assises rwanda 2001
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Instruction générale d'audience Audition témoins de contexte compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction générale d’audience > Audition témoins de contexte > W. Defillet, assistant social
1. C. Braeckman, journaliste 2. F. Reyntjens, juriste 3. A. Desforges, historienne 4. G. Sebudandi, journaliste 5. Y. Mukagasana, écrivain 6. R. Zacharia, médecin 7. J.P. Chrétien, historien, J.F. Dupacquier, journaliste 8. F. Twagiramungu, ex premier ministre rwandais 9. J. Matata 10. C. Vidal, historienne, sociologue 11. C. De Beul, ingénieur technicien 12. W. Defillet, assistant social 13. E. Vandenbon, assistante sociale 14. A. Vandeplas, magistrat retraité 15. le témoin 39, ex militaire de l’APR 16. le témoin 135 17. Explication suite déroulement procès 18. le témoin 41, sociologue 19. F.X. Nsanzuwera, ex procureur République à Kigali 20. A. Guichaoua, sociologue et commentaires A. Higaniro
 

5.5.12. Témoin de contexte : Wilfried DEFILLET, assistant social

Le Président : L’audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place. Monsieur DEFILLET est là ? Monsieur DEFILLET peut approcher ? C’est lui qui souhaitait une interprète ? Je vais vous demander, Madame, d’approcher pendant ce temps-là. Vous devriez peut-être prendre un des micros ! Quels sont vos nom et prénom ?

L’Interprète : Kris VAN GRIMBERGHEN.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

L’Interprète : 28 ans.

Le Président : Quelle est votre profession ?

L’Interprète : Interprète.

Le Président : Quelle est votre commune de domicile ou de résidence ?

L’Interprète : Hoeilaart.

Le Président : Etes-vous témoin, juge ou juré dans la présente affaire ?

L’Interprète : Non.

Le Président : Je vais vous demander de bien vouloir prêter le serment d’interprète.

L’Interprète : Je jure de fidèlement traduire les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages différents.

Le Président : Je vous remercie. Je vous nomme interprète et vous voudrez donc bien prendre place à côté du témoin, Monsieur DEFILLET.

Madame l’interprète, voulez-vous bien demander au témoin quels sont ses nom et prénom ?

Wilfrid DEFILLET : Wilfried DEFILLET.

Le Président : Quel est son âge ?

Wilfried DEFILLET : 46.

L’Interprète : 46 ans.

Le Président : Sa profession ?

Wilfried DEFILLET : Sociaal assistent

L’Interprète : Assistant social.

Le Président : Sa commune de domicile ou de résidence ?

Wilfried DEFILLET : Antwerpen.

L’Interprète : Anvers.

Le Président : Connaissait-il les accusés avant les faits mis à leur charge, c’est-à-dire, avant le mois d’avril 1994 ?

Wilfried DEFILLET : Ik ken ze niet, nee.

L’Interprète : Non, je ne les connais pas.

Le Président : Est-il parent ou allié des accusés ou des parties civiles ?

Wilfried DEFILLET : Neen, ik ben het niet.

L’Interprète : Non, je ne le suis pas.

Le Président : Est-il attaché au service des accusés ou des parties civiles ?

Wilfried DEFILLET : Neen, ben ik niet, nee.

L’Interprète : Non, pas non plus.

Le Président : Voulez-vous bien l’inviter à lever la main droite et à prononcer le serment de témoin que vous voudrez bien traduire ?

Wilfried DEFILLET : Ik zweer dat ik zal spreken zonder haat en zonder vrees, de gehele waarheid te zeggen en niets dan de waarheid.

L’Interprète : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie, Madame l’interprète. Vous voulez bien prendre place à côté du témoin ? Voulez-vous, Madame, demander au témoin si au mois d’avril 1994 il se trouvait au Rwanda ?

Wilfried DEFILLET : Ik was er, ja.

L’Interprète : Oui, j’y étais.

Le Président : A quel titre ?

Wilfried DEFILLET : Ik was ontwikkelingswerker in Rwanda.

L’Interprète : Je travaillais en développement social au Rwanda.

Le Président : A quel endroit du Rwanda se trouvait-il plus précisément ?

Wilfried DEFILLET : Ik werkte op dat moment in Kigali, maar mijn familie verbleef in Gisenyi.

L’Interprète : Je travaillais, à ce moment-là, à Kigali mais ma famille résidait à Gisenyi.

