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Instruction d’audience V. Ntezimana Lecture déclarations de témoins par président compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience V. Ntezimana > Lecture déclarations de témoins par président > le témoin 119
1. le témoin 119 2. le témoin 53 3. le témoin 91 4. le témoin 129 5. Commentaires défense V. Ntezimana 6. F. Kikabo 7. le témoin 76 et commentaires partie civile, défense de V. Ntezimana 8. J.M.V. le témoin 142 et commentaires défense de V. Ntezimana 9. le témoin 5 10. G. Hategekiman 11. A. Rutibabarir 12. le témoin 63 13. le témoin 107
 

6.4.1. Lecture de déclarations de témoins par le président: le témoin 119

Le Greffier : La Cour.

Le Président : L’audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place. On n'a pas de nouvelles apparemment de Monsieur DEGNI-SEGUI ? Alors, y a-t-il dans la salle, des personnes qui sont convoquées comme témoins et qui n'auraient pas encore été entendues ? Si c'est le cas, je demande à ces personnes de quitter la salle.

Bien. Alors, on va essayer de vérifier où on en est. Monsieur DEGNI-SEGUI n’est toujours pas là. Je ne sais pas quand on aura l'occasion de l'entendre. Une série de témoins qui ne s'étaient pas présentés pourrait faire l'objet de lecture de déclarations qu'ils ont faites au cours de l'instruction préparatoire. Je me propose peut-être de commencer par le premier qui ne s'était pas présenté, Monsieur le témoin 119. Ça concerne, je crois que c'était le témoin numéro 35, donc, c'est dans… le volet NTEZIMANA. Il a été entendu le 11 avril 95 par la police judiciaire de Bruxelles.

« Je suis arrivé en Belgique le 2 juin 1994 en provenance du Burundi où je m'étais réfugié après l'assassinat, en date du 29 avril 94, de mon épouse MUKUNDWA Alvera. Je suis actuellement étudiant en doctorat, de formation, je suis ingénieur agronome et je me spécialise en biologie aquatique. Le 27 avril 94, deux militaires ont envahi ma maison afin de la piller. Ils étaient accompagnés de paysans armés de machettes. Je suis sorti pour m'échapper. Ils ont emmené mon épouse Tutsi vers la forêt. Le 28 avril, j'ai entamé des recherches afin de la retrouver et je l'ai ramenée à la maison. Cette nuit-là, elle l’a passée à la maison. Je me suis rendu le 29, chez des voisins afin de discuter pour trouver une solution à l'invasion de notre quartier par les milices paysannes. Je tiens à ne pas indiquer « Interahamwe » dans ce contexte car ce terme est associé à des milices du MRND, parti qui ne comportait presque pas de membres dans la jeunesse paysanne de la région. Parmi les agresseurs du 27 avril, j'ai reconnu d’anciens membres du PSD dont je fais partie. Je ne connais que leur visage, je ne peux vous donner aucun nom. Vers 9 h 45, le 29 avril, je suis rentré de chez les voisins et j'ai constaté que mes enfants étaient seuls à la maison avec le veilleur que j'avais engagé, Viateur BIHOYIKI,  un  paysan de Save, commune de Shyanda, secteur ou cellule Burashi. Le veilleur m’a dit que deux militaires étaient venus et qu'ils avaient emmené mon épouse et une amie, Pudancienne MUKANGOBOKA.

Elles avaient été assassinées à 500 m, dans un champ de massacre sis dans la forêt avoisinante. J'ai pris la fuite avec les enfants que j'ai déposés chez des amis d'où ils ont été emmenés chez mon beau-frère, Théophile DUSABEMUNGU, qui habitait à Kigali, commune Nyarugenge, secteur Biryogo. Il travaillait pour la banque commerciale du Rwanda mais a été assassiné à une date que j'ignore. J'ai récupéré mes enfants début septembre, après avoir moi-même pris la fuite, avec le bébé, au Burundi d'abord et en Belgique ensuite. Je précise également que lors du génocide qui a eu lieu en avril 94 au Rwanda, j'ai perdu toute ma belle-famille à Gikongoro ainsi que mes propres frères et sœurs, à savoir, Egide RUTAYISIRE, Eugénie UWIZEYIMANA, assassinés à Butare. J’ai également perdu l’époux de ma deuxième sœur, Augustin RWAKAYIRO, tué à Nyabisindu.

Lors des massacres, les personnes ont été visées en fonction de leur origine Tutsi ou parce qu'il s'agissait d'intellectuels de l'opposition modérée. Mon épouse peut donc avoir été assassinée pour l'un ou l'autre des deux motifs précités.

