assises rwanda 2001
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Instruction générale d'audience Audition témoins de contexte compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction générale d’audience > Audition témoins de contexte > F. Twagiramungu, ex premier ministre rwandais
1. C. Braeckman, journaliste 2. F. Reyntjens, juriste 3. A. Desforges, historienne 4. G. Sebudandi, journaliste 5. Y. Mukagasana, écrivain 6. R. Zacharia, médecin 7. J.P. Chrétien, historien, J.F. Dupacquier, journaliste 8. F. Twagiramungu, ex premier ministre rwandais 9. J. Matata 10. C. Vidal, historienne, sociologue 11. C. De Beul, ingénieur technicien 12. W. Defillet, assistant social 13. E. Vandenbon, assistante sociale 14. A. Vandeplas, magistrat retraité 15. le témoin 39, ex militaire de l’APR 16. le témoin 135 17. Explication suite déroulement procès 18. le témoin 41, sociologue 19. F.X. Nsanzuwera, ex procureur République à Kigali 20. A. Guichaoua, sociologue et commentaires A. Higaniro
 

5.5.8. Témoin de contexte: Faustin TWAGIRAMUNGU, ex premier ministre rwandais

Le Président : Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Je m’appelle TWAGIRAMUNGU Faustin.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : J’ai 56 ans.

Le Président : Quelle est votre profession ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Ma foi, je suis sans profession pour l’instant.

Le Président : Quelle est votre commune de domicile ou de résidence ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Ici à Bruxelles, je suis en commune Molenbeek-Saint-Jean.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés, Monsieur NTEZIMANA, Monsieur HIGANIRO, Madame MUKAGANGO, Madame MUKABUTERA, avant les faits qui leur sont reprochés, c’est-à-dire grosso modo avant le mois d’avril 1994 ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, les deux Messieurs, je les connaissais, c’est-à-dire Monsieur NTEZIMANA et Monsieur HIGANIRO. Les deux sœurs, je ne les connais pas du tout. Je les vois souvent à la télévision mais autrement je ne les connais pas.

Le Président : Etes-vous parent, êtes-vous de la famille des accusés ou d’un des accusés ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Pas du tout.

Le Président : Etes-vous de la famille des parties civiles ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Non, pas du tout.

Le Président : Vous ne travaillez ni pour les accusés, ni pour les parties civiles ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Travailler, qu’est-ce que cela veut dire travailler ?

Le Président : Ici, cela veut dire effectivement faire du travail.

Faustin TWAGIRAMUNGU : Ecoutez, je ne travaille ni pour l’un ni pour l’autre.

Le Président : Etes-vous sous un contrat d’emploi ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Pas du tout.

Le Président : Bien, je vais vous demander alors de bien vouloir lever la main droite et de prononcer le serment de témoin.

Faustin TWAGIRAMUNGU : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie, asseyez-vous Monsieur TWAGIRA-MUNGU. Monsieur TWAGIRAMUNGU, en avril 1994, vous étiez au Rwanda et plus précisément à Kigali ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : En avril 1994, oui, j’étais précisément à Kigali.

Le Président : Vous avez été premier ministre du Rwanda ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : J’ai été d’abord, ce qu’on connaît communément, premier ministre désigné par les accords d’Arusha depuis le 4 août 1993. Puis, euh… j’ai été premier ministre cette fois-ci sans être nommé, désigné depuis le 19 juillet 1994 jusqu’au 28 août 1995.

Le Président : Vous avez été aussi, si je ne m’abuse, président du MDR ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, j’ai été président et je pense que je suis l’un des initiateurs de la création de ce parti MDR.

Le Président : C’est notamment dans le cadre de vos activités au sein du MDR que vous avez rencontré Monsieur NTEZIMANA ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Monsieur NTEZIMANA, je l’ai rencontré justement et précisément dans ce cadre-là.

Le Président : Dans ce parti MDR ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Dans ce parti MDR.

Le Président : Y a-t-il eu, à un moment et à quel moment, une scission dans le MDR ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, il y a eu une scission au sein du MDR, et cela a commencé pratiquement depuis, disons, 1993. Au début, et surtout depuis l’attaque du FPR au mois de février 1993 dans la région de Byumba et de Ruhengeri. Alors, il se fait quoi ? Il se fait que, étant donné cette attaque, il y a eu une panique généralisée, particulièrement à Kigali , et cette panique a aussi frappé tout le pays, si je puis dire. Ce faisant, certains membres du FPR ou plutôt du MDR ont cru qu’il était bon de changer de stratégie et de recourir à des moyens assez forts appelés défenses civiles. Donc, à mon point de vue, ce fut le début du commencement de la scission au sein du parti MDR.

Le Président : Il y avait donc dans ce parti, à partir de ce moment-là, deux ou trois tendances ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Non, je ne connais pas la troisième tendance, mais je peux certifier qu’il y avait deux tendances.

Le Président : La première, peut-être pas dans l’ordre, je n’en sais rien, ni dans l’importance, mais il y en avait une que vous dirigiez ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Bon écoutez, bien entendu, je dois commencer par moi-même. Il faut dire que la première tendance était celle qui souhaitait que, il y ait la continuation ou la continuité d’un processus de démocratisation dans notre pays et que, deuxièmement, il fallait cesser toutes les activités meurtrières guerrières et donc cesser la guerre et essayer de trouver un moyen de s’entendre en passant par les négociations. C’était là, au moins généralement ce que nous souhaitions. Mais par contre, depuis cette attaque, il y a eu cette deuxième tendance …

Le Président : Qui était dirigée par qui ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : C’était dirigée par des groupes d’individus, là je nomme notamment Monsieur Froduald KARAMIRA et aussi par Monsieur ou alors on l’appelle Docteur MUREGO Donat et de façon dissimulée, il faut le préciser, le Docteur NSENGIYAREMYE. C’est-à-dire quoi ? C’est-à-dire qu’au sein du comité directeur, il y avait pratiquement trois membres qui croyaient qu’il faudrait utiliser des moyens forts afin que le pays puisse rester, comment dirais-je, puisse gagner la guerre en combattant le FPR. Alors, ce que moi je défendais, c’étaient les négociations de paix d’Arusha et franchement, sans ambages. Mais cela ne veut pas dire que nous ne nous sommes pas trompés sur les moyens peut-être utilisés pour négocier.

Le Président : Donc, vous nous dites uniquement deux tendances dans votre parti, pas de place selon vous pour une troisième tendance ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : La troisième tendance, franchement je ne la connais pas. Si elle existe en tout cas, je ne la connais pas.

Le Président : Monsieur NTEZIMANA soutient qu’il existait dans votre parti une troisième tendance qui a d’ailleurs donné naissance au mois d’août 1993 à un nouveau parti politique, le PRD.

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, je sais qu’il y a eu ce parti mais je ne dirais pratiquement pas qu’il s’agisse là de la tendance du MDR. Tous les membres du MDR, si tel était le cas, ils auraient pu quitter le parti MDR et former d’autres partis politiques. Mais ceci ne veut pas dire qu’il y a des tendances qui, chaque fois qu’il y a des partis à former, quittent le MDR. Je ne sais pas si je me fais entendre comme il faut. Mais les tendances que nous connaissons, les gens appellent cela comment ? Ils appellent MDR modéré. Je ne suis pas pour l’expression, remarquez… et l’autre tendance, c’est la tendance Power. Alors à ce que je sache, je ne crois pas qu’il y ait eu une autre tendance.

