’est que lorsqu’il
y a… sauf erreur de ma part, le Tribunal international travaille autrement que
nous en ce qui concerne les traductions, c’est qu’ils font appel immédiatement
aux traducteurs et donc, quand ils, je veux dire, transcrivent, ils transcrivent
ce qui a été traduit par le traducteur.
Me. BEAUTHIER : Ici, si j’ai
bien vu et je me tais après cela, Monsieur le président, mais c’est tout de
même important, j’ai bien vu que Monsieur REKERAHO avait déposé en français ?
Damien VANDERMEERSCH : Sauf erreur
de ma part, il l’a fait en français, mais là, vous poserez la question directement
à Monsieur TREMBLAY. Mais devant moi, c’est en français, on est bien clair…
Me. BEAUTHIER : C’est ça.
C’est ce que je voulais savoir.
Damien VANDERMEERSCH : …cela me
semblait beaucoup plus… bon, il parle très bien le français, je veux dire, il
parle très bien le français et alors, il m’a dit à un moment donné : « Peut-être
en kinyarwanda, je pourrais », mais j’ai simplement dit à Monsieur REKERAHO :
« Mais on prendra le temps, ne vous en faites pas, s’il y a des précisions
à apporter ». Et on a pris le temps. Et je dois vous dire que tout au long
de la déclaration, on n’a eu aucune peine à… je veux dire, on n’a même pas dû
faire ces précisions de langage, simplement ce qu’on fait c’est qu’on pose éventuellement
une question de précision pour bien préciser plutôt sa pensée plutôt que sa
formulation. D’ailleurs, quand il a fait sa diatribe concernant les Belges,
je peux vous dire que cela sortait de façon très spontanée et très coulée, il
n’y avait pas de problème de langue.
Me. BEAUTHIER : C’est cela,
donc, spontanément, il fait une déclaration qu’on transcrit, cela fait 56 pages,
c’est la déclaration ONU qu’on a dans le dossier. Et puis à vous, il fait une
déclaration en français que vous transcrivez ensuite.
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait… Non, non, que j’ai transcrite au fur et à mesure. D’ailleurs, c’est moi-même,
je l’ai écrite de ma main pour bien marquer que c’est moi-même qui actais. C’est
mon écriture. Et d’ailleurs, on a tapé à la machine après, mais le document
original se trouve joint au PV. On était de toute façon ensemble, mais je veux
dire, j’ai chaque fois noté moi-même parce que je tenais… et je tenais à montrer
à Monsieur REKERAHO l’importance qu’on avait à vraiment acter ses propres déclarations
et que c’était un juge qui le faisait.
Me. BEAUTHIER : Et, c’est
tout à la fin, il a dit, lors d’une déclaration, qu’il avait été arrêté par
les autorités rwandaises actuelles, qu’il avait été torturé. C’est donc, qu’il
avait une liberté de parler et une liberté de dire ce qu’il souhaitait. Il n’avait
pas l’air contraint ?
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
vous dire - non ce qu’il a dit vis-à-vis des Belges et des Américains - je peux
vous dire que, soyons clairs, c’est quelqu’un qui avait déjà été condamné en
première instance, à mort. Je crois qu’il n’avait aucune attente du côté rwandais,
aucune attente. Et d’ailleurs, c’était un homme qui, il faut quand même le savoir,
qui était dans une position très difficile d’un point de vue judiciaire puisque,
comme je l’ai expliqué, je pense qu’il a espéré et il espérait, enfin cela je
ne le sais pas, je pense qu’il n’espérait plus tellement d’ailleurs, même à
ce moment-là, être transféré au Tribunal international. Il avait été condamné
en première instance. Il attendait son appel, mais sans aucune illusion. Et
donc, j’ai plutôt eu l’impression d’avoir quelqu’un qui, de toute façon, je
veux dire, avait l’impression que son sort était scellé et que, bon, il faisait
la déclaration, mais sans complaisance en tout cas pour nous, ni pour les autorités
rwandaises parce qu’on sentait vraiment qu’il n’avait, et donc pas de contrainte
non plus, puisqu’il n’avait plus aucune complaisance ; les attentes, à
mon avis, c’était plutôt un homme résigné de ce point de vue-là.
Le Président : Bien. D’autres
questions ? Maître GILLET ?
Me. GILLET : Oui, Monsieur
le président. Cette ONG américaine a laissé sur place, à l’époque, plusieurs
choses, je dirais. D’abord, elle a laissé son staff de gens dont plusieurs sont
morts pendant les événements. Mais elle a laissé ce staff avec un véhicule qui
était une Jeep Cherokee et plusieurs centaines de milliers de francs rwandais
pour subvenir aux besoins de ce staff qui avait été laissé sur place et qui
ne pouvait pas quitter, qui était donc du staff rwandais, et avec un engagement
des sœurs, de loger ces gens et de les nourrir. Je voudrais savoir s’il a été
question, et de ce véhicule, et de cette somme assez considérable d’argent qui
a été laissée au monastère, au moment de leur départ, donc le 9 avril ?
Damien VANDERMEERSCH : Nous n’avons,
je dirais, à partir du moment où on n’a pas entendu les personnes de cette ONG,
donc, nous n’avons pas tellement la version des gens de cette ONG, nous n’avons
de toute façon que les explications de sœur Gertrude à ce sujet-là puisqu’il
semblait que là, au point de vue, je veux dire, direction et contact, là, je
pense vraiment par rapport aux personnes de cette ONG, c’est sœur Gertrude qui,
peut-être pour les questions pratiques d’hôtellerie, c’était peut-être sœur
Scholastique, mais pour tout ce qui était de ce point de vue-là, c’était sœur
Gertrude qui était la correspondante et la répondante, enfin je suppose que
là, c’était vraiment dans ses fonctions quand même cette question-là. Elle n’a
jamais apporté beaucoup de précisions à ce sujet-là.
Elle a seulement fait état, dans ses déclarations, qu’elle avait
de l’argent et qu’elle a… de toute façon ces gens étaient, je veux dire, dans
l’hôtellerie et l’hôtellerie a été, je veux dire, elle fonctionnait, puisque
c’était un des motifs invoqués par sœur Gertrude, elle ne pouvait pas y mettre
les réfugiés, c’est qu’elle était occupée. Donc, elle était occupée pendant
un certain temps, je suppose que ce… enfin, en tout cas, il y avait de l’argent
au couvent puisqu’elle a fait état quand même qu’elle avait pu payer, à certains
moments, certaines personnes.
Le Président : Elle n’a pas
fait état de ce que cet argent n’était pas celui de la communauté ?
Damien VANDERMEERSCH : Non, elle
n’en a pas fait état à aucun moment, non. Maintenant, nous ne lui avons pas
posé la question non plus puisque cette information n’émergeait pas du dossier
à ce moment-là.
Le Président : Oui, une autre
question ? Oui, je vous en prie.
Me. VERGAUWEN : Oui, Monsieur
le président, je voudrais simplement réagir à la question que vient de poser
Maître GILLET. Pourriez-vous demander tout de même à Maître GILLET d’où viennent
les informations dont il fait état en posant sa question sur le staff de l’ONG.
Je ne sais pas si cela sort du dossier ni d’où cela sort, mais concernant cet
argent, nous n’avons aucune information à ce sujet.
Le Président : Je n’en ai
pas plus que vous et Maître GILLET n’est pas témoin, donc je ne vais pas l’interroger.
Me. VERGAUWEN : Non, mais
il pose une question sur base d’un dossier…
Le Président : Oui, mais
cela devient assez habituel. Cela devient assez habituel ici.
Me. VERGAUWEN : Nous en prenons
acte. Merci.
Le Président : Si. Cela devient
habituel ! On fait état de pièces qui viennent d’autres dossiers ou dont
les parties n’ont pas connaissance, cela devient assez habituel.
Me. HIRSCH : Monsieur le
président, on parle de ce procès dans le monde, c’est donc normal qu’il y ait
des gens qui prennent contact avec des avocats pour les informer.
Le Président : Oui, mais
ce serait peut-être aussi normal que les avocats, lorsqu’ils disposent de pièces,
les communiquent aux autres parties, ainsi d’ailleurs qu’à la Cour !
Me. HIRSCH : C’est un mail
qui est reçu hier soir, Monsieur le président.
Le Président : Qu’est-ce
qui empêchait que ce matin, vous produisiez cette pièce et que l’on en fasse
des copies pour les parties ?
Me. GILLET : Monsieur le
président, ce n’est pas une pièce, c’est un contact entre quelqu’un qui devient
client d’un avocat et cet avocat va se constituer partie civile pour elle. Ce
n’est donc pas une pièce, ce sont des informations qui résultent de contacts
avec un client.
Le Président : Bien. Je suppose
que vous irez de nouveau trouver le bâtonnier pour régler ce problème-là, hein…
Moi, je ne le règle pas ici à l’audience en tout cas. Y a-t-il d’autres questions ?
Me. VANDERBECK : Oui, Monsieur
le président. Je voudrais venir à un sujet qui, à ma connaissance, n’a
pas été abordé par Monsieur le juge d’instruction lors de son rapport de vendredi
après-midi et je souhaiterais que vous lui posiez quelques questions à ce sujet.
Notamment, la première serait peut-être, à caractère didactique vis-à-vis du
jury, que Monsieur le juge d’instruction nous explique le sens de la formalité
d’inculpation. Ce qu’est l’inculpation ? Parce que je voudrais poser quelques
questions par rapport à cela ensuite.
Si vous souhaitez lui poser cette question, Monsieur le président,
par rapport au sens de l’inculpation, les jurés ne sont pas des juristes et
donc, ne savent peut-être pas ce qu’est une inculpation, quel est le moment
de l’inculpation et quand on procède à une inculpation.
Le Président : Oui, à titre
purement didactique, effectivement puisque…
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
prendre la casquette de professeur de procédure pénale parce que je crois qu’il
faut bien préciser la date du moment où j’ai été appelé à entendre sœur Kizito.
Donc, on se situait en janvier 1996, donc, avant la loi Franchimont. C’est important,
parce que la loi Franchimont, en 98, a introduit une notion d’inculpation, je
dirais, différente de celle dont je vais parler.
Donc, on se situe avant la loi Franchimont. La loi Franchimont, l’inculpation
fait qu’on a certains droits, accès au dossier, pouvoir demander des devoirs
complémentaires, ça c’est postérieur, c’est à partir de 1998. Mais en 1996,
quand j’ai été amené à entendre sœur Kizito, c’est une inculpation au sens de
la détention préventive que j’avais à examiner, donc, c’est-à-dire dans le cadre…
une des conditions pour la détention préventive est la question de l’existence
d’indices sérieux de culpabilité, c’est le terme utilisé par la loi sur la détention
préventive. La loi Franchimont prend la même terminologie après, mais c’est
relatif à d’autres choses.
Ici, c’était relatif à la loi sur la détention préventive et d’ailleurs,
c’était un interrogatoire d’inculpés dans le cadre de l’instruction, mais également,
dans le cadre de la loi sur la détention préventive. Donc, c’était, je dois
dire, mixte. Voilà la première part, je sais… mais je m’attends à la seconde
question mais il n’y a pas de problème, je pourrai y répondre.
Me. VANDERBECK : Oui, bien
sûr. Il y en a plus qu’une seconde, Monsieur le juge d’instruction, si Monsieur
le président me le permet bien sûr.
Le Président : Bien sûr.
Me. VANDERBECK : Par rapport
à cette notion d’inculpation justement, Monsieur le juge d’instruction peut-il
nous confirmer que lorsqu’il a entendu sœur Maria Kizito le 25 janvier 1996,
si je ne m’abuse, il n’a pas jugé opportun de l’inculper, au sens qu’il nous
l’a décrit aujourd’hui - je reviendrai d’ailleurs sur ce sens après - et quelle
a été la motivation, puisque, sauf erreur de ma part, il y a une ordonnance
de non-inculpation qui a été prise par Monsieur le juge d’instruction, quelle
était la motivation de son ordonnance ?
Damien VANDERMEERSCH : Eh bien,
donc, j’avais à statuer sur la question des indices sérieux de culpabilité que
je situais à ce moment-là, principalement pour sœur Kizito, par rapport au bidon
d’essence puisque principalement, cela se focalisait par rapport au bidon d’essence.
Alors, par rapport à cet élément-là, il faut être très clair, j’estimais
en âme et conscience que si je l’inculpais, je devais la mettre en détention
préventive compte tenu de cette question de bidon d’essence. Alors, en ce qui
concerne ce rôle précis, en se focalisant principalement là-dessus, à ce moment-là,
nous n’avions pas tous les éléments, notamment l’audition de Monsieur REKERAHO,
etc. Tout cela : c’est postérieur. D’ailleurs, pas mal d’auditions, même
la lettre, si je me souviens bien, la lettre de sœur Gertrude n’était pas, en
tout cas en tant que telle, elle n’était pas comprise dans le dossier à ce moment-là ;
la lettre - je parle le texte même de la lettre - on se situe le 25 janvier
1996.
Et donc, j’ai estimé que par rapport à la question du bidon d’essence
à l’époque, il n’y avait pas… il y avait un certain doute, compte tenu des éléments,
ou il y avait en tout cas un… ou je ne souhaitais pas anticiper la décision
de fond par une mesure que j’estimais alors devoir prendre, c’était une mesure
de détention préventive. Là, j’ai estimé qu’à ce stade-là de l’enquête, compte
tenu des éléments, si je l’inculpais - et c’est un seuil important, avant de
mettre quelqu’un en prison, vous estimez qu’il ne faut pas quelques accusations
- je savais que c’était une décision très lourde. Si je la prenais, c’était
placer sœur Kizito en détention préventive, avec aussi ce qu’allait provoquer
vraisemblablement, si elle restait en détention préventive, une accélération
du dossier.
Et donc, j’ai estimé, le 25 janvier 1996, avec les éléments dont
je disposais, qu’il n’y avait pas matière à justifier qu’il y avait des indices
sérieux permettant de prendre cette mesure exceptionnelle - c’est la loi qui
le dit - de détention préventive. Voilà dans quel cadre se situe cette décision.
Me. VANDERBECK : Monsieur
le président, je pense que Monsieur le juge d’instruction…
Damien VANDERMEERSCH : J’ai ajouté
tout en disant qu’il appartiendra aux juridictions d’instruction et aux juridictions
de jugement d’apprécier. Je n’ai pas anticipé, donc, ce n’est pas du tout une
anticipation, c’est la présomption d’innocence.
Le juge d’instruction doit éviter d’anticiper toute décision ultérieure
et c’est dans cet esprit-là que j’ai ajouté en disant qu’il appartiendra, comme
la loi le prévoit, à la juridiction d’instruction et, le cas échéant, à la juridiction
de jugement, c’est-à-dire vous-même, de donner votre propre appréciation.
Me. VANDERBECK : Monsieur
le président ?
Le Président : Oui ?
Me. VANDERBECK : Monsieur
le président, merci. Je vois que le juge d’instruction anticipe sur les questions
et sur la motivation. Mais dans… dans… Non seulement il n’a pas placé sœur Marie
Kizito sous mandat d’arrêt, mais il ne l’a pas inculpée, puisque c’est une ordonnance
de non-inculpation dans la motivation qui est reprise. Pour vous rafraîchir
la mémoire, je peux peut-être la lire, si vous m’y autorisez, Monsieur le président ?
Le Président : Oui.
Me. VANDERBECK : Monsieur
le juge d’instruction dit ceci : « Attendu que
jusqu’or, la participation de la précitée n’est pas établie à suffisance de
droit pour l’inculper du chef de l’infraction repris ci-dessus, en vertu des
pièces qui nous sont parvenues ce jour en ce dossier ».
C’est ce que vous venez de dire. Je souhaiterais que vous nous disiez
exactement quelles étaient les pièces que vous aviez dans le dossier, et notamment
si vous pouvez me confirmer que vous avez reçu, à l’époque, le contenu intégral
de la commission rogatoire au Rwanda effectuée en septembre-octobre 95, mais
également le contenu d’une commission rogatoire effectuée en France, qui était
destinée à entendre sœur Véronique DABO, ainsi que l’ensemble des auditions
des sœurs qui n’ont été entendues, à ma connaissance d’ailleurs, qu’une seule
fois, à ce moment-là, l’ensemble des déclarations des sœurs, faites… sœurs qui
s’étaient réfugiées, qui attendaient ici en Belgique de retourner au Rwanda
et qui étaient au couvent de Maredret.
