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5.2.1. Présentation des parties : Vincent NTEZIMANA
Le Greffier : La Cour
Le Président : L'audience est reprise, vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent
prendre place.
Monsieur NTEZIMANA, je vais vous demander de bien
vouloir vous lever pendant que je vous interroge et donc, comme je l'ai signalé
tout à l'heure, cet interrogatoire ne portera aujourd'hui que sur votre curriculum
vitae. Euh… j'ai devant moi le curriculum vitae qui a été établi par la police
judiciaire à la demande du juge d'instruction et je trouve ça très technique
comme ça, très scientifique. Nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance…
alors qu'habituellement lorsque des personnes sont entendues à propos de leur
curriculum vitae, elles s'expriment dans des phrases, c'est peut-être votre
esprit scientifique qui a voulu que ce soit présenté de cette manière-là.
Vincent NTEZIMANA : Non, c'est par rapport aux questions
qui m'étaient posées.
Le Président : Ah ! Bien, on ne vous a pas posé beaucoup de questions apparemment
hein ?
Vincent NTEZIMANA : Non…
Le Président : On vous a demandé quel était votre nom, que les enquêteurs semblaient
quand même déjà savoir, j'imagine…
Vincent NTEZIMANA : Si le loisir m'était donné maintenant,
je m'étendrais un peu plus longuement.
Le Président : Donc, Monsieur NTEZIMANA vous êtes né en 1961, vous allez donc avoir
prochainement 40 ans.
Vincent NTEZIMANA : Oui, Monsieur le président.
Le Président : Vous êtes de nationalité rwandaise.
Vincent NTEZIMANA : Oui, Monsieur le président.
Le Président : Vous êtes né à Murambi.
Vincent NTEZIMANA : Murambi au Rwanda, Monsieur le
président.
Le Président : Vous êtes marié, depuis quelle année êtes-vous marié ?
Vincent NTEZIMANA : Depuis le 5 octobre 1986, Monsieur
le président.
Le Président : C’est ça. Vous-même vous avez une formation donc de physicien, vous
êtes docteur en physique ?
Vincent NTEZIMANA : Je suis docteur en physique.
Le Président : Vous avez peut-être une spécialité ?
Vincent NTEZIMANA : J'ai effectué mes recherches sur
la modernisation en météorologie dans le domaine du climat et de la prévision
météorologique, Monsieur le président.
Le Président : Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi vous avez peut-être choisi
cette spécialisation plutôt qu'une autre ? je ne sais pas, que la physique
nucléaire…
Vincent NTEZIMANA : Oui, eh bien, en fait, je suis
donc… je viens d'une famille d'exploitants agricoles modestes et donc j'ai vécu
de près les difficultés que peuvent avoir les paysans sur les collines, euh…
en l'occurrence suite à l'irrégularité des saisons. Il arrive souvent qu'une
fois les pluies attendues ne tombent pas et que les paysans ont fait leurs semences,
si la pluie ne tombe pas les semences meurent, ne poussent pas et que ça entraîne
des disettes. Donc, c'est une question qui m'a préoccupé, je pensais à contribuer
à fournir une information précise pour permettre aux agriculteurs de mieux préparer,
mieux programmer leurs semences et c'est pour ça que je me suis davantage orienté
dans le domaine de la climatologie et que j'ai réalisé mes recherches sur la
modernisation météorologique, Monsieur le président.
Le Président : C'est ça, donc je dirais que ça avait un but socio-économique.
Vincent NTEZIMANA : Exactement, c'était une préoccupation
que j'avais, depuis pratiquement l'école secondaire, de pouvoir contribuer à
soulager le sort de mes compatriotes et plus tard je me suis orienté dans le
domaine de la climatologie et de la météorologie.
Le Président : C'est ça. Donc, sur le plan familial vous êtes marié, vous avez trois
enfants.
Vincent NTEZIMANA : Je suis marié. Donc, je me suis
marié le 5 octobre 1986, une année plus tard donc, soit le 22 août 87 donc,
est née ma fille Lucrèce qui a 13 ans maintenant et plus tard en 93, le 23 février
précisément donc, c'est la naissance de Jean-Claude, un garçon et donc une année
plus tard, le 22 mai 94 donc j'ai eu le plaisir d'avoir mon fils Bryan.
Le Président : Au fond, votre fils Bryan est né pendant que les événements se déroulaient
au Rwanda. Mais il n'est pas né au Rwanda hein, votre épouse était à cette époque-là,
je crois, aux États-Unis ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, donc, mon épouse qui était
assistante au département de sociologie de l'université était allée aux Etats-Unis
pour assister à un colloque de la Banque Mondiale, elle était partie enceinte
et devait revenir plus tôt, donc avant la naissance de mon fils, mais suite
à la guerre elle a été bloquée aux Etats-Unis et elle a accouché là-bas.
