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9.7.1. Réplique de la défense: Défense de Vincent NTEZIMANA
Le Président : L’audience
est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place et
je souhaite que les photographes se retirent immédiatement. Immédiatement !
Les photographes se retirent, s’il vous plaît ! On demande une autorisation
pour RTL, le cameraman peut se retirer aussi ! Et puis, on voit cinq personnes !
Bien. La défense de Monsieur NTEZIMANA, Maître CARLIER, vous commencez ?
Vous serez le seul à plaider ? Bien. Eh bien, vous avez la parole.
Me. CARLIER : Merci, Monsieur
le président. Madame, Monsieur le juge, Monsieur l’avocat général, Madame la
présidente, Mesdames et Messieurs les jurés, rien n’effacera l’horreur du génocide,
absolument rien. Et rien ne donnera vie aux 800.000 morts du génocide. Jamais
non plus, rien ne permettra de justifier ce qui s’est passé, d’accepter ni les
causes pour lesquelles 800.000 personnes sont mortes, ni la façon dont elles
sont mortes. Rien ne sauvera l’humanité de cette honte et rien ne sauve non
plus l’humanité du risque que cette bestialité après ce troisième génocide ne
se reproduise encore. Ce mal absolu. Il y a eu un génocide, il y a eu la volonté
consciente d’éliminer un peuple, le peuple Tutsi. La mémoire est nécessaire
de toutes les manières possibles et ce procès en fait partie. Et les victimes
ont droit à la justice. Et, la réparation qu’elles obtiendront n’aura aucune
valeur au regard de la souffrance. Et, face à l’horreur, nous avons besoin de
coupables et, face à l’horreur absolue, nous avons besoin de coupables absolus.
Les pires assassins.
Mais, j’ai peur. J’ai peur qu’investis de notre certitude de justiciers,
nous regardions mal et nous regardions dans la mauvaise direction. J’ai peur
qu’à l’horreur nous n’ajoutions une injustice. J’ai peur que la justice ne devienne
aveugle, ne perde sa prudence, ne perde sa lucidité. J’ai peur quand tout le
monde, d’un même geste, désigne Vincent NTEZIMANA comme coupable. J’ai peur
quand un présumé innocent devient un présumé coupable. J’ai peur quand un accusé
devient coupable avant même d’être jugé par ses juges, par vous. J’ai peur qu’on
ne se trompe de coupable. J’ai peur, je vous l’ai dit, que la justice ne devienne
vengeance. L’accusation, les parties civiles nous disent que, face au génocide,
le doute n’est pas possible, il n’y a pas de place pour le doute, cela me fait
peur.
La force des répliques montre la réalité même du doute de l’accusation
et des parties civiles. Si la culpabilité de Vincent NTEZIMANA était si simple,
si claire que cela, pourquoi une telle vigueur ? Pourquoi taire les accusations
mensongères ? Il y en a eu plusieurs, je l’ai dit, achats de machettes,
par exemple. Pourquoi taire les accusateurs de ces accusations mensongères ?
Pourquoi taire les faux écrits attribués à Vincent NTEZIMANA ? Le tract
AREL ? Ou croire qu’on ne lit pas une lettre qu’il reçoit de correspondance
privée de Vianney parce que le Monsieur Vianney ne serait pas ici, dans le box
des accusés. C’est pas pour cela qu’on dit : « Elle n’a jamais été utilisée ».
C’est précisément parce qu’elle est tellement énorme, elle est d’une haine raciale
absolue qu’on sait qu’effectivement, comme le tract AREL, ce sont des faux documents
qui ont été versés au dossier.
Pourquoi, s’agissant de décisions de magistrats internationaux ou
de magistrats nationaux, parler de pression ? Je l’ai dit. Alors, il faudrait
dire que dès le début, ce dossier est entamé sur la base d’une pression du ministre
de la justice après une conférence de presse des parties civiles parce qu’il
demande que le dossier soit mis à l’instruction. C’est rarissime que le ministre
de la justice, Melchior WATHELET à l’époque, demande ça. Non. Ce n’était pas
une pression comme les autres événements dans ce dossier n’étaient pas des pressions,
ce sont des décisions de magistrats et que ce soit un magistrat ou trois magistrats,
je n’ai pas envie de les écarter d’un revers de la main. Chaque avis, chaque
avis humain a compté dans ce dossier, et ils ont été très différents, et ils
ont été plusieurs à soulever la non-culpabilité.
Pourquoi, en plus alors, parler de choses autres qui ne concernent
pas directement les accusations ? Pourquoi, juste après les plaidoiries
de la défense, sortir, et dans le public et ici une question de régularisation
des papiers de Vincent NTEZIMANA ? Est-ce qu’on voulait que Vincent NTEZIMANA,
effectivement, soit expulsé, n’ait pas de papiers pour qu’il ne soit pas présent
à son dossier ? C’est ça, le fond du problème ? C’est pour ça qu’on
parlerait de pression ? Je crois qu’il faut revenir à ce qui est dans le
dossier. Les choses de personnalité, d’une part, les faits, d’autre part.
Les choses de personnalité. On n’en a plus parlé mais je tiens à
en reparler. Faut-il condamner Vincent NTEZIMANA parce qu’il avait des relations
amicales avec le capitaine NIZEYIMANA ? Il l’a dit, il l’a reconnu tout
au début, tout au début de ce dossier. Et pendant les massacres, pendant le
génocide, du 21 jusqu’au 26 avril, date à laquelle le capitaine NIZEYIMANA va
être muté, il a des contacts avec lui, il va dans sa maison. Faut-il le condamner
pour cela ? Je ne le crois pas ou alors, il faut condamner de nombreuses
autres personnes qui ont eu des contacts avec le capitaine NIZEYIMANA et qui,
pas plus que Vincent NTEZIMANA, n’ont vu qu’il pouvait être coupable dans le
génocide. On a eu, ici même, le témoin de Médecins Sans Frontières, le Docteur
ZACHARIA qui disait que le capitaine NIZEYIMANA était le responsable pour les
contacts humanitaires. Il a eu des contacts avec lui, il n’a pas pensé, à ce
moment-là, que le capitaine NIZEYIMANA pouvait être une des personnes responsables
du génocide à Butare.
