3.5. Conclusion du président
Le Greffier : La Cour
Le Président : L'audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir.
Les accusés peuvent entrer.
La Cour s'excuse du retard à l'ouverture de l'audience, qui n'est
pas dû au fait de la Cour mais présente, quand même, ses excuses notamment aux
membres du jury qui étaient sans doute là depuis bien avant 9 heures et un problème
apparemment de circulation pour certains avocats, la porte doit rester ouverte.
La porte de la salle d'audience doit rester ouverte.
Bien, Monsieur NTEZIMANA est représenté par Maître SMITH. Bien.
Alors, dans un premier temps, la Cour va prononcer des arrêts, un
premier qui est le suivant :
Vu les conclusions déposées par l'accusé HIGANIRO Alphonse à l'audience
publique de cette Cour d'assises du 17 avril 2001.
Attendu que la défense de l'accusé HIGANIRO Alphonse, soulève in
limine litis une exception principale d'irrecevabilité des poursuites engagées
par le ministère public à son encontre, une exception subsidiaire tendant à
faire écarter par la Cour d'assises diverses pièces du dossier, dont découlent
des demandes tendant à faire constater qu'il y a lieu de modifier l'acte d'accusation,
de faire restituer par les parties les copies les pièces écartées qui seraient
en leur possession et à faire prendre par la Cour tout autre mesure utile à
l'écartement des pièces ;
Attendu que plus subsidiairement, HIGANIRO Alphonse sollicite que
la Cour ordonne la surséance de l'examen de la cause, jusqu'à ce que les juridictions
d'instruction aient définitivement statué sur l'instruction actuellement poursuivie
par le juge d'instruction VANDERMEERSCH, à charge d'inconnu, portant sur des
faits d'homicide commis au Rwanda entre le 5 avril et le 24 juillet 1994 ;
Attendu qu'à titre infiniment subsidiaire, une demande qui nous a
donné acte de la violation de ses droits à la défense ;
1. Irrecevabilité des poursuites
Attendu que par arrêt du 15 mai 1996, la Cour de cassation a prononcé
le dessaisissement du juge d'instruction VANDERMEERSCH de son dossier 3795,
en tant qu'il concernait notamment l'accusé HIGANIRO Alphonse, par application
de l'article 6 de la loi du 22 mars 1996 relative à la reconnaissance du Tribunal
international pour l'ex-Yougoslavie et le Tribunal international pour le Rwanda,
et à la collaboration avec ces tribunaux ;
Attendu que dans la mesure de ce dessaisissement, le dossier 3795
du juge d'instruction VANDERMEERSCH fut transmis au procureur du Tribunal pénal
international pour le Rwanda qui le 6 août 1996 dressa un acte d'accusation
à l'encontre d'HIGANIRO Alphonse des chefs de génocide crime contre l'humanité
et complicité dans le génocide ;
Attendu que le 8 août 1996, le juge au Tribunal pénal international
pour le Rwanda rejeta l'acte d'accusation précité, pour chacun des chefs d'accusation
y mentionnés, déclarant qu'au vu des éléments soumis par le procureur, pour
chacun de ces chefs d'accusation, il n'estimait pas qu'il existait des présomptions
suffisantes et que, en outre, pour plusieurs des actes cités dans les éléments
justificatifs, et sur lesquels était fondé l'acte d'accusation, il n'avait pas
été suffisamment prouvé qu'ils auraient été commis au su et avec l'approbation
de l'accusé, ce qui aurait lié ainsi l'accusé audit acte ;
