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9.3.4. Plaidoiries de la partie civile: Maître NKUBANYI
Le Président : Maître NKUBANYI,
vous prenez la suite ?
Me. NKUBANYI : Merci, Monsieur
le président. Mesdames et Messieurs les jurés, afin de vous permettre de profiter,
sans trop tarder, dans quelques instants, de ce week-end qui s’annonce, que
vous avez par ailleurs largement mérité, je vais faire mon possible pour user
d’un esprit de synthèse afin d’aller directement aux choses essentielles. Mais
avant de débuter ce long week-end ensoleillé, nous allons de nouveau replonger
dans les ténèbres de la tragédie rwandaise.
Au début de ce procès, on nous avait avertis, on nous avait dit que
ce procès allait être douloureux, pénible ; la prédiction s’est malheureusement
réalisée. Vous avez écouté des récits hallucinants, vous avez regardé des images
insoutenables : des bébés tués sur le sein de leur maman, des personnes
brûlées vives, des personnes tailladées à la machette comme du bois et d’autres
images qu’on n’a peut-être pas vues par pudeur. Ces récits et ces images
resteront à jamais gravés dans la mémoire de tout un chacun. Certains témoins
n’ont pas pu se retenir, ils se sont effondrés devant vous, mais c’est pour
eux une étape importante parce que çà permet de guérir de ce traumatisme.
Il a fallu de votre part beaucoup de courage, beaucoup d’efforts
pour rester sereins parce que la bonne exécution de votre mission est à ce prix.
Mais, face à toute cette horreur une question m’a longtemps tourmenté :
comment est-ce que une personne qui a participé dans l’incitation au génocide,
qui a participé dans l’encadrement des milices responsables de ces horreurs,
qui a participé dans leur financement et pour qui il existe des preuves irréfutables
et accablantes, comment est-ce que cette personne peut rester imperturbable,
n’exprimer aucun remord, comment est-ce que cette personne peut s’acharner à
fournir des explications farfelues, en invoquant par exemple - ici, je vise
évidemment Monsieur HIGANIRO contre qui les parties civiles que je représente,
disons, sont opposées - en invoquant par exemple, un embourbement d’un camion
sur une aire bétonnée de la SORWAL, un embourbement qui se passe un dimanche,
avec des prisonniers envoyés ce jour-là comme par un ange gardien de l’usine,
et que cette personne essaie de transformer des écrits criminels, en disant
que ce sont des chiffons qui n’ont été communiqués à personne. Pourquoi donc
cette personne reste à ce point insensible à la souffrance de l’autre !
La réponse, à mon avis, est simple. Il y a évidemment plusieurs explications.
Monsieur l’avocat général a évoqué une des raisons, celle de se présenter devant
vous comme une personne tout à fait innocente qui n’a pas commis ces faits.
Mais j’ai deux autres explications qui pourraient probablement compléter celle-là ;
c’est que la sérénité des bourreaux explique pourquoi et comment on en est arrivé
au génocide de 1994, dirigé contre les Tutsi au Rwanda.
Mesdames et Messieurs les jurés, je ne vais pas vous relater, une
fois encore, l’histoire du Rwanda ; je vais me limiter à deux faits qui,
à mon avis, expliquent pourquoi il y a eu un génocide et le pourquoi de cette
sérénité. Il s’agit d’un côté de la déshumanisation de la victime et de l’autre
de l’impunité chronique qu’ont joui les bourreaux pendant des années.
La déshumanisation de la victime. Elle trouve sa source dans l’obstination
à garder le pouvoir, coûte que coûte, dans le refus de l’alternance politique,
parce que le régime le témoin 32, tout comme celui qui l’a précédé, le régime
du témoin 42 était aux mains de quelques individus, originaires d’une même région,
le Sud pour le premier, et le Nord pour l’autre. Et, à chaque fois qu’il y avait
un problème politique, il y avait des boucs émissaires qui étaient désignés
et qu’il fallait éliminer. C’était les Tutsi de l’intérieur, et le phénomène
a atteint son paroxysme en 1994. Pour éviter donc tout regret, pour éviter tout
sentiment de remords, pour que les exécutants des massacres n’aient aucun état
d’âme, il a fallu enseigner, patiemment et méthodiquement, que les Tutsi n’étaient
pas des êtres humains susceptibles de souffrir, mais plutôt des cancrelats,
des saletés et c’est pourquoi, quand on les tue, on ne fait que travailler,
on ne fait que nettoyer, une chose louable n’est-ce pas ?
