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Débats Répliques partie civile compte rendu intégral du procès
Procès > Débats > Répliques partie civile > Me. Gillet
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9.6.5. Réplique de la partie civile: Maître GILLET

Le Président : Maître GILLET, je vous donne la parole.

Me. GILLET : Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs du jury, ni Monsieur NTEZIMANA, ni Monsieur HIGANIRO, ni leurs avocats ne sont parvenus à nous reprendre, Maître HIRSCH et moi-même, sur un point quelconque de ce que nous avons plaidé. Ils nous ont traités de trappeurs inlassables, ils ont cherché à semer le doute, ils n’avaient rien d’autres à faire. Rien d’autre. C’est que nous nous en sommes tenus toujours à un strict devoir de vérité, comme d’ailleurs je crois, sur tout le banc des parties civiles. De nouveaux développements sont apparus pendant ce procès qui ont enrichi l’instruction. Des pièces nouvelles ont été produites, des nouveaux témoins, des nouvelles parties civiles se sont présentés. En un mot, il y a eu le travail d’audience. C’est la règle du jeu, c’est toute la richesse d’un procès d’assise. Les chefs d’accusation restent bien entendu identiques, mais de nouvelles preuves de participation aux crimes reprochés peuvent apparaître et sont apparues devant vous, tel le financement des milices par la SORWAL, sous la haute direction de son directeur général.

Je comprends la colère de Monsieur HIGANIRO et de ses conseils contre le professeur GUICHAOUA, Monsieur NSANZUWERA, Monsieur KAYIHURA, cet ancien collègue de NSANZUWERA, qui a travaillé avant le génocide sur les dossiers de la SORWAL, et qui s’est manifesté depuis les Etats-Unis pour nous apporter des précisions supplémentaires sur le rôle de Monsieur HIGANIRO. Oui, je comprends cette colère. Ces témoins nous ont permis de mettre à jour des actes de participation majeure de Monsieur HIGANIRO au génocide, et de toucher la corde sensible pour des gens, comme pour Monsieur HIGANIRO, l’argent.

Alors, je vous parle de génocide, mais vous entendez, bien entendu, chaque fois que je parle de génocide, que je vous parle des crimes de guerre au sens de la loi de 1993.

Vous vous souvenez que ce ne sont pas ces témoins-là qui ont commencé à tirer le fil. Souvenez-vous des fameuses pages de l’agenda de Monsieur SEBALINDA sur ces fournitures suspectes à la SORWAL. HIGANIRO mettra trois semaines pour ne pas nous répondre, et finalement, il ne trouvera rien d’autre que de poser une nouvelle question : « Connaissez-vous l’agenda de votre voisin ? ». Le problème, c’est que ce voisin, c’est celui qui organise des meetings politiques à Butare. C’est aussi celui qui sera cotitulaire du compte de l’autodéfense civile qui sera ouvert à l’initiative du nouveau préfet de Butare, pendant le génocide. Monsieur HIGANIRO a le droit d’être désinvolte à ce point, mais c’est votre droit d’en tirer des conclusions.

C’était ensuite l’ancien chef du personnel de la SORWAL qui nous a révélé l’existence de créances douteuses consenties à ce même livreur de sinistre réputation, Monsieur Robert KAJUGA, et à plusieurs de ses copains de haut vol. A ce sujet, ce qui nous intéresse, ce n’est pas de comparer la gestion de Monsieur HIGANIRO à celle de son prédécesseur, mais de comparer la gestion de Monsieur HIGANIRO sur l’année 1993, sur la gestion de Monsieur HIGANIRO de l’année précédente, et de constater que l’encours des clients douteux double en une année, et de constater que le profil, la personnalité des clients a dramatiquement changé de profil, et les décisions prises sur papier par le conseil d’administration de la SORWAL ne changent rien à la réalité.