Le Président : Oui, alors quand je lis ce procès-verbal à propos notamment de vos
enfants, je vois que le premier enfant Lucrèce, votre fille, s'appelle MUREKEYISONI
Lucrèce, que votre second enfant Jean-Claude s'appelle NGENZI Jean-Claude, que
votre troisième enfant NTEZIMANA Bryan. Vous pouvez m'expliquer peut-être pourquoi
ce sont des choses que nous ne comprenons peut-être pas pourquoi des enfants
du même père et de la même mère ne portent pas tous le même patronyme ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, eh bien, selon la tradition
rwandaise, le nom de l'enfant lui est accordé par les parents en fonction de
la situation que vit la famille, c'est parfois le père de l'enfant qui donne
le nom pour exprimer un sentiment ou sa maman pour exprimer un sentiment et
donc le nom lui est accordé, lui est attribué huit jours avant la naissance
dans une cérémonie où la famille et les amis de la famille se rassemblent et
donc chacun attribue un nom mais c'est celui du père et de la mère attribué
par le père et la mère qui reste le nom officiel. Lucrèce MUREKEYISONI donc
c'est comme ça.
Le Président : NTEZIMANA par exemple, votre patronyme signifie quelque chose, peut-être
traduit en français, je ne sais pas.
Vincent NTEZIMANA : Oui donc mon nom NTEZIMANA, c'est
un nom qui m'a été donné par ma mère, euh, donc, c'est quelqu'un, en fait, la
situation par rapport à une certaine situation, elle dit qu'elle compte sur
la bonté divine. Donc ZIMANA MANA au Rwanda c'est Dieu et TEZI c'est, j'attends,
je compte sur Dieu pour me porter secours, pour me tirer de problèmes. Donc,
c'est un sentiment qu'exprimait ma mère par rapport à une situation qu'elle
vivait, que je ne connais pas donc qu'elle a voulu exprimer en me donnant ce
nom-là.
Le Président : Vous pouvez exposer quel a été votre parcours scolaire et quand je
dis scolaire c'est jusqu'au plus haut niveau universitaire ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, donc, je suis entré à l'école
secondaire en 1974 dans un collège proche de Gitarama et j'ai été orienté dans
la section scientifique qui est effectué après un test, donc trois ans après
l'école secondaire, j'ai été orienté à Byimana. Byimana est une école qui recevait
c'est l'une des écoles qui recevait les meilleurs. Donc j'ai été orienté dans
cette école-là. Et à la fin de cette école, donc des humanités, il y a des demandes
de bourses d'études, il y a des concours et donc à la fin des humanités j'ai
réussi un concours pour faire ingénieur statisticien, j'ai aussi obtenu une
bourse d'études pour la physique, mais j'ai préféré faire la physique c'est
ce que je préférais donc je suis entré à l'université à Louvain-la-Neuve,
parce que j'avais obtenu une bourse de la coopération belgo-rwandaise. En 1980,
j'ai réussi donc mes études après 4 ans d'études, de licence que j'ai réussies
dans de bonnes conditions et donc après le diplôme de licence je suis rentré
directement au Rwanda, j'avais toujours dans mon esprit je viens d'une famille
modeste mais je disais toujours que ce serait bien de pouvoir participer au
développement de mon pays et alors qu'eux, beh… il arrivait à des étudiants
qu'une fois terminé brillamment de pouvoir avoir les contrats en Belgique, mais
j'estimais qu'il était prioritaire pour moi de pouvoir rentrer et contribuer
au développement de mon pays.
Donc, je rentre en septembre 94 et j'ai demandé
du travail à l'université, j'ai formulé une demande à l'université, j'ai été
engagé un mois après comme assistant auprès du département de physique où je
dispensais des séances d'exercices ou des cours à des étudiants et donc, trois
ans plus tard, j'ai aussi postulé pour une bourse d'études pour le doctorat
et c'est donc quand je l'ai obtenue pour de nouveau le terminer à Louvain-la-Neuve
et c'est à ce moment-là que j'ai commencé mes recherches en physique dans le
domaine que j'ai cité, dans la climatologie, la météorologie sous la direction
du professeur BERGER et j'ai défendu ma thèse le 10 mars 93. Et donc aussitôt,
en fait quand j'ai terminé ma thèse, le professeur BERGER était d'accord pour
m'accorder un contrat mais là j'ai eu le cœur balancé entre rester ici ou rentrer
au Rwanda, parce qu'il y avait la guerre au Rwanda, euh…, c'était difficile
par ailleurs en Belgique, j'aurais gagné sans doute beaucoup plus, pour vous
donner une idée comme chargé de cours je gagnais l'équivalent de 7.000 francs
belges.
Le Président : Vous pouvez dire ce que c'est en francs rwandais ?
