assises rwanda 2001
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Instruction d’audience A. Higaniro Lecture déclarations de témoins par président compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience A. Higaniro > Lecture déclarations de témoins par président > le témoin 83 et commentaires défense A. Higaniro
1. Intervention parties civiles et défense concernant lectures 2. le témoin 3 3. le témoin 12 4. Soeur le témoin 52 5. M.le témoin 92 6. le témoin 83 et commentaires défense A. Higaniro 7. E. Kayihura
 

7.4.6. Lecture de déclarations de témoins par le président: Marie Goretti le témoin 83 et commentaires de la défense de Alphonse HIGANIRO

Le Président : Marie Goretti le témoin 83, le 115. Là, j’ai une audition du 12 juin 1995 devant un inspecteur de police judiciaire rwandais à la demande du juge d’instruction VANDERMEERSCH dans le cadre d’une Commission rogatoire, en présence de Messieurs WATERPLAS et STASSIN de la police judiciaire de Bruxelles. C’est aussi une traduction.

« Quand la guerre a éclaté, j’étais ici à Gisenyi. Je vous promets de ne vous dire que la vérité au sujet de tout ce que j’ai vu et entendu. Parmi ces gens que vous me montrez sur votre liste, il y a ceux que je connais bien et que j’ai vus et d’autres que je ne connais que de vue. Ceux que je connais et que j’ai vus sont : HIGANIRO Alphonse, RWAGAFIRITA Pierre. Les autres, je ne les connais que de nom. Cette photo que vous me montrez, c’est celle de HIGANIRO Alphonse justement. Je ne connais pas sa femme.

HIGANIRO Alphonse est arrivé ici à Gisenyi en juin 1991. Il a convoqué une réunion en compagnie du sous-préfet BIKUMBI Raphaël. Il avait comme objectif de faire la chasse aux espions. Il a ordonné à BIKUMBI de me faire emprisonner car j’en étais une, d’après lui. Mais le sous-préfet m’a convoquée et m’a fait subir un interrogatoire. C’est au moment où il m’enfermait qu’on a libéré ces gens qu’on considérait comme des espions.

J’ajouterai que, pendant le génocide, HIGANIRO est venu chez lui, ici, à Gisenyi et a dit ceci : « Est-ce comme ça que vous tuez ? Il faut tuer du bébé au vieillard ». Vous me demandez de qui je tiens ces paroles de HIGANIRO ? Elles m’ont été rapportées par un jeune dénommé Olivier, rescapé du génocide. Il m’a dit qu’il était caché dans la maison de monseigneur BIGIRUMWAMI lorsqu’il a entendu cette conversation. Ce jeune connaît très bien HIGANIRO car ils étaient voisins.

Ce que je sais au sujet de RWAGAFIRITA Pierre, c’est qu’il était venu ici à Gisenyi le 7 avril 1994. Il était en compagnie d’autres officiers supérieurs. J’allais à l’église lorsque j’ai rencontré un jeune que je ne connais pas et qui m’a dit : « Toi, tu te balades comme ça dans la rue, tu ne sais pas qu’on va nous exterminer ? ». J’ai rebroussé chemin sur le champ. Arrivée tout près de la concession de SANVURA Barnabé qui travaillait à BRALIRWA, j’ai prêté l’oreille un instant et je les ai entendue dire qu’il fallait mettre les Interahamwe dans toutes les rues et qu’il fallait permettre au CDR de tuer librement jusqu’au dernier. Parmi ceux qui disaient cela, j’ai reconnu la voix de RWAGAFIRITA Pierre parce que beaucoup, comme lui, parlaient à la radio.

Vous me demandez comment j’ai rencontrée Olivier. Nous nous sommes rencontrés dans un camp de réfugiés, au Zaïre, à Byumba. Il m’a avoué que le père le témoin 18 (ou DELPOTE) a payé 105.000 francs, pour eux, pour que des piroguiers les fassent traverser jusqu’au Zaïre.