Le Président : Peut-il exposer de quoi il a été témoin au mois d’avril 1994 ?

Wilfried DEFILLET : In april ’94, was ik op het moment van het uitbreken van de evenementen…

L’Interprète : Au moment de l’irruption des événements en avril 1994…

Wilfried DEFILLET : …verbleef ik in Kigali.

L’Interprète : …je résidais à Kigali.

Wilfried DEFILLET : Wij zijn getuigen geweest van de moordpartijen.

L’Interprète : Nous avons été témoins des assassinats.

Le Président : Monsieur DEFILLET a-t-il côtoyé de manière proche, la population rwandaise ?

Wilfried DEFILLET : Ik heb daar vijf jaar gewoond, ja.

L’Interprète : J’y ai habité pendant cinq ans, oui.

Le Président : A quel moment est-il arrivé au Rwanda ?

Wilfried DEFILLET : Ik ben in ’89 in Rwanda aangekomen.

L’Interprète : Je suis arrivé au Rwanda en 1989.

Le Président : Le témoin a donc connu notamment l’attaque du FPR du 1er octobre 1990 ?

Wilfried DEFILLET : Ja.

L’Interprète : Oui.

Le Président : Est-ce qu’il peut expliquer quels étaient les sentiments des gens, de la population rwandaise qu’il fréquentait à ce moment-là ?

Wilfried DEFILLET : Ik moet u zeggen dat ik ben toegekomen in Rwanda op het moment dat het land een vreedzaam land was.

L’Interprète : Je dois vous dire que je suis arrivé au Rwanda au moment où le Rwanda était un pays paisible.

Wilfried DEFILLET : En ik herinner me heel goed dat eind september, ik kwam net terug van  mijn verblijf in België…

L’Interprète : Et je me rappelle très bien que fin septembre, je revenais d’un court séjour en Belgique…

Wilfried DEFILLET : …en dan de 1ste oktober zijn de evenementen begonnen en dat gaf werkelijk een schok in het land.

L’Interprète : …et alors, c’est le 1er octobre que les événements ont débuté et cela a vraiment été un choc dans ce pays.

Le Président : Quel était le sentiment des gens qu’il côtoyait à l’époque ? Est-ce qu’ils avaient peur ? Est-ce qu’ils se sentaient agressés par une ethnie ? Est-ce qu’ils se sentaient agressés par une armée ? Est-ce qu’ils se sentaient agressés par des étrangers ?

Wilfried DEFILLET : Helemaal in het begin, toen de evenementen net begonnen…

L’Interprète : Tout à fait au début, quand les événements venaient de débuter…

Wilfried DEFILLET : …hadden de mensen inderdaad schrik…

L’Interprète : …les gens avaient peur…

Wilfried DEFILLET : …maar ik kan niet zeggen dat het was omwille van hun ethnie, nee.

L’Interprète : …mais je ne sais pas dire que c’était en raison de leur ethnie.

Le Président : Y a-t-il eu, entre 1990 et 1994, par ce qu’a pu apprendre de ses contacts dans la population le témoin, une évolution des sentiments de cette population ?

Wilfried DEFILLET : Ja. Ik zal er wat toelichting bijgeven.

L’Interprète : Oui. Je vous donnerai un peu plus d’explications sur ce point-là.

Wilfried DEFILLET : Ik denk in het begin was er een algemene schrik van de mensen.

L’Interprète :  Au début, il y avait une peur générale parmi les gens…

Wilfried DEFILLET : …en ook een afwijzing van het ja zeg maar FPR dat dus in het noorden het land was binnengevallen.

L’Interprète : …et aussi un rejet du FPR qui venait d’envahir le pays du Nord.

Wilfried DEFILLET : Ik weet ook in het begin, en dat vind ik toch wel belangrijk…

L’Interprète : …et aussi au début, et je trouve cela très important…

Wilfried DEFILLET : Het land… dus Rwanda was nog vóór de inval van het FPR begonnen met een dialoog, met een discussie over de invoering van de democratie.

L’Interprète : Avant l’envahissement, le pays Rwanda avait commencé un dialogue sur la démocratisation.

Wilfried DEFILLET : En ik herinner me dat ook na de inval dat mensen zeiden van nee, we moeten op vreedzame manier proberen uit deze impasse te geraken.

L’Interprète : Et je me rappelle très bien qu’après l’attaque, les gens disaient aussi que non, nous devons continuer à essayer de sortir de cette impasse de manière paisible.

