assises rwanda 2001
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Instruction d’audience A. Higaniro Audition témoins compte rendu intégral du procès
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7.3.15. Auditions des témoins: le témoin 21

Le Président : Donc, classeur 42, farde 133, pièces 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21

Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

le témoin 21 : le témoin 21.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

le témoin 21 : 43 ans

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 21 : Je suis ingénieur civil électromécanicien.

Le Président : Quelle est votre commune de résidence ?

le témoin 21 : Je, euh… c’est Namur.

Le Président : Namur. Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés, avant le mois d'avril 1994 ?

le témoin 21 : Je connais Vincent, avant avril 94.

Le Président : Vincent NTEZIMANA. Oui.

le témoin 21 : Je connais également Alphonse.

Le Président : Oui ?

le témoin 21 : C’est tout.

Le Président : C’est tout. Etes-vous de la famille des accusés ou de la famille des personnes qui leur réclament des dommages et intérêts ?

le témoin 21 : Non.

Le Président : Travaillez-vous, sous un lien de contrat d’emploi, pour les accusés ou pour les parties civiles ?

le témoin 21 : Non.

Le Président : Je vais vous demander, Monsieur le témoin 21, de bien vouloir lever la main droite, l’autre droite, et de prononcer le serment de témoin.

le témoin 21 : Je jure de parler sans haine, sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie. Asseyez-vous Monsieur le témoin 21.

Vous avez dit, il y a un instant, que vous connaissiez Vincent NTEZIMANA ainsi qu’Alphonse HIGANIRO. Vous pouvez dire dans quelles circonstances vous connaissiez Vincent NTEZIMANA ?

le témoin 21 : Je le connais. Il était professeur à l’Université. C’est tout. Tandis que HIGANIRO était mon directeur général à la SORWAL.

Le Président : C’est ça. Donc, Monsieur Vincent NTEZIMANA, vous le connaissiez de vue, de réputation, ou vous aviez des contacts avec lui ?

le témoin 21 : Non, je le connaissais comme professeur à l’université.

Le Président : C’est ça. Monsieur HIGANIRO était donc le directeur général, à l’époque, de la SORWAL dont vous étiez directeur technique ?

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Vous travailliez à la SORWAL depuis quelle époque ?

le témoin 21 : J’ai commencé là-bas en 1984.

Le Président : Donc, vous y étiez, à la SORWAL, avant que Monsieur HIGANIRO n’y arrive ?

le témoin 21 : Oui, oui, oui.

Le Président : Avez-vous constaté, dans la politique du recensement du personnel de la SORWAL, un changement avec l’arrivée de Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 21 : Non. Quand HIGANIRO est venu, certaines personnes ont cru qu’il va changer, mais personne n’a été inquiété donc, les employés n’ont pas été changés. Il n’a pas changé son secrétaire de direction. Il n’a pas changé le directeur, le chef du personnel. Il n’a pas changé la caissière. Il n’a pas chambardé le personnel. Il a gardé le statu quo qui était là.

Le Président : A-t-il procédé à des recrutements ?

le témoin 21 : Non. Les recrutements qui ont eu lieu, ce sont des recrutements qui ont été menés par le Conseil d’administration, à savoir l’engagement du directeur administratif et financier, et puis, l’engagement de l’agent commercial, et puis l’engagement du comptable. Les autres personnes, les petits ouvriers, là, c’était au fur et à mesure où un petit poste se présentait et puis, il mettait quelqu’un. Mais les engagements…

Le Président : Il n’a pas procédé, même au niveau des ouvriers, à des licenciements massifs, en remplaçant… ?

le témoin 21 : Non.

Le Président : Il y a eu des engagements de, de gardes armés ?

le témoin 21 : Oui. C’est-à-dire, en 1992, il y avait les problèmes d’insécurité, alors HIGANIRO a dit, a dit qu’il devait s’adresser au Conseil d’administration pour que le Conseil d’administration soit sensibilisé aux problèmes de sécurité de la société. Alors, à un certain moment, nous nous sommes adressés au commandant de gendarmerie pour lui dire de nous donner des gardes armés qui sont équilibrés, parce qu’à ce moment-là, on projetait d’acheter des armes pour garder la société. Et cet engagement a été fait sur recommandation du commandant de gendarmerie, Cyriaque HABYARABATUMA, et puis, les armes ont été commandées, avec l’autorisation du Conseil d’administration et ça passait par des voies légales.

Le Président : Monsieur HIGANIRO était-il populaire au sein du personnel de la SORWAL et, et je dirais, même au sein de la population de Butare ?

le témoin 21 : Au sein du personnel de la SORWAL, il a rencontré une petite difficulté qui est liée au fait que HIGANIRO, c’est un type qui suit la loi, qui suivait le code du travail. Il y a certains avantages informels qu’on avait accordés au personnel et puis, HIGANIRO a vu que c’était pas, c’était pas dans le code du travail, il a supprimé certains avantages, et c’était juste.

Au niveau de la population de Butare, HIGANIRO, bon, a, était victime d’une certaine impopularité de la SORWAL qui date de 1987, au moment de la création de cette société. A ce moment, j’étais là, nous avions du personnel qui touchait autour de 300, 400 alors, quand on a privatisé la société, donc le personnel a quitté de 400 personnes jusqu’à 70 personnes alors, ça créait dans tout Butare, avec cette privatisation.

Peu de temps après 3 ans, il y a eu la guerre de 1980,1990. L’ancien directeur général, NGIRIRA Mathieu, a licencié les Tutsi qui étaient dedans, ou des gens qui avaient une certaine accointance avec le FPR et ça aussi, dans Butare, ça a créé une certaine, un certain mécontentement.

Alors HIGANIRO est venu dans cette atmosphère-là. Et puis, quand il a commencé ses fonctions, deux mois après, le Conseil d’administration est venu, il a licencié l’agent commercial, il a licencié le directeur administratif et financier et tout ça tournait contre HIGANIRO, à tel point que, dans l’ensemble, au niveau du public de Butare, la société SORWAL n’était pas bien cotée et HIGANIRO en a assuré donc la, la responsabilité. Et ça a tombé sur lui.

Le Président : Savez-vous quelque chose de la clientèle de la SORWAL ?

le témoin 21 : Oui. La clientèle de la SORWAL donc, toute personne qui avait un registre de commerce, pouvait s’adresser à la SORWAL et on lui donnait des allumettes. Nous avions des représentants de gauche à droite, surtout à Kigali et à Butare. Et ces personnes, c’était mélangé, il y avait des Hutu, il y avait des Tutsi là-dedans.

Si je pourrais maintenant préciser que j’ai lu le journal « Le Soir » où on affiche une liste d’à peu près 25 personnes qui étaient clientes de la SORWAL mais, parmi ces 25 personnes, la moitié, ce sont des clients de Monsieur NGIRIRA Matthieu. Mais dans le journal « Le Soir », on dit que ces clients, c’étaient des clients du temps de HIGANIRO Alphonse, et c’est faux. Les preuves sont là.

Le Président : C’étaient des clients qui existaient déjà avant ?

le témoin 21 : Ce sont des clients qui existaient déjà avant. 12 à 13 personnes, ce sont des clients qui existaient déjà avant. Et alors, HIGANIRO a remorqué ce passif que NGIRIRA avait laissé.

Le Président : Et vous savez si le Conseil d’administration a, notamment, changé les modes de paiement des clients ?

le témoin 21 : Oui. Puisqu’à certains moments, on voyait qu’il y avait trop de crédits et que la… la société allait être à court cours de trésorerie, et HIGANIRO a proposé de supprimer ce système de crédit et puis procéder au paiement cash contre livraison.

Le Président : Le 7 avril 1994, le lendemain du jour où l’avion transportant le président le témoin 32 va être abattu, Monsieur HIGANIRO a quitté Butare ?

le témoin 21 : Oui.

Le Président : L’usine SORWAL a fermé ses portes, il n’y a plus eu d’activités.

le témoin 21 : L’usine SORWAL a fermé ses portes.

Le Président : Elle n’a repris ses activités que le 3 mai ?

le témoin 21 : Oui, c’est le 3 mai que j’ai ouvert la société. HIGANIRO était venu peu de temps avant, donc, autour du 29…

Le Président : Avril, oui.

le témoin 21 : …avril pour me dire que maintenant, on doit ouvrir l’usine et il m’a donné le commandement de cette société. Il m’a donné toutes les ressources matérielles, financières et humaines. Donc, il m’a recommandé d’optimiser ces ressources. Et il est reparti tout de suite.

Le Président : Et entre le… le 7 avril et le 3 mai, il n’y avait plus aucune activité à la SORWAL ?

le témoin 21 : Aucune.

Le Président : Si ce n’est peut-être, je ne sais pas moi, les veilleurs ou les gardiens qui… qui surveillaient les stocks ou… ou les bâtiments ?

le témoin 21 : Le 7, nous, nous avons été obligés, nous étions contraints donc, d’aller chercher les veilleurs pour organiser, pour qu’ils puissent faire la rotation, entre eux, pour garder l’usine. Et, à ce moment-là, nous nous sommes adressés, moi et le directeur administratif et financier, au commandement et ils nous ont donné l’autorisation de ce jour-là pour les véhicules, pour nous-mêmes et pour les veilleurs, et pour les veilleurs, c’était une autorisation, c’était un laissez-passer. Pour nous c’était une autorisation journalière, donc, de ce jour-là. Donc, nous avons organisé ces veilleurs et puis nous sommes partis.

Le Président : Dans certaines de vos déclarations, vous dites que c’est le 2 mai que Monsieur HIGANIRO est revenu à Butare.

le témoin 21 : Ca, c’est une hésitation, mais je dis que c’était fin avril, c’était fin avril parce que vous voyez, quand j’ai fait ma… mon témoignage, c’était une année après, alors c’est, c’est une hésitation. Mais ce que je sais, c’est que c’était fin avril, il est venu vers 4 heures, il est passé chez moi à la maison pour me dire que demain, il va ouvrir l’usine et puis, j’ai dit, bon : « Je vais chercher tout le personnel pour que vous puissiez leur donner un mot donc, de… de lancement de l’usine ».

Le Président : Et il y a eu une réunion alors, avec le personnel, avant que l’usine ne redémarre ?

le témoin 21 : Donc, quand il est venu, il m’a dit : « Cherchez tout le personnel pour que je tienne donc, une réunion pour dire donc, que maintenant il faut commencer le travail parce que le deuil est terminé. Il faut maintenant travailler parce que c’est ainsi, donc, pour démarrer les activités ».

Le Président : Entre le 7 avril et la fin du mois d’avril, avez-vous eu des nouvelles de Monsieur HIGANIRO ? Par courrier, par téléphone ?

le témoin 21 : Non.

Le Président : Absolument rien ?

le témoin 21 : Non.

Le Président : Aucun contact ?

le témoin 21 : Aucun contact. Il est venu fin avril, il est venu vers 4 heures, et puis il est reparti, le lendemain, vers 10 heures.

Le Président : Et le seul contact que vous aurez ensuite avec lui, ce sera par un courrier qu’il va vous a envoyé de Gisenyi ?

le témoin 21 : Oui, oui.

