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6.4.2. Lecture de déclarations de témoins par le président: Isidore
le témoin 53
Le Président : Je vais faire
un peu de lecture. 16h30 ? Alors, comme il n’est que 16h00, êtes-vous d’accord
pour une demi-heure de lecture ? Vous êtes d’accord ? Je ne sais pas
d’ailleurs si je tiendrais plus longtemps qu’une demi-heure. D’abord, que je
retrouve mes lectures.
Juré : Monsieur le président,
avant que vous ne commenciez, une petite question : pour nous, en tant
que profanes, avons-nous la possibilité, éventuellement en cours de lecture
ou après la lecture, de vous poser une question ?
Le Président : Ah !
De me poser une question ? Oui. De savoir si je pourrai y répondre, c’est
autre chose évidemment.
Juré : Oui, bien sûr.
Le Président : Alors, dans
l’ordre où les témoins étaient convoqués et les témoins qui ne sont pas venus,
il y avait le témoin 119 mais ça, j’en ai déjà donné lecture, il y a un petit
temps. Il y a ensuite Monsieur le témoin 53. Oui, tant que j’y suis, Madame
DE TEMMERMAN Els avait fait une déclaration dans le dossier, qui n’est pas relative
aux faits proprement dits et si elle était convoquée ici comme témoin de contexte,
c’était essentiellement pour commenter le reportage télévisé qu’elle avait fait.
Faut-il que je vous lise ? Les parties veulent-elles que je lise cette
déclaration qui figure au dossier, mais qui n’a rien à voir de très précis
avec les faits en tout cas ? Il faut absolument lire ce passage de Madame
DE TEMMERMAN ? Alors, le témoin 53. Dans certains cas, les lectures que
je vais vous faire sont des traductions des déclarations faites, hein, je ne
connais pas le kyniarwanda, donc je ne lirai pas le texte original qui vous
serait ensuite traduit par un interprète. Monsieur le témoin 53 a été entendu
le 23 mai 1995, par la police judiciaire et a expliqué ceci. Alors, Monsieur
le témoin 53, c’est… je dirais que c’est un témoin qui entre dans le cadre
des faits reprochés à Monsieur NTEZIMANA, comme ça, ça vous situe déjà aussi
un petit peu le contexte dans lequel il est entendu.
« Je suis de nationalité burundaise et actuellement
en Belgique en qualité de chercheur en physique, à l’UCL à Louvain-la-Neuve.
Je suis en Belgique depuis 1987 et je ne suis retourné dans mon pays que pour
de courtes périodes. Vous me mettez au courant des faits qui vous occupent.
Question : Quels sont vos rapports avec NTEZIMANA
Vincent ?
Réponse : Nous nous sommes connus dans le
cadre de nos études, nous étions dans le même département de physique, nous
discutions de temps à autre afin de confronter nos points de vue.
Question : Deux personnes récemment entendues
par nos soins, à savoir NYAMURINDA Pascal et KARANGWA Pierre-Célestin, vous
ont cité comme témoin de propos qu’aurait tenus NTEZIMANA Vincent en votre présence,
propos qui auraient été assez extrémistes. Pouvez-vous nous confirmer ceci et
nous préciser les circonstances ?
Réponse : Effectivement, cela se passait
peu après les attaques du FPR sur le Rwanda, en 1990. Nous étions dans le train
entre Ottignies et Bruxelles et je lisais un article de presse relatant les
témoignages de soldats belges, présents au Rwanda. Vincent se trouvait en compagnie
de son épouse. Nous avons abordé la question du conflit et Vincent s’est énervé.
Il m’a dit : « On n’a pas de leçon à recevoir d’un Tutsi et surtout
pas d’un Tutsi du Burundi, de toute façon, les Tutsi, il faut les tuer tous ».
