assises rwanda 2001
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compte rendu intégral du procès
Procès > Exceptions préliminaires > Réponses défense
1.  Avocats défense : problèmes procédure, écartement pièces dossier, irrecevabilité 2. Réponse avocat général 3. Réponses partie civile 4. Réponses défense 5. Conclusions président
 

3.4. Réponses de la défense

Le Président : La défense de Monsieur HIGANIRO souhaite-t-elle encore intervenir, répliquer ?

Me. EVRARD : Si vous m’autorisez, extrêmement brièvement, je voudrais quand même réagir parce qu’on nous a dit, tous en chœur, que les avocats de la défense, on était là pour qu’on ne juge pas, pour qu’on écarte des pièces dérangeantes, qu’on venait avec des arguments de manière tardive, qu’on se raccrochait à des bouées de sauvetage, j’en passe, et des meilleures.

Moi, je crois qu’il faut recadrer le débat au niveau juridique ; il ne faut pas essayer de faire du bon sentiment, mes chers confrères, quand on parle de problème juridique. Et c’est de problèmes juridiques dont nous entretenons la Cour, et rien d’autre.

Et je voudrais même vous dire, Monsieur le président, vous connaissez comme moi le prescrit de l’article 235bis du Code d’instruction criminelle, la défense de Monsieur HIGANIRO aurait-elle choisi de taire les problèmes avec lesquels nous venons cet après-midi pendant toute la durée de l’instruction au moment du règlement de procédure, encore avait-elle le droit aujourd'hui pour la première fois d’évoquer ces problèmes ? SVP, restons sérieux ! Nous parlons de problèmes juridiques.

Recadrons le débat. Une seule idée pour faire comprendre le problème. Ce ne sont pas les pièces dérangeantes que nous venons d’écarter. Il y aura des pièces, il y aura des témoignages dérangeants, et Monsieur HIGANIRO les assumera. Ce qui nous dérange, c’est la situation suivante. Imaginez-vous, Madame la quatrième jurée, vous, Madame la cinquième jurée suppléante que vous soyez accusées d’un crime en Extrême-Orient, en Chine ; vous avez commis là-bas des faits graves ; vous fuyez la Chine ; vous arrivez en France, en Allemagne, n’importe où. Et qu'est-ce qui va se passer ? Vous allez avoir un procès qui concerne non pas ce qui s’est passé sur le territoire français ou allemand, mais sur le territoire chinois. Et qui va venir avec des pièces, et je répète ce que j’ai dit tout à l'heure, qui auraient dû être rassemblées par l’autorité publique ; ce ne sont pas les autorités chinoises, mais ce sont les personnes qui ont été victimes de vos agissements en Chine. Est-ce que je ne peux pas plaider de manière raisonnable que dans de telles conditions, vous pourriez avoir des craintes, non pas que les pièces qui soient versées n’aient pas été trouvées là où on le dit, mais que l’on ait omis de rapporter d’autres documents, d’autres preuves qui auraient pu servir votre cause.

C’est là le problème, et s’il vous pait, je voudrais que plus personne ne dévie de la trajectoire de ce qui a été écrit et plaidé dans ces conclusions. Il n’y a aucune pièce qui nous dérange, il y a des principes qui nous dérangent. J’ai dit et je vous remercie.

Le Président : La défense de…

Me. VERGAUWEN : Oui, Monsieur le président, trois réflexions. Première réflexion à l’intention de Monsieur l'avocat général. La défense, il le sait et nous le savons tous, peut invoquer le respect des droits de la défense à tout moment.

Deuxième réflexion : pourquoi n’avons-nous pas invoqué ces arguments plus tôt ? C’est ce qu’on nous reproche, finalement. On nous dit : « Pourquoi vous n’avez pas invoqué ces arguments plus tôt ? ». Alors, je réponds deux choses : d’une part, ça n’est pas de notre faute si toutes ces pièces ont été déposées après l’ordonnance de la Chambre du conseil. De deux, ce n’est pas de notre faute non plus si ces pièces ont été déposées dans une langue qui nous est totalement étrangère. Alors, les problèmes de traduction, ce sont des problèmes d’ordre public, et je vois mal comment on peut nous faire le reproche à nous de ne pas avoir demandé plus tôt ces traductions.