Vincent NTEZIMANA : En rwandais c'était 35.000 francs
rwandais. Et donc le franc belge était l'équivalent de 5 francs rwandais. Donc,
j'avais 35.000 francs rwandais. En Belgique j'aurais sans doute gagné beaucoup
plus mais je me suis dit : « J'ai fait la climatologie et la météorologie
pour servir mon pays », et c'est tombé au moment où, en même temps à la
faculté, il manquait un professeur d'astronomie un cours d'astronomie qui
était un cours obligatoire pour des étudiants de 1ère licence, le
professeur qui le dispensait donc, le professeur étranger ne pouvait pas
venir et le conseil de faculté qui venait de se tenir était informé de ce que
je venais de défendre ma thèse, donc d'anciens collègues m'ont téléphoné pour
me dire que les autorités de la faculté auraient bien aimé que je puisse rentrer
et dispenser ce cours. Je suis donc rentré allez j'ai défendu ma thèse le
10 mars 93 je suis rentré le 8 avril 93, j'étais donc réengagé à l'université.
Je recommençais les cours. J'ai repris des cours.
Le Président : C'est ça. Au sein de l'université donc, vous étiez chargé de cours,
vous avez également semble-t-il été président ou sur le point de devenir président
d'une association du personnel de l'université.
Vincent NTEZIMANA : J'étais président effectif, Monsieur
le président. On a parlé d'une histoire de nomination effective qui ne l'était
pas encore parce que l'acte notarial n'était pas encore sorti au journal officiel,
sinon, au niveau de l'université je représentais bel et bien mes collègues au
niveau du conseil universitaire.
Le Président : C'est çà et ça c'est depuis apparemment le mois de décembre 1993 ?
Vincent NTEZIMANA : Oui c'est depuis fin 93 parce
que l'équipe, donc le comité qui gérait l'association se renouvelait, j'ai présenté
ma candidature et mes collègues m'ont élu président de l'association Campus
de Butare.
Le Président : Pour en revenir peut-être quand même un instant à vos origines familiales,
votre père et votre mère sont tous les deux décédés ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, c'est exact, ma mère est
décédée quelques mois après mon entrée à l'école secondaire. Donc, nous étions
7 enfants dont je suis le second d'une famille de 7 enfants, nous sommes 4 garçons
et 3 filles. Donc, mon papa a été le seul à nous élever, ce qui a par ailleurs
entraîné quelques difficultés, hein, pour mon papa à réunir les frais de scolarité,
j'ai dû recourir à la bonté et à la bienveillance d'un religieux du collège
que je fréquentais. C'était un collège géré par des frères joséphites et l'un
des religieux à qui donc j'avais exposé mon problème, au frère directeur qui
en a parlé à ses confrères et l'un des religieux qui était… comment… touché
par le problème que j'avais, s'est proposé pour le soutenir financièrement jusqu'à
la fin de mes études. Je dois dire d'ailleurs, par rapport aux accusations qui
me sont formulées contre moi, je n'apprécie pas beaucoup de préciser les ethnies
quand il s'agit de personne, mais ici la personne qui m'a soutenu est d’ethnie
Tutsi, c'est quelqu'un à qui je dois beaucoup de reconnaissance en fait.
Le Président : C'est ça. Euh… votre papa est décédé à quel moment ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, mon papa est décédé donc
en 94 en juillet-août ou septembre là je n'ai pas de précision…
Le Président : Dans quelles circonstances ? On voit beaucoup dans le dossier
des différences que l'on fait, il est mort de maladie et on semble dire qu'on
parle de ça quand ce n'est pas dans le génocide. Votre père est-il… ?
Vincent NTEZIMANA : Il était réfugié au Congo et il
est mort de maladie.
Le Président : C'est ça. Vos frères et sœurs sont encore tous en vie ?
Vincent NTEZIMANA : Mes frères et sœurs sont tous
en vie. Ils vivent au Rwanda. Une de mes sœurs viendra témoigner ici, elle a
vécu le génocide enfin tout le monde l'a vécu de très près mais son histoire
est assez exceptionnelle parce qu'elle était la doyenne d'un couvent où ses
consœurs, les religieuses des miliciens arrivent dans la maison où elles étaient,
lui demandent de livrer ses consœurs, elle a refusé et a dit que si on les amenait,
qu'on l'emmène aussi alors. Ce qui s'est passé. Les miliciens les ont amenées
dans un bois, ils ont lancé des grenades, les ont fusillées et alors en fait
presque tout le monde est mort. C'est donc les consœurs qui ont trouvé certaines
blessées, elle avait été blessée par deux balles à la jambe. Elle viendra témoigner.
Le Président : Monsieur NTEZIMANA à côté de vos études qui ont, je crois, été assez
brillantes, il faut bien dire ce qui est hein…
Vincent NTEZIMANA : S'il vous plaît !
Le Président : …vos études qui ont été, semble-t-il, brillantes hein, c'était au
niveau universitaire, les résultats étaient plutôt bons, hein…
Vincent NTEZIMANA : Oui c'est le cas.
Le Président : …vous aviez aussi en tout cas, vous avez eu, semble-t-il, à partir
du mois d'octobre 1990, alors que vous étiez en Belgique en train de poursuivre
votre doctorat, je pense, à ce moment-là ?