Et il faudrait alors parler des autres contacts de Vincent NTEZIMANA.
A-t-il des contacts avec la garde présidentielle ? Aucun. A-t-il des contacts
avec le lieutenant HATEGEKIMANA qui va être un des principaux responsables
du génocide à Butare ? Aucun. Ah oui, il a des contacts avec un autre militaire,
mais ça, on n’en parle pas, c’est le militaire MURASIRA, c’est un Tutsi. Il
est toujours actuellement, militaire au Rwanda, il n’a absolument pas trempé
dans le génocide. Chez Vincent NTEZIMANA, parmi les personnes qui sont passées
chez lui, qui ont logé chez lui, il y a la femme de ce militaire MURASIRA et
il y a sa sœur. Et c’est après, que le capitaine NIZEYIMANA va également cacher
ces personnes.
Alors, quand on parle des relations, il faudrait parler de toutes
les relations et voir les complexités qui ne sont pas pour autant des liens
dans le cadre d’un plan organisé du génocide. Plan organisé, il y a eu, mais
autre chose est de dire : Vincent NTEZIMANA fait partie de cela. Est-ce
qu’il faut condamner Vincent NTEZIMANA parce qu’il a nié être l’auteur de « L’appel
à la conscience des Bahutu » ? En 1990, Maître BELAMRI a retracé son
parcours. Est-ce qu’on peut, dans ce parcours-là, placer en 1990, la rédaction
de ce texte infâme et raciste ? Je ne le crois pas. Est-ce qu’on peut dire
que cela est, parce que, quand Madame le témoin 50, témoin qui vient ici, dit :
« Monsieur NTEZIMANA m’a remis 40 à 50 pages non dactylographiées avec,
en annexe, le texte dactylographié des « Dix commandements », pas
de « L’appel à la conscience des Bahutu », alors qu’elle avait dit
l’inverse avant, est-ce que ce témoignage qui vient après qu’on ait dit :
« C’est untel, le témoin 89, un Zaïrois qui a dactylographié », ou,
on l’a vu sur l’ordinateur même de Monsieur NTEZIMANA, est-ce que, après toutes
ces versions totalement inconciliables parce qu’il maintient, lui, comme il
l’a toujours dit : « Non, je n’ai pas donné ce texte à Madame le témoin 50 »,
est-ce qu’il faut dire là : « Ah, ça ne va pas, il aurait dû dire :
oui, puisque tout compte fait, ce n’est que quelque chose qui faisait partie
d’un texte global ? ». Non, il dit honnêtement : « Je n’ai
jamais donné ce texte à Madame le témoin 50 ».
Est-ce qu’il faut condamner Vincent NTEZIMANA parce qu’il serait
extrémiste ? On ne va pas reprendre ici tout le parcours qui a été décrit
lors des plaidoiries. J’attirerais votre attention simplement sur deux choses.
Une chose qui se trouve dans les pièces à conviction. C’est une cassette vidéo,
la cassette de ce débat, en 1991, sur le multipartisme au Rwanda. Vous pouvez,
le cas échéant, voir cette cassette vidéo, elle date du 19 août 1991. Elle est
là, dans les pièces à conviction. Lors de ce débat sur le multipartisme, Vincent
NTEZIMANA se heurte fortement, violemment, à l’ambassadeur qui est présent sur
le plateau. Il prend vraiment des positions qui sont courageuses à l’époque,
parce qu’on est tout au début du multipartisme. Et il parle de la nécessité,
pour faire avancer la démocratie au Rwanda, d’avoir une conférence nationale
souveraine qui puisse faire en sorte que tout le monde ait la parole. Il le
dit lors de ce débat, il le dit très clairement.
La deuxième chose. Vous avez eu, ici, de nombreux témoins qui sont
venus dire que Vincent NTEZIMANA n’était pas un extrémiste. Alors, je ne vais
pas prendre les témoins qui sont venus pour témoigner pour lui, le cas échéant.
Juste deux : le professeur REYNTJENS l’a dit. On n’a jamais mis en doute,
ici, son objectivité, d’aucune part. Faustin TWAGIRAMUNGU, qui a été premier
ministre dans le gouvernement après la prise du pouvoir du FPR, qui a dû quitter
après parce qu’on n’acceptait pas qu’il dénonce également ce qui n’allait pas
dans la prise du pouvoir et le régime du FPR, Faustin TWAGIRAMUNGU contre lequel
cet appel de 34 intellectuels avait été signé par Vincent NTEZIMANA, et on l’a
rappelé ce matin, en disant : « Ca, c’était un appel contre la démocratie,
c’était un appel contre Faustin TWAGIRAMUNGU effectivement, en lui disant :
à ce stade-ci, le dialogue avec le FPR, ça ne va pas, nous ne sommes pas d’accord ».
Sachant cela, sachant que Vincent NTEZIMANA a signé cet appel contre lui à l’époque,
qu’a dit à l’époque, Faustin TWAGIRAMUNGU, ici ? Il a dit : « Dans
notre parti, le CDR, et à l’extérieur de notre parti, après, jamais, jamais,
je n’ai considéré Vincent NTEZIMANA comme un extrémiste ».
Alors, il faut revenir aux faits. Vous savez qu’il y en a cinq. Je
ne vais pas replaider la totalité, rassurez-vous, mais je vais reprendre les
cinq faits. Je ne vais pas en isoler un ou deux, mais pour chacun de ces cinq
faits, poser trois, voire seulement deux questions.
Le premier fait, ce sont les listes. Pour vous situer dans les questions
auxquelles vous aurez à répondre dans votre délibéré, en l’état actuel du projet
de questions, ce sont les questions 8, 9 et 28 qui sont relatives aux listes.
Je pose trois questions par rapport à ces listes.
Qui en parle, de ces listes ? C’est Vincent NTEZIMANA lui-même.
Dès le début, parce qu’il y a la rumeur pour le génocide, on a dû constituer
des listes et cela est vrai, on a constitué des listes pour le génocide. Dès
le début, effectivement, il parle des listes qu’il a constituées en tant que
président de l’Association du personnel académique de l’université. Relisez
simplement l’acte d’accusation, c’est à la page 9, cela apparaît que c’est lui
qui en parle à ce moment-là.
