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5.5.8. Témoin de contexte: Faustin TWAGIRAMUNGU, ex premier ministre
rwandais
Le Président : Monsieur,
quels sont vos nom et prénom ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Je
m’appelle TWAGIRAMUNGU Faustin.
Le Président : Quel âge avez-vous ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : J’ai 56
ans.
Le Président : Quelle est votre
profession ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Ma foi,
je suis sans profession pour l’instant.
Le Président : Quelle est votre
commune de domicile ou de résidence ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Ici à Bruxelles,
je suis en commune Molenbeek-Saint-Jean.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains des accusés, Monsieur NTEZIMANA, Monsieur HIGANIRO,
Madame MUKAGANGO, Madame MUKABUTERA, avant les faits qui leur sont reprochés,
c’est-à-dire grosso modo avant le mois d’avril 1994 ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, les
deux Messieurs, je les connaissais, c’est-à-dire Monsieur NTEZIMANA et Monsieur
HIGANIRO. Les deux sœurs, je ne les connais pas du tout. Je les vois souvent
à la télévision mais autrement je ne les connais pas.
Le Président : Etes-vous
parent, êtes-vous de la famille des accusés ou d’un des accusés ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Pas du
tout.
Le Président : Etes-vous
de la famille des parties civiles ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Non, pas
du tout.
Le Président : Vous ne travaillez
ni pour les accusés, ni pour les parties civiles ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Travailler,
qu’est-ce que cela veut dire travailler ?
Le Président : Ici, cela
veut dire effectivement faire du travail.
Faustin TWAGIRAMUNGU : Ecoutez,
je ne travaille ni pour l’un ni pour l’autre.
Le Président : Etes-vous
sous un contrat d’emploi ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Pas du
tout.
Le Président : Bien, je vais
vous demander alors de bien vouloir lever la main droite et de prononcer le
serment de témoin.
Faustin TWAGIRAMUNGU : Je jure
de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la
vérité.
Le Président : Je vous remercie,
asseyez-vous Monsieur TWAGIRA-MUNGU. Monsieur TWAGIRAMUNGU, en avril 1994, vous
étiez au Rwanda et plus précisément à Kigali ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : En avril
1994, oui, j’étais précisément à Kigali.
Le Président : Vous avez
été premier ministre du Rwanda ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : J’ai été
d’abord, ce qu’on connaît communément, premier ministre désigné par les accords
d’Arusha depuis le 4 août 1993. Puis, euh… j’ai été premier ministre cette fois-ci
sans être nommé, désigné depuis le 19 juillet 1994 jusqu’au 28 août 1995.
Le Président : Vous avez
été aussi, si je ne m’abuse, président du MDR ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, j’ai
été président et je pense que je suis l’un des initiateurs de la création de
ce parti MDR.
Le Président : C’est notamment
dans le cadre de vos activités au sein du MDR que vous avez rencontré Monsieur
NTEZIMANA ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Monsieur
NTEZIMANA, je l’ai rencontré justement et précisément dans ce cadre-là.
Le Président : Dans ce parti
MDR ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Dans ce
parti MDR.
Le Président : Y a-t-il eu,
à un moment et à quel moment, une scission dans le MDR ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, il
y a eu une scission au sein du MDR, et cela a commencé pratiquement depuis,
disons, 1993. Au début, et surtout depuis l’attaque du FPR au mois de février
1993 dans la région de Byumba et de Ruhengeri. Alors, il se fait quoi ?
Il se fait que, étant donné cette attaque, il y a eu une panique généralisée,
particulièrement à Kigali , et cette panique a aussi frappé tout le pays,
si je puis dire. Ce faisant, certains membres du FPR ou plutôt du MDR ont cru
qu’il était bon de changer de stratégie et de recourir à des moyens assez forts
appelés défenses civiles. Donc, à mon point de vue, ce fut le début du commencement
de la scission au sein du parti MDR.
Le Président : Il y avait
donc dans ce parti, à partir de ce moment-là, deux ou trois tendances ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Non, je
ne connais pas la troisième tendance, mais je peux certifier qu’il y avait deux
tendances.
Le Président : La première,
peut-être pas dans l’ordre, je n’en sais rien, ni dans l’importance, mais il
y en avait une que vous dirigiez ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Bon écoutez,
bien entendu, je dois commencer par moi-même. Il faut dire que la première tendance
était celle qui souhaitait que, il y ait la continuation ou la continuité d’un
processus de démocratisation dans notre pays et que, deuxièmement, il fallait
cesser toutes les activités meurtrières guerrières et donc cesser la guerre
et essayer de trouver un moyen de s’entendre en passant par les négociations.
C’était là, au moins généralement ce que nous souhaitions. Mais par contre,
depuis cette attaque, il y a eu cette deuxième tendance …
Le Président : Qui était
dirigée par qui ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : C’était
dirigée par des groupes d’individus, là je nomme notamment Monsieur Froduald
KARAMIRA et aussi par Monsieur ou alors on l’appelle Docteur MUREGO Donat et
de façon dissimulée, il faut le préciser, le Docteur NSENGIYAREMYE. C’est-à-dire
quoi ? C’est-à-dire qu’au sein du comité directeur, il y avait pratiquement
trois membres qui croyaient qu’il faudrait utiliser des moyens forts afin que
le pays puisse rester, comment dirais-je, puisse gagner la guerre en combattant
le FPR. Alors, ce que moi je défendais, c’étaient les négociations de paix d’Arusha
et franchement, sans ambages. Mais cela ne veut pas dire que nous ne nous sommes
pas trompés sur les moyens peut-être utilisés pour négocier.
Le Président : Donc, vous
nous dites uniquement deux tendances dans votre parti, pas de place selon vous
pour une troisième tendance ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : La troisième
tendance, franchement je ne la connais pas. Si elle existe en tout cas, je ne
la connais pas.
Le Président : Monsieur NTEZIMANA
soutient qu’il existait dans votre parti une troisième tendance qui a d’ailleurs
donné naissance au mois d’août 1993 à un nouveau parti politique, le PRD.
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui, je
sais qu’il y a eu ce parti mais je ne dirais pratiquement pas qu’il s’agisse
là de la tendance du MDR. Tous les membres du MDR, si tel était le cas, ils
auraient pu quitter le parti MDR et former d’autres partis politiques. Mais
ceci ne veut pas dire qu’il y a des tendances qui, chaque fois qu’il y a des
partis à former, quittent le MDR. Je ne sais pas si je me fais entendre comme
il faut. Mais les tendances que nous connaissons, les gens appellent cela comment ?
Ils appellent MDR modéré. Je ne suis pas pour l’expression, remarquez… et l’autre
tendance, c’est la tendance Power. Alors à ce que je sache, je ne crois pas
qu’il y ait eu une autre tendance.
Le Président : Une tendance
qui aurait été défendue notamment par Monsieur NTEZIMANA et par Monsieur GAPFYISI
Emmanuel.
Faustin TWAGIRAMUNGU : C’est seulement… à
moins que le… ceux qui appartenaient au parti PRD définissent eux-mêmes, je
ne connais pas les statuts, je ne connais pas l’idéologie, je ne connais
que le… Je sais que le parti a existé. Je ne sais pas s’ils étaient de ma tendance
ou de l’autre tendance. Voilà donc, je ne sais pas.