Et surtout, j’en viens ici au deuxième point qui explique la sérénité :
c’est que les bourreaux étaient garantis de l’impunité ; depuis 1959, en
passant par 1963, 64, 73, 91 jusqu’en 94, tuer un Tutsi n’était pas un fait
répréhensible. Non, tout au contraire, de tels crimes étaient commandités par
l’Etat rwandais et les criminels étaient toujours récompensés. Voilà donc les
deux faits qui, à mon avis, en plus de l’explication donnée par d’autres, qui
expliquent la sérénité des auteurs de tels crimes, parmi lesquels évidemment
l’accusé HIGANIRO contre qui on s’est constitué partie civile.
Mesdames et Messieurs les jurés, vous avez, par le coup du hasard,
par le sort, une responsabilité énorme parce qu’il revient à vous maintenant
de faire franchir à l’humanité un geste de justice, un geste qui pourra contribuer
à l’éradication de cette idéologie de la violence, de l’intolérance qui se passe
quelque part, quelque part au monde, en Afrique, dans un pays qui s’appelle
le Rwanda, mais qui fait honte à toute l’humanité car ce qui s’est passé au
Rwanda en 1994 interpelle l’humanité entière. Mesdames et Messieurs les jurés,
il vous revient donc de refuser la déshumanisation de tels groupes ethniques,
il vous revient de dire aux bourreaux que ces personnes brûlées vives, que ces
personnes jetées dans des latrines, que ces personnes n’étaient pas des cafards,
que ces personnes n’étaient pas des cancrelats ni des serpents, mais des êtres
humains sensibles qui ont souffert avant de mourir. Il vous revient de reconnaître
à ces victimes la qualité d’êtres humains que leurs bourreaux leur ont refusée,
il vous revient aussi de refuser l’impunité, de dire que tuer des Tutsi n’était
pas un travail, n’était pas un nettoyage, mais plutôt un crime horrible.
Avant de parler des parties civiles que je représente et des victimes
pour lesquelles ces personnes se sont constituées partie civile, je voudrais
relever ici quelques faits qui peuvent sembler comme des paradoxes et sur lesquels
la défense reviendra souvent, j’en suis sûr, pour montrer que la logique génocidaire
est compatible à ces faits qui peuvent apparaître à première vue comme des paradoxes.
Il y a d’abord le fait de sauver quelques personnes tout en tuant des milliers
d’autres. Les grands criminels, dont BAGOSORA et d’autres, ici NTEZIMANA et
d’autres, ont sauvé quelques Tutsi, mais pourquoi ? Il y a deux raisons
à mon avis. D’abord, il peut y avoir un intérêt personnel, la personne qu’il
sauve est peut-être un proche parent, un ami intime, mais il y a une autre raison,
c’est qu’il faut garder des boucs émissaires, parce que si tous les Tutsi sont
exterminés, aux yeux de Hutu qui sont intelligents, ce n’est pas une bonne chose
parce que, s’il y a un problème politique, il y aura des tueries entre Hutu,
donc il faut garder des Tutsi à persécuter pour justifier les intérêts politiques
qu’ils poursuivent.
Un autre fait qui a été longtemps mis en avant, c’est que les accusés
dans le box, sont présentés par certains comme des gens serviables, des gens
gentils, sympathiques, des bons pères de famille, des gens qui ont des performances
professionnelles, qui sont de bons enseignants, de bons dirigeants d’entreprise
ou de couvent. C’est peut-être vrai. Parce que le fait de persécuter un groupe
ethnique est tout à fait compatible avec ces qualificatifs, parce qu’on peut
être tout à fait sympathiques, gentils avec les autres, tout en exterminant
des Tutsi.