Damien VANDERMEERSCH : Donc, je
peux dire, d’abord en ce qui concerne la formule, soyons clairs, c’est la formule
type. C’est le genre d’ordonnance où on n’a pas envie non plus de développer,
s’il n’y a pas de raison, justement pour ne pas anticiper sur les décisions
ultérieures. Donc, la présomption d’innocence existant par rapport à, j’ai bien
expliqué que c’était par rapport - les indices sérieux de culpabilité - par
rapport à la mise en détention préventive et c’est la formule qu’on emploie
classiquement. Je ne l’ai pas modifiée dans le cas d’espèce, j’aurais peut-être
pu développer ou changer l’un ou l’autre mot, mais enfin bon, peu importe, elle
est libellée. Alors, je confirme bien que j’avais connaissance des éléments
dans la commission rogatoire avec la circonstance que, effectivement, c’étaient
les auditions que nous avons recueillies.
Je précise en disant que, bien entendu, de nouveau, le juge d’instruction
n’est pas une préjuridiction de fond, il a simplement à statuer, à un moment
donné, et c’était ma mission, par rapport à la question de détention préventive,
je veux bien préciser cette question-là. Il y avait effectivement déjà la commission
rogatoire de France qui était rentrée, sauf erreur de ma part, et en ce qui…
Non, la commission rogatoire de France était ultérieure…
Me. VANDERBECK : Elle
a été effectuée le 19 janvier et vous avez entendu sœur Kizito, le 25.
Damien VANDERMEERSCH : J’avais
sûrement déjà, à ce moment-là, un rapport verbal de contenu. Et alors, en ce
qui concerne les auditions des sœurs, je les avais, je veux dire, euh… une synthèse
puisqu’elles sont faites toutes, le jour-même. Donc, on travaille évidemment
dans l’urgence, dans le délai de 24 heures, les deux sœurs étant privées de
liberté, j’ai dû entendre tant sœur Kizito que sœur Gertrude et donc, j’avais
effectivement un premier aperçu, si on peut s’exprimer ainsi.
Me. VANDERBECK : Je
visais les sœurs qui se trouvaient au couvent de Maredret, c’est-à-dire une
dizaine de sœurs qui faisaient partie de la communauté de Sovu au moment des
événements et qui, sauf erreur de ma part, ont été entendues le 27 décembre
95, par Messieurs STASSIN et BOGAERT.
Michel STASSIN : Oui, c’est
exact, Monsieur le président. Elles ont donc été toutes entendues fin décembre,
donc, 95. Elles sont toutes venues de Maredret.
Me. VANDERBECK : Est-ce
que Monsieur le juge d’instruction pourrait nous dire quels ont été - en résumé
évidemment parce que ce serait peut-être très long - les devoirs d’instruction
qui ont été réalisés après cette formalité de non-inculpation ? Et je mets
de côté la commission rogatoire en 2000 qui avait pour objet d’entendre Monsieur
REKERAHO et l’une ou l’autre personne, ainsi que la commission rogatoire en
2000 auprès du Tribunal pénal international.
Donc, entre 96 - c’est-à-dire janvier 96 - et la communication de
son dossier à toutes fins - et je voudrais peut-être que Monsieur le juge d’instruction
explique aussi ce que c’est une communication de dossier à toutes fins qui a
eu lieu en décembre 96 - et puis, entre décembre 96 et la commission rogatoire,
quels ont été les devoirs spécifiques qui ont été apportés… ? Est-ce qu’il
a encore réentendu les sœurs ? Est-ce qu’il a encore été à Sovu, réentendre
les témoins, les femmes ? Est-ce qu’il a encore effectué des devoirs par
rapport à sœur Maria Kizito ?
Damien VANDERMEERSCH :
On a euh… D’abord,
il y a eu, effectivement, l’audition des sœurs. Donc, sauf erreur de ma part,
il y a encore eu d’autres personnes, enfin il y a certaines personnes qui ont
été entendues. Devoirs classiques - pas spécialement, je veux dire, qui ne mettaient
pas en évidence spécialement des éléments particuliers. Il y a eu des ré-auditions
quand même. Tout l’examen des documents saisis lors de la perquisition. Donc,
on a quand même certains récits qui ont été faits. Il faut savoir que dans ces
documents-là, se trouvent notamment des… ce sont les circonstances, et on a
trouvé notamment un carnet qui retrace un peu, je dirais, le déroulement des
événements.
Il y a eu également des témoignages qui ont été apportés, notamment
par Yolande MUKAGASANA, qui ont été joints, donc, dont on a d’ailleurs fait
une restranscription et par rapport auxquels on a réinterrogé tant sœur Gertrude
que sœur Marie Kizito. Il y a eu évidemment cette lettre également ; même
si elle ne concerne pas sœur Marie Kizito, elle donne quand même aussi un éclairage
à partir du moment où on considérait que les deux sœurs étaient ensemble.
Je vais être très clair, c’est que pour moi, mon attention pour sœur
Marie Kizito s’est focalisée au mois de janvier 96, sur la question du bidon
d’essence particulièrement. Je me suis moins attaché - parce que j’estimais
qu’il faut commencer les choses par les choses - je me suis plus attaché pour
le rôle, c’est au rôle de sœur Gertrude. Je n’ai pas analysé le rôle comme je
pense que, dans l’ensemble du dossier, en tout cas, j’en ai fait état dans mon
rapport, c’est quand même qu’elles étaient très souvent ensemble. A ce moment-là,
je me suis fort focalisé, parce qu’on met aussi le nez dans le dossier, on est
aussi tenu par des délais, donc, pour, principalement, cette question du bidon
d’essence. Et donc, on a eu cet ensemble d’éléments, je veux dire, qui ont été
joints.
Puis, j’ai estimé qu’à ce stade-là, comme d’autres dossiers… Dans
la mesure où je n’avais pas la possibilité, on ne me donnait pas la possibilité
au point de vue moyens, de faire… d’aller plus en avant - parce que c’est très
bien de vouloir faire une commission rogatoire, encore faut-il, à partir du
moment où vous travaillez tous les jours jusqu’à des heures dont je ne parlerai
pas (point de vue famille), il faut aussi tenir le coup - eh bien, soyons clairs,
je ne pouvais pas ; avec le nombre de dossiers qu’on m’avait donnés par
ailleurs - et je crois que je m’en suis expliqué à d’autres occasions - on était
sur la corde raide, enfin je veux dire à moitié en dessous de la ligne de flottaison.
Alors, je vous dis volontiers : « J’aurais voulu faire beaucoup plus ».
Je crois que je m’en suis expliqué, je n’en ai pas eu humainement les moyens.
J’assume complètement en disant : « Je ne vois pas quand j’aurais
pu le faire ». Donc, c’est très clair.
Donc, on a recueilli… à ce moment-là, il y avait notamment encore
ces témoignages dont on a assuré la traduction et dont on a assuré, d’ailleurs,
des auditions. Et puis, nous en sommes venus au règlement de la procédure où,
à partir du moment où on a annoncé que ce dossier allait… que c’était la position
du parquet de vouloir joindre, où là, je ne vous cache pas que j’ai manifesté
la volonté de vouloir faire quand même le complément d’enquête qui a été fait,
qui me semblait quand même très important, tout au moins parce que, finalement,
on n’avait pu travailler que pas trop de temps sur ce dossier-là.
Mais, je le rappelle, la position du juge d’instruction n’est pas
de faire un préjugement sur les faits. C’est deux choses qui, pour moi en tout
cas dans mon esprit, sont totalement différentes, même si elles ne sont pas,
je veux dire, neutres l’une par rapport à l’autre, mais c’est quand même un
cadre tout à fait différent.
Me. VANDERBECK : Une
question intéressante, Monsieur le président, est de savoir si Monsieur le juge
d’instruction avait eu, au cours de la suite de son instruction, connaissance
d’un élément important et nouveau concernant sœur Marie Kizito ? Est-ce
qu’il aurait pu, il aurait dû l’inculper à ce moment-là ? Puisqu’on se
situe avant 98 mais aussi après 98 et que nous avons une nouvelle conception
de l’inculpation, dont peut-être Monsieur le juge d’instruction pourrait nous
parler.
Damien VANDERMEERSCH : Je vais
vous répondre très clairement. Au point de vue détention préventive, compte
tenu de tous les problèmes que j’avais eus dans les autres dossiers, soyons
clairs, et, quand même, des difficultés, des retards qui étaient encourus, une
détention préventive n’avait plus aucun sens.
Donc, une inculpation, sans détention préventive, elle n’avait plus
aucun sens. D’abord, parce que la détention préventive ne me semblait plus se
justifier. On aurait dit : « Mais pourquoi, tout à coup maintenant,
on fait une détention préventive alors qu’on se situe… », enfin, bon, je
ne dois pas faire l’historique de tout le dossier. Mais enfin, il y avait quand
même, au niveau de l’autorité poursuivante… en tout cas, il n’y avait pas de
manifestation de pouvoir aboutir dans les dossiers - je parle au pluriel volontairement
- très rapidement. Or, une détention préventive ne doit pas durer de façon anormale,
est, donc au point de vue délai, raisonnable.
Donc, je réponds au point de vue inculpation-détention préventive,
soyons clairs, à ce moment-là, c’était par rapport à la détention préventive.
Même si j’avais changé d’avis - je n’ai pas envie de me prononcer sur des questions
de changement d’avis parce qu’on a, à certains moments, à prendre, je veux dire,
position par rapport à un dossier - mais il y a le moment clé de la détention
préventive, il y a le moment clé du règlement de la procédure et, comme vous
le dites, depuis 1998, on peut concevoir qu’il y a le moment de l’inculpation.
Alors, je vais dire aussi, je vais vous répondre tout aussi franchement.
C’est que la loi Franchimont est entrée en vigueur le 1er octobre
1998 et en ce qui concerne les juges d’instruction, nous avons décidé que tous
les dossiers communiqués à toutes fins, on n’allait pas commencer à les reprendre
tous pour commencer à prononcer des inculpations dans tous les dossiers. Et
donc, ce dossier-là étant communiqué - sauf erreur de ma part, il a été communiqué
tout à fait au parquet à ce moment-là, et depuis belle lurette - eh bien moi,
j’ai estimé que… je n’ai pas repris tous les dossiers pour faire des inculpations,
ça c’est la question des mesures transitoires. Si on m’avait fait une demande
d’accès au dossier, je me serais, à ce moment-là, prononcé indirectement sur
la question d’indices sérieux de culpabilité. Et là, vous pouvez savoir que
ma réponse aurait été positive parce que j’estimais que c’était pour exercer
des droits.
Pour moi, le seuil de l’inculpation n’est pas le même dans le cadre
Franchimont que dans le cadre détention préventive. Je ne pouvais pas, d’ailleurs…
de toute façon, je pense que même sœur Marie Kizito faisait l’objet de réquisition
explicite du parquet, ce qui impliquait qu’elle était déjà assimilée à un inculpé,
de toute façon. Mais donc, je vais être clair que par rapport à Franchimont,
si vous voulez me poser la question - et je suis d’autant plus à l’aise pour
cette question-là - que quand il s’agissait d’exercer des droits, et donc exercer
les droits de la défense pour Marie Kizito, cette inculpation dans ce sens-là,
il est évident que j’aurais dit qu’à ce moment-là, il faut qu’elle reçoive les
moyens de se défendre immédiatement et pas seulement peut-être plus tard, dans
la suite de la procédure.
Mais de nouveau, c’est pour vous faire comprendre que l’inculpation
n’est pas un préjugement, qu’elle est liée à des décisions que nous devons prendre
et que, notamment pour l’exercice des droits de la défense, il serait quand
même terriblement paradoxal qu’à ce moment-là on retienne en disant : « Mais
le juge a inculpé ». C’est un des reproches que je fais : c’est qu’on
emploie la même terminologie pour la détention préventive où, là, on peut comprendre
que c’est quand même une décision particulièrement lourde et, par exemple, pour
l’exercice des droits où, là, le seuil de l’inculpation doit être, je dirais,
assez léger, enfin plus léger puisqu’il y va de l’exercice des droits de la
défense et, là, c’est un souhait que les droits de la défense ne soient pas
postposés précisément.
Je crois que j’ai essayé de répondre vraiment clairement, aussi clairement
que possible par rapport à cette difficulté, évidemment, entre les nuances,
étant donné que c’est toujours la même terminologie.
Le Président : Oui ?
Me. VANDERBECK : Simplement…
En fait l’objet de ma question était même peut-être plus précis puisqu’il visait
à savoir, dans l’après 98… Vous écrivez dans votre livre que l’inculpation devient
créatrice de droits et que la formalité d’inculpation est, dès lors, obligatoire
lorsque le juge conclut à l’existence d’indices de culpabilité.
Ce qui veut dire que, est-ce que dans l’après 98, vous avez - bien
sûr le dossier était communiqué à toutes fins, c’est ce que vous nous avez expliqué
maintenant, vous n’avez pas repris tous les dossiers, on comprend le travail
que cela pouvait constituer - mais est-ce qu’il y a un élément supplémentaire
qui est venu s’ajouter qui vous aurait amené à considérer qu’il s’agissait d’un
indice de culpabilité amenant obligatoirement à la formalité d’inculpation,
obligatoirement ?
Damien VANDERMEERSCH :
Mais, bon…
Le Président : D’abord, on va
pas…
Damien VANDERMEERSCH : Vous posez
des questions… directement… Je crois que j’ai été clair. J’ai dit que c’était
une politique générale de tous les juges d’instruction. C’était impossible de
ressortir tous les dossiers et les examiner. Vous devez… Moi, j’avais plus de
150 dossiers qui étaient communiqués à toutes fins. La formalité de l’inculpation
n’est pas une formalité qu’on va dire : « Tel dossier, on va faire
l’inculpation, tel… ». Non, cela nécessite quand même un réexamen du dossier.
Mais je vous ai répondu, je crois clairement, que dans le cas d’espèce,
si vous m’aviez fait une demande d’accès au dossier, où là, j’étais obligé par
le fait de la réponse, je vous aurais répondu, je l’aurais inculpée. Je l’aurais
inculpée, mais pas dans le sens de la stigmatisation des indices sérieux de
la culpabilité, dans le sens de l’exercice des droits, et je pense que j’ai
été clair.
Me. VANDERBECK : Mais ma
question ne visait pas l’exercice des droits, ma question visait la question
de savoir si vous aviez estimé que…
Le Président : Bon. Un, pas
de dialogue…
Me. VANDERBECK : Pardon,
je vous prie de m’excuser, Monsieur le président.
Le Président : …et deux,
nous allons aborder, si vous le voulez bien, un autre sujet que celui-là.
Me. VANDERBECK : Mais, j’ai
encore une petite question par rapport à ce sujet, si vous le permettez, mais
c’est la suite, parce que j’ai avancé chronologiquement. Puisque Monsieur le
juge d’instruction a fait une commission rogatoire, sauf erreur de ma part,
en février 2000 et une autre en mars 2000, la première au Rwanda et la seconde
auprès du Tribunal pénal international, est-ce qu’après avoir reçu les résultats
de ces commissions rogatoires, avoir pris connaissance des déclarations de Monsieur
REKERAHO notamment, est-ce qu’il aurait, au sens 98, inculpé sœur Marie Kizito ?
Le Président : Cela n’a pas
été fait, si vous voulez bien…
Me. VANDERBECK : Je souhaiterais
savoir son sentiment.
Damien VANDERMEERSCH :
Je… Je
n’avais plus à le faire, on est au règlement de procédure…
Le Président : La question…
Damien VANDERMEERSCH : …l’inculpation
n’a plus aucun sens au niveau du règlement de procédure…
Me. VANDERBECK : Non…
Je souhaite…
Damien VANDERMEERSCH : …à partir
du moment où elles étaient en cause dans le réquisitoire même.
Me. VANDERBECK : Ce n’est
pas la réponse à ma question.
Me. BEAUTHIER : Consultez
le livre de Monsieur VANDERMEERSCH, la défense !
Le Président : Cela n’éclairera
absolument pas le jury sur le problème.
Me. VANDERBECK : Je souhaiterais
que Maître BEAUTHIER n’intervienne pas pendant que je pose des questions, ce
serait aimable de sa part.
Me. BEAUTHIER : Vous devriez
lire le livre de Monsieur VANDER-MEERSCH.