Le Président : Vous avez
dit tout à l’heure que vous connaissiez deux des accusés, Monsieur NTEZIMANA
et vous avez exposé que c’est dans le cadre de son activité politique au sein
du MRD dont vous étiez président. Vous avez dit que vous connaissiez donc également
Monsieur HIGANIRO, vous le connaissiez comment ? Bien, pas bien ?
Vous saviez qui il était ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Euh… écoutez,
moi je ne suis pas ici pour dire : « Bon, hé bien… ». Je pense
que Monsieur HIGANIRO est un homme qui a eu le privilège, comme moi d’ailleurs,
d’avoir fait ses études et j’imagine qu’il les a terminées de façon excellente.
Quand il était professeur ou quand il était… il travaillait à l’Etat comme fonctionnaire
de l’Etat rwandais, je ne le connaissais pas. J’entendais parler de lui mais
je ne le connaissais pas du tout. Alors, je crois qu’il a travaillé au ministère
de l’enseignement. Là, c’est un ministère important, tout le monde a commencé
à connaître Monsieur HIGANIRO. Mais je n’avais jamais eu l’occasion du rencontrer.
Alors, Monsieur HIGANIRO, je l’ai rencontré pour la toute première fois quand
il était ministre, je crois en 1992, je pense. En tout cas je sais que c’était
pendant la crise, où il n’y avait pas… il était ministre des transports. Et
notre pays étant enclavé, il y avait une pénurie de… disons de produits d’alimentation.
Moi, ayant une expérience en matière de transport pour avoir dirigé une société
de transport pendant plus d’une dizaine d’années, j’ai été invité à l’accompagner
en mission. C’est là où j’ai appris à connaître Monsieur HIGANIRO, que j’ai
trouvé un homme tout à fait calme, tout à fait calme et… voilà. Au-delà de cette
mission-là, je n’ai pas rencontré Monsieur HIGANIRO dans d’autres circonstances.
J’ai eu à parler de Monsieur HIGANIRO plutôt quand je suis arrivé
ici en 1995 quand j’ai été invité par l’instruction ici. Alors, j’ai bien précisé
beaucoup de choses, c’est à dire que bon, Monsieur HIGANIRO a été ministre.
On m’a posé des questions, Monsieur HIGANIRO était gendre du docteur personnel
du président le témoin 32, je me souviens très bien de ce que j’ai répondu. Ce
dont il serait accusé, je ne vois pas quelle influence, franchement, cela pourrait
avoir, d’avoir une dame, une femme ou une fille du docteur qui était le docteur
personnel du président le témoin 32. Autre question posée, il s’agit, puisqu’
il est gendre de ce docteur, donc il serait de l’AKAZU. Moi, je n’ai pas fait
le recensement de tout ce qui appartenait à l’AKAZU. Je crois avoir utilisé
cette expression pour la toute première fois pour désigner un groupe de personnes
qui étaient dans l’entourage du président le témoin 32 et surtout, des membres
de sa famille. Mais au-delà, de dire que tout le monde qui serait de Gisenyi
appartiendrait à l’AKAZU, je ne peux pas le certifier. Donc, je n’ai pas été
bref ici, je précise que c’est dans ces circonstances-là que j’ai connu Monsieur
HIGANIRO.
Le Président : Vous saviez
que Monsieur HIGANIRO était membre - comme à un moment donné tous les Rwandais
de naissance - du MRND ? Selon ce que vous savez de lui, il ne semblait
pas occuper un poste important dans ce parti politique ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Ecoutez,
nous avons fait depuis 1992, nous avons fait des rencontres, disons d’hommes
politiques, appartenant à différents partis, notamment le MDR, le MRND, le PSD,
le PDC, et le Parti Libéral PL. Je n’ai jamais vu ce monsieur-là dans aucune
réunion du MRND, je n’ai jamais assisté aux meetings du MRND, peut-être qu’il
allait-là, en tout cas, dans ce genre de rencontres, je ne l’ai jamais rencontré.
Je n’ai jamais entendu dire que ce Monsieur était membre du comité central,
peut-être était-il membre du comité préfectoral, cela je ne le sais pas. Tout
ce que je sais, c’est qu’il appartenait, comme beaucoup d’ailleurs de sa région,
au parti MRND effectivement, ça je le savais. Mais le reste, je n’ai pas de
commentaires.
Le Président : Selon vous,
selon l’analyse que vous pouvez faire maintenant - parce que vous étiez quand
même dans une position qui vous permettait d’avoir divers renseignements même
si, étant du MDR, vous ne participiez pas encore tout à fait au pouvoir - euh…
Vous analysez les événements d’avril 1994, comment ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : C’est très
long.
Le Président : Est-ce qu’il
y a eu… des éléments précurseurs ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Absolument.
Le Président : Est-ce que
ces éléments précurseurs sont immédiatement antérieurs au mois d’avril 94 ou
au contraire peut-être beaucoup plus anciens ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : C’est
beaucoup plus ancien. C’est beaucoup plus ancien parce qu’au fur et à mesure
que j’ai grandi, j’ai constaté que l’histoire du Rwanda doit seulement être
réécrite. Franchement, je ne peux pas, aujourd’hui, et à mon âge, me fier à
ce qui a été publié par des aventuriers ou par des explorateurs ou par des missionnaires.
Je n’y crois pas du tout. Il faut réécrire cette histoire. Parce que, étant
moi-même homme colonisé, j’ai peut-être ma façon de voir. Nous avons cru un
moment que tout ce qui est écrit par l’homme blanc est juste. Aujourd’hui, je
le constate avec amertume que ce n’est pas juste.
Donc, il y a eu cette histoire de Hutu et de Tutsi. La façon dont
cette histoire a été présentée est tout à fait regrettable jusqu’au point où
les gens croiraient qu’ils seraient originaires du Cameroun ou du Tchad. Jamais,
ils n’ont jamais mentionné l’Australie, c’est fort possible aussi, il y a des
noirs là-bas. Et pourquoi pas de la Nouvelle-Zélande ? Jamais, je n’ai
jamais cru à une différence entre les noirs Rwandais, ces Bantous-là, entre
les Sozas, les Zoulous ou alors les gens qui habitent toute la région de Tanzanie,
de l’Ouganda et autres. Mais chez nous, cette différence est notoire. Pourquoi ?
Ils ont des nez épatés, ils ont des… jusqu’à mesurer le nez des individus pour
savoir qui sont les Tutsi et qui sont les Hutu. Cette théorie doit absolument
être détruite si nous voulons reconstruire notre pays sur des bases nouvelles
et surtout si nous voulons une réconciliation véritable. Pour les Tutsi, aujourd’hui,
il y a ceux qui croient curieusement, ceux qui croient, compte tenu de ces lectures-là,
qu’ils viendraient du Moyen-Orient et que certains mêmes seraient une tribu
perdue, de l’une des tribus perdues des Juifs ! Donc, cette façon de considérer
le Rwanda actuel avec des clichés, je n’y souscris pas et je pense que c’est
là, la racine du mal. Les complexes extraordinaires des Hutu, les complexes
démesurés extraordinaires des Tutsi. Pour les deux, je ne mentionne pas les Twa,
pour les deux, je crois qu’il suffit d’être noir, ça suffit. Il faudrait qu’ils
continuent…
Le Président : Je ne vous demande
pas un discours politique hein… Ce que je vous demande, c’est l’analyse de la
situation. Je ne vous demande pas un discours politique.
