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8.7.1. Lecture de déclarations de témoins par le président: Cécile
le témoin 33 et commentaires de la partie civile
Le Président : Alors, on
aborde avec le témoin suivant, le volet de Sovu. le témoin 33, témoin 141.
Alors, il y a peut-être une attestation, ça je ne sais pas, mais je parle moi,
maintenant, d’une déclaration faite le 22 décembre 1995, à Monsieur WATERPLAS
de la police judiciaire. Elle est la suivante :
« Je fais partie depuis 1934 de l’ordre des
bénédictines. En 1959, j’ai été envoyée au Rwanda pour y fonder un monastère
bénédictin, ce que nous avons fait à Sovu. Je suis donc une des fondatrices
du monastère. Depuis lors, j’y suis toujours restée, je ne suis revenue que
trois fois en Belgique pour des périodes d’environ deux mois. En ce qui concerne
les événements, je vous dis d’emblée que j’ai quitté Sovu le lundi 18 avril
1994, et que je n’ai donc pas été témoin de ce qui s’est passé au couvent par
la suite. Au début du mois d’avril, nous étions environ une trentaine de religieuses.
Il y avait également à l’hôtellerie des Américains, j’ignore leur nombre et
la raison de leur présence, ainsi que quelques membres des familles des sœurs.
En journée, il y avait également le personnel du couvent.
Vers le 10 avril 1994, nous ressentions déjà l’insécurité.
Sœur Gertrude est allée seule trouver un colonel qu’elle connaissait à Butare
pour lui demander une protection, soit deux soldats pour le couvent. J’ignore
qui était ce militaire. Elle est revenue bredouille et nous a expliqué qu’elle
n’avait pu obtenir gain de cause. Les premiers réfugiés sont arrivés au couvent
le dimanche 17 avril. Ils sont entrés dans la chapelle et ils sont restés
très peu de temps, quelques heures seulement. Etant donné que l’église, la chapelle,
est petite et afin de la libérer pour les offices, sœur Gertrude et, je crois,
sœur Marie-Jeanne DE MEULEMEESTER, qui est décédée entre-temps, sont allées
parler avec ces gens et les ont invités à se rendre dans le complexe de bâtiments
dans lequel se trouvent le centre de santé et le dispensaire. Il y avait en
effet beaucoup plus de place.
J’ai vu une partie de ces réfugiés, ils n’étaient
à ce moment-là pas encore nombreux mais leur nombre augmentait au fur et à mesure.
Il y avait des hommes, des femmes et des enfants. Le 18 avril 1994 au matin,
lorsque j’ai quitté le couvent, des centaines de réfugiés étaient encore arrivés
et s’attroupaient sur la barza, soit la terrasse extérieure de l’hôtellerie
et du monastère. Je vous montre dans votre album cette barza sur les photos
1 et 2 de la vue panoramique du couvent. Ils n’ont pu rentrer dans les locaux
parce que toutes les portes, aussi bien de l’hôtellerie que du monastère, avaient
été fermées à clé. Vous m’en demandez le pourquoi. C’est pour que le monastère
ne soit pas envahi de tous ces réfugiés. Je vous signale qu’à l’intérieur de
l’hôtellerie se trouvaient déjà environ 36 réfugiés dont une dizaine de membres
des familles des sœurs et à l’intérieur du monastère, il y avait nous, les religieuses
au nombre d’une trentaine. Je pense que c’est sœur Gertrude qui avait fermé
à clé les portes mais cela avait été décidé d’un commun accord. Je ne vois pas
non plus comment on aurait pu donner à manger à tous ces gens. Vous m’interpellez
quant au rôle que sœur Gertrude et sœur Marie Kizito ont tenu pendant les événements.
Je vous dirais qu’elles ont tout fait pour sauver la communauté. J’ai appris
qu’après mon départ, cela a été terrible, qu’elles ont été menacées de mort
et qu’on leur a extorqué de l’argent pour que les sœurs aient la vie sauve.
Sœur Gertrude m’a dit qu’elle a également donné de l’argent dans le but de sauver
des réfugiés.
Lundi 18 avril, sœur Gertrude m’a dit que je devais
quitter le couvent, et devant ma réticence, elle m’a dit qu’elle ne voulait
pas me voir torturée et mourir devant ses yeux. J’ai eu dix minutes pour prendre
mes affaires et je suis montée dans une voiture qui venait du Burundi. Par la
suite, j’ai compris que l’on recherchait les Belges. Notre voiture a même été
arrêtée sur un barrage à l’entrée de Butare et le milicien a demandé au chauffeur
s’il transportait des Belges, sur quoi il a répondu que nous étions tous Polonais.
Au moment où j’ai quitté, il n’y avait pas encore eu un seul mort au couvent.
Les massacres ont commencé par la suite.
Bien que n’étant plus présente à ce moment-là,
je peux vous dire que je crois sœur Gertrude et sœur Kizito toutes deux innocentes.
Je pense que les déclarations de sœur Scholastique et de sœur Marie-Bernard
s’expliquent par un esprit de vengeance du fait que des membres de leur famille
sont morts lors des événements. A ce sujet, sœur Gertrude m’a expliqué, ici
en Belgique, qu’à un moment donné, elle s’est adressée à la communauté des sœurs,
ainsi qu’à tous ceux qui se trouvaient dans l’hôtellerie parmi lesquels se trouvaient
entre autres les membres des familles. Elle leur a dit qu’ils allaient tous
mourir mais que les sœurs pourraient peut-être en réchapper si les autres partaient.
Ces gens sont alors partis et je crois que tous ont été tués. Vous me faites
remarquer qu’en invitant ces gens à partir, sœur Gertrude les a envoyés à une
mort certaine. Il est vrai que l’on pourrait l’interpréter de cette façon mais
je pense qu’elle a toujours essayé de sauver la communauté avant tout.
Je crois également que Madame NOVAK, qui a été
institutrice au couvent, a joué un rôle par la suite en incitant les deux sœurs
à faire des déclarations calomnieuses à charge des sœurs Gertrude et Kizito.
Je n’en ai pas la preuve, bien sûr, mais je sais qu’elle n’aimait pas la sœur
Gertrude. En outre, je considère cette Madame NOVAK comme étant un peu déséquilibrée.
Vous me posez une série d’autres questions, je ne saurais vous répondre, n’étant
plus sur place à cette période, je vous ai dit la vérité ».
Oui ? Maître JASPIS ?
Me. JASPIS : Monsieur le
président, si vous le permettez, je voudrais faire un petit commentaire ?
Le Président : Oui.
Me. JASPIS : Concernant Madame
NOVAK, simplement rappeler à Mesdames et Messieurs les membres du jury qu’il
s’agit de Madame le témoin 20, je vois que vous avez fait le lien, vous avez pu apprécier
le niveau de déséquilibre de cette personne. Merci.
Le Président : D’autres commentaires ?
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