Non, nous ne réfléchissons pas trop. Simplement, le dossier est clair. Et bien entendu, cela préoccupe Monsieur HIGANIRO. Oui, Monsieur HIGANIRO s’est réuni avec Monsieur NIZEYIMANA et Monsieur NTEZIMANA, le soir du 6 avril. Oui, il a dû l’admettre, ici, à l’audience, après avoir bafouillé, parce qu’Innocent l’affirmait et que nous le pressions à l’audience du confirmer. Pourquoi remonter à Gisenyi après son voyage éclair à Butare, le 29 avril 1994 ? Pourquoi ? Nous savions, par Madame DESFORGES, ce qui se passait dans les derniers jours à Gisenyi, au mois d’avril. Où étaient repliés les stratèges du gouvernement, le fameux groupe de Félicien KABUGA ? « A l’hôtel Méridien », dit-elle. C’est là qu’on s’occupait de la défense de la République. Monsieur HIGANIRO prétend que ce n’est qu’une hypothèse. Mais connaît-il, diable, le dossier ? Un témoin que j’ai cité l’autre jour dit bien qu’il l’a vu fréquenter l’hôtel Méridien. Un autre témoin, Monsieur ZILIMWAGABO, auditionné le 11 juin 1995, le confirme, et dit même qu’il a vu son épouse fréquenter l’hôtel Méridien avec tous les extrémistes du MRND-CDR, comme le dit ce témoin.

Il me semble, n’est-ce pas, Monsieur HIGANIRO, qu’à présent, les carottes sont cuites. Tout se recoupe dramatiquement. Non, Monsieur HIGANIRO n’a pas passé deux mois à enterrer son beau-père ou à vendre des allumettes. La réponse que le dossier donne est la seule qui colle avec tout, y compris avec votre fameuse lettre. Vous étiez avec ceux qui conduisaient la guerre, c’est-à-dire le génocide.

Monsieur HIGANIRO dit : « Il n’y a pas de liaisons dangereuses. On ne juge pas ici un carnet d’adresses ». Monsieur NTEZIMANA avait fait la même observation, un peu plus tôt dans le procès. L’on n’est pas responsable d’un fils, d’un oncle, d’un conjoint ou d’un ami qui tourne mal. Monsieur NSANZUWERA nous l’a dit d’ailleurs aussi, il a donné des exemples concernant certains de ses propres amis. Mais ce n’est pas le carnet d’adresses qui est dénoncé. Ce qui l’est, c’est d’avoir prêté de l’argent, pour des montants considérables, permettant à des amis que l’on savait infréquentables et leur permettant de créer des milices meurtrières. Ce qui est reproché, c’est d’avoir constitué avec tous ces gens, une association à but soi-disant social, l’ADSK, avec un membre notoire des escadrons de la mort à qui l’on confie la sensibilisation pour des œuvres sociales dans les préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri, préfectures où il a déjà, à l’époque, organisé des massacres. Un fondateur de la RTLM à qui on confie rien moins que la présidence de l’association.

Le commandant d’un camp militaire qui entraîne des milices. Un civil impliqué depuis 1990 dans les massacres qui ont lieu dans la région même d’origine de Messieurs NTEZIMANA et HIGANIRO. Tous deux se retrouvent, le commandant de camp et celui-là dans le bureau exécutif de l’ADSK. Ce ne sont pas des liaisons dangereuses, ce sont des liaisons coupables. Comment voulez-vous, dans un tel contexte, que ne soit pas crédible le témoignage d’un étudiant qui, ne connaissant pas l’ADSK, indique, sans qu’il ait été interrogé à ce sujet - parce qu’à l’époque les enquêteurs n’ont pas non plus l’attention attirée sur cette association - eh bien, que les étudiants ont été tués à Butare, sur base de listes établies par, et il le dit comme cela, Monsieur NTEZIMANA, Monsieur HIGANIRO.