Vincent NTEZIMANA : J'effectuais mes études, donc
mes recherches et le doctorat comme étudiant donc à Louvain-la-Neuve en 1990.
Le Président : Vous avez, semble-t-il à partir de ce moment-là, commencé à avoir
un engagement politique.
Vincent NTEZIMANA : C'est exact. Donc, dès l'occasion,
dès que l'occasion s'est présentée effectivement, il faut dire qu'auparavant
c'était pas facile hein. Donc, dès le mois d'octobre 90 avec je vais dire
comme il apparaît effectivement, je reste difficilement indifférent par rapport
à une situation sans pouvoir m'exprimer.
Le Président : Cette situation octobre 90, c'est une date quand même un peu particulière,
non ? Qu'est-ce qui se passe en octobre 1990 ?
Vincent NTEZIMANA : Au Rwanda en octobre 90, le FPR
lance une attaque le 1er octobre 90 et donc, là où nous sommes étudiants
rwandais en Belgique, nous disons : « Mais tiens, nos compatriotes
sont en train de souffrir, il faut nous réunir pour adopter une position ».
Personnellement, j'étais d'accord avec certaines revendications du FPR, mais
je n'étais pas d'accord avec l'option militaire qu'il avait prise, parce que
je considère que la voie armée n'est pas la méthode la mieux indiquée pour résoudre
un problème politique. Donc, à plusieurs 200 peut-être même à plusieurs
nous nous sommes réunis précisément le 6 octobre 90, pour adopter une position
face à l'attaque du FPR. Et à cette occasion donc, l'association informelle,
qui deviendra une véritable association avec des statuts, a été créée, donc
c'est la Communauté des étudiants rwandais en Belgique, dont les activités,
au départ, se focalisaient sur ce que le FPR faisait une propagande, faisant
croire qu'il apportait la démocratie, et à mon sens, on ne peut pas apporter
une démocratie par les armes et ce point de vue était partagé par de nombreux
étudiants et nous l'avons défendu au sein de l'association.
Malheureusement, peu après la naissance du multipartisme
en juillet 91, l'association va devenir une sorte d'outil, d'instrument donc,
des partisans du parti présidentiel. Moi, j'étais plus favorable à l'opposition,
j'étais d'ailleurs, dès juillet 91, moi-même engagé au sein du Mouvement démocratique
républicain qui était le principal parti de l'opposition. Nous condamnions la
lutte armée du FPR mais nous demandions en même temps au régime du général le témoin 32
une ouverture démocratique. Nous n'étions donc pas d'accord parce que l'association
devienne un instrument d'une seule tendance et nous avons finalement - le problème
de dissension s’étant accru - et nous avons été amenés à démissionner massivement
le 2 mai 92. La lettre de démission collective j'ai participé à sa rédaction,
je l'ai même dactylographiée moi-même - les enquêteurs l'ont retrouvée sur mon
ancien ordinateur, et figure au dossier, donc j'ai participé à sa rédaction,
je l'ai dactylographiée moi-même, j'ai démissionné parce qu'on ne parvenait
plus à s'entendre sur une position de condamner la guerre tout en demandant
une ouverture démocratique.
Parallèlement donc, j'ai plutôt mes positions politiques,
mes activités politiques, je les ai défendues au sein de la section du MDR au
Benelux, auquel j'avais adhéré. Euh, j'y avais adhéré en juillet et j'avais
été élu secrétaire de la section en octobre 91, oui 91 et donc, j'étais l'un
des représentants de mon parti ici en Belgique. A ce titre, j'ai participé à
l'élaboration de nombreux documents, j'ai publié des communiqués condamnant
autant la guerre du FPR que les dérives du régime le témoin 32. A titre d'illustration,
lorsque des massacres sont commis dans la région du Bugesera le 5 mars 1992,
après diffusion d'un communiqué qui appelait à la haine ethnique, c'est à cinq
reprises à la radio nationale, j'ai participé à l'élaboration d'un document
nous sommes trois à l'avoir signé donc de mon parti pour dénoncer cette
dérive, cette violation au vu et au su du régime qui restait, à mon sens, indifférent
par rapport à ces violations des droits de l'homme.
Le Président : C'est ça. Vous êtes resté membre du MDR jusqu'en 92 ou 93 ?
Vincent NTEZIMANA : Jusqu'en 93. Donc…
Le Président : Qu'est-ce qui se passe en 93 qui fait que vous allez vous diriger
vers quelque chose d'autre ?
Vincent NTEZIMANA : Donc, quand je suis rentré donc
le 8 avril 93, quand je suis rentré mon parti était divisé donc, suite à une
attaque du FPR le 8 février 93, juste après la signature du Protocole d'accord
sur le partage du pouvoir, hé bien le leader de l'opposition, l'attitude était
au départ nous nous disions : « Mais tiens, en fait, si on montre
au FPR que nous avons la bonne foi de collaborer avec lui, eh bien il y a moyen
du convaincre d'abandonner sa logique de guerre », que nous pourrions
à travers des discussions, de débats, d'abandonner la logique de guerre. D'ailleurs
ces discussions avaient commencé à Bruxelles le 29 mai 92 et s'étaient conclues
le 3, ici à Bruxelles, le 3 juin 92. Je les ai suivies de près, c'est pour ça
que je me souviens des dates exactement, j'assurais les tendances pour le leader
de mon parti, hé bien, le communiqué qui sanctionnait ces pourparlers, stipulait,
entre autre, que la lutte armée doit céder le pas à la lutte démocratique.
