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13.1. Dit du Président
Le Président : Le Code d’instruction
criminelle prévoit qu’après le prononcé de la condamnation, le président peut
adresser un discours aux condamnés pour les inciter à revoir leur conduite ou
pour les inciter à subir, dans le calme, leur peine.
Oui, les peines qui sont prononcées sont relativement élevées. Pour
vous Messieurs NTEZIMANA et HIGANIRO, ce sera sans doute encore plus dur parce
que vous avez une famille, vous avez des enfants, encore que Mesdames MUKANGANGO
et Madame MUKABUTERA, vous aviez aussi une famille qui n’est peut-être pas la
famille classique, c’était votre communauté et qu’il sera sans doute pour vous
difficile de vous faire à une autre communauté qui est celle d’une prison. Oui,
je peux vous inciter à subir cette peine avec le plus de sérénité possible pour
chacun d’entre vous. Que ce temps d’épreuve qui est pour vous et qui retombera
sur vos familles, vous amène à la réflexion, à la réflexion qu’impose quelque
part la voix de 800.000 morts qui sont… qui sont, par moment, entrés dans cette
salle d’audience.
Mesdames et Messieurs les jurés, effectifs et suppléants, nous avons
terminé le chemin que nous avons commencé il y a huit semaines. Pour vous, c’est
terminé, vous avez fini votre mission. La Cour devra encore régler les intérêts
civils et à cet égard, compte tenu des disponibilités des assesseurs, la suite
des débats est fixée au 18 juin prochain, à 9 heures. L’arrêt interviendra soit
fin juin, soit début septembre, je ne sais pas, mais il faut aussi pouvoir clôturer
la session qui n’est donc pas clôturée aujourd’hui.
Nous avons, Mesdames et Messieurs les jurés, donc fait huit semaines
de chemin ensemble. J’ai été surpris de vous voir toujours à 24 au bout de de
ces huit semaines, je ne vous cache pas que dans les procès habituels, même
quand ils ne durent qu’une semaine ou quinze jours, il y a toujours bien un
juré qui disparaît au cours de ce chemin bien plus court que celui qu’on a parcouru,
pour raison de maladie ou pour autre raison. Vous avez, dès le premier jour,
exercé la mission qui vous était confiée, vous êtes devenus, dès le premier
jour, des juges et vous l’êtes restés jusqu’à maintenant. C’est fini. Vous
n’êtes plus juge. « Ouf », dites-vous peut-être ! Je tiens à vous
remercier pour la manière dont vous avez assisté aux débats, pour la manière
dont vous avez posé les questions, pas trop, par trop peu, toujours intéressantes.
Vous avez fait preuve de l’impartialité qui était nécessaire, vous avez agi,
tout d’un coup, par miracle, par votre serment, vraiment comme des juges, comme
des professionnels. Je vous dis que vous avez fini maintenant et, bien que vous
ayez fini et, bien que vous ayez huit semaines et, bien que nous soyons un vendredi
à 7 h 30 du soir, je vais vous demander de ne pas partir tout de suite, ne pas
vous enfuir toute de suite de cet affreux Palais de justice ; la salle
est peut-être belle mais les couloirs sont sombres à partir d’une certaine heure,
vous le savez bien. Je vais vous demander de ne pas partir parce que la coutume
ici, est que la Cour vienne saluer chacun d’entre vous, individuellement, et
encore vous remercier individuellement pour le parcours qu’on a fait ensemble.
Donc je vous demanderai de bien vouloir attendre un petit peu dans votre salle,
dans la grande salle, pour qu’on puisse venir vous y saluer, de manière plus
personnelle.
Merci à la Croix-Rouge dont on a vu, pas toujours l’efficacité, mais
en tout cas hier, on a pu le voir quand on a vu débarquer à la demande dans
la demi-heure, les lits de camps et les couvertures qu’il fallait.
Merci à la Police fédérale pour les services d’ordre qu’elle a accompli
toujours à la perfection, semble-t-il, en tout cas à la Cour d’assises, c’est
toujours comme ça, dans les sessions que j’ai présidées, cela a toujours été
parfait.
Eh bien, je vais dire aussi merci à l’interprète, ils étaient deux
mais merci à vous, pas seulement pour vous mais pour votre collègue aussi, pour
le travail que vous avez dû faire durant plusieurs des audiences.
Merci à Messieurs les greffiers, ainsi qu’à l’employé du greffe ;
c’est un greffe ici à Bruxelles qui fonctionne tellement bien que le président
n’a presque plus rien à faire. Ils ont organisé tout ça, l’estrade supplémentaire,
le lutrin, les badges pour les avocats, pour la presse. Tout ça, ça c’est fait
tout seul, le président n’a eu qu’à signer les factures, si je puis dire.
Merci aux huissiers audienciers, le chef huissier audiencier a dû
malheureusement s’absenter parce qu’il partait en vacances, il a bien de la
chance, mais il était désespéré de partir en vacances alors que ce procès, il
n’avait pas pu le suivre jusqu’au bout. Merci, parce que c’est aussi grâce à
votre amabilité que les jurés sont toujours confortablement nourris et presque
toujours confortablement installés.
