7.3.1. Témoin de contexte: le témoin 153
Le Président : L’audience
est reprise. Vous pouvez vous asseoir et vous pouvez faire prendre place aux
accusés. Alors quels sont, Monsieur le greffier, les témoins présents ce matin
?
Le greffier : [Inaudible]
Le Président : Oui… Oui…
Bien. Donc Messieurs le témoin 3 et le témoin 12 ne sont pas présents, comme il fallait
s'y attendre. Euh… les parties renoncent-elles à l'audition de ces deux témoins
? Alors, on peut faire approcher Monsieur le témoin 153. Il sera peut-être
nécessaire d'avoir un interprète.
Monsieur le témoin 153, est-ce que vous parlez et comprenez parfaitement
le français ou préférez-vous avoir un interprète et vous exprimer en kinyarwanda
?
le témoin 153 : Je vais
parler en français.
Le Président : Oui ? Monsieur,
quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 153 : Je m'appelle
le témoin 153.
Le Président : Quel âge avez-vous
?
le témoin 153 : J'ai 41 ans.
Le Président : Je vais vous
demander de bien parler dans le micro, si vous voulez.
le témoin 153 : J'ai 41 ans.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
le témoin 153 : Je suis électricien
de formation, et je fais la fonction de chef de fabrication à la SORWAL, la
Société Rwandaise des Allumettes. C'est ça.
Le Président : Quelle est
votre commune de résidence ?
le témoin 153 : Je réside dans
la commune de Ngoma.
Le Président : Au Rwanda
?
le témoin 153 : Oui, au Rwanda.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains des accusés depuis avant le mois d’avril 1994 ?
Connaissiez-vous Monsieur NTEZIMANA, Monsieur HIGANIRO, Madame MUKANGANGO ou
Madame MUKABUTERA.
le témoin 153 : Je connais Monsieur
Alphonse HIGANIRO qui fût mon directeur général.
Le Président : C'est ça.
Vous n'êtes pas de la famille des accusés, et vous n'êtes pas de la famille
des parties civiles ?
le témoin 153 : Non.
Le Président : Vous ne travaillez
pas, actuellement en tout cas, pour les accusés ou pour les parties civiles
?
le témoin 153 : Non.
Le Président : Bien. Je vais
vous demander alors de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment
de témoin.
le témoin 153 : Je jure de parler
sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Je vous remercie,
vous pouvez vous asseoir Monsieur le témoin 153. Monsieur le témoin 153, vous êtes… vous travaillez
toujours à la SORWAL actuellement ?
le témoin 153 : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Vous y travailliez
déjà comme chef de fabrication depuis, semble-t-il, 1980 ?
le témoin 153 : Disons depuis
1987, parce que c'est à cette année-là que la SORWAL fût créée, au 2 décembre
87.
Le Président : Avant vous
travaillez….
le témoin 153 : Avant, c'était
l'usine d'allumettes de Butare.
Le Président : C’est ça,
donc…
le témoin 153 : Et là, à ce
moment-là, j'étais chef de section.
Le Président : D'accord.
Monsieur HIGANIRO est devenu le directeur général de la SORWAL en 1992.
le témoin 153 : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Vous avez
donc eu, dans le cadre de vos… de votre travail, des contacts avec Monsieur
HIGANIRO, à partir de 1992 ?
le témoin 153 : Oui, on avait
des contacts d'ordre professionnel.
Le Président : C'est ça.
Vous ne le rencontriez pas en dehors de vos activités professionnelles ?
le témoin 153 : Non.
Le Président : Comment est-ce
que vous décririez le comportement, l'attitude de Monsieur HIGANIRO comme… comme
directeur de la SORWAL puisque c'est comme ça que vous le connaissiez ?
le témoin 153 : Oh, c'était
quelqu'un qui s'attachait bien à son travail, comme directeur général.
Le Président : Est-ce qu'il
avait un comportement particulier en ce qui concerne l'engagement du personnel
par exemple ?
le témoin 153 : HIGANIRO était
pratiquement un homme politique, proche du MRND. Alors, lorsqu'il est arrivé
à la SORWAL, il a engagé quelques individus qui, pratiquement, étaient du côté
MRND, en particulier.
Le Président : Vous pouvez
éventuellement citer des noms de personnes qu'il a engagées et qui étaient MRND ?
le témoin 153 : Je peux citer
entre autres CYIZA Léonard, NDAHIRIWE Nicolas, Innocent NkuyubWAtsi, Deo NKUNDIMANA
et Gérard SIMBUGA ainsi que d'autres.
Le Président : Est-ce que
ces engagements sont intervenus peu de temps avant les évènements du mois d'avril
1994 ou bien, c'était déjà plusieurs mois avant avril 94 ?
le témoin 153 : Ces engagements
ont eu lieu juste après son arrivée à la SORWAL, en 1992 et en 1993.
Le Président : Monsieur HIGANIRO
a, semble-t-il, quitté Butare dès le 7 avril 1994.
le témoin 153 : Oui, c'est vrai.
Le Président : En raison
de ce que son beau-père se trouvait dans l'avion présidentiel qui avait été
abattu, hein ? A partir du 7 avril 1994, l'usine semble avoir été fermée, ne
plus avoir travaillé en tout cas, entre le 7 avril et le début du mois de mai
1994.
le témoin 153 : Effectivement,
l'usine a été fermée depuis le 7 avril et elle a ouvert ses portes, le 9… le
9 mai de la même année.
Le Président : Le 9 mai 1994
?
le témoin 153 : Yes.
Le Président : C'est pas
un peu plus tôt vers le 2 mai, vous êtes sûr de la date ?
le témoin 153 : Non, c'est le
9 mai.
Le Président : Le 9 mai.
le témoin 153 : Et moi, j'étais
présent.
Le Président : Vous étiez
présent dès la réouverture…
le témoin 153 : A la réouverture,
oui.
Le Président : Euh… Monsieur
HIGANIRO était absent à la réouverture, le 9 mai.
le témoin 153 : Oui, il était
absent. Il était représenté par…
Le Président : Monsieur le témoin 21 ?
le témoin 153 : Monsieur le témoin 21
Martin qui était directeur technique.
Le Président : C'est ça.
C'est lui qui dirigeait l'entreprise en l'absence de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 153 : Oui.
Le Président : Savez-vous
si, entre le 7 avril 1994 et le 9 mai 1994, alors que l'usine était fermée,
ne travaillait pas, est-ce que des véhicules de la SORWAL ont été malgré tout
utilisés par des personnes, soit de la SORWAL, soit des personnes étrangères
à la SORWAL ?
le témoin 153 : Je n'en sais
rien mais ce que je peux dire c'est qu’ on m’a… on est venu nous demander
de retourner… regagner nos services. On a utilisé l'un des véhicules de la SORWAL.
Le Président : Donc ça c'est
oui, ça c'est à la reprise du travail, ça.
le témoin 153 : Une camionnette…
Oui, pour la reprise du travail, mais avant, je ne sais pas s'ils ont utilisé
ces véhicules.
Le Président : Est-ce qu'après
la reprise du travail, que vous situez, vous, le 9 mai 1994, les véhicules de
la SORWAL ont été réquisitionnés par l'armée ?
le témoin 153 : Oui, des fois
il y avait des perquisitions mais c'est le directeur technique qui s'en chargeait.
Le Président : Est-ce que
vous avez vu que ces véhicules étaient utilisés par des militaires avec des
Interahamwe à bord ?
le témoin 153 : Ces véhicules-là
étaient utilisés par le… enfin, on prenait le chauffeur de la SORWAL, c'est
lui qui conduisait le véhicule et ils allaient à destination inconnue.
Le Président : Donc, vous
ne savez pas qui se trouvait, à part le chauffeur de la SORWAL, à bord des véhicules
?
le témoin 153 : Oui.
Le Président : L'usine a,
semble-t-il, été gardée par des gens qui étaient des anciens militaires armés,
des gardiens armés, bien avant le mois d'avril 1994.
le témoin 153 : Oui, effectivement,
il y a… parmi les gens que Monsieur HIGANIRO a engagés, figuraient des militaires
armés. Ils faisaient la garde de l'usine. Il y avait d'autres qui… l'un était
son chauffeur et l'autre était son escorte. Un certain MUHUTU Ladislas qui était
sergent.
Le Président : C'est ça.