Attendu que sur pied de l'article 8 de la loi du 22 mars 1996 précité
par Arrêt du 13 août 1996, la Cour de cassation décida de renvoyer la cause
au juge d'instruction VANDERMEERSCH pour qu'il continue concernant Alphonse
HIGANIRO son instruction 3795, dont la poursuite a été empêchée par l'arrêt
de dessaisissement du 15 mai 1996 ;
Attendu que l'accusé HIGANIRO Alphonse soutient, qu'en présence de
la décision internationale de rejet de l'acte d'accusation à sa charge intervenue
le 8 août 1996, ayant selon lui une autorité relative de chose jugée, il y a
lieu de déclarer les poursuites présentement engagées à sa charge irrecevables
en l'absence de fait nouveau ou de charge nouvelle présentée par le ministère
public ;
Attendu que cet argument fut déjà développé par la défense d'HIGANIRO
Alphonse devant la Chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles
qui y répondit par son arrêt du 27 juin 2000, par lequel cette juridiction d'instruction
a renvoyé, cet accusé avec d'autres, devant la Cour d'assises de l'arrondissement
administratif de Bruxelles Capitale ;
Attendu que ledit accusé s'est pourvu en cassation contre cet arrêt
de renvoi, mais s'est ensuite désisté de son pourvoi ;
Attendu que l'article 235bis du Code d'instruction criminelle, en
son cinquième paragraphe, dispose que : « Les irrégularités,
omissions ou causes de nullité visées à l'article 131 paragraphe premier dudit
Code ou relatives à l'ordonnance de renvoi, et qui ont été examinées devant
la Chambre des mises en accusation ne peuvent plus l'être devant le juge du
fond sans préjudice des moyens touchant à l'appréciation de la preuve ou qui
concerne l'ordre public. Il en va de même pour les causes d'irrecevabilité ou
d'extinction de l'action publique sauf lorsqu'elles ne sont acquises que postérieurement
au débat devant la Chambre des mises en accusation » ;
Attendu que la cause d'irrecevabilité des poursuites invoquée devant
la Cour d'assises par l'accusé HIGANIRO Alphonse a déjà été examinée par la
Chambre des mises en accusation et n'a pas été acquise postérieurement au débat
devant cette juridiction d'instruction ;
Attendu qu'en conséquence la demande de cet accusé tendant à faire
déclarer les présentes poursuites à sa charge irrecevables, ne saurait être
reçue par la Cour d'assises ;
S'il y a des personnes qui ont des GSM, je les prie de bien vouloir
les éteindre.
Attendu qu'au surplus, contrairement à l'affirmation d'HIGANIRO Alphonse
selon laquelle, depuis la décision du juge du Tribunal pénal international pour
le Rwanda, de rejeter l'acte d'accusation dressé à son encontre par le procureur
dudit Tribunal intervenu le 8 août 1996, il n'y aurait aucun fait nouveau et
aucune charge nouvelle contre lui, la Cour d'assises relève que des charges
nouvelles ont bien été recueillies postérieurement au 8 août 1996, notamment
par les auditions du témoin 40, réalisées les 18-24 et 25 juin 1997,
Classeur 32 - Farde 211 - Pièces 11-13 et 14, celles du témoin 21 recueillies
les 21-22-23 et 24 décembre 1999, Classeur 42 - Farde 133 - Pièces 13 et 15
à 20, et la confrontation entre ces deux personnes opérée le 30 décembre 1999,
Classeur 42 - Farde 133 - Pièce 21 ;
Attendu que partant, la demande de l'accusé HIGANIRO tendant à faire
déclarer irrecevables les présentes poursuites à son encontre est à tout le
moins non fondée .
