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Débats Répliques défense compte rendu intégral du procès
Procès > Débats > Répliques défense > Défense V. Ntezimana
1. Défense V. Ntezimana 2. Défense A. Higaniro 3. Défense C. Mukangango 4. Défense J. Mukabutera
 

9.7.1. Réplique de la défense: Défense de Vincent NTEZIMANA

Le Président : L’audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place et je souhaite que les photographes se retirent immédiatement. Immédiatement ! Les photographes se retirent, s’il vous plaît ! On demande une autorisation pour RTL, le cameraman peut se retirer aussi ! Et puis, on voit cinq personnes ! Bien. La défense de Monsieur NTEZIMANA, Maître CARLIER, vous commencez ? Vous serez le seul à plaider ? Bien. Eh bien, vous avez la parole.

Me. CARLIER : Merci, Monsieur le président. Madame, Monsieur le juge, Monsieur l’avocat général, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les jurés, rien n’effacera l’horreur du génocide, absolument rien. Et rien ne donnera vie aux 800.000 morts du génocide. Jamais non plus, rien ne permettra de justifier ce qui s’est passé, d’accepter ni les causes pour lesquelles 800.000 personnes sont mortes, ni la façon dont elles sont mortes. Rien ne sauvera l’humanité de cette honte et rien ne sauve non plus l’humanité du risque que cette bestialité après ce troisième génocide ne se reproduise encore. Ce mal absolu. Il y a eu un génocide, il y a eu la volonté consciente d’éliminer un peuple, le peuple Tutsi. La mémoire est nécessaire de toutes les manières possibles et ce procès en fait partie. Et les victimes ont droit à la justice. Et, la réparation qu’elles obtiendront n’aura aucune valeur au regard de la souffrance. Et, face à l’horreur, nous avons besoin de coupables et, face à l’horreur absolue, nous avons besoin de coupables absolus. Les pires assassins.

Mais, j’ai peur. J’ai peur qu’investis de notre certitude de justiciers, nous regardions mal et nous regardions dans la mauvaise direction. J’ai peur qu’à l’horreur nous n’ajoutions une injustice. J’ai peur que la justice ne devienne aveugle, ne perde sa prudence, ne perde sa lucidité. J’ai peur quand tout le monde, d’un même geste, désigne Vincent NTEZIMANA comme coupable. J’ai peur quand un présumé innocent devient un présumé coupable. J’ai peur quand un accusé devient coupable avant même d’être jugé par ses juges, par vous. J’ai peur qu’on ne se trompe de coupable. J’ai peur, je vous l’ai dit, que la justice ne devienne vengeance. L’accusation, les parties civiles nous disent que, face au génocide, le doute n’est pas possible, il n’y a pas de place pour le doute, cela me fait peur.

La force des répliques montre la réalité même du doute de l’accusation et des parties civiles. Si la culpabilité de Vincent NTEZIMANA était si simple, si claire que cela, pourquoi une telle vigueur ? Pourquoi taire les accusations mensongères ? Il y en a eu plusieurs, je l’ai dit, achats de machettes, par exemple. Pourquoi taire les accusateurs de ces accusations mensongères ? Pourquoi taire les faux écrits attribués à Vincent NTEZIMANA ? Le tract AREL ? Ou croire qu’on ne lit pas une lettre qu’il reçoit de correspondance privée de Vianney parce que le Monsieur Vianney ne serait pas ici, dans le box des accusés. C’est pas pour cela qu’on dit : « Elle n’a jamais été utilisée ». C’est précisément parce qu’elle est tellement énorme, elle est d’une haine raciale absolue qu’on sait qu’effectivement, comme le tract AREL, ce sont des faux documents qui ont été versés au dossier.

Pourquoi, s’agissant de décisions de magistrats internationaux ou de magistrats nationaux, parler de pression ? Je l’ai dit. Alors, il faudrait dire que dès le début, ce dossier est entamé sur la base d’une pression du ministre de la justice après une conférence de presse des parties civiles parce qu’il demande que le dossier soit mis à l’instruction. C’est rarissime que le ministre de la justice, Melchior WATHELET à l’époque, demande ça. Non. Ce n’était pas une pression comme les autres événements dans ce dossier n’étaient pas des pressions, ce sont des décisions de magistrats et que ce soit un magistrat ou trois magistrats, je n’ai pas envie de les écarter d’un revers de la main. Chaque avis, chaque avis humain a compté dans ce dossier, et ils ont été très différents, et ils ont été plusieurs à soulever la non-culpabilité.

Pourquoi, en plus alors, parler de choses autres qui ne concernent pas directement les accusations ? Pourquoi, juste après les plaidoiries de la défense, sortir, et dans le public et ici une question de régularisation des papiers de Vincent NTEZIMANA ? Est-ce qu’on voulait que Vincent NTEZIMANA, effectivement, soit expulsé, n’ait pas de papiers pour qu’il ne soit pas présent à son dossier ? C’est ça, le fond du problème ? C’est pour ça qu’on parlerait de pression ? Je crois qu’il faut revenir à ce qui est dans le dossier. Les choses de personnalité, d’une part, les faits, d’autre part.

Les choses de personnalité. On n’en a plus parlé mais je tiens à en reparler. Faut-il condamner Vincent NTEZIMANA parce qu’il avait des relations amicales avec le capitaine NIZEYIMANA ? Il l’a dit, il l’a reconnu tout au début, tout au début de ce dossier. Et pendant les massacres, pendant le génocide, du 21 jusqu’au 26 avril, date à laquelle le capitaine NIZEYIMANA va être muté, il a des contacts avec lui, il va dans sa maison. Faut-il le condamner pour cela ? Je ne le crois pas ou alors, il faut condamner de nombreuses autres personnes qui ont eu des contacts avec le capitaine NIZEYIMANA et qui, pas plus que Vincent NTEZIMANA, n’ont vu qu’il pouvait être coupable dans le génocide. On a eu, ici même, le témoin de Médecins Sans Frontières, le Docteur ZACHARIA qui disait que le capitaine NIZEYIMANA était le responsable pour les contacts humanitaires. Il a eu des contacts avec lui, il n’a pas pensé, à ce moment-là, que le capitaine NIZEYIMANA pouvait être une des personnes responsables du génocide à Butare.