Le Président : Avant les événements d’avril 1994, vous participiez avec Monsieur HIGANIRO, à des réunions avec des fonctionnaires de la ville de Butare, membres du MRND ?

le témoin 21 : Bon, cette réunion, donc, on a tenu deux réunions. En fait de quoi s’agissait-il ? Donc, il y avait donc les fonctionnaires, donc les salariés, si je puis m’exprimer ainsi. On a dit, à un certain moment, qu’il faut que les salariés de Butare, donc, qui sont membres du MRND puissent se réunir et puis, émettre des réflexions. Alors, à ce moment-là donc, c’était donc une tentative timide, privée. Alors, certaines personnes se sont réunies. Alors, sur place, ils ont dit : « On peut constituer un comité directeur ». Donc, au-dessus, c’était l’assemblée des… des fonctionnaires, et puis, constituer un comité directeur et puis, des petits comités, alors c’est ce… ce petit comité où on disait que, maintenant, les gens qui travaillent ensemble ou bien les gens qui ont une certaine affinité ou bien qui habitent dans une même sous-localité, peuvent se réunir, peuvent se convenir, puis, vont se réunir pour émettre des réflexions.

Alors, c’est ainsi qu’on a vu parmi les membres, parmi ces fonctionnaires, ces… ces salariés, HIGANIRO, moi, le témoin 40 et NDAHIRIWE Nicolas, on travaillait ensemble. A côté de ça, on voyait que Zéphirin et puis HIGANIRO habitaient une même sous-localité. Moi aussi, j’habitais la même sous-localité, alors, c’est ainsi qu’on nous a mis ensemble dans un petit comité qu’on a appelé « petit comité pour la politique » donc, et mettre dessus donc, des réflexions sur la politique.

Le Président : C’est vous qui avez rédigé les procès-verbaux de ces réunions ?

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Vous dites ici « petit comité » mais apparemment, vous appeliez ça, à l’époque « Commission politique du comité directeur des fonctionnaires ».

le témoin 21 : Oui. Donc, quand… si vous regardez dans la traduction rwandaise, donc le texte qui est à la base de la formation de cette assemblée des salariés, on dit : « Des petits comités ». Ce sont des petits comités qu’on a constitués. Alors, ce petit comité, nous avons fait deux réunions.

Le Président : Vous savez encore situer l’époque de ces réunions ?

le témoin 21 : C’était… en février 94. On a fait la première réunion. La première réunion, on a… on a discuté sur l’organisation, comment ça va se faire, où et comment. Alors, nous avons décidé que ça soit cyclique, tantôt chez HIGANIRO, tantôt chez Zéphirin, tantôt chez Martin, tantôt chez le témoin 40, tantôt chez NDAHIRIWE Nicolas, et les autres.

Alors, nous avons discuté sur les problèmes du moment et puis, la deuxième réunion, qui n’a duré qu’une trentaine de minutes, nous avons donc discuté sur ce qu’on avait fait dans la première réunion, sur base d’un document que j’ai intitulé : « Suggestions de la commission politique des fonctionnaires». Et ce document est… a été le rapport numéro 2, qui remplace le premier document.

Le Président : Donc, en quelques sortes, le premier rapport était un brouillon que vous aviez fait au moment de la réunion ?

le témoin 21 : Oui, c’était un brouillon alors à la deuxième réunion...

Le Président : Et le deuxième document devenait le document définitif après discussions ?

le témoin 21 : Définitif, qui remplace le premier qui n’était qu’un projet.

Le Président : C’est ça. Euh… savez-vous ce qui a été fait de ce rapport numéro 2 ? Chaque membre a-t-il reçu un exemplaire, chaque membre de ce petit comité ?

le témoin 21 : Donc, dans ce petit comité, quand nous avons terminé, il y avait un problème : où transmettre ces réflexions ? Parce qu’il y a l’assemblée générale qui devait élire les 10 comités, donc les… les 10 membres du comité, puisqu’ils étaient mis sur place, donc, ils se sont autoproclamés les 10, si je puis m’exprimer ainsi, mais il fallait que l’assemblée des fonctionnaires, des salariés, confirme ces 10 personnes.

Alors ces 10 personnes, ils devaient maintenant élire le bureau exécutif, donc le président, le vice-président, le secrétaire et le trésorier. Et puis, nous aussi, dans les petits comités, on devait maintenant nous désigner des responsables, donc les responsables qui étaient à ce moment-là, ils étaient désignés. Mais on devait passer par des élections, dire tel est responsable, tel est responsable. Alors maintenant, quand nous avons terminé nos premières réflexions, puisqu’on avait dit qu’il faut que les petits comités commencent à émettre des réflexions, on s’est retrouvé, on n’a pas pu… on n’a pas trouvé à qui transmettre ces documents.

Le Président : Donc, ça n’a été transmis à personne ?

le témoin 21 : Non, ça n’a été transmis à personne.

Le Président : Savez-vous si d’autres petits comités ont fonctionné ?

le témoin 21 : Ca, je ne sais pas, parce que nous avons fait notre… nos deux réunions et puis après, à Butare il y a… il y a eu donc du chambardement, il y a eu le problème du président du PSD qui est mort, non, le président de la CD qui est mort, alors, ça tournait en désordre, au point qu’on ne se souvient plus si ces petits comités ont continué à… à exister. Jusqu’en avril où il y a eu cet incident.

Le Président : Votre petit comité n’a tenu que deux réunions. Il n’y en a pas eu d’autres ?

le témoin 21 : Deux réunions seulement.

Le Président : Et le document final n’a été transmis à personne, finalement.

le témoin 21 : A personne.

Le Président : Dans le cadre de vos activités à la SORWAL, vous redémarrez les activités de la… de la société, le 3 mai.

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Et puis, vous dites que vous êtes sans nouvelles de Monsieur HIGANIRO.

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Pas de contact, si ce n’est une lettre qu’il va vous envoyer le 23 mai.

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Une lettre qui est une réponse, semble-t-il, à une lettre que vous lui avez… une lettre ou un rapport que vous lui avez envoyé ?

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Ce rapport, on ne l’a jamais retrouvé.

le témoin 21 : Donc, j’ai écrit mon rapport, le rapport est parti.

Le Président : Il est parti comment, votre rapport ?

le témoin 21 : Le rapport est parti avec le chauffeur du camion qui amenait les allumettes, le camion qui est parti le 21 ou le 20. Alors le 23, HIGANIRO m’a répondu avec le rapport en annexe.

Le Président : Donc, le rapport que vous lui aviez envoyé, vous est revenu, en quelque sorte ?

le témoin 21 : Oui. Puisqu’il avait mis des annotations dans le rapport et puis, en annexe, il avait mis la… la réponse. Donc, il a synthétisé les points…

Le Président : Ah, il avait déjà mis des annotations sur le rapport lui-même ?

le témoin 21 : Il a mis des annotations sur le rapport et puis après, il a annexé la… la lettre, là. Donc, mon rapport se trouve à la SORWAL.

Le Président : Votre réponse on l’a… enfin non, la réponse de Monsieur HIGANIRO apparemment, on l’a retrouvée. Mais, il est vrai que des événements se sont déroulés depuis lors, hein… qui peuvent peut-être expliquer qu’on ne retrouve pas tout.

le témoin 21 : Ah, ça, je le sais, puisque le rapport et la lettre étaient annexés. Et ça se trouvait dans… le secrétaire de direction.

Le Président : Et donc, sur le rapport même, il y avait des annotations de Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 21 : Oui, parce qu’il lisait le rapport et puis, il mettait des… des petits points. Puis après, il a synthétisé la… la… donc, les… les remarques qu’il avait… qu’il avait mises sur le rapport et puis, il a mis la lettre, la lettre là, du 23 mai.

Le Président : Vous vous souvenez de cette lettre du 23 mai ?

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Vous vous souvenez du point 1 ? Je vais vous relire le point 1.

le témoin 21 : Oui.

Le Président : « Merci pour votre lettre rapport et pour le carburant que j’espère acquis au prix normal, qui me permet de travailler ». Et le terme travailler est mis entre guillemets.

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Vous savez pourquoi c’était mis entre guillemets, le mot travailler ?

le témoin 21 : Moi, je… j’ai pas fait attention à ces guillemets. Mais moi, j’ai… quand j’ai envoyé le carburant peu de temps après, parce que je lui ai envoyé le carburant pour travailler. Peu de temps après, j’ai enregistré des ventes massives de ce côté de Gisenyi où, donc c’était… où on n’avait jamais eu des activités avant, dans cette… dans cette préfecture, dans cet axe. On a enregistré pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 8,7 millions.

Le Président : Oui. Et les clients, pour ces 8,7 millions, ils étaient où ? Ils étaient… c’étaient des clients rwandais ?

le témoin 21 : Oui. C’étaient des clients rwandais qui se trouvaient à Gisenyi.

Le Président : Est-ce qu’il y a eu des clients zaïrois ?

le témoin 21 : Dans… ?

Le Président : Enfin je veux dire, euh… du Zaïre, hein ?

le témoin 21 : Puisque...

Le Président : Des ventes faites au Zaïre ?

le témoin 21 : En fait, puisque lui, il devait… il s’est occupé du commerce frontalier. Alors, dans ses clients, probablement qu’il y a ceux qui se trouvaient du côté de Goma, ou des Rwandais qui amenaient ça à Goma. Je n’ai pas prêté attention sur les noms qui sont mentionnés sur les bordereaux de versement.

Le Président : Monsieur HIGANIRO a expliqué que, euh… le fait qu’il ait mis ça entre guillemets, ça permettait de justement faire référence au rapport que vous aviez établi, parce que, dans votre rapport, euh… il était question d’imputer les frais de carburant au poste du représentant, du… du délégué commercial et non pas au poste « frais de représentation » du directeur général.

le témoin 21 : Puisque moi, donc...

Le Président : Vous aviez fait, semble-t-il, cette proposition dans votre rapport.

le témoin 21 : Donc, dans… dans mon rapport, donc, j’ai… quand j’ai expédié mon rapport, je l’ai expédié avec le carburant. Et puis lui, il m’a répondu que ça va lui permettre de travailler. Alors maintenant, ce, donc cette imputation, je l’ai faite sur le service commercial, parce que c’est HIGANIRO maintenant qui commençait à faire le service commercial.

Le Président : Oui, mais il semble que dans votre rapport, il était question de ça. Vous posiez… vous disiez : « Voilà l’essence qui va permettre de faire de la représentation commerciale donc, je propose que l’imputation comptable soit faite », c’est ça ?

le témoin 21 : Oui, oui. C’est ça. Que l’imputation comptable se fasse sur le service commercial.

Le Président : Et puisque le rapport est revenu en même temps, il n’était pas plus simple de mettre dans la lettre : « Je suis d’accord avec votre méthode comptable », plutôt que de mettre travailler entre guillemets ?

le témoin 21 : Donc, la lettre est revenue.

Le Président : Elle est revenue avec votre rapport, dites-vous.

le témoin 21 : Avec mon… mon rapport.

Le Président : Il était peut-être plus simple sur la… la réponse de mettre : « Point 1 : je suis d’accord » plutôt que de mettre : « Merci, merci, cela me permet de travailler ».

le témoin 21 : Non, moi, j’ai pas… j’ai pas mis ça sur mon… sur la réponse, mais j’ai dit donc, à mes… mes subalternes : « Voilà, maintenant les imputations vont se faire comme ça », parce que j’avais proposé au directeur général que je vais maintenant imputer ces 200 litres sur le service commercial, et le directeur administratif et financier s’est exécuté…

Le Président : Mais oui, mais, puisqu’il vous a… puisqu’il vous a renvoyé votre rapport avec des annotations, est-ce qu’il n’était pas plus simple, selon vous, de mettre : « Pour l’imputation comptable, je suis d’accord » ?

le témoin 21 : Je vous dis ceci. Il a envoyé la lettre. Maintenant avec le rapport… Maintenant, avec le rapport, les chefs de service qui lisaient ce rapport, ils voyaient ce qu’ils devaient faire ce qui était sur… donc, sur mon rapport. Et puis après, donc chaque chef de service faisait ce qu’il devait faire, et puis après, HIGANIRO devait revenir, et puis analyser le bilan. Alors, s’il y a une erreur, alors, on devait corriger, on devait corriger.