Wilfried DEFILLET : Ik denk dan gaandeweg is de sfeer echter verstrakt omwille van bepaalde incidenten…

L’Interprète : Mais, au fur et à mesure l’atmosphère s’est un peu raidie à cause de certains incidents…

Wilfried DEFILLET : …onder andere het feit dat er een aantal aanvallen gebeurd zijn op Byumba en een aantal mensen ontheemd werden en dus op de vlucht moesten van hun eigen huizen.

L’Interprète : …en raison du fait qu’il y a eu des attaques sur Byumba et que certaines personnes ont dû s’enfuir de leurs maisons, elles n’avaient plus de maison, elles étaient dépaysées.

Wilfried DEFILLET : En die mensen die verbleven op een bepaald moment, tot net voor Kigali, dus die waren zichtbaar voor iedereen.

L’Interprète : Et ces gens, ils résidaient alors à un certain moment, juste avant Kigali, tout le monde pouvait les voir.

Wilfried DEFILLET : Een andere gebeurtenis is de staatsgreep in Burundi…

L’Interprète : Un autre événement est le coup d’Etat au Burundi…

Wilfried DEFILLET : In 1993 en toen heb ik inderdaad ook heel sterk aangevoeld dat mensen zeiden kijk het gaat niet werken.

L’Interprète : Et c’était donc en 1993 et c’est à ce moment-là que moi-même j’ai très fort senti que les gens pensaient que cela n’allait jamais marcher.

Wilfried DEFILLET : Op dat moment kon je dus inderdaad het verschil voelen tussen ethnieën.

L’Interprète : A ce moment-là, on sentait la différence entre les ethnies.

Le Président : Est-ce que le témoin peut préciser si ce sentiment était un sentiment qui venait profondément de la population ou si c’était un sentiment qui était entretenu dans la population, notamment par des journaux, la radio ?

Wilfried DEFILLET : Het zal waarschijnlijk dubbel geweest zijn.

L’Interprète : C’était sans doute un double fait.

Wilfried DEFILLET : Maar ik ben er ook van overtuigd dat het leefde bij de mensen.

L’Interprète : Mais je suis convaincu du fait que cela vivait chez les gens même.

Wilfried DEFILLET : Ik herinner me dat in Gisenyi waar ik op dat moment werkte…

L’Interprète : Je me rappelle qu’à Gisenyi où je travaillais à ce moment-là…

Wilfried DEFILLET : …een aantal mensen een fonds NDADAYE openden…

L’Interprète : …certaines personnes avaient ouvert un fonds NDADAYE…

Wilfried DEFILLET : …dat steun moest geven aan de gevolgen van de oorlog.

L’Interprète :  …et ce fonds devait donner de l’appui aux conséquences de la guerre.

Wilfried DEFILLET : En ik herinner me ook op het grote ronde punt in Kigali…

L’Interprète :  Et je me rappelle très bien au grand rond-point à Kigali…

Wilfried DEFILLET : …dat de mensen foto’s van NDADAYE verkochten…

L’Interprète : …les gens distribuaient, enfin vendaient des photos de NDADAYE…

Wilfried DEFILLET : …en ook in gesprekken onderling kwam het naar boven.

L’Interprète : …et aussi, dans les conversations entre les gens, cela surmontait.

Le Président : Selon le témoin, les événements qui vont se dérouler à partir du 6 avril 1994, et plus précisément à partir du 7 avril, le matin du 7 avril 1994, qui vont conduire à des tueries massives, cela venait du fond de la population, une espèce de mise en marche, de mise en route venant du profond de la population ou est-ce que c’était quelque chose d’organisé et imposé peut-être à la population ?

Wilfried DEFILLET : Ik denk ook dat het antwoord dubbel is.

L’Interprète : Je pense aussi que la réponse est double.

Wilfried DEFILLET : Wat ik hoorde was dat er inderdaad een aantal mensen ja… bepaalde activiteiten voorbereid hebben…

L’Interprète : J’entendais que certaines personnes ont préparé certaines activités…

Wilfried DEFILLET : …maar ik ben er ook van overtuigd dat voor bepaalde mensen het uit hun hart kwam.

L’Interprète : …mais je suis aussi d’opinion que pour certaines personnes, cela venait droit du cœur…

Wilfried DEFILLET : Want ik heb gehoord van mensen vooraf die zeiden : Die en die familie, hun zonen hebben het FPR gevoegd en die gaan nu tegen ons vechten.