Faustin TWAGIRAMUNGU : Vous
avez raison de m’orienter sinon, effectivement, je pourrais m’en écarter sans
que je réponde à votre question. Alors, je reviens à la question. J’imagine
qu’il y a des raisons profondes, des raisons ethniques, disons à caractère sociologique
alors, des raisons politiques et des raisons historiques.
Commençons par des raisons historiques. Pour des raisons historiques,
je crois que les Rwandais ne connaissent pas leur histoire. On ne peut pas fier
l’histoire sur des chansons bucoliques. Il n’y a pas de documents. Les Tutsi
ne savent pas comment ils sont arrivés au Rwanda, les Hutu ne le savent pas
non plus, les Twa, d’ailleurs non plus. Mais on dit : « Mais
écoutez, les Hutu ont été les premiers ». Mais rien ne l’atteste aujourd’hui.
Et cela, c’est une raison fondamentale en ce qui me concerne, pour constituer
ce conflit. Et je pense bien, pour revenir à ce que je disais, quand on
parle de Hutu et de Tutsi, ces deux termes ont existé avant l’arrivée de la
colonisation, c’est vrai. Mais ils ne signifient pas ce qu’ils signifient aujourd’hui
et ils ne signifient pas ce qu’ils ont signifié en 94 et peut-être même en 59,
c’est ce que je crois. Alors, si je me mettais à faire des analyses sociologiques
sur cette affaire-là, je dirais tout simplement que les Rwandais partagent une
même culture, le même rituel et je ne vois aucune raison qui puisse les séparer
de façon indéfinie jusqu’à ce qu’ils prennent des machettes pour s’entretuer.
Donc, il y a des erreurs qui ont été commises et qui doivent être corrigées.
Alors, des raisons politiques. Les gens ne combattent pas parce qu’
ils ont des petits nez ou alors ils ont des gros derrières, je ne crois pas.
Combattre pour… certaines raisons valables. Sur votre continent, les gens ont
combattu parce que, bon, souvent à cause de territoires ou d’autres intérêts
économiques. En Allemagne, bon… ça… ça… ça a un autre contenu qui semble être
collé à celui du Rwanda. Mais en tout cas, pour des raisons politiques, je crois
que les Rwandais, les Hutu et les Tutsi ont toujours combattu à cause du pouvoir.
A cause du pouvoir, c’est ce qui explique comment les Tutsi sont
venus, ils ont combattu les Hutu qui étaient au pouvoir. Le Rwanda a été un
pays qui avait plusieurs, disons, différents royaumes, comme le Bushis aujourd’hui,
de l’autre côté du lac Kivu. Les Bashis parlent une même langue mais ils ont
différents rois et ils vivent ensemble. Alors chez nous, je crois que jusqu’en
1919 ou 1916, disons jusqu’à ce que les Allemands sont arrivés au Rwanda en
1894-1896, il faut dire que la monarchie centrale existait, mais n’avait pas
conquis tout le pays. Il a fallu l’intervention des Belges, par exemple en 1924,
pour que la partie de Cyangugu puisse adhérer à la monarchie centrale ou
plutôt au pouvoir central. Je ne sais pas, il y a d’autres régions au Nord qui
ne veulent pas adhérer à ce pouvoir. Mais les gens combattent parce qu’ils veulent
partager ou alors éliminer d’autres pour le pouvoir. Et au Rwanda, le Rwanda
ne peut pas échapper à ce genre d’analyse. C’est pourquoi je conclus pour dire
que ce qui s’est passé au Rwanda avant 94, il y a ces raisons historiques, sociologiques
et politiques.
Mais le processus autour du pouvoir, c’est en 1959 que ça se précise.
Puisque les Hutu se battent pour avoir ce pouvoir, je ne voudrais pas aller
dans les détails, certains diront « Non, ils ont été soutenus par les Belges »,
ce serait très long à dire. Mais ce que je sais, c’est que les Hutu n’ont pas
voulu que l’indépendance soit accordée au Rwanda sans qu’ils se libèrent. Et
ils ont combattu, ils se sont libérés. Certains diront encore une fois :
« C’est une révolution sanglante, brutale ». Certains d’ailleurs l’appellent
aussi une « révolution de fous ». Quand ils parlent de la République
folle, ceux qui ont créé la République rwandaise, sont des fous. Et je ne peux
pas souscrire à cela évidemment. Mais, cette révolution qui a eu lieu en 1959
et qui a continué jusqu’au coup d’état du 28 janvier 1961, a été un tournant
important dans l’histoire du Rwanda et a été fondamentalement aussi, une des
bases du conflit qui aura lieu en 1994. Puisque les gens qui ont été chassés
du pouvoir n’ont jamais cru que ces Hutu pouvaient continuer à diriger ce pays,
raison pour laquelle ceux qui détenaient le pouvoir d’alors se sont engagés
dans un combat, lequel combat a failli d’ailleurs les ramener au pouvoir en
1963. J’étais là, moi j’étais à Kigali. Et ce qui a causé encore une fois des
représailles regrettables, parce que les gens ont été pris et ont été mis en
prison, ils ne sont jamais revenus. D’autres dans la région du Sud-Ouest particulièrement,
la région de Gikongoro, les gens ont été massacrés. Ca a été, en ce qui me concerne
en tout cas, la première fois que je voyais un cadavre flotter sur la rivière
Nyabarongo, je n’oublierai jamais cette image-là. Ceci c’est un conflit fondamental.
Mais les gens qui combattaient n’ont pas cessé puisque ceux qui étaient au pouvoir,
ont pu repousser ce qu’ils appelaient l’ennemi.
De 63 jusqu’en 67, les combats n’ont pas cessé parce que je me souviens
encore une fois - quand j’étais au groupe scolaire, c’était en 1967 - ce que
nous appelions chez nous les Inyenzis, tenez-vous, bien l’expression vient de
ceux qui combattaient eux-mêmes. Ceux que nous appelions les Inyenzis combattaient
toujours. J’imagine que ces combats ont cessé depuis 1967. Et de 1968, il y’a
eu un conflit de 1968 jusqu’en 1973, il y a eu un conflit entre les Hutu eux-mêmes.
Donc, que les gens essaient de comprendre le phénomène. Le phénomène du pouvoir,
ce n’est pas uniquement entre les Hutu et les Tutsi, mais c’est un phénomène
aussi qui met en conflit les Hutu eux-mêmes. Je n’expliquerai pas, sinon je
serais très long, comment ce conflit a encore une fois essayé de ramener l’histoire
des Hutu et des Tutsi puisque ce sont eux qui ont été chassés des établissements
scolaires, des universités et des établissements publics. Et ça a abouti à un
coup d’Etat. Mais je ne peux que regretter ceci, on ne peut pas faire un coup
d’état toujours en essayant de dire : « Ecoutez, il y a le Tutsi qui
est au Rwanda, on peut l’utiliser comme argument, donc, on prendra le pouvoir »,
c’est très regrettable, et c’est un conflit encore une fois. Puisque si j’étais
Tutsi moi-même, je me sentirais chaque fois visé, chaque fois qu’il y a un conflit
à l’intérieur du pays.
Donc, le coup d’état de 1973 explique ce genre de conflit, explique
cette différence entre les Hutu et les Tutsi et explique qu’il y a des clichés
qu’on utilise pour prendre le pouvoir. Mais de 73 jusqu’à 1900…disons 94, la
politique menée par le président le témoin 32 qui était une politique, comme
il le disait, de l’unité nationale et une politique qui visait aussi le développement
et la paix, parce qu’il disait ubumwe n’amahoro, c’est-à-dire l’unité et la
paix.