Le Président : Oui. Bien.

le témoin 21 : Donc, il n’était pas nécessaire que je dise : « Moi, je suis d’accord sur l’imputation », puisque j’avais donné l’ordre d’imputer ça.

Le Président : Et dans votre rapport, vous parliez de… du problème de la situation militaire, des armes et des munitions ?

le témoin 21 : Oui, parce que…

Le Président : Ca intéressait la SORWAL ?

le témoin 21 : Vous dites ?

Le Président : Ca intéressait la SORWAL, la fourniture d’armes et de munitions ?

le témoin 21 : Non. Donc, quand j’ai rédigé mon rapport, j’ai dit au directeur général : « Ca devient un problème de travailler », parce que la dynamique de l’usine, c’était travailler en deux équipes. Maintenant, il y avait le couvre-feu, de 18 heures jusqu’à 6 heures du matin. Et puis, je ne pouvais pas commencer, même, je ne pouvais pas optimiser de 18 heures jusqu’à 6 heures du matin. J’étais obligé de commencer de 9 heures jusqu’à 15 heures. Alors, je dis : « Ca devient un problème, il faut qu’on puisse trouver une solution pour cette guerre ». Alors, lui, il m’a répondu : « Le problème d’armes, le problème de munitions, c’est un problème du gouvernement ».

Le Président : C’est ça.

le témoin 21 : Puisque moi, je disais : « Bon, il faut qu’on termine, il faut qu’on puisse terminer cette guerre pour que je puisse optimiser la production ».

Le Président : Votre rapport, est-ce que c’est Monsieur le témoin 40 qui l’a amené à Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 21 : Non, le rapport est revenu avec le chauffeur.

Le Président : Avec le chauffeur. Mais, il est parti avec qui ?

le témoin 21 : Il est parti avec le chauffeur.

Le Président : Aussi ? Monsieur le témoin 40 n’était pas avec le rapport et le chauffeur ?

le témoin 21 : Non, non, il n’était pas avec le rapport.

Le Président : Pourtant, dans une de vos explications, vous dites que c’est le témoin 40 qui a apporté le rapport, et vous dites aussi qu’à son retour de Butare, Monsieur le témoin 40 vous a dit qu’il avait eu un contact avec Monsieur HIGANIRO bien sûr, et que Monsieur HIGANIRO lui avait dit que dorénavant, c’est lui qui allait vendre les allumettes à Goma.

le témoin 21 : Alors, il y a deux choses. Donc, le témoin 40 est parti vers le 13, et puis, il a contacté le directeur général. Quand il est revenu, il m’a dit que le directeur général a besoin du carburant pour pouvoir s’occuper de Gisenyi et de Goma. Alors maintenant, mon rapport, je l’ai donné au chauffeur. Il est parti à Gisenyi, et le directeur général a répondu et puis, il est revenu. Et puis ça, lors de nos interrogatoires avec le témoin 40 et moi-même, on a mis ça au clair, que le rapport donc, il est parti avec le chauffeur et il est revenu avec le chauffeur.

Le Président : Mmm. Euh… donc, c’est pas le témoin 40 ? le témoin 40 c’était une semaine avant.

le témoin 21 : Non. On a mis ça au clair.

Le Président : le témoin 40 c’était une semaine avant ? Est-ce que le témoin 40 il est parti avec Innocent NKUYUBWATSI à Gisenyi ?

le témoin 21 : Ca, je me rappelle pas, je ne crois pas, je me rappelle pas. Seulement, le témoin 40 est parti avec un commerçant de… de Gitarama mais je ne me rappelle pas qu’il est parti avec NKUYUBWATSI, je me rappelle pas. Ça, je peux pas répondre là-dessus.

Le Président : Bien, donc le premier point, vous avez donné une explication. Le deuxième point : ça n’allait plus, on ne savait plus travailler en deux équipes. Troisième point : « Pour la sécurité dans Butare, il faut poursuivre et achever le nettoyage ». C’était quoi ce nettoyage entre guillemets ?

le témoin 21 : Donc, quand nous avons commencé les… les travaux, il fallait faire des nettoyages assez importants dans l’usine parce qu’on manipule des produits inflammables. Alors, puisqu’on venait de passer un mois sans travailler et qu’on avait laissé l’usine comme ça, on a été obligé de faire des travaux de nettoyage assez importants. Alors maintenant, quand nous avons repris le travail, on a repris aussi…

Le Président : Oui. Donc, il fallait faire des travaux importants de nettoyage dans l’usine pour éviter… pour éviter…

le témoin 21 : Dans l’usine et même dans l’extérieur aussi.

Le Président : Pour éviter des problèmes dans l’usine.

le témoin 21 : D’incendie.

Le Président : Là, je comprends bien qu’il ait mis pour la sécurité de l’usine, il faut… il faut faire du nettoyage. Mais c’est pas ça, hein.

le témoin 21 : Bon, d’accord. Bon, attendez. Il faut me suivre un peu. Maintenant, dans mon rapport, j’ai dit : « Maintenant, le problème de la pluie nous gêne dans les régions de la crête Zaire-Nil, dans Gikongoro, dans la crête Zaire-Nil ». Donc, ce problème…

Le Président : C’est pas la préfecture de Butare, ça ?

le témoin 21 : Dans Gikongoro. Je dis : « Dans Gikongoro, le camion rencontre beaucoup de problèmes à tel point que la rotation n’est plus régulière, au point que nous avons des ruptures de production ». Et j’ai dit : « Dans Butare, le camion a failli brûler son disque d’embrayage dans l’aire de déchargement de l’usine ». Donc, quand j’ai parlé de ce nettoyage, j’ai dit : « Maintenant cette aire de déchargement est en train d’être nettoyée, à titre prioritaire ». Quand je parle maintenant de nettoyage, c’est le nettoyage à l’intérieur de l’usine pour éviter les incendies, et puis, cette aire de déchargement…

Le Président : Le nettoyage de l’aire de déchargement.

le témoin 21 : où le camion a failli brûler son disque d’embrayage.

Le Président : Il n’y a personne qui n’a jamais rien vu, sauf vous. Il n’y a personne qui a jamais vu que cette aire de déchargement présentait de la boue qui nécessitait un nettoyage. Il n’y a que vous qui l’avez vu.

le témoin 21 : C’est faux.

Le Président : Il n’y a que vous qui avez vu ça.

le témoin 21 : Je m’explique, Monsieur le président.

Le Président : Non seulement il n’y a que vous qui avez vu ça…

le témoin 21 : Je m’explique, Monsieur le président.

Le Président : non seulement, il n’y a que vous qui avez vu ça, mais vous avez fait procéder à ce nettoyage par des prisonniers…

le témoin 21 : Oui.

Le Président : de la prison de Butare, un dimanche ?

le témoin 21 : Un dimanche.

Le Président : Et vous avez fait achever ce travail de nettoyage, le dimanche, à un point tel que plus personne n’a rien vu le lundi.

le témoin 21 : Voilà ce qui s’est passé. Donc…

Le Président : Alors, pourquoi fallait-il achever le nettoyage qui était déjà fini ?

le témoin 21 : Voilà ce que j’ai fait, Monsieur le président. Le dimanche, d’habitude, j’allais au travail. C’est une habitude que j’avais. Et puis cette habitude a été renforcée par le fait qu’il y a certaines lignes, la ligne de l’imprimerie qui ne fonctionnait pas bien. Alors, on a été obligé de rallonger ces heures de travail. Alors, j’étais contraint de travailler les dimanches.

Quand j’étais dans mon bureau, le chauffeur-mécanicien, responsable du charroi, il est venu me rendre compte de la situation du charroi et surtout du groupe électrogène, puisqu’à ce moment-là, toute la production de mai, juin, c’était sur groupe électrogène. Donc, il venait faire l’inspection du groupe électrogène, et me faire rapport sur le charroi. Parce qu’à un certain moment, il n’était pas… plus… il n’était pas régulier parce que, quelques fois, il accompagnait la camionnette qui était réquisitionnée par les militaires.

Le Président : Ah, donc, il y a eu des réquisitions, il y a eu des réquisitions de véhicules, par les militaires ?

le témoin 21 : Il y a un véhicule qui a été réquisitionné.

Le Président : D’accord.

le témoin 21 : Alors maintenant, quand il m’a rejoint à l’usine j’ai dit : « Maintenant, tu me déplaces le camion - puisqu’on avait laissé le camion en face de la cantine - tu me déplaces le camion, et puis tu montes comme ça, tu me le places devant l’usine ».

Alors, quel était le mobile principal pour faire ce déplacement ? Normalement, l’aire de déchargement se trouvait sur une pente assez longue et notre lift qui soulevait les grumes, était en panne. Alors, puisque c’était une pente progressive, j’ai dit : « Maintenant, on va mettre le camion de ce côté-là, comme ça, si on décharge les grumes, on va les couper, maintenant le personnel n’aura pas la peine de soulever les grumes jusqu’à… à deux mètres de hauteur ». Alors, le chauffeur mécanicien a fait le retournement du camion et il a tombé, donc un des pneus a tombé dans la boue qui était au-dessus donc, de l’aire de déchargement. Alors, ça a dérapé, j’ai dit, j’ai insisté : « Il faut qu’on tire ce camion ».

Alors maintenant, j’ai vu les… les prisonniers qui passaient là-bas, qui venaient dans des enterrements. J’ai dit : « Vous pouvez venir        m’aider ? ». Ils sont venus, sans hésitation, parce que ces prisonniers, déjà, ils travaillaient dans notre projet agropastoral. Ils m’ont aidé et j’ai dit : « Bon maintenant vous faites… vous faites la… le nettoyage », à ce moment-là, et puis après, le lendemain matin, les prisonniers sont revenus pour continuer leur travail comme d’habitude, puisqu’avant la guerre, on faisait ces… les travaux de labour, pendant la guerre, euh… après la reprise des travaux, on a continué ces travaux de labour. Donc, des travaux de labour et de nettoyage sur… sur cette aire de déchargement et sur les accès, le deuxième accès de l’usine a été fait par des prisonniers, et ça a continué.

Le Président : Oui.

le témoin 21 : Et ça a continué.

Le Président : Enfin tout ça, ça concerne la sécurité de l’usine, éventuellement du camion, mais la sécurité « dans » Butare ?

le témoin 21 : C’est ça. J’ai dit « dans » Butare.

Le Président : Butare, ça ne se limite pas à une aire de déchargement de la SORWAL, hein ?

le témoin 21 : Non, je dis dans Butare. Parce qu’aussi, maintenant, je dis à ce moment-là, j’avais donc… le camion empruntait trois pistes pour arriver à la SORWAL. Il y avait une piste qui présentait des difficultés, aussi je projetais de la réparer. Alors, si je dis dans Butare, c’est que, par exemple, ces travaux de… de nettoyage des caniveaux de cette… de cette voie d’accès, étaient en vue.

Le Président : C’est ça. D’accord. C’est… c’est quoi les liens avec le  Zaïre ?

le témoin 21 : Moi, quand j’ai dit au directeur général…

Le Président : Le point 5, hein. « Ne m’envoyez pas le bilan trimestriel ou le budget corrigé, ni le budget corrigé 1994, je passerai à Butare pour les examiner, dès que possible ». Je crois qu’il n’est jamais repassé, hein ?

le témoin 21 : Oui, il n’est jamais repassé.