2. Rejet de certaines pièces du dossier
Attendu que ce chef de demande est recevable ;
Attendu qu'il n'y a lieu d'écarter les pièces du dossier de la procédure
soumis à la Cour d'assises que si celles-ci sont affectées d'une cause de nullité ;
Attendu que tel n'est pas le cas en ce qui concerne les pièces indiquées
par la défense de l'accusé HIGANIRO, en manière telle, que sa demande d'écarter
ces pièces du dossier de la procédure et ses autres demandes qui en découlent
ne sont pas fondées ;
Attendu qu'en effet, ces pièces ne sont entachées d'aucune irrégularité,
ayant été établies, recueillies ou reçues conformément aux règles de droit et
de manière loyale par les enquêteurs et le juge d'instruction à propos de faits
dont celui-ci était régulièrement saisi ;
Attendu que la circonstance, que diverses pièces ont été transmises
par des associations ou des personnes privées, fût-ce telle partie préjudiciée
partie civile ou conseil de telle partie, qui ne sont pas soumises à un devoir
d'impartialité, ne signifie pas que le magistrat instructeur et les enquêteurs
n'ont pas eux-mêmes agi légalement, loyalement et impartialement ;
Attendu que le principe du contradictoire, qui n'est pas distinct
de l'exercice des droits de la défense, demeure intact, dès lors que l'accusé
HIGANIRO qui, au cours de l'instruction préparatoire a été interrogé à propos
de certains documents dont il demande l'écartement et a pu prendre connaissance
de l'ensemble du dossier à tout le moins avant l'ouverture des débats devant
la Cour d'assises, dispose de la faculté de critiquer et contredire, non seulement
la teneur de tous les documents transmis au juge d'instruction par des associations,
personnes privées, mais également la manière dont celles-ci auraient agi, que
ce soit à propos des circonstances dans lesquelles elles auraient découvert
ou recueilli ces documents ou de la possible rétention par elles d'autres pièces ;
Attendu que l'absence de traduction de certaines pièces, dans la
langue de la procédure, ne porte pas en soi atteinte au droit de la défense
d'HIGANIRO Alphonse dans la mesure où leur traduction, pendant le cours des
débats d'office ou à la demande d'une des parties, demeure possible ;
Attendu que les pièces figurant dans les classeurs 19 à 21 du dossier
3795 du juge d'instruction VANDERMEERSCH, relatives à une commission rogatoire
exécutée au Rwanda du 25 septembre au 14 octobre 1995, concernent la poursuite
de l'exécution de demande d'aide judiciaire internationale précédente, figurant
au dossier, transmise régulièrement par les autorités belges compétentes aux
autorités rwandaises compétentes, qui ont marqué leur accord pour leur exécution,
que les devoirs d'enquête réalisés sur le territoire rwandais à cette occasion
l'ont été régulièrement par des personnes qualifiées à propos de faits dont
le magistrat instructeur était saisi ;
Attendu qu'en conséquence les pièces contenues dans ces trois classeurs
sont régulières et ne doivent pas être écartées du dossier ;
Attendu que les circonstances, que les pièces contenues dans les
classeurs 36 à 40 et 44 à 49 ne concernent pas directement l'accusé HIGANIRO,
n'intéressent que le contexte général dans le cadre d'un procès défini, fournissent
des réponses à des questions dans le contexte précis de la responsabilité personnelle
d'un tiers, n'ont pas de valeur erga omnes ou sont relatives à une décision
d'une juridiction étrangère frappée d'appel ne constituent pas des causes de
nullité desdites pièces, qui partant ne doivent pas être écartées du dossier ;
Attendu que, si ces pièces ne constituent pas des charges à l'encontre
dudit accusé et présentent cependant un intérêt dans la mesure où elles permettent
d'éclairer les circonstances dans lesquelles se sont déroulés les faits dont
HIGANIRO Alphonse est accusé ;
Attendu que l'absence éventuelle d'un inventaire, ou l'existence
d'un inventaire incomplet de tout ou partie de ces pièces, n'empêche pas HIGANIRO
Alphonse de consulter le dossier, de vérifier ainsi si l'ensemble des documents
utiles à sa défense est joint à la procédure ;
Attendu qu'il importe peu, que la manière dont la copie du livre
"Aucun témoin ne doit survivre" de Madame Alison Desforges, figurant dans le classeur 41,
est parvenue au juge d'instruction, soit actuellement inconnue dès lors qu'il
s'agit d'un document accessible au public ;
Attendu que la circonstance, que cet ouvrage ait été rédigé selon
l'accusé HIGANIRO sur la base de recherche menée par le conseil d'une partie
civile, à un moment où l'instruction préparatoire était toujours en cours, n'affecte
pas le document d'une cause de nullité, et ne permet pas de déduire que cette
instruction n'aurait pas été impartiale. Qu'il ne peut être fait grief au magistrat
instructeur, de joindre au dossier tous éléments qu'il estime utiles à la manifestation
de la vérité, qu'en bien même ceux-ci émaneraient-ils de recherche, menée par
le conseil d'une partie civile, réalisée pendant le cours de l'instruction.