Me. VANDERBECK : Je
voudrais savoir, Monsieur le président, c’est simplement s’il avait encore été,
si cela s’était passé un petit peu avant 2000, c’est-à-dire un peu avant…
Le Président : Peu importe !
Je dis : « On ne pose pas cette question, cela ne fait pas avancer
d’un millimètre le schmilblic ».
Me.VANDERBECK : Mais, je…
Enfin, nous pensons, à la défense, que oui, dans la mesure où…
Le Président : Eh bien !
Je vous dis que la question n’est pas posée !
Me. VANDERBECK : Mais c’était…
Le Président : Alors, abordez
autre chose, si vous le voulez.
Me. VANDERBECK : Je peux
peut-être la formuler autrement, si vous le permettez, je…
Le Président : Je vous dis
non ! C’est non !
Me. VANDERBECK : Mais cette
question me semble fondamentale dans la mesure où ce sont des éléments qui ont
été apportés, par la suite, dans le dossier et qui auraient peut-être pu changer
la façon de…
Le Président : Mais, peu
importe ce qu’aurait fait le juge d’instruction ! Ce qui est important,
c’est ce que les 12 jurés vont faire.
Me. VANDERBECK : Bien sûr.
Mais cela peut éclairer, sans doute, les 12 membres du jury, de savoir ce que
le juge d’instruction aurait fait.
Le Président : Mais non,
absolument pas !
Me. VANDERBECK : Enfin, nous
pensons…
Le Président : Alors, abordez
un autre sujet !
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
mettre fin… Simplement, je n’avais légalement plus à le faire, donc, la question
ne se pose pas pour moi, enfin ne se posait pas.
Le Président : Alors, autre
sujet.
Me. VERGAUWEN : Oui,
Monsieur le président. Je m’excuse de rester toujours à cette période du mois
de janvier 1996 en ce qui concerne sœur Gertrude, cette fois-ci. Monsieur le
juge d’instruction a entendu sœur Gertrude le 26 janvier et au terme de cette
audition, il a décidé d’inculper sœur Gertrude mais toutefois, il a rendu ce
qu’on appelle une ordonnance contraire par laquelle il a décidé de ne pas placer
sœur Gertrude sous mandat d’arrêt.
Je voudrais, Monsieur le président, si vous m’y autorisez, demander
au magistrat instructeur de bien vouloir confirmer la motivation de cette décision
de non-placement en détention préventive et qui est la suivante, que je me permettrais
de relire : « Attendu qu’il n’y a cependant pas
d’absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner mandat d’arrêt à charge
de l’inculpée, attendu en effet que, nonobstant la gravité des faits, il y a
lieu de prendre en considération le contexte tout à fait particulier et exceptionnel
du déroulement des faits et des répercussions que ce contexte a pu avoir sur
l’état psychologique de l’intéressée ».
Pourriez-vous, Monsieur le président, demander au juge d’instruction
simplement de confirmer cette décision ?
Damien VANDERMEERSCH : Je confirme
que j’ai inculpé sœur Gertrude et que j’ai rendu l’ordonnance dans ces termes-là,
tout en précisant qu’à l’époque, il n’y avait pas cette question de lettre qui
était encore venue à l’ordre du jour. Mais de toute façon, j’assume complètement
la décision que j’ai prise à ce moment-là. Tout à fait.
Le Président : Oui, une autre
question ?
Me. VERGAUWEN : Oui, Monsieur
le président. Euh… Pour que l’on soit bien d’accord, certes, la lettre, les
termes de la lettre ne figuraient pas encore au dossier à ce moment-là, mais
sommes-nous bien d’accord pour dire qu’à ce moment-là, il était déjà bien fait
grief à sœur Gertrude d’avoir adressé une lettre au bourgmestre ?
Damien VANDERMEERSCH : Oui, mais,
adressée dans sa version à elle. La lettre étant présentée dans sa version à
elle…
Me. VERGAUWEN : Bien sûr,
elle s’est expliquée à ce moment-là, dans sa version à elle sur…
Damien VANDERMEERSCH : Oui, elle
n’emploie pas du tout les termes de la lettre, je précise très clairement.
Me. VERGAUWEN : Nous sommes
bien d’accord, nous sommes bien d’accord.
Le Président : Oui, une autre
question ?
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie,
Monsieur le président. Monsieur le président, pourriez-vous demander au témoin
à partir de quand il a vent des accusations portées contre sœur Gertrude ?
Damien VANDERMEERSCH :
Vent ?
Me. VERGAUWEN : A partir
de quand le témoin a-t-il eu connaissance que les accusations étaient portées
contre sœur Gertrude ?
Damien VANDERMEERSCH : J’aurais
envie de dire à partir de la mise à l’instruction, je veux dire, en tant que
juge d’instruction. Parce que, en tant que juge d’instruction, on a la rigueur
sur tout ce qui est pré-connaissance. Maintenant, sûrement qu’avant, au moment
de la redistribution du dossier, de la constitution de partie civile de sœur
Gertrude, on m’a sûrement demandé en disant : « Tiens, il y a une
constitution de partie civile qui concerne des faits au Rwanda » et là,
il y a sûrement eu un échange avec le collègue qui a reçu la… la, je veux dire,
la constitution de partie civile et moi-même, pour cette question de redistribution.
A mon avis, c’est à ce moment-là. Maintenant, j’ai peut-être lu les journaux…
Enfin, je veux dire, pour moi, cela commence à ce moment-là.
Me. VERGAUWEN : Après
la constitution de partie civile de sœur Gertrude, donc ?
Le Président : Non, ce n’est
pas ce que le témoin a dit.
Damien VANDERMEERSCH : Non, je
n’ai pas à prendre… Je suis juge d’instruction ici, et je dis que j’ai la rigueur,
enfin j’espère avoir, tendre à avoir, la rigueur du juge d’instruction. Donc,
pour moi, à partir du moment où je commence une instruction, c’est à ce moment-là
que je commence à m’intéresser, dans ma profession, à ce problème-là et, bien
entendu, je ne vais pas commencer à puiser des éléments que j’ai eus avant,
ou peut-être que j’ai entendus mais qui, pour moi, ne sont pas pertinents et
donc, qui rentrent peut-être par-là, et qui ressortent par-là. Je crois que
tout ce qui est dans le dossier, c’est ce que j’ai eu après. D’ailleurs, vous
pouvez voir que toute pièce qui se trouve dans le dossier, il y a son origine.
Et, sauf erreur de ma part, il n’y a aucune origine du juge d’instruction VANDERMEERSCH
avant sa saisine, ce serait d’ailleurs nul.
Me. VERGAUWEN : Je vous
remercie, Monsieur le juge d’instruction. Deuxième question, peut-être plus
précise. Bien que le témoin n’enquêtait pas à propos de l’affaire dite de Sovu,
a-t-il entendu parler de sœur Gertrude, dans un sens ou dans un autre, de son
comportement, avant la commission rogatoire réalisée à Butare, en octobre 1995,
le témoin a-t-il entendu parler de sœur Gertrude lors des commissions rogatoires
réalisées avant 95 ?
Damien VANDERMEERSCH : Il est
évident que, sauf erreur de ma part, le prêtre le témoin 54 avait déjà été entendu,
je crois, lors de la seconde commission rogatoire. Et donc, il faut savoir que
j’étais saisi du dossier concernant Monsieur KANIABASHI qui concernait quand
même toute la question de Ngoma et inévitablement les alentours. Il y avait
toute la question du capitaine NIZEYIMANA qui concernait, je dirais là, plus
largement, qui englobait effectivement plus largement que simplement la commune
de Ngoma. Soyons clairs, moi, j’ai joint postérieurement certaines pièces qui,
a posteriori, quand j’ai vu que certaines pièces de la seconde commission rogatoire
pouvaient donner éventuellement un éclairage, j’ai joint même, je dirais, aussi,
par exemple les rapports ONU. Une fois que j’ai été saisi, j’ai regardé effectivement
dans les autres dossiers, tous les éléments pertinents qui peuvent, d’une façon
ou d’une autre, pouvoir intéresser l’instruction et donc, je les ai fait joindre
au dossier. Par exemple l’audition de Monsieur le témoin 54, par exemple l’audition
de Monsieur NSANZUWERA, l’audition de témoin général, tout cela a été joint.
Cela s’est fait en toute clarté puisqu’on dit bien que cela vient du dossier,
par exemple, 3795 et que c’est une copie qui a été jointe.
Cela a été fait bien entendu après la mise à l’instruction, cela
me semble évident. Mais à partir du moment où c’était le même, je veux dire,
on est dans le même environnement de la préfecture, l’enregistrement du président
SINDIKUBWABO, ce n’est pas dans le dossier 6295 que je l’ai recueilli, c’est
bien entendu dans le cadre d’autres dossiers. Mais on a évidement versé cet
élément-là aussi puisque c’est un élément qui peut avoir évidemment une incidence
également sur le dossier 6295, donc, le dossier qui concerne Sovu. Donc, il
y a sûrement des éléments mais j’insiste en disant qu’ils ont été joints par
la suite, bien entendu.
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie.
Je vous demandais donc s’il avait entendu parler du comportement de sœur Gertrude
lors des précédentes commissions rogatoires et il nous a parlé de ce que l’abbé
le témoin 54 avait déclaré, je crois que c’est Monsieur le procureur du roi VER ELST-REUL
qui a entendu l’abbé le témoin 54, très longtemps en audition…
Damien VANDERMEERSCH :
Non, non. Il était présent lors de l’audition…
Me. VERGAUWEN : Ah,
vous étiez… Mais c’est encore mieux…
Damien VANDERMEERSCH : Non, il
était présent…
Me. VERGAUWEN : Peut-il
confirmer ce que l’abbé le témoin 54 a dit à propos du comportement de sœur Gertrude
en juin 1995 ? Donc, l’audition de l’abbé le témoin 54 a lieu en juin 1995,
peut-il nous confirmer ce que, à l’époque, Monsieur le témoin 54 dit à propos de
sœur Gertrude ?
Damien VANDERMEERSCH : Il parle
de l’événement à la paroisse de Ngoma, donc, que les sœurs sont effectivement
venues le 23, donc, cela se situe bien et donc, il reprend toute la chronologie.
En fait, c’est une audition qui porte sur la situation principalement à la paroisse
de Ngoma. Et donc, il fait état, effectivement, lorsque les sœurs sont
à la paroisse, elles font l’objet - comme les autres personnes réfugiées n’étaient
pas les seules réfugiées - donc elles font l’objet de menaces. Il fait état
également que les sœurs voulaient aller jusqu’à l’évêché. Donc, que les sœurs
voulaient aller jusqu’à l’évêché. Et donc, sauf erreur de ma part, il fait état
- mais là, sous réserve évidemment que ma mémoire soit bonne parce que c’est
une audition qui fait 14 pages ou 15 pages, si je me souviens bien, en petits
caractères, elle était très longue - et donc, on fait état également, donc,
que sœur Gertrude, à un moment donné, aurait payé pour… parce que les miliciens
étaient là et menaçaient entre-autres les sœurs, mais, semble-t-il, l’ensemble
des personnes qui étaient réfugiées.
Et donc, Monsieur le témoin 54 fait état également du fait que sœur Gertrude
a, à un moment donné, pris contact avec le commandant de place qu’elle semblait
pas trop connaître et puis qu’elle aurait eu un contact avec le lieutenant HATEGEKIMANA
qui, elle, semblait en très très bons termes, dit-elle, avec lui. Maintenant,
peut-être, si vous voulez les termes exacts, je peux vous les confirmer mais
vous avez la feuille devant vous, moi, je ne l’ai pas, je pense que vous pourrez
sûrement être complet, plus complet.
Me.VERGAUWEN : Si je peux me permettre un commentaire par rapport
à ce que vient de dire le témoin. C’est que, concernant ce coup de téléphone,
ce fameux coup de téléphone à Monsieur HATEGEKIMANA, l’abbé le témoin 54 ne dit absolument
pas, lors de cette première audition, qu’elle semblait très bien connaître Monsieur
HATEGEKIMANA, il ne parle absolument pas de ça et il termine son audition, je
crois que je vais relire ce petit passage, si je puis me permettre : « Sur
interpellation, je précise que mon récit est dans ma mémoire. Je n’ai rien
écrit mais tout ce que j’ai vécu est inscrit à jamais dans ma mémoire, je ne
l’oublierai jamais ». C’était une remarque, puisque…
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
préciser… mais l’erreur est humaine, et donc…
Me. VERGAUWEN : Bien sûr.
Damien VANDERMEERSCH : Monsieur
le témoin 54, effectivement, a été entendu et réentendu lors de la troisième commission
rogatoire. Et donc, lors de la deuxième commission rogatoire donc, l’audition
de Monsieur le témoin 54 était dans le cadre principalement de KANYABASHI, puisque
KANYABASHI était le bourgmestre de Ngoma et lui était à la paroisse de Ngoma
- et donc, l’audition se situait principalement par rapport aux événements,
donc, dans la commune de Ngoma dont faisait partie cet épisode-là. Maintenant,
effectivement, quand on l’a entendu lors de la troisième commission rogatoire
dans le dossier 62, là, on l’a interrogé. Ce qui montre bien qu’on ne l’a pas
interrogé sur spécialement Sovu à l’époque, on l’a interrogé sur l’ensemble
du déroulement des événements.
Lors de la troisième commission rogatoire - et vous faites bien de
rectifier cela puisque c’est quand on lui a posé les questions par rapport à
Sovu qu’il a parlé de ce contact avec le lieutenant HATEGEKIMANA - la question
ne lui a pas été posée lors de la… on ne lui a pas posé des questions par rapport
à sœur Gertrude, bien entendu, lors de la deuxième commission rogatoire ;
on était pas saisi. Mais donc, c’est dans le cadre du récit libre, il n’en a
pas fait état spontanément, je le confirme avec les précisions que vous m’avez
apportées.
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie.
Alors, une autre question, si vous me le permettez, Monsieur le président, concernant
l’article du journaliste le témoin 60, article paru dans la revue Solidaire le
31 mai 1995. Donc, nous savons que Monsieur le témoin 60 met en cause sœur Gertrude
et il a recueilli… ces informations proviennent d’une personne désirant garder
l’anonymat. Peut-il nous dire aujourd’hui qui est ce témoin anonyme ?
Damien VANDERMEERSCH : Sauf erreur
de ma part, Monsieur le témoin 60, on l’a réentendu à ce sujet-là, mais je suppose
que ce témoin vient. Ce serait plutôt à lui de vous donner cette précision.
Le Président : Il est convoqué,
en tout cas.
Damien VANDERMEERSCH : Sauf erreur
de ma part, la question lui a été posée et il a répondu. Maintenant, dire qui
c’était, sauf erreur de ma part, cette personne a été identifiée et avait été
entendue dans le dossier.
Me. VERGAUWEN : Peut-être
qu’on peut poser la question alors à Monsieur STASSIN qui a rédigé un procès-verbal,
le 13 décembre 1997… 1999 pardon, et il donne l’identité de ce témoin. Je crois
que Monsieur STASSIN peut répondre à la question ?
Michel STASSIN : Effectivement,
c’est une personne qui est d’ailleurs citée, si je ne m’abuse, il s’agit de
Madame le témoin 20.
Me. VERGAUWEN : C’est
bien cela. Le témoin peut-il nous parler de Madame le témoin 20 ?
Qui est-elle ?
Michel STASSIN : Je
pense que le témoin 20 est une personne laïque et qui, un jour, je pense,
a pris contact soit avec nos services, soit avec Monsieur le juge d’instruction
et suite à cela, j’ai eu un devoir pour procéder à son audition.
Me. VERGAUWEN : Donc,
le témoin anonyme qui est le témoin 20 informe le journaliste le témoin 60,
c’est donc un témoin indirect des faits ? Madame le témoin 20…
Le Président : Posez la question
à Madame le témoin 20, elle est convoquée.
Me. VERGAUWEN : Alors,
autre question, Monsieur le président. Nous savons que c’est un article qui
a paru dans la revue Solidaire. Est-ce que vous avez fait quelques investigations
pour savoir ce que c’était que cette revue Solidaire ?
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
répondre ?
Le Président : Oui.