L’Interprète : Puisque j’entendais des gens qui disaient : « Voilà, ces familles-là, il y a là des fils qui ont rejoint le FPR et ils vont nous battre ».

Le Président : Il y aurait donc eu, selon le témoin, à la fois un mouvement spontané de certaines personnes de la population et aussi un mouvement organisé ?

Wilfried DEFILLET : Kijk, ik denk dat er inderdaad gedurende de vier jaren die de evenementen vooraf zijn gegaan…

L’Interprète : Je pense que pendant les quatre années qui ont précédé les événements…

Wilfried DEFILLET : …dat de sfeer zo grondig verpest is geworden…

L’Interprète : …l’atmosphère s’est détériorée de telle manière que…

Wilfried DEFILLET :  …dat bepaalde mensen inderdaad heel gemakkelijk zijn overgegaan tot die slachtpartijen.

L’Interprète : …de telle manière que certaines personnes ont pu faire de tels massacres.

Wilfried DEFILLET : Maar ik heb ook gehoord van bepaalde mensen…

L’Interprète : …Mais, j’ai également entendu d’autres personnes…

Wilfried DEFILLET : …dus onder andere professor REYNTJENS of de voormalige belgische ambassadeur in Rwanda…

L’Interprète : …le professeur REYNTJENS ou l’ancien ambassadeur belge au Rwanda…

Wilfried DEFILLET : …dat daar inderdaad ook door bepaalde mensen voorbereidingen zijn gebeurd.

L’Interprète : …que certaines personnes ont en effet fait des préparations.

Wilfried DEFILLET : Dus wie ben ik om dat tegen te spreken ?

L’Interprète : Mais, qui suis-je pour le contredire ?

Le Président : Le témoin a-t-il personnellement assisté à des meurtres ?

Wilfried DEFILLET : Gezien, ja, ik heb moorden zien gebeuren, ja.

L’Interprète : Oui, j’ai vu des meurtres se passer.

Le Président : Dans les meurtres que le témoin a vus, les auteurs de ces meurtres étaient-ils, je dirais, des gens comme cela, de la rue ou est-ce que c’étaient des militaires ? Est-ce que c’étaient des gardes présidentiels ? Est-ce que c’étaient des gens armés de fusils ? Est-ce que c’étaient des gens faisant partie de milices de partis politiques ? Ou, au contraire, je dirais, entre des gens organisés, des gens qui n’étaient pas organisés et qui commettaient des meurtres de manière quasiment spontanée ?

Wilfried DEFILLET : De moorden die ik heb zien gebeuren…

L’Interprète : Les meurtres dont j’ai été témoin…

Wilfried DEFILLET : …zijn uitgevoerd door de Zwarte Baretten.

L’Interprète :  …ont été exécutés par les Barrettes noires.

Le Président : Il peut préciser ce que c’est les Barrettes noires ?

Wilfried DEFILLET : De Zwarte Baretten zijn de militairen.

L’Interprète : Les Barrettes noires, ce sont les militaires.

Wilfried DEFILLET : Ik weet niet tot welke divisie zij behoren, maar het zijn de militairen.

L’Interprète : Je ne sais pas à quelle division ils appartiennent, mais c’étaient des militaires.

Le Président : Des militaires de l’armée rwandaises ou des militaires du FPR ?

Wilfried DEFILLET : Ja.

L’Interprète : De l’armée rwandaise, oui.

Le Président : Les victimes que le témoin a vues, étaient-elles toutes de l’ethnie Tutsi ou certaines de ces victimes étaient-elles de l’ethnie Hutu ?

Wilfried DEFILLET : Ik denk, maar ik durf het niet met zekerheid zeggen, dat het Hutu’s waren.

L’Interprète : Je pense, mais je n’ose pas le dire avec fermeté, que c’étaient des Hutu.

Le Président : Le témoin connaissait-il personnellement certaines de ces victimes ?

Wilfried DEFILLET : Van die mensen die ik heb zien neerschieten, neen.

L’Interprète : De ces gens que j’ai vu abattre, non.

Le Président : Ces meurtres ont eu lieu à quel endroit et à quelle époque ?

Wilfried DEFILLET : Het was de zaterdag nadat de evenementen begonnen zijn…

L’Interprète : C’était le samedi, après que les événements ont débuté…

Wilfried DEFILLET : …en het gebeurde aan de overkant van de straat waar wij op dat moment verbleven.

L’Interprète : …cela s’est passé de l’autre côté de la rue où nous résidions à ce moment-là.