Le Président : Une tendance qui aurait été défendue notamment par Monsieur NTEZIMANA et par Monsieur GAPFYISI Emmanuel.

Faustin TWAGIRAMUNGU : C’est seulement… à moins que le… ceux qui appartenaient au parti PRD définissent eux-mêmes, je ne connais pas les statuts, je ne connais pas l’idéologie, je ne connais que le… Je sais que le parti a existé. Je ne sais pas s’ils étaient de ma tendance ou de l’autre tendance. Voilà donc, je ne sais pas.

Le Président : Vous avez dit tout à l’heure que vous connaissiez deux des accusés, Monsieur NTEZIMANA et vous avez exposé que c’est dans le cadre de son activité politique au sein du MRD dont vous étiez président. Vous avez dit que vous connaissiez donc également Monsieur HIGANIRO, vous le connaissiez comment ? Bien, pas bien ? Vous saviez qui il était ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Euh… écoutez, moi je ne suis pas ici pour dire : « Bon, hé bien… ». Je pense que Monsieur HIGANIRO est un homme qui a eu le privilège, comme moi d’ailleurs, d’avoir fait ses études et j’imagine qu’il les a terminées de façon excellente. Quand il était professeur ou quand il était… il travaillait à l’Etat comme fonctionnaire de l’Etat rwandais, je ne le connaissais pas. J’entendais parler de lui mais je ne le connaissais pas du tout. Alors, je crois qu’il a travaillé au ministère de l’enseignement. Là, c’est un ministère important, tout le monde a commencé à connaître Monsieur HIGANIRO. Mais je n’avais jamais eu l’occasion du rencontrer. Alors, Monsieur HIGANIRO, je l’ai rencontré pour la toute première fois quand il était ministre, je crois en 1992, je pense. En tout cas je sais que c’était pendant la crise, où il n’y avait pas… il était ministre des transports. Et notre pays étant enclavé, il y avait une pénurie de… disons de produits d’alimentation. Moi, ayant une expérience en matière de transport pour avoir dirigé une société de transport pendant plus d’une dizaine d’années, j’ai été invité à l’accompagner en mission. C’est là où j’ai appris à connaître Monsieur HIGANIRO, que j’ai trouvé un homme tout à fait calme, tout à fait calme et… voilà. Au-delà de cette mission-là, je n’ai pas rencontré Monsieur HIGANIRO dans d’autres circonstances.

J’ai eu à parler de Monsieur HIGANIRO plutôt quand je suis arrivé ici en 1995 quand j’ai été invité par l’instruction ici. Alors, j’ai bien précisé beaucoup de choses, c’est à dire que bon, Monsieur HIGANIRO a été ministre. On m’a posé des questions, Monsieur HIGANIRO était gendre du docteur personnel du président le témoin 32, je me souviens très bien de ce que j’ai répondu. Ce dont il serait accusé, je ne vois pas quelle influence, franchement, cela pourrait avoir, d’avoir une dame, une femme ou une fille du docteur qui était le docteur personnel du président le témoin 32. Autre question posée, il s’agit, puisqu’ il est gendre de ce docteur, donc il serait de l’AKAZU. Moi, je n’ai pas fait le recensement de tout ce qui appartenait à l’AKAZU. Je crois avoir utilisé cette expression pour la toute première fois pour désigner un groupe de personnes qui étaient dans l’entourage du président le témoin 32 et surtout, des membres de sa famille. Mais au-delà, de dire que tout le monde qui serait de Gisenyi appartiendrait à l’AKAZU, je ne peux pas le certifier. Donc, je n’ai pas été bref ici, je précise que c’est dans ces circonstances-là que j’ai connu Monsieur HIGANIRO.

Le Président : Vous saviez que Monsieur HIGANIRO était membre -  comme à un moment donné tous les Rwandais de naissance - du MRND ? Selon ce que vous savez de lui, il ne semblait pas occuper un poste important dans ce parti politique ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Ecoutez, nous avons fait depuis 1992, nous avons fait des rencontres, disons d’hommes politiques, appartenant à différents partis, notamment le MDR, le MRND, le PSD, le PDC, et le Parti Libéral PL. Je n’ai jamais vu ce monsieur-là dans aucune réunion du MRND, je n’ai jamais assisté aux meetings du MRND, peut-être qu’il allait-là, en tout cas,  dans ce genre de rencontres, je ne l’ai jamais rencontré. Je n’ai jamais entendu dire que ce Monsieur était membre du comité central, peut-être était-il membre du comité préfectoral, cela je ne le sais pas. Tout ce que je sais, c’est qu’il appartenait, comme beaucoup d’ailleurs de sa région, au parti MRND effectivement, ça je le savais. Mais le reste, je n’ai pas de commentaires.

Le Président : Selon vous, selon l’analyse que vous pouvez faire maintenant - parce que vous étiez quand même dans une position qui vous permettait d’avoir divers renseignements même si, étant du MDR, vous ne participiez pas encore tout à fait au pouvoir - euh… Vous analysez les événements d’avril 1994, comment ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : C’est très long.

Le Président :  Est-ce qu’il y a eu… des éléments précurseurs ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Absolument.

Le Président :  Est-ce que ces éléments précurseurs sont immédiatement antérieurs au mois d’avril 94 ou au contraire peut-être beaucoup plus anciens ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : C’est beaucoup plus ancien. C’est beaucoup plus ancien parce qu’au fur et à mesure que j’ai grandi, j’ai constaté que l’histoire du Rwanda doit seulement être réécrite. Franchement, je ne peux pas, aujourd’hui, et à mon âge, me fier à ce qui a été publié par des aventuriers ou par des explorateurs ou par des missionnaires. Je n’y crois pas du tout. Il faut réécrire cette histoire. Parce que, étant moi-même homme colonisé, j’ai peut-être ma façon de voir. Nous avons cru un moment que tout ce qui est écrit par l’homme blanc est juste. Aujourd’hui, je le constate avec amertume que ce n’est pas juste.

Donc, il y a eu cette histoire de Hutu et de Tutsi. La façon dont cette histoire a été présentée est tout à fait regrettable jusqu’au point où les gens croiraient qu’ils seraient originaires du Cameroun ou du Tchad. Jamais, ils n’ont jamais mentionné l’Australie, c’est fort possible aussi, il y a des noirs là-bas. Et pourquoi pas de la Nouvelle-Zélande ? Jamais, je n’ai jamais cru à une différence entre les noirs Rwandais, ces Bantous-là, entre les Sozas, les Zoulous ou alors les gens qui habitent toute la région de Tanzanie, de l’Ouganda et autres. Mais chez nous, cette différence est notoire. Pourquoi ? Ils ont des nez épatés, ils ont des… jusqu’à mesurer le nez des individus pour savoir qui sont les Tutsi et qui sont les Hutu. Cette théorie doit absolument être détruite si nous voulons reconstruire notre pays sur des bases nouvelles et surtout si nous voulons une réconciliation véritable. Pour les Tutsi, aujourd’hui, il y a ceux qui croient curieusement, ceux qui croient, compte tenu de ces lectures-là, qu’ils viendraient du Moyen-Orient et que certains mêmes seraient une tribu perdue, de l’une des tribus perdues des Juifs ! Donc, cette façon de considérer le Rwanda actuel avec des clichés, je n’y souscris pas et je pense que c’est là, la racine du mal. Les complexes extraordinaires des Hutu, les complexes démesurés extraordinaires des Tutsi. Pour les deux, je ne mentionne pas les Twa, pour les deux, je crois qu’il suffit d’être noir, ça suffit. Il faudrait qu’ils continuent…

Le Président : Je ne vous demande pas un discours politique hein… Ce que je vous demande, c’est l’analyse de la situation. Je ne vous demande pas un discours politique.