Que les droits de défense de l'accusé ne sont pas de cette manière violés, car
il lui est loisible de critiquer, contredire semblables éléments en temps opportun
et de déposer lui-même toutes pièces qu'il juge utiles à sa défense, l'égalité
des armes étant ainsi respectée ;
Attendu qu'en ce qui concerne les pièces transmises par le Tribunal
pénal international pour le Rwanda contenues dans les classeurs 50 et 51. Il
convient de relever que si, ni le statut, ni le règlement de procédure et de
preuve de cette juridiction ne prévoit expressément la transmission de pièces
émanant d'elle, autres que celles ayant un caractère public, ces mêmes textes
n'interdisent pas la transmission de toute pièce à des autorités judiciaires
nationales ;
Attendu qu'il importe peu que ces pièces auraient pu être demandées
dès le 13 août 1996, que l'accusé HIGANIRO n'ait pas été entendu pendant l'instruction
préparatoire à leur sujet, et n'ait pas eu la possibilité de les examiner au
stade du règlement de la procédure, dès lors qu'à tout le moins avant les débats
devant la Cour d'assises et l'appeler à prendre connaissance et qu'au cours
des débats, il a la faculté de s'exprimer à leurs propos ;
Attendu que la circonstance, que les documents émanant du Tribunal
pénal international pour le Rwanda ont été établis par une autorité internationale
chargée à la fois des poursuites et des enquêtes à charge, mais non de la recherche
des éléments à décharge, ne privent pas l'accusé HIGANIRO de son droit de faire
valoir tout élément à sa décharge devant la présente juridiction, nonobstant
le fait que les témoignages éventuellement recueillis par le Tribunal international
pour le Rwanda, autres que ceux communiqués par celui-ci au juge d'instruction,
ne lui seraient pas accessibles selon lui ;
Attendu que l'examen, des copies de procès-verbaux d'audition de
témoins par les enquêteurs du Tribunal pénal international, figurant au dossier,
fait apparaître que des parties de certaines de celles-ci ne sont pas lisibles,
sans qu'il puisse cependant être affirmé que cette impossibilité de lecture
provient d'un maquillage des pièces, que cet élément est en conséquence indifférent,
quant à la nullité de ces documents et aux droits de la défense ;
Attendu qu'est également indifférent le défaut de communication aux
autorités, d'éléments matériels dont l'existence est relatée dans certaines
auditions réalisées par les enquêteurs du Tribunal pénal international pour
le Rwanda ;
Attendu que les pièces établies par le juge d'instruction VANDERMEERSCH,
ou à sa demande postérieurement au 3 février 2002, date à laquelle celui-ci
fit rapport devant la Chambre du conseil du Tribunal de première instance de
Bruxelles, l'ont été à propos de faits dont le magistrat instructeur n'était
pas dessaisi dans la mesure où, par décision du 28 mars 2000, ladite Chambre
du conseil a notamment dit que le juge d'instruction resterait saisi de faits
qualifiés de crime de droit international commis par un ou plusieurs inconnus
dans la préfecture de Butare au Rwanda ou ailleurs, au Rwanda entre le 5 avril
et 4 juillet 1994 ;
Attendu que le procureur général a légitimement demandé la jonction
de ces pièces au dossier de la procédure, dans la mesure où elles étaient susceptibles
d'éclairer les faits dont HIGANIRO Alphonse notamment est accusé. Que la Cour
ne voit pas là, la poursuite d'une instruction à l'encontre dudit accusé en
violation de ses droits, aucun élément ne permettant de considérer que les pièces
litigieuses n'ont pas été obtenues en raison des nécessités effectives de l'instruction
dont Monsieur VANDERMEERSCH reste saisi ;
Attendu que, si la jonction des pièces en question intervient effectivement
à un moment où l'instruction préparatoire à l'encontre d'HIGANIRO Alphonse est
clôturée, et où il ne lui est plus possible d'exercer les prérogatives reconnues
à une personne faisant l'objet d'une instruction, elle n'est pas pour autant
contraire aux droits de la défense, ceci pouvant s'exercer durant les débats
devant la Cour d'assises ;
Attendu que, les droits de l'accusé ne sont nullement clichés par
les décisions des juridictions d'instruction dont l'arrêt de la Chambre des