Le Président : C’est à Kigali ?

Wilfried DEFILLET : Kigali, in Kiyovu, een wijk in Kigali.

L’Interprète : A Kigali, Kiyovu, c’est un quartier à Kigali.

Le Président : Y avait-il à ce moment-là à Kigali des barrières, des barrages sur les routes ?

Wilfried DEFILLET : Er waren inderdaad barrages.

L’Interprète : Oui, il y avait des barrages.

Le Président : Qui tenait, selon ce que le témoin a vu, qui tenait ces barrières, ces barrages ? Est-ce que c’était l’armée ? Est-ce que c’étaient des milices ? Est-ce que c’étaient des gens sortis de leurs maisons pour s’installer sur les barrières ?

Wilfried DEFILLET : Het waren burgers, maar ik kan niet meer preciseren.

L’Interprète : C’étaient des civils mais je ne sais pas donner plus de précisions.

Le Président : Est-ce que ces civils étaient munis d’armes à feu ou d’autres armes, des armes blanches, des lances, des machettes, des couteaux ?

Wilfried DEFILLET : Ik heb er gezien met machettes.

L’Interprète : J’en ai vu avec des machettes.

Le Président : Des questions à poser au témoin ?

Me. WAHIS : Quels commentaires faisait-on au sujet des massacres de Tutsi qui ont eu lieu entre 1990 et 1993 ?

Wilfried DEFILLET : Ik begrijp uw vraag niet.

L’Interprète : Je ne comprends pas très bien votre question.

Me. WAHIS : Entre 1990 et 1993, il semble qu’il ait existé des massacres d’un nombre important de Tutsi, notamment dans le nord du Rwanda. Est-ce qu’on commentait ceux-ci dans les milieux que vous fréquentiez ?

L’Interprète : Des massacres sur les Tutsi ou perpétrés par des Tutsi ?

Me. WAHIS : De Tutsi, dont les Tutsi étaient les victimes.

Wilfried DEFILLET : Ik weet eigenlijk niet op welk tijdstip u allusie maakt.

L’Interprète : Je ne sais pas exactement à quelle époque vous faites allusion.

Me. WAHIS : En 1991, 1993 notamment, je n’ai pas les dates exactes sous les yeux.

Wilfried DEFILLET : Helemaal in het begin, dan zijn er evenementen geweest die blijkbaar achteraf ook in scène zijn gezet…

L’Interprète : Tout à fait au début, il paraît qu’il y a eu des événements qui ont été mis en scène…

Wilfried DEFILLET : …en waarbij heel wat Tutsi’s opgepakt zijn…

L’Interprète : …lors desquels beaucoup de Tutsi ont été arrêtés…

Wilfried DEFILLET : …en waar achteraf een aantal mensen van gezegd hebben van dit had niet mogen gebeuren…

L’Interprète : …et desquels beaucoup de personnes ont dit par la suite que cela n’aurait pas pu se passer…

Wilfried DEFILLET : …omdat het op dat moment een tendens veroorzaakte.

L’Interprète : …puisque cela a causé à ce moment-là une tendance.

Wilfried DEFILLET : Maar langzamerhand kwam die tegenstelling Hutu-Tutsi toch op.

L’Interprète : Mais, petit à petit la contradiction entre Hutu et Tutsi surgissait quand même.

Wilfried DEFILLET : Ik moet u zeggen, vóór ’90 was er eigenlijk, voor zover dat ik dat hoorde, geen sprake van Hutu-Tutsi.

L’Interprète : Mais, je dois vous dire avant 1990, pour autant que moi je l’ai entendu, il n’y avait pas cette division Hutu-Tutsi.

Wilfried DEFILLET : En stilletjes aan veranderde dat en kwamen er echte tegenstellingen.

L’Interprète : Et petit à petit, cela a changé, il y a eu vraiment des contradictions.

Me. WAHIS : Une autre question, si vous le permettez. Est-ce que vous écoutiez la radio en 1993 et 1994 ?

Wilfried DEFILLET : Dat gebeurde, ja.

L’Interprète : Oui, cela se passait.

Me. WAHIS : Est-ce que vous écoutiez soit radio Rwanda, soit RTLM ? La radiotélévision des Mille Collines ?

Wilfried DEFILLET : Neen, alleen maar radio Rwanda.

L’Interprète : Non, uniquement radio Rwanda.

Me. WAHIS : Est-ce que les discours qu’on tenait sur RTLM, on en a beaucoup parlé au cours des débats, est-ce que ces discours étaient fortement commentés dans les milieux que vous fréquentiez au Rwanda ?