Et les étudiants, et je cite : « De leur Commission d’étudiants qui venaient de Gisenyi, de Ruhengeri, qui avait pour but de recenser les étudiants Tutsi ». Et effectivement, avec les personnalités que vous avez placées dans votre association, qui est votre œuvre, c’est votre œuvre, et encore plus particulièrement celle de Monsieur NTEZIMANA d’ailleurs, c’est lui-même qui l’a exposé, mais comment, avec ces personnalités, toutes entières dévouées, notoirement, à l’époque, à des objectifs criminels, comment avez-vous pu concevoir avec eux autre chose que de poursuivre des buts criminels ? Vous êtes en réalité abominablement cohérent. Vos écrits se recoupent. Les procès-verbaux du petit comité des fonctionnaires MRND de Butare de Monsieur HIGANIRO reprennent les mêmes expressions, presque mot pour mot, extrémistes des Dix commandements et de la lettre à Vianney. Eh bien, l’on a osé comparer ces écrits au vocabulaire des joutes politiques belges. Ces écrits collent aussi à vos fréquentations, le carnet d’adresses. Ils collent à vos investissements, 400.000 francs dans la RTLM. Le tout colle enfin à vos comportements, avant et pendant le génocide.

A propos de cohérence, souvenez-vous, Madame le témoin 143 qui est venue ici, elle nous a exposé les préoccupations sociales de Monsieur NTEZIMANA en matière d’enseignement, elle nous a présenté l’accusé comme un homme modéré en politique. Elle a toutefois bien dû admettre, sur une question que je lui posais, après dix secondes, dix longues secondes d’hésitation, car elle avait senti le piège se refermer sur elle et sur Monsieur NTEZIMANA, que les signataires de la lettre ouverte des intellectuels de l’université de Butare, du 4 janvier 1994, signée par les deux accusés, devaient être considérés comme Hutu Power. Cet épisode est important. Madame le témoin 143 n’a pas trouvé la parade, parce qu’il n’y avait pas de parade. Son témoignage lénifiant sur NTEZIMANA se retrouvait brusquement contredit par elle-même. Et pas un mot des avocats de NTEZIMANA sur la lettre à Vianney. Je vous ai lu et commenté cette lettre. Relisez-la pendant votre délibéré.

On vous a cité des extraits de deux autres lettres à Vianney, qui ne font que confirmer ce que nous disions : « Oui, Monsieur NTEZIMANA avait des préoccupations sociales », pour le peuple Hutu bien entendu, pour le fameux peuple majoritaire, le seul qui habite légitimement le Rwanda. Il fait même de ses préoccupations sociales un argument d’unité des Hutu parce que, dit-il : « Si certains Hutu ont des privilèges et pas d’autres, que les autres restent des laissés-pour-compte, définitivement, eh bien, ces derniers ne seront pas suffisamment motivés pour lutter contre le Tutsi qui est la seule lutte vraiment importante qui vaille », c’est dans la lettre à Vianney. Cette lettre est univoque, accablante pour Monsieur NTEZIMANA. Il n’y a pas de réponse possible, quelle que soit l’imagination que l’on déploie.

Pire. La défense nous reproche notre discrimination à l’égard de Monsieur NTEZIMANA, c’est-à-dire, de ne pas citer une lettre de Vianney, parce qu’il y a une correspondance. Une lettre aussi extrémiste que celle que lui a adressée Monsieur NTEZIMANA. L’on correspondait entre extrémistes, effectivement. Alors pourquoi dénoncer l’extrémisme de NTEZIMANA et pas celui de Vianney, nous demande la défense. Quel aveu. Je suppose que c’est parce que nous savons tous que c’est bien Monsieur NTEZIMANA qui est dans le box des accusés, et pas quelqu’un d’autre. L’on ne négocie pas avec des gens qui n’ont, par principe, rien à faire au Rwanda. On les écrase, un point c’est tout. « C’est nous ou c’est eux », pour reprendre les termes de Monsieur NTEZIMANA. « Ce ne peut pas être eux et nous dans le cadre d’un accord de paix ». Voilà pourquoi on ne négocie pas avec le FPR, voilà pourquoi on est, par principe, opposé au processus d’Arusha.