Pendant les évènements d'avril-mai, est-ce que les militaires étaient encore
là pour surveiller la SORWAL ? Enfin les militaires ou les gardes armés
?
le témoin 153 : Sauf ces militaires-là
qui étaient des réservistes qui montaient toujours la garde.
Le Président : Ils ont continué
à monter la garde pendant les évènements d'avril et mai 94 ?
le témoin 153 : Oui, oui.
Le Président : Vous avez
expliqué dans une audition au Rwanda que, à cette époque-là, ainsi qu'au mois
de juin 1994, une camionnette Daihatsu bleue aurait été mise à la disposition
des militaires des forces armées rwandaises, ainsi que de civils que les gens
appelaient les Interahamwe, par Monsieur le témoin 21, j'imagine, puisque Monsieur
HIGANIRO n'était pas là, mais vous dites que ce serait sur les instructions
de Monsieur HIGANIRO que cela aurait été fait. Alors, est-ce que ça a bien été
fait, cette mise à disposition de la camionnette Daihatsu et comment pouvez-vous
dire que c'était sur l'ordre de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 153 : A cette époque-là,
HIGANIRO s'entretenait avec le directeur technique. Alors, c'est lui qui… qui
lui donnait des ordres à suivre.
Le Président : Comment est-ce
qu'il entretenait des contacts avec le directeur technique, Monsieur HIGANIRO
?
le témoin 153 : Par téléphone
ou par… par lettre, par communication, par correspondance, si vous voulez.
Le Président : Est-ce que
le téléphone fonctionnait entre Butare et Gisenyi ?
le témoin 153 : Un peu avant,
le téléphone fonctionnait. Mais par après, on se communiquait par lettre.
Le Président : Avez-vous
eu connaissance, à l'époque, au mois de mai 1994, d'une lettre que Monsieur
HIGANIRO avait adressée à Monsieur le témoin 21 ?
le témoin 153 : Oui, Monsieur
le président…
Le Président : A cette époque
là, hein… Je dis pas que vous… maintenant, hein…
le témoin 153 : Oui, j’ai connu
cette lettre… une lettre… une des lettres, datée du 23 mai 1994.
Le Président : Vous avez
eu connaissance de cette lettre au mois de mai 1994 ?
le témoin 153 : Non, je… je
l'ai connu juste…
Le Président : Quand on vous
a interrogé à propos d'une lettre ?
le témoin 153 : Oui, oui.
Le Président : C'est ça.
le témoin 153 : C'est à ce moment-là
qu'on a dépouillé dans les bureaux du directeur technique, alors, on est tombé
dessus.
Le Président : D'accord.
Donc… mais au moment où cette lettre avait été écrite et reçue par Monsieur
le témoin 21, vous ne la connaissiez pas ?
le témoin 153 : Non.
Le Président : Monsieur le témoin 21
ne vous a pas parlé de cette lettre ?
le témoin 153 : Non, non.
Le Président : On vous a
interrogé à propos de cette lettre, notamment en ce qui concernait le mot « travailler »,
hein... On avait envoyé de l'essence à Monsieur HIGANIRO qui lui permettait
de travailler et vous avez dit que, pour vous, ce mot « travailler »
signifiait qu'il se livrait au trafic d'armes.
le témoin 153 : Le mot « travailler »,
euh… quand c'était dans les termes qu'on utilisait au moment du… du génocide,
ça signifiait tout simplement, tuer les gens.
Le Président : Vous avez
dit aussi que le mot « nettoyage », quand il était question, pour
la sécurité dans Butare, de poursuivre et d'achever le « nettoyage »,
que ce mot « nettoyage » signifiait aussi tuer ou éliminer les gens.
le témoin 153 : Oui, oui certainement.
Le mot « nettoyage », on l'utilisait dans… au moment où l'on devait
euh… faire la fouille un peu partout, voir s'il n'y avait pas des gens qui s'étaient
cachés par-ci par-là, et ces gens-là étaient surtout des Tutsi, des rescapés,
des gens qui avaient échappé aux tueries en masse. Alors ces gens-là, on faisait
le nettoyage. Autrement dit, on essayait d'éliminer les restes. C'est ce que
signifiait le mot « nettoyage » à cette époque-là.
Le Président : Vous savez
que Monsieur HIGANIRO, ainsi d'ailleurs que Monsieur le témoin 21, ont dit que le
mot « nettoyage », dans la lettre du 23 mai 1994, concernait le fait
que suite à l'aménagement d'une bananeraie qui se trouvait près du bâtiment
de la SORWAL, une bananeraie qui avait été aménagée en vue de construire par
la suite sur ce terrain des… des poulaillers ou des… des clapiers pour y mettre
des poules et des lapins pour nourrir le personnel… ça a bien existé, ça ? On a bien travaillé, oui ?
le témoin 153 : Cette parcelle-là
existait mais le mot « nettoyage » dont… dont parlait HIGANIRO dans
sa lettre, n'a aucun rapport avec le terrain dont… qu'on devait aménager pour
les poulaillers et les clapiers.
Le Président : Auriez-vous
eu connaissance que, au mois d'avril ou au mois de mai 1994, il y aurait eu
des fortes pluies qui auraient fait couler une partie de la terre de cette bananeraie
qu'on avait aménagée, à un point tel que la terre se serait répandue sur le
parking où le camion venait faire les chargements et déchargements ?
le témoin 153 : C'est faux parce
que le passage des véhicules, surtout des camions qui… qui nous ravitaillaient
en bois déroulable et qui faisaient le chargement des allumettes, le passage
était cimenté, bétonné, alors…
Le Président : Monsieur HIGANIRO
explique et Monsieur le témoin 21 explique aussi, que l'endroit où l'on avait aménagé
pour faire des poulaillers, l'ancienne bananeraie, avec les pluies, la terre
ou une partie de la terre de ce terrain, de ce champ, était venue jusque sur
le béton de la surface où le camion travaillait.
le témoin 153 : Non, c'est faux.
C’est faux et archi faux parce que cet endroit-là, on l'a aménagé avec des tracteurs
et la boue était juste amenée au coin de l'usine, sur l'autre côté du mur et
à cette partie-là…
Le Président : Il y avait
un caniveau.
le témoin 153 : Il n'y avait
pas la… Il n’y avait pas de boue. C'était propre.
Le Président : Vous n'avez
jamais vu de la boue sur le parking, à aucun moment ?
le témoin 153 : Il n'y avait
pas de boue. Il n'y avait pas de boue.
Le Président : Est-ce que
vous avez le souvenir, éventuellement, de fortes pluies au mois d'avril ou au
mois de mai 1994 ? Est-ce que c'est la saison des pluies, je sais pas ?
le témoin 153 : C'est pendant
la saison des pluies mais, à cette époque-là, les pluies n'étaient pas de grande
envergure.
Le Président : Donc pour
vous, cette boue, ça n'a jamais…
le témoin 153 : Il n'y a pas
eu de boue sur le terrain de déchargement ou de… les terrains où… qui étaient
pratiqués par les véhicules. Il n'y avait pas de boue. C'était cimenté, bétonné.
Le Président : Monsieur le témoin 153,
vous, personnellement, avez-vous été menacé par Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 153 : Une fois…
Le Président : Vous situez…
le témoin 153 : C'était… c'était
dans le cadre du service. A ce moment-là, bon, y a eu, je dirais, peut-être
des malentendus ou des ouï-dire. Déjà que j'étais parmi les gens qui devaient
monter une révolte… Donc, HIGANIRO, tout le temps, dès qu'il est arrivé à la
SORWAL, il avait peur des gens du Sud, si vous voulez, et moi je faisais partie
des gens du Sud, autrement dit un banyanduga en kinyarwanda. Alors, à ce moment-là, ils ont cru
que nous allions nous révolter contre lui, au moment où il a pris un certain
nombre d'employés qui sont allés quelque part dans une île appelée Makwaza,
non dans une île appelée Rwamusomanyi, là où il y avait une pisciculture nationale.
Alors au retour, puisque nous n'étions pas partis avec… avec eux, ils ont cru
que nous étions contre eux. Alors, ils ont profité euh… d'une situation de panne
à l'usine. Il y avait une partie de l'usine qui ne fonctionnait pas, il y avait
un relais électrique qui était brûlé. Alors, à ce moment-là, le directeur technique
devait faire de tout son mieux pour trouver un relais de remplacement et depuis
le matin jusqu'à 14 heures - c'est à ce moment-là que nous devions quitter l'usine
- il n'avait pas encore amené le relais. Alors, nous sommes rentrés et le lendemain,
ils ont dit que nous avions fermé les portes de l'usine pour…
Le Président : Pour empêcher…
le témoin 153 : Pour se soulever
contre le directeur général.