Un autre fait qui est souvent mis en avant, c’est qu’il y a eu quelques
Tutsi qui ont participé dans l’entreprise d’extermination d’autres Tutsi. L’exemple
le plus flagrant, c’est le président des Interahamwe, si je ne m’abuse Monsieur
Robert KAJUGA, qui était un Tutsi ou alors on peut dire que dans le Conseil
d’administration de la SORWAL, il y avait un ou deux Tutsi, et que donc il ne
pouvait pas cautionner l’extermination des Tutsi. Et bien, cela n’est pas impossible
parce que dans tout pays, dans toutes les sociétés, il y a des traîtres, il
y a des gens qui peuvent tuer les leurs, il y a le phénomène des collaborateurs
qui a existé ici en Europe, il y a des gens qui trahissent leur patrie, il y
a des gens qui persécutent des membres de leur propre famille, il y a des gens
qui livrent leurs enfants aux proxénètes ; donc, ce sont des phénomènes
qui peuvent exister dans n’importe quelle partie du monde et qui n’excluent
pas qu’il y a eu un génocide tout à fait programmé. Ces faits donc, ne changent
rien, à mon avis, dans le processus génocidaire et dans la responsabilité
des accusés.
L’autre fait, souvent mis en avant, c’est qu’il y aurait d’autres
responsables qui n’ont pas encore été poursuivis. On a évoqué le cas de quelques
témoins, le témoin 21 et le témoin 40 notamment, qui seraient considérés comme des génocidaires
mais qui sont venus ici en tant que simples témoins. On a parlé du rôle de l’ONU,
de la Belgique, de la France, et j’en passe. Ici, je dirais, en suite de ce
qu’a dit Monsieur l’avocat général, que la justice ne s’arrête pas aujourd’hui.
Ces personnes pourront probablement être poursuivies demain, après demain, dans
une année, dix ans ou cinquante ans. Donc, le fait qu’ils ne soient pas encore
poursuivis ne justifie pas que vous déclariez ces personnes ici coupables des
faits qu’ils ont commis et d’ailleurs les frais commis étant imprescriptibles,
la justice pourra toujours se saisir de ces personnes.
J’en viens donc aux personnes que je représente et à leurs proches
qui ont péri dans ces événements dramatiques. La première personne, qui se nomme
UZAMUKUNDA Christine, a perdu son frère MWUMVANEZA, MUGABO Jean Claude qui était
âgé de 29 ans. Il était électromécanicien au ministère du plan. Il a été tué
à Butare le 23 avril 94, par des miliciens et des militaires conduits par le
capitaine NIZEYIMANA Ildephonse. Ces miliciens et ces militaires étaient à la
recherche de Tutsi à massacrer. Ils sont entrés là où se cachait la victime,
chez un certain KARAFURU et ils l’ont pris et l’ont assassiné.
La seconde personne que je représente se nomme UMUTONI Mylène Clémence.
Elle, elle a un frère et deux sœurs ; la première, UWONKUNDA Annick, qui
était âgée de 23 ans et qui venait de terminer ses études secondaires, a été
tuée à Butare par des miliciens non identifiés. La seconde est le témoin 135 Rosine,
elle faisait ses études à l’université nationale du Rwanda, elle aussi a été
tuée, le 15 mai 1994, à Butare. Et enfin, le frère de la partie civile, KUBWIMANA
Richard, qui était âgé de 20 ans. Il était élève au séminaire de Karubanda.
Et donc, toutes ces personnes avaient leur avenir devant eux.