Faustin TWAGIRAMUNGU : Vous avez raison de m’orienter sinon, effectivement, je pourrais m’en écarter sans que je réponde à votre question. Alors, je reviens à la question. J’imagine qu’il y a des raisons profondes, des raisons ethniques, disons à caractère sociologique alors, des raisons politiques et des raisons historiques.

Commençons par des raisons historiques. Pour des raisons historiques, je crois que les Rwandais ne connaissent pas leur histoire. On ne peut pas fier l’histoire sur des chansons bucoliques. Il n’y a pas de documents. Les Tutsi ne savent pas comment ils sont arrivés au Rwanda, les Hutu ne le savent pas non plus, les Twa, d’ailleurs non plus. Mais on dit : « Mais  écoutez, les Hutu ont été les premiers ». Mais rien ne l’atteste aujourd’hui. Et cela, c’est une raison fondamentale en ce qui me concerne, pour constituer ce conflit. Et je pense bien, pour revenir à ce que je disais, quand on parle de Hutu et de Tutsi, ces deux termes ont existé avant l’arrivée de la colonisation, c’est vrai. Mais ils ne signifient pas ce qu’ils signifient aujourd’hui et ils ne signifient pas ce qu’ils ont signifié en 94 et peut-être même en 59, c’est ce que je crois. Alors, si je me mettais à faire des analyses sociologiques sur cette affaire-là, je dirais tout simplement que les Rwandais partagent une même culture, le même rituel et je ne vois aucune raison qui puisse les séparer de façon indéfinie jusqu’à ce qu’ils prennent des machettes pour s’entretuer. Donc, il y a des erreurs qui ont été commises et qui doivent être corrigées.

Alors, des raisons politiques. Les gens ne combattent pas parce qu’ ils ont des petits nez ou alors ils ont des gros derrières, je ne crois pas. Combattre pour… certaines raisons valables. Sur votre continent, les gens ont combattu parce que, bon, souvent à cause de territoires ou d’autres intérêts économiques. En Allemagne, bon… ça… ça… ça a un autre contenu qui semble être collé à celui du Rwanda. Mais en tout cas, pour des raisons politiques, je crois que les Rwandais, les Hutu et les Tutsi ont toujours combattu à cause du pouvoir.

A cause du pouvoir, c’est ce qui explique comment les Tutsi sont venus, ils ont combattu les Hutu qui étaient au pouvoir. Le Rwanda a été un pays qui avait plusieurs, disons, différents royaumes, comme le Bushis aujourd’hui, de l’autre côté du lac Kivu. Les Bashis parlent une même langue mais ils ont différents rois et ils vivent ensemble. Alors chez nous, je crois que jusqu’en 1919 ou 1916, disons jusqu’à ce que les Allemands sont arrivés au Rwanda en 1894-1896, il faut dire que la monarchie centrale existait, mais n’avait pas conquis tout le pays. Il a fallu l’intervention des Belges, par exemple en 1924, pour que la partie de Cyangugu puisse adhérer à la monarchie centrale ou plutôt au pouvoir central. Je ne sais pas, il y a d’autres régions au Nord qui ne veulent pas adhérer à ce pouvoir. Mais les gens combattent parce qu’ils veulent partager ou alors éliminer d’autres pour le pouvoir. Et au Rwanda, le Rwanda ne peut pas échapper à ce genre d’analyse. C’est pourquoi je conclus pour dire que ce qui s’est passé au Rwanda avant 94, il y a ces raisons historiques, sociologiques et politiques.

Mais le processus autour du pouvoir, c’est en 1959 que ça se précise. Puisque les Hutu se battent pour avoir ce pouvoir, je ne voudrais pas aller dans les détails, certains diront « Non, ils ont été soutenus par les Belges », ce serait très long à dire. Mais ce que je sais, c’est que les Hutu n’ont pas voulu que l’indépendance soit accordée au Rwanda sans qu’ils se libèrent. Et ils ont combattu, ils se sont libérés. Certains diront encore une fois : « C’est une révolution sanglante, brutale ». Certains d’ailleurs l’appellent aussi une « révolution de fous ». Quand ils parlent de la République folle, ceux qui ont créé la République rwandaise, sont des fous. Et je ne peux pas souscrire à cela évidemment. Mais, cette révolution qui a eu lieu en 1959 et qui a continué jusqu’au coup d’état du 28 janvier 1961, a été un tournant important dans l’histoire du Rwanda et a été fondamentalement aussi, une des bases du conflit qui aura lieu en 1994. Puisque les gens qui ont été chassés du pouvoir n’ont jamais cru que ces Hutu pouvaient continuer à diriger ce pays, raison pour laquelle ceux qui détenaient le pouvoir d’alors se sont engagés dans un combat, lequel combat a failli d’ailleurs les ramener au pouvoir en 1963. J’étais là, moi j’étais à Kigali. Et ce qui a causé encore une fois des représailles regrettables, parce que les gens ont été pris et ont été mis en prison, ils ne sont jamais revenus. D’autres dans la région du Sud-Ouest particulièrement, la région de Gikongoro, les gens ont été massacrés. Ca a été, en ce qui me concerne en tout cas, la première fois que je voyais un cadavre flotter sur la rivière Nyabarongo, je n’oublierai jamais cette image-là. Ceci c’est un conflit fondamental. Mais les gens qui combattaient n’ont pas cessé puisque ceux qui étaient au pouvoir, ont pu repousser ce qu’ils appelaient l’ennemi.

De 63 jusqu’en 67, les combats n’ont pas cessé parce que je me souviens encore une fois - quand j’étais au groupe scolaire, c’était en 1967 - ce que nous appelions chez nous les Inyenzis, tenez-vous, bien l’expression vient de ceux qui combattaient eux-mêmes. Ceux que nous appelions les Inyenzis combattaient toujours. J’imagine que ces combats ont cessé depuis 1967. Et de 1968, il y’a eu un conflit de 1968 jusqu’en 1973, il y a eu un conflit entre les Hutu eux-mêmes. Donc, que les gens essaient de comprendre le phénomène. Le phénomène du pouvoir, ce n’est pas uniquement entre les Hutu et les Tutsi, mais c’est un phénomène aussi qui met en conflit les Hutu eux-mêmes. Je n’expliquerai pas, sinon je serais très long, comment ce conflit a encore une fois essayé de ramener l’histoire des Hutu et des Tutsi puisque ce sont eux qui ont été chassés des établissements scolaires, des universités et des établissements publics. Et ça a abouti à un coup d’Etat. Mais je ne peux que regretter ceci, on ne peut pas faire un coup d’état toujours en essayant de dire : « Ecoutez, il y a le Tutsi qui est au Rwanda, on peut l’utiliser comme argument, donc, on prendra le pouvoir », c’est très regrettable, et c’est un conflit encore une fois. Puisque si j’étais Tutsi moi-même, je me sentirais chaque fois visé, chaque fois qu’il y a un conflit à l’intérieur du pays.