Son épouse était tout aussi intransigeante. Ils parlaient tous les deux et étaient
très excités. Je tiens d’ailleurs à dire que j’ai été tellement choqué que je
n’ai plus jamais salué son épouse. Quant à Vincent, nous ne nous sommes plus
non plus salués et puis, comme nous étions ensemble dans le même service, que
nous nous croisions, nous nous sommes à nouveau salués, sans plus.
Question : L’avez-vous revu depuis son retour
du Rwanda, l’an dernier ?
Réponse : Oui, je l’ai rencontré début septembre
sur le campus. Il m’a dit qu’il avait fui son pays en guerre et que les événements
avaient été dramatiques. Il a évoqué son souci de conciliation et a évoqué les
rumeurs circulant sur son compte, selon lesquelles il avait participé aux massacres.
Je lui ai répondu que je n’avais pas eu le temps d’entendre ces rumeurs car
je rentrais des Etats-Unis. Il m’a alors dit qu’il avait toujours plaidé pour
le retour des Tutsi. A ce moment, je lui ai dit que si on l’accusait de participation
aux massacres, c’était grave mais je lui ai dit que j’espérais qu’il avait évolué
dans le bon sens car il n’avait pas toujours été aussi conciliant et je lui
ai rappelé ses propos de 1990, dans le train. Il a eu un mouvement de surprise
et il m’a dit qu’il avait voulu parler, non pas des Tutsi en général, mais de
tous les complices. A quoi j’ai répondu que tous les complices étaient sans
doute Tutsi et qu’on pouvait même y ajouter quelques Hutu.
Question : Existait-il, au sein du département
de physique où vous et NTEZIMANA travailliez, des différences d’appréciation
quant à sa responsabilité ?
Réponse : Certainement. D’un côté, il y a
des gens qui lui sont totalement favorables, je pense à le témoin 144,
mais également à l’inverse, le professeur le témoin 116 qui, lui, a de sérieux doutes
quant à l’innocence de Vincent dans toute cette affaire ».
Y a-t-il éventuellement des commentaires par les parties ou par les
accusés, éventuellement des questions auxquelles je pourrais peut-être réponde ?
Oui, Maître CARLIER ?
Me. CARLIER : Juste une question,
Monsieur le président, parce que je ne me souviens plus, est-ce qu’on a des
indications sur les motifs de l’absence du témoin ? Pourquoi ne se serait-il
pas présenté ? Je ne sais plus.
Le Président : Ah oui, c’est
celui qui est radié d’office, qui donc n’a pas reçu de convocation, radié d’office
depuis le 26 mars 1996, me signale Monsieur le greffier. Oui ?
[Inaudible]
Le Président : Ah !
Radié d’office, ça veut dire que quelqu’un est, comme vous, en principe, vous
êtes, nous tous, nous sommes inscrits au registre de la population dans une
commune. Et lorsque les services de police constatent qu’une personne, bien
qu’inscrite à une adresse, n’y réside plus, une décision administrative est
prise qui décide que la personne ne résidant plus à l’adresse, est radiée des
registres de la population, donc, elle est radiée d’office parce qu’on constate
que, malgré l’inscription, elle n’y est pas. Maître BEAUTHIER ?
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, on ne va pas faire un cours évidemment, m’enfin, la situation
de ce monsieur, j’imagine, c’est qu’il était étranger. Donc, dans la mesure
où il est étranger, il a une carte d’identité d’étranger ou un CIRE, il
est radié d’office souvent, en tout cas en 1996, à la requête de l’Office des
étrangers parce que, éventuellement, il n’a pas renouvelé sa carte. Donc, c’est
peut-être une décision administrative comme vous l’avez dit, ça peut être une
décision aussi de l’Office des étrangers parce qu’il est parti à l’étranger
tout simplement.
Le Président : La radiation
d’office n’est certainement pas faite par l’Office des étrangers mais toujours
par le service de la population de la commune, hein. Peut-être à la demande
de l’Office des étrangers.
Me. BEAUTHIER : Exactement.
Le Président : Bien. |
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