Damien VANDERMEERSCH : Je vais
répondre très franchement. Je n’ai pas l’habitude de baser mes instructions
sur des articles de presse et j’ai l’habitude d’essayer d’aller à la source,
ce qui me semblait être plutôt le Rwanda ou les témoins directs. Témoins anonymes,
tout ça, pour moi, je suis désolé… de toute façon un journaliste c’est déjà
en deuxième main. Alors, par rapport à la question qui se posait ici, c’était
quand même de savoir ce qui s’était passé à Sovu et, je vais dire très clairement,
ce n’est pas ce qui s’est passé à Bruxelles ou dans ce journal qui m’a intéressé.
J’estime que je ne dois pas passer par des secondes mains autant que faire se
peut, je dois avoir l’information en direct.
Alors, soyons clairs. J’ai concentré mes efforts et mes investigations
sur les témoins directs des faits, je pense qu’il y en avait assez pour pouvoir
concentrer nos investigations, tant au Rwanda qu’en Belgique, sur les témoins
directs plutôt que sur les témoins indirects. Maintenant, s’il y a un témoin
indirect qui demande à être entendu comme cela a été le cas pour le témoin 20
- je pense qu’elle a été effectivement témoin indirect vu qu’elle n’était pas
sur place - eh bien, en ce qui concerne cela, bien entendu, un témoin qui se
présente et qui souhaite être entendu, je n’ai pas à faire des censures préalables
et cette personne a, bien entendu, été entendue. Mais en ce qui concerne mes
investigations, j’ai entendu les concentrer, dans la mesure du possible, sur
d’abord les événements eux-mêmes et les témoins directs.
Le Président : Une autre
question ?
Me. VANDERBECK : Monsieur
le président, je vous remercie. Un autre thème par rapport à la commission rogatoire
effectuée par Monsieur le juge d’instruction et ses enquêteurs, celle des mois
de septembre-octobre 95. Je souhaiterais peut-être que Monsieur le juge d’instruction
nous dise, quand il est arrivé sur la colline de Sovu, comment a-t-il fait pour
procéder au choix des personnes à entendre ? Est-ce que c’est par spontanéité ?
Les personnes sont venues vers lui ? Spontanéité dont, je pense, il
nous avait parlé lors de son premier rapport ? Ou est-ce qu’il est parti
avec une liste de personnes qu’il estimait devoir entendre et s’il s’est tenu
à cette liste ?
Le Président : Monsieur le
juge d’instruction ?
Damien VANDERMEERSCH : On a travaillé
comme… je veux dire, pas spécialement différemment que dans les autres situations,
c’est-à-dire que nous avons entendu la sœur Scholastique, la sœur Marie-Bernard,
je pense que cela a été parmi les premiers devoirs faits, qui nous donnaient
certaines indications sur les éléments qu’on pouvait recueillir. Nous avons,
bien entendu, tenté de voir sur place des personnes qu’on pouvait entendre et
on est allé sur place. Alors, il y a certains témoins et notamment même certains
noms qui nous étaient donnés déjà depuis la Belgique, puisque moi, j’avais demandé
parallèlement que sœur Gertrude et sœur Kizito soient entendues pour voir s’il
y avait des témoins qu’elles souhaitaient faire entendre. J’avais eu le souci
parallèlement, je veux dire, de les faire entendre en disant que tant qu’on
est sur place, il y a certaines personnes qui sont pertinentes. Dans le cadre
d’une audition assez libre qui avait été faite à l’époque, peut-être moins détaillée,
donc, certains noms avaient été donnés par sœur Gertrude et d’ailleurs certaines
personnes ont été entendues qui avaient été mentionnées par sœur Gertrude.
Par ailleurs également, il y a des voisins sur la colline, à partir
du moment où on enquêtait, effectivement cela se savait qu’on était là, il y
a des gens qui sont venus, il y a des gens qu’on a rencontrés. Je dirais que
cela s’est passé comme cela se passe, je dirais, dans toute enquête. Il y a
des témoins qui viennent, il y a des témoins qui sont renseignés et qu’on va
chercher. Il y a le bourgmestre qui dit : « Mais vous savez, peut-être
telle personne qui était là avant les événements… », parce que, sauf erreur
de ma part, on a eu des contacts aussi avec le bourgmestre de Huye, le nouveau
bourgmestre de Huye qui… euh… quand on est sur place, ce n’est pas nous qui
avions évidemment d’avance, je veux dire, l’ensemble des personnes et on a progressé
comme cela avec… en essayant, on se soucie toujours, on essaie de recueillir
le maximum de témoignages, le maximum d’éléments et il appartient, je dirais,
aux juridictions, de trancher et d’apprécier ce qu’il faut en faire. Et je dirais,
c’est pour cela que les témoins, dans tous les témoins que nous avons entendus,
nous n’avons pas fait de tri préalable, nous avons essayé d’entendre le maximum
de personnes dans les circonstances décrites. Maintenant, je ne pourrais pas
vous dire de souvenir : « Tel témoin, est-ce qu’il est venu, est-ce
qu’il a été renseigné ».
On a travaillé comme cela. Et puis, ce n’est pas parce qu’un témoin
vient spontanément ou qu’un témoin on va le chercher… Je pense que ce qui est
important, c’est ce qu’il dit, dans quelle mesure on peut recouper cela avec
d’autres témoignages. Et puis, ce qu’il faut en penser, en dernier lieu par
rapport à l’ensemble des éléments. C’est un des éléments mais nous n’avons fait
aucun tri, je veux dire, dans la façon de procéder, je dirais, pas au choix
des témoins, c’est tous les témoins qui se sont présentés ou tous les témoins
qui nous semblaient pouvoir donner des choses intéressantes, eh bien, ont été,
dans la mesure du possible et de nos moyens, entendus.
Le Président : Bien. Nous
allons suspendre cinq minutes.
[Suspension d’audience]
Le Greffier : La Cour.
Le Président : L’audience
est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place et
les témoins peuvent également revenir à l’audience. Maître VANDERBECK, posez
une autre question.
Me. VANDERBECK : Je vous
remercie, Monsieur le président. Je vous remercie. Le témoin nous disait à l’instant,
par rapport à la première question, qu’il avait entendu les gens sans… très
largement, mais il nous paraît, d’une lecture du dossier, que le témoin avait
en sa possession le rapport d’African Rights avant de partir en commission rogatoire.
Cela relève notamment d’une apostille effectuée par Monsieur le juge d’instruction,
le 11 septembre 1995 et qu’il intitule : « Devoirs très urgents et prioritaires à exécuter avant le départ
en commission rogatoire. Prière de transmettre le dernier exemplaire du rapport
d’African Rights dans lequel il est question des faits commis par les deux
sœurs vivant en Belgique ». Cela relève également de l’intitulé
de sa commission rogatoire elle-même en 95 puisqu’il y a dans le texte justificatif
de sa commission rogatoire, une référence est faite au rapport d’African Rights.
Or, il nous paraît également que l’ensemble des témoins qui ont été entendus
sur place lors de la commission rogatoire à Sovu sont exactement l’ensemble
des personnes qui sont dénoncées dans le rapport d’African Rights, à aucune
exception près, c’est-à-dire que le nombre y est quasiment identique, 13 personnes
entendues, 13 personnes entendues lors de la commission rogatoire. Est-ce que
Monsieur le juge d’instruction peut peut-être nous expliquer ça ?
Le Président : Alors, relation
ou pas, entre…
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
vous dire qu’il est normal, me semble-t-il, de se documenter, ne fût-ce que
d’abord c’étaient des faits dont j’étais récemment saisi. Donc, il me semble
important d’avoir toutes les informations. Alors, je peux vous dire que, de
façon très claire, je ne me suis pas basé sur les… je n’ai jamais fait d’examen,
je veux dire, des différentes personnes, de listes en tout cas, à partir des
documents d’African Rights. Maintenant, il est bien possible que sur place,
African Rights est arrivé comme nous, sans doute, sur place. Et ce n’est pas
impossible qu’ils aient procédé de façon tellement différente de nous, c’est-à-dire
qu’ils aient rencontré des témoins suivant les circonstances dans lesquelles
elles se sont passées et que ce soient effectivement les mêmes, ce n’est pas
du tout impossible. Mais enfin, je n’ai jamais eu, je n’ai jamais établi une
liste, justement par souci alors, si la liste est la même, vous en tirez les
conclusions que vous estimez devoir en tirer - mais je veux dire que je ne me
suis pas basé sur le document pour faire : « Voilà ma liste de personnes
que je veux « checker » et cette personne-là n’a pas encore été entendue ».
Maintenant, je savais effectivement qu’African Rights, d’ailleurs certaines
personnes nous l’ont bien confirmé sur place, était passé avant nous. Ça, c’était
un secret pour personne. Maintenant, je peux vous dire que je ne suis pas parti
de la liste d’African Rights. Maintenant, il est possible qu’on soit abouti
avec les mêmes personnes témoins, c’est évident que peut-être aussi des personnes
sur place nous ont dit : « Oui, elle a déjà raconté à African Rights,
ou en tout cas, c’est un témoin », que ça se sait sur la colline, qu’ils
ont rencontré, qu’ils ont quelque chose à dire, c’est bien possible.
Me. VANDERBECK : Je souhaitais
simplement, Monsieur le président, que le témoin nous confirme que la liste
des personnes qu’il a entendues spontanément sur la colline de Sovu…
Le Président : Nous avons
entendu la réponse.
Damien VANDERMEERSCH : Je n’ai
pas dit spontanément. J’ai bien expliqué qu’il y avait certaines personnes qui
nous avaient été renseignées, d’autres personnes qui… mais je ne me suis pas
basé sur… je n’ai pas fait une liste de témoins entendus par African Rights
pour, moi-même, me baser sur cette liste de témoins et commencer à dire :
« Il faut entendre ce témoin-là ». Mais, bien entendu, donc je ne
dis pas : « Les témoins ne sont pas venus spontanément ». On
est allé à Sovu, et c’est quand on était à Sovu qu’on a eu les témoins. Je veux
dire qu’on est allé quand même sur place, sur la colline. Alors, voilà, il est
bien possible qu’on ait rencontré les mêmes témoins sur la colline, dans l’environnement,
c’est bien possible.
Me. VANDERBECK : Est-ce qu’il
est possible que vous ayez entendu plusieurs fois les mêmes témoins pendant
votre commission rogatoire ?
Damien VANDERMEERSCH : Comment
vous entendez plusieurs fois ? Enfin, tous les PV sont au dossier, je réponds
comme cela.
Me. VANDERBECK : Parce que
dans les PV du dossier, il apparaît que deux personnes ont été entendues à huit
jours d’intervalle.
Damien VANDERMEERSCH : C’est bien
possible.
Me. VANDERBECK : A deux reprises,
et sous des identités ou des prénoms en tout cas différents, mais il semblerait
que ce soient les mêmes personnes par rapport à la parenté, date de naissance
et lieu de naissance. Est-ce que vous vous êtes rendu compte de cela en les
interrogeant ?
Damien VANDERMEERSCH : Sauf erreur
de ma part, ce n’était pas en ma présence.
Michel STASSIN : Evidemment,
je parle de mémoire, mais je pense que dans l’audition d’une des agricultrices,
il y a une page en kinyarwanda où l’identité est correcte et lorsque le traducteur
a repris le procès-verbal, je crois qu’il y a eu une erreur dans le prénom ou
la date de naissance.
Le Président : Voilà. Oui,
Maître WAHIS ?
Me. WAHIS : Merci, Monsieur
le président. Une question pour Monsieur le juge d’instruction. Dès les premières
auditions des sœurs, Monsieur le juge d’instruction apprend qu’il y avait sur
place, pendant les événements, les membres de cette fameuse ONG américaine dont
nous avons parlé tout à l’heure. Monsieur le juge d’instruction nous a dit que
ces personnes n’étaient pas… ne se sentaient pas menacées, qu’il y en avait
deux qui auraient été armées, qu’elles auraient été chercher des militaires,
bref, des personnes qui ont quand même assumé un certain rôle jusqu’au 22 avril.
Alors, est-ce qu’il ne lui a pas paru utile d’identifier, de rechercher et d’auditionner
ces personnes ?
Damien VANDERMEERSCH : En ce qui
concerne ces personnes, nous n’avions pas leur identité, donc, deux personnes
américaines. Alors, comme je vous l’ai dit, nous avons enquêté sur ce dossier-là,
lors de la troisième commission rogatoire au cours de laquelle nous avons enquêté
sur pas mal d’autres dossiers en même temps. Soyons clairs. Et je n’ai malheureusement
pas eu l’occasion de retourner.
Or, s’il y avait des éléments qui pouvaient être fournis, ce n’est
pas en Belgique qu’on les aurait eus par rapport à cette ONG, enfin me semble-t-il,
en tout cas. En tout cas, on ne les a pas eus, on ne les a pas retrouvés lors
des perquisitions, le nom de toutes les personnes qui étaient présentes. Je
pense qu’on a fait l’effort pour entendre toutes les personnes qui étaient présentes
et dont on avait l’identité et je pense que dans ce cadre-là, même en Belgique,
on a pu quand même entendre toutes les religieuses, au maximum, entendre toutes
les personnes directement concernées. Vous pensez bien que si j’avais eu les
coordonnées de ces gens-là, effectivement, on aurait tenté de les entendre,
encore que je ne sais pas si on aurait dépêché une commission rogatoire aux
Etats-Unis pour cela parce que je peux vous dire qu’il y a eu une diaspora dans
tout le monde et qu’on a dû faire des choix aussi dans les commissions rogatoires
qu’on a faites. N’oubliez pas, ce n’était pas le seul dossier.
Alors, si j’avais dû être cohérent, si je décidais d’entendre ces
personnes-là, je crois que j’aurais, enfin, pour autant qu’elles aient été identifiées,
mais je ne vous cache pas que j’aurais peut-être préféré consacrer mon énergie
à une commission rogatoire supplémentaire au Rwanda plutôt que d’investir, je
veux dire, dans… si on avait pu avoir l’occasion d’avoir les coordonnées de
ces gens-là et qu’ils viennent en Belgique, on n’aurait eu évidemment aucun
problème. Mais, de faire une commission rogatoire aux Etats-Unis, par exemple
pour entendre de telles personnes, je peux vous dire que j’aurais pu en faire
au moins 200 sur l’ensemble de mes dossiers. C’est du même style, je veux dire,
c’est… on était confronté… comme je l’ai expliqué le premier jour, c’est un
phénomène de masse avec toute une masse de personnes. C’est vrai qu’a posteriori,
on peut dire : « Tiens, pourquoi est-ce qu’on n’a pas été chercher
plus par rapport à ces deux témoins-là ? ». Mais on aurait pu chercher
plus pour savoir où est Monsieur RUREMESHA Jonathan à l’heure actuelle (on pense
qu’il est du côté de la Tanzanie ou quelque part), on aurait pu chercher plus
pour essayer de retrouver Monsieur Gaspard. Ce sont toutes des choses qu’on
aurait pu faire davantage et voilà, encore faut-il en avoir, en recevoir la
possibilité matérielle et je dirais, je l’inscris plutôt là-dedans.
Donc, ce n’est pas du tout un choix ou une volonté, c’est plus que,
bon, si on avait eu le choix, les coordonnées de ces personnes, peut-être qu’effectivement
on aurait pu les entendre, mais enfin, ces personnes, les Américains, je parle
bien des Américains, on n’en parle jamais comme un rôle dans les événements.
Alors, moi, j’ai entendu, on m’a dit maintenant qu’à l’audience, les Américains
avaient accompagné le 18, moi, je n’en savais rien. Par contre, les deux personnes
armées, pour moi, en tout cas de ce que je pensais dans le dossier, étaient
des Rwandais. Ces deux personnes armées m’intéressaient personnellement plus
que les Américains dont on cite aucun rôle et dont on cite qu’ils sont partis
assez rapidement. Je veux dire, dans les priorités, cela ne me semblait pas
en tout cas des témoins prioritaires surtout s’ils étaient partis avant les
événements. Je veux dire, les événements, pour Sovu, cela concernait surtout
à partir du, je dirais, 21.
Me. WAHIS : Oui, alors simplement
un petit détail, c’est que la sœur hôtelière, Monsieur le juge d’instruction,
tient note de tous les gens qui sont en session, toutes les personnes sont identifiées,
c’est elle qui fait la petite facture en fin de session, donc, je pense qu’il
aurait été assez facile de pouvoir identifier ces personnes. Une autre question
concernant sœur Bénédicte. Sœur Bénédicte, pour Mesdames et Messieurs les jurés,
est une sœur Tutsi qui avait des membres de sa famille au monastère pendant
les événements et les membres de sa famille ont été massacrés et elle n’a, elle,
jamais mis en cause la responsabilité de sœur Gertrude à cet égard. Sœur Bénédicte
a une autre particularité, c’est qu’elle est restée au monastère les 23 et 24
avril, pendant que la grande majorité des sœurs était partie à Ngoma. Il y a
trois sœurs qui étaient restées dont sœur Bénédicte. Est-ce qu’il n’a pas paru
utile à Monsieur le juge d’instruction d’auditionner sœur Bénédicte ?