Donc, le coup d’état de 1973 explique ce genre de conflit, explique cette différence entre les Hutu et les Tutsi et explique qu’il y a des clichés qu’on utilise pour prendre le pouvoir. Mais de 73 jusqu’à 1900…disons 94, la politique menée par le président le témoin 32 qui était une politique, comme il le disait, de l’unité nationale et une politique qui visait aussi le développement et la paix, parce qu’il disait ubumwe n’amahoro, c’est-à-dire l’unité et la paix.

J’ai commencé à travailler après mes études, c’était en 76, j’ai suivi ce qui se passait jusqu’en 94. Quand j’étais… disons quand je faisais mes études primaires, secondaires, etc., il y a un moment où moi-même je ne savais pas que j’étais… euh… que j’étais Hutu ou j’étais Tutsi, c’est une parenthèse, j’avais été une fois chez le sous-chef, j’ai trouvé qu’il y a des gens nus qui étaient battus et d’autres qui devaient se cogner les têtes parce qu’ils n’avaient pas payé d’impôts. J’avais connu des Hutu qui passaient devant chez mon père pour aller cultiver ou labourer les terres des sous-chefs et de leurs acolytes, mais moi, mon père n’avait jamais fait ça, c’est un élément que j’avais oublié. Il faut analyser le Hutu peut-être en termes de classe et pas en termes d’ethnie. Aujourd’hui, nous serions très embarrassés, il faudrait que nous chassions nos enfants de nos maisons puisque souvent ils ont des nez qu’on a décrits comme des nez de Tutsi. Alors, nous ne pouvons pas les chasser, en tout cas…

Je reviens à cette époque de 63 à 94. Qu’est-ce que je voulais dire ? Je voulais dire tout simplement que, ayant connu les Hutu, ayant connu les Tutsi surtout, je pense que pendant cette période, avant l’invasion du FPR en 90, les Tutsi n’avaient, du moins de ma vie, n’avaient connu un meilleur moment que celui-là, de 73 jusqu’à 90, jamais. Les gens me diront : « Mais écoutez, il y avait la politique de l’équilibre ». Oui, il y avait la politique de l’équilibre. Cette politique de l’équilibre avait une certaine flexibilité, ce que Monsieur le témoin 32 qui était le président -  puisqu’en Afrique, le président c’est le seul qui a la parole - avait autorisé à ce qu’il y ait création des établissements scolaires privés où les Tutsi pouvaient étudier. Et j’imagine que jamais de ma vie, je n’avais jamais vu ces gens avec un pouvoir financier. Ils ont construit des écoles jusqu’à l’éclatement de la guerre ; ils voulaient même construire des universités. Par conséquent, j’imagine qu’ici la mauvaise politique de scolarité au Rwanda n’a pas frappé seulement les Tutsi, elle a frappé tous les Rwandais, particulièrement les Rwandais qui n’étaient pas de la région du président le témoin 32. Donc, ceci dit, il y a une surprise alors en 1990 quand on a appris que les gens qui étaient anciennement réfugiés avaient attaqué le Rwanda. Je ne voudrais pas faire une analyse politique ici, mais je crois que nous avons été défaillants. Tous ceux qui étaient responsables dans ce pays. Il y a eu une négligence de la question « réfugiés rwandais ». Ca a été négligé depuis 1960 ou 62 jusque à ce que les Tutsi attaquent le Rwanda, du moins ceux qui étaient réfugiés et réunis au sein du FPR. Il y a eu des appels, j’en conviens, mais souvent ces appels n’étaient pas convaincants. C’est comme aujourd’hui. On nous invite à rentrer au Rwanda mais je ne rentre pas.

Donc, je reviens sur cet élément capital, c’est qu’à mon… à notre point de vue, nous ne voyons pas que la question des réfugiés aurait pu conditionner les Rwandais qui étaient réfugiés en Ouganda pour qu’ils attaquent le Rwanda. Je pense qu’il y aurait pu y avoir une négociation entre les réfugiés rwandais se trouvant en Ouganda et le pouvoir du président le témoin 32. Et en effet, en 1989, il y a des dossiers qui avaient été déjà confectionnés pour dire que les négociations entre les réfugiés et le pouvoir, étaient possibles. De plus, je crois que le président le témoin 32 avait compris que s’il ne décidait pas de négocier avec ces réfugiés, ils allaient attaquer le Rwanda. J’imagine que Monsieur le témoin 32 avait tout de même des contacts avec le président MUSEVENI. Alors, la guerre du FPR en octobre, le 1er octobre particulièrement, est une des causes fondamentales et importantes de ce qui s’est passé au Rwanda en 1994. Est-ce qu’il y aurait des génocides ou des massacres massifs, ou disons tout simplement l’extermination des opposants et des Tutsi s’il n’y avait pas eu de guerre à partir du 1er octobre 1990 ? Ma réponse est non. Ma réponse est non et cette guerre, nous croyons qu’on pouvait négocier afin d’éviter le pire. Nous avons négocié, nous n’avons pas réussi. Nous n’avons pas réussi parce qu’il y a eu des… des gens qui voulaient à tout prix avoir le pouvoir, qu’il s’agisse de ceux qui le détenaient et qui ne voulaient pas lâcher, et ceux qui avaient soif du prendre par tous les moyens.

Donc, je voudrais tout simplement me résumer ici. C’est que parmi toutes les causes que je considère personnellement, il y a des causes historiques, il y a des causes sociologiques, il y a des causes politiques et surtout quand je parle de ces causes politiques, il faut absolument considérer la période de 1960-61-62, de 73 jusqu’en 90. Tout ne pouvait pas être rose. Il y a eu des confusions ici et là. Mais je considère toujours et je le confirme ici, que les Rwandais peuvent se réconcilier s’ils pouvaient faire des analyses adéquates de leur propre pays et de leur propre histoire.

Le Président : Monsieur TWAGIRAMUNGU, le 6 avril 1994, vous allez apprendre très vite que l’avion du président a été abattu ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui.

Le Président : Saviez-vous à ce moment-là que dans les heures qui suivent, un véritable génocide allait commencer ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Moi, ma réponse à cette question : « Non », et je vais l’expliquer. Je vais l’expliquer compte tenu de mon comportement. Je savais qu’il y avait des menaces, je savais qu’il y avait l’insécurité pas uniquement pour les politiciens, mais à travers tout le pays. Il y avait une insécurité généralisée. On sentait qu’il y a quelque chose, on le sentait mais on ne savait pas quoi. Pourquoi ? Parce que, de 1900… depuis la signature de l’accord de paix d’Arusha, on n’avait pas pu mettre ces accords de paix d’Arusha en application. Le président avait prêté serment, nous n’avions pas prêté serment et ainsi de suite.

