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Arrestation immédiate compte rendu intégral du procès
Procès > Arrestation immédiate > Réquisitoire arrestation immédiate
1. Réquisitoire arrestation immédiate 2. Décision arrestation immédiate
 

12.1. Réquisitoire d’arrestation immédiate

L’Avocat Général : Je peux demander la parole, Monsieur le président ?

Le Président : Je vous donne la parole, Monsieur l’avocat général.

L’Avocat Général : Je vous remercie, Monsieur le président. Madame, Monsieur le juge. Vu le verdict rendu par la Cour, vu le taux des peines que la Cour a infligées aux accusés, j’estime qu’en application de l’article 33, § 2, de la loi sur la détention préventive, vu les éléments que je viens de vous signaler, il y a un risque de soustraction à l’exécution de la peine des accusés, des condamnés. Je requiers donc, qu’il plaise à la Cour, d’ordonner l’arrestation immédiate de Monsieur NTEZIMANA, Monsieur HIGANIRO, Madame MUKANGANGO et Madame MUKABUTERA.

Le Président : Bien, la défense de Monsieur NTEZIMANA a la parole en ce qui concerne cette demande d’arrestation immédiate de Monsieur l’avocat général.

Me. CARLIER : Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur NTEZIMANA ne s’est jamais soustrait à la justice belge depuis le tout début de ce dossier. L’arrêt de renvoi de la Cour d’appel date d’il y a un an, juin 2000. Pendant toute cette année, il n’a pris aucune mesure pour tenter de quitter le territoire belge ; à l’inverse, il a demandé et obtenu la régularisation de son séjour en Belgique. Pendant huit semaines de ce procès, il a comparu, librement, devant votre Cour. Aujourd’hui encore, après l’arrêt de condamnation de cette nuit, sachant les risques qu'il encourait, il a comparu librement devant votre Cour. J’ai la conviction qu’une démocratie se mesure également à l’aulne de sa capacité de respecter les droits fondamentaux de toute personne, y compris celle qui est condamnée pour ne pas avoir respecté ces droits fondamentaux. Je vous demande de ne pas ordonner l’arrestation immédiate de Vincent NTEZIMANA, afin de lui permettre de quitter humainement sa famille, avant l’exécution de sa peine.

Le Président : Maître BELAMRI, vous souhaitez intervenir ? Pour la défense de Monsieur HIGANIRO en ce qui concerne la demande d’arrestation immédiate ?

Me. BELAMRI : Oui, Monsieur le président, Madame, Monsieur les juges. Concernant l’arrestation immédiate de Monsieur HIGANIRO, la Cour le sait, l’arrestation immédiate n’est pas à la mesure de la gravité de la peine, mais à la mesure du risque de soustraction du condamné à l’exécution de sa peine. Il est vrai que la jurisprudence prend généralement en compte, parmi les différents critères pour apprécier le risque de soustraction à l’exécution de sa peine, la gravité de la peine elle-même. Mais je pense que, comme la peine doit être individualisée et comme une même peine peut être subie de manière différente d’une personne à l’autre, le risque de soustraction à l’exécution d’une peine doit aussi s’apprécier in concreto et de manière personnelle.

Je pense que la Cour aura constaté, au cours des interventions de Monsieur HIGANIRO tout au long de ce procès, que Monsieur HIGANIRO est un homme censé, et qu’il a donc pu parfaitement envisager le risque pénal qu’il encourait à l’issue de cette procédure. Il s’est présenté à toutes les étapes de la procédure depuis sa libération, il a comparu librement au cours des différentes semaines de ce procès, et je pense qu’il ne revient plus, à ce moment-ci, de se poser la question s’il existe encore un risque de soustraction de Monsieur HIGANIRO à la peine qu’il a encourue, mais plutôt, au fil de toutes ces semaines, et de sa présence constante ici, de se dire que vous avez reçu déjà réponse à cette question.

Je pense, également, que la Cour doit être attentive à un élément qui, sans doute, intéressera également Monsieur l’avocat général qui est chargé de l’exécution des peines. La finalité même, l’objectif même d’une peine d’emprisonnement, ne demande-t-il pas que l’accusé puisse se soumette à cette peine d’emprisonnement en toute dignité. Je vous demande donc, de ne pas faire droit à la demande de l’avocat général. Je vous remercie.

Le Président : Maître EVRARD ou Maître MONVILLE, souhaitez-vous intervenir ? Maître VERGAUWEN pour Madame MUKANGANGO, en ce qui concerne la demande de Monsieur l’avocat général ?

Me. VERGAUWEN : Je vous remercie, Monsieur le président. Avec votre autorisation, je prendrai la parole au nom, tant de sœur Gertrude que de sœur Kizito, sur cette question de l’arrestation immédiate, en accord avec le conseil de sœur Kizito.

Le Président : Je n’y vois pas d’inconvénient, personnellement.