J’ai commencé à travailler après mes études, c’était en 76, j’ai
suivi ce qui se passait jusqu’en 94. Quand j’étais… disons quand je faisais
mes études primaires, secondaires, etc., il y a un moment où moi-même je ne
savais pas que j’étais… euh… que j’étais Hutu ou j’étais Tutsi, c’est une parenthèse,
j’avais été une fois chez le sous-chef, j’ai trouvé qu’il y a des gens nus qui
étaient battus et d’autres qui devaient se cogner les têtes parce qu’ils n’avaient
pas payé d’impôts. J’avais connu des Hutu qui passaient devant chez mon père
pour aller cultiver ou labourer les terres des sous-chefs et de leurs acolytes,
mais moi, mon père n’avait jamais fait ça, c’est un élément que j’avais oublié.
Il faut analyser le Hutu peut-être en termes de classe et pas en termes d’ethnie.
Aujourd’hui, nous serions très embarrassés, il faudrait que nous chassions nos
enfants de nos maisons puisque souvent ils ont des nez qu’on a décrits comme
des nez de Tutsi. Alors, nous ne pouvons pas les chasser, en tout cas…
Je reviens à cette époque de 63 à 94. Qu’est-ce que je voulais dire ?
Je voulais dire tout simplement que, ayant connu les Hutu, ayant connu les Tutsi
surtout, je pense que pendant cette période, avant l’invasion du FPR en 90,
les Tutsi n’avaient, du moins de ma vie, n’avaient connu un meilleur moment
que celui-là, de 73 jusqu’à 90, jamais. Les gens me diront : « Mais
écoutez, il y avait la politique de l’équilibre ». Oui, il y avait la politique
de l’équilibre. Cette politique de l’équilibre avait une certaine flexibilité,
ce que Monsieur le témoin 32 qui était le président - puisqu’en Afrique, le
président c’est le seul qui a la parole - avait autorisé à ce qu’il y ait création
des établissements scolaires privés où les Tutsi pouvaient étudier. Et j’imagine
que jamais de ma vie, je n’avais jamais vu ces gens avec un pouvoir financier.
Ils ont construit des écoles jusqu’à l’éclatement de la guerre ; ils voulaient
même construire des universités. Par conséquent, j’imagine qu’ici la mauvaise
politique de scolarité au Rwanda n’a pas frappé seulement les Tutsi, elle a
frappé tous les Rwandais, particulièrement les Rwandais qui n’étaient pas de
la région du président le témoin 32. Donc, ceci dit, il y a une surprise alors
en 1990 quand on a appris que les gens qui étaient anciennement réfugiés avaient
attaqué le Rwanda. Je ne voudrais pas faire une analyse politique ici, mais
je crois que nous avons été défaillants. Tous ceux qui étaient responsables
dans ce pays. Il y a eu une négligence de la question « réfugiés rwandais ».
Ca a été négligé depuis 1960 ou 62 jusque à ce que les Tutsi attaquent le Rwanda,
du moins ceux qui étaient réfugiés et réunis au sein du FPR. Il y a eu des appels,
j’en conviens, mais souvent ces appels n’étaient pas convaincants. C’est comme
aujourd’hui. On nous invite à rentrer au Rwanda mais je ne rentre pas.
Donc, je reviens sur cet élément capital, c’est qu’à mon… à notre
point de vue, nous ne voyons pas que la question des réfugiés aurait pu conditionner
les Rwandais qui étaient réfugiés en Ouganda pour qu’ils attaquent le Rwanda.
Je pense qu’il y aurait pu y avoir une négociation entre les réfugiés rwandais
se trouvant en Ouganda et le pouvoir du président le témoin 32. Et en effet,
en 1989, il y a des dossiers qui avaient été déjà confectionnés pour dire que
les négociations entre les réfugiés et le pouvoir, étaient possibles. De plus,
je crois que le président le témoin 32 avait compris que s’il ne décidait pas
de négocier avec ces réfugiés, ils allaient attaquer le Rwanda. J’imagine que
Monsieur le témoin 32 avait tout de même des contacts avec le président MUSEVENI.
Alors, la guerre du FPR en octobre, le 1er octobre particulièrement,
est une des causes fondamentales et importantes de ce qui s’est passé au Rwanda
en 1994. Est-ce qu’il y aurait des génocides ou des massacres massifs, ou disons
tout simplement l’extermination des opposants et des Tutsi s’il n’y avait pas
eu de guerre à partir du 1er octobre 1990 ? Ma réponse est non.
Ma réponse est non et cette guerre, nous croyons qu’on pouvait négocier afin
d’éviter le pire. Nous avons négocié, nous n’avons pas réussi. Nous n’avons
pas réussi parce qu’il y a eu des… des gens qui voulaient à tout prix avoir
le pouvoir, qu’il s’agisse de ceux qui le détenaient et qui ne voulaient pas
lâcher, et ceux qui avaient soif du prendre par tous les moyens.
Donc, je voudrais tout simplement me résumer ici. C’est que parmi
toutes les causes que je considère personnellement, il y a des causes historiques,
il y a des causes sociologiques, il y a des causes politiques et surtout quand
je parle de ces causes politiques, il faut absolument considérer la période
de 1960-61-62, de 73 jusqu’en 90. Tout ne pouvait pas être rose. Il y a eu des
confusions ici et là. Mais je considère toujours et je le confirme ici, que
les Rwandais peuvent se réconcilier s’ils pouvaient faire des analyses adéquates
de leur propre pays et de leur propre histoire.
Le Président : Monsieur TWAGIRAMUNGU,
le 6 avril 1994, vous allez apprendre très vite que l’avion du président a été
abattu ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui.
Le Président : Saviez-vous à ce
moment-là que dans les heures qui suivent, un véritable génocide allait commencer ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Moi,
ma réponse à cette question : « Non », et je vais l’expliquer.
Je vais l’expliquer compte tenu de mon comportement. Je savais qu’il y avait
des menaces, je savais qu’il y avait l’insécurité pas uniquement pour les politiciens,
mais à travers tout le pays. Il y avait une insécurité généralisée. On sentait
qu’il y a quelque chose, on le sentait mais on ne savait pas quoi. Pourquoi ?
Parce que, de 1900… depuis la signature de l’accord de paix d’Arusha, on n’avait
pas pu mettre ces accords de paix d’Arusha en application. Le président avait
prêté serment, nous n’avions pas prêté serment et ainsi de suite.
Mais pour répondre à votre question, voici comment cela s’est passé.
D’ailleurs, il y a Madame UWILINGIYIMANA qui m’a téléphoné pour me dire :
« Avez-vous écouté la radio RTLM ? » ; ma réponse était
non, parce que je ne voulais jamais écouter cette radio qui passait pratiquement
toutes les soirées à m’insulter, à insulter tous les membres de ma famille et
en insultant les autres aussi, je n’étais pas le seul. Alors Madame UWILINGIYIMANA
qui était premier ministre me dit : « Je viens d’apprendre que le
président serait… », non « …que l’avion du président aurait été abattu ».
Alors, connaissant la radio RTLM, moi je croyais que c’était une façon plutôt
d’exciter les gens. J’ai attendu jusqu’à ce que j’ai eu des confirmations, curieusement
pas du Rwanda, parce que j’ai téléphoné au responsable qui aurait pu me donner
l’information, il n’était pas là.