Mais pour répondre à votre question, voici comment cela s’est passé. D’ailleurs, il y a Madame UWILINGIYIMANA qui m’a téléphoné pour me dire : « Avez-vous écouté la radio RTLM ? » ; ma réponse était non, parce que je ne voulais jamais écouter cette radio qui passait pratiquement toutes les soirées à m’insulter, à insulter tous les membres de ma famille et en insultant les autres aussi, je n’étais pas le seul. Alors Madame UWILINGIYIMANA qui était premier ministre me dit : « Je viens d’apprendre que le président serait… », non « …que l’avion du président aurait été abattu ». Alors, connaissant la radio RTLM, moi je croyais que c’était une façon plutôt d’exciter les gens. J’ai attendu jusqu’à ce que j’ai eu des confirmations, curieusement pas du Rwanda, parce que j’ai téléphoné au responsable qui aurait pu me donner l’information, il n’était pas là.

L’information m’a été donnée par quelqu’un qui était à Paris. Il me dit : « On vient d’avoir… de voir des images de l’avion abattu, donc le président le témoin 32 est mort, et d’ailleurs, son fils vient du confirmer ». Une autre personne qui me l’a confirmée, c’était notre ambassadeur à Bujumbura. Il me dit : « Vous savez que Monsieur le témoin 32 est mort avec le président burundais ». J’ai dit : « Vous me le confirmez ? Il y a quelqu’un qui vient de me le dire ». Alors, quelle était ma réaction ? Ma réaction n’a pas été de fuir ma maison, ma réaction a été de contacter les gens et de voir ce que l’on peut faire. Je croyais que Monsieur le témoin 32, homme, je dirais homme d’Etat depuis l’âge de 24 ans, chef d’état-major, ministre de la défense jusqu’à cette date-là, je croyais que dans tous les cas, on devait essayer de résoudre les problèmes qui nous mettaient en conflit et que le président puisse avoir des funérailles officielles, c’est ce que je croyais.

Mais j’ai été pris de court par les événements parce que j’ai passé la nuit chez moi ; j’ai essayé de contacter autant de personnes que je pouvais. J’ai contacté le général DALLAIRE, j’ai contacté Monsieur BOBO et ils m’ont fait des résumés de ce qui s’était passé et ils m’ont dit qu’il y a des gens qui passés, notamment les militaires qui disent : « Ecoutez, nous ne pouvons pas être dirigés par une dame… » qu’ils ont qualifiée de façon horrible. Or, moi effectivement, j’avais cru que Madame UWILINGIYIMANA, comme le président venait de mourir pouvait simplement utiliser ses fonctions de premier ministre et essayer de s’organiser et faire un discours à la radio. C’est moi qui ai discuté avec elle et donné mon avis que ce discours - on n’appelle pas ça discours, il y a une expression française qui m’échappe -  mais c’est annoncer la mort du président et annoncer les mesures qui devaient être prises pour assurer la sécurité. Mais elle ne pouvait pas le faire seule. Elle a contacté tous les ministres, certains étaient cachés, ceux du MRND n’étaient plus à la maison, ceux qui étaient à la maison ne pouvaient plus sortir.

Alors là, dans la matinée, vers 5h moins le quart, tout près de chez moi - moi je n’habitais pas loin du camp militaire - alors là, on a senti qu’il y avait quelque chose. On a commencé à tirer. On a tiré depuis cette heure, cette heure-là, je pense que ça s’est fait au mois de juillet. Donc, je ne voudrais pas ici en tout cas, relater comment j’ai échappé puisque dans tout ce qui a été fait, j’étais le premier sur la liste. Les gens ne sont pas venus me tuer le matin mais quand ils ont commencé à tirer, j’ai demandé aux Bengladeshis qui me gardaient s’ils allaient me protéger. La réponse a été : « Non », que la MINUAR n’avait pas le mandat de me protéger. Voilà. Donc, je n’habite pas… je n’habitais pas la région de l’aéroport, j’habitais pas loin de chez le… du premier ministre, je n’habitais pas loin du camp militaire. Ce qui s’est passé ailleurs, les barrages dont on a parlé, des tirs même qu’on a entendus après qu’on ait abattu l’avion, moi je ne les ai pas entendus. Mais cela ne veut pas dire que les autres ne les ont pas entendus. Je n’habitais pas tout simplement la région où était la plupart des Interahamwe.

Le Président : Pourquoi avez-vous, après avoir été premier ministre, après la victoire du FPR, pourquoi avez-vous quitté le gouvernement ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Après la victoire du FPR, pourquoi j’ai quitté le gouvernement ?

Le Président : En juillet 1994, le FPR occupe pratiquement tout le Rwanda à l’exception du couloir humanitaire de l’Opération turquoise, c’est bien exact ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui.

Le Président : Un gouvernement va être mis en place ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, mais… ah oui.

Le Président : Vous allez devenir premier ministre ? Pas seulement celui désigné dans les accords d’Arusha, mais effectivement premier ministre ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, je n’ai pas quitté, non j’ai quitté après 13 ans, 13 mois plutôt. Voulez-vous préciser votre question ? Parce que j’ai quitté le Rwanda le 29 avril 1994 parce que j’ai eu la chance, j’ai eu la chance, c’est une chance exceptionnelle, là il faut que je vous le dise pour comprendre mille choses. Le matin du 7, j’avais passé toute la nuit dans mon salon. Le matin du 7, j’ai eu des coups de téléphone dont un disait : « Ecoutez, Monsieur, il faut absolument que vous quittiez parce qu’ils viendront vous tuer. Ils ont déjà tué les ministres RUGOGOZA et les autres, donc ils viendront vous tuer ». Quelques minutes après, 7 minutes presque, il y a Madame UWILINGIYIMANA qui a téléphoné chez moi. Elle a dit : « Il faut partir, il faut partir parce que nous, nous sommes entourés, il faut partir, ils vont nous tuer mais il faut que vous quittiez ». Alors, ce que j’ai fait, j’ai sauté au-delà du mur du voisin, un Américain, et il m’a reçu, il m’a reçu, je le remercie beaucoup. Mais à un moment donné il ne pouvait pas tenir, tellement les gens tiraient, qu’il ne pouvait pas tenir. Il m’a dit : « Monsieur, je vais téléphoner aux agents de l’ambassade pour que je leur dise quand même que vous êtes ici, parce que vous constituez un danger ». Il a téléphoné et la réponse d’un employé de l’ambassade, il a dit : « Il faut dire à Monsieur Faustin de partir parce que là où j’habite, ils sont en train du rechercher ». Monsieur m’a dit de quitter sa maison. Il m’a dit de quitter sa maison. J’ai posé la question : « Mais pour aller où ? ». « Mais vous quittez parce qu’on me dit que si vous ne quittez pas, je vais être tué avec vous ». J’ai demandé à utiliser son téléphone et j’ai téléphoné à l’ambassadeur RAWSON, heureusement je connaissais le numéro par cœur. RAWSON m’a dit : « Est-ce que tu peux encore une fois me mettre en contact avec ce Monsieur-là ? ». Je les ai mis en contact. Alors le Monsieur a dit :  « Ils ont coupé le téléphone », le Monsieur m’a dit : « Tu peux rester encore un moment ». Il m’a conduit dans un petit débarras et j’attendais la mort là-bas parce que je n’étais pas du tout rassuré.