Deuxième question : où a-t-on vu ces listes ? Où ces listes
ont-elles été utilisées pour tuer ? A aucun endroit, jamais, ces listes-là
n’ont été vues. Un témoin qui parlait de listes, disant : « Ma boyesse
a vu que les militaires avaient des listes en main ». Je lui ai posé la
question. Il a confirmé : « Ce n’étaient pas ces listes-là ».
Et vous savez que ce n’étaient pas des listes établies comme ça. C’était une
lettre de demande d’évacuation avec, en annexe, les listes faites par les personnes
elles-mêmes. Alors, évidemment, on pourrait toujours dire : ça a pu servir
pour faire des listes après, qui ont été utilisées. Mais, qu’avons-nous comme
témoignages directs, qu’on ne me parle plus en réplique par rapport à ces listes ?
Que fait-on du témoignage du témoin 15 qui s’était mis sur ces listes,
avec son épouse Tutsi et qui vient ici, dire, non pas : « Je suis
vivant grâce à ces listes », parce qu’on sait que l’évacuation n’a pas
eu lieu, mais qui dit très clairement : « Je ne considère pas encore
aujourd’hui, avec le recul, avec le accusations portées, je ne considère pas
que ces listes étaient des listes pour tuer et je ne considère pas que ces listes
étaient un piège pour empêcher les personnes de partir ».
Et nous avons un autre témoin direct : le témoin 105, l’administrateur
trésorier de l’université, [Inaudible] qui n’a pas pris parti d’un côté
ou de l’autre, qui dit très clairement : « Effectivement, il y a eu
cette demande introduite par NTEZIMANA, en tant que président de l’APARU, d’évacuation
vers trois directions, il y a eu une réunion sur cette demande et il y a eu
une décision suite à cette réunion, de ne pas réaliser l’évacuation ».
Alors, dire après : pourquoi ne pas évacuer au moins les Hutu ? Parce
que dans l’acte d’accusation, au début, on met : Il n’y a que des Tutsi
sur cette liste. Après, on corrige. On sait qu’il y avait même plus de Hutu
que de Tutsi. Il y avait une série de personnes qui voulaient partir. On aurait
dû évacuer uniquement les personnes d’une certaine ethnie et pas les autres.
C’est ça qu’on aurait voulu, le cas échéant, que Vincent NTEZIMANA organise
comme évacuation.
Troisième question sur les listes, je l’ai déjà posée : pourquoi
le professeur Pierre-Claver KARENZI s’est-il inscrit sur ces listes ? On
m’a donné une réponse. J’avoue ne pas être satisfait par cette réponse. On dit :
« Pierre-Claver KARENZI s’est inscrit, à la proposition de Vincent NTEZIMANA,
sur ces listes d’évacuation, parce qu’il avait confiance en Vincent NTEZIMANA »,
et je crois que cela est vrai. Mais je ne comprends pas alors, comment on veut
mettre en rapport cette confiance du professeur KARENZI en Vincent NTEZIMANA,
avec l’image d’extrémiste que l’on veut construire de Vincent NTEZIMANA, déjà
à cette époque-là. Et elle est très claire. Je l’ai dit en plaidoirie. C’est
le frère du professeur KARENZI, GASANA Ndoba lui-même, qui dit, je cite :
« NTEZIMANA se répandait en propos malveillants à l’égard de KARENZI ».
Est-ce que le professeur KARENZI aurait pu ne pas savoir que NTEZIMANA se répandait
en propos malveillants à son égard ? On a entendu ici un autre témoin qui
se disait étudiant à l’université, c’est le témoin le témoin 13, le n°
40 dans l’ordre des témoins. Je dis : « Se disait étudiant »
parce que, à la fin de son témoignage, il a dû reconnaître qu’il avait quitté
l’université depuis 1993, c’est-à-dire, avant que Monsieur NTEZIMANA ne donne
cours à l’université.
Voici un extrait de ce qu’il nous a dit ici, lorsqu’il a été entendu,
répondant à une question des parties civiles demandant comment NTEZIMANA avait
pu avoir la réputation d’être partisan du CDR. Le témoin répond que « Les
dix commandements des Bahutu » venaient de NTEZIMANA et il ajoute :
« C’est ce qu’on disait avant la guerre ». « On », donc :
« On disait que NTEZIMANA était l’auteur de cela, était un extrémiste avant
la guerre, on le disait à l’université ». Et Pierre-Claver KARENZI n’aurait
pas su cela ? Il ajoute un peu plus bas : « Nous savions tous
qui étaient les professeurs extrémistes ». Tous le savaient sauf Pierre-Claver
KARENZI ? Je ne le crois pas. Je crois effectivement que si Pierre-Claver
KARENZI avait confiance en Vincent NTEZIMANA, c’est parce que Vincent NTEZIMANA
n’avait pas cette réputation d’extrémiste et n’était pas cet extrémiste. Alors,
l’explication qu’on va tenter de donner, c’est le double visage, le masque.
A certains, il montre un visage d’extrémiste, à d’autres, comme au professeur
KARENZI, il montrerait un visage amical. Mais comment tenir cela quand au sein
de l’université, on dit : « Nous savions tous qui étaient les professeurs
extrémistes » ? C’est parce qu’effectivement, a posteriori, on veut
faire de Vincent NTEZIMANA un extrémiste, qu’on sort, pas au début, pas en 1994,
mais qu’on sort à partir de 1995, ces accusations d’extrémiste connues depuis
toujours. Il ne l’était pas. Il n’avait pas un double visage. Et le professeur
KARENZI avait confiance effectivement et c’est pour ça qu’il s’est inscrit sur
ces listes.
Le deuxième fait : l’assassinat de l’ensemble de la famille
du professeur KARENZI. Dans les questions qui vous seront posées en l’état actuel,
ce sont les questions n° 1, 2 et 3. Qui accuse ? C’est effectivement Monsieur
GASANA Ndoba. C’est aussi, exactement à la même époque, le témoin anonyme dont
on n’a plus reparlé, dont on ne pourra plus parler parce qu’on ne pourra effectivement
jamais l’entendre, mais qui, par parenthèse, donne une version totalement différente.