mises en accusation ayant ordonné son renvoi devant la Cour d'assises, dès lors
que notamment le président de cette juridiction est investi d'un pouvoir discrétionnaire
décrit par l'article 268 du Code d'instruction criminelle ;
Attendu que les pièces relatives à la demande de commission rogatoire
exécutée au Rwanda du 28 février au 5 mars 2000, se trouvent dans le dossier
62/95 du juge d'instruction VANDERMEERSCH, Classeur 9 - Farde 38 - Pièces 1
et 2/1, lequel a été joint au dossier 37/95 du même juge par ordonnance de la
Chambre du conseil du Tribunal de première instance de Bruxelles du 28 mars
2000 ;
3. Demande de surséance à statuer
Attendu que ce chef de demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu
d'y faire droit ;
Attendu qu'en effet, attendre la clôture définitive de l'instruction
en cause d'inconnu dont le juge d'instruction VANDERMEERSCH demeure actuellement
saisi avant de procéder au jugement des accusés renvoyés devant la présente
Cour d'assises ou de l'un d'eux serait susceptible d'occasionner un retard important
de ce jugement ;
Attendu qu'un tel retard serait contraire à l'intérêt de l'administration
d'une bonne justice, à l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui dispose que toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable, et à l'article
14.3.c du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prévoit
que toute personne accusée d'une infraction pénale a le droit d'être jugée sans
retard excessif ;
Attendu que le jugement de la présente cause sans nouveau retard
ne porte pas atteinte aux intérêts d'éventuelles parties préjudiciées ;
Demande de s'entendre donner acte de la violation de ses droits de
défense
Attendu que ce chef de demande est recevable ;
Attendu qu'il n'est cependant pas fondé, dès lors que comme exposé
ci-dessus, il n'y ait eu aucune violation des droits de la défense de l'accusé
HIGANIRO.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant contradictoirement
Ouï l'accusé HIGANIRO Alphonse et ses conseils Maître EVRARD et MONVILLE
en leurs moyens ;
Ouï Maître HIRSCH, conseil des parties civiles Gasana NDOBA et GAHONZIRE
Marie, en ses moyens à l'appui des conclusions déposées par elles à l'audience
publique de cette Cour d'assises du 17 avril 2001 ;
Ouï Monsieur le procureur général par l'organe de son substitut Monsieur
WINANTS en son avis donné en audience publique ;
Vu les dispositions légales visées à l'arrêt dit, le chef de demande
de l'accusé HIGANIRO Alphonse, tendant à faire déclarer irrecevable les poursuites
engagées présentement contre lui non recevables, ou à tout le moins non fondées,
dit les autres chefs de demande de cet accusé recevables mais non fondés.
Un second arrêt qui est le suivant :
Vu les conclusions déposées par les accusées MUKANGANGO Consolata
et MUKABUTERA Julienne à l'audience publique de cette Cour d'assises du 17 avril
2001 ;
Attendu que les accusées MUKANGANGO Consolata et MUKABUTERA Julienne
demandent à la Cour ;
A TITRE PRINCIPAL
De constater que la présence des pièces figurant dans les cartons
8-9 et 10 du dossier 62/95 du juge d'instruction VANDERMEERSCH, et la référence
à celles-ci dans l'acte d'accusation, constitue une violation de leur droit
de défense d'ordonner le retrait immédiat de ces pièces du dossier, d'inviter
Monsieur le procureur général à supprimer de son acte d'accusation, toutes les
références directes ou indirectes à celles-ci, de leur donner acte des réserves
qu'elles formulent quant à un incident sur le respect des droits de la défense
de toute référence directe ou indirecte à ces pièces au cours des débats ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
De leur donner acte des réserves qu'elles formulent quant à un incident
sur le respect des droits de la défense de la présence au dossier des pièces
précitées de la référence de celles-ci dans l'acte d'accusation et au cours
des débats ;
Attendu que ces demandes sont recevables mais non fondées ;
Attendu que les accusées MUKANGANGO et MUKABUTERA soutiennent que
les pièces figurant dans les classeurs 8 à 10 du dossier 62/95, relatives à
une commission rogatoire exécutée au Rwanda du 28 février au 5 mars 2000, et