Damien VANDERMEERSCH : Sauf erreur
de ma part, elle a été entendue dans le dossier. Sauf erreur de ma part, elle
a été entendue.
Me. WAHIS : Elle a écrit
une lettre qui est jointe à un document qu’a transmis sœur Gertrude mais elle
n’a jamais été auditionnée, à notre connaissance, par les enquêteurs belges.
Damien VANDERMEERSCH : Alors,
la Cour a tout le loisir de la convoquer et de l’entendre ici.
Le Président : Une autre
question ?
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
vous dire simplement, c’est qu’on a essayé d’entendre tous les témoins possibles
et je suppose qu’elle n’était pas à Maredret alors, au moment où on a fait la
perquisition, parce que sinon, je pense qu’on n’a pas fait d’exception, Monsieur
STASSIN, on a voulu entendre tout le monde. On a entendu tout le monde. On a
entendu, au moment où on était au Rwanda, on a essayé d’entendre toutes les
sœurs qui étaient là. Je ne peux pas vous dire maintenant où elle se trouvait
à ce moment-là mais je suppose qu’au moment où on était en commission rogatoire,
elle n’était pas au Rwanda et au moment où on était… on a fait la perquisition
à Maredret et entendu toutes les sœurs, c’est qu’elle n’y était sans doute pas
non plus. C’est la seule explication que je vois. Ce n’est sûrement pas, je
veux dire, une distinction. De toute façon, il y a d’autres sœurs qui ont été
entendues à Maredret, qui ne mettent pas du tout en cause sœur Gertrude. Enfin,
je dirais, de toute façon, la juridiction de fond a l’occasion, ou les parties,
de faire citer tout témoin et, n’oublions pas, nous ne sommes pas là à la place
des témoins, je veux dire, témoins directs des faits.
Le Président : Une autre
question ?
Me. VERGAUWEN : Oui,
je vous remercie, Monsieur le président. Je voudrais en revenir à Monsieur REKERAHO.
Monsieur le juge d’instruction nous a rappelé qu’il avait interrogé personnellement
Monsieur REKERAHO, les 1er et 3 mars 2000. Ma question est la suivante.
Depuis quand le magistrat instructeur a-t-il entendu parler de Monsieur REKERAHO
dans le dossier ?
Damien VANDERMEERSCH : Depuis
quand on a entendu… ? Déjà, je veux dire, lors de la première commission
rogatoire, le nom de Monsieur REKERAHO était sûrement cité. Depuis quand j’ai
entendu ? Vous savez…
Le Président : Est-ce qu’il
n’est pas même cité par sœur Gertrude dans son audition ?
Damien VANDERMEERSCH :
Mais oui. Enfin, je veux dire, enfin, je
suis un peu surpris, il suffit de voir la première pièce qui en parle dans le
dossier. Je l’ai lue , eh bien, ce jour-là… la première pièce qui sort où le
nom de Monsieur REKERAHO sort, qui est jointe, c’est le jour où elle est jointe
au dossier. Ce jour-là, j’en ai eu connaissance. Maintenant, vous dire par mémoire
quelle pièce est venue la première où on cite le nom de Monsieur REKERAHO, ce
n’est pas impossible, peut-être même dans la première audition, ne m’ait pas
sauté directement aux yeux, enfin, là, je… Donc, je dirais, voyez le dossier,
voyez quand j’en parle pour la première fois, quand une pièce en parle pour
la première fois. Je ne reçois… J’essaie que dans le dossier tout se retrouve
dans le dossier. Donc, normalement il n’y a pas d’éléments en dehors du dossier,
normalement, on essaie de tout… c’est une procédure écrite à notre stade, donc,
normalement dans le dossier, la première fois qu’on parle de REKERAHO, ou que
j’en entends parler si vous parlez comme ça, ça se trouve normalement dans la
pièce où on en parle.
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie.
Question suivante. Pourriez-vous demander au témoin quelles ont été les démarches
qui ont été faites pour localiser Monsieur REKERAHO ? Est-ce qu’on en a
fait ? Et si oui, quand ?
Damien VANDERMEERSCH : C’étaient
des… c’étaient des questions qui… on n’a jamais pensé… Il faut savoir que pendant
toute une période, toutes ces personnes-là étaient à l’étranger. Et mes dossiers,
le gros des instructions ont été faites pendant… jusqu’au… comme je l’ai expliqué,
au moment où on a eu quand même plus de moyens ; c’est jusque fin décembre
1996. A partir de ce moment-là, je vous ai expliqué que durant l’année 96, j’avais
eu 450 nouveaux dossiers, eh bien, c’était vrai que tous ces dossiers étaient
des dossiers qui étaient traités parallèlement à beaucoup d’autres dossiers
dont d’ailleurs certains dossiers, j’attendais que le parquet prenne position.
Il faut savoir aussi qu’il y a eu tout un laps de temps où ces dossiers, je
ne vais pas dire dormaient, mais où nous n’avions évidemment pas la même dimension,
je veux dire, d’enquête et de recherche des témoins. Cette dimension d’enquête
très active et de recherche de témoins s’est passée principalement du mois de
mars 1995 à fin décembre 1995. Après, on a travaillé dans le dossier Rwanda,
et c’était la même chose au niveau des enquêteurs de la police judiciaire. Mais
d’abord, quand on avait un peu le temps de se repencher dessus et quand, éventuellement,
on avait tout à coup une information qui venait.
C’est la raison pour laquelle Monsieur REKERAHO, on n’a pas fait
de… on n’a pas fait plus pour Monsieur RUREMESHA, pour Monsieur Gaspard, ce
sont tous des gens qu’on aurait pu effectivement, qui étaient très intéressants.
Et à partir du moment où on ne faisait… il faut savoir, évidemment, qu’un déplacement
recrée, au Rwanda, recrée une dynamique dans une enquête et c’est vrai qu’on
était un peu dans l’attente aussi de savoir quelle position allait prendre l’autorité
poursuivante par rapport à nos dossiers. Non seulement, on ne nous donnait pas
les moyens, mais tout le travail qui avait été déjà fait jusqu’à ce moment-là,
il était… il y avait déjà un certain travail qui avait été fait qui pouvait
être valorisé qui, pour le moment, dormait également. C’est vrai que c’est dur
aussi à remobiliser tout le temps. Maintenant qu’on est ici, devant la Cour
d’assises, eh bien voilà, on voit évidemment rétrospectivement. Maintenant,
je peux vous dire qu’à l’époque on ne savait pas quel dossier, n’oubliez pas
que j’avais 10 dossiers, on ne savait même pas quel dossier allait recevoir
peut-être priorité, peut-être pas un autre, on essayait de travailler avec les
moyens qu’on a.
Alors, pour des recherches, je dirais, plus actives pour Monsieur
REKERAHO, on n’en a pas faites jusqu’au moment où, tout à coup, on a appris
- mais c’était exactement la même chose pour Monsieur NKUYUBWATSI - c’est que
tout à coup, on a une information disant : « Il se trouve peut-être
au Rwanda ». Et à ce moment-là, on a commencé à se renseigner vaille que
vaille, mais toujours en n’ayant pas la possibilité de se déplacer là-bas. Il
est évident que quand on est sur place, tout est beaucoup plus facile. Et soyons
clairs, les Rwandais se mobilisent aussi quand vous êtes sur place. Mais quand
vous êtes loin, à 6.000 kilomètres, les Rwandais s’occupent d’abord de
leurs propres dossiers, cela me paraît très logique et très cohérent. Ils ont,
je crains, plus qu’assez de dossiers pour ne pas non plus de façon… parce qu’ils
auraient pu faire des recherches, je veux dire, ils avaient nos commissions
rogatoires, donc ils étaient au courant de nos enquêtes, et puis de toute façon,
il y a une compétence concurrente, donc, cela ne posait pas de problème. Mais
soyons clairs, quand on n’est pas au Rwanda ou quand on n’est pas à côté des
enquêteurs rwandais, on n’a pas eu beaucoup d’initiatives parce que, exactement
comme moi, ils avaient plein d’autres dossiers, beaucoup d’autres dossiers à
traiter. Je crois que l’explication est aussi simple.
Alors, quand Monsieur REKERAHO… j’ai appris que Monsieur REKERAHO
était détenu… je ne sais même plus comment est-ce qu’on a eu vent, est-ce que
ce n’est pas par le Tribunal international qu’on a appris ? Je pense que
c’est par le Tribunal international que nous avons appris, avec qui, et ce n’est
pas qu’on a fait une demande au Tribunal international mais le Tribunal international,
nous étions en contact avec ces autorités-là parce qu’ils nous adressent beaucoup
de commissions rogatoires - je parle des 10 dossiers, mais je ne parle pas de
toutes les demandes et tous les devoirs que nous avons faits pour le Tribunal
international, ici en Belgique pour le compte du Tribunal international - et
donc, on avait des contacts, tout cela prend du temps, bien entendu, mais on
avait des contacts avec les autorités du Tribunal international, et alors, ça,
soyons clairs, quand on avait un contact avec eux, à certains moments, on n’avait
rien pour nous, hein… dans cet échange de bons… Et c’est peut-être à cette occasion-là
qu’on a parlé que Monsieur REKERAHO avait été localisé par des enquêteurs du
Tribunal international.
Me. VERGAUWEN : Je vous
remercie, Monsieur le président. Une autre question. Le témoin pourrait-il nous
confirmer que Monsieur REKERAHO était détenu à Kigali depuis le 4 septembre
1997 ? C’est ce que j’ai appris dans le dossier.
Damien VANDERMEERSCH : On a toute
la pièce. Enfin, j’ai reçu une copie de tout l’ensemble des pièces de la procédure,
cela doit figurer dans ces pièces-là, de façon beaucoup plus certaine que ce
que je pourrais vous le confirmer aujourd’hui, de mémoire.
Me. VERGAUWEN : Je vous
remercie. Une question suivante qui s’adresse plus spécifiquement à Messieurs
STASSIN et DELVAUX. Lorsque les enquêteurs se sont rendus au Rwanda au mois
de février 2000, ils ont donc entendu Monsieur REKERAHO. Et il ressort du compte-rendu
que Messieurs STASSIN et DELVAUX ont fait de cette commission rogatoire que
ces deux enquêteurs ont eu un contact le 29 février, soit la veille de l’audition
de Monsieur REKERAHO, avec Monsieur TREMBLAY. Pourriez-vous leur demander quel
était l’objectif de ce contact, Monsieur TREMBLAY étant l’enquêteur du Tribunal
pénal international ?
Le Président : Alors ?
Monsieur STASSIN ?
Damien VANDERMEERSCH : Oui, tout
à fait, sinon moi je peux répondre à la question parce que je me souviens bien
de cette situation-là. Quand on est allé pour la commission rogatoire internationale
- donc pour la seconde, parce que, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure,
on a dit qu’on a fait une deuxième commission rogatoire à Arusha soi-disant,
eh bien non ; j’ai adressé, sans déplacement, une commission rogatoire
aux autorités du Tribunal international qui, il faut le savoir, sont autant
à La Haye qu’à Arusha et qu’à Kigali, mais il y a un bureau très important du
Tribunal international, même un des plus importants au point de vue pool d’enquête,
à Kigali, ce qui est logique, sur l’endroit, le lieu des faits et donc, nous
avions… moi, j’ai eu des contacts, d’ailleurs cela apparaît clairement de la
commission rogatoire, avec Monsieur MOUNA qui est le procureur adjoint du Tribunal
international pour le Rwanda, et lors de ce contact, on nous a renseigné Monsieur
TREMBLAY comme la personne qui avait fait l’enquête davantage dans la région
de Butare, et qui avait des éléments, notamment qui avait procédé, non seulement
à l’audition de Monsieur REKERAHO, à l’ensemble des auditions.
Alors, effectivement, j’ai demandé qu’un contact soit établi avec
Monsieur TREMBLAY, pas seulement, pas uniquement ou pas tellement dans la perspective
de l’audition de Monsieur REKERAHO, mais aussi par rapport à tous les autres
témoignages qu’il aurait pu recueillir, de nouveau en disant : « Nous
revenons au mois… en février 2000 ». Je vous ai dit : « Je ne
vous cache pas que j’y suis retourné parce que j’aurais voulu faire plus »,
effectivement, et que nous n’avions enquêté que durant une commission rogatoire.
Et donc, si on pouvait faire plus que l’audition de Monsieur REKERAHO, cela
me semblait tout à fait pertinent et donc, il y a un contact qui a été établi.
A l’occasion de ce contact-là, Monsieur… en tout cas c’est ce qui m’a été rapporté
par les membres de la police judiciaire qui m’accompagnaient, c’est qu’il avait
dit, en ce qui concerne Monsieur REKERAHO, qu’il lui semblait que, de ce qu’il
avait entendu, c’est qu’il était davantage aigri, lui étant toujours en charge
de tout ce dossier de Butare, donc, il voyait des témoins et, je suppose, des
gens. Et donc, c’est à ce moment-là qu’il nous a dit effectivement qu’il a communiqué
aux enquêteurs en disant que REKERAHO semblait assez… pas de trop bonne composition,
si on peut s’exprimer ainsi, et qu’il était assez aigri, ce qui a été communiqué,
dont acte. Et j’estime qu’il valait mieux le savoir avant l’entrée en matière
que de savoir si effectivement on allait nous accueillir à bras ouverts ou peut-être
que, effectivement, cela s’est plutôt confirmé dans le sens où il a été comme
je l’ai décrit tout à l’heure.
Le Président : Oui ?
Me. VERGAUWEN : Je vous
remercie, Monsieur le président. Je souhaiterais simplement alors relire rapidement
le compte rendu fait par les enquêteurs : « L’objectif
de ce contact était de se rendre compte dans quel état d’esprit se trouvait
REKERAHO. Notre collègue nous a dit qu’il avait revu REKERAHO aux environs du
25 février 2000 et qu’à cette occasion il nous a laissé sous-entendre qu’il
avait constaté que REKERAHO était devenu très amer, très aigri et déçu des autorités
rwandaises ».
Damien VANDERMEERSCH : Vous voyez
bien qu’on met tout sur papier.
Me. VERGAUWEN : Absolument.
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait. Et que nous avons eu le souci, toujours, de travailler en transparence.
On a eu ce contact-là et je peux vous dire que cela a été une politique générale,
c’est que tout élément qui pouvait avoir une incidence, et d’ailleurs vous le
relevez aujourd’hui, donc c’était utile du marquer, eh bien, tout cela est
évidemment acté. Moi, mon souci, et je crois que nous avons toujours essayé
de travailler dans cet esprit-là, c’est qu’il fallait qu’il n’y ait pas de coin
d’ombre et donc, que tout ce que nous faisions soit mis par écrit, afin que,
justement, la contradiction puisse être faite. Donc, ce que vous dites est tout
à fait exact. D’ailleurs, cela a été noté, parce que j’estimais que c’était
un élément, enfin les enquêteurs également, quand nous avions un contact de
cet ordre-là, il est bien entendu acté et noté.
Me. VERGAUWEN : Bien.
Je vous remercie, Monsieur le président. Dans le même ordre d’idées,
le témoin pourrait-il confirmer donc, ce que Monsieur REKERAHO lui a déclaré
le 3 mars 2000 ? Et je cite le procès-verbal de l’audition, c’est
Monsieur REKERAHO qui parle : « Vous me demandez
pourquoi j’ai déclaré autre chose le premier mars dans ma déclaration, j’ai
dit toute la vérité à Réjean parce que j’espérais être transféré à Arusha et
éviter ma condamnation, et en plus, c’est parce que je déteste les Belges parce
que c’est à cause d’eux que nous avons connu tous ces problèmes. Maintenant,
j’accepte de dire la vérité parce que Monsieur Réjean est là et que je lui ai
promis de dire toute la vérité. Depuis ma condamnation à mort par le Tribunal,
j’ai perdu confiance dans les autorités rwandaises et je ne voulais plus collaborer
avec personne ».