Il y a enfin la troisième personne que je représente, qui se nomme
KALISA Théophile. Lui, il a perdu neuf membres de sa famille. Il y a d’abord
son père KALISA Charles, qui était âgé de 55 ans, il était enseignant à l’école
primaire de Tumba, c’est dans la préfecture de Butare, et il a été tué le 21
avril 94 par des miliciens non identifiés. Il y a sa mère MUKAZI Marie Gema,
âgée de quarante-six ans, elle était aussi enseignante à cette même école, et
elle et le reste de la famille ont été tués le 23 avril 1994 ; il s’agit
de KALISA Blandine, Gisèle UJENEZA, NIWEMUGABO Modeste, USANASE Fidèle, HATAHINEZA
Victor, HABINEZA Prosper et MUNYANEZA Déogratias. Ces personnes n’ont pas évidemment
été tuées de la main de HIGANIRO Alphonse, c’est pas lui qui les a achevées,
ce sont des miliciens dont il porte la responsabilité d’avoir endoctriné, d’avoir
incité aux massacres par les faits que je vais relater dans un instant.
Monsieur HIGANIRO est un ancien ministre, secrétaire exécutif de
la CPGL pendant environ dix ans, il est le gendre du médecin personnel du président
et ami personnel du président le témoin 32. Il était directeur général de la
SORWAL à ce moment-là. C’est donc un personnage très important qui avait une
influence immense sur son entourage, et le fait d’être ami personnel du président
lui conférait une élévation sociale très importante, parce que, dans la hiérarchie
sociale rwandaise, chaque chef, chaque personnage important a son entourage
et le fait d’être dans la suite, dans l’entourage d’un personnage important,
fait que vous bénéficiez du prestige de la personne et c’est vous qui conseillez
la personne. Le chef doit écouter ses sujets et les sujets profitent du prestige
de leur chef. Donc, HIGANIRO jouissait du prestige du chef de l’Etat partout
où il passait et donc il était très écouté, c’était un personnage très important.
HIGANIRO, malgré tout, est un personnage de l’ombre, il n’aime pas
se montrer, il ne se montre pas dans les structures officielles du MRND, il
y crée une structure parallèle au parti des fonctionnaires de Butare affiliés
au MRND et des suites, mais il a une mission précise dans Butare parce que le
clan présidentiel voulait une main-mise dans Butare, Butare qui était plutôt
acquis à l’opposition. Le président le témoin 32 y avait envoyé son petit frère,
le docteur BARARENGANA, il avait envoyé Mathieu NGIRUMPATSE qui était président
du Conseil d’administration de la SORWAL et qui était le responsable juridique
des Interahamwe, il y avait évidemment HIGANIRO Alphonse. Et un autre trait
que je relève dans ce personnage, c’est qu’il aime les mots codés ; c’est
ainsi que dans le rapport numéro 2, il parle de « gadagure ». Quand
je lui ai posé la question de savoir ce que c’est, il a d’abord dit que c’était
« évincer », mais le terme signifiait « tuer » et dans,
à cette période là, c’était un terme en vogue, c’était après l’assassinat du
président NDADAYE au Burundi et chaque événement douloureux était qualifié de
gadagure.
Donc, il savait à quoi il faisait référence. Il fait référence aussi
à des termes utilisés dans l’« Appel à la conscience des Bahutu »,
Maître Gillet en a fait allusion tout à l’heure, il y parle des extrémistes
Tutsi assoiffés de pouvoir et c’est une expression qui revient sans cesse, dans
ces écrits et dans l’ « Appel à la conscience des Bahutu ». Il
utilise les termes « travailler » et « nettoyage » et on
constate que les gens du Nord de manière générale, n’aimaient pas se montrer,
ils préféraient plutôt envoyer devant d’autres personnes et eux assumaient la
charge, la responsabilité suprême.
