assises rwanda 2001
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Verdict sur culpabilité compte rendu intégral du procès
Procès > Verdict sur culpabilité > Débats sur questions soumises aux jurés
1. Déroulement délibérations 2. 55 questions aux jurés 3. Observations parties et dépôt nouvelles conclusions et demandes 4. Réponse avocat général aux nouvelles demandes 5. Débats sur questions soumises aux jurés 6. Arrêt sur nouvelles conclusions et demandes 7. Conseils aux jurés 8. Réponses jurés aux 55 questions 9. Réponse Cour 10. Verdict
 

10.5. Débats autour des questions soumises aux jurés

Le Président : Les parties civiles souhaitent-elles également intervenir en ce qui concerne la demande formulée par la défense, la ou les demandes formulées par la défense de Monsieur NTEZIMANA ? Oui, Maître HIRSCH ?

Me. HIRSCH : Un tout petit point, Monsieur le président. Dans la mesure où on n’a jamais retrouvé les listes d’évacuation, on ne sait pas finalement qui, notamment au niveau du professeur KARENZI était inscrit sur ces listes. Moi, je suis partie du point de vue que se trouvaient sur la liste tous les gens qui faisaient partie de la maisonnée de Monsieur KARENZI et notamment, les enfants qui avaient trouvé refuge chez lui, et qui ne font pas partie de sa famille.

Le Président : D’autres observations de partie civile ? Oui, Maître BEAUTHIER ?

Me. BEAUTHIER : Je ne vais pas plaider, Monsieur le président ? On pourrait dire procès historique, conclusions historiques. Tout le monde appréciera qu’à la fin des débats on veuille tenter d’appliquer le calque du génocide, je veux dire le calque légal du génocide. Il faut quand même savoir que la loi de 99, la loi de 93, est le décalque évidemment au niveau de tout ce que vous avez décidé ce matin. Pour ce qui nous concerne, il est bien évident que, mis à part ce problème de date, 99, 93 avec des faits qu’on resitue en 94, si par impossible devait être fait droit, il faudrait alors que dans chacune des questions, vous fassiez le décalque du génocide ou du crime contre l’humanité. Parce que ça ne va pas de poser la question, on n’est pas ici dans un cours d’histoire, je le lis : « Y a-t-il génocide au Rwanda durant la même période ? ». Est-ce que c’est le summum du révisionnisme, ou bien est-ce que c’est simplement une question juridique mais alors la faut la poser dans chacune des questions.

Pour ce qui concerne la deuxième partie, il est bien évident, je vais me taire par rapport à ce que je voulais dire, mais c’est tout de même un peu fort de dire : « Membre du personnel de l’Université nationale du Rwanda », alors qu’on sait que ces listes concernaient pas uniquement les membres, qu’il y avait des membres de la famille alors par cette peau de banane on essaie de faire... Ça ne va pas. Je vous remercie

Le Président : D’autres observations de la part de parties civiles ? On va peut-être suspendre cinq minutes, le temps d’avoir les photocopies. Puisqu’il serait souhaitable que tout le monde dispose des éléments. Bon, l’audience est suspendue, elle reprend d’ici 5-6 minutes. Quand on a les photocopies !

[Suspension d’audience]

Le Président : L’audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place. Alors, les parties ont-elles reçu copie des conclusions de la défense de Monsieur HIGANIRO. Je crois que c’est le cas ? Alors on distribue maintenant au jury et aux parties, à moins que ce ne soit déjà fait, le document que la défense de Madame MUKANGANGO souhaite... Je vais alors donner la parole à Maître EVRARD.

Me. EVRARD : Merci Monsieur le président. Vous avez dit ce matin que la nuit portait conseil, nous avions reçu hier un projet de questions, avant-hier pardon, comprenant 31 questions. Nous ne souhaitons pas réagir à l’une de ces 31 questions, mais bien à la question 53, c’est-à-dire la question que nous savons reçue ce matin et les contradicteurs et les estimés confrères comprendront que dès lors que ce n’est que maintenant que nous souhaitons réagir à un point de cette question et de tout l’ensemble des questions qui vous ont été soumises ce matin. C’est d’ailleurs pour ça que le texte est manuscrit.

