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2.4. Obligations des jurés
Le Président : On va permettre effectivement aux personnes de
quitter la salle…
Alors, il est évidemment souhaitable que dans le public, dans le
jury, parmi les avocats, parmi les membres de la Cour éventuellement, on éteigne
les GSM. Pas seulement les laisser sur vibreur parce que même les vibreurs risquent
de provoquer dans les micros notamment des perturbations, raison pour laquelle,
pour que tout puisse s’entendre de manière la plus claire possible, il serait
souhaitable que les GSM soient arrêtés tout à fait.
Bien, Mesdames et Messieurs les jurés, il y a quelques instants,
vous venez de prêter un serment, et c’est un serment qui vous impose une lourde
tâche, celle de juger en votre âme et conscience quatre accusés qui ne sont
peut-être pas citoyens belges, mais qui sont malgré tout nos concitoyens.
Juger, ce n’est pas une chose facile,
et pourtant cette charge qui repose sur vous qui n’êtes pas des professionnels,
c’est un devoir qui est prévu par la Constitution, c'est-à-dire par la loi fondamentale
de notre Etat.
La tâche sera d’autant plus difficile
dans ce cas-ci que les faits ont été commis à plusieurs milliers de kilomètres
d’ici, que l’on ne se trouve pas face à des dossiers habituels avec des autopsies,
des experts, que l’on se trouve face à un phénomène d’une ampleur considérable
et que donc vous aurez sans doute, plus encore que dans les dossiers habituels,
des difficultés à juger.
Je vais en tout cas examiner avec
vous les conditions que vous devez remplir pour respecter le serment que vous
avez prêté, il y a quelques minutes.
L’article 6 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit que
les personnes mises en accusation ont droit à un procès équitable.
Ça veut dire que le juge et chacun
d’entre vous est maintenant un juge, le juge doit être indépendant et impartial.
Le juge doit statuer sans haine, sans crainte, sans affection. Le juge, pour
former son opinion, se basera uniquement sur ce qu’il apprendra à l’audience
au cours des débats qui est le seul endroit où chacune des parties, l’avocat
général, la défense, les parties civiles, les accusés, peuvent exprimer leur
opinion.
Le juge forme sa conviction personnelle
sans se laisser influencer par qui que ce soit. Le juge ne demande pas l’avis
de son conjoint, de ses enfants, de ses voisins, de ses amis. Il ne se laisse
pas influencer par les émissions de télévision, de radio, les articles de journaux.
Et même si vous allez voir que cette salle va sans doute se remplir de journalistes
au fur et à mesure que le temps va passer, je vous donne le conseil de ne pas
lire les journaux, ou en tout cas de ne pas lire ce qui est consacré à cette
affaire, de ne pas regarder les émissions télévisées, ou de ne pas écouter les
émissions de radio.
J’imagine que c’est un conseil
un peu vain que je vous donne, alors si vous regardez quand même les articles
dans les journaux et les émissions, et si vous écoutez les radios, faites la
gymnastique intellectuelle de vous dire que ce que vous voyez là ou que ce que
vous entendez là ne doit pas entrer en ligne de compte pour former votre conviction,
que ce qui doit vous convaincre, c’est ce qui sera dit et discuté ici, en audience
publique.
Comme juges, vous ne suivrez que
ce que vous dictent votre âme et votre conscience, rien d’autre.
En dehors des audiences, vous pouvez
entre vous jurés effectifs et jurés suppléants, entre vous discuter de l’affaire,
bien sûr. Mais en dehors de l’audience, vous ne pouvez par contre pas dialoguer
avec les accusés, avec leurs avocats, avec les avocats des parties civiles,
avec les parties civiles, avec les journalistes, avec l’avocat général, avec
le président, avec les assesseurs, avec le greffier. En dehors de l’audience
publique, vous ne pouvez pas discuter de l’affaire, si ce n’est entre vous.
Ça ne vous empêche pas, si nous nous croisons dans les couloirs, de se dire
bonjour ou bonsoir. C’est de l’affaire que vous ne pouvez pas discuter, sauf
entre vous en dehors de l’audience publique.
C’est à ce prix que vous pourrez
rester indépendants et impartiaux.
Votre indépendance et votre impartialité
nécessitent aussi que vous ne pouvez pas dire publiquement, même ici à l’audience
publique, ce que vous pensez de l’affaire ou de tel accusé ou de tel témoin.