Non, Monsieur NTEZIMANA n’a pas joué aux cartes pendant le génocide, ou si peu. Monsieur NTEZIMANA a participé à la réunion avec le premier ministre KAMBANDA à l’université, le 14 mai 1994. Deux témoins particulièrement crédibles, invoqués par toutes les parties à ce procès, sont clairs et concordants : il y était, il n’a pas fait de discours comme tel, mais il a pris la parole publiquement, au nom des professeurs, pour soutenir les objectifs du gouvernement génocidaire. Je me réfère au professeur le témoin 9 et au vieux docteur le témoin 61, l’autre Vincent. Le parti de NTEZIMANA, le PRD, et NTEZIMANA lui-même participaient aux réunions du parti, des partis Power à Butare, pendant le génocide. C’est écrit noir sur blanc sur le procès-verbal de cette réunion. Innocent NKUYUBWATSI le confirme. NTEZIMANA ne l’a pas contredit en plaidoirie. Ce fait est également acquis. Son hyperactivité pendant le génocide, sa fréquentation du capitaine NIZEYIMANA, tout cela est totalement escamoté par la plaidoirie. Ces réunions, ces déclarations rédigées à la maison devant le témoin 142 et Longin pour - c’est NTEZIMANA qui le leur dit - être diffusées à la radio RTLM - ça c’est moi qui ajoute - mais c’était la seule à émettre à l’époque. Pas de réponse en plaidoirie, autant de choses acquises.

Ces faits sont tellement acquis que les avocats de NTEZIMANA ne pouvaient que les esquiver, et sur le prétexte, parce qu’ils disent pourquoi, c’est un prétexte : « Monsieur NTEZIMANA n’est pas accusé, ne peut pas être accusé, ne pourrait pas être accusé de participation au génocide, en général ». Ben voyons ! Parce que ce qu’il faut savoir, nous dit-on, c’est s’il est coupable de crimes particuliers en raison du principe que la responsabilité pénale doit être individuelle. Donc, HITLER n’est responsable de rien, PINOCHET non plus, BAGOSORA non plus, ils ne sont mêlés à aucun crime particulier. Monsieur NTEZIMANA oublie que c’est l’auteur du crime qui doit être individualisé, pas la victime.

Oui, évidemment, la responsabilité de NTEZIMANA est individuelle dans la mort d’un nombre indéterminé de personnes, comme le précise le 8e chef d’accusation qui le concerne, parce qu’il a participé activement au processus d’intégration du discours génocidaire en général et que sans l’intervention de l’intellectuel, rien ne peut se passer. Parce qu’il a fait tuer KARENZI et sa famille, pour montrer la voie à suivre. Parce qu’il a participé à des réunions des partis Power qui ont stimulé le génocide, qui l’ont justifié, qui l’ont permis, enfin qui devaient lui permettre d’atteindre l’objectif final. Parce qu’il a appuyé publiquement les objectifs du gouvernement génocidaire, en se prévalant, en outre, de l’autorité d’un président, d’une association de professeurs, l’APARU. Parce qu’il a participé activement à l’autodéfense civile, comme l’atteste la lettre qu’il a adressée, le 25 avril 1994, toujours avec son autorité de président de l’APARU, au commandant de place pour solliciter un entraînement au maniement des armes « Pour barrer la route à l’ennemi », je cite, pour barrer la route à l’ennemi, le 25 avril, à l’apogée des massacres. Enfin, parce qu’il a rédigé des déclarations destinées à être lues à la radio RTLM, le professeur CHRETIEN en cite une, c’est une justification du génocide.