Et il faudrait alors parler des autres contacts de Vincent NTEZIMANA. A-t-il des contacts avec la garde présidentielle ? Aucun. A-t-il des contacts avec le lieutenant HATEGEKIMANA qui va être un des principaux responsables du génocide à Butare ? Aucun. Ah oui, il a des contacts avec un autre militaire, mais ça, on n’en parle pas, c’est le militaire MURASIRA, c’est un Tutsi. Il est toujours actuellement, militaire au Rwanda, il n’a absolument pas trempé dans le génocide. Chez Vincent NTEZIMANA, parmi les personnes qui sont passées chez lui, qui ont logé chez lui, il y a la femme de ce militaire MURASIRA et il y a sa sœur. Et c’est après, que le capitaine NIZEYIMANA va également cacher ces personnes.

Alors, quand on parle des relations, il faudrait parler de toutes les relations et voir les complexités qui ne sont pas pour autant des liens dans le cadre d’un plan organisé du génocide. Plan organisé, il y a eu, mais autre chose est de dire : Vincent NTEZIMANA fait partie de cela. Est-ce qu’il faut condamner Vincent NTEZIMANA parce qu’il a nié être l’auteur de « L’appel à la conscience des Bahutu » ? En 1990, Maître BELAMRI a retracé son parcours. Est-ce qu’on peut, dans ce parcours-là, placer en 1990, la rédaction de ce texte infâme et raciste ? Je ne le crois pas. Est-ce qu’on peut dire que cela est, parce que, quand Madame le témoin 50, témoin qui vient ici, dit : « Monsieur NTEZIMANA m’a remis 40 à 50 pages non dactylographiées avec, en annexe, le texte dactylographié des « Dix commandements », pas de « L’appel à la conscience des Bahutu »,  alors qu’elle avait dit l’inverse avant, est-ce que ce témoignage qui vient après qu’on ait dit : « C’est untel, le témoin 89, un Zaïrois qui a dactylographié », ou, on l’a vu sur l’ordinateur même de Monsieur NTEZIMANA, est-ce que, après toutes ces versions totalement inconciliables parce qu’il maintient, lui, comme il l’a toujours dit : « Non, je n’ai pas donné ce texte à Madame le témoin 50 », est-ce qu’il faut dire là : « Ah, ça ne va pas, il aurait dû dire : oui, puisque tout compte fait, ce n’est que quelque chose qui faisait partie d’un texte global ? ». Non, il dit honnêtement : « Je n’ai jamais donné ce texte à Madame le témoin 50 ».

Est-ce qu’il faut condamner Vincent NTEZIMANA parce qu’il serait extrémiste ? On ne va pas reprendre ici tout le parcours qui a été décrit lors des plaidoiries. J’attirerais votre attention simplement sur deux choses. Une chose qui se trouve dans les pièces à conviction. C’est une cassette vidéo, la cassette de ce débat, en 1991, sur le multipartisme au Rwanda. Vous pouvez, le cas échéant, voir cette cassette vidéo, elle date du 19 août 1991. Elle est là, dans les pièces à conviction. Lors de ce débat sur le multipartisme, Vincent NTEZIMANA se heurte fortement, violemment, à l’ambassadeur qui est présent sur le plateau. Il prend vraiment des positions qui sont courageuses à l’époque, parce qu’on est tout au début du multipartisme. Et il parle de la nécessité, pour faire avancer la démocratie au Rwanda, d’avoir une conférence nationale souveraine qui puisse faire en sorte que tout le monde ait la parole. Il le dit lors de ce débat, il le dit très clairement.

La deuxième chose. Vous avez eu, ici, de nombreux témoins qui sont venus dire que Vincent NTEZIMANA n’était pas un extrémiste. Alors, je ne vais pas prendre les témoins qui sont venus pour témoigner pour lui, le cas échéant. Juste deux : le professeur REYNTJENS l’a dit. On n’a jamais mis en doute, ici, son objectivité, d’aucune part. Faustin TWAGIRAMUNGU, qui a été premier ministre dans le gouvernement après la prise du pouvoir du FPR, qui a dû quitter après parce qu’on n’acceptait pas qu’il dénonce également ce qui n’allait pas dans la prise du pouvoir et le régime du FPR, Faustin TWAGIRAMUNGU contre lequel cet appel de 34 intellectuels avait été signé par Vincent NTEZIMANA, et on l’a rappelé ce matin, en disant : « Ca, c’était un appel contre la démocratie, c’était un appel contre Faustin TWAGIRAMUNGU effectivement, en lui disant : à ce stade-ci, le dialogue avec le FPR, ça ne va pas, nous ne sommes pas d’accord ». Sachant cela, sachant que Vincent NTEZIMANA a signé cet appel contre lui à l’époque, qu’a dit à l’époque, Faustin TWAGIRAMUNGU, ici ? Il a dit : « Dans notre parti, le CDR, et à l’extérieur de notre parti, après, jamais, jamais, je n’ai considéré Vincent NTEZIMANA comme un extrémiste ».

Alors, il faut revenir aux faits. Vous savez qu’il y en a cinq. Je ne vais pas replaider la totalité, rassurez-vous, mais je vais reprendre les cinq faits. Je ne vais pas en isoler un ou deux, mais pour chacun de ces cinq faits, poser trois, voire seulement deux questions.

Le premier fait, ce sont les listes. Pour vous situer dans les questions auxquelles vous aurez à répondre dans votre délibéré, en l’état actuel du projet de questions, ce sont les questions 8, 9 et 28 qui sont relatives aux listes. Je pose trois questions par rapport à ces listes.

Qui en parle, de ces listes ? C’est Vincent NTEZIMANA lui-même. Dès le début, parce qu’il y a la rumeur pour le génocide, on a dû constituer des listes et cela est vrai, on a constitué des listes pour le génocide. Dès le début, effectivement, il parle des listes qu’il a constituées en tant que président de l’Association du personnel académique de l’université. Relisez simplement l’acte d’accusation, c’est à la page 9, cela apparaît que c’est lui qui en parle à ce moment-là.