Le Président : « Je m’occupe, pour le moment, de la défense de la République surtout en relation avec le Zaïre, notre seule voie de sortie actuellement ».

le témoin 21 : Là, il y a deux choses là-dedans. Moi, quand j’ai écrit au directeur général, je lui ai dit que la situation devient intenable, qu’il faut même arrêter la production, parce qu’on risque d’être à court de trésorerie. Alors, je lui ai dit : « Le gouvernement qui a appelé les gens au travail, il faut que l’acte de produire, n’est pas important pour le moment mais il faut qu’on parvienne à vendre notre stock qui est assez     important ». Donc, notre seule porte de sortie étant le Zaïre, parce qu’en Ouganda, c’était pas possible parce que c’est… c’était fermé par le FPR, en Tanzanie aussi, c’était fermé par le FPR et puis, on ne pouvait pas oser faire le Burundi.

Notre seule porte de sortie, c’était le Zaïre. Alors maintenant, quand j’ai reçu cette lettre, moi, j’ai dit, c’était une interprétation de moi sur l’autre partie que je dis, puisqu’à certains moments, il y a le premier ministre KAMBANDA qui est venu à Butare, il a rencontré les intellectuels, il a dit : « Maintenant, il faut réfléchir à trois problèmes : comment nous allons… comment donc faire quand nous allons gagner la guerre ? Comment faire si nous allons signer l’armistice ? Comment faire si nous perdons la      guerre ? ». Alors, moi, j’ai dit : « Bon, peut-être qu’à Gisenyi aussi, les gens aussi sont… ont commencé à émettre des réflexions dans ce       sens-là ». Mais, au début, moi, quand j’ai écrit au directeur général :        « Notre seule porte de sortie, c’était le Zaïre pour notre production, pour vendre nos produits ».

Le Président : Ah, vous lui aviez parlé de ça, dans votre rapport ?

le témoin 21 : Moi, je lui ai parlé de ça.

Le Président : Mais apparemment, malgré cette seule porte de sortie-là, qui était l’endroit où il travaillait comme euh… comme agent commercial, hein ? C’est là qu’il travaillait comme agent commercial, hein ?

le témoin 21 : Oui, oui.

Le Président : La frontière avec le Zaïre ? Il voulait quand même que l’agent commercial s’agite ailleurs, alors ? Parce que post-scriptum, il était mis : « La boîte d’allumettes coûte 15 francs, à Gisenyi, au détail, quand elle est importée. L’agent commercial doit s’activer, s’agiter pour vendre le maximum ».

le témoin 21 : Oui. Donc lui, il s’occupait de l’axe Goma, donc Gisenyi-Goma. Alors, j’ai dit au commercial de s’occuper Cyangugu-Bukavu.

Le Président : On a vendu là-bas ?

le témoin 21 : A Cyangugu-Bukavu donc, ils ont fait une mission pour voir, j’ai… j’ai donné une mission pour contacter les commerçants et puis, deuxièmement, contacter les autorités administratives puisqu’on devait… j’avais dit au directeur administratif et financier qu’il faut changer le routing des marchandises qui étaient à Mombasa. Donc, au lieu de passer par Dar es Salam, Dar es Salam-Rusumo, on change donc vers Dar es Salam, Kigoma, Uvira et puis Cyangugu.

Ils avaient cette mission d’aller chercher les… donc les clients potentiels et puis aussi, faire ces contacts administratifs avec le directeur général des transports et puis, le directeur général des MAGERWA. Et puis, il y a eu une tentative, mais ça a pas pu être fait parce que la guerre donc, avançait très rapidement, on n’a pas pu vendre donc de ce côté-là. Mais les contacts étaient fructueux là-bas. Donc, HIGANIRO s’est occupé de Goma, de Goma et puis l’autre, il a foncé de l’intérieur, donc de Butare, et puis, dans Gikongoro et puis, Cyangugu et Bukavu.

Le Président : Euh… dans sa lettre, dans la réponse à votre rapport, il est question notamment de… de ne plus payer une série de personnes parce qu’elles ne viennent plus, parce qu’elles… elles ont déserté, parce qu’elles ne se présentent plus. Euh… quand on ne travaille pas, on ne reçoit pas de salaire, c’est normal. Je crois que c’est assez normal. Est-ce que c’est normal ? Quand on ne travaille pas, on ne reçoit pas de salaire.

le témoin 21 : Bon. Donc, là, le code du travail rwandais est clair là-dessus. C’est dur, mais il est clair là-dessus. On dit que le salaire est la contrepartie du travail donc fourni, sauf en cas d’accord entre parties.

Le Président : D’accord.

le témoin 21 : Deuxièmement, s’il fait ça, c’est une prévention pour éviter toute spéculation, parce que c’est plus facile, pour les ayants droit, d’accéder au salaire via la SORWAL, plutôt que d’accéder au salaire via la banque. Parce que, via la banque, il faut s’adresser au tribunal et puis, c’est… c’est trop long. En fait, c’est une prévention qui est, en même temps, une facilité pour les ayants droit. Mais, du point de vue de la… du code du travail, c’est clair, pas de salaire…

Le Président : Pas de travail, pas de salaire.

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Avez-vous fait le nécessaire pour que le salaire de directeur général de Monsieur HIGANIRO lui soit payé pour le mois d’avril, le mois de mai et le mois de juin 1994 ?

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Si j’ai bien compris, en avril, il a travaillé 6 jours, comme directeur général. En mai, il a fait le directeur commercial et pas le directeur général. Et en juin, il n’a pas travaillé. Mais vous lui avez versé son salaire de directeur général.

le témoin 21 : Le directeur général est un directeur général. S’il a fait le travail d’agent commercial...

Le Président : Vous auriez dû lui payer en plus, peut-être… ?

le témoin 21 : Non, pas en plus, pas en plus, parce que le directeur général, il a les avantages qui couvrent tous ces problèmes-là. Et puis encore, si HIGANIRO a fait des… le… le travail de commercial, c’est pas la première fois qu’il fait ça. Retournons en arrière, en 1992, quand le Conseil d’administration a remercié l’agent commercial et le directeur administratif et financier, HIGANIRO a repris lui-même le service commercial et moi, j’ai repris le service administratif et financier et nous avons duré ça pendant 6 mois.

Et puis, c’est pas encore la 1ère fois que HIGANIRO fait ça. Suite à un problème d’approvisionnement du bois, juste avec ce camion-là, il m’a donné une mise à pied pour manque de prévention avancé, concernant l’approvisionnement en bois. Et, pendant ces 6 jours qu’il m’a donnés comme mise à pied, j’ai fait une remise, reprise avec lui, c’est lui qui a dirigé la production.

Donc, un directeur général, c’est un directeur général. Il ne travaille pas au jour près. Lui, on lui donne une politique et les objectifs et puis, à la fin de l’année, on lui demande les résultats. On ne dit pas que le directeur général a fait tel nombre de jours, nombre de jours, nombre de jours. Ça n’existe pas. Oui, un directeur général est un directeur général. Il peut passer deux jours sans, sans venir.

Le Président : Et il a… il a même touché deux fois son salaire, parce que, sur l’argent des ventes du témoin 40 qui lui a été remis à Gisenyi, il a encore gardé aussi l’argent ou une partie de cette somme pour se payer son salaire. Donc, il a touché deux fois son salaire.

le témoin 21 : Bon, quand j’ai passé…

Le Président : Quand il travaille deux fois moins, il gagne deux fois plus.

le témoin 21 : Quand j’ai passé là, à la police judiciaire, on m’a montré la note que j’avais vue à Butare, donc, un reçu comme quoi il avait donc, le reçu je l’avais vu mais le justificatif, on m’a dit qu’il avait acheté tout ça, tout ça, tout ça. Mais moi, j’ai répercuté son salaire sur son compte mais je ne sais pas s’il a eu son salaire.

Ce que je sais, c’est qu’à la fin du mois, il devait justifier ce qu’il a fait de cet argent-là. Parce qu’à la fin du mois, le comptable devait tenir le bilan mensuel. Et puis, puisqu’il avait signé le reçu, il devait justifier. Oui, il devait justifier. Mais, dire qu’il a reçu deux fois le salaire, ça, je ne peux rien dire. Encore que… encore que, les communications, les transferts n’étaient pas faciles suite au manque de communication entre les banques de Butare et les banques de Gisenyi. Mais il sait très bien qu’il fallait justifier ces 400.000 qu’il a, qu’il a perçus, hein. Puisque la… la comptabilité, elle est claire là-dessus.

Le Président : Heu… vous avez expliqué qu’un véhicule de la SORWAL avait été réquisitionné par les militaires.

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Quel est le militaire qui a réquisitionné le véhicule ?

le témoin 21 : Donc, il y a… comment il s’appelle ? Ildephonse NIZEYIMANA.

Le Président : C’est lui qui a… ?

le témoin 21 : Il est venu et m’a dit qu’il veut la camionnette. J’ai refusé. J’ai appelé le directeur administratif et financier : « Comment   faire ? ». Nous avons délibéré, nous avons dit : « Bon, maintenant… » puisqu’il venait dans un véhicule de la MINUAR, il nous a dit : « Est-ce que vous êtes plus importants que ces véhicules ? Est-ce que votre véhicule est plus important que ces véhicules de la MINUAR que nous avons     réquisitionnés ? ».

Alors, on a fait un feed-back, en avril, le préfet lui aussi, avait réquisitionné un véhicule. Il est venu me voir, donc, dans ce véhicule. Alors, nous avons dit : « Bon, c’est une réquisition, on va attendre que la situation va se normaliser pour nous remettre notre véhicule ». Mais cette situation, j’ai vécu ça en 1990, où les militaires venaient, ils prenaient les véhicules et partaient.

Le Président : Ici, il vous a signé un bon de réquisition ? Ou je ne sais pas moi…

le témoin 21 : Non. Moi, par précaution, on s’est convenu avec NIZEYIMANA que mon chauffeur soit à bord de ce véhicule et que le chauffeur doit remplir régulièrement le carnet de bord puisque le chauffeur allait me demander les heures supplémentaires qu’il a faites et puis moi, je devais me plaindre, je devais me plaindre, comme tant d’autres, sur cette réquisition. En 1990, on l’a fait on avait… donc, le gouvernement avait accepté que les véhicules qui ont été réquisitionnés, les gens seront donc remboursés via le ministère des finances.

Le Président : Savez-vous si, dans les membres du personnel de la SORWAL, certains étaient Interahamwe ?

le témoin 21 : Donc…

Le Président : Vous-même, étiez-vous Interahamwe ?

le témoin 21 : Moi, j’étais membre du MRND.

Le Président : Monsieur le témoin 40 était-il Interahamwe ?

le témoin 21 : Ce que je voulais vous dire sur ça, le mot Interahamwe a eu trois, trois significations. Donc, il y a avant la guerre, il y a pendant la guerre, il y a après la guerre. Mais, avant la guerre, un Interahamwe, c’était la jeunesse du parti.

Le Président : Un scout, quoi.

le témoin 21 : Non, c’était une… la jeunesse du parti puisque tous les partis avaient de la jeunesse. Donc, que ça soit le FPR, que ça soit le MDR, que ça soit le PSD. Mais pendant la guerre, Interahamwe, c’était quelqu’un… donc c’était un tueur, hein. C’était un tueur, hein.

Le Président : Eh bien, avant la guerre, avez-vous été Interahamwe ?

le témoin 21 : Moi, j’étais membre du MRND, mais j’étais pas Interahamwe. J’étais pas dans cette jeunesse.