L’information m’a été donnée par quelqu’un qui était à Paris. Il
me dit : « On vient d’avoir… de voir des images de l’avion abattu,
donc le président le témoin 32 est mort, et d’ailleurs, son fils vient du
confirmer ». Une autre personne qui me l’a confirmée, c’était notre ambassadeur
à Bujumbura. Il me dit : « Vous savez que Monsieur le témoin 32 est
mort avec le président burundais ». J’ai dit : « Vous me
le confirmez ? Il y a quelqu’un qui vient de me le dire ». Alors,
quelle était ma réaction ? Ma réaction n’a pas été de fuir ma maison, ma
réaction a été de contacter les gens et de voir ce que l’on peut faire. Je croyais
que Monsieur le témoin 32, homme, je dirais homme d’Etat depuis l’âge de 24 ans,
chef d’état-major, ministre de la défense jusqu’à cette date-là, je croyais
que dans tous les cas, on devait essayer de résoudre les problèmes qui nous
mettaient en conflit et que le président puisse avoir des funérailles officielles,
c’est ce que je croyais.
Mais j’ai été pris de court par les événements parce que j’ai passé
la nuit chez moi ; j’ai essayé de contacter autant de personnes que je
pouvais. J’ai contacté le général DALLAIRE, j’ai contacté Monsieur BOBO et ils
m’ont fait des résumés de ce qui s’était passé et ils m’ont dit qu’il y a des
gens qui passés, notamment les militaires qui disent : « Ecoutez,
nous ne pouvons pas être dirigés par une dame… » qu’ils ont qualifiée de
façon horrible. Or, moi effectivement, j’avais cru que Madame UWILINGIYIMANA,
comme le président venait de mourir pouvait simplement utiliser ses fonctions
de premier ministre et essayer de s’organiser et faire un discours à la radio.
C’est moi qui ai discuté avec elle et donné mon avis que ce discours - on n’appelle
pas ça discours, il y a une expression française qui m’échappe - mais c’est
annoncer la mort du président et annoncer les mesures qui devaient être prises
pour assurer la sécurité. Mais elle ne pouvait pas le faire seule. Elle a contacté
tous les ministres, certains étaient cachés, ceux du MRND n’étaient plus à la
maison, ceux qui étaient à la maison ne pouvaient plus sortir.
Alors là, dans la matinée, vers 5h moins le quart, tout près de chez
moi - moi je n’habitais pas loin du camp militaire - alors là, on a senti qu’il
y avait quelque chose. On a commencé à tirer. On a tiré depuis cette heure,
cette heure-là, je pense que ça s’est fait au mois de juillet. Donc, je ne voudrais
pas ici en tout cas, relater comment j’ai échappé puisque dans tout ce qui a
été fait, j’étais le premier sur la liste. Les gens ne sont pas venus me tuer
le matin mais quand ils ont commencé à tirer, j’ai demandé aux Bengladeshis
qui me gardaient s’ils allaient me protéger. La réponse a été : « Non »,
que la MINUAR n’avait pas le mandat de me protéger. Voilà. Donc, je n’habite
pas… je n’habitais pas la région de l’aéroport, j’habitais pas loin de chez
le… du premier ministre, je n’habitais pas loin du camp militaire. Ce qui s’est
passé ailleurs, les barrages dont on a parlé, des tirs même qu’on a entendus
après qu’on ait abattu l’avion, moi je ne les ai pas entendus. Mais cela ne
veut pas dire que les autres ne les ont pas entendus. Je n’habitais pas tout
simplement la région où était la plupart des Interahamwe.
Le Président : Pourquoi avez-vous,
après avoir été premier ministre, après la victoire du FPR, pourquoi avez-vous
quitté le gouvernement ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Après
la victoire du FPR, pourquoi j’ai quitté le gouvernement ?
Le Président : En juillet 1994,
le FPR occupe pratiquement tout le Rwanda à l’exception du couloir humanitaire
de l’Opération turquoise, c’est bien exact ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui.
Le Président : Un gouvernement
va être mis en place ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui,
mais… ah oui.
Le Président : Vous allez devenir
premier ministre ? Pas seulement celui désigné dans les accords d’Arusha,
mais effectivement premier ministre ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui,
je n’ai pas quitté, non j’ai quitté après 13 ans, 13 mois plutôt. Voulez-vous
préciser votre question ? Parce que j’ai quitté le Rwanda le 29 avril 1994
parce que j’ai eu la chance, j’ai eu la chance, c’est une chance exceptionnelle,
là il faut que je vous le dise pour comprendre mille choses. Le matin du 7,
j’avais passé toute la nuit dans mon salon. Le matin du 7, j’ai eu des coups
de téléphone dont un disait : « Ecoutez, Monsieur, il faut absolument
que vous quittiez parce qu’ils viendront vous tuer. Ils ont déjà tué les ministres
RUGOGOZA et les autres, donc ils viendront vous tuer ». Quelques minutes
après, 7 minutes presque, il y a Madame UWILINGIYIMANA qui a téléphoné
chez moi. Elle a dit : « Il faut partir, il faut partir parce que
nous, nous sommes entourés, il faut partir, ils vont nous tuer mais il faut
que vous quittiez ». Alors, ce que j’ai fait, j’ai sauté au-delà du mur
du voisin, un Américain, et il m’a reçu, il m’a reçu, je le remercie beaucoup.
Mais à un moment donné il ne pouvait pas tenir, tellement les gens tiraient,
qu’il ne pouvait pas tenir. Il m’a dit : « Monsieur, je vais téléphoner
aux agents de l’ambassade pour que je leur dise quand même que vous êtes ici,
parce que vous constituez un danger ». Il a téléphoné et la réponse d’un
employé de l’ambassade, il a dit : « Il faut dire à Monsieur Faustin
de partir parce que là où j’habite, ils sont en train du rechercher ».
Monsieur m’a dit de quitter sa maison. Il m’a dit de quitter sa maison. J’ai
posé la question : « Mais pour aller où ? ». « Mais vous
quittez parce qu’on me dit que si vous ne quittez pas, je vais être tué avec
vous ». J’ai demandé à utiliser son téléphone et j’ai téléphoné à l’ambassadeur
RAWSON, heureusement je connaissais le numéro par cœur. RAWSON m’a dit :
« Est-ce que tu peux encore une fois me mettre en contact avec ce Monsieur-là ? ».
Je les ai mis en contact. Alors le Monsieur a dit : « Ils ont
coupé le téléphone », le Monsieur m’a dit : « Tu peux rester
encore un moment ». Il m’a conduit dans un petit débarras et j’attendais
la mort là-bas parce que je n’étais pas du tout rassuré.
Alors, ce qui s’est passé, c’est que l’ambassadeur RAWSON a avisé
sans doute le général DALLAIRE. Ils m’ont envoyé… ils m’ont envoyé ce qu’on
appelle A.P.C. (Armed Personal Carrier), je ne sais pas si c’est un blindé,
et c’est là, après avoir quitté chez moi, ceux qui voulaient me tuer sont arrivés
chez moi mais je venais de quitter 7 minutes après. Ils ont tiré sur ceux qu’ils
ont trouvés dans la maison, jusqu’à détruire les murs et, fort heureusement
mon épouse avait aussi eu cette intelligence de quitter la maison puisque les
Bangladeshi ne pouvaient pas les protéger. Ce serait une très longue histoire
mais en tout cas je voudrais vous en épargner. Je fais cette parenthèse pourquoi ?