En substance, Monsieur le président, les modes de participation visés à l’article 4 de la loi du 16 juin 93, vont - et ce n’est pas moi qui le dit - vont au-delà de ce que prévoient les conventions internationales de Genève, de 1949, Protocole 1, Protocole 2, dans la mesure où la loi belge va au-delà d’une convention internationale, certains auteurs et ces auteurs sont repris par Monsieur le juge d’instruction que nous avons entendu ici à l’audience, certains auteurs viennent vous dire qu’il importe d’appliquer le principe de légalité et que veut ce principe de légalité, et bien ce principe de l’égalité veut que, pour tout ce qui va au-delà de la convention internationale et qui se trouve dans une loi nationale, pour tout ce qui va au-delà, et particulièrement dans ce cas ci, parce que Monsieur HIGANIRO n’est pas belge, eh bien, il faut que les modalités de participation se retrouvent non seulement dans la loi du pays où se passe le procès, c’est-à-dire la Belgique, mais aussi dans la loi rwandaise. Alors, la loi belge, ce sont les articles 66… c’est l’article 66 pardon du Code pénal, la loi rwandaise, c’est l’article 91 du Code pénal, et pour répondre à cette condition de double incrimination, Monsieur le président, nous avons fait une lecture de ces deux articles. Et nous n’avons trouvé qu’une seule chose qui réponde à la condition de double incrimination. Nous n’avons trouvé qu’un seul mode de participation qui soit à la fois visé par le code rwandais et par le Code pénal belge. Il s’agit de la provocation.

Dès lors, Monsieur le président, nous demandons à votre pouvoir souverain, celui de la Cour, de relire la question 53 et d’en retirer, d’en retirer ce qui va au-delà de cette double incrimination qui répond au principe de légalité, autrement dit de ne retenir dans la question 53 que la provocation suivie ou non des faits, et de ne pas retenir les autres modes de participation, que vous avez, je pense, repris de l’article 4 de la loi du 16 juin 93, en retenant, pour l’un ou l’autre cas, « non suivi des faits ou/et suivi des faits et/ou non suivi des faits », et nous demandons que ces modes là soient retirés précisément parce qu’ils ne répondent pas, parce qu’ils vont au-delà, c’est une loi belge bien sûr on l’applique mais cela va au-delà de la Convention internationale. La Belgique peut le faire mais si elle le fait, eh bien, il faut que tous les éléments se retrouvent, à la fois dans le droit belge, nous sommes en Belgique et dans le droit rwandais et nous avons constaté que cette double condition, que l’on appelle techniquement double incrimination, eh bien, elle ne se trouve que pour la provocation et donc, très simplement, nous demandons que de la question 53 soit retirés tous les autres modes de participation qui retiendraient aussi « avec ou non suivi des faits » puisque c’est une seule chose que l’on trouve dans la loi belge, c’est très bien mais on ne l’a trouve pas dans la loi rwandaise. J’ai dit et je vous remercie.

Le Président : Merci. Alors, pour que les choses soient peut-être plus clairs, je vais peut-être donner la parole aux autres parties sur ce point-ci avant de donner la parole à Maître VERGAUWEN. Les parties civiles souhaitent-elles réagir à l’exposé de Maître EVRARD ? Monsieur l’avocat général.

L’Avocat Général : Monsieur le président, je voudrais d’abord dire que la question telle qu’elle est posée, la 53ème question, résulte de l’arrêt de renvoi et que vous avez donc l’obligation légale de vider cet arrêt de renvoi, et de poser les questions telles qu’il résulte de cet arrêt. Primo. Secundo, il y a d’autres auteurs qui ne partagent pas entièrement la théorie que Maître EVRARD vient de développer ici. Mais je voudrais quand aussi même attirer l’attention sur le texte que j’avais déposé, de la loi sur le génocide, qui parle, dans l’article 2, catégorie 1, sans faire de distinction entre « suivi ou non suivi des faits » de manière générale, je n’ai pas encore terminé Maître EVRARD, des incitateurs. Je crois dès lors qu’il n’y a pas, pour l’instant, raison pour modifier en quoi que ce soit cette question.

Le Président : Bien, les parties civiles ? Vous souhaitez répliquer, Maître EVRARD ?