Le Président : Vous étiez déjà trop âgé ?

le témoin 21 : Oui, j’avais dans les 35 ans, hein. Alors, j’ai pas fait vraiment la… j’ai pas été membre Interahamwe comme ça.

Le Président : Et le témoin 40, était-il membre, je parle avant la guerre, hein, des Interahamwe ?

le témoin 21 : Ca, je ne peux pas l’affirmer, hein, moi, je ne peux pas l’affirmer. Mais ce que… il était sympathisant du MRND, hein.

Le Président : Alors, pendant la guerre, est-ce que certains membres du personnel de la SORWAL étaient des Interahamwe tueurs ?

le témoin 21 : Moi, quand je dirigeais la société, j’ai pas entendu ce problème. Le seul problème que j’ai entendu c’était pour NKUYUBWATSI Innocent.

Le Président : Qui avait engagé NKUYUBWATSI Innocent ?

le témoin 21 : Bon, NKUYUBWATSI Innocent a été engagé par le directeur général et il a été engagé au grade d’ouvrier, manœuvre donc comme on dit. Et puis, petit à petit, puisque c’est un type qui avait fait trois ans post primaire, quatre ans post primaire même, je crois, alors, il y a eu une opportunité pour un poste opérateur. Il a été promu sur ce poste opérateur.

Et puis, suite à l’organisation de la production et au départ donc au… à une lacune qui se trouvait au service du personnel, qui a obligé le chimiste qui contrôlait la qualité à s’occuper du personnel, NKUYUBWATSI Innocent a été nommé comme contrôleur de qualité pour une équipe. C’est comme ça qu’il a évolué.

Le Président : Il a même terminé caissier.

le témoin 21 : Vous dites ?

Le Président : Il a même terminé caissier. Mais il faisait caissier en même temps, peut-être.

le témoin 21 : Bon maintenant, quand HIGANIRO est venu ouvrir l’usine, nous avons dit maintenant la caissière n’est pas là, la caissière était partie au Zaïre. Maintenant, nous avons fait le tour du personnel. A la comptabilité, il y avait le chef comptable et l’adjoint comptable. Alors nous avons dit : « On ne peut pas mettre l’agent comptable sur la     caisse ». Non plus, l’agent commercial ne pouvait pas faire la caisse puisque lui, il devait bouger pour chercher les marchés. Maintenant, nous sommes descendus dans la production. Je ne pouvais pas libérer mes chefs de fabrication, non plus, ni mon… le chef de maintenance. Alors, un peu plus bas, il y avait la classe donc des contrôleurs de qualité. Ils étaient à deux. Il y avait NKUYUBWATSI Innocent et Elias.

Alors, nous avons délibéré, nous avons dit : « Maintenant, puisqu’on ne marche pas en deux équipes, il y a un poste, il y a une personne qui va chômer. Alors, il fallait choisir entre ces deux. Elias qui avait fait des coups bas bien avant, le directeur général a supprimé sa… sa… donc, notre proposition. Il a dit : « Elias, il peut nous faire encore un coup bas ». Alors, c’est pourquoi on a penché vers NKUYUBWATSI. Donc, c’est une démarche qu’on a faite pour arriver à ce monsieur.

Le Président : NKUYUBWATSI habitait chez le capitaine NIZEYIMANA ?

le témoin 21 : Oui, on le disait et puis, quand, pendant le… au cours de la logistique, je voyais bien qu’on lui faisait arrêter là, tout près des maisons de NIZEYIMANA.

Le Président : Savez-vous si NKUYUBWATSI avait des contacts qui lui auraient permis d’aller rendre visite dans la maison de Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 21 : Ca…

Le Président : Vous-même qui étiez, je ne sais pas, le directeur technique, vous aviez déjà été invité chez Monsieur HIGANIRO, à prendre un verre, par exemple ?

le témoin 21 : Chez lui, à la maison ?

Le Président : Oui.

le témoin 21 : Oui, j’ai… j’ai été plusieurs fois. Que ça soit à Butare, que ça soit à Gisenyi.

Le Président : Et ça vous étonnerait que Monsieur NKUYUBWATSI puisse aussi être invité à aller prendre un verre chez Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 21 : Bon, il peut prendre un verre chez HIGANIRO, bon, ou bien il accompagnait quelqu’un qui… qui était chez HIGANIRO. Ou bien il peut passer là-bas, puisque le directeur général n’est pas seul, un employé pouvait aller lui rendre visite, pouvait aller lui rendre visite pour exposer son problème. Et s’il parvenait à l’atteindre, il lui exposait son problème.

Le Président : Donc, c’est pas impossible que...

le témoin 21 : Non, c’est pas impossible qu’un membre du personnel aille voir le directeur général, même chez lui à la maison. Il était disponible 24h/24, hein.

Le Président : Bien. Monsieur HIGANIRO. Monsieur HIGANIRO, vous avez entendu les explications de Monsieur le témoin 21, en ce qui concerne votre réponse du… du mois de mai. Il dit que le rapport qu’il vous avait envoyé est revenu en même temps. Vous ne nous aviez pas expliqué ça.

Alphonse HIGANIRO : Je pense que je ne l’ai pas expliqué parce que, peut-être, l’opportunité ne m’a pas été donnée ici. Mais je crois que, dans les… les auditions que j’ai eues auprès du magistrat instructeur, cela a été relevé. En fait…

Le Président : Il ne me semble pas, vous savez. Vous avez dit : « Ma réponse répond point par point à un rapport », mais vous avez jamais     dit : « Le rapport, je l’ai reçu, je l’ai renvoyé après l’avoir annoté, en y joignant une lettre ». Je n’ai… je n’ai lu ça nulle part dans le dossier.

Alphonse HIGANIRO : Non. après…

Le Président : Et je n’ai pas entendu cela non plus dans les explications que vous nous avez données, il y a déjà quelques jours.

Alphonse HIGANIRO : Monsieur le président, ce que je peux affirmer et qui ne serait, en aucune façon, en contradiction avec les auditions, c’est que le rapport n’est pas venu, le rapport de Monsieur le témoin 21, le rapport, la lettre rapport, parce qu’il faut l’appeler comme ça, parce que la mienne, c’est la lettre, la lettre…

Le Président : réponse.

Alphonse HIGANIRO : La lettre réponse n’est pas venue avec le témoin 40. le témoin 40 est venu le 14 mai.

Le Président : Oui, mais ça, nous… nous commençons à saisir qu’effectivement, c’est à un autre moment.

Alphonse HIGANIRO : Oui, c’est ça. Il est venu avec le chauffeur.

Le Président : Mais moi, je vous pose la question de savoir si le rapport de Monsieur, la lettre rapport de Monsieur le témoin 21, vous la lui avez renvoyée avec votre réponse.

Alphonse HIGANIRO : Ca ne peut pas se faire autrement, Monsieur le président. La pratique administrative rwandaise, on peut poser la question…

Le Président : Eh bien alors, si c’est comme ça que ça s’est passé, je comprends difficilement les termes de votre réponse. Si vous avez un rapport, points 1, 2, 3, 4, 5, pour y répondre, est-ce qu’on utilise des phrases comme ça, alambiquées, en mettant entre guillemets travailler ?

Alphonse HIGANIRO : Oui, parce que...

Le Président : Hein, quand on met point 1 : « Puisque vous recevez du carburant pour faire de la prospection, je me propose d’imputer ça au poste, dans la comptabilité, au poste agent commercial ». Alors, si vous renvoyez le rapport, est-ce qu’il n’est pas plus simple de mettre : point 1 : « Je suis d’accord avec votre proposition » ?

Alphonse HIGANIRO : C’était faisable aussi, Monsieur le président. Mais je dois vous dire ceci que, si on doit mettre des petites notes sur le texte qu’on examine, c’est possible mais, si on doit faire un texte d’une page, comme je l’ai fait, est-ce que c’est encore possible d’écrire entre les petites lignes ? Et en fait, je l’ai fait. Mais après, je me suis rendu compte que je ne saurais pas coucher tout là-dessus, j’ai pris une feuille à côté, j’ai griffonné 1, 2, 3 jusqu’à la fin. Et dans l’écriture d’ailleurs que vous voyez vous-même ne pas être une écriture soignée, une écriture rapidement comme ça, je pouvais le faire aussi, mettre des petites annotations, si ça pouvait rendre mes… mon idée. Mais, j’ai aussi eu l’idée de pouvoir maintenant tout résumer sur une feuille à côté, pour pouvoir tout mettre. Je ne vois pas, Monsieur le président, en quoi c’est… c’est un problème.

Le Président : Mais non, mais moi, si je recevais un rapport avec le point 1, je veux bien prendre effectivement une feuille blanche plutôt que de marquer dans, entre les lignes, je mets point 1 : « Je suis d’accord avec votre proposition ». Point 2 : « Non ça, ça ne va pas, celui-là il ne peut pas être payé ».

Alphonse HIGANIRO : Je dois avoir commencé par des petites notes dedans, et me rendre compte, par après, que ça n’ira pas, et j’ai pris une feuille, j’ai griffonné à côté le… la réponse, mes observations.

Le Président : Point 3 : « C’est bien d’avoir nettoyé l’aire de déchargement, mais n’oubliez pas non plus de nettoyer la route ».

Alphonse HIGANIRO : Si je lui dis : « Merci pour le carburant », où est le problème ? Je lui… je lui remercie, je pouvais aussi mettre : « D’accord avec votre proposition ».

Le Président : C’était plus simple, non ? Plutôt que de mettre nettoyer entre guillemets.

Alphonse HIGANIRO : Non, entre guillemets, comme je vous l’ai expliqué, ça me permettait de ne pas expliquer.

Le Président : Travailler pardon. Ca permettait de pas expliquer. Vous ne trouvez pas que, mettant point 1 : « Je suis d’accord », ça nécessitait encore moins d’explications ?

Alphonse HIGANIRO : C’est possible, Monsieur le président. Mais j’ai choisi le… l’autre méthode.

Le Président : Bien, vous pouvez vous asseoir, Monsieur HIGANIRO.

Alphonse HIGANIRO : Merci, Monsieur le président.

Le Président : Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Monsieur le 6e  juré.

Le 6e Juré : Merci, Monsieur le président. Vous pouvez demander, quand ils ont fait la commande d’armes pour la sécurité de la SORWAL, quelles armes c’étaient, quel genre d’armes et combien d’armes.

Le Président : Vous souvenez-vous de la commande d’armes pour les… pour les gardes de la SORWAL ? De quel type d’arme s’agissait-il ?

le témoin 21 : Euh… c’étaient 3 ou 4 Kalachnikov, c’étaient des Kalachnikov donc au… pour garder donc l’usine. Et ça a été fait par…

Le Président : La commande a été faite, mais elle n’a jamais été reçue. Et, en fait, est-ce qu’il n’y a pas eu des… des… des…

le témoin 21 : Il y a eu des irrégularités là-dedans.

Le Président : Non, non, je ne vous parle pas d’irrégularités. Est-ce que vous n’avez pas reçu des armes à prêter, parce que les armes achetées par la SORWAL ne sont jamais arrivées ?

le témoin 21 : Ah, non.

Le Président : On a essayé d’en acheter en Egypte ou je ne sais où, là. Mais est-ce que la… l’armée n’a pas, ou la gendarmerie, n’a pas prêté des armes aux gardes ?

le témoin 21 : Voilà. Nous avons commandé les armes. Alors, ça a tardé. Et en tardant, HIGANIRO a dit : « Maintenant, vous nous avez promis que nos armes allaient venir, allaient venir. Maintenant, ça ne vient pas. Maintenant, vous nous donnez une solution de rechange, en attendant que les nôtres arrivent ». Et c’est ainsi que l’ESO nous a prêté ces armes.