Je fais cette parenthèse parce que les gens, les Rwandais qui n’ont pas pu tolérer
que les gens se cachent en dessous de leur lit et qui les ont chassés, ils doivent
être emprisonnés. Je ne sais pas si je dois faire appel à ce qu’on arrête la
personne qui m’a chassé. Mais j’arrête là. Ce serait très long et il faudrait
peut-être que je me limite aux questions qui concernent le dossier.
Donc, le 7, j’ai été à la MINUAR, je suis resté là. La façon dont
je suis arrivé là, je vous en épargne en tout cas. Et là, à un moment donné,
il y a eu un véhicule blindé belge qui s’est arrêté juste à la porte du quartier
général de la MINUAR et me dit : « Monsieur, vous devez quitter ».
« Pour aller où ? », « On vous emmène en Belgique ».
Quelques minutes avant d’aller, on m’avait avisé effectivement. J’ai embarqué.
Je suis allé en cachette jusqu’à l’aéroport et je ne voudrais pas décrire ici
la façon dont j’ai quitté ce véhicule pour aller dans l’avion et ainsi de suite.
En tout cas, je n’ai pas voulu venir ici directement. Nous avons fait escale
à Nairobi. Je suis resté là pour voir s’il y a moyen de communiquer et avoir
des nouvelles de mes enfants et de mon épouse. Mais le 29, pas le 29, oui c’est
entre le 27 et le 29 du mois de mai, j’ai été obligé de quitter parce que j’étais
menacé. Il n’y avait pas de sécurité, même s’il y avait des militaires qui m’ont
gardé dans l’hôtel où j’ai passé presque une quinzaine de jours. J’ai été obligé
de quitter, et je suis arrivé ici. Cela parce que sans quoi j’avais un bout
de papier signé par un agent de la Croix Rouge.
Je suis resté ici dans la commune de Berchem. Je ne savais pas comment
on cherche, on demande l’asile, je ne savais pas. Je croyais qu’on allait vivre
comme en Afrique, là se pointer chez quelqu’un, puis… cela n’a pas marché comme
cela. Mais j’ai été contacté pour dire : « Ecoutez, Monsieur - c’était
au mois de juillet - vous pouvez revenir ». Tout en mettant entre parenthèses
tout ce que nous avions fait ici, mais au mois de juillet, j’ai été contacté,
je suis allé au ministère des affaires étrangères. J’ai été aussi contacté par
l’ambassadeur RAWSON, je suis allé à l’ambassade des Etats-Unis. Il y a ceci,
c’est que les accords de paix d’Arusha allaient être mis en application :
« Vous êtes premier ministre désigné, est-ce que vous pouvez retourner
au Rwanda ? ». J’ai accepté, j’ai accepté de retourner au Rwanda. J’ai
quitté le 12 juillet. Je suis allé voir le président MUSEVENI, j’ai vu le président
MWINYI et puis je suis allé à Kigali, j’ai rencontré les principaux dirigeants
du FPR, particulièrement Monsieur SENDASHONGA qui jouait un rôle très important
- du moins dans les relations publiques alors - et j’ai rencontré Monsieur KAGAME
jusqu’au 19 où j’ai prêté serment, ayant en tête que nous pouvions mettre en
place un gouvernement qui pouvait tranquilliser et consoler les Rwandais, et
aussi ramener les gens qui avaient traversé le Congo ou le Burundi, ou plutôt
qui avaient quitté le Rwanda en direction du Burundi, de la Tanzanie même et
du Congo. 13 mois durant, je n’ai pas réussi à convaincre. Alors ce que j’ai
fait, j’ai démissionné le matin du 28, on m’a démis dans l’après-midi de cette
même date. Voilà les fonctions que j’ai exercées brièvement.
Le Président : Vous avez donné
quand même quelques explications en disant que vous aviez démissionné parce
que notamment vous dénonciez des massacres commis par le FPR aussi ? Parce
qu’on parlait beaucoup - et jusqu’à présent on a beaucoup parlé ici - de massacres
de Tutsi par les Hutu, par les gens proches du témoin 32 qui avaient peut-être
bien organisé tout cela. Vous avez dit que si vous étiez parti, si vous aviez
quitté le gouvernement ou si on vous avait, l’après-midi de votre démission,
démis, c’est parce que vous dénonciez des massacres commis par le FPR aussi ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui,
vous avez raison. En fait, quand je suis entré ici, je me suis dit que j’imagine
qu’il s’agit aujourd’hui de la question principale des actes de génocide, des
massacres commis entre… 1900… euh… disons janvier 1994 jusqu’au 31 décembre,
c’est ce que je croyais. Mais… et je me disais qu’un jour, c’est la deuxième
fois que je viens ici, la première fois c’était fin mai pour négocier avec le
FPR, c’est la deuxième fois. Et je crois que la troisième fois, je viendrai
ici aussi pour raconter les histoires sur le FPR. Mais si vous voulez que je
les raconte aujourd’hui, je le dis.
Le Président : Non, simplement,
nous n’allons pas nous égarer dans toutes sortes de considérations mais le problème
est le suivant : Y a-t-il eu aussi des massacres du FPR ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Bien
sûr. Pas seulement du temps où j’étais premier ministre, même avant. Je ne crois
pas que le FPR, en quittant l’Ouganda, en attaquant le Rwanda le 1er
octobre, n’est pas venu haut les mains. Notre pays est surpeuplé, on ne peut
pas faire de maquis là-bas, il a fallu tuer et repousser les gens pour qu’on
équipe du terrain. Donc, si tu sais passer en préfecture de Byumba, j’imagine
que cela nécessite toute une autre enquête, n’est-ce pas ?
Le Président : Ce sur quoi je
voudrais vous interroger aussi, c’est ceci : A propos de ces massacres-là
- qui peut-être doivent être qualifiés autrement que de génocides doivent peut-être
s’analyser comme des crimes de guerre ou comme des crimes contre l’humanité,
ou que sais-je - y a-t-il eu des enquêtes ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Les
enquêtes, je ne les connais pas du tout. L’enquête qui a été effectuée en 1993
fait allusion, fait seulement allusion à ce qui s’est passé dans les zones occupées
du FPR et ceci, pour moi, serait plutôt inacceptable. Parce que je suis témoin,
moi, des paysans que j’ai vus qui avaient fui chez eux, qui ne voulaient d’ailleurs
pas me parler. Ils ont parlé. On était parti voir ces réfugiés-là qui étaient
presque 300.000. Moi étant du MDR, ces gens-là ne voulaient pas me parler parce
qu’ils disaient : « Il fait partie des gens qui nous tuent, n’est
ce pas ? ». Donc, nous regrettons ce fait qu’il n’y ait pas eu d’enquêtes
et ce que j’ai déclaré en octobre 1995, c’est justement cela que je voulais
dire. J’ai précisé à un moment donné que toute comptabilité faite à partir du
1er octobre jusqu’en 1995, j’estimais qu’il n’y aurait pas moins
de 250.000 personnes massacrées par le FPR. Mais il faut voir le tollé. Tout
le monde a dit : « Non, non, ce Monsieur-là, non, il ment ».
Admettons que je mente, mais ceux qui veulent me contredire, qu’ils insistent,
au moins qu’une enquête puisse être faite, ce ne serait jamais tard.