Si vous allez voir l’écrit de ce témoin anonyme, dans le dossier, il dit que :
« Des Zamus ont dit que Vincent NTEZIMANA allait montrer la maison »,
alors que jamais aucun autre témoin ne dit cela. Et puis, on ajoute maintenant
le témoin Innocent NKUYUBWATSI. Alors, comment cela s’est-il passé ? Que
dit ce dernier témoin, Innocent NKUYUBWATSI ? Je voudrais tout de même
reprendre son témoignage qui est pétri de contradictions, on vous l’a dit,
entre quatre versions, en trois semaines. Alors, on vous dit effectivement du
côté des parties civiles : « Si dans votre délibéré, vous voulez revoir
les dépositions enregistrées en vidéo, voyez plutôt la cassette de la RTBF parce
que dans la cassette de RTL, il y a un peu plus de blanc », c’est bien
cela. « Si vous les revoyez, revoyez-les toutes, si vous décidez de revoir
ces cassettes » parce que c’est ça, effectivement, qui est très illustratif,
c’est quand on les revoit toutes.
Si on prend simplement l’audition écrite, dans le dossier, par le
substitut de l’auditorat, Monsieur HABIMANA, que nous avons entendu ici, Innocent
NKUYUBWATSI dit ceci, et je cite : « Un militaire vient chez NTEZIMANA,
voir si KARENZI se trouvait chez lui parce que ses enfants venaient d’être tués
au Faucon. Le militaire a continué sa route et finit par croiser quelqu’un qui
lui a montré chez KARENZI. C’est ce qu’il m’a raconté. Il y est alors rentré,
a tué sa femme et d’autres personnes qui s’y trouvaient. Il a poursuivi sa route
derrière KARENZI qui s’était rendu à l’endroit où ses enfants avaient été tués.
Il l’a trouvé en chemin, tout près du Faucon, et il l’a aussi tué ». Cette
version ne colle pas avec les deux autres enregistrées en vidéo. Dans l’enregistrement
RTL, il y a même une confusion totale, il ne parle plus de KARENZI, il parle
de Gaétan, mais peu importe. Rien qu’à s’en tenir à cette version-ci, on est
à l’inverse chronologique absolu de ce dont on sait que cela s’est passé. Le
professeur KARENZI est le premier tué, puis Madame, parce que les militaires
reviennent, puis les enfants, plusieurs jours plus tard, au couvent. Et ici,
c’est exactement l’inverse. Les enfants sont les premiers tués au Faucon, puis,
Madame est tuée parce que le militaire va chez KARENZI, puis, le professeur
KARENZI est tué parce que le militaire le cherche après, au Faucon. C’est exactement
l’ordre chronologique inverse et c’est cette version-là sur laquelle on voudrait
notamment attirer votre attention.
Alors, je préfère, pour ma part, m’en tenir au seul témoin direct :
le témoin 134, que nous avons entendue ici. Je préfère m’en tenir à ce qu’elle
a dit, ce qu’elle a écrit. Je vous ai dit la fois passée, contrairement peut-être
à ce qui a été affirmé en réplique par l’accusation, nous avons toujours respecté
le récit d’Yvette. Je n’ai posé aucune question à ce témoin, je n’avais simplement
pas la force du faire. Nous n’avons pas tenté de maltraiter les victimes
directes qui sont venues témoigner devant vous. On a simplement écouté la douleur
qu’Yvette est venue raconter ici. Et selon ce témoignage d’Yvette, qu’est-ce
qui s’est passé ? Qui vient à la maison KARENZI ? Si vous reprenez
le plan, je crois que c’était utile d’avoir ce plan, nous n’en avions nulle
part dans le dossier jusqu’à présent, le plan que je vous ai fait distribuer
la fois passée, quand vous reprendrez ce plan, vous reverrez qu’il s’agit des
gardes présidentiels qui sont en faction depuis longtemps à la maison du petit
frère du président le témoin 32 qui est juste à côté, un peu plus loin que la
maison KARENZI, la maison de BARARENGANA.
Et ce n’est pas qu’Yvette qui le dit. Elle le dit effectivement dans
ses déclarations, et dans le cahier, c’est également, tout au début de ses dépositions,
Monsieur GASANA Ndoba qui le dit. Je cite la déposition du 22 novembre 1994
qui se trouve dans le carton 4, à la pièce 5. Il dit ceci : « Une
équipe d’environ quatre hommes, membres de la garde présidentielle, habituellement
en faction devant la maison du docteur Séraphin BARARENGA, située à 250 m du
domicile de KARENZI en direction du centre-ville ». Habituellement en faction
devant cette maison, vous verrez la maison sur le plan. Est-ce qu’il fallait,
à ces gardes présidentiels habituellement en faction à côté de la maison KARENZI,
que quelqu’un vienne montrer cette maison KARENZI pour qu’ils y aillent ?
Je ne le crois pas. S’agissant plus tard, mais je reste sur la question de
qui a tué la famille KARENZI, ce sont les gardes présidentiels qui sont venus
à la maison pour prendre KARENZI, l’emmener, le tuer au Faucon et puis, revenir
faire ce chantage avec Madame, partir et puis, un qui revient tuer. Et puis,
les enfants aussi, mais c’est plus tard, au couvent, vous l’avez, c’est un peu
plus loin que la maison, vous l’avez sur le plan. Et qui vient tuer, là, au
couvent ? On dit encore ce matin en plaidoirie que c’est sous les ordres
du capitaine NIZEYIMANA que l’on débarque au couvent pour retrouver les enfants
KARENZI et prendre d’autres enfants également pour les tuer. Cela n’est pas
correct. Ce n’est pas sous les ordres du capitaine NIZEYIMANA. Ca, c’est facile
parce que ça permet de nouveau d’essayer de faire un lien avec Vincent NTEZIMANA.