Alors, les faits qui l’accusent, relativement aux faits qui concernent
les personnes que je représente, ce sera spécialement ses écrits, le premier
qui était la suggestion, suggestion émise par les membres du MRND à Butare et
là, nous constatons que l’accusé utilise des mots qui ont un sens de provocation,
d’incitation aux massacres. Il y parle de l’Union des Hutus, pour barrer la
route aux Tutsi assoiffés de pouvoir. Ici, on constate qu’il veut dresser une
ethnie contre autre. Il y parle de la réunification des Hutu, en excluant évidemment
les Tutsi. Il dit que tous les moyens sont bons car il y va de la survie cette
ethnie, l’ethnie Hutu, et « tous les moyens sont bons » évidemment
cela signifie ce que cela signifie. Il parle de l’autodéfense des Hutu, tous
partis confondus évidemment contre des Tutsi assoiffés de pouvoir et pour qui
même les vieillards, même les bébés, étaient des gens assoiffés de pouvoir qu’il
fallait liquider.
Dans le texte rapport numéro 2, du 13 février 94, il parle de ces
termes gandagure, et plan d’extermination. Ici, on constate le caractère paranoïaque
de la personne qui a été décrit par les psychiatres, car il ne dit pas, il n’a
pas dit qui avait établi ces plans d’extermination et par qui il devait être
gandagure, tuez donc, donc ce sont des termes qui ont de l’importance parce
qu’ils ont pour but de provoquer la panique, de provoquer la peur chez les Hutu
pour qu’ils s’autodéfendent, donc qu’ils passent en avant pour tuer les Tutsi.
Il parle aussi d’extrémistes Tutsi assoiffés de pouvoir, et ici il inclut tous
les Tutsi et donc toute l’ethnie Tutsi. Il dit que ces Hutu doivent faire démonstration
de force, en bloquant les routes, en séquestrant, en créant un pays mort ;
c’est évidemment des actes de provocation qui ont conduit au génocide que l’on
connaît. Ces idées étaient donc répandues autour de lui ; je vous disais
que c’était un personnage très important qui était écouté et ces idées sont
parvenues évidemment aux instances du MRND , même si l’accusé dit que ces
documents n’ont pas été envoyés, on sait bien qu’ils ne pourraient pas se réunir
juste pour écrire des documents à jeter à la poubelle. Ces écrits, ces idées
étaient évidemment à la connaissance des Interahamwe et spécialement du capitaine
NIZEYIMANA et d’Innocent NKUYUBWATSI qui sont les grands responsables du génocide
dans Butare.
Il y aussi comme fait accusateur, le financement des Interahamwe
par la société qu’il dirigeait. Vous vous souvenez que Mathieu NGIRUMPATSE qui
était président du MRND et responsable juridique des Interahamwe était le président
du Conseil d’administration de la SORWAL et que les principaux clients, trois
au moins de la SORWAL étaient le président des Interahamwe et deux vice-présidents,
il y avait évidemment HIGANIRO pour passer à l’exécution, HIGANIRO qui a aussi
engagé des Interahamwe qui ont utilisé des véhicules de la SORWAL, pour commettre
l’innommable, pour tuer dans tout Butare. Et le fait de permettre des entraînements
militaires au sein de la SORWAL, pour les miliciens, est aussi un acte accusateur.
La défense va évidemment essayer de réfuter ces faits en disant que ces documents
n’étaient que des brouillons, en disant que ces documents n’ont pas été diffusés,
en disant que la défense collective concernait tout le peuple rwandais, en disant
que les Tutsi assoiffés de pouvoir n’étaient que les membres du FPR, en disant
que le financement des Interahamwe n’a pas été possible parce qu’il y avait
des Tutsi dans le Conseil d’administration de la SORWAL, et que, par ailleurs,
le fait d’engager des Interahamwe, le fait d’accorder des crédits aux Interahamwe
est en soi un acte normal parce qu’il y a quelques, plutôt il y a quelques jours,
je ne me souviens plus, on disait que, ici en Belgique aussi, on engage des
gens du Vlaams Blok et on peut aussi leur accorder des crédits.