Wilfried DEFILLET : Dat kwam soms ter sprake…

L’Interprète : On en parlait parfois…

Wilfried DEFILLET : …maar er werd dan ook dikwijls gezegd dat het tegenberichten waren voor radio Mohabura.

L’Interprète : …mais on disait souvent que c’étaient des messages qui allaient à l’envers de ce qu’on entendait sur radio Muhabura.

Le Président : Et radio Muhabura, c’était quoi ?

Wilfried DEFILLET : Het was de FPR zender.

L’Interprète : C’était la radio du FPR.

Wilfried DEFILLET : De zender die de FPR standpunten weergaf.

L’Interprète : Disons, la radio qui divulguait le point de vue du FPR.

Wilfried DEFILLET : Dus eigenlijk had je twee zenders.

L’Interprète : Donc, en fait il y avait deux radios.

Me. WAHIS : Ou même trois, puisqu’il y avait la radio du FPR, il y avait la radio des Mille Collines et il y avait radio Rwanda ?

Wilfried DEFILLET : Ja, ja.

L’Interprète : Oui.

Me. WAHIS : Donc, on ne faisait pas d’autres commentaires sur ce qu’on disait à RTLM ?

Wilfried DEFILLET : Wat dat betreft, in discussies werd er wel soms naar verwezen wat er gezegd werd…

L’Interprète : Lors de discussions, on faisait parfois référence à ce qui était dit…

Wilfried DEFILLET : …maar ik heb dikwijls ook moeten horen dat ik als Belg toch al partij had gekozen.

L’Interprète : …mais souvent j’ai dû entendre qu’en tant que Belge j’avais d’office déjà choisi parti.

Wilfried DEFILLET : Dan sloeg dat voornamelijk terug op uitspraken die hier in België waren gebeurd door bepaalde politiekers.

L’Interprète : Alors là, cela avait surtout trait à certains discours qui avaient été tenus par des hommes politiques.

Wilfried DEFILLET : Ik kan mij herinneren dat bijvoorbeeld een aantal Rwandezen het kwalijk namen dat bepaalde politiekers plotseling hun president bekritiseerden.

L’Interprète : Je sais très bien que certains Rwandais n’appréciaient pas que des hommes politiques avaient de la critique sur leur président.

Wilfried DEFILLET : En bepaalde politiekers die dan iets daarvoor nog op bezoek waren geweest en dan handjes hadden geschud.

L’Interprète : Des hommes politiques qui, peu de temps auparavant, avaient encore été visiter le président et avaient serré les mains avec la personne en question.

Wilfried DEFILLET : Bijvoorbeeld, ik kan mij herinneren dat de uitspraken van wijlen Mijnheer GOL in heel slechte aarde zijn gevallen bij bepaalde mensen.

L’Interprète : Je me rappelle très bien que les discours de feu Monsieur GOL, ont été mal accueillis par certaines personnes.

Wilfried DEFILLET : Dat werd regelmatig onder onze neus gewreven.

L’Interprète : Et on nous le reprochait souvent.

Wilfried DEFILLET : Ik had soms de indruk dat sommige mensen zich door België in de steek gelaten voelden. 

L’Interprète : J’avais parfois l’impression que les gens se sentaient abandonnés par la Belgique.

Wilfried DEFILLET : En ik denk te meer omdat bepaalde mensen, ook intellectuelen, zeiden van we waren begonnen met de democratisering, er was een open brief geweest…

L’Interprète : Certaines personnes, des intellectuels disaient qu’on avait quand même entamé la démocratisation, il y avait eu cette lettre ouverte…

Wilfried DEFILLET : Er was een open brief geweest met als titel « Pour le multipartisme et la démocratie ».

L’Interprète : Il y avait eu cette lettre publique intitulée « Pour le démocratisme et le multipartisme ».

Wilfried DEFILLET : Die discussie was begonnen, zij begrepen niet dat plotseling werd gezegd dat Rwanda een dictatuur was.

L’Interprète : Cette discussion avait déjà été entamée, alors ils ne comprenaient pas pourquoi on disait tout à coup que le Rwanda était une dictature.

Me. WAHIS : Et au sujet de ce qui se disait à cette radio RTLM, vous n’avez pas entendu parler ou on ne commentait pas à l’époque de façon abondante disant ce qui semble avoir été des appels à agresser les Tutsi et non seulement le FPR, mais apparemment, on parlait de l’ennemi comme étant l’ennemi intérieur, les Tutsi, sur cette radio, de façon régulière ?