Entendu, les sœurs ont dit très clairement : « C’est sous
l’ordre du lieutenant HATEGEKIMANA ». J’en ai déjà parlé, le vrai boucher
de Butare. C’est lui qui est venu au couvent avec des militaires, pour prendre
les enfants KARENZI et d’autres enfants. Et on dit, effectivement, pas seulement
les sœurs. Je reprends un très bref instant l’ouvrage d’Alison DESFORGES :
« Aucun témoin ne doit survivre ». A la page 567 de l’ouvrage, elle
dit, s’agissant de ces faits-là, après un autre massacre collectif déclenché
dans l’église de Ngoma par le lieutenant HATEGEKIMANA, elle ajoute : « Le
lieutenant HATEGEKIMANA prit apparemment… ». Elle est prudente : « apparemment »,
mais depuis lors, on sait que c’est la vérité, c’est ce que disent les sœurs
aussi : « Le lieutenant HATEGEKIMANA prit apparemment la tête d’un
groupe important composé de soldats et d’intellectuels de Buye ». Buye,
c’est bien le quartier du professeur KARENZI et de Vincent NTEZIMANA. Donc :
« Un groupe, composé de militaires et d’intellectuels, va au couvent, entre
autres, qui fouillèrent le couvent des benebikira, un ordre religieux rwandais ».
Suite à cela, dès le début de l’enquête, avant qu’une en quête officielle
soit ouverte, au tout début du mois de janvier, quand Monsieur l’auditeur militaire
VER ELST-REUL va au Rwanda pour enquêter à propos des dix paracommandos belges
qui ont été assassinés, on lui demande notamment déjà de faire l’une ou l’autre
vérification par rapport à la mort de la famille KARENZI. Et, puisqu’on sait
que des militaires, dirigés par HATEGEKIMANA, sont venus avec des intellectuels
au couvent, on montre aux sœurs la photo de Vincent NTEZIMANA. C’est dans le
dossier. Sœur Marie-Juvénale, une autre sœur, dit très clairement ne pas du
tout reconnaître Vincent NTEZIMANA comme quelqu’un qui aurait été présent au
moment où on vient enlever les enfants. Il n’est pas présent et il n’y a pas
le lien direct que l’on veut mettre parce que ce n’est pas le capitaine NIZEYIMANA
qui vient là.
Comment les choses se sont passées alors, d’après vous, qui
a tué ? Comment les choses se sont passées à la maison KARENZI, pour Madame
KARENZI ? Ce fameux coup de téléphone. J’avais dit effectivement ici :
il y a quatre hypothèses, en simple logique. On n’a pas pu vérifier chez RWANDATEL,
donc, on ne sait pas, coup de téléphone ou pas, soit, il n’y en a pas, soit,
il y en a un. S’il y en a un, c’est un coup de téléphone à un Vincent, n’importe
lequel, soit un coup de téléphone à un Vincent NTEZIMANA et soit Vincent NTEZIMANA
répond : « Madame KARENZI est une Inyenzi », soit il n’y a personne
au bout du fil, il n’y a personne qui répond à cet appel.
On vient maintenant jeter le doute sur les déclarations de Vincent
NTEZIMANA dans le dossier, et ici, devant vous, à propos de cela. Qu’y a-t-il
dans le dossier et qu’avons-nous entendu ici ? Dans le dossier - je vais
prendre la pièce pour ne pas commettre d’erreur - dans le dossier, lorsqu’il
est entendu le 27 avril 1995, on l’a dit ce matin, Vincent NTEZIMANA dit ceci :
« Nous n’avons eu aucune demande d’assistance téléphonique émanant des
KARENZI, le jour des faits ». Il ajoute tout de suite après - et il
faut lier ces deux phrases, il ne faut pas les lire ultérieurement - :
« A votre question, je vous réponds que si KARENZI me l’avait demandé,
j’aurais tenté du sauver ». Ca veut dire : « Si j’avais eu
un coup de téléphone, j’aurais réagi ». Ce n’est pas comme ça demander
dans l’abstrait : « Si KARENZI avait demandé du sauver je l’aurais
fait ». S’il y avait eu un coup de téléphone, j’aurais réagi. « J’aurais
pu, par exemple, prendre contact avec un officier tel que le capitaine NIZEYIMANA ».
Il ne cache à aucun moment qu’il le connaît : « …Tel que je l’avais
fait précédemment pour l’épouse du lieutenant MURASIRA que j’ai cachée chez
moi… », je vous en ai parlé, il y a un instant ».
Alors, on vient dire : « Nous n’avons eu aucune demande
d’assistance ». En réalité, c’est un « nous » majestatif, c’est « je »
n’ai eu aucune demande d’assistance et donc, ça veut dire que vous étiez
bien chez vous, que vous étiez à la maison ce jour-là et que vous dites n’avoir
eu aucun coup de téléphone ce jour-là, donc, c’est en contradiction avec ce
que vous allez dire après, que vous n’étiez pas chez vous ce jour-là. On veut
peut-être donner à Vincent NTEZIMANA un énorme ego en utilisant le « nous »
majestatif, je ne l’ai pas vu utilisé ailleurs. Je crois qu’effectivement, ça
veut dire dans la maison, comme il s’est expliqué ici en audience : « Quand
je suis rentré ce jour-là, Caritas ne m’a pas dit non plus qu’il y avait eu
un quelconque coup de téléphone. A la maison, nous n’avons pas eu un coup de
téléphone ce jour-là ». Et même s’il avait dit je, il dit simplement, ce
jour-là, pendant la période où j’étais chez moi, je n’ai pas eu de coup de téléphone
effectivement. Ca n’est pas en contradiction avec ce qu’il va dire tout de suite
après, pas ici, en audience. Tout de suite après, il va dire effectivement où
il a appris la mort du professeur KARENZI. Dans une audience après, il le dit
directement : « C’est chez mes voisins, c’est chez Jean-Bosco SEMINEGA,
la maison des le témoin 143 ». Vous avez cette maison, elle est mentionnée,
le témoin 42, sur le plan, Monsieur le témoin 42, Madame le témoin 143, c’est juste en
face de chez Vincent NTEZIMANA.
Si vous lisez l’acte d’accusation qui est écrit avant notre audience
ici, avant tous les jours que nous avons passés ensemble, l’acte d’accusation,
c’est à la page 13, dit ceci : « L’accusé prétend qu’il a appris le
meurtre alors qu’il se trouvait chez ses voisins, dans la maison du témoin 143 ».