Bien, quand mon leader était venu voir les gens
du FPR, ils étaient inquiets, ils se disaient : « Mais tiens, au pays
la population va nous traiter de traître, qu'est-ce qui va se passer ?
», j'étais de ceux qui les encourageaient parce que, en tout état de cause,
il faut discuter pour mettre fin à une guerre. Mais cette attaque-là, donc en
fait - le lendemain de la signature du communiqué conjoint qui sanctionnait
les pourparlers - eh bien, le FPR a lancé une attaque sur la ville de Byumba
et a occasionné 300.000 déplacés de guerre, en moins de 24 heures. Hé bien,
il signe un communiqué conjoint stipulant que la lutte armée doit céder le pas
à la lutte démocratique, que le Parti démocratique et le FPR allaient collaborer
politiquement pour lutter contre la dictature mais en moins de 24 heures enfin
pour moi il montre qu'il n'est pas sérieux. Enfin, d'ailleurs en juillet 93,
le représentant du FPR me propose d'organiser une manifestation commune et une
conférence de presse avec les représentants du FPR pour dénoncer, dit-il, la
présence du général le témoin 32 à Bruxelles, donc j'étais secrétaire de la section,
je lui dis : « Vous savez, je vais transmettre votre demande au comité,
mais d'ores et déjà, vous devez savoir que, pour moi, c'est non, parce que vous
nous avez déçus, vous nous avez déçus il y a quelques semaines ».
Et finalement les membres du comité vont se rallier
à mon point de vue et nous dirons non et donc en juillet le 20 juillet 93
c'est déjà le début d'une sorte, donc ici se développe au sein des partisans
du FPR une idée comme quoi je serais extrémiste parce que j'aurais refusé
de collaborer avec eux, alors qu'eux, les leaders de mon parti, avaient signé
un communiqué conjoint stipulant qu'on allait collaborer politiquement. Pour
moi, tant que le FPR n'aurait pas fourni les preuves de bonne foi, alors qu'ils
avaient déçu, il était prématuré d'organiser, on devait dialoguer mais organiser
des activités politiques communes avec lui me paraissait prématuré. Et en 93,
quand je rentre au pays, une affaire du même style venait de se passer, donc
le 8 février 93, de nouveau, le FPR avait lancé une attaque de grande envergure
sur la ville de Ruhengeri entraînant 1 million de déplacés cette fois. Cela
s'est passé juste après la signature…
Le Président : Ce n'est pas une salle de concert ici, c'est une salle d'audience.
Alors de grâce, les personnes qui ont un GSM, ou bien elles sortent de la salle
d'audience, ou bien elles coupent leur GSM quand elles sont à l'intérieur.
Le Président : Oui, je vous en prie.
Vincent NTEZIMANA : Oui, je disais donc que le FPR
qui venait de lancer une attaque de grande envergure l’a fait aussitôt après
la signature du Protocole d'accord sur le partage du pouvoir et ce qui a entraîné
des dissensions au sein donc de l'opposition, parce que certains estimaient
que le FPR avait déçu et qu'il fallait le condamner vigoureusement, certains
même révisaient leur position pour dire : « Mais tiens, vous
savez, nous avions lancé une guerre sans merci contre le régime le témoin 32,
maintenant on peut, à la limite, le réviser parce que le FPR nous déçoit beaucoup »,
d'autres préféraient fermer les yeux en disant : « Mais tiens, le
condamner l'inciterait davantage à la guerre », et au milieu, naturellement,
se situaient d'autres qui disaient : « Voilà, on va toujours
maintenir le cap contre le régime, dénoncer les abus du régime mais tout en
dénonçant le FPR ».
Et donc, au sein de mon parti, les gens n’arrivent
pas à se comprendre, à s'entendre, mais il y avait aussi une autre source de
division, c'est parce que suite au Protocole d'accord sur le partage du pouvoir,
il y avait un début de lutte intestine pour décrocher des postes. Chacune des
tendances voulant avoir le gros morceau, en quelque sorte, que les postes accordés
aux partis politiques par les accords d'Arusha au niveau du gouvernement et
au niveau du parlement, donc des divisions se sont accentuées et donc les partis
politiques n'étaient plus un creuset d'idées, ils étaient devenus des lieux
de luttes intestines et quand je rentre au pays la situation est comme ça et
était en train de naître une association qui voulait, à mon sens, recentrer
le débat, Forum et Démocratie, qui était dirigé par un des leaders du MDR, Emmanuel
GAPYISI. Eh bien, la première revue de l'association qui développait nos points
de vue, est sortie mais a été suivie des critiques acerbes, parmi certaines
presses à Kigali et par la radio RTLM, pardon pas la radio RTLM, la radio MUHABURA,
la radio du FPR.