Damien VANDERMEERSCH : C’est exactement
ce qu’il m’a dit et j’ai noté, vous voyez, de façon… enfin ce qui n’était pas
tout à fait d’ailleurs la réponse à ma question, eh bien, je l’ai noté tel qu’il
m’a répondu à cette question-là.
Me. VERGAUWEN : Bien, je
vous remercie. Question suivante, Monsieur le président. Monsieur le juge d’instruction,
lors de son rapport de vendredi passé, a fait état d’un article qui avait paru
dans la presse et qui relatait des rétractations de Monsieur REKERAHO. Pourriez-vous
demander au témoin s’il peut nous confirmer que, toujours selon le même journaliste,
les méthodes d’investigation de Monsieur TREMBLAY auraient été mises en cause
par un autre enquêteur qui s’appelle Monsieur Lawrence MORGAN ?
Le Président : Si vous voulez,
vous citez le journaliste, hein…
Damien VANDERMEERSCH : En tout
cas, moi, je peux vous dire que je n’ai eu aucun écho du bureau du procureur
ni, d’ailleurs, d’avocats de la défense. En tout cas, nous-mêmes, dans le cadre
de notre enquête, nous n’avons eu personne - et nous avons été quand même
au bureau du procureur, je veux dire en février 2000, et nous sommes en contact
avec le bureau du procureur dans le cadre de commissions rogatoires - je n’ai
jamais eu, sinon je l’aurais fait figurer dans la procédure, soyons clairs,
d’éléments de cet ordre-là, à l’égard de Monsieur TREMBLAY. Donc, moi je n’ai
jamais eu d’informations comme quoi il travaillait, enfin je ne sais même pas
ce qu’on a dit à son propos. Si c’était le cas, vous pensez bien que ça crée
des inquiétudes et j’en aurais fait état si je l’avais reçu personnellement.
Maintenant, un journaliste reçoit cette information, c’est à lui à éventuellement…
enfin je veux dire que je ne peux qu’en prendre acte. Mais, moi-même, je n’ai
pas reçu d’éléments défavorables sur les méthodes de Monsieur TREMBLAY.
Maintenant, je ne dis pas que j’étais là lorsqu’il a entendu Monsieur
REKERAHO et qu’il a enregistré, moi, je n’étais pas là. Je peux assumer évidemment
ce dont j’ai été témoin direct, je ne peux pas assumer évidemment l’audition,
et c’est pour ça que je vous ai… pour l’audition faite par Monsieur TREMBLAY,
je vous renvoie à lui-même parce que lui était témoin direct, moi, je n’en sais
rien. Ce que Monsieur REKERAHO a dit par rapport à l’audition de Monsieur TREMBLAY,
tout cela est acté, ce qu’il m’a dit à ce propos-là, tout ça est acté dans le
procès-verbal, dans les deux procès-verbaux, et ça je peux l’assumer entièrement.
Maintenant, ce qui s’est dit entre Monsieur REKERAHO et Monsieur TREMBLAY le
25, enfin lors du contact préalable, lors de, enfin lors du contact dont on
fait état, moi je n’en sais strictement rien, vous lui demanderez, sous serment.
Me. VERGAUWEN : Bien, Monsieur
le président. Mais dans la mesure où le témoin avait lui-même fait allusion
à un article paru dans le journal Le Soir…
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait, mais je…
Me. VERGAUWEN : …je
souhaitais faire allusion, moi-même, à un article qui s’inscrit dans le prolongement
de ce premier article qui s’appelle « REKERAHO se rétracte - Suite »
signé par Monsieur René HAQUIN et qui dit ceci : « De Dar es Salaam (Tanzanie), un enquêteur du TPR, Lawrence
MORGAN, nous informe avoir vu à Butare celui qui se fait appeler Yogi, dont
le nom est TREMBLAY, avec ˝e˝. C’est un enquêteur
du TPI, que Lawrence MORGAN traite de ripoux, tant au Canada qu’au Rwanda. A
Butare, il aurait acheté pour 5.000 ou 10.000 F rwandais (500 et 1.000 FB) n’importe
quelle déclaration incriminante. Qu’il soit entendu en Belgique !
écrit Monsieur MORGAN ». Vérification faite ici,
TREMBLAY est bien cité comme témoin, pour rapporter les aveux que REKERAHO lui
a faits, précisément.
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
simplement vous confirmer qu’on n’a rien entendu directement de la part du Tribunal
international d’informations, allant dans ce sens-là. Maintenant, il sera entendu
ici, en Belgique. Je pense qu’il n’y a rien de tel que de pouvoir se faire une
opinion directement.
Me. VERGAUWEN : Le cas
échéant, Monsieur le président, nous verrons comment les choses évoluent mais
nous vous demanderons éventuellement, en vertu de votre pouvoir discrétionnaire,
de faire venir ce Monsieur MORGAN comme témoin puisqu’il dit des choses quand
même importantes.
Le Président : Citez-le !
Citez-le !
Me. VERGAUWEN : Nous
faisons appel à votre pouvoir discrétionnaire, Monsieur le président.
Le Président : Vous n’avez
même pas besoin de mon pouvoir discrétionnaire si vous voulez citer un témoin.
Me. VERGAUWEN : Je sais
bien, Monsieur le président, mais dans votre arrêt…
Le Président : Alors, citez-le !
Me. VERGAUWEN : D’accord,
Monsieur le président. Mais je me permets de vous préciser que dans votre arrêt
du 18 avril dernier, vous nous aviez dit que nous pouvions faire appel à votre
pouvoir discrétionnaire…
Le Président : Bien sûr,
mais vous avez d’autres moyens aussi.
Me. VERGAUWEN : Tâchons
alors d’identifier ce Monsieur MORGAN. Mais nous aurons peut-être moins de moyens
pour identifier un enquêteur, je ne sais pas d’ailleurs où il est, je ne connais
pas son adresse et simplement, je soumettais ce problème à la Cour.
Le Président : Vous croyez
que moi je le connais mieux que vous ?
Me. VERGAUWEN : Non,
non, bien sûr. Mais peut-être que la Cour a plus de moyens d’investigation que
moi à cet égard-là. Nous ne sommes pas…
Le Président : Bon, alors,
avançons, si vous le voulez bien maintenant !
Me. VERGAUWEN : Monsieur
le président, je vais certainement avancer. Je pense que sur ce point-ci, je
n’ai plus d’autres questions, mais je voudrais simplement signaler que je pense
qu’il n’y a pas lieu à être irrité des demandes que nous formulons, Monsieur
le président. Nous exerçons notre métier en âme et conscience, Monsieur le président…
Le Président : Voulez-vous
bien avancer.
Me. VERGAUWEN : …et
vous estimez que les questions que nous posons sont, ou non, utiles à la manifestation
de la vérité. Je voulais simplement souligner que nous agissons en notre qualité
d’avocat de la défense et voilà, nous soumettons certaines choses, à tort ou
à raison peut-être, là n’est pas le débat. C’est tout ce que je voulais préciser
pour qu’il n’y ait pas de tension inutile, je crois qu’il n’y a pas lieu d’y
avoir des tensions. Je vous remercie.
Le Président : D’autres questions ?
Monsieur l’avocat général ?
L’Avocat Général : Oui, Monsieur
le président. Puisqu’on en est à faire lecture de certains articles qui ont
paru dans certains journaux, il serait peut-être utile que la défense nous fasse
alors également connaître la suite de l’article de Monsieur HAQUIN dans Le Soir,
à savoir la suite dans laquelle on fait quelques remarques quand même assez
bien senties sur Monsieur Lawrence MORGAN qui, et moi je cite l’article :
« serait un enquêteur qui fait des enquêtes parallèles
à la demande des avocats de la défense ».
Me. VERGAUWEN : Pour
répondre à Monsieur l’avocat général, je pense que cela confirme l’utilité de
faire venir ce témoin, Monsieur le président, à partir du moment où il y a effectivement
des déclarations euh… dans tous les sens.
Le Président : Puisque ça
va de… Bien. Maître VANDERBECK.
Me. VANDERBECK : Merci, Monsieur
le président. Nous avons abondamment parlé du Tribunal pénal international.
Nous savons, juristes, qu’il ne fonctionne pas de la même façon que la Cour
d’assises, ici, en Belgique, le jury le sait un peu moins peut-être, et notamment
en ce qui concerne le traitement des éléments de preuves qui sont soumis à l’appréciation
de ce Tribunal ou qui seraient soumis à l’appréciation des jurés de la Cour
d’assises. Or, nous avons constaté qu’à l’issue des fameuses commissions rogatoires,
puisqu’il y en a eu trois, sauf erreur de ma part, auprès du Tribunal pénal
international, demandées et envoyées par le magistrat instructeur, un ensemble
de pièces avaient été déposées, pièces qui ont été recueillies par, toujours,
les mêmes enquêteurs auprès du Tribunal pénal international - ce fameux Monsieur
TREMBLAY dont on a déjà parlé et dont on parlera encore puisqu’il viendra comme
témoin, et un autre enquêteur dont le nom m’échappe - je voudrais savoir, et
je voudrais peut-être poser la question au témoin, qu’il nous dise si, dans
la procédure devant le Tribunal pénal international, les pièces sont, comme
ce serait le cas ici, déposées telles quelles brutes et soumises à l’appréciation
directement du Tribunal ou du jury s’il y a un jury ou si, au contraire…
Le Président : Vous voulez
bien faire avancer les choses ? La procédure devant le Tribunal pénal international
ne nous intéresse pas du tout.
Me. VANDERBECK : Je pense
qu’elle nous intéresse à plusieurs égards, Monsieur le président, dans la mesure
où…
Le Président : Nous avons
notre dossier qui est soumis dans l’état de notre procédure, alors voulez-vous
bien avancer, s’il vous plaît !
Me. VANDERBECK : Je voudrais
poser au juge d’instruction la question de savoir si les pièces déposées par
Monsieur TREMBLAY seraient soumises à un débat contradictoire dans le cadre
de la procédure du TPI, ce qui n’est pas le cas ici, en tout cas dans quelle
mesure ces pièces seraient soumises à un débat et dans quelle mesure elles feraient
l’objet d’une discussion par les avocats de la défense et par l’accusation et
que retiendrait-on de ces pièces après ce débat ?
Le Président : Bien, Monsieur
le juge d’instruction, cette question n’est pas posée. Je suis désolé, cela
ne fait rien progresser du tout.
Me. VANDERBECK : Si, parce
que…
Le Président : Maître VANDERBECK,
alors passez à un autre sujet, si vous voulez bien.
Me. VANDERBECK : Mais, Monsieur
le président, moi je pense que non. Nous sommes juristes, nous savons comment
fonctionne le Tribunal pénal international, le jury ne le sait pas. Il doit
savoir.
Le Président : Le jury n’a
pas à savoir comment fonctionne ou ne fonctionne pas le Tribunal international…
Me. VANDERBECK : Mais si,
parce que ces pièces sont déposées brutes…
Le Président : Le jury a
à se faire une conviction sur des faits qui sont reprochés aux quatre accusés.
Me. VANDERBECK : Eh bien,
justement…
Le Président : Alors, vous
voulez bien aborder une question relative aux faits reprochés aux accusés.
Me. VANDERBECK : Mais je
reste aux faits relatifs aux accusés puisque dans le dossier qui est soumis
à l’appréciation du jury, figure l’ensemble de ces pièces qui ont été déposées,
qui ont été recueillies par Monsieur TREMBLAY et nous savons, en tout cas je
puis vous dire que je le sais puisque c’est comme cela que ça fonctionne au
TPI, ces pièces, telles quelles, ne seraient pas soumises au jury si nous nous
trouvions devant le Tribunal international.
Le Président : Il n’y a pas
de jury, n’est-ce pas, au Tribunal international, alors ne faisons pas…
Me. VANDERBECK : Mais je
sais bien, mais justement, alors, faisons une comparaison.
Le Président : Eh bien justement,
ne faites pas de comparaison.
Me. VANDERBECK : Ces pièces…
ne serait retenu de ces pièces que ce qui aurait été répété à l’audience et
soumis à contradiction de la part des deux avocats. Or, ce n’est pas du tout
le cas ici puisque nous déposons le dossier, et déposé brut, sans possibilité
du soumettre à la même contradiction que celle qui existe devant le Tribunal
pénal international et je pense que c’est important que le jury le sache puisque
ce sont des pièces déposées dans le cadre du dossier qui est soumis à leur appréciation.
Le Président : Vous n’avez
pas l’occasion de vous exprimer à propos des pièces ?
Me. VANDERBECK : Bien sûr.
Le Président : Bien, alors,
si vous voulez bien…
Me. VANDERBECK : Mais la
façon…
Le Président : Alors, si
vous voulez bien…
Me. VANDERBECK : La façon
dont cela se passe n’est pas du tout identique et Monsieur le juge d’instruction,
qui est à la fois professeur de procédure pénale, pourrait peut-être nous dire
comment fonctionne…
Le Président : Voulez-vous
bien poser une question à propos des faits reprochés aux accusés !!!
Me. VANDERBECK : Poser… à
propos des faits relatifs aux accusés, puisque, toujours dans le cadre du Tribunal
pénal international, il y a une forme de collaboration, comment s’est passée
la collaboration entre le Tribunal pénal et Monsieur le juge d’instruction ?
Voilà. Je pense que c’est en relation avec les faits, ça.
Le Président : Oui, Monsieur
le juge d’instruction.
Damien VANDERMEERSCH : Je vais
répondre. Par rapport, donc… Le Tribunal international nous a adressé certaines
demandes d’entraide pour des devoirs à effectuer en Belgique. Nous avons, bien
entendu cela ne fait pas l’objet, et s’ils avaient fait l’objet des mêmes faits,
on aurait joint, bien entendu, les pièces, donc c’est tout à fait étranger mais
c’est pour dire qu’on a effectivement eu des demandes d’entraide judiciaire
où nous avons appliqué en principe la procédure belge, j’insiste, puisque c’est
la loi qui le dit, que quand on a des devoirs on a l’autorité requérante, on
applique en principe le droit national et donc, c’est-à-dire le droit de la
procédure pénale belge. Dans l’autre sens, nous avons adressé des demandes,
différentes demandes, sous forme de commissions rogatoires internationales et
les résultats de ces commissions rogatoires se trouvent versés bien normalement
au dossier. Et nous avons, c’est vrai, eu une collaboration qui, au tout début,
en 1996, n’était pas évidente et je dois dire que, en tout cas au point de vue
timing, les réponses étaient plus rapides ainsi qu’en témoignent les dernières
demandes qu’on a faites dans le dossier, notamment de certains… copies de certains
actes d’accusation où cela a pu être communiqué beaucoup plus rapidement.
Le Président : Une autre
question ?
Me. GILLET : Je vous
remercie, Monsieur le président. Il y a, au dossier, une lettre du 4 mars 2000
adressée à Monsieur le juge d’instruction par le chef des poursuites auprès
du Tribunal pénal international où on lui transmet l’audition de REKERAHO et
on lui annonce d’autres copies d’auditions concernant le monastère de Sovu.
Il en résulte donc auprès du Tribunal pénal international qu’il y a bien un
dossier relatif au monastère de Sovu autre que le dossier de REKERAHO. Alors,
ma question est celle-ci : à charge de qui y aurait-il un dossier relatif
au monastère de Sovu et quelles ont été les suites réservées par le TPI, à ce
dossier ?
Michel STASSIN : Si je peux
me permettre, Monsieur le président, je pense que les auditions qui ont été
réalisées par les enquêteurs du TPI dans la région de Butare, concernent le
nommé le témoin 151 qui était le lieutenant colonel responsable, donc, dans la région
de Butare.
Damien VANDERMEERSCH : C’était
le commandant de place, qui était le numéro… qui a été arrêté à Londres, à la
demande du Tribunal international, et qui a fait l’objet d’un acte d’accusation.
Michel STASSIN : Donc, la
personne, actuellement, se trouve détenue à Arusha.
Damien VANDERMEERSCH : Et donc,
le témoin 151, c’était le commandant de place qu’aurait d’ailleurs appelé sœur Gertrude.