C’est ce qu’il avait déjà dit avant. Ca n’est pas quelque chose de nouveau qui
est affirmé. Il a toujours dit, effectivement, que c’est là qu’il a appris le
meurtre de KARENZI. Alors, où on nous dit qu’il y a contradiction maintenant
en audience, c’est quand, d’une part, il dirait qu’il est en face, chez Jean-Bosco
le témoin 150, dans la maison des le témoin 143, quand il apprend la mort des KARENZI,
alors qu’en audience il viendrait dire que l’après-midi, il était chez le capitaine
NIZEYIMANA et non pas en face, chez Jean-Bosco SEMINEGA, chez le témoin 143. Et
on nous dit que nous voulons faire injure à votre mémoire si vous ne vous souvenez
pas de ce qu’il a dit cela ici. Je ne sais pas qui veut faire injure à votre
mémoire. Vous reverrez vos notes. Moi, j’ai revu mes notes. Et je vois aussi
dans ce qui sont des notes, oh très incomplètes à ce moment-là, parce que ce
n’est pas un procès-verbal de notre procès d’assises, et il ne peut pas y avoir
de procès-verbal. Mais il y a sur Internet, une association, Avocats sans frontières,
qui rend compte des débats et je ne vais pas utiliser mes propres notes, je
vais utiliser ce compte rendu des débats que nous avons eus ici.
On confond deux jours. Vincent NTEZIMANA a été interrogé pendant
deux jours, l’après-midi du 24 avril, le mardi, et l’avant-midi du mercredi
25 avril. Et on prend uniquement les réponses données à des questions, le mercredi
25 avril. On oublie l’interrogatoire d’audience de Monsieur le président, le
mardi 24 avril, lors duquel Vincent NTEZIMANA dit textuellement ceci :
« Je n’étais pas chez moi à ce moment-là, j’étais à la maison de Madame
le témoin 143 ». Et ce moment-là, la question, c’est au moment où vous apprenez
la mort de KARENZI. Alors, le lendemain, le 25 avril, il y aura une autre question
posée par les parties civiles qui est de savoir : « Qu’avez-vous fait ? ».
Et posée également par vous, les jurés. « Qu’avez-vous fait après avoir
appris la mort du professeur KARENZI ? ».
Et, c’est là, effectivement, qu’il va dire, ça c’est pour la première
fois : « Quand je suis rentré chez moi, j’ai téléphoné ». Ca
c’est pour la première fois, effectivement. Et qu’il va dire : « Après,
je suis allé chez le capitaine NIZEYIMANA ». Alors, on peut ergoter sur
les heures. Est-ce qu’il est parti chez le capitaine NIZEYIMANA vers 14-15h,
ou quand il faisait déjà noir, un peu plus tard ? Moi, je veux bien. Nous
n’avons pas à ergoter sur des heures dans les témoignages parce que, quand on
le fait, on nous dit que ce n’est pas sérieux, ce n’est pas ça qui fait
valoir que des témoignages ne sont pas vrais. Ce sont deux choses différentes.
Un, il apprend la mort chez Jean-Bosco SEMINEGA. Deux, ils quittent, ils vont
dans la rue. Le témoin explique. D’abord, ils ont peur, ils parlent entre eux
et puis, ils vont dans la rue, et il dit même à la réponse « Pourquoi
vous n’êtes pas allés voir chez les KARENZI ? » : « On n’osait
pas parce qu’on sait que les tueurs reviennent toujours après, pour prendre
des choses ». Et puis, il dit : « Effectivement, nous le quittons,
on le voit rentrer chez lui ». Et Vincent NTEZIMANA ajoute après :
« Je suis allé effectivement chez le capitaine NIZEYIMANA ». Ce ne
sont pas deux choses qui se passent en même temps, comme on essaierait de vous
le faire croire.
Alors, ce témoin, effectivement, il dérange, ce témoin qui dit cela
très simplement sur la base des questions des parties civiles, c’est le témoin
le témoin 104, le n° 65. Et donc, maintenant, on vient dire : C’est
le témoin miracle qui a un seul but. Ce n’est pas le témoin miracle qui a un
seul but, c’est comme d’autres, un témoin qui vient dire ce qu’il a vécu effectivement.
Qu’on ne vienne pas alors maintenant l’accuser de faux témoignage. Ou alors,
il y a une procédure pour cela. Et il y avait notamment, directement, sur la
base de l’article 330 du Code d’instruction criminelle, la possibilité pour
les parties civiles, pour Monsieur l’avocat général, de saisir directement le
président, en disant : « Ceci est un faux témoignage, il faut même
prendre une mesure d’arrestation immédiate ». Après, quand le témoignage
dérange, on vient dire que ce serait un faux témoignage.
Alors, sur cette question, il y a le témoignage de Jean-Bosco SEMINEGA,
dont on a beaucoup parlé parce que c’est à propos de ce témoignage-là que Madame
le témoin 143 a rapporté un document, en disant : « J’ai fait l’objet
de pressions ». Je voudrais simplement vous rappeler deux choses à propos
de cela. Pas les modalités d’arrivée de ce témoignage, vous savez, parce que
je crois que ce n’est pas quelque chose qui s’invente. Mais deux choses à propos
de ce témoignage de Jean-Bosco SEMINEGA. Une première chose, c’est ce qui s’est
passé avec le témoin le témoin 143, Madame le témoin 143, lorsqu’elle a rapporté,
ici, devant la Cour, et déposé ce document. On lui a dit tout de suite après :
« Mais pourquoi faites-vous cela, pourquoi faites-vous cela alors que Jean-Bosco
le témoin 150, vous ne le savez peut-être pas, ne charge pas Vincent NTEZIMANA ?
Ce n’est pas un témoin à charge ». On tentait par-là de faire en sorte
que cette affirmation d’un témoin, d’avoir subi des pressions, n’avait aucune
espèce d’importance parce que ce n’était pas un témoin dérangeant pour Vincent
NTEZIMANA, ce n’était pas un témoin à charge.
Or, aujourd’hui précisément, on vient vous dire : « Ah,
mais Jean-Bosco SEMINEGA ne dit pas ça du tout ». C’est bien effectivement
un témoin qui était dérangeant, et l’affirmation de pressions sur lui, est quelque
chose d’extrêmement important parce qu’il avait dit, et on l’a utilisé maintenant,
que Vincent NTEZIMANA ne serait venu qu’une fois chez lui, après le 19 avril.
C’est effectivement un témoin qui a subi des pressions. Et il ne faudrait même
pas, le cas échéant, ce document par lequel il l’affirme et qui a été déposé
ici. Il suffirait de relire dans le dossier, la commission rogatoire n° 2 et
la commission rogatoire n° 3, à la recherche de ce témoin Jean-Bosco SEMINEGA.