Alors, ce qui s’est passé, c’est que l’ambassadeur RAWSON a avisé sans doute le général DALLAIRE. Ils m’ont envoyé… ils m’ont envoyé  ce qu’on appelle A.P.C. (Armed Personal Carrier), je ne sais pas si c’est un blindé, et c’est là, après avoir quitté chez moi, ceux qui voulaient me tuer sont arrivés chez moi mais je venais de quitter 7 minutes après. Ils ont tiré sur ceux qu’ils ont trouvés dans la maison, jusqu’à détruire les murs et, fort heureusement mon épouse avait aussi eu cette intelligence de quitter la maison puisque les Bangladeshi ne pouvaient pas les protéger. Ce serait une très longue histoire mais en tout cas je voudrais vous en épargner. Je fais cette parenthèse pourquoi ? Je fais cette parenthèse parce que les gens, les Rwandais qui n’ont pas pu tolérer que les gens se cachent en dessous de leur lit et qui les ont chassés, ils doivent être emprisonnés. Je ne sais pas si je dois faire appel à ce qu’on arrête la personne qui m’a chassé. Mais j’arrête là. Ce serait très long et il faudrait peut-être que je me limite aux questions qui concernent le dossier.

Donc, le 7, j’ai été à la MINUAR, je suis resté là. La façon dont je suis arrivé là, je vous en épargne en tout cas. Et là, à un moment donné, il y a eu un véhicule blindé belge qui s’est arrêté juste à la porte du quartier général de la MINUAR et me dit : « Monsieur, vous devez quitter ». « Pour aller où ? »,  « On vous emmène en Belgique ». Quelques minutes avant d’aller, on m’avait avisé effectivement. J’ai embarqué. Je suis allé en cachette jusqu’à l’aéroport et je ne voudrais pas décrire ici la façon dont j’ai quitté ce véhicule pour aller dans l’avion et ainsi de suite. En tout cas, je n’ai pas voulu venir ici directement. Nous avons fait escale à Nairobi. Je suis resté là pour voir s’il y a moyen de communiquer et avoir des nouvelles de mes enfants et de mon épouse. Mais le 29, pas le 29, oui c’est entre le 27 et le 29 du mois de mai, j’ai été obligé de quitter parce que j’étais menacé. Il n’y avait pas de sécurité, même s’il y avait des militaires qui m’ont gardé dans l’hôtel où j’ai passé presque une quinzaine de jours. J’ai été obligé de quitter, et je suis arrivé ici. Cela parce que sans quoi j’avais un bout de papier signé par un agent de la Croix Rouge.

Je suis resté ici dans la commune de Berchem. Je ne savais pas comment on cherche, on demande l’asile, je ne savais pas. Je croyais qu’on allait vivre comme en Afrique, là se pointer chez quelqu’un, puis… cela n’a pas marché comme cela. Mais j’ai été contacté pour dire : « Ecoutez, Monsieur - c’était au mois de juillet - vous pouvez revenir ». Tout en mettant entre parenthèses tout ce que nous avions fait ici, mais au mois de juillet, j’ai été contacté, je suis allé au ministère des affaires étrangères. J’ai été aussi contacté par l’ambassadeur RAWSON, je suis allé à l’ambassade des Etats-Unis. Il y a ceci, c’est que les accords de paix d’Arusha allaient être mis en application : « Vous êtes premier ministre désigné, est-ce que vous pouvez retourner au Rwanda ? ». J’ai accepté, j’ai accepté de retourner au Rwanda. J’ai quitté le 12 juillet. Je suis allé voir le président MUSEVENI, j’ai vu le président MWINYI et puis je suis allé à Kigali, j’ai rencontré les principaux dirigeants du FPR, particulièrement Monsieur SENDASHONGA qui jouait un rôle très important - du moins dans les relations publiques alors - et j’ai rencontré Monsieur KAGAME jusqu’au 19 où j’ai prêté serment, ayant en tête que nous pouvions mettre en place un gouvernement qui pouvait tranquilliser et consoler les Rwandais, et aussi ramener les gens qui avaient traversé le Congo ou le Burundi, ou plutôt qui avaient quitté le Rwanda en direction du Burundi, de la Tanzanie même et du Congo. 13 mois durant, je n’ai pas réussi à convaincre. Alors ce que j’ai fait, j’ai démissionné le matin du 28, on m’a démis dans l’après-midi de cette même date. Voilà les fonctions que j’ai exercées brièvement.

Le Président : Vous avez donné quand même quelques explications en disant que vous aviez démissionné parce que notamment vous dénonciez des massacres commis par le FPR aussi ? Parce qu’on parlait beaucoup -  et jusqu’à présent on a beaucoup parlé ici - de massacres de Tutsi par les Hutu, par les gens proches du témoin 32 qui avaient peut-être bien organisé tout cela. Vous avez dit que si vous étiez parti, si vous aviez quitté le gouvernement ou si on vous avait, l’après-midi de votre démission, démis, c’est parce que vous dénonciez des massacres commis par le FPR aussi ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, vous avez raison. En fait, quand je suis entré ici, je me suis dit que j’imagine qu’il s’agit aujourd’hui de la question principale des actes de génocide, des massacres commis entre… 1900… euh… disons janvier 1994 jusqu’au 31 décembre, c’est ce que je croyais. Mais… et je me disais qu’un jour, c’est la deuxième fois que je viens ici, la première fois c’était fin mai pour négocier avec le FPR, c’est la deuxième fois. Et je crois que la troisième fois, je viendrai ici aussi pour raconter les histoires sur le FPR. Mais si vous voulez que je les raconte aujourd’hui, je le dis.

Le Président : Non, simplement, nous n’allons pas nous égarer dans toutes sortes de considérations mais le problème est le suivant : Y a-t-il eu aussi des massacres du FPR ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Bien sûr. Pas seulement du temps où j’étais premier ministre, même avant. Je ne crois pas que le FPR, en quittant l’Ouganda, en attaquant le Rwanda le 1er octobre, n’est pas venu haut les mains. Notre pays est surpeuplé, on ne peut pas faire de maquis là-bas, il a fallu tuer et repousser les gens pour qu’on équipe du terrain. Donc, si tu sais passer en préfecture de Byumba, j’imagine que cela nécessite toute une autre enquête, n’est-ce pas ?

Le Président : Ce sur quoi je voudrais vous interroger aussi, c’est ceci : A propos de ces massacres-là - qui peut-être doivent être qualifiés autrement que de génocides doivent peut-être s’analyser comme des crimes de guerre ou comme des crimes contre l’humanité, ou que sais-je - y a-t-il eu des enquêtes ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Les enquêtes, je ne les connais pas du tout. L’enquête qui a été effectuée en 1993 fait allusion, fait seulement allusion à ce qui s’est passé dans les zones occupées du FPR et ceci, pour moi, serait plutôt inacceptable. Parce que je suis témoin, moi, des paysans que j’ai vus qui avaient fui chez eux, qui ne voulaient d’ailleurs pas me parler. Ils ont parlé. On était parti voir ces réfugiés-là qui étaient presque 300.000. Moi étant du MDR, ces gens-là ne voulaient pas me parler parce qu’ils disaient : « Il fait partie des gens qui nous tuent, n’est ce pas ? ». Donc, nous regrettons ce fait qu’il n’y ait pas eu d’enquêtes et ce que j’ai déclaré en octobre 1995, c’est justement cela que je voulais dire. J’ai précisé à un moment donné que toute comptabilité faite à partir du 1er octobre jusqu’en 1995, j’estimais qu’il n’y aurait pas moins de 250.000 personnes massacrées par le FPR. Mais il faut voir le tollé. Tout le monde a dit : « Non, non, ce Monsieur-là, non, il ment ». Admettons que je mente, mais ceux qui veulent me contredire, qu’ils insistent, au moins qu’une enquête puisse être faite, ce ne serait jamais tard.