Vous devrez à tout moment vous garder de trahir votre pensée. Je me permets
d’attirer particulièrement votre attention sur ce point parce que comme juges
vous aurez la possibilité, vous avez le droit d’interroger directement les témoins,
les experts ou les accusés. Dans la manière dont vous formulerez vos questions,
soyez prudents, de manière à ce que cette formulation ne trahisse pas ce que
vous pensez.
Si par malheur il vous arrivait
de vous exprimer publiquement sur ce que vous pensez, très vraisemblablement,
l’avocat général, la défense ou les parties civiles demanderaient à ce que vous
soyez récusés, donc vous devriez quitter le jury si vous êtes juré effectif
et être remplacés par un juré suppléant, ou si vous n’êtes que juré suppléant,
quitter de toute façon les rangs des juré suppléant. Parce que un juge ne peut
pas manifester publiquement son opinion à propos de l’affaire, à propos des
accusés, à propos des témoins, à propos des experts. Ça, vous pouvez le faire
uniquement entre vous, et en dehors de l’audience publique.
Il vous est également interdit de faire des enquêtes personnelles.
Je dirais que compte tenu de l’éloignement des lieux où les faits se sont commis,
il y a peu de chance que vous alliez faire sur place des enquêtes personnelles.
Mais n’essayez pas de savoir des choses par la bande.
Si vous estimez que des devoirs complémentaires devraient être faits,
vous pouvez demander au président qu’il les ordonne en vertu de son pouvoir
discrétionnaire. Le président ne les ordonnera peut-être pas, mais vous pouvez
en tout cas par son intermédiaire solliciter qu’éventuellement des devoirs soient
effectués. Ne nous faisons pas non plus d’illusions, si c’était pour exécuter
des devoirs en dehors du territoire national.
Votre mission vous impose évidemment de rester attentifs tout au
long des débats, et ce sera sans doute difficile parce que ce sera long. Mais
il faut que vous soyez attentifs parce que c’est ici, pendant les audiences
publiques, que vous allez apprendre ce qui va vous permettre de décider. Bien
sûr, il y a un dossier qui a été constitué, c’est tout ce qu’il y a dans cette
armoire, là-bas… Vous n’aurez pas le temps de lire tout cela ; donc c’est
ici que l’essentiel des choses va se faire. Et ce dossier n’a d’ailleurs devant
la Cour d’assises qu’un caractère tout à fait préparatoire. Parce que l’essentiel
de ce dossier va revivre devant vous ; les personnes qui ont fait des enquêtes,
les personnes qui ont été entendues ou l’essentiel de ces personnes vont revenir
ici dire peut-être la même chose que ce qu’elles ont dit dans l’instruction
préparatoire, peut-être autre chose.
Donc, c’est ici que vous apprendrez ce qui va vous permettre de prendre
votre décision. Ça veut dire qu’il faut être attentif. Ça veut dire que vous
allez sans doute prendre des notes. Si vous prenez des notes, de grâce, ne les
laissez pas traîner pendant les suspensions d’audience, de manière à éviter
que des personnes indiscrètes ne prennent connaissance de vos notes.
Tout au fil de la procédure, je vous donnerai des explications. J’essaierai
d’être le plus clair possible, mais ce n’est pas toujours facile d’être clair
quand on est un habitué et qu’on doit s’adresser à des profanes. Alors, si quelque
chose n’est pas clair, n’hésitez pas à poser des questions. N’hésitez pas non
plus si à un certain moment vous êtes fatigués, si vous avez l’un ou l’autre
problème qui nécessite que vous vous absentiez pendant quelques instants de
la salle d’audience, n’hésitez pas à le faire savoir de manière à ce que l’audience
puisse être suspendue et que vous puissiez, soit vous reposer, soit satisfaire
une absence absolument indispensable.
Les débats, je vous l’ai dit, dureront vraisemblablement six semaines,
peut-être un peu moins, peut-être un peu plus. Les audiences en principe se
tiendront de 9 h à midi, midi et demi, le matin. Et de 13 h, 13 h 30 jusqu'à
17 h, 17 h 30, l’après-midi, avec des suspensions le matin et l’après-midi.