Deuxième question : où a-t-on vu ces listes ? Où ces listes ont-elles été utilisées pour tuer ? A aucun endroit, jamais, ces listes-là n’ont été vues. Un témoin qui parlait de listes, disant : « Ma boyesse a vu que les militaires avaient des listes en main ». Je lui ai posé la question. Il a confirmé : « Ce n’étaient pas ces listes-là ». Et vous savez que ce n’étaient pas des listes établies comme ça. C’était une lettre de demande d’évacuation avec, en annexe, les listes faites par les personnes elles-mêmes. Alors, évidemment, on pourrait toujours dire : ça a pu servir pour faire des listes après, qui ont été utilisées. Mais, qu’avons-nous comme témoignages directs, qu’on ne me parle plus en réplique par rapport à ces listes ? Que fait-on du témoignage du témoin 15 qui s’était mis sur ces listes, avec son épouse Tutsi et qui vient ici, dire, non pas : « Je suis vivant grâce à ces listes », parce qu’on sait que l’évacuation n’a pas eu lieu, mais qui dit très clairement : « Je ne considère pas encore aujourd’hui, avec le recul, avec le accusations portées, je ne considère pas que ces listes étaient des listes pour tuer et je ne considère pas que ces listes étaient un piège pour empêcher les personnes de partir ».

Et nous avons un autre témoin direct : le témoin 105, l’administrateur trésorier de l’université, [Inaudible] qui n’a pas pris parti d’un côté ou de l’autre, qui dit très clairement : « Effectivement, il y a eu cette demande introduite par NTEZIMANA, en tant que président de l’APARU, d’évacuation vers trois directions, il y a eu une réunion sur cette demande et il y a eu une décision suite à cette réunion, de ne pas réaliser l’évacuation ». Alors, dire après : pourquoi ne pas évacuer au moins les Hutu ? Parce que dans l’acte d’accusation, au début, on met : Il n’y a que des Tutsi sur cette liste. Après, on corrige. On sait qu’il y avait même plus de Hutu que de Tutsi. Il y avait une série de personnes qui voulaient partir. On aurait dû évacuer uniquement les personnes d’une certaine ethnie et pas les autres. C’est ça qu’on aurait voulu, le cas échéant, que Vincent NTEZIMANA organise comme évacuation.

Troisième question sur les listes, je l’ai déjà posée : pourquoi le professeur Pierre-Claver KARENZI s’est-il inscrit sur ces listes ? On m’a donné une réponse. J’avoue ne pas être satisfait par cette réponse. On dit : « Pierre-Claver KARENZI s’est inscrit, à la proposition de Vincent NTEZIMANA, sur ces listes d’évacuation, parce qu’il avait confiance en Vincent NTEZIMANA », et je crois que cela est vrai. Mais je ne comprends pas alors, comment on veut mettre en rapport cette confiance du professeur KARENZI en Vincent NTEZIMANA, avec l’image d’extrémiste que l’on veut construire de Vincent NTEZIMANA, déjà à cette époque-là. Et elle est très claire. Je l’ai dit en plaidoirie. C’est le frère du professeur KARENZI, GASANA Ndoba lui-même, qui dit, je cite : « NTEZIMANA se répandait en propos malveillants à l’égard de KARENZI ». Est-ce que le professeur KARENZI aurait pu ne pas savoir que NTEZIMANA se répandait en propos malveillants à son égard ? On a entendu ici un autre témoin qui se disait étudiant à l’université, c’est le témoin le témoin 13, le n° 40 dans l’ordre des témoins. Je dis : « Se disait étudiant » parce que, à la fin de son témoignage, il a dû reconnaître qu’il avait quitté l’université depuis 1993, c’est-à-dire, avant que Monsieur NTEZIMANA ne donne cours à l’université.

Voici un extrait de ce qu’il nous a dit ici, lorsqu’il a été entendu, répondant à une question des parties civiles demandant comment NTEZIMANA avait pu avoir la réputation d’être partisan du CDR. Le témoin répond que « Les dix commandements des Bahutu » venaient de NTEZIMANA et il ajoute : « C’est ce qu’on disait avant la guerre ». « On », donc : « On disait que NTEZIMANA était l’auteur de cela, était un extrémiste avant la guerre, on le disait à l’université ». Et Pierre-Claver KARENZI n’aurait pas su cela ? Il ajoute un peu plus bas : « Nous savions tous qui étaient les professeurs extrémistes ». Tous le savaient sauf Pierre-Claver KARENZI ? Je ne le crois pas. Je crois effectivement que si Pierre-Claver KARENZI avait confiance en Vincent NTEZIMANA, c’est parce que Vincent NTEZIMANA n’avait pas cette réputation d’extrémiste et n’était pas cet extrémiste. Alors, l’explication qu’on va tenter de donner, c’est le double visage, le masque. A certains, il montre un visage d’extrémiste, à d’autres, comme au professeur KARENZI, il montrerait un visage amical. Mais comment tenir cela quand au sein de l’université, on dit : « Nous savions tous qui étaient les professeurs extrémistes » ? C’est parce qu’effectivement, a posteriori, on veut faire de Vincent NTEZIMANA un extrémiste, qu’on sort, pas au début, pas en 1994, mais qu’on sort à partir de 1995, ces accusations d’extrémiste connues depuis toujours. Il ne l’était pas. Il n’avait pas un double visage. Et le professeur KARENZI avait confiance effectivement et c’est pour ça qu’il s’est inscrit sur ces listes.