Je suis membre du parti PSD. Après l'assassinat de son président, Félicien GATABAZI, j’ai ressenti un malaise qui a envahi Butare. A l'université, certains professeurs ont réclamé la vérité sur l'assassinat, mais nous avons dû constater que le pouvoir n'a rien fait pour nous informer. Un collègue, promoteur d'un groupe pour animation pour notre parti à l'université, a même dû se cacher quelques jours, après la mort de GATABAZI, car il avait été menacé. Ce collègue et ami n’est autre qu'Alexandre RYAMBABAJE, qui demeure à Rennes. Il m'a confirmé que des réunions clandestines de professeurs avaient lieu le soir. Nous n'y étions pas invités car elles se déroulaient au sein de groupuscules impénétrables. J’ignore si Vincent NTEZIMANA en faisait partie.

Fin avril 94, eut lieu à l'université, une réunion conviée par le vice-recteur, au cours de laquelle les professeurs devaient faire motion de soutien au gouvernement KAMBANDA. Je n'ai pas participé à cette réunion mais j'en ai été informé par la radio. Entre-temps, mon technicien KAJYIBWAMI Emmanuel, a été assassiné et un autre collègue du PSD, prénommé Antoine, a envoyé son veilleur chez moi pour me dire de ne pas trop me montrer car j'étais sur une liste. Cet Antoine fût tué par la suite. Je précise qu'Antoine était le frère du ministre des travaux publics, NTAKIRUTINKA Charles. J'ignore les noms et coordonnées de ce veilleur.

Je suis venu à plusieurs reprises en Belgique pour mes études et j'ai fait partie de la CERB. J'ai rencontré Vincent NTEZIMANA que je revis par la suite, à l'université de Butare vu que nous y étions tous deux professeurs. Vers le mois d'août, j'ai reçu de nombreuses communications téléphoniques au laboratoire où je travaille, émanant du témoin 144, professeur à Louvain-la-Neuve. Téléphone, bureau et privé. Il m'a fait part qu'il voulait aider un de ses anciens étudiants. Il souhaitait savoir comment il s'était comporté car on racontait beaucoup de choses sur, lui à Louvain-la-Neuve, en me précisant qu'il s'agissait de NTEZIMANA Vincent. Il ajoutait ne pas vouloir aider un instigateur de massacres. De plus, ce professeur m’a dit que les étudiants, dont l'abbé Epimaque SHERTI, avaient témoigné leur colère en apprenant que des démarches avaient été entreprises en vue de faire venir NTEZIMANA en Belgique. J'ai dit au professeur le témoin 144 que nous ne pouvions pas sortir des habitations mais que j'avais vu deux fois NTEZIMANA avec un militaire, les deux, passant en dessous de chez moi en véhicule militaire pendant le couvre-feu. Je ne comprends pas pourquoi NTEZIMANA circulait pendant le couvre-feu. Il m’a dit que ce militaire était un de ses amis, au cours d'une conversation téléphonique que j'ai eue avec lui, après son arrivée en Belgique. J'ai senti dans la discussion que son professeur lui avait fait part des informations que je lui avais moi-même fournies.

Lors d'une visite d'une famille de Burundais à Leuven, chez Thaddé BARANCIRA,  j’ai consulté divers documents parlant du Rwanda et du Burundi, et j'ai trouvé copie d'un communiqué à l’en-tête de l’AREL, signé par NTEZIMANA Vincent. J'ai été profondément touché par le fait que la région de Butare était à nouveau visée et j'en ai remis une copie à Jean Damascène NTAWUKURIRYAYO. Je n’avais pas connaissance de cette association jusqu'à présent et j'ignore si elle existe dans la réalité. Je ne connais pas la signature de NTEZIMANA.

Eh bien, si Monsieur DEGNI-SEGUI est arrivé, nous allons procéder à son audition.

Oui, Maître CARLIER ?

Me. CARLIER : Je ne vais pas vous poser une question à laquelle vous devriez répondre en qualité de témoin, Monsieur le président, simplement si vous m’autorisez un commentaire ?

Le Président : Je vous en prie.

Me. CARLIER : Pour préciser qu'il s'agit du tract AREL dont l'expertise graphologique a montré qu'il n'y avait pas là, la signature de Monsieur Vincent NTEZIMANA.

Le Président : D'autres commentaires ?

Oui, on peut faire venir Monsieur DEGNI-SEGUI