Le Président : C'est ça.
le témoin 153 : Oui. Alors,
à ce moment-là, j'ai reçu une lettre d'avertissement pour faute lourde. Et ce
qui est étonnant, c'est que, un peu après, on m'a adressé une lettre de… de
reçu de salaire pour dire que je faisais… je ne faisais pas partie de ces reproches.
Le Président : Est-ce que
des prisonniers de la prison de Butare ont parfois travaillé pour la SORWAL,
notamment pour l'aménagement du champ de bananes ?
le témoin 153 : Un certain nombre
de prisonniers sont venus travailler là, dans la plantation de patates douces,
donc, juste après l'aménagement de ce terrain.
Le Président : Est-ce que
les prisonniers venaient travailler le dimanche à la SORWAL, en l'absence du
personnel ?
le témoin 153 : Non, ils venaient
pendant les heures de service.
Le Président : L'usine, elle
était fermée le dimanche, normalement ?
le témoin 153 : Même le samedi.
Le Président : Le samedi
et le dimanche, elle était fermée ?
le témoin 153 : Et j'étais détenteur
des clés.
Le Président : C'est vous
qui aviez les clés ?
le témoin 153 : Moi et un certain…
un autre chef de fabrication. Nous étions à deux. Moi, je dirigeais l'équipe
de l'après-midi, et l'autre, il dirigeait l'équipe de l'avant-midi. Alors, nous
avions… chacun d'entre nous avait une clé de chaque cadenas.
Le Président : Monsieur le témoin 21
avait aussi la clé, peut être ?
le témoin 153 : A la direction
générale, il y avait des clés de réserve.
Le Président : Vous êtes
allé voir, je crois, le champ de l'ancienne bananeraie avec des enquêteurs rwandais
et le juge d'instruction ou avec un inspecteur de la police judiciaire de Belgique.
le témoin 153 : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Est-ce que
vous pouvez situer l'époque où on a aménagé ce champ en supprimant les bananiers
?
le témoin 153 : J'ai pas bien
compris la question.
Le Président : Oui, donc,
il y avait, à côté des bâtiments de l'usine, il y avait un champ avec des bananiers.
le témoin 153 : Oui.
Le Président : On a… on a…
Je crois, si j'ai bien compris, on a, à un moment donné, arraché les bananiers
pour transformer le terrain pour pouvoir y faire des poulaillers, pouvoir y
planter des légumes…
le témoin 153 : Oui.
Le Président : Quand est-ce
que ces travaux-là d'aménagement du champ ont été faits ? On est venu même avec
un bulldozer apparemment pour faire ça, un Caterpillar.
le témoin 153 : C'est juste
au début de l'année.
Le Président : Juste au début
de l'année 1994 ?
le témoin 153 : Oui.
Le Président : Et à aucun
moment vous n'avez… vous n’avez vu qu'il y aurait eu de la terre qui serait
venue de ce champ, au point d'envahir toute la cour là…
le témoin 153 : Non, à aucun
moment. Parce que ce terrain-là il est un peu… Pour le situer par rapport euh…
à l'endroit où est aménagé l'usine euh… le terrain aménagé était, je dirais,
au niveau un peu plus bas par rapport à ce talus-là. Et puis, la terre qui était
arrivée juste à côté de la clôture des bureaux administratifs… il n'y avait
pas de terre. Parce que, là, on avait aménagé des terrains pour construire des
poulaillers… pour dire que la boue était poussée un peu plus loin. Donc, ça
ne pouvait pas envahir les parties praticables par les véhicules.
Le Président : Dans le personnel
que Monsieur HIGANIRO a engagé, il y avait - je crois que vous en avez parlé
tout à l'heure en citant des gens que vous pensez qui étaient du MRND - il y
avait Monsieur NkuyubWATSI Innocent ?
le témoin 153 : Oui, ce monsieur-là
figurait parmi le personnel. Il a été engagé au mois de septembre 1993, comme
contrôleur de qualité. Mais lui, il était… il avait un double… un double rôle,
parce qu'il est venu, mais il était élève à l'école de sous-officiers de Butare.
Le Président : Ce Monsieur
NkuyubWAtsi Innocent… vous pouvez
dire quelle est la réputation qu'il a eue à Butare après les évènements de…
le témoin 153 : Oui NkuyubWAtsi, il a fait des tueries de
grande importance, si vous voulez. Il a beaucoup trempé dans le génocide.
Le Président : Est-ce qu'il
ne logeait pas chez le capitaine NIZEYIMANA ?
le témoin 153 : Oui, il se baladait
aussi en tenue militaire.
Le Président : Est-ce que,
parfois, il quittait son travail pour aller quelque part, pendant le mois de
mai 1994 ? L'usine recommence à travailler le 9 mai, hein… donc, je suppose
que Monsieur NkuyubWAtsi, comme les autres, reprennent le travail
au mois de mai 1994, comme vous. Est-ce qu'il ne lui arrivait pas de quitter
son travail pendant la journée pour faire autre chose que son travail normal
?
le témoin 153 : Nous avions
un horaire de travail de 7 heures à 15 heures. Alors, à partir de 15 heures,
il pouvait faire n'importe quoi, comme tous les autres.
Le Président : Et quand il
revenait au travail, il ne se vantait pas d'avoir éventuellement commis des
vols ou des massacres ?
le témoin 153 : Oui, il se vantait
d'avoir fait… d'avoir travaillé, si vous voulez.
Le Président : D'avoir travaillé
?
le témoin 153 : Oui.
Le Président : Est-ce que
vous ne l'avez pas vu, non seulement en tenue militaire, mais également en possession
d'un fusil ?
le témoin 153 : Oui, il avait
un fusil, euh… une mitrailleuse.
Le Président : Est-ce que
vous savez éventuellement d'où provenait ce fusil ? Est-ce qu'il vous l'avait
expliqué en disant : « Moi, j'ai reçu ce fusil… ? ».
le témoin 153 : Je vous ai dit,
bien avant que… Lui, il était toujours militaire, bien qu'il travaille chez
nous. Alors, porter une arme, c'était une chose très simple pour lui d'autant
plus aussi qu'il logeait avec un capitaine.
Le Président : Ce n'est pas
une arme qui provenait, par exemple, des gardes de la SORWAL ?
le témoin 153 : Non, ça provenait
d’ailleurs.
Le Président : Bien. Y-a-t-il
des questions à poser au témoin ?
Me. BELAMRI : Monsieur, avez-vous connaissance, dans
la politique d'engagement du personnel de la SORWAL, d'un critère ethnique Hutu-Tutsi
?
le témoin 153 : Les engagements
qui se faisaient là, disons après le déclenchement de la guerre d'octobre 90,
ils étaient essentiellement des Hutu ou des Tutsi modérés. Non, c'étaient pas
des Tutsi modérés mais plutôt des Tutsi qui… qui étaient adhérents au MRND,
parti MRND.
Me. BELAMRI : Et alors saviez-vous que Monsieur HIGANIRO
était devenu agent commercial à Gisenyi vers le mois de mai, si je ne me trompe
pas, 1994 ?
le témoin 153 : Non. Ce que
je sais, au mois de mai, euh… Il y a eu des allumettes qui ont été envoyées
à Gisenyi chez un commerçant, mais HIGANIRO n'a pas fait le commerce, n'a pas
fait le commerce. Et il y avait quelqu'un qui était chargé du commerce, il y
avait un agent commercial.
Le Président : C'était Monsieur
le témoin 40 ?
le témoin 153 : le témoin 40.
Le Président : Et est-ce
que Monsieur le témoin 40, pendant le mois de mai, continuait son travail
d'agent commercial tout à fait normalement ?
le témoin 153 : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : D'autres questions
?
Me. WAHIS : En… Hum ! Excusez-moi. Au mois de mai,
vous restiez donc chef de fabrication de l'usine et je suppose qu'à ce titre-là,
vous connaissiez bien la situation des matières premières de l'usine. Donc,
les matières premières, les fournitures de différentes matières premières. Ma
question est en fait de savoir s'il y a eu des problèmes aux alentours donc,
de… enfin après le 9 mai, après la reprise, des problèmes de fourniture d'eau.