Le deuxième fait : l’assassinat de l’ensemble de la famille du professeur KARENZI. Dans les questions qui vous seront posées en l’état actuel, ce sont les questions n° 1, 2 et 3. Qui accuse ? C’est effectivement Monsieur GASANA Ndoba. C’est aussi, exactement à la même époque, le témoin anonyme dont on n’a plus reparlé, dont on ne pourra plus parler parce qu’on ne pourra effectivement jamais l’entendre, mais qui, par parenthèse, donne une version totalement différente. Si vous allez voir l’écrit de ce témoin anonyme, dans le dossier, il dit que : « Des Zamus ont dit que Vincent NTEZIMANA allait montrer la maison », alors que jamais aucun autre témoin ne dit cela. Et puis, on ajoute maintenant le témoin Innocent NKUYUBWATSI. Alors, comment cela s’est-il passé ? Que dit ce dernier témoin, Innocent NKUYUBWATSI ? Je voudrais tout de même reprendre son témoignage qui est pétri de contradictions, on vous l’a dit,  entre quatre versions, en trois semaines. Alors, on vous dit effectivement du côté des parties civiles : « Si dans votre délibéré, vous voulez revoir les dépositions enregistrées en vidéo, voyez plutôt la cassette de la RTBF parce que dans la cassette de RTL, il y a un peu plus de blanc », c’est bien cela. « Si vous les revoyez, revoyez-les toutes, si vous décidez de revoir ces cassettes » parce que c’est ça, effectivement, qui est très illustratif, c’est quand on les revoit toutes.

Si on prend simplement l’audition écrite, dans le dossier, par le substitut de l’auditorat, Monsieur HABIMANA, que nous avons entendu ici, Innocent NKUYUBWATSI dit ceci, et je cite : « Un militaire vient chez NTEZIMANA, voir si KARENZI se trouvait chez lui parce que ses enfants venaient d’être tués au Faucon. Le militaire a continué sa route et finit par croiser quelqu’un qui lui a montré chez KARENZI. C’est ce qu’il m’a raconté. Il y est alors rentré, a tué sa femme et d’autres personnes qui s’y trouvaient. Il a poursuivi sa route derrière KARENZI qui s’était rendu à l’endroit où ses enfants avaient été tués. Il l’a trouvé en chemin, tout près du Faucon, et il l’a aussi tué ». Cette version ne colle pas avec les deux autres enregistrées en vidéo. Dans l’enregistrement RTL, il y a même une confusion totale, il ne parle plus de KARENZI, il parle de Gaétan, mais peu importe. Rien qu’à s’en tenir à cette version-ci, on est à l’inverse chronologique absolu de ce dont on sait que cela s’est passé. Le professeur KARENZI est le premier tué, puis Madame, parce que les militaires reviennent, puis les enfants, plusieurs jours plus tard, au couvent. Et ici, c’est exactement l’inverse. Les enfants sont les premiers tués au Faucon, puis, Madame est tuée parce que le militaire va chez KARENZI, puis, le professeur KARENZI est tué parce que le militaire le cherche après, au Faucon. C’est exactement l’ordre chronologique inverse et c’est cette version-là sur laquelle on voudrait notamment attirer votre attention.

Alors, je préfère, pour ma part, m’en tenir au seul témoin direct : le témoin 134, que nous avons entendue ici. Je préfère m’en tenir à ce qu’elle a dit, ce qu’elle a écrit. Je vous ai dit la fois passée, contrairement peut-être à ce qui a été affirmé en réplique par l’accusation, nous avons toujours respecté le récit d’Yvette. Je n’ai posé aucune question à ce témoin, je n’avais simplement pas la force du faire. Nous n’avons pas tenté de maltraiter les victimes directes qui sont venues témoigner devant vous. On a simplement écouté la douleur qu’Yvette est venue raconter ici. Et selon ce témoignage d’Yvette, qu’est-ce qui s’est passé ? Qui vient à la maison KARENZI ? Si vous reprenez le plan, je crois que c’était utile d’avoir ce plan, nous n’en avions nulle part dans le dossier jusqu’à présent, le plan que je vous ai fait distribuer la fois passée, quand vous reprendrez ce plan, vous reverrez qu’il s’agit des gardes présidentiels qui sont en faction depuis longtemps à la maison du petit frère du président le témoin 32 qui est juste à côté, un peu plus loin que la maison KARENZI, la maison de BARARENGANA.

Et ce n’est pas qu’Yvette qui le dit. Elle le dit effectivement dans ses déclarations, et dans le cahier, c’est également, tout au début de ses dépositions, Monsieur GASANA Ndoba qui le dit. Je cite la déposition du 22 novembre 1994 qui se trouve dans le carton 4, à la pièce 5. Il dit ceci : « Une équipe d’environ quatre hommes, membres de la garde présidentielle, habituellement en faction devant la maison du docteur Séraphin BARARENGA, située à 250 m du domicile de KARENZI en direction du centre-ville ». Habituellement en faction devant cette maison, vous verrez la maison sur le plan. Est-ce qu’il fallait, à ces gardes présidentiels habituellement en faction à côté de la maison KARENZI, que quelqu’un vienne montrer cette maison KARENZI pour qu’ils y aillent ? Je ne le crois pas. S’agissant plus tard, mais je reste sur la question de qui a tué la famille KARENZI, ce sont les gardes présidentiels qui sont venus à la maison pour prendre KARENZI, l’emmener, le tuer au Faucon et puis, revenir faire ce chantage avec Madame, partir et puis, un qui revient tuer. Et puis, les enfants aussi, mais c’est plus tard, au couvent, vous l’avez, c’est un peu plus loin que la maison, vous l’avez sur le plan. Et qui vient tuer, là, au couvent ? On dit encore ce matin en plaidoirie que c’est sous les ordres du capitaine NIZEYIMANA que l’on débarque au couvent pour retrouver les enfants KARENZI et prendre d’autres enfants également pour les tuer. Cela n’est pas correct. Ce n’est pas sous les ordres du capitaine NIZEYIMANA. Ca, c’est facile parce que ça permet de nouveau d’essayer de faire un lien avec Vincent NTEZIMANA.