Donc, nous voudrions absolument que les crimes de guerre, les massacres
commis par le FPR que nous avons même dénoncés quand nous étions aux affaires,
quand j’étais premier ministre. Je n’ai jamais cessé de dénoncer ces massacres
au risque de perdre même ma vie. J’ai fait des déclarations qui dénonçaient
curieusement au gouvernement dans lequel j’étais. Pourquoi ? Je ne peux
pas accepter, moi, comme victime puisque les Hutu dont on parle et je le suis,
ces Hutu ont tué les Hutu, ces Hutu ont tué les Tutsi aussi. Moi, j’ai perdu
mes frères, ils n’ont pas été tués par les Tutsi, ils ont été tués par les Hutu,
les enfants et leurs petits-enfants, jusqu’à mon frère, comment dirais-je, un
arriéré mental. Donc, nous ne pouvons pas - à mon point de vue, puisque moi
j’insiste sur ce fait que les Rwandais peuvent toujours vivre ensemble - nous
ne pouvons pas croire qu’en disant qu’une partie a tuée et que l’autre a frôlé
euh… a essayé de tuer, ce n’est pas vrai. J’admets, il y a eu un génocide dont
je ne voudrais pas décrire en tout cas. Mais dire qu’il n’y a pas eu de massacres
du FPR, ce serait pour moi, si je vous le disais aujourd’hui, je serais moi-même
criminel, franchement, pour ne pas vous dire la vérité.
Le Président : Bien. Y a-t-il
des questions à poser au témoin ?
Me. de CLETY : Pour
quelle raison Monsieur HIGANIRO a-t-il été démis de ses fonctions de ministre ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Mais… franchement, cette question ne peut pas être posée
à Monsieur le témoin 32 ? Moi, je n’ai jamais été dans les coulisses
de la présidence. Monsieur HIGANIRO, je crois que c’est un homme capable.
S’il a été démis de ses fonctions, c’est peut-être pour céder des places à d’autres
ministres, cela se faisait comme cela chez nous. On peut vous donner une autre
place, vous cédez la place à une autre personne. Mais là, les raisons, franchement
je ne les connais pas.
Le Président : Parmi les
membres du jury ? Monsieur l’avocat général ?
L’Avocat Général : J’ai deux
petites questions. Vous avez été désigné comme premier ministre par les accords
d’Arusha, donc premier ministre du gouvernement de transition à base élargie
à partir du 4 août 1993. Est-ce que vous pouvez nous dire qui était l’autre
candidat ? Une fraction de votre parti avait avancé un autre candidat un
peu tardivement ? Je demande simplement son nom.
Faustin TWAGIRAMUNGU : Le
nom, sans aller trop loin, expliquer comment cela s’est passé, c’est Monsieur
KAMBANDA.
L’Avocat Général : C’est
Monsieur KAMBANDA qui deviendra premier ministre du gouvernement intérimaire ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui.
L’Avocat Général : Vous venez
également de nous dire qu’en fait, vous figuriez après l’attentat, parmi les
cibles privilégiées. On a assassiné le premier ministre, Madame UWILINGIYIMANA,
ainsi que le président de la Cour suprême ; vous étiez également une des
cibles privilégiées. Est-ce que vous n’aviez déjà pas fait l’objet d’un attentat
avant, en février 1994 ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Avant,
pas du tout. Les gens en parlent… mais moi personnellement, je ne l’ai pas constaté.
L’Avocat Général : Vous n’avez
jamais… ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : En
tout cas, je n’ai pas fait l’objet d’un attentat que je sache personnellement,
non. J’ai participé à plusieurs manifestations politiques, souvent nous avons
été menacés à coups de pierres, n’est-ce pas. Au Bugesera, j’ai failli effectivement
être tué par une pierre lancée par un individu qui ne voulait pas de moi. Cela
m’est arrivé aussi dans la région de Gisenyi et même dans le village de Ruhengeri
et à Kigali cela n’est jamais arrivé sauf le 20 février 1994.
L’Avocat Général : C’est
bien ce que disais.
Faustin TWAGIRAMUNGU : Le
20 février 1994, nous avons été, il y a un
piège qui a été tendu par les gens de la CDR, vous avez raison et là nous avions
été conduits - Madame UWILINGIYIMANA et moi-même - par les Casques bleus belges.
Euh, c’était une… C’est très important peut-être du signaler parce que ce
meeting-là était un meeting tout à fait important pour nous mais les gens l’ont
empêché en créant des barrières sur des routes et ce jour-là, ils ont tué 6
personnes. Et… Nous, évidemment - moi et Madame UWILINGIYIMANA - si ces gens-là
avaient pu nous voir, ils auraient pu nous tuer, c’est vrai. Et curieusement,
après ce meeting qui a quand même eu lieu, on nous a menacés après le meeting
comme avant, c’était la date où nous sommes allés rencontrer le ministre CLAES
à l’ambassade de Belgique à Kigali. Souvent, diplomatie oblige, parmi ces gens
qui avaient organisé, ces jeunes qui lançaient des pierres pour nous tuer, c’était
des MDR Power. Il y en avait de la CDR bien sûr, mais ils étaient aussi invités
parce qu’il faut toujours rechercher, vous comprenez, la façon de vivre ensemble
et de continuer le processus de pacification au Rwanda. Voilà. Donc, il y a
ces éléments dont je me rappelle. Vous savez, il y a beaucoup d’événements,
j’essaie en tout cas de me rappeler.
Le Président : Y a-t-il d’autres
questions de la part des parties ? Maître VERGAUWEN ?
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie,
Monsieur le président. Le témoin vient de nous parler des massacres commis par
le FPR. Ma seule question est celle-ci : « Est-il évident de dénoncer
ces massacres quand on vit au Rwanda ou quand on vit en Belgique ? ».
Le Président : Est-il facile ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Pardon ?
Le Président : Quand Monsieur
l’avocat dit : « Est-il évident de dénoncer… », je suppose qu’il
veut dire : « Est-il facile, est-il possible, ne prend-on pas certains
risques éventuellement lorsqu’on dénonce l’existence de massacres de la part
du FPR, que l’on soit au Rwanda ou que l’on soit en Belgique ? Est-ce qu’il
y a un danger à dénoncer ce genre de choses ? ».
Faustin TWAGIRAMUNGU : Mais
chacun doit mesurer la dimension de son courage. Moi, je l’ai fait tant à l’intérieur
du pays qu’ici. Pourquoi ? Parce que moi, je ne me considère pas comme
un être vivant presque. C’est tout.
Le Président : Et si vous ne vous
considérez pas…
Faustin TWAGIRAMUNGU : Non,
j’ai traversé beaucoup d’événements à tel point que les attaques du FPR, puisque
je dénonce ce qu’ils font, non, je ne sais pas, moi… je… non. Quand je vois
des gens, mes camarades, qui avaient accepté de créer un climat de convivialité,
de vivre ensemble, sont aujourd’hui tués ou qui ont été tués, franchement, je
me dis : « Mais qu’est-ce que je représente ? ». Donc, moi…
pour répondre en tout cas à la question de l’avocat, le 8 décembre 1994, j’ai
dénoncé publiquement ces faits. Je l’ai fait à la radio. J’ai fait une déclaration
assez fracassante à laquelle Monsieur KAGAME m’a répondu pour dire que je n’étais
rien, premier ministre sans fusil, c’est quoi, est-ce qu’il a combattu ?