Il en va de même de Monsieur HIGANIRO. Lui aussi est accusé d’avoir commis un homicide avec intention de donner la mort sur un nombre indéterminé de personnes. Financer et créer des milices sont des crimes de participation au génocide. Donner l’instruction de poursuivre et d’achever le nettoyage à Butare pour la sécurité, même chose. De même qu’avoir, par ses écrits, ceux qui figurent dans l’acte d’accusation, par son action politique, conçu, par rapport à l’application des accords d’Arusha, une alternative qui supposait l’extermination des Tutsi.

Nous vous demanderons, par conséquent, de répondre oui à toutes les questions qui vous seront posées.

Mesdames et Messieurs du jury, les survivants du génocide ne déposent pas de plainte en justice, ils sont trop dépassés par leur souffrance, ils ont l’expérience d’un pays où l’on n’a pas l’habitude de se confier à la justice. Et la justice belge est celle d’un pays qui, au seul moment où il aurait dû être vraiment là, a abandonné le peuple rwandais. Ce sont des gens qui vivaient en Belgique qui ont déposé les premières plaintes, des familles endeuillées, certes, mais surtout des gens qui étaient choqués par l’arrivée de bourreaux sur notre territoire, des gens qui mesuraient l’énormité du risque d’impunité, parce que l’exil à l’abri des poursuites était la règle pour tous les bourreaux du monde. Lorsque, le 26 juillet 1994, je me présente dans le bureau de Monsieur DEJEMEPPE, procureur du Roi à Bruxelles, les parties civiles ne sont animées que par l’espoir des désespérés. Elles déposent plainte à l’époque par principe, c’est un sentiment sincère de justice qui les anime. Elles sont sans illusions et nécessairement sans idées de vengeance. Mais un geste en appelle un autre. On cherche des informations sur les proches qui ont disparu par un douloureux, par de douloureux voyages au Rwanda. De retour, on remet les informations aux enquêteurs. On presse la justice de faire son boulot, elle le fait aux allures d’escargot, on se fâche publiquement, on obtient finalement la désignation d’un juge d’instruction.

L’on a de la chance que celui qui est désigné a, à la fois, de l’intelligence et du cœur. Ces deux qualités lui permettent de prendre la mesure de ce qui s’est passé. Ce sera son moteur et celui de l’équipe qu’il aura constituée. Vous les avez tous vus, ils ne semblaient pas animés par la vengeance. C’est eux qui ont fait ce dossier, ce ne sont pas les parties civiles. Ce qui est vrai, c’est que les parties civiles ont alimenté ce dossier plus qu’il est de coutume dans un procès d’assises. Ce sont elles qui connaissent le Rwanda, les enquêteurs ne le connaîtront que plus tard, ils feront alors la part des choses, ils écarteront certaines accusations mais surtout, ils en formuleront de nouvelles, étrangères à celles qui figuraient dans les plaintes initiales. Les défenseurs de NTEZIMANA ont cru nécessaire de passer de longs moments d’un temps précieux à s’en prendre, une fois encore, à Monsieur GASANA Ndoba, cela ne faisait que la troisième fois, une fois devant la Chambre du Conseil, une fois devant la Chambre des mises en accusation et puis ici. N’est-ce pas dérisoire lorsque l’on sait que la plainte initiale de Monsieur GASANA ne pèse plus dans le dossier que pour un chef d’accusation sur huit ? Tout le reste a été introduit par le juge d’instruction. Monsieur GASANA Ndoba est même devenu affairiste. Il a été nommé administrateur de PETRORWANDA pour y représenter l’Etat rwandais, nous dit Monsieur NTEZIMANA. C’est son dernier mensonge. Un certain Ndoba MUGUNGA représente effectivement l’Etat rwandais dans le conseil d’administration. Ndoba MUGUNGA, le dernier mensonge.