Quand on parle du commandant de place puisque, après le 19 avril, il a été…
il y a eu un changement de commandant de place, c’est Monsieur le témoin 151 qui était,
disons, le numéro 1 au point de vue, je dirais, militaire en ce qui concerne
Butare. Et c’est dans ce cadre-là d’investigation, dans une procédure qui est
effectivement de type plus anglo-saxon que ces auditions étaient rendues. Ce
que je peux simplement dire, c’est que dans ma commission rogatoire, j’ai demandé
tous les documents pertinents par rapport à l’exposé des faits, par rapport
aux faits reprochés aux deux accusés. Donc là, nous faisons un exposé des faits
dans lequel on dit : « Voilà tous les éléments dont il est question
dans le dossier ». Et donc, une des formules a été, c’était « tous
les témoignages » ou « tous les éléments en relation directe avec
ces faits », les autres témoignages effectivement, on essaie de recueillir…
on ne peut d’ailleurs demander que les éléments pertinents par rapport à l’exposé
des faits.
Le Président : Une autre
question ?
Me. GILLET : Oui, Monsieur
le président. Je suis un peu surpris d’entendre que tous les documents TPI et
les auditions ont été réalisés dans le cadre du dossier de ce colonel le témoin 151
parce qu’il n’est pas question une seule fois du colonel dans toutes les auditions
des différentes sœurs, je parle des quatre sœurs accusatrices. Et donc, il me
paraît bien qu’il doit y avoir un dossier monastère de Sovu qui n’est pas le
dossier du colonel le témoin 151. Alors, je demande simplement si Monsieur le juge
d’instruction et les enquêteurs ont connaissance d’un dossier dont on leur parle
dans une lettre du 4 mars 2000, connaissance d’un dossier relatif au monastère
et des suites réservées à ce dossier ?
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
vous répondre qu’on m’a dit… lorsque je me suis déplacé sur place - et j’ai
eu un contact avec Monsieur MUNA qui avait eu des auditions intéressantes qui
pouvaient concerner les faits dont j’étais saisi, qui avaient été recueillis
par le Tribunal international - j’ai demandé ces auditions et ces éléments,
je ne vais pas maintenant commencer à faire un interrogatoire des autorités
du Tribunal international. Moi, j’ai demandé l’ensemble des pièces pertinentes
par rapport aux faits dont je suis saisi et j’espère qu’on m’a transmis l’ensemble
des pièces pertinentes. Maintenant ça, c’est… je veux dire, moi, je ne suis
pas là pour commencer à juger l’action du Tribunal international. Je sais… Des
pièces, il apparaît quel est l’enquêteur qui a recueilli ces éléments, et voilà.
D’ailleurs, sauf erreur de ma part, cet enquêteur va être entendu, voilà. Vous
lui poserez peut-être la question, lui le sait peut-être plus que moi. Mais
enfin, j’estime que je n’ai pas à faire un interrogatoire. Je suis autorité
requérante vis-à-vis du Tribunal international. J’apprends qu’il y a des pièces
qui peuvent être pertinentes pour mon dossier, eh bien, j’en ai demandé communication.
Le Président : Une autre
question ?
Damien VANDERMEERSCH : Et
le témoin 151 est cité quand même dans certaines… et cela concerne quand même les
faits sous sa juridiction.
Me. VERGAUWEN : Oui,
je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, je voudrais
poser une question à Monsieur STASSIN. Il est question dans le dossier d’un
certain le témoin 151, mais d’un autre le témoin 151, un certain le témoin 151,
et je voudrais que vous demandiez au témoin, Monsieur STASSIN, s’il l’a rencontré,
ce Monsieur le témoin 151 et si ce Monsieur le témoin 151 est en liberté.
Le Président : Mais il va
venir témoigner.
Me. VERGAUWEN : Je vous
demande, Monsieur le président, si Monsieur STASSIN a rencontré, c’est une question
qui doit, je ne vais pas poser la question à Monsieur le témoin 151 s’il a rencontré
Monsieur STASSIN, je demande à Monsieur STASSIN s’il a rencontré Monsieur le témoin 151.
Le Président : Non, vous
me demandez de demander à Monsieur STASSIN.
Me. VERGAUWEN : Puis-je
vous demander de demander à Monsieur STASSIN s’il a rencontré Monsieur le témoin 151 ?
Je crois que la question…
Le Président : Jean-Baptiste.
Me. VERGAUWEN : Jean-Baptiste.
Le Président : Monsieur STASSIN,
avez-vous rencontré Monsieur le témoin 151 ?
Michel STASSIN : Oui, effectivement,
j’ai rencontré le témoin 151 puisque donc c’était l’ancien conseiller
de secteur de Sovu et je l’ai rencontré lors de la commission rogatoire de février-mars
2000.
Me. VERGAUWEN : Etait-il
en liberté ?
Michel STASSIN : Il était
en liberté. Il est toujours en liberté, d’ailleurs.
Me. VERGAUWEN : Je vous
remercie. Je voudrais demander également à Monsieur STASSIN qui a bien lu l’audition
de Monsieur REKERAHO devant Monsieur TREMBLAY, s’il sait ce que Monsieur REKERAHO
dit à propos de Monsieur le témoin 151 ?
Le Président : Ecoutez, je
pense que, comme Monsieur TREMBLAY doit venir, vous poserez la question à Monsieur
TREMBLAY.
Me. VERGAUWEN : Bon.
Alors, j’ai une dernière question puisque vous ne voulez pas poser cette
question, dans un climat inhabituel d’irritation que je ne comprends pas, je
ne comprends vraiment pas, et j’en suis désolé. On va poser une autre question
à Monsieur STASSIN. Monsieur STASSIN, nous avons tous reçus - toutes les parties
concernées et le jury également - un procès-verbal de Monsieur STASSIN qui est
ici devant vous : « L’an 2001, le 2 du mois de
mai. Il serait souhaitable de faire témoigner devant la Cour d’assises, dans
le dossier Sovu, le nommé le témoin 151 qui était conseiller de secteur
à Sovu durant les événements ». Je voudrais demander à Monsieur
STASSIN pourquoi il serait souhaitable de faire venir entendre Monsieur le témoin 151 ?
Le Président : A qui était
adressé ce procès-verbal, Monsieur STASSIN ? A l’avocat général, je crois ?
Michel STASSIN : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Bien.
Me. VERGAUWEN : Nous
en avons reçu une copie, tous ? Pourquoi est-ce que Monsieur STASSIN a-t-il
estimé souhaitable de faire entendre Monsieur le témoin 151 devant la Cour d’assises ?
Je ne peux même pas lui demander, je ne peux pas lui poser des questions à partir
de Monsieur le témoin 151… je dois poser toutes des questions à Monsieur le témoin 151.
Moi, je voudrais quand même savoir pourquoi Monsieur STASSIN estime souhaitable
de faire entendre ce monsieur ? On reçoit un procès-verbal de Monsieur
STASSIN, je crois qu’il me paraît élémentaire que je puisse poser cette question
sans que ça fasse un tel tollé. Non ?
Le Président : Monsieur STASSIN ?
Michel STASSIN : Eh bien,
tout simplement donc, vu le nombre relativement important de personnes qui ont
été entendues, moi, je l’ai fait et je l’ai écrit et j’ai établi ce procès-verbal
en âme et conscience. Pourquoi ? Parce que, en dehors de Monsieur REKERAHO
qui est actuellement donc, détenu, comme l’a dit Monsieur le juge d’instruction,
nous ne sommes pas parvenus à localiser RUREMESHA Jonathan, on n’a pas réussi
non plus à localiser Monsieur RUSANGANWA Gaspard et bon, je me suis dit, comme
c’était quand même quelqu’un qui était libre, je veux dire, de ses mouvements
au moment des événements dans la région de Sovu, j’ai simplement demandé si
la Cour n’estimait pas opportun de faire entendre ce témoin. Je l’ai fait en
âme et conscience en tant qu’enquêteur. Voilà ma réponse, Monsieur le président.
Le Président : Bien.
Me. VERGAUWEN : Un commentaire,
Monsieur le président ?
Le Président : Quand le témoignage
sera clôturé.
Me. VERGAUWEN : Je vous
remercie.
Le Président : Y a-t-il encore
des questions ? Maître FERMON ?
Me. FERMON : Monsieur le
président, j’ai trois petites questions à propos de l’audition de l’abbé le témoin 54
qui est la personne qui va accueillir les sœurs quand elles quittent le couvent
et va les accueillir à la paroisse de Ngoma. L’abbé le témoin 54 ne va pas venir
comme témoin, donc, je voudrais demander à Monsieur le juge d’instruction de
confirmer trois passages de l’audition de cette personne quand il a été interrogé
le 9 octobre 1995, spécifiquement à propos des faits de Sovu ?
Le Président : Oui.
Me. FERMON : Alors, le premier
passage… si vous me permettez, je lis les passages, et je voudrais bien, ensuite,
demander à Monsieur le juge d’instruction, que vous demandiez à Monsieur le
juge d’instruction, si c’est bien cela que Monsieur le témoin 54 avait déclaré. Premier
passage : « Durant leur séjour chez nous, c’étaient
sœur Gertrude et sœurs Kizito et Hermelinda qui étaient actives et qui établissaient
les contacts. Les autres sœurs étaient passives et avaient peur ».
Damien VANDERMEERSCH : Je peux
tout à fait…
Le Président : Oui, Monsieur
le juge d’instruction.
Damien VANDERMEERSCH : Enfin,
je préfère que ce soit fait sous cette façon-là, parce que moi, je ne suis évidemment
pas supposé savoir que tel témoin ou tel témoin vient ou ne vient pas, ce n’est
pas toujours facile à savoir. Donc, je peux tout à fait confirmer, d’ailleurs
sœur Kizito a été entendue sur cet élément-là et elle euh… enfin, dans son audition,
sauf erreur de ma part, elle a plutôt dit, effectivement, qu’elle avait joué
ce rôle un peu plus actif que les autres sœurs. D’ailleurs, sœur Kizito a été
entendue sur ce passage-là, donc, je m’en souviens bien.
Le Président : Oui.
Me. FERMON : Alors, si vous
me permettez, Monsieur le président. Deuxième passage parlant de sœur Gertrude :
« Quand j’ai entendu (lors de cette conversation
au téléphone), comment elle parlait au commandant militaire
du camp de Ngoma qui était le grand responsable des massacres de la région,
je me suis dit qu’elle ne devait rien craindre. J’entendais d’ailleurs dans
sa façon de parler qu’elle était à l’aise avec lui et qu’elle ne semblait pas
se sentir réellement menacée ».
Damien VANDERMEERSCH : Donc,
c’est le passage auquel j’ai fait allusion qui serait donc, avec le lieutenant
HATEGEKIMANA, donc, sauf erreur de ma part, il en est fait état, c’était avec
le lieutenant. Enfin, c’est ce que j’en ai comme souvenir, qu’il était question
donc, pas du commandant de place lui-même, mais plutôt du lieutenant… Je n’ai
pas la pièce sous les yeux.
Le Président : Oui, elle
a « voulu joindre » le commandant de
place, mais « avoir joint » est autre chose,
effectivement.
Damien VANDERMEERSCH : Sœur Gertrude
dit d’ailleurs qu’elle est tombée après sur le lieutenant.
Me. FERMON : Et alors troisième
élément, si vous me le permettez, Monsieur le président, toujours de cette même
déclaration. L’abbé le témoin 54 aurait déclaré : « J’étais surpris de la réaction de sœur Gertrude. Avec sa carte
d’identité Hutu, elle n’était pas menacée directement. Elle pouvait bien rester
dans la maison et essayer de protéger les réfugiés. Sur interpellation, il y
avait, parmi les sœurs, des Tutsi. Les trois sœurs qui étaient restées étaient
Tutsi, elles ont préféré rester et peut-être mourir avec leur famille. Je ne
comprends pas, en tant que responsable d’abord, en tant que Hutu ensuite, et
enfin vu les relations qu’elle avait avec les autorités civiles et militaires,
pourquoi elle n’est pas restée protéger ces sœurs et leurs familles ».
Est-ce que c’est bien dans ces termes-là que l’abbé le témoin 54 a parlé de sœur
Gertrude ?
Damien VANDERMEERSCH : C’est bien
ce qui a été acté. Maintenant, bien entendu, c’est ce qu’il déclare, lui, on
est bien d’accord, hein. Mais tout à fait, c’est ce qui a été repris, qui se
trouve d’ailleurs repris dans son audition. Cela a été fait sur place au Rwanda,
dans le cadre de la commission rogatoire 3.
Me. FERMON : Merci, Monsieur
le président.
Le Président : Une autre
question ? Maître JASPIS ?
Me. JASPIS : Tant qu’on est
dans les confirmations, Monsieur le président. Est-ce que les enquêteurs peuvent
nous confirmer qu’il y a eu, concernant l’utilisation de l’essence contenue
dans un jerricane, en une fois ou en plusieurs fois, donc une autre utilisation
que le fait de faire brûler la porte du garage où ont péri plusieurs centaines
de réfugiés ? Y a-t-il eu un autre épisode où il est question d’essence
associée à une mort très violente ?
Le Président : Monsieur STASSIN ?
Michel STASSIN : Non,
donc des événements, enfin de l’événement relatif à l’incendie du garage, moi,
je n’ai pas connaissance, donc, d’autres faits où donc, du carburant, de l’essence,
aurait été utilisé.
Damien VANDERMEERSCH : On parle
assez, de façon très typique, qu’il y avait du branchage et puis il y avait
de l’essence pour, sûrement, un épisode qui est bien identifié par beaucoup
de témoins. Maintenant il y avait aussi les véhicules, l’usage de véhicules.
Le Président : Maître JASPIS ?
Me. JASPIS : Oui, on y reviendra
lors des auditions de témoins, mais il y a un épisode où effectivement de l’essence
a été jetée sur une personne qui était d’ailleurs un ouvrier du couvent, qui
est mort après avoir brûlé comme une torche. C’était cet épisode-là que je souhaitais
évoquer. Mais il est effectivement extrêmement discret dans le dossier. Je vous
remercie.
Le Président : Une autre
question ? Maître VERGAUWEN et puis Maître BEAUTHIER.
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie,
Monsieur le président. Toujours à propos de confirmation, je crois que c’est
Monsieur WATERPLAS qui a entendu sœur Gertrude le 25 janvier 1996. En fait,
ma question est relative à un passage de cette audition concernant la fameuse
lettre. Je précise qu’à ce moment-là, Monsieur le juge d’instruction nous l’a
rappelé, le contenu de la lettre n’est pas encore à la connaissance des enquêteurs,
est-ce que les témoins pourraient simplement nous confirmer ce que sœur Gertrude
a dit à ce sujet.
Je cite : « Finalement, voyant qu’il
n’y avait plus d’issue, j’ai écouté le conseil de Gaspard RUSANGANWA qui m’a
dit de laisser partir les réfugiés qui auraient ainsi une petite chance de survivre
plutôt que de les garder au couvent où ils étaient voués à la mort. Il a adressé
une lettre au bourgmestre lui demandant de venir prendre des réfugiés au couvent.
J’ai signé cette lettre espérant que c’était une échappatoire, j’ai fait pour
bien faire. Tel que je l’ai déjà expliqué, le bourgmestre m’a ensuite trompée
en emmenant les réfugiés et en les faisant tuer malgré tout, chose que je n’ai
apprise que bien après, maintenant on me reproche cela mais je vous assure que
j’ai cru bien faire ».
Damien VANDERMEERSCH : Tout
à fait. D’ailleurs, cette audition précédait mon audition de quelques, enfin
pas de quelques minutes, je suppose quelques… une ou deux heures, puisque c’était
dans le cadre des 24 heures, suite à la privation de liberté et devant moi -
donc, elle a exactement utilisé ces termes-là devant Monsieur WATERPLAS, je
m’en souviens bien - et devant moi, elle a été plus courte, mais je l’ai entendue
de façon moins détaillée. Elle a dit : « J’ai envoyé une lettre ».
Si je me souviens bien, chez moi, elle n’a pas repris en disant qu’elle avait
adressé une lettre mais, sauf erreur de ma part, elle avait bien dit que c’était
sur conseil également de Gaspard, en tout cas cela apparaît tout à fait à ce
moment-là.