Le Président : Donc l’ESO, c’est l’Ecole des Sous-Officiers, hein ?

le témoin 21 : Oui, oui.

Le Président : C’est par le capitaine NIZEYIMANA que les armes ont été obtenues, ou par le lieutenant colonel MUVINI ?

le témoin 21 : Ah, ça, je me rappelle pas. Je me rappelle pas. Mais ce que je sais, c’est qu’il y a eu une irrégularité dans la commande de ces armes. Alors, nous avons… nous nous sommes déchargés au… à l’ESO, ils nous ont dit : « Bon, maintenant, on vous prête ».

Le Président : Oui.

Le 6e Juré : Oui. Alors, une deuxième question : si j’ai bien compris, toute la boue était sur l’aire de déchargement ?

Le Président : De déchargement. La boue était sur l’aire de déchargement ? Qu’il a fallu nettoyer.

le témoin 21 : Donc, la SORWAL avait deux accès. Bon, le deuxième accès, il y avait une niveleuse qui travaillait dessus, dans le projet agropastoral. Alors, cette niveleuse avait poussé donc du… du terrain, donc avait poussé donc de…

Le Président : De la terre.

le témoin 21 : De la terre, pardon. Alors, avec la pluie, ça descendait, ça descendait jusque là, tout près donc de… de la surface de déchargement. A un certain moment, ça a… ça a débordé et puis, puisqu’il y a un caniveau là, donc la boue était retenue dans… à ce caniveau là-bas.

Le 6e Juré : Il y a… il avait beaucoup de boue, sur tout ?

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Quelle était l’épaisseur de la boue et la surface ?

le témoin 21 : Oui, donc là...

Le Président : De la boue ?

le témoin 21 : Oui. On pouvait même… on pouvait… enfin… à peu près 10 centimètres, hein.

Le Président : 10 centimètres d’épaisseur de boue ?

le témoin 21 : Oui. Puisque, à certains moments, nous aussi, nous… on n’empruntait pas… il y a un chemin qu’on empruntait, donc là, derrière mon bureau. Bon, si je dis : « Derrière mon bureau, on empruntait un petit chemin qui me permettait d’accéder directement à l’usine. Alors, puisqu’il y avait trop de boue, la niveleuse avait glissé beaucoup de… de terrain, j’étais obligé de contourner, de passer sur la… la voie bétonnée.

Le Président : Bon, 10 centimètres de boue sur quelle surface ?

le témoin 21 : Oui. Ça…

Le Président : Sur 10 m, sur 150 m ?

le témoin 21 : Oui. Donc, l’accès a… à peu près 70 mètres, donc la niveleuse avait travaillé là-dessus, hein. C’est une voie d’accès qui a, à peu près, 70 mètres, c’est une voie d’accès qui a, à peu près, 70 mètres.

Le Président : La voie d’accès, oui. C’est pas de ça qu’on parle. L’aire de déchargement…

le témoin 21 : Alors, maintenant…

Le Président : La boue sur l’aire de déchargement.

le témoin 21 : Oui. Donc, la boue a glissé.

Le Président : Oui. Eh bien, quelle était la surface de l’aire de déchargement qui était recouverte de boue ?

le témoin 21 : Bon, c’est 2 mètres sur… 2 mètres sur euh… 2 mètres sur 30, comme ça.

Le Président : Donc, ça fait 60 m.

le témoin 21 : Oui. Mais là où le camion a glissé, là, donc c’est juste… on dépassait légèrement la… cette surface donc, qui était bétonnée, qui a été recouverte par la boue. Alors, le pneu a tombé là où je travaillais, une tranchée qui raccordait 2 citernes.

Le Président : Ah, une tranchée de citerne.

le témoin 21 : Donc, c’est tout près, là où le camion donc, les roues arrière étaient sur la partie donc, bétonnée, mais les roues avant ont trempé sur la boue qui était tout près de la tranchée qu’on était en train de creuser. Là, j’ai montré ça à la police judiciaire.

Le Président : Bien. Oui.

Le 6e Juré : Le camion, c’était bien un 4 x 4 ?

le témoin 21 : Non.

Le Président : Non ?

le témoin 21 : C’était un camion, pas 4 x 4.

Le Président : C’était quelle marque, le camion ?

le témoin 21 : Nissan. De couleur jaune.

Le Président : Oui ?

Le 6e Juré : Et, combien de prisonniers ont…

Le Président : Combien de prisonniers sont venus travailler le dimanche là, pour euh, pour déblayer ?

Le 6e Juré : Oui.

le témoin 21 : Oh, ils étaient une trentaine, hein. Une trentaine, donc, quand ils sont descendus, ils étaient… ils étaient autour de 50 quand ils venaient des enterrements, alors une trentaine est venue, m’a… m’ont aidé, hein.

Le Président : Oui ?

Le 6e Juré : Juste une dernière question. Et où ils ont mis toute cette boue ?

Le Président : Oui. Et vous, et la boue, on l’a mise où ?

le témoin 21 : Donc, on l’a remontée, donc on a… une partie du personnel, on a remonté ça vers le… la… le terrain là de… où on devait cultiver les… les… les patates douces, là. Donc, on a remonté la… le terrain. Puisque les prisonniers, quand ils venaient, ils venaient même au nombre de 100.

Le Président : Oui.

le témoin 21 : Avec un équipement, donc avec des pelles, et c’était vite fait, hein.

Le Président : D’accord. Oui ? Madame le 10e juré.

Le 10e Juré : Merci, Monsieur le président. J’ai une autre question encore mais pour compléter celles du 6e juré. Y avait-il assez d’eau pour nettoyer vraiment, pour que tout soit propre, pour qu’on ne voie rien ?

Le Président : Vous avez… vous avez eu besoin d’eau pour nettoyer toute cette boue ?

le témoin 21 : Donc, à l’extérieur, il suffisait de… ils avaient des pelles. Donc, ils faisaient donc des… pour, donc la… évacuer le… la terre, on avait des pelles. Mais à l’intérieur de l’usine, j’allais… je suis allé, donc j’ai affecté notre camionnette pour aller chercher de l’eau dans des fûts, comme ça on mettait notre citerne d’en bas. Alors cette citerne, on propulsait l’eau vers la citerne d’en haut et puis, par gravité, l’eau venait, donc on nettoyait avec l’eau que je puisais dans une usine d’épuration d’eau.

Le Président : Oui, mais ça, c’est pour le nettoyage à l’intérieur de l’usine, des bâtiments ?

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Avez-vous eu besoin d’eau pour parfaire le nettoyage de l’aire de déchargement ? Parce que bon, retirer la boue à la pelle ça va, mais est-ce que vous avez dû brosser avec ? Oui.

le témoin 21 : Oui, pour… pour la...

Le Président : Vous avez eu assez d’eau?

le témoin 21 : le caniveau, pour le caniveau, je devais utiliser, pour nettoyer le caniveau, je devais utiliser l’eau parce qu’il était bouché.

Le Président : Et vous en aviez assez ?

le témoin 21 : Alors, à ce moment-là, j’en avais puisque j’avais une citerne qui était pleine, mais j’ai été à court, j’ai été obligé d’aller puiser.

Le Président : Mais ce dimanche a dû être épouvantable pour vous ?

le témoin 21 : Non, je dis : « C’est pas ce jour-là ».

Le Président : Ah, c’est pas ce jour-là ? Ah, vous n’avez pas… ?

le témoin 21 : Non, ce n’est pas ce jour-là. Ce n’est pas ce jour-là.

Le Président : Ah, j’avais compris que vous aviez fait tout ça ce jour-là.

le témoin 21 : Non, pour ce jour-là, c’était pour déjà tirer de la boue, le camion.

Le Président : Mmm. Oui.

Le 10e Juré : Oui, une autre question, Monsieur le président. Le témoin peut-il dire si la SORWAL versait de l’argent à l’armée rwandaise, comme contribution de guerre ?

Le Président : Savez-vous ça, si la SORWAL versait de l’argent à l’armée, comme contribution de guerre ?

le témoin 21 : Donc, je peux commencer par en haut, donc, quand en 1990, il y a eu la guerre, on a dit que les gens devaient soutenir l’armée. Alors, chaque personne devait donner, sur son salaire, quelque chose. Et on a donné cet argent. Du côté de la société, l’ancien directeur général NGIRIRA a… nous a réunis. Il a dit : « Maintenant, on peut donner, il faut qu’on soutienne donc l’armée pour la guerre ». Alors, nous avons donné 2 millions.

Alors maintenant, du temps de HIGANIRO, quand la guerre était en plein, donc la… la guerre donc avançait, il y a eu une réunion au niveau de la commune, on a dit : « Maintenant, il faut encore donner quelque chose pour soutenir l’armée ». J’ai tenu une réunion avec le personnel, j’ai dit : « Maintenant, comme nous l’avons fait en 90, nous pouvons donner quelque chose à l’armée ». Alors, le personnel a donné. Mais, concernant la société, là, j’ai dit : « Il faut que je contacte HIGANIRO pour qu’il nous puisse… pour qu’il puisse me donner des instructions là-dessus », et j’ai pas pu donner quelque chose à l’armée.

Le Président : Vous n’avez pas pu ? Pourtant il y a… il y a un document comptable qui fait état d’un versement de, je ne sais plus, 147 000 francs rwandais ou quelque chose comme ça.

le témoin 21 : Ca, donc, c’était donc, quand le personnel a… le personnel a… donc, c’est la… c’est la… c’est la somme de ce que le personnel a donné, donc le personnel même. Mais la société n’a rien donné. Donc c’est le personnel, donc moi… j’ai… donc quelqu’un donnait 5000, 10000 comme ça, alors à la fin, on a retiré sur la source et puis on a transféré ça. Mais la SORWAL n’a pas donné quelque chose à l’armée pendant la guerre.

Le Président : Oui, une autre question ?

Le 10e Juré : Oui. Monsieur, lors de votre interrogatoire, on vous a signalé que, lors d’une commission rogatoire internationale, on avait saisi des autorisations de circulation vierges et que, sur certains d’entre eux, les noms de travailleurs de la SORWAL figuraient. Alors, vous avez expliqué que c’était une procédure rapide qui permettait simplement de présenter ce… ce bordereau, au responsable du commandant de la place. Il n’avait plus qu’à y apposer sa signature. Est-ce que c’était une pratique normale au moment des événements. Qui avait permis d’obtenir ce paquet d’autorisations de circuler vierges ? Est-ce Monsieur HIGANIRO ? Est-ce vous ? En vertu de quelles relations ? De quels contacts ?

le témoin 21 : Je m’explique. Donc, il fallait faire une file pour obtenir le formulaire vierge. Après avoir obtenu le formulaire vierge, il fallait aller chez le sous-préfet, donc remplir les personnes qui devaient être à bord du véhicule et puis, vous mettez un cachet, et après, vous devez aller faire une file pour obtenir le carburant.

Alors, à certains moments, je me suis présenté, moi, donc on m’a dit : « Il n’y a pas de formulaires ». Alors, j’ai dit au sous-préfet : « Maintenant, il faut qu’on fasse des photocopies ». En ville, il n’y avait pas d’électricité, donc la ville était bloquée. Mais moi, j’avais un groupe électrogène puisque je fonctionnais sur groupe électrogène. Alors, avec le sous-préfet, nous avons… nous sommes allés à la SORWAL et nous avons tiré beaucoup d’exemplaires pour lui, et lui, il m’a laissé un exemplaire. Je lui ai dit : « Maintenant, dorénavant, moi, je viendrai avec ma copie ». Alors moi, je remplissais le formulaire et en annexe, je mettais la liste du personnel de SORWAL, avec leur carte d’identité, et puis, il était inscrit que chaque personne devait se munir de sa carte de travail.