Merci, Mesdames et Messieurs les avocats, tant des parties civiles
que de la défense, dont pour certains, je crois, c’est la première fois qu’ils
plaident en Cour d’assises. Maître GILLET, peut-être. Maître JASPIS, non, je
vous ai déjà vue. Maître LARDINOIS. Maître NKUBANYI. Maître SLUSNY, je ne sais
pas ; non, ce n’est pas la première fois, non. Maître RAMBOER non plus,
ça, ça n’a pas été… Maître CARLIER, c’est la deuxième. Maître BELAMRI, c’est
sûrement la première. Maître EVRARD, première Cour d’assises. Maîtres MONVILLE
et CUYKENS, non. Les Maîtres VERGAUWEN, ça ne doit pas être la première non
plus. Maître WAHIS non plus, sans doute ; si c’est la première, Maître
WAHIS. Maître VANDERBECK, non, c’est pas la première. Enfin, que ce soit la
première ou que ce ne soit pas la première, merci, parce que, même s’il y a
eu, comme inévitablement dans un procès qui, s’il n’est pas historique, est
en tout cas exceptionnel, des moments de tensions, mais ils ont pu être résolus
relativement facilement, sans incident absolument remarquable. Merci, parce
que vous avez chacun avec vos dons, vos talents très différents les uns des
autres, défendu votre cause comme votre serment d’avocat vous le demandait,
cause que vous croyiez, aussi bien devant que derrière, juste. Il n’y a pas
eu trop d’excès de langage dans les plaidoiries, on ne les a pas beaucoup remarquées
en tout cas. Merci pour ça parce que c’est avec ces talents-là et avec cette
manière de plaider qu’on a pu aussi avoir malgré ces quelques incidents, des
débats sereins.
Merci aussi, Monsieur l’avocat général, parce que vous aussi, vous
êtes intervenu à la place que vous avez, sans excès non plus, jouant le rôle
que vous aviez à jouer.
Merci à mes assesseurs qui m’ont supporté pendant huit semaines,
pas seulement à l’audience mais aussi dans le bureau du président. Quand je
dis qu’ils m’ont supporté, ils ont du supporter mon humeur, mais ils m’ont supporté
dans le travail que j’avais à accomplir ; non, c’est dans les deux sens.
Eh bien voilà, donc on n’a pas fini, la session n’est pas terminée
puisque les intérêts civils restent à régler. On se reverra donc le 18 juin
prochain.
Je vais maintenant demander à la presse télévisée de bien vouloir
cesser de filmer, parce que l’audience, maintenant, va être levée, la Cour va
donc aller voir les jurés dans leur salle de délibération. Je crois que la rencontre
avec les avocats, il vaudra mieux qu’on la fasse peut-être à un autre moment ;
au moment de l’arrêt, le 18 juin, de manière à ce que nous ayons, puisqu’ils
sont 24, ils sont toujours là, vraiment le temps de leur parler et que vous
ne deviez pas attendre deux heures pour pouvoir rencontrer la Cour. Donc je
pense que, en ce qui concerne les avocats, on se verra le 18 juin pour refaire
le point, mais aujourd’hui, j’accorde la priorité au jury.
Maître EVRARD, vous voulez déposer des conclusions ?
Me. EVRARD : Monsieur le président,
c’est la première fois que je prends la parole dans cette Cour d’assises et
ce n’est peut-être pas l’usage, je ne connais pas les usages de la Cour, mais
je voudrais en mon nom, au nom, je pense, de tous les avocats ici présents,
remercier quels que soient les verdicts, quels que soient les résultats qui
ont été rendus aujourd’hui, le jury, Mesdames et Messieurs les jurés, nous vous
avons tous trouvés devant nous, tout au long de cette semaine, nous avons pu
vous saluer dans les couloirs, Monsieur le président nous avait dit qu’il n’y
avait pas lieu de dire autre chose à ce moment-là, mais je voudrais vous dire
maintenant autre chose. Je voudrais vous remercier pour votre constance, pour
votre attention, pour également les questions qui ont permis chez nous, d’en
éclairer d’autres et de faire avancer un débat difficile, mais au bout duquel
nous sommes arrivés par des décisions qui ont été rendues. Je vous remercie.
Le Président : Merci. L’audience
est suspendue jusqu’au 18 juin. Elle reprendra le 18 juin, à 9 heures. On ne
filme pas pour le moment puisque si des événements doivent intervenir, enfin,
si des arrestations effectives doivent intervenir, elles doivent se faire, en
tout cas, dans la dignité à ce point de vue-là. Raison pour laquelle je ne souhaite
pas qu’on continue à filmer. Bien, donc l’audience est suspendue. D’ici quelques
minutes, Mesdames et Messieurs les jurés, nous venons vous retrouver dans votre
salle de délibération. |
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