Me. EVRARD : Mais oui, Monsieur le président. Pour une chose très simple. C’est que Monsieur l’avocat général vous cite une loi, mais je pense qu’il oublie de vous dire qu’il s’agit d’une loi rwandaise. Alors, c’est vrai que le texte auquel vous faites appel est une loi, et c’est une loi spéciale. C’est vrai que l’on indique « ou non suivi des faits ». Mais faut-il encore que pour les modes de participation, et particulièrement l’ordre, que sauf erreur de ma part je n’ai pas trouvé dans cette loi, eh bien, la condition de double incrimination soit toujours retenue. Par ailleurs, je voudrais aussi ajouter que cette loi, la loi organique pour la répression des crimes de génocide et de crimes contre l'humanité, je la vois curieusement invoquée ici par Monsieur l’avocat général, dans la mesure où invoquer cette loi supposerait que l’ensemble des questions auxquelles les jurés ont à répondre, soit des questions qui soient particulièrement et qui concernent la répression du génocide et du crime contre l’humanité et je ne vois pas à la lecture des questions que l’on parle de cela. Par contre, l’intitulé de la loi rwandaise et de la loi organique rwandaise, c’est bien de cela qu’il s’agit. Il ne s’agit pas de crime de guerre. Sauf erreur de ma part.

Le Président : Désolé, l’article 1er vise soit les crimes de génocide, ou des crimes contre l’humanité tels que définis dans la convention du 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression du crime génocide. Dans la convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en tant de guerre et les Protocoles additionnels, cela vise aussi les crimes de guerre.

Me. EVRARD : Tout à fait, oui. Mais en tout cas l’ordre, je reviens là-dessus, l’ordre n’est pas repris comme tel ou « non suivi des faits », et l’article de la loi auquel fait référence Monsieur l’avocat général, vise des infractions de génocide, même si dans l’intitulé de cette loi comme vous l’avez souligné, on retrouve les conventions de Genève.

Le Président : Bien. Plus de réaction, Monsieur l’avocat général ? Maître VERGAUWEN alors.

Me. VERGAUWEN : Je vous remercie, Monsieur le président. J’aurais voulu formuler quelques observations au sujet des questions et plus précisément concernant l’omission d’agir.

Vous avez, Mesdames et Messieurs les jurés, à partir de la 19ème question, les questions qui concernent les sœurs, Monsieur le président, vous l’a rappelé, on vise l’omission d’agir, notamment action ou omission avec l’intention criminelle, c’est ce que Monsieur le président vous a rappelé, il faut que celui qui omet d’agir ait l’intention de tuer. Ca, c’est le premier type d’omission. Deuxième type d’omission, à partir des questions 36 et suivantes, il s’agit là d’une omission et je voudrais que les choses soient bien claires, d’une omission bien spécifique d’une lâcheté, bien spécifique c’est à dire non-assistance à personne en danger bien spécifique, et cela ressort des termes mêmes de la question, puisque l’on parle de quelqu’un qui avait connaissance d’un crime, et qui avait la possibilité de l’empêcher, empêcher la consommation du crime, ou d’y mettre fin.

Et, c’est pour ça que j’ai demandé qu’on vous remette la pièce, parce que c’est une question effectivement juridique et vous êtes là pour appliquer la loi pénale, et j’avais fait référence dans ma plaidoirie aux travaux préparatoires de la loi, et effectivement Monsieur le président, vous avez parfaitement raison de dire que le texte ne parle pas du supérieur hiérarchique, mais ce que l’on vise, c’est la personne qui a un pouvoir d’empêcher, donc un certain pouvoir de commandement, et je vous fais référence simplement à ce qui figure page 1857, donc à la deuxième page sur la droite, j’ai souligné d’ailleurs, j’ai souligne le paragraphe. On dit ceci : « L’exemple auquel on pense d’abord est celui du supérieur qui laisse ses subordonnés commettre un crime de guerre sans prendre de mesures pour les en empêcher. Il peut toutefois, y avoir des situations dans lesquelles celui qui commande n’est pas nécessairement un supérieur. Par exemple, lorsque les officiers sont indisponibles ou sont tombés au combat. Le représentant du ministre estime qu’il est préférable de ne pas mentionner expressément le supérieur hiérarchique dans le texte qui définit les éléments constitutifs de l’infraction. De cette manière, le juge - et le juge c’est vous -, pourra apprécier dans chaque cas concret si quelqu’un aurait eu ou non la possibilité d’empêcher l’infraction dans la position qu’il occupait dans les structures de l’armée ». C’est bien à ça qu’on pensait lorsqu’on a édité cette loi.