à une commission rogatoire adressée en Tanzanie le 21 mars 2000, sont nulles
car résultant d'actes posés par le juge d'instruction VANDERMEERSCH postérieurement
au 3 février 2000, date à laquelle celui-ci fit rapport devant la Chambre du
conseil du Tribunal de première instance de Bruxelles, et fut en conséquence
dessaisi de son instruction en ce qu'elle portait sur les faits soumis à la
Cour d'assises ;
Attendu que les pièces précitées ne sont pas affectées d'une cause
de nullité ;
Attendu qu'en effet, par ordonnance du 28 mars 2000, la Chambre du
conseil précitée a non seulement prononcé la prise de corps des accusées MUKANGANGO
et MUKABUTERA et l'envoi des pièces au procureur général, mais également dit
que le juge d'instruction VANDERMEERSCH resterait saisi de la prévention de
diffamation reprochée à le témoin 60 dans son dossier 62/95, conformément
aux réquisitions que le procureur du roi avait établies à ce sujet ;
Attendu qu'en conséquence, nonobstant le rapport fait par le juge
d'instruction devant la Chambre du conseil le 3 février 2000, après cette date,
celui-ci était toujours requis d'en informer en cause du témoin 60 à
propos de faits de diffamation lui reprochés par MUKANGANGO Consolata et relatifs
à la publication d'un article, la mettant en cause dans les faits survenus au
couvent de Sovu, pendant les mois d'avril et mai 1994. Que le juge d'instruction
n'était donc pas dessaisi de ces faits de diffamation au moment où il a rédigé
les demandes de commission rogatoire et procédé à leur exécution ;
Attendu que, dans le cadre de l'instruction des faits reprochés à
le témoin 60, dont le magistrat instructeur n'était pas dessaisi, il est
légitime que celui-ci ait recherché divers témoignages ;
Attendu que, dans la mesure où des témoignages recueillis après le
3 février 2000 à propos de faits dont le juge d'instruction était toujours saisi
étaient susceptibles d'éclairer les faits dont sont accusées MUKANGANGO Consolata
et MUKABUTERA Julienne, les pièces figurant dans les classeurs 8 à 10 du dossier
62/95 ont été légitimement jointes à ce dossier après la clôture de l'instruction
préparatoire qui les concernait ;
Attendu que, certes le moment où lesdites pièces furent jointes au
dossier est postérieur à la première phase du règlement de la procédure, au
cours de laquelle toute personne inculpée notamment, peut demander au juge d'instruction
l'accomplissement de devoir complémentaire semblable demande devenant ensuite
irrecevable ;
Attendu que, cependant l'impossibilité légale pour les accusés, de
demander l'exécution de devoir d'instruction complémentaire à propos des pièces
concernées au magistrat instructeur et d'interjeter appel d'une décision qui
aurait refusé l'accomplissement de tel devoir, n'est pas en soi une atteinte
à leur droit de défense, car elles ont toujours la faculté de critiquer la teneur
des pièces au cours des débats devant la Cour d'assises, de demander l'audition
de témoins qui viendraient contredire le contenu de ces pièces devant cette
Cour, ou de solliciter l'exercice par le président de la Cour d'assises de son
pouvoir discrétionnaire ;
Attendu que l'absence de convocation du sieur Emmanuel REKERAHO,
à comparaître en qualité de témoin à charge devant la Cour d'assises, n'est
pas en soi contraire aux principes de l'oralité des débats devant cette juridiction ;
Attendu qu'il résulte des explications fournies par les parties à
la Cour, que cette personne est condamnée et actuellement incarcérée au Rwanda,
en manière telle, que sa comparution devant la Cour d'assises doit être considérée
comme absolument impossible ;
Attendu que le principe de l'oralité des débats en Cour d'assises
ne s'oppose pas à ce que le témoignage d'une personne, qui est dans l'impossibilité
absolue de comparaître, soit reproduit soit par le juge d'instruction, s'il
s'agit d'une des pièces dont la loi prohibe la remise au jury, soit par la lecture
faite à l'audience par le président dans le cadre de la mission que lui confère
l'article 267 du Code d'instruction criminelle, référence à un arrêt de la
Cour de cassation du 17 mars 1975. Que le même principe n'interdit pas au président