Troisième et dernière réflexion, par rapport au fait que Monsieur REKERAHO soit détenu au Rwanda et qu’il ne puisse pas venir. Ce n’est pas notre faute non plus si Monsieur REKERAHO est détenu au Rwanda. Et je veux simplement vous dire ceci, et je renvoie à la fin de ma première intervention lorsque je vous ai dit qu’il y avait une question de cohérence, c’est bien cela notre problème. Il est difficile d’interroger quelqu'un par personne interposée, et qu’on ne vienne pas nous dire : « Vous cherchez à cacher des témoignages accablants, etc. ». On vous en parle ! On vous dit effectivement ; on nous invoque en termes d’acte d’accusation des témoignages que l’on nous décrits comme étant accablants. Eh bien, on dit : « Nous, on voudrait interroger ce témoin. On voudrait qu’il vienne ici pour qu’on puisse l’interroger, pour qu’on puisse dire que nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’il raconte et pourquoi ». Et on nous répond : « Non, vous interrogerez les enquêteurs ». Je ne mets pas en cause l’impartialité des enquêteurs, je dis que peut-être Monsieur REKERAHO son impartialité à lui, mais ça, c’est le débat de fond, peut être mise en cause. Et on ne nous donne pas les moyens d’interroger ce qui est quand même qualifié comme étant un témoin à charge dans ce dossier. Et dès lors, ce n’est pas notre faute s’il n'y a pas de convention d’extradition entre la Belgique et le Rwanda. C’est un problème effectivement de procédure qui se pose, mais que nous soumettons à la Cour. Et nous disons simplement à la Cour : « Nous avons des craintes, et nous demandons à la Cour d’en tenir compte et dès lors de faire droit à ce que nous demandons ». J’ai dit et je vous remercie.

Le Président : Bien, plus de réplique. Maître CARLIER, vous souhaitez prendre la parole ?

Me. CARLIER : Je vous remercie, Monsieur le président, Madame, Monsieur. Un mot pour vous, Mesdames et Messieurs les jurés, Maître BELAMRI ici à côté de moi et moi-même n’avons pas encore pris beaucoup la parole jusqu’ici et je crois que cela nécessite un petit mot d’explication pour vous. Nous assurons la défense du premier accusé, Monsieur Vincent NTEZIMANA qui est derrière moi. Vous verrez au cours de la suite de ce procès qu’il va y avoir des séquences différentes. Tout ça, ça se situe dans le cadre du génocide Rwanda, c’est très clair, et c’est pour ça que toute la question va être posée devant vous en une fois. Mais il va y avoir pendant la première semaine qui va suivre des débats concernant Monsieur NTEZIMANA, puis des débats concernant Monsieur HIGANIRO, et puis des débats concernant les deux sœurs.

Alors, vous avez remarqué que pour ce qui nous concerne, pour ce qui concerne Monsieur NTEZIMANA, nous n’avons soulevé aucune question de procédure. Nous n’avons pas demandé que des pièces soient écartées. Ça ne veut pas dire que les autres de la défense ont tort dans ce qu’ils demandent. Leur situation est différente ; ils ont des arguments de droit que la Cour doit entendre. Mais Monsieur NTEZIMANA n’est pas confronté à ce problème-là dans le cadre de la procédure. Son seul souci, comme cela a été dit ici, c’est que tout soit entendu, que toutes les pièces soient entendues, et qu’à partir de là, comme Monsieur le président vous l’a dit ce matin, vous vous fassiez votre intime conviction et que vous ayez à le juger. Je tenais à ce que cela soit clair pour vous en ce qui le concerne.

Le Président : Les accusés souhaitent-ils prendre un instant la parole eux-mêmes ? Pour ces problèmes de procédure. Monsieur NTEZIMANA ?

Vincent NTEZIMANA : Non, Monsieur le président.

Le Président : Monsieur HIGANIRO ?

Alphonse HIGANIRO : Non plus, Monsieur le président.

Le Président : Madames MUKANGANGO et MUKABUTERA ?

Consolata MUKANGANGO : Pas pour l’instant.

Julienne MUKABUTERA : Moi également.