Me. VERGAUWEN : Je vous remercie, Monsieur le président. Madame, Monsieur, j’ai donc entendu Monsieur l’avocat général vous demander l’arrestation immédiate de sœur Gertrude et de sœur Kizito. Et c’est vrai qu’il peut paraître, à première vue, surprenant d’intervenir à la défense sur cette question devant une Cour d’assises. C’est la première fois que je le fais et c’est vrai que le taux de la peine, c’est l’argument invoqué par Monsieur l’avocat général, est un élément qui peut être pris en considération pour se dire : « Eh bien, voilà, quand on est condamné à 15 ans de prison… » pour sœur Gertrude, « …quand on est condamné à 12 ans de prison… » pour sœur Kizito, eh bien, on a envie de se dire : « Mais bien sûr, ces personnes vont partir, vont s’enfuir, vont se soustraire à l’exécution de leur peine ».

Alors, Monsieur le président, Madame, Monsieur, je voudrais formuler deux considérations pour vous demander de ne pas faire droit à cette demande. La première considération, elle a trait à l’attitude des deux accusées, l’attitude des deux accusées, depuis les faits de 1994. Je crois qu’il est important de rappeler à la Cour que, dès leur arrivée en Belgique, l’une comme l’autre, n’ont jamais cherché à se cacher ; et la preuve en est que, l’une comme l’autre, lorsqu’elles sont arrivées en Belgique et lorsqu’elles ont appris les accusations dont elles faisaient l’objet, ont formulé une demande d’asile précisément motivée par le fait qu’elles faisaient l’objet d’accusations de participation au génocide, au Rwanda. Et, bien sûr, elles ne se doutaient pas, à ce moment-là, de l’issue qui serait celle d’aujourd’hui, mais je crois que cet élément-là, ce signe-là, cette démarche-là, est déjà la preuve qu’à l’époque elles ne chercheraient pas à se soustraire, et elles l’ont prouvé tout au long de l’enquête, puisque vous savez qu’effectivement, elles ont comparu à toutes les convocations qui leur ont été faites, mais en plus, et je crois que c’est le critère peut-être le plus fondamental, c’est que finalement, quand il y a une enquête en cours, quand il y a des audiences comme les longues audiences que nous avons connues ici, eh bien, bien sûr, on ne risque rien à ce moment là, puisqu’il n’y a pas encore de condamnation vraiment.

Mais depuis hier, Monsieur le président, Madame, Monsieur, depuis hier, eh bien, ces deux personnes savent ce qu’elles risquent, elles savent ce qu’elles risquent, elles ont entendu Monsieur l’avocat général, déjà dans son réquisitoire, dire : « Je ferai tout pour que ces personnes aillent en prison », elles connaissent ses intentions. Eh bien, elles n’ont rien fait, ni hier pendant ces douze heures de délibération, ni après la décision de culpabilité qui a été prononcée cette nuit. Elles n’ont rien fait pour se soustraire à l’exécution de leur peine, que du contraire, elles sont là. Elles sont là, elles ont attendu votre délibération sur la peine, et elles sont là.

Deuxième considération qui est peut-être plus spécifique à ce procès-ci, et qui est la suivante. C’est un petit détail, c’est la manière dont elles ont réagi ce matin, elles ont téléphoné à Maredret, c’est leur abbaye de Maredret, à 100 km, pour leur demander, pour demander qu’on prépare une petite valise avec leurs affaires, craignant ce qui pourrait arriver ce soir.

Eh bien, je vous demande, au nom de la défense des deux accusées, Monsieur le président, Madame, Monsieur, de leur faire la faveur, la faveur, à elles qui ont fait la une de la presse depuis tant de temps, dont la photo apparaît dans la presse, pratiquement chaque jour, depuis le début de ce procès et dont la photo sera à la une de toute la presse, demain matin. Eh bien, je vous demande de ne pas faire à ces accusées, de ne pas leur imposer, en plus de la condamnation, ce que j’appellerai l’humiliation publique de devoir quitter cette salle d’audience entre deux gendarmes, sous le crépitement des flashs. Je crois que tout accusé, quel qu’il soit, peut avoir le droit, et particulièrement les accusées qui sont derrière moi, de rejoindre leur prison dans quelques semaines, avec leur petite valise, avec la tête basse, mais aussi, avec la dignité du condamné qui accepte et qui assume la sanction qui lui a été imposée. J’ai dit.

Le Président : Je vous remercie. Monsieur NTEZIMANA, souhaitez-vous ajouter quelque chose en ce qui concerne la demande d’arrestation immédiate de Monsieur l’avocat général ?

Vincent NTEZIMANA : Non, Monsieur le président.

Le Président : Vous ne souhaitez rien ajouter ou souhaitez-vous ajouter quelque chose à ce que votre avocat a plaidé ?

Vincent NTEZIMANA : Non, je n’ajoute rien à ce que mon avocat a plaidé, Monsieur le président.

Le Président : Bien, Monsieur HIGANIRO, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Alphonse HIGANIRO : Non, Monsieur le président, je n’ajoute rien non plus, Monsieur le président.

Le Président : Madame MUKANGANGO, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Consolata MUKANGANGO : Non merci, je n’ai rien à ajouter.

Le Président : Madame MUKABUTERA, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Julienne MUKABUTERA : Non plus, Monsieur le président.

Le Président : Bien, vous pouvez vous asseoir. L’audience va être suspendue encore, pour que la Cour se retire pour délibérer sur la demande d’arrestation immédiate de Monsieur l’avocat général. Elle reprendra dès que la Cour aura délibéré.

 
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