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Verdict sur peine Plaidoiries sur peine compte rendu intégral du procès
Procès > Verdict sur peine > Plaidoiries sur peine > Défense V. Ntezimana
1. Défense V. Ntezimana 2. Défense A. Higaniro 3. Défense C. Mukangango 4. Défense J. Mukabutera
 

11.3.1. Plaidoirie sur la peine: Vincent NTEZIMANA

Le Président : Pour la défense de Monsieur NTEZIMANA, Maître BELAMRI ou Maître CARLIER, ou les deux ? Vous seul ? Vous avez la parole, Maître BELAMRI.

Me. BELAMRI : Je vous remercie, Monsieur le président. Madame, Monsieur le juge, Mesdames et Messieurs du jury, je respecte votre décision. Maître CARLIER et moi, Vincent NTEZIMANA derrière moi, nous respectons votre décision. Vous avez condamné, partiellement, Vincent NTEZIMANA, votre décision de cette nuit m’est apparue comme nuancée.  Il vous appartient, maintenant, de déterminer la peine à infliger à Vincent NTEZIMANA. Dans les faits pour lesquels vous l’avez condamné, il est mentionné, sans distinction, différents modes d’exécution, l’exécution en tant que telle, l’assistance indispensable ou non, l’omission également.  Tous ces faits connaissent une même peine de principe, ce qui ne veut pas dire qu’une même peine concrète doit y être appliquée. Ainsi, l’emprisonnement à perpétuité est la peine de principe, mais vous pouvez la moduler, en fonction de ce que vous avez retenu de votre intime conviction, lors de votre réponse à ces différentes questions. Vous pouvez moduler cette peine par rapport à votre intime conviction. A-t-il tué lui-même, a-t-il assisté, a-t-il omis d’agir. Des nuances peuvent et doivent, eu égard à votre décision, être prises, il ne s’agit pas de faiblesse, il s’agit de nuances, puisque partiellement, et partiellement seulement, vous avez condamné Vincent NTEZIMANA. 

Il vous appartient de déterminer la première peine à laquelle il sera condamné. Je ne fixe pas de chiffre, c’est à vous d’en décider. J’évoquerai simplement, à titre exemplatif, un cas particulier, la seule décision prise à l’heure actuelle, en Europe, face à des faits similaires. Il s’agit d’une décision en première instance, du tribunal militaire suisse qui avait condamné l’ancien bourgmestre de la commune de Mushubati, Fulgence NIYONTEZE, à la prison à perpétuité. En appel, par le tribunal d’appel militaire, la peine a été réduite à 14 ans.  Le 27 avril 1900… 2001 pardon, le tribunal militaire de cassation a confirmé, effectivement, la peine de 14 ans de prison. Les juges d’appel ont retenu les violations des Conventions internationales de Genève sur le droit de la guerre. Considérant, et retenant des faits telle que la participation à une réunion populaire de ce bourgmestre, où il avait appelé ses concitoyens à tuer des Tutsi qui avaient échappé au génocide en cours, retenant également le fait qu’il s'était rendu à l’évêché proche de Kabgayi où il avait ses administrés, à rentrer dans les camps pour se faire tuer. Monsieur Fulgence NIYONTEZE a plaidé « non coupable » durant les différentes instances. Une peine définitive de 14 ans de prison, par le Tribunal militaire de cassation suisse, lui a été appliquée. 