Donc, les critiques disaient : « Tiens,
l'association Forum et Démocratie, ce sont des jongleurs imprudents, c'est une
descente aux enfers », alors que nous n'avions fait rien d'autre que de
condamner la guerre et de dénoncer les abus du régime. Eh bien, Emmanuel GAPYISI
sera assassiné le 20 mai 93 et nous avons bien entendu été pris de panique en
disant : « Mais tiens ça pourra être notre tour », nous ne savions
pas qui était le commanditaire ni l'auteur de cet assassinat, mais nous avons
été pris de panique. Mais d'un autre côté aussi, au sein du MDR, nous perdions
un digne représentant un digne porte-parole de notre point de vue et nous nous
sommes dit : « Mais tiens il faut croiser les bras. Est-ce qu'il faut
croiser les bras ? Qu'est-ce qu'on doit faire maintenant ? Au sein
du MDR on ne peut plus s'exprimer ! Qu'est-ce qu'on doit faire ? ».
Et donc, c'est ainsi, qu'avec quelques collègues de l'université, que nous avons
créé un parti qui était un petit parti mais on pouvait se réunir, préparer un
programme politique et le présenter à la population, parce que le parti de l'opposition
que nous avions soutenu, s'était perdu plutôt dans des querelles intestines,
ne présentait pas de perspectives pour le pays, voilà donc…
Le Président : Quel est ce parti que vous avez…
Vincent NTEZIMANA : Le parti, c'est le Parti du Renouveau
Démocratique. Le PRD.
Le Président : Vous avez été donc, un des membres fondateurs de ce parti ?
Vincent NTEZIMANA : Je suis donc, j'en ai été un des
membres fondateurs et j'en ai été, lors de l'assemblée constituante, élu secrétaire
général.
Le Président : Vous pouvez me rappeler qui étaient les autres membres fondateurs
de ce parti ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, parmi les autres membres
fondateurs, il y a KANISIUS, il y avait Alexis NSABIMANA, il y avait Aster RUTIBABALIRA,
il y avait euh…, le nom m’échappe, je vois le visage mais le nom m'échappe en
fait.
Le Président : Est-ce que l'un de ces fondateurs n'a pas été, après le 6 avril 1994,
très proche du gouvernement intérimaire et même chef des services de renseignements ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, c'est exact. Donc, Alexis
NSABIMANA, qui était président de notre parti, a donc… je l'ai appris par la
radio nationale qu'il était désigné par le gouvernement KAMBANDA comme étant
donc le chef des services de renseignements de son gouvernement. C'est exact,
mais il ne l'a pas demandé, il n'a pas eu l'aval du comité exécutif de notre
parti.
Le Président : Je crois aussi avoir lu quelque part dans le dossier, que le PRD aurait
à un moment donné fait un communiqué où il fait allégeance quelque part
au gouvernement intérimaire ?
Vincent NTEZIMANA : A ma connaissance, à ma connaissance, il y avait
donc au niveau du parti, des membres du comité pour la plupart étaient à Butare
il n'y en a pas un qui m’ait…
[Interruption d'enregistrement]
Vincent NTEZIMANA : …que par rapport aux affrontements vis-à-vis du
FPR, j’étais opposé à la guerre contre le FPR. Mais par rapport au gouvernement,
je n’avais aucune raison du soutenir.
Le Président : On a retracé
ainsi votre parcours politique ? Vous êtes resté au Rwanda jusqu’à quelle
date ?
Vincent NTEZIMANA : Je suis resté au Rwanda jusqu’au 14 juillet 1994.
Le Président : à Butare.
Vincent NTEZIMANA : Non, en fait j’ai dû fuir Butare le 26 mai
1994 parce que j’étais inquiet, j’avais caché des gens. Les militaires étaient
déjà venus me menacer à plusieurs reprises et finalement j’ai été pris de panique,
j’ai dû quitter Butare. Je suis passé par la région d’où je suis né pour
aller à Gisenyi. Je ne suis pas resté longtemps dans ma région natale parce
que là-bas, j’étais comme partisan de l’opposition, j’étais mal vu et c’était
très risqué d’y rester.
Le Président : Vous avez quitté finalement le Rwanda le 14 juillet
1994.
Vincent NTEZIMANA : J’étais à Gisenyi à ce moment-là. J’ai fui
vers Goma, la ville congolaise mitoyenne de Gisenyi. Je suis resté une
semaine, une semaine et demie et j’ai quitté Goma vers Nairobi d’où je suis
reparti pour venir ici en Belgique et je suis arrivé en Belgique le 2 août 1994.
Le Président : On semble dire dans certaines choses qu’on a entendues
tantôt, on fuit vers la Belgique parce qu’on croit qu’on n’y sera pas poursuivi.