Wilfried DEFILLET : Kijk, ik moet zeggen dat bepaalde mensen waarmee ik omging…

L’Interprète : Je dois dire que certaines personnes que je fréquentais…

Wilfried DEFILLET : …dat altijd naar mij toe wat probeerden te minimaliseren.

L’Interprète : …essayaient toujours de minimaliser ces choses envers moi.

Wilfried DEFILLET : En zeggen van dat zijn bepaalde outliners.

L’Interprète : Elles disaient simplement que c’était le noyau dur.

Wilfried DEFILLET : En eigenlijk mij ook een stukje probeerden daarvan af te schermen.

L’Interprète : Et c’est comme s’ils voulaient me cacher un peu de ces choses.

Me. WAHIS : Est-ce qu’il était possible du cacher ? Est-ce que toute la population n’écoutait pas RTLM ?

Wilfried DEFILLET : Neen, ik bedoel in de discussies.

L’Interprète : Non, je veux dire de ne pas en parler dans les discussions.

Wilfried DEFILLET : Zij probeerden dat naar mij toe altijd te minimaliseren.

L’Interprète : A mon égard, ils essayaient du minimaliser.

Wilfried DEFILLET : Dat was ook zo als er werd gesproken over de akkoorden van Arusha.

L’Interprète : Egalement quand on parlait des accords d’Arusha.

Wilfried DEFILLET : Mensen die zeiden wij moeten teveel prijs geven, wij moeten teveel toegeven.

L’Interprète : Les gens disaient qu’ils devaient faire trop de concessions…

Wilfried DEFILLET : …maar als ik dan zei maar er is ook geen andere weg dan onderhandelingen en geven en nemen…

L’Interprète : …mais quand je leur faisais la remarque qu’en fait il n’y avait pas d’autre voie que la voie des négociations et des concessions…

Wilfried DEFILLET : …dan heeft niemand tegen mij gezegd jawel er is wel een alternatief, nl. « tabula rasa » maken.

L’Interprète : …personne ne m’a dit ici qu’il y a quand même une autre alternative, faire « table rase ».

Le Président : D’autres questions ? Maître VERGAUWEN ?

Me. VERGAUWEN : Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, au début de son intervention, vous aurez remarqué que le témoin nous a parlé de Monsieur Melchior NDADAYE et des photos de Monsieur NDADAYE que l’on distribuait à Kigali. Ma question est la suivante : peut-il nous dire qui était Monsieur NDADAYE ? Peut-il nous parler de ce qui s’est passé au Burundi en juin 1993 et également de ce qui s’est passé le 21 octobre très précisément 1993 au Burundi  et des conséquences que la crise burundaise a pu avoir sur la crise rwandaise ?

Wilfried DEFILLET : NDADAYE  was op dat moment de president van Burundi…

L’Interprète : NDADAYE était à ce moment-là le président du Burundi…

Wilfried DEFILLET : …in 1993.

L’Interprète : …en 1993.

Wilfried DEFILLET : Hij was de eerste Hutu president.

L’Interprète : C’était le premier président Hutu.

Wilfried DEFILLET : Die ik denk ongeveer zes maanden president is geweest.

L’Interprète : Je crois qu’il a été président pendant six mois.

Wilfried DEFILLET : En dan in oktober ’93 is hij gedood in een staatsgreep.

L’Interprète : En octobre 1993, il a été tué lors d’un coup d’Etat.

Wilfried DEFILLET : Het hele vredesproces dat zich ook in Burundi afspeelde…

L’Interprète : Tout le processus de paix qui s’est aussi déroulé au Burundi…

Wilfried DEFILLET : …werd aandachtig gevolgd in Rwanda.

L’Interprète : …était attentivement suivi au Rwanda.

Wilfried DEFILLET : En ik denk dat de staatsgreep in Burundi een soort van ja toch een breekpunt is geworden in Rwanda.

L’Interprète : Je pense quand même que le coup d’Etat au Burundi a été un point de changement au Rwanda.

Wilfried DEFILLET : Ik denk op dat moment dat er heel veel mensen hun geloof  in het vredesproces hebben verloren.

L’Interprète : Je pense que c’est à ce moment-là que beaucoup de personnes ont perdu leur confiance dans le processus de paix au Rwanda.