Est-ce qu'on utilise de l'eau dans l'entreprise ?
le témoin 153 : Oui. On utilise
beaucoup d'eau dans l'entreprise, parce que pour sécher les tiges et les produits
chimiques qui composent la tête de l'allumette, nous chauffons de l'eau dans
une chaudière et l'eau devient de la vapeur. Et c'est cette vapeur chaude-là
qu'on utilise pour le séchage des tiges et le bouton.
Me. WAHIS : D'accord. Et en mai 1994, est-ce qu'il y a
eu des problèmes de fourniture d'eau ?
le témoin 153 : Oui, la fourniture
d'eau était rationnée.
Me. WAHIS : L'eau était rationnée.
le témoin 153 : Au niveau de
la société nationale ELECTROGAZ.
Me. WAHIS : Et ma question est identique au sujet de deux
autres produits qui sont le chlorate et la colle de peau 150E. Je suppose que
ce sont des produits qui interviennent dans la fabrication des allumettes. Il
y a eu des problèmes de fourniture également en mai 1994 ?
le témoin 153 : Seulement, il
y avait, il n'y avait pas un stock assez suffisant de ces produits-là parce
qu’un certain nombre était à Mombassa, n'était pas encore acheminé à Butare.
Me. WAHIS : Donc, on devait prévoir éventuellement qu'il
y aurait des problèmes de rupture de stock à terme ?
le témoin 153 : Oui, mais à
ce moment-là, on travaillait très lentement.
Me. WAHIS : D'accord. Eh bien, je vous remercie de ces
réponses.
le témoin 153 : Parce qu'on
avait des problèmes, non seulement d'eau, mais aussi d'électricité.
Le Président : Est-ce qu'on
a pas tourné d'ailleurs, à un moment donné, à une équipe plutôt que deux équipes
?
le témoin 153 : On a tourné
à une seule équipe.
Le Président : Et Maître
SLUSNY, vous aviez levé le doigt ?
Me. SLUSNY : Une ou deux
questions, Monsieur le président. Le directeur technique a prêté, si j'ai bien
compris, un véhicule de marque Daihatsu aux Interahamwe. Question : est-ce qu'il
pouvait le faire sans l'autorisation, ou sans l'ordre de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 153 : Je vous ai dit,
bien avant, que Monsieur le témoin 21 exécutait les ordres que HIGANIRO lui
donnait. Il ne pouvait pas faire n'importe quoi… n’importe quoi que ce soit
à l'insu du directeur général.
Le Président : D'autres questions
parmi les membres du jury peut-être ? D'abord, Monsieur le 3ème
juré qui a pris le relais du 6ème, apparemment. Oui. Est-ce que vous
auriez, à un moment quelconque, aperçu, euh… dans l'enceinte de l'usine, des
entraînements d'ordre… de type militaire ?
le témoin 153 : Non.
Le Président : Notamment
sur le terrain de basket-ball ou de volley-ball ? Est-ce que vous auriez
vu des entraînements, je sais pas, de gymnastique ou de marche ou d'utilisation
d'armes ?
le témoin 153 : Non, le terrain
de basket-ball et de volley-ball c’étaient des terrains de jeu. A ce moment-là,
à la reprise des travaux de production, on était appelé à rester tout près des
machines, alors on ne pouvait pas faire un double travail. Quand j'étais superviseur
de… de l'équipe, alors je devais être tout près des machines.
Le Président : Donc, vous
en tout cas, vous n'avez pas vu ce genre de choses ?
le témoin 153 : Non.
Le Président : D'autres questions
? Maître JASPIS ?
Me. JASPIS : Monsieur le
président, toujours pour en revenir à ces problèmes de circulation de camions
et de boue. Si j'ai bien compris, le camion se dirigeait, pour aller chercher
le bois qui devait servir à la fabrication des allumettes, vers Gikongoro et
vers la forêt de Niongwe. Est-ce que le témoin peut nous dire si, à sa connaissance
le camion avait des problèmes de circulation sur la route qui mène vers cette
forêt, plus précisément, une fois qu'il sortait de la préfecture de Butare pour
rouler vers Gikongoro? S'il peut éventuellement éclairer les jurés sur cette
question ?
Le Président : Avez-vous
connaissance de difficultés de circulation de camions ?
le témoin 153 : A ma connaissance,
il n'y a eu aucune difficulté au niveau de l'approvisionnement. Les camions,
ils partaient, ils revenaient sans problème.
Le Président : Est-ce que
les routes de Butare étaient meilleures que dans d'autres préfectures ?
le témoin 153 : Les routes
empruntées lors de l'approvisionnement, une grande partie est asphaltée.
Le Président : Même dans
les autres préfectures ?
le témoin 153 : Oui, la route
empruntée par le camion de Butare à Gikongoro, tout près de la forêt de Niongwe,
c'est asphalté. Il y a une petite partie de la route en terre, mais praticable
aussi.
Le Président : Oui, Monsieur
l'avocat général et puis Maître BEAUTHIER.
L'Avocat Général : Est-ce
que le témoin peut confirmer qu'il a été entendu à plusieurs reprises ?
Mais, dans une de ses déclarations, il déclare que Monsieur HIGANIRO lorsque,
peu de temps après sa mise en fonction, a étudié les dossiers des membres du
personnel… est-ce qu'il peut confirmer ce qu'il a déclaré que lorsqu'un membre
du personnel était licencié, Monsieur HIGANIRO le remplaçait par quelqu'un appartenant
au MRND ou au CDR ?
le témoin 153 : Chaque fois
qu'il y avait des… des sorties d'employés qui étaient renvoyés, ils étaient
remplacés automatiquement par des adhérents du MRND ou du CDR.
Le Président : Maître BEAUTHIER.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, j'ai trois questions. Pouvez-vous poser la question suivante au
témoin. Elle est toute simple. Où habitait-il par rapport à l'usine. Etait-ce
loin, à 100 mètres, 200 mètres ?
le témoin 153 : De l'usine vers
chez moi, il y a environ 2 kilomètres et demi.
Me. BEAUTHIER : 2 kilomètres.
Est-ce qu'il est possible que le week-end, il y ait des activités à la SORWAL
sans qu'il puisse s'en rendre compte ? Puisque, je veux dire, qu'il y avait
des mouvements dont il ne pouvait ne pas se rendre compte, des mouvements de
camions mais aussi des mouvements de nettoyage dont il pouvait ne pas se rendre
compte ?
le témoin 153 : Puisque j'habitais
un peu loin de l'usine, je pouvais pas… je peux pas savoir ce qu'il se passe
à l'intérieur de l'usine ou aux environs de l'usine, sans que j'y aille.
Me. BEAUTHIER : Troisième
question. Est-ce que le témoin peut nous dire s'il rentre un lundi, est-ce qu'il
est possible qu'il voie qu'on a touché aux véhicules, qu'on a touché à la terre,
qu'on a fait des travaux relativement importants ? Est-ce qu'il a une connaissance
des… de ces machines, l'emplacement où il laissait les machines le vendredi
en manière telle qu'en rentrant le lundi, il les retrouve dans le même état ?
Est-ce qu'il y a eu un moment donné où il a été étonné de ne pas les retrouver
à leur place ?
Le Président : C'est pas
vraiment les machines dont il est question.
Me. BEAUTHIER : Non.
Le Président : Est-ce que
vous auriez… je suppose que l'usine termine le vendredi, puisque le samedi et
le dimanche c'est fermé, le vendredi vers 15 heures, je crois…
le témoin 153 : Oui.
Le Président : Est-ce que
vous auriez, par exemple, à un moment donné, constaté que les camions, qui se
trouvaient à tel endroit le vendredi à 3 heures quand vous avez quitté l'usine,
le lundi matin quand vous êtes revenu, ils n’étaient plus au même endroit ?
le témoin 153 : Les camions,
ils étaient garés au même endroit.
Le Président : On n'a pas
bien compris votre réponse. Les camions…
le témoin 153 : Les camions…
quand on regagnait le travail, les camions se trouvaient aux endroits où ils
devaient être. Nous avions trois camions à ce moment-là.
Le Président : Vous n'avez
jamais constaté que ces camions n'étaient pas, en revenant le lundi matin, au
même endroit qu'ils auraient dû être ?
le témoin 153 : Non.
Le Président : Oui ?