Donc, c’est comme ça qu’on a trouvé un formulaire vierge dans notre bureau. Puisqu’en ville, ils ne pouvaient pas tirer des photocopies puisque la ville était paralysée par manque d’électricité. Alors moi, j’ai aidé le sous-préfet. Maintenant j’ai tiré beaucoup puisque j’avais la possibilité d’une photocopieuse.

Le Président : D’autres questions ?

Me. WAHIS : Monsieur le témoin 21, est-il exact que vous étiez quelqu’un d’important dans le programme de l’autodéfense civile à Butare ?

le témoin 21 : Non, non, non.

Me. WAHIS : C’est pas exact, ça ?

le témoin 21 : Non, non, non.

Me. WAHIS : Et votre collègue, Monsieur SEBALINDA, non plus, n’avait pas de rôle dans l’autodéfense civile, à votre connaissance ?

le témoin 21 : Non, moi, je ne sais pas si SEBALINDA a fait… a fait… donc, a donc été quelqu’un dans l’autodéfense civile. Moi, j’ai jamais fait, donc, euh…

Me. WAHIS : Donc, vous contestez tout rôle dans… dans ce programme-là ?

le témoin 21 : Moi, je n’ai jamais participé dans l’autodéfense civile.

Me. WAHIS : Alors, une autre question. Au cours des événements, donc en avril principalement, est-ce qu’il est exact que vous receviez des visites assez fréquentes du capitaine NIZEYIMANA ?

le témoin 21 : A la SORWAL ? Non.

Me. WAHIS : A la SORWAL ou à votre domicile.

le témoin 21 : Non, non, non, non.

Me. WAHIS : Ca, c’est aussi tout à fait inexact ?

le témoin 21 : Inexact.

Me. WAHIS : Bien. Et alors, une question qui nous fait remonter un petit peu avant : donc on trouve, parmi les clients de la SORWAL, pas mal de personnes qui faisaient partie du comité national des Interahamwe. Et notamment le président des Interahamwe. Alors, ma question est toute simple : comment se fait-il que ces personnes-là étaient si actives dans le marché de l’allumette ? Est-ce que vous pouvez fournir une explication là-dessus ?

le témoin 21 : Moi, je ne peux pas fournir une explication là-dessus. Mais ce que je sais, c’est que la politique de la… la politique commerciale de la SORWAL, toute personne qui a un registre de commerce et qui présente des garanties, pouvait s’approvisionner là-dedans.

Me. WAHIS : Oui, mais est-ce que vous avez une petite idée de ce que ces gens faisaient avec ces allumettes et comment ils arrivaient à s’insérer dans le marché de l’allumette, dans la région ?

le témoin 21 : Non, ça c’était… c’était le… le responsable du service commercial, c’est lui qui… qui distribuait ces allumettes. Mais quand il y avait un problème majeur, c’est là où on pouvait nous informer. Sinon moi, j’étais dans la technique, hein. Je ne téléphonais pas dans le service commercial.

Me. WAHIS : Enfin, la SORWAL n’est pas une grande entreprise, je suppose qu’on voit quand même ce qui se passe dans le… la division d’à côté.

le témoin 21 : Non.

Me. WAHIS : Non. C’est tout.

Le Président : Monsieur l’avocat général ?

L’Avocat Général : Oui, je voudrais revenir d’abord sur les… les documents de la commission politique, ou la petite commission, ou le petit comité, enfin bon, vous le nommez comme vous voulez. Vous avez dit qu’il n’y a eu que deux réunions ?

le témoin 21 : Oui.

L’Avocat Général : Pourtant, dans votre déclaration du 23 décembre 99, ce qui est quand même assez récent, vous dites : « Ce genre de réunion était tenue au siège du bureau du MRND. Ce type de réunion, régulière, était tenue à la veille d’un meeting, puis il y avait le meeting puis, après, il y avait le débriefing du meeting ». Donc, ces réunions étaient quand même des réunions régulières ? Expliquez…

le témoin 21 : Je m’explique…

L’Avocat Général : Oui. Je voulais justement le dire.

le témoin 21 : …et on va venir à la genèse de cette assemblée des fonctionnaires. Au début du multipartisme, le MRND a ouvert ses bureaux dans une maison qui appartenait à un membre du PSD. Alors, cette maison était jumelée : une partie c’était le bureau, une autre partie, on l’avait transformée en une cantine MRND. Alors, maintenant, les fonctionnaires venaient se rafraîchir dans cette cantine, et puis, à côté, suivre les programmes du parti. Alors, à ce moment-là, puisque les réunions, pour organiser les meetings se faisaient là-bas, donc, pour évaluer un meeting, avant ou après, donc se faisaient là-bas, à côté.

Maintenant, à un certain moment, puisque la maison présentait un bon fond de commerce, le PSD nous a chassés violemment et nous nous sommes retrouvés dans la rue. Alors maintenant, nous avons dit - les fonctionnaires nous avions l’habitude de nous rencontrer là dans notre café du MRND - : « Qu’est-ce que nous allons devenir, comment nous allons transmettre nos réflexions ? ». Alors, c’est comme ça que l’idée de faire une assemblée des fonctionnaires est venue. Alors, quand cette assemblée a commencé, c’est là que nous avons fait deux réunions. Mais avant, les réunions se faisaient dans le bureau à côté et régulièrement chaque dimanche, il y avait donc , chaque samedi, on faisait des réunions.

L’Avocat Général : Donc, il y avait plus… il y a eu plus que deux  réunions ?

le témoin 21 : Non, je dis… la commission, le petit comité n’a fait que deux réunions, mais dans le bureau du MRND, là où on était avant, quand les membres du comité central du MRND faisaient des… des réunions pour préparer le meeting, les gens pouvaient aller assister. Là donc, ce sont deux choses différentes. C’est pas… c’est pas lié.

L’Avocat Général : Bon, lorsque vous êtes interrogé le 23 décembre 99 par la police judiciaire, vous ne parlez pas du fait que le premier texte ait été un brouillon et que le deuxième texte de ce petit comité soit, en somme, le texte corrigé. Pourquoi pas ?

le témoin 21 : Donc, j’ai fait le brainstorming. Là, j’ai dit, je me suis souvenu donc de comment on fait, on faisait les réunions. Donc, j’ai réfléchi, réfléchi. Alors…

L’Avocat Général : Monsieur HIGANIRO s’est aussi souvenu, en une fois, ici, en faisant du brainstorming.

le témoin 21 : …et puis encore, j’ai rencontré certaines personnes avec qui nous étions ensemble. Alors, j’ai dit maintenant : « Il faut m’aider à vraiment faire un brainstorming là-dessus ».

L’Avocat Général : Alors, vous devez une fois m’expliquer pourquoi vous faites un brouillon, puis un texte corrigé, si vous dites que ces textes n’ont jamais été transmis à personne. C’est quoi, c’est de… une occupation euh… du dimanche ? Je sais que vous en avez d’autres, le dimanche.

le témoin 21 : Donc, nous avons fait une première réunion là et puis, nous nous sommes séparés. Nous avons rédigé un résumé, donc une synthèse de ça, et puis, dans la deuxième réunion, qui n’a duré qu’une trentaine de minutes, nous avons rédigé donc la… donc la… nous avons réfléchi sur le document que j’avais intitulé « suggestions ».

L’Avocat Général : Bon. Alors, je reviens à votre rapport, la réponse à la lettre donc de Monsieur HIGANIRO. Bon, je voudrais que vous expliquiez une fois pour toutes : est-ce que la lettre de Monsieur HIGANIRO vous était adressée, oui ou non ?

le témoin 21 : Bon. La lettre de HIGANIRO, en lisant le rapport qui était en annexe et la lettre, elle était spécifiquement adressée à moi. Mais, tout chef de service qui lit le rapport, il se retrouve là-dedans.

L’Avocat Général : Dans votre déclaration du 21 décembre…

le témoin 21 : Maintenant moi, je confirme qu’elle m’était adressée à moi.

L’Avocat Général : …maintenant moi, je m’explique.

le témoin 21 : Je vous confirme qu’elle était adressée à moi.

L’Avocat Général : Le 21 décembre vous dites : « Cette lettre ne m’est pas adressée personnellement ». Le 23 décembre 99, vous dites :           « Comme je l’ai déclaré et comme on peut le voir sur la lettre, celle-ci ne m’est pas adressée personnellement ». Et puis, vous avez été entendu par le juge d’instruction, pas sous serment donc…

Le Président : Non, pas sous serment, donc on peut...

L’Avocat Général : …je peux en lire des passages. Là, vous dites :         « Vous me demandez si cette lettre m’était destinée personnellement. C’était une lettre de service adressée à moi-même en tant que directeur technique et remplaçant du directeur général ». Bon, c’est l’un ou c’est l’autre.

le témoin 21 : Oui. Maintenant, retenez que cette lettre était adressée à moi, et que je l’ai traitée en tant que n° 2 de la société. Mais je… j’ajoute que tout cadre pouvait, à partir de la lettre et du rapport, exécuter les instructions. Puisque, quand j’ai dit personnellement c’est qu’au départ, c’est pas écrit Martin, mais vous pouvez acter ça.

L’Avocat Général : Maintenant, je voudrais revenir un instant sur les conditions de votre lettre du 10 juin 95, que vous rédigez donc à l’attention de l’ex-avocat de Monsieur HIGANIRO, lorsque vous vous trouvez à Bukavu. Bon, euh… je cite encore un passage : « J’étais à Bukavu. On m’a signalé que HIGANIRO était en prise avec le parquet belge. Alors, j’ai réfléchi un peu, et je me suis dit que c’était sûrement la lettre qui était déposée sur mon bureau qui était à l’origine des accusations - alors je saute un passage - J’ai commencé à raccorder des idées et puis, à mettre sur papier mon témoignage ». Bon, est-ce que vous saviez que cette lettre avait été découverte ?

le témoin 21 : Puisque ce qui circulait dans les camps, c’est quoi ? On disait : « HIGANIRO, on lui a envoyé de l’essence pour tuer ». HIGANIRO a écrit une lettre qui disait : « Il faut nettoyer, il faut faire le nettoyage ethnique ». Alors, ces mots donc, sont revenus dans ma tête et j’ai dit :    « Ah, c’est la lettre que j’ai laissée au secrétariat, qui était annexée à mon rapport ». Alors, à partir de là, j’ai commencé à rédiger mon témoignage.

L’Avocat Général : Et votre témoignage, comme par hasard, répond point par point aux points de la lettre de Monsieur HIGANIRO, bien que vous n’avez pas cette lettre sous les yeux. Enfin, je suppose.

le témoin 21 : Voilà comment j’ai rédigé mon… donc, j’ai rédigé mon témoignage. Bon, quand je l’ai rédigé, quand j’étais entré dans la mouvance, j’avais commencé déjà. Alors, l’avocat de HIGANIRO est venu me voir, on s’est vu, il m’a dit : « Voilà, on accuse HIGANIRO de ceci… ».

L’Avocat Général : Est-ce que vous avez vu, à ce moment-là, la lettre de Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 21 : Non. Je répète : non.

L’Avocat Général : Vous la connaissiez encore par cœur.

le témoin 21 : Je connaissais ce qui était dedans. Donc, en… en grandes lignes.