Alors, tout ce que je veux dire, cela rejoint ce que j’avais, je crois, développé en plaidoirie c’est qu’il faut effectivement un certain pouvoir de commandement pour empêcher l’auteur du crime. C’est tout ce que je voulais dire, Monsieur le président. Je vous remercie.

Le Président : Bien. Y-a-t-il des observations à l’égard de Maître VERGAUWEN des interventions de la part des parties civiles ? Maître BEAUTHIER, et ensuite Maître JASPIS.

Me. BEAUTHIER : Toute brève, Monsieur le président. Je crois qu’on n’est pas ici de nouveau pour faire de nouveau la ré-interprétation de la loi. Il est bien évident que c’est un exemple et que ce que Maître VERGAUWEN dit, c’est un exemple dans cette situation. Alors, nous sommes dans d’autres… dans les questions qui sont posées, dans une question hiérarchique possible, je ne plaide pas, hiérarchique possible qui est un ordre, qui est un ordre religieux comme il pourrait y avoir un ordre militaire. Je vous remercie.

Le Président : Maître JASPIS.

Me. JASPIS : Je ne vais pas répéter ce que vient de dire Maître BEAUTHIER. Ma première remarque était la même que la sienne. Ce que je veux dire, c’est que, de la même manière que le crime de guerre en ce qui concerne les victimes ne concerne pas uniquement des militaires, on l’a vu suffisamment et ce n’est pas contesté par personne. La doctrine et la jurisprudence ont été explicitées à l’occasion des débats. De la même façon, pour cet exemple précis-ci, il faut se rendre compte que ce sont les travaux préparatoires qui, sans doute liées aux conditions de la discussion, ont visé une hypothèque qui semble restrictive, alors qu’en réalité il s’agit d’une pure question de faits, et qu’elle concerne bien toute personne qui est en position d’autorité, éventuellement en dehors de toute structure militaire, et c’est bien dans cette situation que se trouvent certains des accusés. Je vous remercie.

Le Président : Réplique de Maître VERGAUWEN ?

Me. VERGAUWEN : Non

Le Président : Alors, les accusés souhaitent-ils… ah pardon ! Excusez-moi Monsieur l’avocat général.

L’Avocat Général : Je voudrais abonder dans le même sens que Maître BEAUTHIER et Maître JASPIS. J’en avais fait déjà état. Mais je reprends la loi rwandaise, je l’avais déjà dis là tantôt, sur le génocide, catégorie 1 B, on parle « la personne qui a agit en position d’autorité au niveau national, préfectoral, communal, du secteur ou de la cellule au sein des partis politiques, de l’armée, des confessions religieuses ou des milices ». Donc, effectivement, on dit dans les travaux préparatoires, n’est qu’à titre d’exemple.

Me. VERGAUWEN : Juste une petite réplique, Monsieur le président, c’est simplement qu’on applique la loi de 1993. C’est bien cela dont on parle. Merci.

Le Président : Bien. Les accusés souhaitent-ils ajouter quelque chose en ce qui concerne les questions ? Monsieur NTEZIMANA ?

Vincent NTEZIMANA : Non

Le Président : Monsieur HIGANIRO ?

Alphonse Higaniro : Non

Le Président : Madame MUKANGANGO ?

Consolata MUKANGANGO : Non, Monsieur le président.

Le Président : Madame MUKABUTERA ?

Julienne MUKABUTERA : Non.

Le Président : Bien, les débats sont à nouveau clos. Dans la mesure où il y a des conclusions déposées, la Cour doit y répondre. Il faut donc rendre un arrêt. Faut y réfléchir et donc, l’audience va être suspendue à nouveau Mesdames et Messieurs les jurés. Un arrêt interviendra. On reprendra l’audience lorsque l’arrêt sera rédigé, prêt à être prononcé. Il y aura peut-être en fonction de cet arrêt une modification dans les questions telles que vous les avez reçues et alors l’original qui sera remis à Madame le chef du jury sera l’original corrigé en fonction de ce que l’arrêt déciderait et puis, je dois vous expliquer comment vous devrez techniquement répondre à ces questions. Bien.

Oui, il faut peut-être en profiter parce que ça prendra quand même un certain temps pour manger un petit sandwich ! Et si on est prêt à rendre l’arrêt alors que vous avez encore un sandwich en bouche, on attendra un peu. Ca va ? L’audience est suspendue. On la reprend dès que possible.

 
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