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, j'ai peut-être mal compris parce qu'on entendait mal. J'ai noté
que le témoin déclarait ceci. Pourrait-il le confirmer ? J'ai noté textuellement,
mais peut-être qu'il y a un mot qui m'a échappé : « Son chauffeur
et un garde étaient militaires avant avril 94 ». Si c'est ce que j'ai entendu,
depuis quand Monsieur HIGANIRO avait-il ce chauffeur et ce garde militaire ?
Est-ce que c'est depuis le début ou bien est-ce depuis 92, 93, enfin 94 ?
le témoin 153 : C'est juste
après. C'est autour de 93.
Le Président : Pas tout au
début…
le témoin 153 : Au début, il
avait un autre chauffeur, alors par après, il a changé.
Me. BEAUTHIER : Et c'était
quand, ça ?
le témoin 153 : En 93.
Me. BEAUTHIER : Je peux me
permettre de poser la question autrement…
le témoin 153 : Et souvent,
il se conduisait lui seul. Il arrivait des moments où il se conduisait lui,
seul.
Le Président : Oui, il n’avait
pas toujours un chauffeur.
le témoin 153 : Oui.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, vous avez posé - j'en ai terminé avec cette question - vous avez
posé tout à l'heure la question de savoir, puisque c'est vrai que dans les déclarations
du témoin il est question de commerce d'armes. Qu'est-ce qu'il a voulu dire
par-là ? Est-ce qu'il y avait des rumeurs qui couraient sur un commerce d'armes
?
le témoin 153 : Quoi rumeurs?
Le Président : Non. Est-ce
que vous avez entendu ? Bon, tout à l'heure, quand on vous a demandé, vous
avez expliqué que pour vous le terme « travailler », là-bas à Gisenyi,
ça voulait peut-être bien dire qu'on se livrait à un trafic d'armes.
Me. BEAUTHIER : Non il n’a
pas dit ça…
Le Président : Est-ce que
vous avez entendu dire que Monsieur HIGANIRO faisait du commerce d'armes à Gisenyi
ou ailleurs ?
le témoin 153 : Oui. Dans la
lettre qu'il a adressée à notre directeur technique de l'époque, il spécifiait
bien qu'il s'occupait de la défense et de la République qui était menacée et
qu'il s'occupait à chercher des armes au Zaïre.
Le Président : Je ne crois
pas que la lettre dise ça de manière exacte. C'est… Il est question effectivement
de la défense de la République en relation avec le Zaïre, « notre seule
porte de sortie actuellement », ça c'est le texte de la lettre. Est-ce
que vous en avez conclu que cela signifiait que Monsieur HIGANIRO faisait du
trafic d'armes entre le Zaïre et le Rwanda ?
le témoin 153 : Ah, oui.
Le Président : Est-ce que
vous avez compris par ces mots-là que Monsieur HIGANIRO faisait du trafic d'armes
?
le témoin 153 : Dire le mot
« travailler » ne signifiait pas le trafic d'armes, le trafic d'armes
c'était un autre terme. Mais le mot « travailler » ne signifiait rien
d'autre que…
Le Président : Tuer.
le témoin 153 : Tuer les gens.
Le Président : Oui, donc…
le témoin 153 : C'est différent,
c'est différent.
Le Président : C'est à propos
de ces explications, à propos de la défense…
le témoin 153 : C'est différent,
j'ai une autre anecdote.
Le Président : A propos de
la défense de la République en relation avec le Zaïre, vous, est-ce que vous
croyez que ça, ça veut dire : « Moi, HIGANIRO, ici à Gisenyi, je fais
du trafic d'armes avec le Zaïre » ?
le témoin 153 : Du moins…
Le Président : Dans la lettre,
il n'a pas mis : « Moi HIGANIRO je vais acheter des armes au Zaïre
et je les ramène au Rwanda », hein…
le témoin 153 : HIGANIRO, comme
c'était quelqu'un d'homme politique très influent et qui était… qui a été ministre
et agent de la CPGL à l'époque, c'était pour lui très facile de faire ce trafic-là.
Le Président : Oui, donc
c'est quelque chose que vous avez, en voyant le texte de la lettre… vous vous
êtes dit : « ça, ça
veut dire : Je fais du trafic d'armes. », enfin, « Monsieur HIGANIRO
fait du trafic d'armes ». C'est ça ou pas ça ?
le témoin 153 : Monsieur le
président, je sais pas si vous comprenez mes explications. Le mot « travailler »
est différent du mot « trafic d'armes ».
Le Président : Oui.
le témoin 153 : Donc, le trafic
d'armes fait partie de la lettre que HIGANIRO a adressée à l'ex-directeur technique
de la SORWAL, dont ça faisait un autre point.
Le Président : Oui, un autre
point, oui, oui.
le témoin 153 : Donc, il y a
le mot « travailler » à part, le mot « nettoyage » à part,
et le « trafic d'armes » à part. Il y a aussi d'autres mots, d'autres
termes et notamment en ce qui concerne les gens qui n'étaient plus revenus à
la SORWAL et les autres qui ne pouvaient plus revenir de peur d'être abattus
en cours de route. Et ces gens-là aussi, il avait spécifié… bien spécifié qu'on
devait arrêter ou suspendre les salaires et les contrats. Donc, il y a des points
spécifiques dans sa lettre, qu'il ne faut pas confondre.
Le Président : Selon vous,
dans cette lettre, il y a un point qui a… qui concerne le trafic d'armes ?
le témoin 153 : Oui.
Le Président : Oui, Maître
LARDINOIS ?
Me. LARDINOIS : Je vous remercie,
Monsieur le président. Le… la question que je voudrais poser au témoin est la
suivante. Il nous a dit que Monsieur HIGANIRO avait engagé un certain nombre
de personnes qui manifestement appartenaient au MRND, notamment Monsieur Innocent
NkuyubWAtsi, Léonard CYIZA, Nicolas
NDAHIRIWE et d'autres encore. Il nous a dit qu'Innocent avait trempé dans les
massacres. Est-ce qu'il aurait eu connaissance que les autres personnes engagées
auraient également participé aux massacres ?
Le Président : Alors, dans
les gens de la SORWAL, est-ce qu'il y en a d'autres que NkuyubWAtsi Innocent qui auraient participé à des massacres,
selon vous ?
le témoin 153 : Oui, il y en
a.
Le Président : Qui ?
le témoin 153 : Je peux citer
Gérard SIMBUGA, un certain UWILINGIYIMANA, un certain le témoin 94,
KANYANDEKWE Ladislas et d’autres.
Le Président : Si je comprends
bien, les noms que vous citez maintenant sont différents de ceux que vous avez
cités tantôt comme étant ceux du MRND, hein…
le témoin 153 : Pour ceux du
MRND NDAHIRIWE Nicolas, euh… NDAHIRIWE Nicolas, le CYIAZA Léonard, le NDIKUMAMA,
ces gens-là ils étaient engagés depuis 1993. Eux, ils étaient proches du MRND-CDR.
Ils ont trempé dans le génocide… dans le génocide.
Le Président : Ils ont trempé
comment ? Parce que…
le témoin 153 : Eux, ils ont
participés, si vous voulez.
Le Président : Donc, il y
a plusieurs membres de la SORWAL qui ont participé personnellement à des… à
des tueries ?
le témoin 153 : Oui, il y en
a de la SORWAL qui ont participé au génocide.
Le Président : Bien. Une
autre question ?
Me. BEAUTHIER : Dans la lettre
du 23 mai que vous connaissez, il est indiqué que le cas du magasinier est inquiétant
et qu'il faut le remplacer temporairement par quelqu'un d'autre. Est-ce que
vous pouvez nous éclairer sur le problème de ce magasinier ? Est-ce que vous
en avez connaissance ?
le témoin 153 : Oui, le magasinier-là,
il était… il était du Nord. A l'époque-là, il était parti dans la région où
il y avait des confrontations entre l’armée rwandaise de l'époque et les forces
du FPR. Alors, à ce moment-là, il n'a pas pu trouver une issue de revenir à
la SORWAL et c'est de cela que HIGANIRO, il précise que son cas est inquiétant
mais qu'on pouvait le remplacer temporairement par quelqu'un d'autre.
Le Président : Bien. Maître
BEAUTHIER ?