Me. VERGAUWEN : Oui, je vous
remercie, Monsieur le président. Alors, une autre demande de confirmation qui
concerne cette fois-ci l’audition de sœur Gertrude du 11 octobre 1995, par Monsieur
BOGAERT. A la toute fin de cette audition, sœur Gertrude est interrogée au sujet
des témoignages qui l’accusent et je voudrais demander aux témoins de confirmer
ce que sœur Gertrude a déclaré à cet égard-là : « En ce qui concerne ces témoignages, je voudrais préciser que
je ne connais pas les gens qui les ont rapportés. La seule personne que je connais,
c’est la nommée Consolata et comme je l’ai déclaré, je ne comprends pas ses
motifs de m’accuser. Je sais que sœur Marie-Bernard et sœur Scholastique sont
à la base des accusations qui pèsent sur moi, je ne connais pas leurs motivations,
néanmoins, j’ai le sentiment que les problèmes internes à notre communauté qui
s’étaient apaisés devant l’ampleur de ce que nous vivions, sont réapparus. Ces
deux sœurs ont toujours contesté mon autorité et je crains que leur attitude
ne soit guidée par la volonté de m’écarter de la communauté. Elles n’ont jamais
évoqué les événements qui sont aujourd’hui décrits, elles ont eu l’occasion
de rencontrer les journalistes alors que nous étions réfugiés à Gikongoro, à
Banghi et en Belgique et n’ont jamais éprouvé le besoin de parler ».
Je demande confirmation.
Damien VANDERMEERSCH : Donc, je
peux dire exactement, donc, que cette audition avait été demandée par moi-même.
Sauf erreur de ma part, c’est le 11 octobre, cela correspond bien à ça. J’étais
au Rwanda et j’avais demandé, par téléphone, de procéder à une audition, je
dirais, générale, sans entrer… ce que j’appelle une audition libre, un récit
libre, j’avais demandé à Monsieur BOGAERT, donc, de procéder à un récit libre
au cours duquel on demanderait notamment le nom de certains témoins que nous
pourrions éventuellement, comme nous étions sur place, entendre. Si nous rentrions
et qu’après… en tout cas il n’y avait pas de perspective à ce moment-là de nouvelle
commission rogatoire dans un avenir immédiat, c’est la raison pour laquelle
j’ai souhaité que Monsieur BOGAERT procède à ce récit libre, si on peut s’exprimer
ainsi, et d’ailleurs davantage ciblé pour la question des témoins et donc, c’est
effectivement dans ce cadre-là que sœur Gertrude a fait cette déclaration.
Le Président : Oui.
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie,
Monsieur le président. Une dernière question. En ce qui concerne les démarches
qui ont été faites par Monsieur COMBLAIN au mois d’août 1995, août et septembre
1995, est-ce que vous pourriez demander aux témoins de nous dire à la demande
de qui ces démarches ont été effectuées ? Voilà la question.
Le Président : Selon les
éléments…
Me. VERGAUWEN : Selon les
éléments du dossier.
Damien VANDERMEERSCH : Selon les
éléments du dossier, sauf erreur de ma part, c’était la démarche de l’abbé
CULLEN, parce qu’après, enfin, je veux dire, les documents… il est question,
dans les documents de l’abbé CULLEN, de l’abbé DAYEZ. Il y avait un conflit
évidemment de deux sœurs qui étaient en conflit de désobéissance, c’était effectivement
une affaire de la compétence du président de la congrégation et, sauf erreur
de ma part, les rapports étaient adressés à la plus haute autorité de la congrégation,
c’est-à-dire l’abbé CULLEN.
Le Président : Ce n’était
donc pas à la demande ni de sœur Gertrude, ni de sœur Kizito.
Damien VANDERMEERSCH : Ah, non
! Pour moi, pas du tout. Là, soyons clairs.
Le Président : Une autre
question ?
Me. VANDERBECK : Très
brève, Monsieur le président, je vous remercie. Plutôt à Monsieur STASSIN puisque
Monsieur BOGAERT n’est pas là et ce sont Messieurs BOGAERT et STASSIN qui ont
auditionné sœur Kizito la première fois, le 25 janvier 1996. Est-ce que, dans
le jeu des confirmations, Monsieur STASSIN peut nous confirmer que, parlant
de REKERAHO et des événements lors du retour de la communauté après être revenue
de Ngoma vers le couvent de Sovu, c’est-à-dire le 24 en soirée, Monsieur REKERAHO,
voilà l’audition, le passage de sœur Kizito : « Puis, il (‘il’ c’est REKERAHO) s’est
retourné vers moi, et m’a demandé pourquoi j’avais fui. Il a ajouté que je n’avais
rien à craindre puisque j’étais de la colline. Je lui ai dit que j’appartenais
d’abord à ma communauté et que si mes sœurs partaient, je devais les suivre.
Il m’a alors insultée et giflée, en me disant que j’étais une complice ».
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait, enfin, moi, je peux tout à fait confirmer que cette déclaration, telle
quelle, figure au dossier.
Me. VANDERBECK : Je
voulais le faire souligner parce qu’il avait été sous-entendu que c’était la
première fois que sœur Kizito en parlait lors de son interrogatoire d’inculpée…
d’accusée, pardon.
Le Président : Une autre
question ? Maître BEAUTHIER.
Me. BEAUTHIER : Merci, Monsieur
le président. Au moment où Monsieur le témoin 54 est interrogé, si j’ai bien compris,
les sœurs viennent de subir à Sovu le premier gros massacre, elles arrivent
donc en deux camionnettes. Alors, je voudrais simplement savoir, et c’est une
phrase que je vais lire, je ne vais rien lire d’autre, pourquoi les enquêteurs
se sont inquiétés de l’état de sœur Gertrude, en disant ceci : « Sur
interpellation - donc on demandait à le témoin 54 - Sur
interpellation », le témoin 54 dit : « Sœur
Gertrude ne m’a pas c’est plus simple de prendre le micro
sur interpellation, sœur Gertrude ne m’a pas parlé, à ce moment, des autres
réfugiés, ni d’éventuelles attaques ou massacres qui auraient eu lieu à Sovu ».
Damien VANDERMEERSCH : Donc, c’est
une audition qui se situe dans le cadre de la troisième commission rogatoire,
on est bien d’accord. Tout à l’heure, j’ai fait une confusion entre les deux
auditions de Monsieur le témoin 54, donc qui a été entendu deux fois, une fois dans
le cadre du dossier KANIABASHI, de façon générale, sur les événements, donc,
dans sa paroisse, dont cet épisode-là, bien entendu, et la seconde, l’audition
évidemment, lors de la troisième commission rogatoire. Etant saisi de ces faits-là,
j’en prends tout à fait la responsabilité, j’ai donné comme instruction qu’il
puisse être entendu, par rapport à cet épisode-là, de façon beaucoup plus détaillée
puisque là, j’étais saisi, et c’est un moment qui me semblait évidemment intéressant
pour pouvoir, je dirais, « checker » et comparer les différentes auditions.
Et donc, effectivement, il a… c’est une question qui, disons, paraissait pertinente
dans la mesure où dire : « Eh bien voilà, il y avait déjà une première
série d’événements, est-ce qu’elle en a parlé ? ». Et donc, c’est la réponse
qu’il a effectivement donnée.
Le Président : Oui ?
Me. VERGAUWEN : J’ai
encore une question, Monsieur le président. Pourriez-vous demander aux témoins
qui a occupé le couvent après les faits, donc, en fait, à partir du mois d’octobre
1994 ?
Le Président : Cela a apparu
un peu notamment dans les dias qu’on a projetées.
Damien VANDERMEERSCH : Je l’ai
cité, notamment lors du commentaire des dias, donc c’est une ONG Terre des Hommes
qui a occupé le couvent et c’était également, aussi à ce moment-là, une question
de…
[Interruption d’enregistrement]
Damien VANDERMEERSCH : …n’est
pas la propriété, le terme est mauvais mais, je dirais, le droit de décider
de l’occupation du couvent. Vous avez vu que c’était quand même un espace assez
important et donc, après les événements, ça a été occupé par une sorte de home
d’enfants, d’accueil d’enfants rescapés. Et il y a d’ailleurs tout un ensemble
de pièces et d’échange de courriers qui se trouvent dans le dossier sur, et
d’ailleurs un rapport de longue réunion pour savoir qui a le droit, est-ce que
c’est l’évêché qui a le droit de dire l’affectation, de décider de l’affectation
du couvent ou bien est-ce que c’est la congrégation. Il y a tout un litige qui
a tourné durant une certaine période sur cette question-là.
Le Président : Oui ?
Me. VERGAUWEN : Monsieur
le président, le témoin pourrait-il bien nous confirmer, parce que cela me paraît
important, que c’est bien sœur Gertrude qui a donné l’autorisation à Terres
des Hommes et je cite la lettre qu’elle leur a adressée le 23 octobre 1994,
qui est au dossier : « Je reçois votre fax du 22
et vous marque notre accord pour mettre à votre disposition notre monastère
de Sovu en vue d’accueillir les enfants non accompagnés ou orphelins de Butare ».
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait, il faut savoir qu’à ce moment-là il n’y avait plus de sœurs du tout, donc,
le couvent était complètement abandonné. Et donc, effectivement, il résulte
tout à fait qu’une autorisation qu’on a qualifiée après à titre précaire, enfin
peu importe, là, je vous dis franchement que je ne suis pas rentré dans… parce
que cela ne me semblait pas en lien direct avec les faits, mais donc effectivement,
l’autorisation, comme ça s’est passé, je dirais, par rapport à beaucoup de bâtiments
abandonnés, d’ailleurs les maisons privées aussi, donc des personnes disparues,
souvent les autorités ou d’autres personnes autorisaient d’occuper. Et je dois
vous dire, juste après les événements, c’était effectivement une nécessité pour,
je veux dire, il y avait beaucoup d’organismes qui avaient besoin de locaux
qui étaient quand même plus ou moins encore en bon état et donc, c’étaient des
demandes, je veux dire, qui se sont passées à différents, ce n’était pas une
demande unique.
Me. VERGAUWEN : C’était
donc bien avant le retour des sœurs…
Damien VANDERMEERSCH : Tout à
fait. Tout à fait. Et le retour des deux sœurs posait d’ailleurs comme question
le fait que deux sœurs revenaient dans un bâtiment qui était occupé par d’autres
personnes, et de là, naissait un peu, effectivement, un conflit, enfin le problème
de savoir que les sœurs pouvaient occuper le couvent et qui pouvait décider
quoi. Il y a eu toute une discussion à ce sujet-là.
Le Président : Une autre
question ? Oui, Maître CUYKENS.
Me. CUYKENS : Monsieur le
président, j’ai entendu tout à l’heure Monsieur le juge d’instruction dire quelque
chose à propos des commissions rogatoires que je n’avais pas entendu lors de
son exposé général. Est-ce qu’il peut nous confirmer que, lui et les enquêteurs,
lorsqu’ils se déplaçaient de Butare à Kigali, étaient arrêtés à des barrages ?
J’ai bien entendu ?
Damien VANDERMEERSCH : Oui, tout
à fait, donc, en… je parle en 1995. Et d’ailleurs, c’est relaté dans les
commissions rogatoires, principalement dans la première, parce que c’est quelque
chose qui nous a frappés, en disant qu’on a, je me souviens que dans une des
commissions rogatoires on a parlé notamment de près de huit ou neuf contrôles.
Et c’est quelque chose qu’on a tout à fait mis dans notre commission rogatoire
parce que c’est quelque chose auquel on n’était pas tellement habitué et donc,
qui était, semble-t-il, dans les mœurs rwandaises et donc, là, parce que… bien
entendu, pas le même type de barrières que ce qu’on a dit, mais l’usage, le
fait de faire des barrières de contrôle c’est quelque chose qui, même peut-être
encore aujourd’hui au Rwanda, peut exister à l’entrée d’une ville. Mais là,
c’était effectivement pour des raisons de contrôle des mouvements, donc, on
devait effectivement passer par plusieurs barrières, enfin barrière, c’est un
petit fil qu’on tend, un petit fil corde, ce ne sont pas des barrières nadars,
je précise, c’est une petite corde très symbolique qui est simplement tendue
entre deux chaises et qu’on dépose et qu’on retend.
Me. CUYKENS : Je vous remercie.
Le Président : D’autres questions ?
S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord pour que les témoins
se retirent ? Alors, Monsieur le juge d’instruction, Monsieur STASSIN,
Monsieur DELVAUX, même double question. Est-ce bien des accusés ici présents
dont vous avez voulu parler ? Persistez-vous dans vos déclarations ?
Damien VANDERMEERSCH : Oui, Monsieur
le président.
André DELVAUX : Oui, Monsieur
le président.
Michel STASSIN : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Je vous remercie.
Vous restez encore à la disposition de la Cour mais il n’y a plus de programmation
dans l’immédiat en tout cas.
Damien VANDERMEERSCH : C’est peut-être
encore pire !
Le Président : Oui, c’est
peut-être pire ! Bien. Nous allons… il y a Monsieur le témoin 19 qui est présent.
C’est quelqu’un qui est cité par Monsieur l’avocat général mais à la demande,
je crois, de la défense de je ne sais pas qui, la défense de sœur Gertrude ou
des deux sœurs ? Oui. Alors, le problème est de savoi,r parce qu’il n’y
a pas d’audition de cette personne au dossier, si c’est une audition qui va
être longue ou pas ? Je ne sais pas, je vous écoute.
Me. VANDERBECK : …texte
par rapport auquel une seule… l’une ou l’autre toute petite question qu’on voudrait
poser, Monsieur le président, je ne pense pas que ce sera très long.
Le Président : Bien. On a
le choix : ou bien on suspend maintenant, ou bien on l’entend maintenant ?
Me. VANDERBECK : Mais,
pour répondre, enfin peut-être pour anticiper sur votre décision, je pense que
Maître VERGAUWEN et moi-même souhaitons faire un mini-commentaire par rapport
aux témoignages des témoins qui viennent de nous quitter, donc peut-être…
Le Président : Oui, alors,
vous avez la parole pour le commentaire.
Me. VERGAUWEN : Je vais
commencer par mon premier commentaire, je vous remercie, Monsieur le président.
A propos donc, Mesdames et Messieurs les jurés, de Monsieur le témoin 151.
Monsieur STASSIN a rencontré Monsieur le témoin 151, le 3 mars 2000.
Monsieur le témoin 151 était ex-conseiller de secteur à Sovu. Ce monsieur
est en liberté mais lorsque vous prendrez connaissance de la déclaration de
Monsieur REKERAHO devant Monsieur TREMBLAY, vous constaterez que Monsieur REKERAHO
dit de lui - ce monsieur qui va venir témoigner et qui est en liberté - vous
constaterez que Monsieur REKERAHO dit de lui qu’il donnait des directives
aux Interahamwe et concernant le massacre de Sovu du 22 avril, Monsieur REKERAHO
dit de lui qu’il supervisait ces massacres et qu’il s’assurait que le plan d’action
était bien suivi. Je vous remercie.
Le Président : D’autres remarques ?
Me. VANDERBECK : Très
brièvement, Monsieur le président. Pour en revenir à cette notion d’inculpation,
rassurez-vous, je ne vais pas faire un grand cours, juste un tout petit commentaire
et je me base sur des écrits, et plus particulièrement un extrait de l’ouvrage
des professeurs BOSLY et VANDERMEERSCH qui vient de nous quitter à l’instant,
qui nous définit la notion d’inculpé. Je sais que le jury, ce ne sont pas des
juristes et ils ne savent pas nécessairement ce que c’est un inculpé :
« La personne contre laquelle il existe des indices sérieux de culpabilité ».
Cette appréciation relève du juge d’instruction, ce n’est pas nécessairement
la personne contre laquelle un mandat d’arrêt doit, ou non, être décerné. Et
quant au moment de l’inculpation, ces mêmes professeurs VANDERMEERSCH et BOSLY
nous disent : « Théoriquement, le juge d’instruction doit procéder
à l’inculpation d’une personne dès le moment où il constate l’existence d’indices
sérieux de culpabilité à sa charge ». Pour être très précis, je précise
que cette définition qui est donnée est postérieure à la réforme dite Franchimont,
c’est-à-dire qu’il y a une modification dans certaines notions du Code d’instruction
criminelle en 1998 et qu’avant, il n’y avait tout simplement pas de définition
légale de ce qu’était un inculpé. Voilà.
Le Président : Bien. Alors,
nous entendons Monsieur le témoin 19 maintenant ? On ne reprendra pas à 1h30
de toute façon, puisqu’il est déjà 13h18, on reprendrait vers 14h30 sans doute
cet après-midi. Notamment, Madame le témoin 44 qui était prévue ce matin est rentrée,
je crois, et reviendra avec les autres témoins. Elle est peut-être déjà revenue.
Donc, on ne reprendra pas avant 14h30. Alors, faisons venir peut-être Monsieur
le témoin 19 et puis nous suspendrons l’audience. |
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