Vous trouverez cela, pour la commission rogatoire n° 2, dans le carton 10, farde
34, pièce 45. Et pour la commission rogatoire n° 3, dans le carton 20, pièce
108 et pièce 106. Lors de la deuxième commission rogatoire, en juin 1995, trois
rendez-vous sont fixés avec Jean-Bosco SEMINEGA. Trois fois, il ne vient pas.
Il ne veut pas témoigner. Lors de la troisième commission rogatoire en octobre,
deux rendez-vous sont fixés avec Jean-Bosco SEMINEGA et finalement, il fait
cette déclaration qu’il ne signe pas. Il dit expressément : « Je refuse
de signer ce document étant un commerçant sur la place de ». Le juge d’instruction
a confirmé cela. Et on sait qu’il a fait une photocopie de ce document parce
que ceux à qui il doit le montrer, pour montrer qu’il a bien témoigné, ne vont
pas faire attention si cette déclaration est signée ou pas.
Alors, on vient dire encore qu’après l’attestation qu’il a remise
à Madame le témoin 143, disant : « J’ai fait l’objet de pressions »,
on dit : « Mais on n’a pas lu que dans le dossier il y a, après, une
autre déclaration de Jean-Bosco SEMINEGA qui vient spontanément auprès de la
police au Rwanda pour dire : j’ai appris qu’on dit que j’ai fait l’objet
de pressions, ça n’est pas vrai du tout ». Mais on a parlé de ça. Le témoin,
Madame le témoin 143, elle-même a parlé de ça. On le lui a reproché d’ailleurs,
parce qu’elle a dit : « Quand j’ai appris qu’on avait dit, ici, dans
le dossier - bien que je n’ai pas déposé la pièce - que Jean-Bosco SEMINEGA
avait dit avoir fait l’objet de pressions, je savais qu’il aurait des problèmes,
je lui ai téléphoné au Rwanda pour lui dire : prends les devants. Vas toi-même
dire que tu n’as pas fait l’objet de pressions, sinon tu risques des problèmes
graves ». Elle a parlé de ça. Ca n’est pas nouveau, cette déclaration.
Sur l’ensemble de ce qui s’est passé à la maison du professeur KARENZI, je crois,
effectivement, qu’il faut s’en tenir au témoignage direct d’le témoin 134,
de ce qu’elle a dit.
A juste titre, on a dit : « En assises, il y a des choses
importantes qui peuvent se passer et se révéler en audience ». Ce n’était
pas, comme on a voulu le dire, une contradiction entre deux déclarations de
Vincent NTEZIMANA. C’est, je vous l’ai dit la fois dernière, les signes qu’Yvette
a donnés ici, lors de ses déclarations. Elle aurait pu faire très simplement
comme elle l’avait dit et écrit avant. Dire : « Les enfants ont dit
que c’est Vincent, le professeur, que c’est Vincent NTEZIMANA ». Elle n’a
pas dit ça. A deux reprises, la question lui a été posée : « Est-ce
que les enfants ont dit que Vincent NTEZIMANA était un collègue de leur papa ?
Et que c’est ce Vincent-là, à qui on a téléphoné ? ». A deux reprises,
elle a dit : « Non ». Si elle a dit non, et c’est pas nous qui
avons posé ces questions-là pour essayer de la tarauder, d’arriver à des contradictions.
Si elle a dit non, c’est effectivement parce qu’elle voulait donner un signe,
parce qu’elle n’est absolument pas convaincue, elle, que ce soit Vincent NTEZIMANA.
Parce qu’elle sait très bien que le professeur KARENZI était effectivement connu
et qu’il n’y avait pas besoin, ni de montrer sa maison, ni de liste, pour savoir
où était sa maison, ni de téléphoner à Vincent NTEZIMANA pour savoir si sa femme
était également une Tutsi. Au demeurant, si les listes avaient été utilisées,
c’était sur les listes. Mais tout le monde le sait.
C’est effectivement une mort symbolique après la mort de la reine
mère. Il n’est pas nécessaire de téléphoner pour savoir malheureusement qui
est Madame KARENZI. On oublie qu’il y a eu tout ce chantage des militaires avec
Madame KARENZI, pour recevoir plus d’argent. Et finalement, ils ne la tuent
pas et c’est un qui revient après et qui, effectivement, la tue. On joue - Monsieur
l’avocat général en a parlé pour d’autres circonstances - on joue effectivement
à cet affreux jeu du chat et de la souris.
Troisième fait : La famille NDUWUMWE. Dans les questions auxquelles
vous aurez à répondre actuellement, ce sont les questions n° 4 et 7, elles sont
un peu distantes les unes des autres. Marie-Claire KAREKEZI, c’est en fait Madame
NDUWUMWE, Nicole c’est l’enfant. Ces questions pourraient, le cas échéant, être
rapprochées mais peu importe.
On n’est plus revenu en détail dans les répliques, donc je ne devrai
pas insister beaucoup, simplement pour vous dire que l’on parle de quatre témoins
qui portent cette accusation. Aucun de ces quatre témoins n’est venu ici, devant
vous. Aucun des quatre ! Ce n’est pas seulement la première accusatrice
qui n’est pas venue, c’est aucun des quatre témoins, dont un est en prison,
c’est entendu et on sait pourquoi il est en prison. Aucun des quatre ne vient.
Vous verrez les dépositions qui sont faites par ces témoins. C’est le carton
8, pièce 33, le carton 10, pièce 10, le carton 31, pièce 29 et le carton 31,
pièce 18bis. Je ne reviens plus sur les contradictions mais elles sont évidentes.
Ce n’est pas seulement les modalités de la mort, c’est aussi l’endroit, et qui
a tué, qui sont présentés de façon totalement différente, notamment par un témoin
cité par la première accusatrice, le témoin, veuve MIRONGO. Et il n’est pas
du tout question ici, comme on l’a dit en réplique tout à l’heure, du problème
de comptage des maisons, si on commence par un bout de la rue, ou l’autre. Ce
n’est pas du tout ça qui est en question. C’est que ce n’est pas la même époque,
ce n’est pas de la même façon que l’on tue, ce ne sont pas les mêmes personnes
qui tuent et ce n’est pas au même endroit, pas la question de maison, mais les
uns, disent dans la maison, les autres, disent dans un bois plus loin de la
maison.