Entendu, les sœurs ont dit très clairement : « C’est sous l’ordre du lieutenant HATEGEKIMANA ». J’en ai déjà parlé, le vrai boucher de Butare. C’est lui qui est venu au couvent avec des militaires, pour prendre les enfants KARENZI et d’autres enfants. Et on dit, effectivement, pas seulement les sœurs. Je reprends un très bref instant l’ouvrage d’Alison DESFORGES : « Aucun témoin ne doit survivre ». A la page 567 de l’ouvrage, elle dit, s’agissant de ces faits-là, après un autre massacre collectif déclenché dans l’église de Ngoma par le lieutenant HATEGEKIMANA, elle ajoute : « Le lieutenant HATEGEKIMANA prit apparemment… ».  Elle est prudente : « apparemment », mais depuis lors, on sait que c’est la vérité, c’est ce que disent les sœurs aussi : « Le lieutenant HATEGEKIMANA prit apparemment la tête d’un groupe important composé de soldats et d’intellectuels de Buye ». Buye, c’est bien le quartier du professeur KARENZI et de Vincent NTEZIMANA. Donc : « Un groupe, composé de militaires et d’intellectuels, va au couvent, entre autres, qui fouillèrent le couvent des benebikira, un ordre religieux rwandais ».

Suite à cela, dès le début de l’enquête, avant qu’une en quête officielle soit ouverte, au tout début du mois de janvier, quand Monsieur l’auditeur militaire VER ELST-REUL va au Rwanda pour enquêter à propos des dix paracommandos belges qui ont été assassinés, on lui demande notamment déjà de faire l’une ou l’autre vérification par rapport à la mort de la famille KARENZI. Et, puisqu’on sait que des militaires, dirigés par HATEGEKIMANA, sont venus avec des intellectuels au couvent, on montre aux sœurs la photo de Vincent NTEZIMANA. C’est dans le dossier. Sœur Marie-Juvénale, une autre sœur, dit très clairement ne pas du tout reconnaître Vincent NTEZIMANA comme quelqu’un qui aurait été présent au moment où on vient enlever les enfants. Il n’est pas présent et il n’y a pas le lien direct que l’on veut mettre parce que ce n’est pas le capitaine NIZEYIMANA qui vient là.

Comment les choses se sont passées alors, d’après vous, qui a tué ? Comment les choses se sont passées à la maison KARENZI, pour Madame KARENZI ? Ce fameux coup de téléphone. J’avais dit effectivement ici : il y a quatre hypothèses, en simple logique. On n’a pas pu vérifier chez RWANDATEL, donc, on ne sait pas, coup de téléphone ou pas, soit, il n’y en a pas, soit, il y en a un. S’il y en a un, c’est un coup de téléphone à un Vincent, n’importe lequel, soit un coup de téléphone à un Vincent NTEZIMANA et soit Vincent NTEZIMANA répond : « Madame KARENZI est une Inyenzi », soit il n’y a personne au bout du fil, il n’y a personne qui répond à cet appel.

On vient maintenant jeter le doute sur les déclarations de Vincent NTEZIMANA dans le dossier, et ici, devant vous, à propos de cela. Qu’y a-t-il dans le dossier et qu’avons-nous entendu ici ? Dans le dossier - je vais prendre la pièce pour ne pas commettre d’erreur - dans le dossier, lorsqu’il est entendu le 27 avril 1995, on l’a dit ce matin, Vincent NTEZIMANA dit ceci : « Nous n’avons eu aucune demande d’assistance téléphonique émanant des KARENZI, le jour des faits ». Il ajoute tout de suite après - et il faut lier ces deux phrases, il ne faut pas les lire ultérieurement - : « A votre question, je vous réponds que si KARENZI me l’avait demandé, j’aurais tenté du sauver ». Ca veut dire : « Si j’avais eu un coup de téléphone, j’aurais réagi ». Ce n’est pas comme ça demander dans l’abstrait : « Si KARENZI avait demandé du sauver je l’aurais fait ». S’il y avait eu un coup de téléphone, j’aurais réagi. « J’aurais pu, par exemple, prendre contact avec un officier tel que le capitaine NIZEYIMANA ». Il ne cache à aucun moment qu’il le connaît :   « …Tel que je l’avais fait précédemment pour l’épouse du lieutenant MURASIRA que j’ai cachée chez moi… », je vous en ai parlé, il y a un instant ».

Alors, on vient dire : « Nous n’avons eu aucune demande d’assistance ». En réalité, c’est un « nous » majestatif, c’est « je » n’ai eu aucune demande d’assistance et donc, ça veut dire que vous étiez bien chez vous, que vous étiez à la maison ce jour-là et que vous dites n’avoir eu aucun coup de téléphone ce jour-là, donc, c’est en contradiction avec ce que vous allez dire après, que vous n’étiez pas chez vous ce jour-là. On veut peut-être donner à Vincent NTEZIMANA un énorme ego en utilisant le « nous » majestatif, je ne l’ai pas vu utilisé ailleurs. Je crois qu’effectivement, ça veut dire dans la maison, comme il s’est expliqué ici en audience : « Quand je suis rentré ce jour-là, Caritas ne m’a pas dit non plus qu’il y avait eu un quelconque coup de téléphone. A la maison, nous n’avons pas eu un coup de téléphone ce jour-là ». Et même s’il avait dit je, il dit simplement, ce jour-là, pendant la période où j’étais chez moi, je n’ai pas eu de coup de téléphone effectivement. Ca n’est pas en contradiction avec ce qu’il va dire tout de suite après, pas ici, en audience. Tout de suite après, il va dire effectivement où il a appris la mort du professeur KARENZI. Dans une audience après, il le dit directement : « C’est chez mes voisins, c’est chez Jean-Bosco SEMINEGA, la maison des le témoin 143 ». Vous avez cette maison, elle est mentionnée, le témoin 42, sur le plan, Monsieur le témoin 42, Madame le témoin 143, c’est juste en face de chez Vincent NTEZIMANA.