Donc, nous voudrions absolument que les crimes de guerre, les massacres commis par le FPR que nous avons même dénoncés quand nous étions aux affaires, quand j’étais premier ministre. Je n’ai jamais cessé de dénoncer ces massacres au risque de perdre même ma vie. J’ai fait des déclarations qui dénonçaient curieusement au gouvernement dans lequel j’étais. Pourquoi ? Je ne peux pas accepter, moi, comme victime puisque les Hutu dont on parle et je le suis, ces Hutu ont tué les Hutu, ces Hutu ont tué les Tutsi aussi. Moi, j’ai perdu mes frères, ils n’ont pas été tués par les Tutsi, ils ont été tués par les Hutu, les enfants et leurs petits-enfants, jusqu’à mon frère, comment dirais-je, un arriéré mental. Donc, nous ne pouvons pas - à mon point de vue, puisque moi j’insiste sur ce fait que les Rwandais peuvent toujours vivre ensemble - nous ne pouvons pas croire qu’en disant qu’une partie a tuée et que l’autre a frôlé euh… a essayé de tuer, ce n’est pas vrai. J’admets, il y a eu un génocide dont je ne voudrais pas décrire en tout cas. Mais dire qu’il n’y a pas eu de massacres du FPR, ce serait pour moi, si je vous le disais aujourd’hui, je serais moi-même criminel, franchement, pour ne pas vous dire la vérité.

Le Président : Bien. Y a-t-il des questions à poser au témoin ?

Me. de CLETY : Pour quelle raison Monsieur HIGANIRO a-t-il été démis de ses fonctions de ministre ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Mais… franchement, cette question ne peut pas être posée à Monsieur le témoin 32 ? Moi, je n’ai jamais été dans les coulisses de la présidence. Monsieur HIGANIRO, je crois que c’est un homme capable. S’il a été démis de ses fonctions, c’est peut-être pour céder des places à d’autres ministres, cela se faisait comme cela chez nous. On peut vous donner une autre place, vous cédez la place à une autre personne. Mais là, les raisons, franchement je ne les connais pas.

Le Président : Parmi les membres du jury ? Monsieur l’avocat général ?

L’Avocat Général : J’ai deux petites questions. Vous avez été désigné comme premier ministre par les accords d’Arusha, donc premier ministre du gouvernement de transition à base élargie à partir du 4 août 1993. Est-ce que vous pouvez nous dire qui était l’autre candidat ? Une fraction de votre parti avait avancé un autre candidat un peu tardivement ? Je demande simplement son nom.

Faustin TWAGIRAMUNGU : Le nom, sans aller trop loin, expliquer comment cela s’est passé, c’est Monsieur KAMBANDA.

L’Avocat Général : C’est Monsieur KAMBANDA qui deviendra premier ministre du gouvernement intérimaire ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui.

L’Avocat Général : Vous venez également de nous dire qu’en fait, vous figuriez après l’attentat, parmi les cibles privilégiées. On a assassiné le premier ministre, Madame UWILINGIYIMANA, ainsi que le président de la Cour suprême ; vous étiez également une des cibles privilégiées. Est-ce que vous n’aviez déjà pas fait l’objet d’un attentat avant, en février 1994 ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Avant, pas du tout. Les gens en parlent… mais moi personnellement, je ne l’ai pas constaté.

L’Avocat Général : Vous n’avez jamais… ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : En tout cas, je n’ai pas fait l’objet d’un attentat que je sache personnellement, non. J’ai participé à plusieurs manifestations politiques, souvent nous avons été menacés à coups de pierres, n’est-ce pas. Au Bugesera, j’ai failli effectivement être tué par une pierre lancée par un individu qui ne voulait pas de moi. Cela m’est arrivé aussi dans la région de Gisenyi et même dans le village de Ruhengeri et à Kigali cela n’est jamais arrivé sauf le 20 février 1994.

L’Avocat Général : C’est bien ce que disais.

Faustin TWAGIRAMUNGU : Le 20 février 1994, nous avons été, il y a un piège qui a été tendu par les gens de la CDR, vous avez raison et là nous avions été conduits - Madame UWILINGIYIMANA et moi-même - par les Casques bleus belges. Euh, c’était une… C’est très important peut-être du signaler parce que ce meeting-là était un meeting tout à fait important pour nous mais les gens l’ont empêché en créant des barrières sur des routes et ce jour-là, ils ont tué 6 personnes. Et… Nous, évidemment -  moi et Madame UWILINGIYIMANA - si ces gens-là avaient pu nous voir, ils auraient pu nous tuer, c’est vrai. Et curieusement, après ce meeting qui a quand même eu lieu, on nous a menacés après le meeting comme avant, c’était la date où nous sommes allés rencontrer le ministre CLAES à l’ambassade de Belgique à Kigali. Souvent, diplomatie oblige, parmi ces gens qui avaient organisé, ces jeunes qui lançaient des pierres pour nous tuer, c’était des MDR Power. Il y en avait de la CDR bien sûr, mais ils étaient aussi invités parce qu’il faut toujours rechercher, vous comprenez, la façon de vivre ensemble et de continuer le processus de pacification au Rwanda. Voilà. Donc, il y a ces éléments dont je me rappelle. Vous savez, il y a beaucoup d’événements, j’essaie en tout cas de me rappeler.

Le Président : Y a-t-il d’autres questions de la part des parties ? Maître VERGAUWEN ?

Me. VERGAUWEN : Je vous remercie, Monsieur le président. Le témoin vient de nous parler des massacres commis par le FPR. Ma seule question est celle-ci : « Est-il évident de dénoncer ces massacres quand on vit au Rwanda ou quand on vit en Belgique ? ».

Le Président : Est-il facile ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Pardon ?

Le Président : Quand Monsieur l’avocat dit : « Est-il évident de dénoncer… », je suppose qu’il veut dire : « Est-il facile, est-il possible, ne prend-on pas certains risques éventuellement lorsqu’on dénonce l’existence de massacres de la part du FPR, que l’on soit au Rwanda ou que l’on soit en Belgique ? Est-ce qu’il y a un danger à dénoncer ce genre de choses ? ».

Faustin TWAGIRAMUNGU : Mais chacun doit mesurer la dimension de son courage. Moi, je l’ai fait tant à l’intérieur du pays qu’ici. Pourquoi ? Parce que moi, je ne me considère pas comme un être vivant presque. C’est tout.