Je vous disais dans mes plaidoiries qu’il est temps que ce procès se termine. NTEZIMANA ne rate pas un jour pour mettre un nouveau mensonge à son actif. Moi, je relève que le gouvernement de la Communauté française, le 27 janvier 2000, a décidé de présenter Monsieur GASANA Ndoba pour une nomination au prix Nobel de la Paix. Il est un acteur incontournable de la paix et de la réconciliation, non seulement au Rwanda, mais aussi dans toute la région de l’Afrique des Grands Lacs. « Cette candidature présente une portée hautement symbolique qui correspond entièrement à l’esprit du prix Nobel », je cite une décision du gouvernement de la Communauté française de Belgique.

Monsieur HIGANIRO, quant à lui, se plaint d’être harcelé constamment par de nouvelles accusations, chacune succédant à une précédente, dont il prétend qu’il l’a réfutée avec succès. Triste défense. J’écrivais, en 1995, dans un article publié par la revue « Les temps modernes », revue française, que les victimes ne recevront de réparations satisfaisantes qu’en cas de jugement des accusés aux termes de procès équitables. J’insistais sur le fait qu’un des enjeux fondamentaux du jugement des crimes de génocides est d’alléger les Hutu du poids d’une responsabilité collective. Parce qu’une telle responsabilité est insupportable pour les innocents, de même pour ceux qui, nombreux parmi les Hutu, ont risqué leur vie et sont morts pour sauver leurs concitoyens Tutsi. Car, seul le travail de la justice rend sa part à chacun. Seul le travail de la justice brise la malédiction d’une ethnie coupable.

C’est sur cette base-là, Mesdames et Messieurs du jury, Mesdames et Messieurs de la Cour, qu’est fondé le contrat de confiance qui nous lie, Maître HIRSCH et moi-même, à nos clients. Ce contrat est fondé sur la recherche de la vérité. C’est en vertu de ce contrat que nous nous sommes adressés à vous le premier jour de ce procès, pour vous dire que ces hommes et ces femmes qui allaient venir, justement, ne demanderaient pas vengeance, mais demanderaient la justice. La condamnation d’un innocent n’est pas une réponse à la souffrance de la victime. Combien dérisoire est cette idée du complot à laquelle NTEZIMANA s’accroche désespérément, et de plus en plus contre l’évidence, comme à la seule bouée qui pouvait le sauver. N’y a-t-il pas assez de coupables pour devoir en plus s’occuper de poursuivre des innocents ?

HIGANIRO, quant à lui, également par la voix de ses avocats, a multiplié les indélicatesses. Le mot est faible, dénonçant une pensée unique, reprochant aux parties civiles un abus de référence au génocide, soupçonnant que ces références n’aient pour but que de vous émouvoir. Nous avons vécu une journée entière dans le négationnisme. C’est la même défense que celle que développent les amis proches de Monsieur HIGANIRO, à Arusha. Le procès BARBIE, le procès PAPON, le procès PINOCHET auraient-ils pu voir le jour sans la contribution essentielle des victimes ? L’on a reproché aux victimes d’être dures, l’on a reproché aux victimes d’êtres dures… tous les accusés l’ont fait. Une bonne victime est-elle une victime larmoyante ? Et même si elle l’est, on le lui reproche, elle ne cherche qu’à émouvoir. J’ai entendu dire dans cette salle, que Yolande refait sa comédie chaque fois qu’elle témoigne en public. Une victime souffre, c’est vrai, particulièrement une victime d’un crime de génocide. Mais elle peut aussi trouver la force d’être ferme. Elle n’est pas absolument obligée de se sentir coupable. Elle n’est pas absolument obligée, au bout du compte, au bout du compte des morts innombrables, d’admettre que les assassins ont eu raison de lui reprocher son existence même. Je crois qu’au cours de ce procès, les victimes ont simplement trouvé la force d’être fortes et dignes. Elles le méritaient finalement.

C’est sur ces mots, Mesdames et Messieurs du jury, que nous souhaitons prendre congé de vous. Nous vous remercions pour votre attention.

Le Président : Merci, Maître GILLET.