de la Cour d'assises de lire à l'audience des déclarations actées par écrit,
pour autant qu'il ne s'agisse pas de dépositions, c'est-à-dire de déclarations
faites sous serment devant le juge d'instruction, référence à un arrêt de la
Cour de cassation du 20 août 1991. Qu'aucune disposition légale ni aucun principe
général de droit n'interdise la lecture par le président de la Cour d'assises
à l'audience d'une pièce dont la loi ne prohibe pas la remise aux jurés, référence
à un arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 1986 ;
Attendu que les écrits constatant les déclarations faites par REKERAHO
Emmanuel ou d'autres personnes figurant dans les classeurs 8 à 10 du dossier
62/95 du juge d'instruction VANDERMEERSCH ne sont pas relatifs à des dépositions
sous serment devant le juge d'instruction et ne constituent donc pas des pièces
dont l'article 341 du Code d'instruction criminelle prohibe la remise au jury
au moment de sa délibération ;
Attendu que les références faites par l'acte d'accusation ou au cours
des débats à de telles pièces ne sauraient donc violer le principe de l'oralité
des débats ;
Attendu qu'il n'y a pas davantage atteinte aux droits de défense
des accusées MUKANGANGO et MUKABUTERA qui pourront critiquer et contredire librement
le contenu des déclarations de REKERAHO Emmanuel tel qu'il sera reproduit de
la manière la plus appropriée au cours des débats ;
Attendu qu'il n'y a pas violation de l'article 6.3 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
puisqu'en effet le droit pour les accusés MUKANGANGO et MUKABUTERA d'interroger
ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation
des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge existe
bien en l'espèce. Qu'évidemment ce droit ne trouvera à s'appliquer concrètement
qu'à l'égard des personnes dont les témoignages seront reçus par la Cour d'assises
à la demande des parties ou en vertu de l'exercice par le président de son pouvoir
discrétionnaire ;
Attendu qu'en l'absence de violation des droits de la défense des
accusés précités par la présence des pièces contenues dans les classeurs 8 à
10 du dossier 62/95 du juge d'instruction VANDERMEERSCH, il n'y a pas lieu de
leur donner acte des réserves qu'il formule à titre principal et à titre subsidiaire ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement
La porte doit rester ouverte.
La Cour, statuant contradictoirement, ouï les accusées MUKANGANGO
Consolata et MUKABUTERA Julienne ainsi que Maître Alain VERGAUWEN, en leurs
moyens ;
Ouï Maître BEAUTHIER, conseil des parties civiles BUTERA Charles
et le témoin 44, en ses moyens à l'appui des conclusions déposées par
lui à l'audience publique de cette Cour d'assises le 17 avril 2001 ;
Ouï Maître Clément de CLETY, conseil des parties civiles ABISHEMA,
AVEGA-AGAHOZO, Mukasine GAUDENCE et Kanamugire GORETTI, en ses moyens à l'appui
des conclusions déposées par lui à l'audience publique de cette Cour d'assises
le 17 avril 2001 ;
Ouï Monsieur le procureur général par l'organe de son substitut,
Monsieur WINANTS, en son avis donné en audience publique ;
Vu les dispositions légales visées à l'arrêt, dit les demandes des
accusées MUKANGANGO Consolata et MUKABUTERA Julienne recevables mais non fondées.
Bien, nous allons donc poursuivre la procédure.
Mesdames et Messieurs les jurés, normalement devrait intervenir maintenant
la lecture par le greffier d'actes de la procédure, à savoir l'arrêt de renvoi
devant la Cour d'assises des quatre accusés et l'acte d'accusation.
L'arrêt de renvoi est un acte qui est particulièrement difficile
à comprendre, dans la mesure où c'est rédigé par des juristes dans des termes
compliqués et ce que je vous dirai simplement à cet égard, c'est que l'arrêt
de renvoi, c'est la décision par laquelle la Chambre des mises en accusation,
de la Cour d'appel de Bruxelles, a clôturé l'instruction préparatoire et décidé
que les accusés devaient être renvoyés devant la Cour d'assises. Euh… depuis
un certain temps, devant cette Cour d'assises, l'habitude a été prise de ne
plus donner lecture de l'arrêt de renvoi pour ne pas embrouiller le jury avec
ces termes juridiques très compliqués.