Le Président : Et si vous ne vous considérez pas…

Faustin TWAGIRAMUNGU : Non, j’ai traversé beaucoup d’événements à tel point que les attaques du FPR, puisque je dénonce ce qu’ils font, non, je ne sais pas, moi… je… non. Quand je vois des gens, mes camarades, qui avaient accepté de créer un climat de convivialité, de vivre ensemble, sont aujourd’hui tués ou qui ont été tués, franchement, je me dis : « Mais qu’est-ce que je représente ? ». Donc, moi… pour répondre en tout cas à la question de l’avocat, le 8 décembre 1994, j’ai dénoncé publiquement ces faits. Je l’ai fait à la radio. J’ai fait une déclaration assez fracassante à laquelle Monsieur KAGAME m’a répondu pour dire que je n’étais rien, premier ministre sans fusil, c’est quoi, est-ce qu’il a combattu ? Et puis euh… Il n’était pas… dans le Conseil des ministres, je n’ai jamais cessé de dénoncer ces faits, souvent avec des documents à l’appui. Parce qu’il y a des gens qui venaient chez moi, qui disaient : « Mais qu’est-ce que vous pouvez faire pour nous si vous êtes premier ministre ? ». Il y avait toujours des réponses : « Oui, les gens qui massacrent sont des gens qui n’ont pas trouvé les leurs. Oui, les gens qui massacrent sont des gens qui sont peut-être à demi-fous ». A cela, en tout cas, moi franchement, si je m’étais livré avec le pouvoir que j’avais, à aller fusiller des gens qui ont tué mes neveux, mes nièces et les enfants et mes grands frères et mes belles-sœurs, écoutez, je ne l’ai pas fait. Est-ce que cela veut dire que je ne suis pas victime ? Il y a des victimes au Rwanda, il y en a beaucoup qui ne sont pas des militaires, qui n’avaient pas l’objectif de conquérir le pouvoir par la violence, il y en a beaucoup et qui sont Tutsi et les autres sont Hutu.

Donc, tuer franchement, ce serait vraiment du génocide, des Tutsi, c’est condamnable, c’est un crime comme tant d’autres. Je manque même la qualification. Ecoutez, nous voulons le pouvoir, il y a des façons de clamer ce pouvoir-là, mais on ne peut pas continuellement raconter souvent des mensonges, on tue, on ne tue pas. On tue parce qu’il y a ceci. Nous devons, si nous voulons être des hommes dignes de ce pouvoir, assumer aussi nos responsabilités, je crois, assumer nos responsabilités. S’il y a eu des massacres - parce qu’il y en a eu - il faut l’accepter. Ne pas seulement dire : « Oui, il y a un militaire qui a fait cela, on le met en prison, puis on cesse ». Il y aurait beaucoup de choses à dire mais on ne peut pas le dire sur cette simple question. Je pense qu’il faut plutôt l’écrire.

Le Président : D’autres questions ? Maître CUYKENS ?

Me. CUYKENS : Oui, Monsieur le président. L’ancien directeur général de la SORWAL était Monsieur Mathieu NGIRIRA. Est-ce que vous pourriez demander au témoin s’il le connaît, et s’il sait si c’était un proche du président le témoin 32 ?

Le Président : Connaissez-vous ce Monsieur ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, je le connais très bien, il était de mon parti.

Le Président : Ce n’était pas un proche de Monsieur le témoin 32 ou de la famille de Monsieur le témoin 32 ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Si vous voulez que je réponde par non, oui ?

Le Président : C’est aussi simple, oui.

Faustin TWAGIRAMUNGU : Alors, je dirais tout simplement que ce Monsieur n’était pas proche du témoin 32, pas du tout. Il a été nommé ministre parce qu’il avait les capacités, je crois, et peut-être les journalistes m’obligent, mais ce Monsieur n’a jamais été proche du témoin 32, je crois qu’ils se sont querellés au moins plus d’une fois.

Le Président : Une autre question ? Maître BELAMRI ?

Me. BELAMRI : Oui, Monsieur le président. Lors de son audition devant Monsieur le juge d’instruction, du 23 octobre 1995, le témoin a dit ceci en ce qui concerne…

Le Président : Non. L’audition par le juge d’instruction, vous ne pouvez pas en donner lecture. Vous pouvez rapporter son contenu mais pas la lire.

Me. BELAMRI : Tout à fait. Le témoin parle de Monsieur Vincent NTEZIMANA et d’une réunion de négociation qui s’est tenue à Bruxelles et il dit que dans un premier temps, il les a soutenus dans leurs démarches même s’il a, par après, changé de bord. Est-ce qu’il peut confirmer ce point de vue ?

Le Président : Vous vous souvenez peut-être de cette réunion à Bruxelles, d’une conférence, de l’attitude qu’avait Monsieur NTEZIMANA ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Monsieur NTEZIMANA a suivi, il suivait en quelque sorte la conférence qui avait été organisée ici entre les partis PL, PSD, MDR et le FPR. Mais on m’a posé des questions bien précises, on m’a posé une question sur une conférence que nous avions donnée, je ne me souviens plus où, en tout cas ici à Bruxelles. Me dire que Monsieur NTEZIMANA ne vous aurait pas respectés, moi je n’étais pas venu ici pour être respecté. Sur cette question, si par après, Monsieur NTEZIMANA estimait qu’il n’est plus membre du parti MDR, à mon point de vue, je crois qu’il n’était pas partisan de ce parti-là, c’est tout. Donc, tout en poursuivant peut-être dans son parti le processus de démocratisation, l’entente entre les composantes de la nation rwandaise, il peut le faire en dehors du MDR aussi, mais il n’était plus au MDR, c’est ce que j’ai voulu exprimer.

Le Président : Voilà.

Me. BELAMRI : Une autre question, Monsieur le président. Pourriez-vous demander au témoin si, comme il le dit, ils n’ont plus été par la suite, dans la même formation politique ? S’ils ont peut-être même été adversaires politiques, il a considéré Monsieur Vincent NTEZIMANA alors comme extrémiste ?

Le Président : Quand vous entendez extrémiste, je suppose que vous voulez savoir si Monsieur TWAGIRAMUNGU a considéré que l’attitude de Monsieur NTEZIMANA pouvait être Hutu Power. Selon ce que vous savez de l’engagement politique de Monsieur NTEZIMANA, considérez-vous que cet engagement-là, après qu’il ait quitté votre parti ou la tendance de votre, parti, ait été, selon ce que vous en savez, ce que vous en pensez, vous, pas de ce qu’on peut avoir raconté dans les journaux par exemple, est-ce qu’il était de cette tendance Hutu Power ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Je ne pouvais pas me l’imaginer. Du temps que j’ai connu Monsieur NTEZIMANA, je ne l’ai pas trouvé Power. Et d’ailleurs son petit parti, qu’il m’excuse en tout cas, c’est… c’est aussi souvent que je me rappelle de l’existence de son parti. Qui y appartenait ? Quels sont les membres de son petit parti qu’ils avaient créé ? Ce parti-là ne nous inquiétait pas du tout. Le parti qui nous inquiétait ou les partis qui nous inquiétaient, nous les connaissons. C’est la CDR… et le MRND. Mais dans mes analyses, je ne prendrais pas toute personne du MRND comme étant génocidaire, tueur, tout ce que voulez, ou prendre tous les Hutu comme étant les… Bref, je n’ai pas connu Monsieur NTEZIMANA comme extrémiste en dehors ou en dedans du parti MDR.

Le Président : Bien. D’autres questions ? Les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur TWAGIRAMUNGU, est-ce bien les accusés ici présents dont vous avez voulu parler ? Cette question veut simplement dire ceci : confirmez-vous vos déclarations ?

Faustin TWAGIRAMUNGU : Bien entendu, je les confirme, Monsieur le juge.

Le Président : Les parties étant d’accord, vous pouvez disposer librement de votre temps. La Cour vous remercie. Nous devons encore entendre Monsieur MATATA. Est-ce que vous souhaitez 10 minutes de suspension ? Vous êtes prêts à continuer ? Eh bien, Vous pouvez faire approcher Monsieur MATATA.