Evidemment, ces faits sont réfutables, parce que je ne comprends
pas comment Monsieur HIGANIRO et ses amis pouvaient passer des jours à faire
des réunions, à rédiger des documents qui n’ont pas été distribués, qui n’ont
servi à rien. Je ne comprends pas comment ils peuvent dire que la défense collective
concernait tout le peuple, en disant que la défense collective était uniquement
pour les Hutu ; pourquoi ils n’ont pas dit « défense collective de
tout le peuple rwandais » ou alors, pourquoi est-ce qu’ils parlaient des
Tutsi assoiffés de pouvoir, sans désigner le FPR qui, légitimement, pouvait
être considéré comme assoiffé de pouvoir. Et le fait qu’il y ait eu, au sein
de la SORWAL, au sein du Conseil d’administration de la SORWAL, des Tutsi n’exclut
pas du tout que la SORWAL ait contribué au financement des Interahamwe parce
que, comme je vous le disais, il y a toujours des traîtres, il y a toujours
des gens qui sont capables de tuer les leurs et la comparaison des Interahamwe
avec le Vlaams Blok est tout à fait ridicule. Evidemment ici, je ne défends
pas du tout les idées du Vlaamse Blok, mais ce qu’on fait les Interahamwe n’est
pas du tout comparable au Vlaams Block, c’est pire que la sauvagerie, c’est
pire que tout.
Ici, je vais évoquer deux faits qui m’ont paru extrêmement sadiques,
extrêmement cruels, que vous retrouverez dans un livre intitulé « Les temps
modernes » qui ont été relatés par un témoin qui est venu ici, Claudine
VIDAL. Elle évoque deux faits. Il y a des Interahamwe qui poursuivent une femme,
une femme qui porte un enfant, ces Interahamwe attrapent la femme, lui prennent
l’enfant, lui coupent la tête et remettent l’enfant à la mère en lui disant :
« Continue de l’allaiter ». Ils n’ont même pas eu la gentillesse d’achever
la femme et cette femme est devenue folle. Un autre fait tout aussi bouleversant
se passe pour une femme qui avait un petit garçon, je pense de huit ans, et
qui oblige la mère de creuser un tombeau et d’enterrer vivant l’enfant. Et l’enfant,
voyant sa maman lui jeter de la terre, lui dit : « Maman, pourquoi
est-ce que tu joues avec moi, cesse de jouer » parce que l’enfant ne croyait
pas que la mère pouvait l’enterrer vivant. Mais la mère, par lâcheté peut-être,
a continué cette salle besogne et a enterré son enfant vivant. Cette mère est
devenue folle évidemment. Vous comprenez, ici, donc, que les Interahamwe n’étaient
pas des gens normaux, qu’on ne peut pas les comparer au Vlaams Block, qu’on
ne peut pas les comparer à l’extrême droite qu’on connaît, donc c’était des
gens tout à fait à part, pire que des animaux sauvages.
Mesdames et Messieurs les jurés, c’est pour cela que je vous demande,
que vous puissiez poser le geste qui contribuera à faire avancer l’humanité
dans la justice, en déclarant les accusés et spécialement, pour ce qui me concerne,
HIGANIRO, coupable des faits qui lui sont reprochés, et spécialement d’avoir
endoctriné, financé, organisé des milices qui ont tué beaucoup de personnes,
dont les victimes que je représente. Je vous remercie, je vous souhaite un bon
week-end.
Pour terminer, Monsieur le président, je voudrais vous remettre une
autre constitution de partie civile de ces personnes qui ont été communiquées
aux autres parties.
Le Président : Je crois qu’elles
étaient déjà constituées. Ce sont les mêmes personnes ? Alors il n’y a
pas de… Ceci ce sont donc des notes, ce sont même des conclusions parce qu’elles
sont signées…
Je crois qu’on a fini pour aujourd’hui, effectivement. Donc l’audience
va être suspendue jusqu’à lundi, jusqu’à lundi 9 heures. Lundi 9 heures, nous
entendrons Maître LARDINOIS ? C’est vous Maître LARDINOIS, l’après-midi,
Maître ou dans la suite ? Je ne sais pas, Maître HISRCH et Maître GILLET.
Donc, l’audience est suspendue jusqu’à lundi 9 heures. Je vous souhaite effectivement
à tous et à toutes un excellent week-end, profitez du beau temps. |
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