Il est déjà prévu dans la mesure où la durée des débats permettrait
peut-être de se rendre compte qu’il va y avoir des congés, du genre 1er
mai, on a prévu dans le programme de vous permettre de faire le pont, comme
on dit. Ça veut dire que si vous voulez partir en week-end et à ce moment-là
prolonger, vous êtes en droit du faire, mais n’oubliez pas de revenir, ou
essayez de ne pas avoir d’accident durant ces moments que vous prendriez pour
vous relaxer.
Vous avez déjà pu rencontrer très brièvement sans doute les huissiers
d’audience ; ce sont des personnages tout à fait charmants qui vous fourniront
bien des explications en tout cas sur les aspects matériels, sur les repas,
sur les indemnités, sur les cartes d’accès au parking. Vous obtiendrez auprès
d’eux tous les renseignements nécessaires.
Un procès d’assises, en ce qui concerne votre rôle de juges, comprend
six grandes parties :
La première, c’est la lecture d’une série d’actes de procédures.
La seconde, c’est l’examen oral de la cause en audience publique
qui comprend l’interrogatoire des accusés, l’audition des témoins et des experts.
Une fois cet examen terminé, la partie civile, ou les parties civiles,
l’avocat général et la défense des accusés prendront la parole pour défendre
leur point de vue à propos des accusations et surtout à propos de la culpabilité
ou de l’innocence de chacun des accusés, éventuellement ce premier temps de
parole sera suivi de répliques de la part de chacune de ces parties.
Une fois cela terminé, les débats seront clos, et le président vous
adressera un questionnaire auquel vous devrez répondre. Vous aurez toutes les
explications techniques sur la manière de répondre, je dis bien techniques,
on ne vous dira pas s’il faut répondre oui, ou non. On dira techniquement comment
il faut répondre à ce questionnaire. Et vous entrerez donc en délibération à
propos de ce questionnaire. Et cette délibération vous permettra de statuer
sur chacune des questions et de vous prononcer sur la culpabilité ou l’innocence
de chacun des accusés et à propos de chacun des faits qui est reproché à chacun
des accusés.
La cinquième étape, c’est votre verdict, la décision d’acquittement si
vous dites que quelqu'un n’est pas coupable. Et dans ce cas-là, il y aura des
ordonnances d’acquittement qui seront rendues. Ou un verdict de culpabilité.
Si vous dites que l’un ou l’autre des accusés est coupable de tout ou d’une
partie des faits qui lui sont reprochés, c’est un verdict, partiellement, mais
qui sera un verdict de culpabilité. Dans ce cas-là, il y aura un deuxième débat
pour ceux des accusés qui auraient été déclarés coupables par votre jury de
l’un ou l’autre des faits ; il y aura un nouveau débat qui concernera la
peine qu’il conviendrait d’appliquer aux faits que vous auriez déclaré établis.
Dans ce débat-là, seul Monsieur l'avocat général et la défense de l’accusé ou
des accusés concernés par le verdict de culpabilité interviendront ; les
parties civiles n’interviendront plus.
Il y aura alors une nouvelle délibération du jury et de la Cour sur
la peine et le prononcé d’un arrêt conforme à cette délibération de la Cour
et du jury réunis.
Nous allons après le repas entreprendre la première partie de cette
longue, longue procédure, c'est-à-dire la lecture des actes de procédures, encore
que je crois savoir qu’il y aura même avant la lecture des actes des conclusions
qui seront prises par certaines parties demandant certaines choses.
Rassurez-vous, quand il sera question de problèmes purement juridiques,
ce ne sera pas à vous de répondre aux questions qui se posent, ce sera uniquement
à la Cour composée de mes deux assesseurs et de moi-même ; les problèmes
d’ordre juridique seront tranchés par la Cour d’assises, mais uniquement par
les magistrats professionnels ; vous n’aurez pas à intervenir dans les
décisions d’ordre purement juridique.
Compte tenu de l’heure, je vais donc maintenant suspendre l’audience.
Nous la reprendrons cet après-midi, à 14 h, de manière à ce que vous puissiez
et nous aussi prendre un repas. D’ici là, vous aurez peut-être encore l’occasion
de rediscuter entre vous, jurés effectifs, si vous maintenez ou non le chef
des jurés actuel. Je vous l’ai dit, c’est jusqu'à ce que les débats soient clôturés,
donc vous avez, à moins que le procès ne soit fini cet après-midi, vous aurez
quelques semaines pour réfléchir à un changement éventuel de chef de jury.
L’audience est suspendue et reprend cet après-midi à 14 h. |
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