Dans l’évaluation de cette peine, divers éléments, dont il faut bien entendu tenir compte, quel que soit le caractère particulier de ce dossier, quel que soit le dossier, l’absence effectivement de tout antécédent judiciaire, l’absence de toute condamnation antérieure dans le chef de Monsieur NTEZIMANA, il faut, quelque part, en tenir compte. Le contexte des faits qui permet d’évaluer s’il existe un risque quelconque pour le futur.  N’oublions pas qu’ici, la condamnation intervient dans un cadre particulier, celui-là même de votre compétence, celui d’un conflit armé non international. Tenir compte, éventuellement, de la capacité éventuelle de Vincent NTEZIMANA à intégrer votre décision, et là, je fais simplement référence à psychologie établie par les experts, tout en début de ce dossier où, effectivement, on juge Vincent NTEZIMANA capable de tirer profit de l’expérience vécue, disant qu’il témoigne, en outre, d’une intégration de la loi, d’une intégration du jugement, et de la décision prise.  Votre décision il la respecte, il l’assume, il ne se soustrait pas, il ne l’a jamais fait. On a effectivement, durant les débats, tenté de vous dire qu’une condamnation, même à perpétuité, signifierait qu’au bout de 12 ou 13 ans de prison, Vincent NTEZIMANA se retrouverait dehors. J’avoue, pour ma part, que ce raisonnement me paraît un peu réducteur.

D’accord, les règles ordinaires de libération conditionnelle lui sont applicables, mais la libération conditionnelle n’est pas un automatisme, la loi dit que la personne emprisonnée peut être libérée après rassemblement de diverses conditions cumulatives, elles doivent toutes être là. Le ministre donne son avis, avec une position actuelle et désormais beaucoup plus stricte en matière de libération conditionnelle. Certains cas, certains dossiers ont amené à cette position. Comme vous l’a dit, effectivement, Monsieur l’avocat général, la victime, elle-même, à sa demande, peut être entendue dans le cadre de la commission de libération, et il faut également, pour une condamnation d’importance, que la décision soit unanime au sein de la commission de libération. 

Tout ceci me fait dire qu’il est un peu réducteur, sans doute, d’annoncer comme une évidence, que Vincent NTEZIMANA se retrouverait en dehors, hors de prison, au bout de 11, 12, 13 ans de prison. Il s’agit là, de la première peine, celle dont vous décidez, il y en a d’autres. Deuxième peine : à la peine d’emprisonnement, qui sera décidée par vous, Vincent NTEZIMANA encourt une seconde peine, qui est l’expulsion. En pratique, effectivement, un étranger condamné à une peine importante, après l’exécution de sa condamnation, fait l’objet d’une mesure d’expulsion. Il s’agit là d’une seconde peine. Il en existe une troisième, en dehors de la prison, en dehors de l’expulsion, avec toute la médiatisation de cette affaire, avec le caractère particulier, c’est la condamnation sociale, condamnation sociale non seulement pour lui, qu’il portera sur ses épaules tout au long de sa vie, quelle que soit la durée de son emprisonnement. Condamnation sociale également pour les membres de sa famille, Agnès, Lucrèce, Jean-Claude, Bryan.

Hier soir, ou plutôt cette nuit, durant cette longue attente, je me suis permis de demander à Vincent NTEZIMANA comment il envisageait d’apprendre à ses enfants, l’éventuel verdict. Il m’a alors raconté qu’avec le petit Bryan, qui a à peine 7 ans, on avait instauré depuis le début du procès, un système de bons et de mauvais points. Il lui a expliqué qu’il y avait des jours où il gagnait des bons points, et des jours où il en gagnait des mauvais. Que si le total des mauvais points était supérieur au total des bons points, la situation serait difficile, il risquait de ne plus le voir pendant longtemps. Bryan a bien compris l’enjeu puisqu’à son institutrice, hier, en début de journée, il a expliqué que la journée était très difficile, et très importante, pour son père. Vincent NTEZIMANA lui a expliqué que s’il avait plus de mauvais points que de bons points, il ne le verrait plus pendant très longtemps, peut-être pas avant qu’il ait atteint l’âge de vingt ans. 

Votre condamnation a été partielle et nuancée, votre arrêt était nuancé quant aux condamnations, je vous demande, alors, un arrêt nuancé également, quant à la peine.  Je vous remercie.

Le Président : Merci, Maître BELAMRI.