Quatrième fait : Le jeune homme à la barrière. C’est la question
n° 5 dans le projet actuel de questions qui vous seront soumises. L’acte d’accusation
le dit en page 15. C’est Vincent NTEZIMANA lui-même qui évoque ce fait après
qu’on lui ait redemandé : « Est-ce que vous n’avez pas assisté à des
massacres ? ». De nouveau, nous n’avons eu aucun témoin direct ici,
qui accuse Vincent NTEZIMANA. L’accusateur principal, le témoin 142, le même qui fait
pression sur Jean-Bosco SEMINEGA, n’est pas venu. LONGIN n’est pas un témoin
direct. Il dit : « Voilà ce que le témoin 142 m’a raconté. Moi, je n’ai rien
vu ». Et alors, on a un témoin qui est venu, qui n’était pas venu pour
ça, qui n’était pas venu à la demande de la défense, l’abbé Denis SEKEMANA,
qui était venu à la demande de l’accusation parce que c’est le dernier témoin
qui a vu Malik, l’enfant des KARENZI, pour entendre ce que Malik lui avait dit.
Et ce témoin-là se souvient de ce qui se passe à la barrière, et dit clairement :
« C’était une affaire de militaires. Vincent NTEZIMANA n’avait rien à voir
avec cela ». Pourquoi viendrait-il dire cela alors qu’il n’a absolument
aucun intérêt. Ce n’est pas un témoin qui est demandé par Vincent NTEZIMANA.
Dernier fait : La jeune fille. De nouveau, c’est indiqué dans
l’acte d’accusation, c’est Vincent NTEZIMANA lui-même qui parle de ces faits-là,
de ce qu’effectivement il se reproche de ne pas avoir fait. Alors, il n’y avait
personne, pas de témoin, pas d’accusateur, quoi que ce soit. Et puis, vient
NKUYUBWATSI Innocent, qui n’est pas nouveau parce que c’est Vincent NTEZIMANA
qui a donné le nom de NKUYUBWATSI Innocent qui logeait chez lui. C’est lui qui
a donné ce nom-là. Et maintenant, on a ce seul accusateur que vous avez vu,
que vous reverrez peut-être si vous voyez toutes les cassettes dans votre délibéré.
Je ne parviens pas à croire à la sincérité de ce témoin-là, je ne parviens pas
quand on voit les différentes versions en trois semaines, quatre versions différentes.
Je ne vais plus revenir sur les détails, je l’ai fait en termes de plaidoirie.
Ce témoin-là, par voie de vidéo, n’est pas du tout un témoin crédible. Et effectivement,
il espère, et on peut le comprendre, et c’est normal, une réduction de peine.
Et la loi rwandaise de 1996 que Monsieur l’avocat général a déposée hier, le
confirme effectivement. Lisez les articles 15 et 46 de la loi rwandaise et vous
verrez ces réductions de peine possibles pour celui qui est en aveux, et celui
qui est en aveux doit être en aveux, non seulement de ces faits-là, mais de
tous les autres faits qu’il peut effectivement porter à la connaissance des
investigateurs. Je ne crois pas en la vérité dans la bouche de ce témoin-là,
comme j’ai pu croire effectivement à la vérité dans la bouche du témoin, Yvette
le témoin 134, pour parler de ce qui s’est passé chez les KARENZI, et ce témoin
qui - cette image était incroyable - va effectivement serrer la main, Yvette
va serrer la main de Vincent NTEZIMANA, ici derrière.
Vous devrez juger. On vous dit, pour la jeune fille, Vincent NTEZIMANA
aurait pu appeler un médecin, aurait pu la sauver, aurait pu l’enterrer différemment,
je ne sais pas. Ca, c’est à chacun de nous d’en juger dans une situation telle
que celle-là. Dès qu’il raconte ces faits-là, il dit effectivement : « J’ai
peur. Je suis en face d’un tueur. Je me rends compte que je suis en face d’un
tueur et j’ai peur. Je ne réagis pas ». Est-ce qu’il était dans une
mesure lui permettant de réagir ? Est-ce que, dans une situation de guerre,
de peur comme celle qu’il vit à ce moment-là, la hiérarchie des personnes que
l’on entend faire valoir, est-ce qu’elle continue à subsister ?
Voilà ! Cinq faits. Cinq faits qui sont des faits graves en
soi, mais cinq faits. Je ne comprends pas qu’il n’y ait que cinq faits. Si Vincent
NTEZIMANA est l’organisateur, le planificateur du génocide que l’on voudrait
présenter, après autant d’investigations, après autant de témoignages, après
20.000 pages de dossier, après examen par le Tribunal pénal international qui
ne prend pas ce dossier, on a cinq faits pour un planificateur du génocide.
Et sur ces cinq faits, trois dont il parle lui-même : les listes, le jeune
homme, la jeune fille. C’est lui qui en parle. Est-ce à partir de là que nous
sommes en présence d’un planificateur du génocide ? Je ne le crois pas
et je crois que cela explique pourquoi, en 1994 et début 1995, on ne parle pas,
effectivement, de Vincent NTEZIMANA au Rwanda quand l’inspecteur VER ELST-REUL
y va. Pourquoi, dans son synopsis sur les événements à Butare, le témoin 96
ne parle pas de Vincent NTEZIMANA ? Pourquoi le Tribunal pénal international
n’a pas pris de dossier ? Parce qu’effectivement, je ne crois pas que nous
soyons en présence de ce planificateur que l’on voudrait vous présenter.
Je vous l’ai dit, j’ai peur. Ne nous trompons pas de coupable dans
notre jugement. Vous examinerez chacune des questions qui vont vous être posées,
et je crois que vous le ferez effectivement en respectant votre serment, chacun,
chacune. Le serment d’examiner les faits et les questions avec l’attention la
plus scrupuleuse, sans haine ou méchanceté, crainte ou affection, en suivant
votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté
qui convient à un homme et une femme probes et libres. Faites justice. Ne faites
pas vengeance.
Le Président : Merci, Maître
CARLIER. |
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