Le Président : Bien. Alors, normalement nous aurions dû déjà être à cette heure-ci en train de digérer la lecture de l’acte d’accusation sans doute. Vous vous rendez compte que je ne vais quand même pas commencer cette session en disant aux jurés qu’on va siéger aujourd'hui jusqu'à 10 h du soir. Donc, l’audience va être suspendue. Un arrêt interviendra vraisemblablement pour qu’on puisse continuer la procédure demain matin à la première heure, d’audience, c'est-à-dire 9 h. Et nous procéderons ensuite, en fonction de cet arrêt, soit à des retraits de pièces, soit à une déclaration d’irrecevabilité de poursuite… que sais-je… arrêtant ainsi le procès pour l’un ou pour l’autre. Soit nous poursuivrons par la lecture de l’acte d’accusation et des actes de défense, ainsi semble-t-il peut-être d’actes de partie civile, peut-on les qualifier ainsi ? Ce n’est pas prévu par la loi, mais…

Me. BEAUTHIER : Maître GILLET lira un acte de partie civile.

Le Président : Bien. Alors, il serait sans doute souhaitable que ces actes, je crois que c’est le cas pour Monsieur NTEZIMANA, peut-être pour Monsieur HIGANIRO, je ne sais pas, pour les parties civiles, que ces actes soient en possession du greffe de manière à ce qu’on puisse en faire des copies, notamment pour veiller à l’égalité des armes. Et puisque habituellement la copie de l’acte de défense est fournie aux jurés et jurés suppléants, il conviendrait que les autres actes lui soient également fournis, aux membres du jury, pour que tout se passe de la même manière pour chacune des parties.

Donc, nous allons suspendre les débats pour aujourd'hui. L’audience sera reprise demain à 9 h. Il y aura donc demain matin l’arrêt interlocutoire, lecture, pour autant qu’il doit avoir lieu, de l’acte d’accusation, des actes de défense, de l’acte de partie civile. Dans l’après-midi, contrairement à ce qui était prévu, ce ne sera donc pas le matin, l’interrogatoire de chacun des accusés uniquement en ce qui concerne leur personnalité et leur curriculum vitae. Et on fera déplacer en fin d’après-midi, et c’est pour ça que je vous signale que ce sera sans doute plus long que 5 h demain, les experts psychiatres qui devaient être entendus en début d’après-midi de demain. Ils seront donc entendus en fin d’après-midi.

De cette manière-là, parce qu’on a peut-être pas encore entendu parler des faits, mais on n’a pas non plus entendu parler des quatre personnes dont le sort dépend de ce qui va se dérouler ici, nous aborderons d’abord le problème de connaître un tout petit peu mieux ces quatre personnes.

Et nous poursuivrons ensuite, sans doute, par les auditions dans les jours qui suivent.

Donc, nous n’aurons certainement pas terminé à 17 h ou 17 h 30 demain. Si vous avez des dispositions à prendre à la maison pour que Monsieur ou Madame fasse le souper plus tard, vous invite au restaurant demain soir, voyez un peu comment cela peut se faire.

Me. EVRARD : Je ne sais pas s’il est clair dans l’esprit de la Cour que nous souhaitions faire entendre le Docteur le témoin 30 et Madame le témoin 16 qui sont en fait d’autres psychiatres qui ont examiné sœur Gertrude et sœur Kizito. Je me demande dans quelle mesure il ne serait pas utile de les faire entendre également dans la foulée des docteurs CROCHELET et DELATTRE.

Le Président : S’ils ont été dénoncés…

Me. EVRARD : Ils l’ont été. Ils sont repris dans la signification des nouveaux témoins. Mais pour une question d’horaire, je pense qu’il serait opportun…

Le Président : Moi, j’ai demandé à ce que l’on envisage que les deux psychiatres qui étaient prévus, qui sont des psychiatres désignés par le juge d’instruction soient avertis de ne venir qu’à 15 h 30 au lieu de 13 h 30. Il faudrait peut-être que vous fassiez une démarche à l’égard de ces deux personnes dont le rapport est inconnu jusqu'à présent…

Me. EVRARD : Il sera déposé demain matin.

Le Président : …et les autres parties, que ces personnes ne se présentent pas non plus avant 15 h 30, de manière à ce qu’elles n’attendent pas inutilement. Mais elles pourraient effectivement être entendues conjointement ou dans la foulée des médecins psychiatres désignés par le juge d’instruction.

Me. EVRARD : C’est parfait, je vous remercie.

Le Président : Donc, prenez de votre côté, puisqu’il s'agit de témoins que vous souhaitez faire entendre, prenez de votre côté les dispositions pour que ces personnes se présentent, et en tout cas pas avant 15 h 30. L’audience est suspendue et reprendra demain à 9 h.

 
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