Et puis euh… Il n’était pas… dans le Conseil des ministres, je n’ai jamais cessé
de dénoncer ces faits, souvent avec des documents à l’appui. Parce qu’il y a
des gens qui venaient chez moi, qui disaient : « Mais qu’est-ce que
vous pouvez faire pour nous si vous êtes premier ministre ? ». Il
y avait toujours des réponses : « Oui, les gens qui massacrent sont
des gens qui n’ont pas trouvé les leurs. Oui, les gens qui massacrent sont des
gens qui sont peut-être à demi-fous ». A cela, en tout cas, moi franchement,
si je m’étais livré avec le pouvoir que j’avais, à aller fusiller des gens
qui ont tué mes neveux, mes nièces et les enfants et mes grands frères et mes
belles-sœurs, écoutez, je ne l’ai pas fait. Est-ce que cela veut dire que je
ne suis pas victime ? Il y a des victimes au Rwanda, il y en a beaucoup
qui ne sont pas des militaires, qui n’avaient pas l’objectif de conquérir le
pouvoir par la violence, il y en a beaucoup et qui sont Tutsi et les autres
sont Hutu.
Donc, tuer franchement, ce serait vraiment du génocide, des Tutsi,
c’est condamnable, c’est un crime comme tant d’autres. Je manque même la qualification.
Ecoutez, nous voulons le pouvoir, il y a des façons de clamer ce pouvoir-là,
mais on ne peut pas continuellement raconter souvent des mensonges, on tue,
on ne tue pas. On tue parce qu’il y a ceci. Nous devons, si nous voulons être
des hommes dignes de ce pouvoir, assumer aussi nos responsabilités, je crois,
assumer nos responsabilités. S’il y a eu des massacres - parce qu’il y en a
eu - il faut l’accepter. Ne pas seulement dire : « Oui, il y a un
militaire qui a fait cela, on le met en prison, puis on cesse ». Il y aurait
beaucoup de choses à dire mais on ne peut pas le dire sur cette simple question.
Je pense qu’il faut plutôt l’écrire.
Le Président : D’autres questions ?
Maître CUYKENS ?
Me. CUYKENS : Oui, Monsieur
le président. L’ancien directeur général de la SORWAL était Monsieur Mathieu
NGIRIRA. Est-ce que vous pourriez demander au témoin s’il le connaît, et s’il
sait si c’était un proche du président le témoin 32 ?
Le Président : Connaissez-vous
ce Monsieur ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Oui,
je le connais très bien, il était de mon parti.
Le Président : Ce n’était pas
un proche de Monsieur le témoin 32 ou de la famille de Monsieur le témoin 32 ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Si
vous voulez que je réponde par non, oui ?
Le Président : C’est aussi
simple, oui.
Faustin TWAGIRAMUNGU : Alors,
je dirais tout simplement que ce Monsieur n’était pas proche du témoin 32,
pas du tout. Il a été nommé ministre parce qu’il avait les capacités, je crois,
et peut-être les journalistes m’obligent, mais ce Monsieur n’a jamais été proche
du témoin 32, je crois qu’ils se sont querellés au moins plus d’une fois.
Le Président : Une autre question ?
Maître BELAMRI ?
Me. BELAMRI : Oui, Monsieur le
président. Lors de son audition devant Monsieur le juge d’instruction, du 23
octobre 1995, le témoin a dit ceci en ce qui concerne…
Le Président : Non. L’audition
par le juge d’instruction, vous ne pouvez pas en donner lecture. Vous pouvez
rapporter son contenu mais pas la lire.
Me. BELAMRI : Tout à fait.
Le témoin parle de Monsieur Vincent NTEZIMANA et d’une réunion de négociation
qui s’est tenue à Bruxelles et il dit que dans un premier temps, il les a soutenus
dans leurs démarches même s’il a, par après, changé de bord. Est-ce qu’il peut
confirmer ce point de vue ?
Le Président : Vous vous
souvenez peut-être de cette réunion à Bruxelles, d’une conférence, de l’attitude
qu’avait Monsieur NTEZIMANA ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Monsieur
NTEZIMANA a suivi, il suivait en quelque sorte la conférence qui avait été organisée
ici entre les partis PL, PSD, MDR et le FPR. Mais on m’a posé des questions
bien précises, on m’a posé une question sur une conférence que nous avions donnée,
je ne me souviens plus où, en tout cas ici à Bruxelles. Me dire que Monsieur
NTEZIMANA ne vous aurait pas respectés, moi je n’étais pas venu ici pour être
respecté. Sur cette question, si par après, Monsieur NTEZIMANA estimait qu’il
n’est plus membre du parti MDR, à mon point de vue, je crois qu’il n’était pas
partisan de ce parti-là, c’est tout. Donc, tout en poursuivant peut-être dans
son parti le processus de démocratisation, l’entente entre les composantes de
la nation rwandaise, il peut le faire en dehors du MDR aussi, mais il n’était
plus au MDR, c’est ce que j’ai voulu exprimer.
Le Président : Voilà.
Me. BELAMRI : Une autre question,
Monsieur le président. Pourriez-vous demander au témoin si, comme il le dit,
ils n’ont plus été par la suite, dans la même formation politique ? S’ils
ont peut-être même été adversaires politiques, il a considéré Monsieur Vincent
NTEZIMANA alors comme extrémiste ?
Le Président : Quand vous entendez
extrémiste, je suppose que vous voulez savoir si Monsieur TWAGIRAMUNGU
a considéré que l’attitude de Monsieur NTEZIMANA pouvait être Hutu Power. Selon
ce que vous savez de l’engagement politique de Monsieur NTEZIMANA, considérez-vous
que cet engagement-là, après qu’il ait quitté votre parti ou la tendance de
votre, parti, ait été, selon ce que vous en savez, ce que vous en pensez, vous,
pas de ce qu’on peut avoir raconté dans les journaux par exemple, est-ce qu’il
était de cette tendance Hutu Power ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Je
ne pouvais pas me l’imaginer. Du temps que j’ai connu Monsieur NTEZIMANA,
je ne l’ai pas trouvé Power. Et d’ailleurs son petit parti, qu’il m’excuse en
tout cas, c’est… c’est aussi souvent que je me rappelle de l’existence
de son parti. Qui y appartenait ? Quels sont les membres de son petit parti
qu’ils avaient créé ? Ce parti-là ne nous inquiétait pas du tout. Le parti
qui nous inquiétait ou les partis qui nous inquiétaient, nous les connaissons.
C’est la CDR… et le MRND. Mais dans mes analyses, je ne prendrais pas toute
personne du MRND comme étant génocidaire, tueur, tout ce que voulez, ou prendre
tous les Hutu comme étant les… Bref, je n’ai pas connu Monsieur NTEZIMANA comme
extrémiste en dehors ou en dedans du parti MDR.
Le Président : Bien. D’autres
questions ? Les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ?
Monsieur TWAGIRAMUNGU, est-ce bien les accusés ici présents dont vous avez voulu
parler ? Cette question veut simplement dire ceci : confirmez-vous
vos déclarations ?
Faustin TWAGIRAMUNGU : Bien
entendu, je les confirme, Monsieur le juge.
Le Président : Les parties étant
d’accord, vous pouvez disposer librement de votre temps. La Cour vous remercie.
Nous devons encore entendre Monsieur MATATA. Est-ce que vous souhaitez 10 minutes
de suspension ? Vous êtes prêts à continuer ? Eh bien, Vous pouvez
faire approcher Monsieur MATATA. |
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