Vous avez fui vers la Belgique parce que vous pensiez ne pas y être poursuivi
ou parce que vous y aviez peut-être quelques attaches ?
Vincent NTEZIMANA : Ce n’est pas par gaîté de cœur qu’on quitte son
pays. La Belgique, je l’avais quittée un an auparavant et quand j’ai quitté
mon pays, c’est à cause de la guerre, ce n’était pas… je crois que tout le
monde a pu se rendre compte de la situation qui régnait à Goma qui était une
situation horrible. C’était avec joie que je puisse venir en Belgique pour fuir
cette situation d’horreur. Ce n’était pas pour fuir une certaine justice du
FPR. Cela étant, j’avais des raisons de croire que le FPR, qui effectuait un
nettoyage aussi, surtout qui visait les intellectuels, surtout que je ne l’avais
pas appuyé, j’avais refusé de collaborer avec lui, aurait pu exercer des représailles
à mon sujet. Quand j’ai fui, c’était pour ma sécurité. D’un autre côté, j’avais
déjà, en janvier 1994, entrepris des démarches pour un stage de deux mois à
l’université catholique de Louvain pour pouvoir effectuer une publication, quelques
publications sur les résultats de ma thèse. C’est un élément qui a joué pour
sans doute que je puisse venir en Belgique parce que j’avais effectué déjà des
démarches dès janvier 1994.
Le Président : De quoi vivez-vous en Belgique actuellement ?
Vous avez dit, au moment de votre interrogatoire d’identité, que vous étiez
sans profession. De quoi vivez-vous ? Est-ce que votre épouse travaille ?
Est-ce que sans profession vous travaillez quand même ?
Vincent NTEZIMANA : Aujourd’hui, je vis depuis mon arrestation, ma
famille vit de l’aide du CPAS. Avant mon arrestation, j’avais une bourse d’étude
à l’U.C.L. parce que j’y effectuais des recherches.
Le Président : A part la physique, la météorologie, la climatologie,
la politique, vous avez d’autres passions dans la vie ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, Monsieur le président, depuis l’école secondaire,
je pratique le sport, je fais du basket et depuis les trois ans d’orientation
du secondaire, j’étais dans l’équipe du collège à la section scientifique de
Byimana aussi, j’étais dans l’équipe de base du collège. Notre équipe était
en première division. Nous effectuions le championnat en première division,
nous n’étions pas parmi les premiers, bien entendu, mais je pratiquais le sport
que j’ai continué à pratiquer à Louvain-la-Neuve, qui a été une occasion pour
moi d’ouvrir des horizons, qui m’a permis de connaître des étudiants qu’éventuellement
je n’aurais pas connus autrement, que j’aurais éventuellement connu des étudiants
du département physique.
Mais ici, j’ai pu rencontrer d’autres étudiants surtout au niveau
du sport, c’est plus détendu. Nous avions une équipe de burundais et de rwandais,
j’ai pu apprécier des étudiants burundais, j’ai rencontré des étudiants rwandais
réfugiés au Burundi, par qui j’ai appris la misère dans laquelle vivait… jusqu’alors
le problème des réfugiés n’était pas très présent. Ce n’était pas un problème
d’actualité au niveau du pays. Je n’étais pas le seul à ne pas être très au
fait de ces problèmes mais grâce à ces rencontres, j’ai pu appréhender mieux
la situation difficile dans laquelle étaient par exemple des réfugiés rwandais
au Burundi. A ce moment-là, j’ai appris par exemple qu’il y avait plusieurs
centaines de milliers de rwandais dans des camps de réfugiés. Je ne savais pas.
Bref, la pratique du sport m’a permis aussi de nouer des contacts, d’ouvrir
des horizons et cela correspondait en quelque sorte aussi à un des enseignements
de mon père. Comme disait mon père, il disait : « Ecoute, mon fils,
il n’y a pas mieux pour un enfant que la formation scolaire, l’ouverture d’esprit
et la confiance en l’autre » ; il disait : « Il faut
faire confiance à la bonne foi des gens, l’ouverture d’esprit ».
Le Président : Monsieur NTEZIMANA, vous aviez des amis Tutsi,
j’imagine.
Vincent NTEZIMANA : c’est exact.
Le Président : Vous avez recueilli chez vous des personnes qui
étaient susceptibles en tout cas d’être d’origine Tutsi ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, c’est exact, Monsieur le président, ce sont
des personnes, je ne les connaissais pas, ces gens. Quand je les ai rencontrés
pour la première fois, c’était un de mes voisins, je crois qu’il reviendra souvent
dans les débats, c’est le capitaine de défense NIZEYIMANA. Je passe chez lui.