Y a-t-il une objection de la part des parties à ce qu'il soit procédé
de la sorte ? On peut acter que les parties renoncent à cette lecture.
Euh… par contre l'acte d'accusation est un acte qui est effectivement obligatoire,
hein, et dont la lecture est normalement prévue par le greffier mais qui sera
en l'espèce, et bien que la nouvelle loi ne soit pas encore d'application, lue
aujourd'hui par l'avocat général qui a rédigé cet acte d'accusation la lecture
par le greffier n'étant pas prescrite à peine de nullité la pratique s'étant
d'ailleurs répandue, avant que la loi ne change les dispositions actuelles du
Code d'instruction criminelle, par des lectures devant d'autres Cours d'assises
de cet acte d'accusation par l'avocat général, euh… je vais, euh… me proposer
pour vous faciliter la lecture de cet acte d'accusation qui est donc le résumé
que Monsieur l'avocat général fait du dossier qui est donc quelque part sa version
du dossier, euh…, pour vous faciliter la compréhension de ce document et de
cette lecture. Je me propose de faire distribuer aux jurés et aux jurés suppléants
une copie de l'acte d'accusation, ainsi d'ailleurs que copie de l'article 312
du Code d'instruction criminelle qui est le serment que vous avez prêté hier.
Une copie de l'article 342 du Code d'instruction criminelle qui dit ce que vous
devez faire, quand vous devez délibérer, qui est affiché dans votre salle de
délibération.
Copie de cet acte d'accusation.
Copie de la liste ou de l'horaire des témoins tel qu'il a été établi
à un moment donné mais qui est susceptible de varier vous vous en êtes déjà
rendu compte puisque nous avons déjà du retard.
Copie également je crois qu'on a mis dans le dossier des jurés
ou qu'on a prévu de mettre dans le dossier des jurés.
Copie d'une carte du Rwanda.
Copie d'une carte de la préfecture de Butare.
Copie d'un procès-verbal de la police judiciaire, réalisée à la demande
du président en vertu du pouvoir discrétionnaire, avant l'ouverture de la session
reprenant les sigles des partis politiques et des diverses organisations dont
on entendra sans doute parler longtemps au cours des débats ou souvent au cours
des débats.
Une liste des personnalités politiques, militaires ou autres dont
on entendra parler au cours des débats avec l'indication de la fonction qu'exerçaient
ces personnes de manière à ce que le jury, lorsqu'on parle de quelqu'un, puisse
éventuellement en se référant à ces pièces voir de qui il peut s'agir.
Y a-t-il des objections de la part des parties à ce qu'il soit procédé
à cette remise aux jurés et jurés suppléants ?
On peut donc distribuer ces pièces.
Alors, avant que nous n'allions plus avant, si des accusés ont rédigé
des actes de défense ou les parties civiles un exposé liminaire je ne sais
pas comment il faut l'appeler, hein, ou un acte de partie civile. Pourrait-on
remettre au greffe en tout cas, un exemplaire de manière à ce qu'on puisse en
établir aussi des copies pour les jurés. Un acte de défense qui se trouve déjà.
Pour Monsieur HIGANIRO on n'a encore rien jusqu'à présent.
Monsieur le président nous avons 24 copies qui sont déjà à distribuer
aux membres du jury.
Et donc, il y aurait encore alors l'acte de partie civile peut-être
aussi à faire photocopier aussi. Bien. Comme de toute façon, la lecture de l'acte
d'accusation prendra un certain temps, on pourra réaliser les copies durant
cette lecture. Et donc, le jury aura sous les yeux les actes des diverses parties
au moment opportun.
[Bruit de fond-Inaudible]
Le Président : Oui, il faudrait quand même essayer de veiller
à ce qu'il y ait le moins souvent possible ce genre d'incident hein.
Me. BELAMRI : Bien entendu.
Le Président : Monsieur l'avocat général, compte tenu de l'heure,
il faudra peut-être prévoir un moment peut-être une interruption- dans votre
lecture en fonction de l'évolution pour qu'il y ait une petite suspension d'audience,
hein, mais c'est à vous de voir à quel moment vous pourriez éventuellement interrompre
votre lecture et la poursuivre ensuite.
Je vais donc vous donner la parole pour la lecture de votre acte
d'accusation. |