Me. BEAUTHIER : Une dernière
question, Monsieur le président. Qui était caissier en avril 1994 à la SORWAL
?
le témoin 153 : Bon. Avant les
évènements de… avant les évènements génocidaires, il y avait une dame qui était
caissière. Et avant le génocide, elle a été amenée au Zaïre parce que son mari
était un Zaïrois. Alors, comme on apprend ça, c'était Innocent NkuyubWAtsi qui a pris les…
Me. BEAUTHIER : Quelles compétences
avait-il pour ça ?
le témoin 153 : Bon, écoutez.
A cette époque-là, tous les ordres venaient d'en haut. Lui n'avait pas fait
de la comptabilité. Je vous ai bien dit qu'il était militaire, il fréquentait
l'école des sous-officiers. Mais à ce moment-là, d'un coup, c'est lui qu'on
a choisi. On l'a mis à la caisse.
Le Président : Il savait
compter quand même ?
le témoin 153 : Ah oui !
Il avait fait l'école secondaire. Cycle inférieur, les trois premières, si vous
voulez.
Le Président : Une autre
question ? Maître GILLET.
Me. GILLET : Oui, Monsieur
le président. Je voudrais savoir si, en tant que chef de fabrication, le témoin
avait connaissance des commandes des marchandises pour livrer à la SORWAL et
du prix de ces commandes.
le témoin 153 : Non, il y avait
des services qui étaient occupés à connaître les prix et l'acheminement des
marchandises, autrement dit des approvisionnements. Et de mon côté, je ne savais
que les matières premières que je devais utiliser, parce que chaque matin, je
devais faire des réquisitions et je les prenais au magasin. Alors, quant au
prix là ou au niveau des approvisionnements…
Le Président : Ce n'était
pas vous qui vous en chargiez.
le témoin 153 : Non, ce n'était
pas moi.
Le Président : C'était le
directeur administratif et financier ?
le témoin 153 : Le directeur
administratif et financier, le directeur technique aussi. C'est tout.
Le Président : Bien. D'autres
questions, Maître HIRSCH ?
Me. HIRSCH : Oui, Monsieur
le président. Est-ce que le témoin peut confirmer qu'avant le génocide, l'effectif
à la SORWAL était d'environ 114 personnes - il travaille toujours à la SORWAL
actuellement - et que euh… en 1900… donc, juste après le génocide, 7 personnes
parmi ce personnel d'origine y travaillaient encore, 12 ont été tuées lors du
génocide, et 85 avaient fui vers le Zaïre.
Le Président : Est-ce que
vous avez connaissance de ces chiffres ?
le témoin 153 : Oui. J'ai pas
de précision sur les chiffres, mais ce que je peux vous dire, c'est que j'étais,
après la période 1994, disons au mois d'octobre 1994, quand j'ai regagné la
SORWAL, nous étions au nombre de 12 personnes seulement. Et depuis lors, jusqu'aujourd'hui,
il n'y a que 11 personnes qui étaient employées à la SORWAL depuis sa création.
Donc, après la guerre de 1994, les autres ne sont pas revenus.
Le Président : Est-ce que
vous savez pourquoi ils ne sont pas revenus ? Est-ce qu'ils ne sont pas
revenus parce que beaucoup d'entre eux ont été tués ou est-ce qu'ils ne sont
pas revenus parce que beaucoup d'entre eux ont pris la fuite ?
le témoin 153 : Ils ne sont
pas revenus, d'une part parce qu'à la reprise, ils n'étaient pas là, ils étaient
toujours dans leur refuge là, au Zaïre. Et d'autre part, ils n'ont pas voulu
regagner le service, ils ont cherché du travail ailleurs.
Le Président : C'est ça.
Bien. D'autres questions ? Maître BEAUTHIER.
Me. BEAUTHIER : Je vous demanderais
de poser…
Le Président : Je vous signale
que nous devons terminer mi-juin, je vous le signale quand même !
Me. BEAUTHIER : J'ai terminé
par une question que je vous demanderais de pouvoir poser vous-même au témoin
parce qu'elle est importante. Euh… en 94, il y a 112 personnes - il y en a nettement
moins semble-t-il maintenant - toutes ces personnes étaient-elles affectées
uniquement aux allumettes ou bien y avait-il d'autres activités que les allumettes
dans cette société ?
le témoin 153 : Bon…
Le Président : Est-ce qu'il
y avait effectivement d'autres activités que la fabrication d'allumettes ?
le témoin 153 : Il y avait des
gens qui étaient affectés à l'administration, il y en avait d'autres qui faisaient
le gardiennage, d'autres qui faisaient le jar… euh… les travaux d'entretien
du jardin, d'autres étaient des chauffeurs, des bons chauffeurs. Donc toutes
ces 112 personnes n’étaient pas directement affectées…
Le Président : A la fabrication…
mais
le témoin 153 : A la fabrication
des allumettes.
Le Président : Mais elles
étaient affectées à une usine qui ne faisait que de la fabrique d'allumettes
? On ne faisait pas autre chose que de fabriquer des allumettes ?
le témoin 153 : Justement, mais
il y avait des gens qui étaient affectés aux machines et d'autres qui travaillaient
dans les bureaux, ou en dehors de l'usine.
Le Président : Est-ce qu'on
imprimait aussi les boîtes d'allumettes par exemple ? Les emballages de boîtes,
est-ce que c'était imprimé dans l'usine ou pas ?
le témoin 153 : Bon, l'emballage,
la partie extérieure de la boîte avec le gratté, était imprimé à l'usine même ;
il y avait une partie d'imprimerie où l'on préparait ces imprimés. Il y avait
aussi une autre partie où l'on préparait des tiges euh… des allumettes et des
emballages.
Le Président : Donc toute
la boîte d'allumettes était fabriquée là, la boîte et le contenu de la boîte
étaient fabriqués sur place ?
le témoin 153 : Oui.
Le Président : Bien, d'autres
questions ? Oui, Maître EVRARD.
Me. EVRARD : Merci, Monsieur
le président. Le témoin nous a dit que l'usine était fermée du 7 avril au 9
mai. Euh… Il a dit avoir repris le travail. Comment a-t-il appris qu'il y avait
une reprise du travail ?
Le Président : Comment est-ce
que vous avez appris ça ? Est-ce qu'on est venu vous chercher, est-ce qu'on
vous a téléphoné ? Est-ce que vous avez reçu une lettre ? Est-ce que…
le témoin 153 : L'ex-directeur
technique, comme je vous ai dit bien avant, avait l'autorisation d'utiliser
des véhicules de la société, alors, on a utilisé la camionnette Daihatsu pour
circuler un peu partout, là où on savait qu'il y avait des employés de la société.
C'est ainsi qu'on m'a averti.
Le Président : Voilà. D'autres
questions ?
Me. EVRARD : Est-ce qu'il
a eu connaissance que l'avertissement qui lui venait par un directeur faisant
fonction, je dirais, provenait ou aurait été suscité par une démarche de Monsieur
HIGANIRO ?
Le Président : Est-ce que,
quand on est venu vous chercher, on vous a dit : « Voilà ! Monsieur
HIGANIRO nous a dit de venir vous chercher » ou on vous a dit… Est-ce
que vous savez d'où venait l'ordre de reprendre le travail ?
le témoin 153 : Bon. Quand on
est venu me chercher, on disait que l'ordre venait du directeur technique. Mais
par après, on a bien pris connaissance que c'est HIGANIRO qui avait demandé
au directeur technique de reprendre le travail.
Le Président : Autre question
?
Me. EVRARD : Est-ce que le
témoin, Monsieur le président, a connaissance du fait que la reprise du travail
était demandée par une autorité… dans le pays ?
le témoin 153 : Une autorité… ?
Le Président : Autre que
Monsieur HIGANIRO.
le témoin 153 : Non.
Le Président : Autre question
?
Me. EVRARD : Oui, Monsieur
le président. Le témoin, dans une déclaration qui est visée dans le dossier,
au carton 8, farde 31, pièce 13 - c'est un procès-verbal du 9 mai 1995 - qui
signale, lorsqu'il fait une lecture des différents points de la lettre du 23
mai 1994 qui lui est soumise - et il nous a précisé qu'il avait une vision très
très claire de ces points et qu'il en faisait des séparations extrêmement précises
- signale toutefois dans le point 1 que le terme « travailler », dit-il :
« Je suppose que le terme « travailler » signifie pouvoir se
déplacer dans les régions afin de donner… de s'adonner au trafic d'armes ».