Wilfried DEFILLET : En op dat moment kwamen ook zo de tegenstellingen naar boven Hutu-Tutsi.

L’Interprète : Et c’est à ce moment-là aussi qu’ont surgi les contradictions entre les Hutu et les Tutsi.

Wilfried DEFILLET : En toen hebben heel veel mensen gezegd : “ Het zal niet lukken, we kunnen geen vreedzame oplossing bekomen”.

L’Interprète : Et c’est là que beaucoup de personnes ont dit : « Voilà cela ne va jamais marcher, on ne va jamais trouver une solution paisible ».

Wilfried DEFILLET : Er werd dan ook gezegd, volgens de Arusha akkoorden zou het FPR 40%, denk ik, maar ik ben het juiste getal kwijt, 40% van de effectieven in het nieuwe leger krijgen.

L’Interprète : Et d’ailleurs, d’après les accords d’Arusha, le FPR aurait 40% mais je ne veux pas me prononcer sur les chiffres, mais aurait 40% des effectifs dans l’armée.

Wilfried DEFILLET : En ik weet dat een aantal mensen rondom mij zeiden van dat is een té zware aanwezigheid, dat gaan ze ooit gebruiken om de totale macht te grijpen.

L’Interprète : Et je sais que certaines personnes dans mon entourage ont dit que c’était une présence beaucoup trop lourde, ils vont certainement utiliser cette présence pour obtenir la force totale, l’autorité totale.

Le Président : Une autre question ?

Me. VERGAUWEN : Dans le prolongement de ce que j’ai demandé au témoin. Suite à l’assassinat du président NDADAYE qui était donc le premier président Hutu élu au suffrage universel, qui a été assassiné le 21 octobre 1993 par des membres de l’armée, que s’est-il passé au Burundi ? Est-ce qu’il y a eu des massacres au Burundi ?

Wilfried DEFILLET : Ik denk dat in Burundi de slachtpartijen al van daarvoor bezig waren.

L’Interprète : Moi, je pense que les massacres avaient déjà commencé auparavant au Burundi.

Wilfried DEFILLET : Ik herinner mij als ik pas ben aangekomen dat er in het zuiden van Rwanda, aan de grens van Burundi, heel wat vluchtelingen verbleven.

L’Interprète : Je me rappelle quand je suis arrivé au Rwanda, que dans le sud du Rwanda, à la frontière avec le Burundi, il y avait beaucoup de réfugiés…

Wilfried DEFILLET : …en dat was als gevolg van de slachtpartijen die net daarvoor hadden plaatsgevonden.

L’Interprète : …suite aux massacres qui venaient d’être perpétrés juste avant.

Wilfried DEFILLET : Het gebeurde daar regelmatig.

L’Interprète : Cela se passait régulièrement.

Me. VERGAUWEN : Je voudrais qu’il nous précise qui étaient ces réfugiés.

Wilfried DEFILLET : Dat waren Burundese Hutu’s.

L’Interprète : C’étaient des Hutu burundais.

Me. VERGAUWEN : Des Hutu burundais qui fuyaient les attaques menées par qui exactement ?

Wilfried DEFILLET : Aanvallen uitgevoerd door het Burundese leger…

L’Interprète : Ils fuyaient les attaques exécutées par l’armée burundaise…

Wilfried DEFILLET : …dat dus hoofdzakelijk uit Tutsi’s bestond.

L’Interprète : …qui était composée principalement de Tutsi.

Me. VERGAUWEN : Je vous remercie.

Le Président : D’autres questions ? S’il n’y a plus d’autres questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur DEFILLET, enfin Madame l’interprète, voulez-vous bien demander au témoin si c’est bien des accusés ici présents dont il a voulu parler et lui expliquer que cette question signifie en réalité le point de savoir s’il confirme ses déclarations ?

Wilfried DEFILLET : Oui.

L’Interprète : Ja… Oui.

Le Président : Hé bien… La Cour remercie le témoin qui peut disposer de son temps.

Wilfried DEFILLET : Merci bien.

Le Président : Le témoin MAES Monique qui était prévu ne s’est pas présenté. Les parties renoncent-elles à l’audition de ce témoin ? Je pense que… oui. Les parties renoncent-elles à l’audition de MAES Monique ?

Me. BELAMRI : Monsieur le président, nous nous avions le livre de Madame MAES et donc, nous pourrons peut-être déposer, à ce moment-là, une photocopie d’un extrait du livre qui nous semblait intéressant.

Le Président : Si vous le souhaitez.