Vous me demandez la date à laquelle je me suis réfugiée au Zaïre. Je suis partie d’ici à Gisenyi le 9 avril 1994. Mais si nous revenions un instant sur ce que je vous ai déjà déclaré pour vous affirmer que le 7 avril 1994 j’ai vu un camion rempli de soldats qui faisaient le signe de la croix avant de massacrer les gens. Arrivée sur la grand-route près du marché, j’y ai trouvé des Interahamwe, dont Michel qui était militaire avant et qui avait quitté l’armée, Damas qui travaillait à la BRALIRWA, MUNYAGISHALI Bernard et Laurent NDUWAYEZU.

Parmi les gens qui accompagnaient les Interahamwe, j’ai pu reconnaître le colonel NSENGIYUMVA Anatole. Et de ma cachette, j’ai pu voir NKIKABAHIZI Pierre et les Interahamwe qui allaient tuer dans la cellule Bonde. Pendant qu’ils arrachaient des portes, je les ai entendue parler, KARERA, le témoin 124, NDABATEZE. J’entendais ces Interahamwe dire qu’ils devaient tuer du bébé au plus vieux. Ainsi, le témoin 32 aurait emporté beaucoup avec lui dans sa tombe.

J’ajouterai encore ceci, que Olivier m’a dit. Il a vu les Interahamwe couper la tête d’un des enfants d’une famille et donner la tête à sa mère en lui disant de regarder son bébé. Après quoi, ils lui assénèrent des coups de machette à la face et aux épaules et elle tomba. Lorsqu’elle s’est relevée, elle est allée se jeter dans le lac Kivu mais il paraît qu’elle a eu la chance de s’en sortir et elle s’est cachée chez monseigneur BIGIRUMWAMI.

Quand HIGANIRO est arrivé là où gisait le cadavre, c’est en ce moment qu’il a dit : « Est-ce comme ça que vous tuez, il faut tuer du bébé au vieillard ». J’ai vu de mes propres yeux les blessures d’Olivier. Le père d’Olivier s’appelle le témoin 123 Benoît et sa mère se nomme NIWEMUKOBWA Constance. Vous me demandez à quel moment Olivier a entendu ces propos de HIGANIRO. Olivier m’a dit qu’il les a entendus au lendemain du jour qu’on avait massacré toute sa famille. Il le racontait aussi aux gens qui l’accompagnaient. Moi, je pensais qu’il s’agissait des Interahamwe auxquels il se confiait.

Ces propos de HIGANIRO traduisent bien sa déception lorsqu’il n’a vu aucun cadavre de bébé parmi les victimes, des jeunes, d’hommes plus âgés et des vieux parce qu’il envisageait de tuer tout le monde sans exception.

Je vous promets de faire tout ce que je peux pour que vous trouviez Olivier. Dès que je recevrai son adresse, je vous la communiquerai aussitôt sur celle-ci que vous me donnez. Si, d’après ce que m’a raconté Olivier au sujet des Interahamwe qu’il a fait prendre parmi ceux qui avaient massacrés sa famille, il serait possible qu’on les connaisse à la brigade ».

Vous en avez une autre ?

Me. MONVILLE : Non, Monsieur le président. Simplement faire un commentaire sur cette audition. Tout d’abord, il y a un problème évident de chronologie puisque cette personne qui est entendue signalerait que les propos du jeune Olivier ont été tenus le lendemain du jour du massacre. C’est le 7 ou le 8. Nous savons tous que Monsieur HIGANIRO n’a pas quitté Gisenyi, euh… Kigali avant le 12. Et alors, je ne veux pas rentrer dans les détails macabres, c’est la seule personne qui parle de ces cadavres qu’aurait vus Monsieur HIGANIRO mais Monsieur HIGANIRO, quand il est arrivé à Kigufi, on avait déjà enterré ces personnes depuis belle lurette et donc il n’a pas pu voir ces cadavres et tenir les propos qu’on lui prête.