Est-ce qu'il n'y a pas alors une confusion entre ce que l'on dit maintenant
qui est un autre sens, « travailler » dans le sens de tuer et pourquoi…
pourquoi déclare-t-on maintenant autre chose ?
Le Président : Dans cette
déclaration, pour le point 1, où il est question de « travailler »,
vous avez effectivement déclaré que, pour vous, ça signifiait pouvoir se déplacer
pour le trafic d'armes. Vous parlez d'un trafic d’armes à propos d'un autre
point aussi, dans cette déclaration. Aujourd'hui, vous dites, le point 1, le
mot « travailler » ça signifie tuer. Donc, vous avez, à l'époque,
donné à propos du point 1 où il y a le mot « travailler » une explication
différente de celle que vous donnez aujourd'hui. Est-ce que vous pouvez expliquer
pourquoi cette différence d'explication ?
le témoin 153 : Bon, je sais
pas si on m’a bien compris. J'ai dit que le mot… la lettre proprement dite…
son contenu est bien spécifié. Il y a des points où l'on dit « travailler »,
il y a des points où l'on spécifie que… qu'on était occupé à chercher les armes
pour la défense de la République qui était menacée à cette époque-là. Alors,
le mot « travailler » ne signifie pas chercher les armes pour la défense
de la République, parce que là, il a bien spécifié que le directeur technique
lui avait envoyé de l'essence qui lui a permis de travailler.
Le Président : Oui.
le témoin 153 : Et « travailler »
en majuscules.
Le Président : Entre guillemets,
oui, oui.
le témoin 153 : Bon…
Le Président : Ça veut dire
quoi alors « travailler », entre guillemets, avec l'essence, là ?
le témoin 153 : Quand on a fait
les tueries-là, à cette époque-là, on utilisait aussi de l'essence… pour brûler
les gens. Vous voyez. Alors, le mot « travailler »… moi de mon côté
je n'ai pas d'autre signification autre que tuer.
Le Président : Bien.
Me. EVRARD : Monsieur le
président… lorsque Monsieur le témoin 153 est entendu, il semble bien qu'on lui pose
une question et qu'à cette question il répond en disant : « Je suppose
que le terme travailler signifiait… »
Le Président : Bien, il a
répondu à cette question. Voulez-vous passer à la question suivante ?
Me. EVRARD : Dans cette…
ce même interrogatoire, Monsieur le président, Monsieur le témoin 153, le témoin, déclare
qu'il y a bien eu un projet agropastoral pour lequel un bulldozer Caterpillar
a été utilisé, mais cela se passait dans le champ, derrière le bureau administratif,
et en aucun cas, un camion ne devait s'aventurer de ce côté. Euh… Peut-on poser
deux questions au témoin ? Un, que savait-il des mouvements des camions ? Où
se trouvait son… où travaillait-il, lui ? Etait-il au courant des mouvements
des camions et pourquoi dit-il qu'aucun camion ne doit s'aventurer par-là ?
le témoin 153 : Bon, je m'explique.
Les camions de la SORWAL empruntaient un passage qui passe devant le bureau
administratif. Ce passage a été bétonné, d'ailleurs à deux reprises, pour éviter
qu'il n'y ait de… de difficultés de pratiquer ce passage. Alors, si un camion
empruntait cette voie, c'était pour éviter qu'il n'y ait aucun danger… aucun
problème au niveau des déplacements des camions. Et quant à l'endroit où on
devait aménager… là, il n'y avait pas de passage de véhicules depuis longtemps,
disons, depuis la création de la SORWAL, et cette voie-là n'a jamais été empruntée
par les camions.
Le Président : Autre question.
Me. EVRARD : Merci, Monsieur
le président. Le témoin a-t-il connaissance que le… cet endroit était le lieu
de déchargement des grumes…
le témoin 153 : Non.
Me. EVRARD : Et que donc,
il faut des camions pour décharger des grumes ?
le témoin 153 : Non. Il y avait
un endroit où l'on devait décharger les grumes, et cet endroit-là aussi était
bétonné. Et il l'est toujours.
Le Président : Autre question ?
Me. EVRARD : Oui, Monsieur
le président. C'est une question qui a déjà été évoquée mais on a parlé du personnel
de la SORWAL en disant : « Il y avait 114 personnes-120 personnes ».
On a évoqué des chiffres pour dire quel était le personnel actuel. A la connaissance
du témoin, se pourrait-il que les engagements soient maintenant prévus par des
procédures qui sont dans les mains de l'actuel directeur général et qu'il n'y
ait, dès lors, pas… que le choix, je dirais, des employés se fasse… ou des ouvriers
se fasse sur base d'autres critères que ceux qui existaient à l'époque ?
Le Président : Le témoin
a répondu à la raison pour laquelle il n'y avait plus que 12 personnes qui étaient
là, vous savez !
Me. EVRARD : Je pense que
ma question est différente, mais je la retire.
Le Président : Nous ne sommes
pas vraiment concernés par les procédures actuelles, hein !…
Me. EVRARD : Le témoin a-t-il
alors connaissance, dans le cadre des procédures de sélection des employés,
à l'époque ? Est-ce que le témoin faisait partie de commissions de nomination
ou est-ce qu'il a connaissance des procédures, notamment les nominations par
le conseil d'administration ou les nominations par le directeur général ? Est-ce
que le directeur général pouvait, seul, nommer certaines personnes ou il devait
s'en référer à d'autres autorités pour pouvoir effectuer une nomination, et
jusqu'à quel degré ?
Le Président : Connaissez-vous
la procédure de la nomination de chacun des... à chacun des postes ? Est-ce
qu'il y avait une différence selon ce que vous savez ? Savez-vous s'il
y avait une différence ?
le témoin 153 : Au niveau des
emplois de haut niveau, on devait avoir des connaissances intellectuelles. Mais
au niveau de… de travailler aux machines, les gens qui travaillaient aux machines,
on les formait sur place.
Le Président : Comment ?
le témoin 153 : On les engageait…
on nous donnait des employés…
Le Président : Oui, mais
c'est… la question est… est-ce que pour nommer un ouvrier à la machine…
le témoin 153 : Oui…
Le Président : …qui allait
travailler sur la machine, est-ce que vous savez si la procédure était différente
que pour nommer un chef de fabrication, que pour nommer le directeur financier
et administratif…
le témoin 153 : Non.
Le Président : Est-ce que
vous savez quelle était la procédure pour les nominations ?
le témoin 153 : Toutes les nominations
émanaient du directeur général.
Le Président : Voilà.
Me. EVRARD : Monsieur le
président, encore trois questions, si vous voulez bien. Le témoin - et c'est
très bref - peut-il confirmer que Monsieur NkuyubWAtsi
était à la fois élève de l'ESO, si je l'ai bien compris, Ecole des Sous-Officiers,
tout en travaillant à la SORWAL et comment cela est-il possible ? Est-ce qu'il
y avait d'autres cas de personnes qui avaient une double activité ?
Le Président : Oui. Est-ce
que selon vous, Monsieur NkuyubWAtsi
avait deux activités professionnelles ? Il était à la fois à la SORWAL…
en même temps à la SORWAL et élève à l'Ecole des sous-officiers ?
le témoin 153 : Bon.
Le Président : Est-ce que
d'autres personnes se trouvaient dans des situations semblables d'avoir un travail
ici et un autre travail là ?
le témoin 153 : Non, ce monsieur-là
c'était un cas spécial. C'était un cas spécial parce que lui il a suspendu un
peu les… euh… les études à l’Ecole des sous-officiers. Il est venu à la SORWAL
mais n'empêche qu’il pouvait regagner l'école des sous-officiers, par après.
Le Président : Oui, donc
il ne faisait pas les deux à la fois ?
le témoin 153 : C'était un cas
spécial.
Le Président : Bien. Et il
n'y avait pas d'autres personnes à la SORWAL qui faisaient deux métiers à la
fois ?
le témoin 153 : Non, c'était
le seul.
Me. EVRARD : Monsieur le
président, une question concernant le réseau téléphonique. Que ce soit dans
Butare ou dans le Rwanda plus largement, est-ce que le témoin a une connaissance
de ce réseau ? S'il en a une, quelle est-elle ? Et peut-il nous préciser
également quand le téléphone a été coupé, que ce soit à la SORWAL ou à Butare ?
Et comment alors, il peut nous dire qu'il y aurait… qu'il y a des communications
téléphoniques entre Monsieur HIGANIRO et Monsieur le témoin 21?