Si vous lisez l’acte d’accusation qui est écrit avant notre audience ici, avant tous les jours que nous avons passés ensemble, l’acte d’accusation, c’est à la page 13, dit ceci : « L’accusé prétend qu’il a appris le meurtre alors qu’il se trouvait chez ses voisins, dans la maison du témoin 143 ». C’est ce qu’il avait déjà dit avant. Ca n’est pas quelque chose de nouveau qui est affirmé. Il a toujours dit, effectivement, que c’est là qu’il a appris le meurtre de KARENZI. Alors, où on nous dit qu’il y a contradiction maintenant en audience, c’est quand, d’une part, il dirait qu’il est en face, chez Jean-Bosco le témoin 150, dans la maison des le témoin 143, quand il apprend la mort des KARENZI, alors qu’en audience il viendrait dire que l’après-midi, il était chez le capitaine NIZEYIMANA et non pas en face, chez Jean-Bosco SEMINEGA, chez le témoin 143. Et on nous dit que nous voulons faire injure à votre mémoire si vous ne vous souvenez pas de ce qu’il a dit cela ici. Je ne sais pas qui veut faire injure à votre mémoire. Vous reverrez vos notes. Moi, j’ai revu mes notes. Et je vois aussi dans ce qui sont des notes, oh très incomplètes à ce moment-là, parce que ce n’est pas un procès-verbal de notre procès d’assises, et il ne peut pas y avoir de procès-verbal. Mais il y a sur Internet, une association, Avocats sans frontières, qui rend compte des débats et je ne vais pas utiliser mes propres notes, je vais utiliser ce compte rendu des débats que nous avons eus ici.

On confond deux jours. Vincent NTEZIMANA a été interrogé pendant deux jours, l’après-midi du 24 avril, le mardi, et l’avant-midi du mercredi 25 avril. Et on prend uniquement les réponses données à des questions, le mercredi 25 avril. On oublie l’interrogatoire d’audience de Monsieur le président, le mardi 24 avril, lors duquel Vincent NTEZIMANA dit textuellement ceci : « Je n’étais pas chez moi à ce moment-là, j’étais à la maison de Madame le témoin 143 ». Et ce moment-là, la question, c’est au moment où vous apprenez la mort de KARENZI. Alors, le lendemain, le 25 avril, il y aura une autre question posée par les parties civiles qui est de savoir : « Qu’avez-vous fait ? ». Et posée également par vous, les jurés. « Qu’avez-vous fait après avoir appris la mort du professeur KARENZI ? ».

Et, c’est là, effectivement, qu’il va dire, ça c’est pour la première fois : « Quand je suis rentré chez moi, j’ai téléphoné ». Ca c’est pour la première fois, effectivement. Et qu’il va dire : « Après, je suis allé chez le capitaine NIZEYIMANA ». Alors, on peut ergoter sur les heures. Est-ce qu’il est parti chez le capitaine NIZEYIMANA vers 14-15h, ou quand il faisait déjà noir, un peu plus tard ? Moi, je veux bien. Nous n’avons pas à ergoter sur des heures dans les témoignages parce que, quand on le fait, on nous dit que ce n’est pas sérieux, ce n’est pas ça qui fait valoir que des témoignages ne sont pas vrais. Ce sont deux choses différentes. Un, il apprend la mort chez Jean-Bosco SEMINEGA. Deux, ils quittent, ils vont dans la rue. Le témoin explique. D’abord, ils ont peur, ils parlent entre eux et puis, ils vont dans la rue, et il dit même à la réponse  « Pourquoi vous n’êtes pas allés voir chez les KARENZI ? » : « On n’osait pas parce qu’on sait que les tueurs reviennent toujours après, pour prendre des choses ». Et puis, il dit : « Effectivement, nous le quittons, on le voit rentrer chez lui ». Et Vincent NTEZIMANA ajoute après : « Je suis allé effectivement chez le capitaine NIZEYIMANA ». Ce ne sont pas deux choses qui se passent en même temps, comme on essaierait de vous le faire croire.

Alors, ce témoin, effectivement, il dérange, ce témoin qui dit cela très simplement sur la base des questions des parties civiles, c’est le témoin le témoin 104, le n° 65. Et donc, maintenant, on vient dire : C’est le témoin miracle qui a un seul but. Ce n’est pas le témoin miracle qui a un seul but, c’est comme d’autres, un témoin qui vient dire ce qu’il a vécu effectivement. Qu’on ne vienne pas alors maintenant l’accuser de faux témoignage. Ou alors, il y a une procédure pour cela. Et il y avait notamment, directement, sur la base de l’article 330 du Code d’instruction criminelle, la possibilité pour les parties civiles, pour Monsieur l’avocat général, de saisir directement le président, en disant : « Ceci est un faux témoignage, il faut même prendre une mesure d’arrestation immédiate ». Après, quand le témoignage dérange, on vient dire que ce serait un faux témoignage.

Alors, sur cette question, il y a le témoignage de Jean-Bosco SEMINEGA, dont on a beaucoup parlé parce que c’est à propos de ce témoignage-là que Madame le témoin 143 a rapporté un document, en disant : « J’ai fait l’objet de pressions ». Je voudrais simplement vous rappeler deux choses à propos de cela. Pas les modalités d’arrivée de ce témoignage, vous savez, parce que je crois que ce n’est pas quelque chose qui s’invente. Mais deux choses à propos de ce témoignage de Jean-Bosco SEMINEGA. Une première chose, c’est ce qui s’est passé avec le témoin le témoin 143, Madame le témoin 143, lorsqu’elle a rapporté, ici, devant la Cour, et déposé ce document. On lui a dit tout de suite après : « Mais pourquoi faites-vous cela, pourquoi faites-vous cela alors que Jean-Bosco le témoin 150, vous ne le savez peut-être pas, ne charge pas Vincent NTEZIMANA ? Ce n’est pas un témoin à charge ». On tentait par-là de faire en sorte que cette affirmation d’un témoin, d’avoir subi des pressions, n’avait aucune espèce d’importance parce que ce n’était pas un témoin dérangeant pour Vincent NTEZIMANA, ce n’était pas un témoin à charge.