Et chez lui viennent d’arriver deux personnes qui fuient les massacres
à Kigali et la raison pour laquelle elles passaient là-bas, c’est parce que
le capitaine NIZEYIMANA hébergeait lui-même une famille Tutsi et une autre famille
dont j’ignore l’ethnie. Et cette famille Tutsi, un des frères du monsieur faisait
partie des deux. J’arrive là-bas, je cause avec eux, ils se présentent…
Le Président : Pas nécessairement entrer dans les détails. Vous
avez donc accueilli…
Vincent NTEZIMANA : C’est cela. Finalement, je leur ai proposé de venir
chez moi. Ils sont venus et ils sont restés avec moi. Nous avons eu des difficultés.
Et c’est en raison de leur présence chez moi que nous avons été menacés, que
j’ai dû fuir la ville de Butare.
Le Président : Vous voyez éventuellement encore autre chose pour
éclairer votre personnalité après que j’ai dit que vous n’ayez jamais été condamné
en Belgique pour quoi que ce soit ? Votre bulletin de renseignements, votre
extrait de casier de judiciaire ne mentionnent aucune condamnation ?
Vincent NTEZIMANA : Non, je n’ai jamais été inquiété avant cette
affaire.
Le Président : Vous aviez demandé, je crois, le statut de réfugié
politique ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, j’ai demandé le statut de réfugié. Quand je
suis arrivé en premier temps en Belgique, je me disais : « Les choses
vont se décanter au Rwanda dans quelques mois, éventuellement cela prendra un
ou deux ans et l’occasion se présentera et je rentrerai », je n’étais pas
candidat pour demander l’asile. Et quand les accusations ont commencé à fuser,
que j’avais porté plainte, j’avais demandé d’être entendu par les autorités
judiciaires mais rien ne venait et la presse commençait à en parler. Je me suis
dit : « Tiens, la presse en parle sur place, les gens, les soldats
vont croire que je suis un criminel, ce serait dangereux pour moi de rentrer
au Rwanda », et j’ai demandé l’asile lorsque j’étais en prison. Avant que
je ne sois arrêté, je croyais toujours que je pouvais rentrer endéans quelques
mois, éventuellement un ou deux ans.
Le Président : Monsieur NTEZIMANA, encore une chose, en dehors
de vos activités politiques au Rwanda, est-ce que vous n’avez pas eu aussi des
activités d’ordre social et culturel, notamment avec Monsieur HIGANIRO ou
dans une association dont vous faisiez tous les deux parties.
Vincent NTEZIMANA : Oui, c’est exact. Comme je vous ai dit, Monsieur
le président, j’ai moi-même effectué mes études grâce à la bienveillance des
frères, donc des religieux. A la même époque, je dois vous dire, Monsieur le
président, qu’une de mes sœurs n’a pas pu effectuer ses études, elle n’a pas
pu continuer ses études, elle était la meilleure de la classe en 6ème,
donc en dernière primaire, et devait passer les tests pour passer à l’école
secondaire, mais elle n’a pas pu passer les tests parce que mon papa ne savait
pas payer les 100 francs d’inscription, 100 francs rwandais, c’était l’équivalent
de 40 francs belges. Cela fait mal. Elle était la meilleure de la classe. Moi-même,
j’ai bénéficié de la bienveillance d’un religieux et j’ai connu d’autres garçons,
d’autres enfants en difficulté comme ça. C’est une question qui m’est souvent
revenue, qui m’a souvent été posée et quand j’ai terminé mes études, j’avais
un salaire, je pouvais subvenir à mes besoins, je pouvais aider mes frères directs
mais je n’avais pas à moi seul les moyens de pouvoir aider toutes les personnes,
tous les enfants que j’estimais qu’ils avaient la bonne volonté pour effectuer
des études mais qui n’en avaient pas les moyens. Alors, j’ai pensé : « Dans
ce cas, réunissons des gens qui avaient un salaire, qui avaient des moyens,
des commerçants, en les sensibilisant, on pouvait créer une association qui
aurait pu aider ces enfants ».
Et il y avait, en filigrane, un autre problème parallèle, c’est l’accès
aux médicaments. Les pharmacies, il y en avait dans les villes, à Kigali, à Gisenyi
mais sur les collines, il n’y a pas de pharmacie et les hôpitaux prescrivaient
des médicaments, ne les donnaient pas et finalement il n’y avait pas d’accès
pour la population aux médicaments. C’est un autre projet que j’avais en tête
mais que je n’ai pas pu concrétiser mais que j’espérais pouvoir concrétiser
au niveau de l’association. J’ai donc contacté plusieurs personnes pour créer
l’association, j’ai pu convaincre plusieurs personnes. Nous nous sommes réunis
à trois reprises dans ma région natale, Ngororero, pour élaborer les statuts
de l’association, nous avons organisé la réunion de l’assemblée constituante
en février 1994. J’étais personnellement très content, il y avait environ 300
personnes et déjà les cotisations du premier jour, dans les 300.000 francs.
Avec ces cotisations du premier jour, nous pouvions donner une aide annuelle
à une dizaine d’enfants, de quinze enfants qui n’auraient pas eu les possibilités
autrement. Malheureusement, la guerre a éclaté et le projet est en suspens.
Le Président : Je vous remercie monsieur NTEZIMANA. |
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