Le Président : Bien. Monsieur,
vous n’êtes pas ingénieur en téléphonie donc je vais simplement vous poser la
question de savoir s'il était possible de communiquer par téléphone entre Gisenyi
et Butare ?
le témoin 153 : Bon. Moi, je
faisais pas de communications téléphoniques, alors…
Le Président : Donc, vous
ne savez pas…
le témoin 153 : Je ne peux pas
préciser quand…
Le Président : Vous ne savez
pas s'il était possible…
le témoin 153 : Oui.
Le Président : …de téléphoner
de Gisenyi à Butare, ni, si à un moment donné, ces communications n'ont plus
été possibles…
le témoin 153 : Oui.
Le Président : Et si elles
n'ont plus été possibles, à partir de quand ? Vous ne savez pas ça ?
le témoin 153 : Non, je ne sais
pas.
Le Président : Bien.
Me. EVRARD : Monsieur le
président, une dernière question. Comment le témoin connaissait-il l'appartenance
politique d'autres employés ?
Le Président : Vous avez
dit : « Bon, untel, untel, il est engagé… »
le témoin 153 : Chez nous…
Le Président : « Il
est MRND… »
le témoin 153 : Lorsqu'il y
a eu des mouvements de… de multipartisme, bien sûr qu'on se connaissait déjà
entre nous, les uns savaient qui était adhérent du MRND ou du CDR ou du type,
ou de MDR. C'était… on était libre de déclarer ça à qui que ce soit. Et d'ailleurs
ça se voyait aussi dans les pratiques. Il y avait des meeting qui se faisaient.
Les adhérents de tel ou tel parti, ils devaient y participer, souvent ils participaient
à ces meetings-là, alors il était facile de reconnaître que tel ou tel employé
faisait partie de tel ou tel parti.
Le Président : D'autres questions ?
Me. EVRARD : Monsieur le
président, si vous me permettez. Je voudrais revenir sur un point précis de
la déclaration du témoin qui nous a dit que, selon lui, la fonction d'agent
commercial, c'était Monsieur le témoin 40, et que ce Monsieur le témoin 40 a continué à
travailler, à jouer le rôle d'agent commercial, normalement. Est-ce que ce Monsieur
le témoin 40, puisque le témoin semble connaître pratiquement tous les départements
de la SORWAL, lui a fait état du contact qu'il a eu physiquement, lui, avec
Monsieur HIGANIRO, le 14 mai 1994, quand ce Monsieur le témoin 40 est allé, dans le
cadre de ses fonctions d'agent commercial, à Gisenyi?
Le Président : Avez-vous
eu connaissance du déplacement de Monsieur le témoin 40 à Gisenyi le 14 mai 1994 ?
le témoin 153 : Oui, parfois
il partait avec le camion chargé d'allumettes.
Le Président : Est-il parti,
à un autre moment que le 14 mai 1994, vers Gisenyi, avec un camion ?
le témoin 153 : Bon. Les déplacements
qu'il faisait n'étaient pas tous passés à ma vue mais, du moins, je sais bien
qu'il y a eu un déplacement de Butare à Gisenyi avec des allumettes. Il est
parti avec. Mais tous les déplacements qu'il faisait, je suivais pas.
Le Président : Vous n'avez
connaissance que d'un déplacement de Monsieur le témoin 40 à Gisenyi? Pour les autres,
vous dites : « Je sais pas où », mais vous ne savez pas, vous
en connaissez un, mais vous ne…
le témoin 153 : Oui. Oui, une
fois, il est allé à Gisenyi avec des allumettes.
Me. EVRARD : Et le témoin
ne sait pas… Monsieur le témoin 40 ne lui a pas dit ce que Monsieur HIGANIRO lui aurait
précisé, à ce moment-là ?
le témoin 153 : Non, je ne me
suis pas entretenu avec l'agent commercial après son trafic-là, d'allumettes.
Le Président : Bien.
Me. EVRARD : Une autre question,
Monsieur le président. Je voudrais savoir comment le témoin peut nous dire avec
un aplomb, une certitude pratiquement totale : « Il est impossible
que Monsieur HIGANIRO ait été l'agent commercial, ait joué le rôle d'agent commercial
à Gisenyi » alors même qu'il n'avait aucun moyen de vérifier cette information.
Le Président : Qu'est ce
qui vous permet de dire que Monsieur HIGANIRO n'a pas joué, à Gisenyi, le rôle
de l'agent commercial ?
le témoin 153 : J'ai bien précisé
qu'à la SORWAL, y a des tâches spécifiques pour chaque employé. Alors, HIGANIRO
était directeur général. Il y avait le témoin 40 qui était agent commercial ;
lui, il n'avait aucun problème avec la situation qui s'était abattue sur le
Rwanda, donc il pouvait aller n'importe où et n'importe quand. Donc, dire que
HIGANIRO aurait fait le service d'agent commercial, c'est pas vrai, d'autant
plus qu'il y avait cet agent commercial qui faisait ce travail.
Le Président : Autre question ?
Me. EVRARD : Monsieur le
président, le témoin ne peut-il pas envisager que certains arrangements aient
été pris sans qu'on en réfère à lui - il n'est quand même pas directeur général
ni administratif de la SORWAL - entre Monsieur le témoin 40 et Monsieur HIGANIRO ou
Monsieur le témoin 40, Monsieur le témoin 21 et Monsieur HIGANIRO ?
Le Président : Vous plaiderez
Maître. Une autre question !
Me. EVRARD : C'est une question,
non ? Est-ce que…
Le Président : Une autre
question !
Me. EVRARD : Je voudrais
encore savoir si…
Le Président : Je ne peux
pas faire appel à l'imagination des témoins !
Me. EVRARD : Ce n'est pas
de l'imagination. Je voudrais savoir une dernière chose, Monsieur le président,
en ce qui concerne Monsieur le témoin 21. Est-ce que c'était quelqu'un considéré ou
réputé comme un gros travailleur ?
Le Président : Monsieur le témoin 21…
le témoin 153 : Oui.
Le Président : C'était un
gros travailleur ?
le témoin 153 : Oui, le témoin 21
était…
Le Président : Pas physiquement.
Est-ce que c'était quelqu'un travaillait beaucoup ?
le témoin 153 : Ah oui, oui !
Il s'attachait bien à son travail comme directeur technique.
Le Président : Autre question ?
Me. EVRARD : Est-ce qu'il
travaillait la semaine jusqu'à des heures indues, samedi, week-end compris ?
Le Président : Est-ce que
vous savez ce qu'il faisait de ses week-ends ?
le témoin 153 : Non. Je savais
pas… je peux pas savoir ce qu'il faisait pendant les week-ends. On se rencontrait
au travail, du lundi au vendredi.
Le Président : Autre question ?
Me. EVRARD : Merci, Monsieur
le président.
Le Président : Y-a-t-il encore
d'autres questions ? Les parties sont-elles d'accord pour que le témoin se retire
?
Monsieur le témoin 153, persistez-vous dans les déclarations que vous avez
faites, vous maintenez les déclarations que vous avez faites, vous confirmez
vos déclarations ?
le témoin 153 : Oui, je persiste.
Le Président : Eh bien, Monsieur
le témoin 153, vous pouvez disposer de votre temps, tout en restant à la disposition
de la Cour d'assises pour des problèmes administratifs jusqu'à votre retour
au Rwanda.
le témoin 153 : Oh, merci,
Monsieur…
Le Président : Notamment
pour le paiement des indemnités, des frais d'hôtels et autres choses.
Le Président : Alors, le
témoin suivant, Monsieur le témoin 121. Maître EVRARD ?
Me. EVRARD : Monsieur le
président, je souhaite faire une brève observation suite à l'audition du témoin,
si vous me le permettez.
Le Président : Oui.
Me. EVRARD : Nous aurons
tous relevé que le témoin a signalé que les mots « travailler » figuraient
en majuscules dans le document qui lui a été soumis. Je crois que la Cour a
d'ailleurs rectifié pour signaler que c'était en termes minuscules et entre
guillemets. Je voudrais simplement faire observer que les termes en majuscules
ne figurent que dans deux types de documents, c'est-à-dire le réquisitoire du
procureur du Roi dressé lors de la procédure d'instruction, et l'acte d'accusation
qui fonde les poursuites actuelles. Je vous remercie. |