Or, aujourd’hui précisément, on vient vous dire : « Ah, mais Jean-Bosco SEMINEGA ne dit pas ça du tout ». C’est bien effectivement un témoin qui était dérangeant, et l’affirmation de pressions sur lui, est quelque chose d’extrêmement important parce qu’il avait dit, et on l’a utilisé maintenant, que Vincent NTEZIMANA ne serait venu qu’une fois chez lui, après le 19 avril. C’est effectivement un témoin qui a subi des pressions. Et il ne faudrait même pas, le cas échéant, ce document par lequel il l’affirme et qui a été déposé ici. Il suffirait de relire dans le dossier, la commission rogatoire n° 2 et la commission rogatoire n° 3, à la recherche de ce témoin Jean-Bosco SEMINEGA. Vous trouverez cela, pour la commission rogatoire n° 2, dans le carton 10, farde 34, pièce 45. Et pour la commission rogatoire n° 3, dans le carton 20, pièce 108 et pièce 106. Lors de la deuxième commission rogatoire, en juin 1995, trois rendez-vous sont fixés avec Jean-Bosco SEMINEGA. Trois fois, il ne vient pas. Il ne veut pas témoigner. Lors de la troisième commission rogatoire en octobre, deux rendez-vous sont fixés avec Jean-Bosco SEMINEGA et finalement, il fait cette déclaration qu’il ne signe pas. Il dit expressément : « Je refuse de signer ce document étant un commerçant sur la place de ». Le juge d’instruction a confirmé cela. Et on sait qu’il a fait une photocopie de ce document parce que ceux à qui il doit le montrer, pour montrer qu’il a bien témoigné, ne vont pas faire attention si cette déclaration est signée ou pas.

Alors, on vient dire encore qu’après l’attestation qu’il a remise à Madame le témoin 143, disant : « J’ai fait l’objet de pressions », on dit : « Mais on n’a pas lu que dans le dossier il y a, après, une autre déclaration de Jean-Bosco SEMINEGA qui vient spontanément auprès de la police au Rwanda pour dire : j’ai appris qu’on dit que j’ai fait l’objet de pressions, ça n’est pas vrai du tout ». Mais on a parlé de ça. Le témoin, Madame le témoin 143, elle-même a parlé de ça. On le lui a reproché d’ailleurs, parce qu’elle a dit : « Quand j’ai appris qu’on avait dit, ici, dans le dossier - bien que je n’ai pas déposé la pièce - que Jean-Bosco SEMINEGA avait dit avoir fait l’objet de pressions, je savais qu’il aurait des problèmes, je lui ai téléphoné au Rwanda pour lui dire : prends les devants. Vas toi-même dire que tu n’as pas fait l’objet de pressions, sinon tu risques des problèmes graves ». Elle a parlé de ça. Ca n’est pas nouveau, cette déclaration. Sur l’ensemble de ce qui s’est passé à la maison du professeur KARENZI, je crois, effectivement, qu’il faut s’en tenir au témoignage direct d’le témoin 134, de ce qu’elle a dit.

A juste titre, on a dit : «  En assises, il y a des choses importantes qui peuvent se passer et se révéler en audience ». Ce n’était pas, comme on a voulu le dire, une contradiction entre deux déclarations de Vincent NTEZIMANA. C’est, je vous l’ai dit la fois dernière, les signes qu’Yvette a donnés ici, lors de ses déclarations. Elle aurait pu faire très simplement comme elle l’avait dit et écrit avant. Dire : « Les enfants ont dit que c’est Vincent, le professeur, que c’est Vincent NTEZIMANA ». Elle n’a pas dit ça. A deux reprises, la question lui a été posée : « Est-ce que les enfants ont dit que Vincent NTEZIMANA était un collègue de leur papa ? Et que c’est ce Vincent-là, à qui on a téléphoné ? ». A deux reprises, elle a dit : « Non ». Si elle a dit non, et c’est pas nous qui avons posé ces questions-là pour essayer de la tarauder, d’arriver à des contradictions. Si elle a dit non, c’est effectivement parce qu’elle voulait donner un signe, parce qu’elle n’est absolument pas convaincue, elle, que ce soit Vincent NTEZIMANA. Parce qu’elle sait très bien que le professeur KARENZI était effectivement connu et qu’il n’y avait pas besoin, ni de montrer sa maison, ni de liste, pour savoir où était sa maison, ni de téléphoner à Vincent NTEZIMANA pour savoir si sa femme était également une Tutsi. Au demeurant, si les listes avaient été utilisées, c’était sur les listes. Mais tout le monde le sait.

C’est effectivement une mort symbolique après la mort de la reine mère. Il n’est pas nécessaire de téléphoner pour savoir malheureusement qui est Madame KARENZI. On oublie qu’il y a eu tout ce chantage des militaires avec Madame KARENZI, pour recevoir plus d’argent. Et finalement, ils ne la tuent pas et c’est un qui revient après et qui, effectivement, la tue. On joue - Monsieur l’avocat général en a parlé pour d’autres circonstances - on joue effectivement à cet affreux jeu du chat et de la souris.

Troisième fait : La famille NDUWUMWE. Dans les questions auxquelles vous aurez à répondre actuellement, ce sont les questions n° 4 et 7, elles sont un peu distantes les unes des autres. Marie-Claire KAREKEZI, c’est en fait Madame NDUWUMWE, Nicole c’est l’enfant. Ces questions pourraient, le cas échéant, être rapprochées mais peu importe.

On n’est plus revenu en détail dans les répliques, donc je ne devrai pas insister beaucoup, simplement pour vous dire que l’on parle de quatre témoins qui portent cette accusation. Aucun de ces quatre témoins n’est venu ici, devant vous. Aucun des quatre ! Ce n’est pas seulement la première accusatrice qui n’est pas venue, c’est aucun des quatre témoins, dont un est en prison, c’est entendu et on sait pourquoi il est en prison. Aucun des quatre ne vient. Vous verrez les dépositions qui sont faites par ces témoins. C’est le carton 8, pièce 33, le carton 10, pièce 10, le carton 31, pièce 29 et le carton 31, pièce 18bis. Je ne reviens plus sur les contradictions mais elles sont évidentes. Ce n’est pas seulement les modalités de la mort, c’est aussi l’endroit, et qui a tué, qui sont présentés de façon totalement différente, notamment par un témoin cité par la première accusatrice, le témoin, veuve MIRONGO. Et il n’est pas du tout question ici, comme on l’a dit en réplique tout à l’heure, du problème de comptage des maisons, si on commence par un bout de la rue, ou l’autre. Ce n’est pas du tout ça qui est en question. C’est que ce n’est pas la même époque, ce n’est pas de la même façon que l’on tue, ce ne sont pas les mêmes personnes qui tuent et ce n’est pas au même endroit, pas la question de maison, mais les uns, disent dans la maison, les autres, disent dans un bois plus loin de la maison.

Quatrième fait : Le jeune homme à la barrière. C’est la question n° 5 dans le projet actuel de questions qui vous seront soumises. L’acte d’accusation le dit en page 15. C’est Vincent NTEZIMANA lui-même qui évoque ce fait après qu’on lui ait redemandé : « Est-ce que vous n’avez pas assisté à des massacres ? ». De nouveau, nous n’avons eu aucun témoin direct ici, qui accuse Vincent NTEZIMANA. L’accusateur principal, le témoin 142, le même qui fait pression sur Jean-Bosco SEMINEGA, n’est pas venu. LONGIN n’est pas un témoin direct. Il dit : « Voilà ce que le témoin 142 m’a raconté. Moi, je n’ai rien vu ». Et alors, on a un témoin qui est venu, qui n’était pas venu pour ça, qui n’était pas venu à la demande de la défense, l’abbé Denis SEKEMANA, qui était venu à la demande de l’accusation parce que c’est le dernier témoin qui a vu Malik, l’enfant des KARENZI, pour entendre ce que Malik lui avait dit. Et ce témoin-là se souvient de ce qui se passe à la barrière, et dit clairement : « C’était une affaire de militaires. Vincent NTEZIMANA n’avait rien à voir avec cela ». Pourquoi viendrait-il dire cela alors qu’il n’a absolument aucun intérêt. Ce n’est pas un témoin qui est demandé par Vincent NTEZIMANA.

Dernier fait : La jeune fille. De nouveau, c’est indiqué dans l’acte d’accusation, c’est Vincent NTEZIMANA lui-même qui parle de ces faits-là, de ce qu’effectivement il se reproche de ne pas avoir fait. Alors, il n’y avait personne, pas de témoin, pas d’accusateur, quoi que ce soit. Et puis, vient NKUYUBWATSI Innocent, qui n’est pas nouveau parce que c’est Vincent NTEZIMANA qui a donné le nom de NKUYUBWATSI Innocent qui logeait chez lui. C’est lui qui a donné ce nom-là. Et maintenant, on a ce seul accusateur que vous avez vu, que vous reverrez peut-être si vous voyez toutes les cassettes dans votre délibéré. Je ne parviens pas à croire à la sincérité de ce témoin-là, je ne parviens pas  quand on voit les différentes versions en trois semaines, quatre versions différentes. Je ne vais plus revenir sur les détails, je l’ai fait en termes de plaidoirie. Ce témoin-là, par voie de vidéo, n’est pas du tout un témoin crédible. Et effectivement, il espère, et on peut le comprendre, et c’est normal, une réduction de peine. Et la loi rwandaise de 1996 que Monsieur l’avocat général a déposée hier, le confirme effectivement. Lisez les articles 15 et 46 de la loi rwandaise et vous verrez ces réductions de peine possibles pour celui qui est en aveux, et celui qui est en aveux doit être en aveux, non seulement de ces faits-là, mais de tous les autres faits qu’il peut effectivement porter à la connaissance des investigateurs. Je ne crois pas en la vérité dans la bouche de ce témoin-là, comme j’ai pu croire effectivement à la vérité dans la bouche du témoin, Yvette le témoin 134, pour parler de ce qui s’est passé chez les KARENZI, et ce témoin qui - cette image était incroyable - va effectivement serrer la main, Yvette va serrer la main de Vincent NTEZIMANA, ici derrière.

Vous devrez juger. On vous dit, pour la jeune fille, Vincent NTEZIMANA aurait pu appeler un médecin, aurait pu la sauver, aurait pu l’enterrer différemment, je ne sais pas. Ca, c’est à chacun de nous d’en juger dans une situation telle que celle-là. Dès qu’il raconte ces faits-là, il dit effectivement : « J’ai peur. Je suis en face d’un tueur. Je me rends compte que je suis en face d’un tueur et j’ai peur. Je ne réagis pas ». Est-ce qu’il était dans une mesure lui permettant de réagir ? Est-ce que, dans une situation de guerre, de peur comme celle qu’il vit à ce moment-là, la hiérarchie des personnes que l’on entend faire valoir, est-ce qu’elle continue à subsister ?

Voilà ! Cinq faits. Cinq faits qui sont des faits graves en soi, mais cinq faits. Je ne comprends pas qu’il n’y ait que cinq faits. Si Vincent NTEZIMANA est l’organisateur, le planificateur du génocide que l’on voudrait présenter, après autant d’investigations, après autant de témoignages, après 20.000 pages de dossier, après examen par le Tribunal pénal international qui ne prend pas ce dossier, on a cinq faits pour un planificateur du génocide. Et sur ces cinq faits, trois dont il parle lui-même : les listes, le jeune homme, la jeune fille. C’est lui qui en parle. Est-ce à partir de là que nous sommes en présence d’un planificateur du génocide ? Je ne le crois pas et je crois que cela explique pourquoi, en 1994 et début 1995, on ne parle pas, effectivement, de Vincent NTEZIMANA au Rwanda quand l’inspecteur VER ELST-REUL y va. Pourquoi, dans son synopsis sur les événements à Butare, le témoin 96 ne parle pas de Vincent NTEZIMANA ? Pourquoi le Tribunal pénal international n’a pas pris de dossier ? Parce qu’effectivement, je ne crois pas que nous soyons en présence de ce planificateur que l’on voudrait vous présenter.

Je vous l’ai dit, j’ai peur. Ne nous trompons pas de coupable dans notre jugement. Vous examinerez chacune des questions qui vont vous être posées, et je crois que vous le ferez effectivement en respectant votre serment, chacun, chacune. Le serment d’examiner les faits et les questions avec l’attention la plus scrupuleuse, sans haine ou méchanceté, crainte ou affection, en suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui convient à un homme et une femme probes et libres. Faites justice. Ne faites pas vengeance.

Le Président : Merci, Maître CARLIER.