L’Avocat Général : Point par point.

le témoin 21 : Pas point par point puisque, si j’avais cette lettre, je devais répondre. Donc, HIGANIRO c’est un type matheux, il nous avait entraînés dans cette façon de travailler, c’est un type matheux, très pointilleux ; moi aussi, je devais rédiger mon témoignage dans le sens même de cette habitude qu’il nous avait donnée. Je devais répondre point par point, 1 et comme ça jusqu’au point 9.

L’Avocat Général : Est-ce que la copie de cette lettre ne vous a pas été montrée, à ce moment-là ?

le témoin 21 : Non.

L’Avocat Général : Vous savez que Monsieur le témoin 40 dit le contraire.

le témoin 21 : Ah, il dit le contraire, mais moi, quand je suis allé voir le témoin 40, j’avais mon témoignage que j’avais terminé déjà à élaborer. Alors, nous avons discuté sur ça. Alors, j’ai dit : « le témoin 40, maintenant on parle de ceci, le témoin 40 on parle de ceci, on parle maintenant de la sécurité du camion, tout ça, tout ça ». Mais j’ai pas vu, j’ai pas eu la lettre de HIGANIRO.

L’Avocat Général : Je n’ai pas d’autres questions pour l’instant.

Le Président : D’autres questions ? Monsieur le 6e juré.

Le 6e Juré : C’est juste une précision. On sait que le camion, c’est un Nissan, qu’il n’était pas vieux. Est-ce que le témoin sait quel modèle c’était ?

Le Président : Vous savez encore ?

le témoin 21 : C’est un TK 20.

Le Président : Un TK ?

le témoin 21 : TK 20.

Le 6e Juré : TK 20. Voilà, en fait, tous les camions ont un numéro.

le témoin 21 : C’est un camion Nissan TK 20. Le TK 20 n’est pas un 4x4.

Le Président : Monsieur le 6e juré, je vous avertis, si jamais vous êtes mécanicien, si vous pensez qu’il est utile que l’on sache si ce genre de camion, ce modèle de camion est 4x4, ne racontez pas ça à vos collègues pendant la délibération, demandez au président de faire vérifier auprès d’un importateur Nissan de quoi il s’agit, hein.

Ce que je veux vous expliquer, c’est que vous ne pouvez pas, au moment de votre délibération, vous former une opinion à propos de choses que vous êtes les seuls à savoir, des choses qui doivent être sues de tout le monde. Donc, par exemple, si vous pensez qu’il est utile que l’on vérifie si ce genre de camion-là est un camion qui est 4x4 ou pas 4x4, vous dites : « Monsieur le président, vous ne pourriez pas faire vérifier », même si vous le savez, d’accord ? Mais, je veux dire, la remarque vaut pour tout le monde. Quand on sait quelque chose, il ne suffit pas du savoir, il ne faut pas dire non plus qu’on le sait éventuellement, mais il faut faire vérifier de manière à ce que l’élément soit connu de tout le monde. Donc si… est-ce que vous voulez qu’on fasse vérifier ?

Le 6e Juré : Non, Monsieur le président, je crois que je peux peut-être apporter une petite précision à ce sujet-là, c’est qu’en fait…

Le Président : Attention hein, dans la manière de vous exprimer.

Le 6e Juré : …oui. Je crois qu’il est de… de notoriété, de savoir que bon, un disque d’embrayage ne brûle pas vite.

Le Président : Voulez-vous qu’on fasse vérifier ça ?

Le 6e Juré : Pouvez-vous demander au témoin, s’il sait que, dans ce type… ce genre de camion, il faut environ 200.000 km avant de faire fumer un disque d’embrayage ?

Le Président : Vous vous y connaissez en mécanique ?

le témoin 21 : Un peu, mécanique automobile, un peu.

Le Président : Et alors, vous savez combien de temps il faut que ça tourne, un disque d’embrayage, avant que ça ne commence à fumer, ou à brûler ?

le témoin 21 : Oui, ça… bon, quand il y a eu l’incident, ça a duré trop de temps, quand on voulait enlever le camion dans la boue. Alors, j’ai dit : « Le disque d’embrayage a failli brûler ». Donc c’était… ça a pris trop de temps, que j’ai eu peur moi, et c’est ce que j’ai signalé au directeur général, que le camion a failli brûler son disque d’embrayage.

Le Président : A failli brûler.

le témoin 21 : Oui. Mais par après, on a vu, le camion a roulé, il roule même encore maintenant. Je ne sais pas si, quand j’ai demandé à quelqu’un qui l’avait acheté dans le temps, il disait que…

Le Président : Il n’a pas de problèmes d’embrayage.

le témoin 21 : donc, il n’a pas eu de problème d’embrayage, qu’il n’y avait pas de problème. Mais nous, moi, ça a pris trop de temps, alors j’ai eu peur que le disque d’embrayage aurait été atteint.

Le Président : Vous avez eu peur.

le témoin 21 : Oui. Mais c’est pourquoi j’ai dit : « Le camion a failli ».

Le Président : Et le chauffeur qui s’occupait d’ailleurs du charroi, le chauffeur mécanicien, il a eu peur lui, pour le disque d’embrayage ?

le témoin 21 : Lui aussi, il a pris peur, puisque maintenant… il a pris peur parce que c’était la première fois que ce problème lui arrive et puis, puisqu’on avait pris trop de temps pour débourber donc ce… ce camion, lui aussi il a… il a pris peur. Donc, j’ai dit : « Je crois que, que le disque d’embrayage a été entamé », mais je n’avais pas de précision là-dessus. Donc, c’est une impression que j’ai eue. Et puis, puisque je disais : « Si jamais il y a quelque chose qui est tombé sur ce disque, il faut que le directeur général soit déjà dans la mouvance que le disque d’embrayage a eu quelque chose, comme ça, s’il y a un remplacement prématuré, pour qu’il puisse être au courant ».

Le Président : Mais dans votre rapport, vous parlez du disque d’embrayage ?

le témoin 21 : Oui, j’ai parlé du disque d’embrayage.

Le Président : C’est drôle que Monsieur HIGANIRO ne vous a pas répondu : « Faites démonter le disque par le mécanicien pour vérifier s’il n’y a pas de problème ».

le témoin 21 : Non, j’ai dit « a failli », donc…

Le Président : Bien. Une autre question ? Maître GILLET.

Me. GILLET : Oui, encore une question, Monsieur le président, sur la question du camion qui n’est pas un 4x4, je le conçois, mais qui transporte du bois, donc des matières lourdes. Monsieur le témoin peut-il nous dire s’il imagine que ce camion soit autre chose qu’une traction arrière ?

le témoin 21 : Ah, ça je ne sais pas. Je ne saurais pas vous dire.

Me. GILLET : Ca, vous ne savez pas dire.

le témoin 21 : Non, je ne saurais pas vous dire.

Me. GILLET : Parce que je n’ai jamais vu de camion, je n’ai jamais vu de camion comme ça avec traction avant, or le témoin a dit tout à l’heure que c’étaient les pneus avant qui avaient… qui étaient restés dans la boue.

le témoin 21 : Ca, je ne saurais pas vous dire. Donc, il y a le pneu avant, et puis, il y a, là, sur l’aire de déchargement, aussi...

Le Président : Mais, vous savez Maître GILLET, si c’est une traction arrière, c’est un camion qui roule tout le temps en marche arrière. C’est une propulsion arrière ou une traction avant. Mais… (Rires de l’assemblée).

Me. GILLET : Monsieur le président, vous êtes plus technicien apparemment que le technicien de la SORWAL.(Rires de l’assemblée). Alors, je parle d’une… d’une propulsion arrière, effectivement.

Le Président : C’étaient bien les… les roues avant du camion qui se trouvaient bloquées dans la boue ?

le témoin 21 : Oui. La roue avant, donc les roues avant avaient trempé là-dedans et puis, les roues arrière, il y avait aussi de la boue, mais le problème s’est posé sur les roues avant.

Le Président : Les roues avant.

le témoin 21 : Mais, je ne peux pas vous dire si c’est traction arrière ou… moi, je ne peux rien vous répondre là-dessus.

Le Président : Oui.

le témoin 21 : Je ne peux vous répondre là-dessus.

Le Président : Une autre question, Maître GILLET ?

Me. GILLET : Monsieur le président, oui. Pour parler autre chose, d’autre chose que du camion, euh… Monsieur HIGANIRO est revenu de Gisenyi à Butare, après ce message de pacification qui a été lancé par le gouvernement et qui invitait à la reprise des activités économiques. Or, on constate que Monsieur HIGANIRO vient pour relancer l’activité de la SORWAL et retourne aussitôt à Gisenyi.

Est-ce que vous avez une explication de la raison pour laquelle Monsieur HIGANIRO n’a pas pu venir à nouveau, simplement, s’occuper de la SORWAL après avoir relancé les activités économiques ? Pourquoi devait-il retourner à Gisenyi et y rester, alors qu’on était dans une phase de pacification ?

le témoin 21 : Je réponds ?

Le Président : Ben, oui.

le témoin 21 : Donc, HIGANIRO est venu, mais vous savez qu’il était éprouvé parce qu’il y avait donc le problème d’enterrement qui n’avait pas eu lieu . Il y avait donc la belle-famille qu’il a… qu’il avait sur lui. Et donc, toute la belle-famille… Alors, il est retourné pour s’occuper de l’encadrement de sa famille et de la famille de son beau-père, quoi. C’est pourquoi il est reparti directement, il m’a dit : « Bon voilà, vous avez tous les moyens maintenant, je vais revenir dès que possible ». Mais il était éprouvé, c’est pourquoi il est retourné là-bas et puis, son problème d’enterrement qui n’avait pas eu lieu.

Le Président : Mmm. Une autre question ?

Me. GILLET : Oui, Monsieur le président. J’aurais souhaité savoir pourquoi était-il absolument besoin que Monsieur HIGANIRO revienne pour relancer euh… la production, à ce moment-là, et qu’a-t-il fait, qu’a-t-il dit ? Quelle était son intervention à lui qui était… dont on ne pouvait se passer ?

le témoin 21 : Oui. Une des choses fondamentales qu’il a faite, c’est qu’il devait introduire ma signature à la banque. Donc, pour pouvoir fonctionner, je devais pouvoir accéder aux comptes bancaires de la société. Donc, je devais absolument avoir accès à ces comptes. Et il devait venir pour qu’on signe, conjointement, ce document qui était adressé à la banque. C’était incontournable.

Le Président : Oui ? Une autre question ?

Me. GILLET : Euh… oui, Monsieur le président, merci. Donc, Monsieur le témoin 21 nous a dit qu’il n’avait rien eu à voir, ni Monsieur SEBALINDA avec euh l’autodéfense civile. Est-il… comment est-il explicable alors qu’il figure, avec Monsieur SEBALINDA, sur la liste du Comité de collecte des cotisations de l’autodéfense civile ? Quel était le rôle qu’il avait dans ce comité ?

le témoin 21 : Ca, ça me surprend que je sois ensemble avec SEBALINDA pour la collecte. Mais moi, ce que je sais, c’est que, quand il y a eu cette idée de soutenir l’armée, moi j’ai… j’ai communiqué ça au personnel et j’ai dit : « Maintenant, chacun va réserver quelque chose pour l’armée ». Mais ça me surprend, c’est la première fois que j’entends que j’étais avec SEBALINDA dans la collecte de ces fonds, hein. Ca me surprend. C’est une surprise. J’ai jamais été là. Mais l’idée, donc, il m’a communiqué qu’on a décidé, on a souhaité que le personnel, donc les gens qui sont salariés, puissent donner une contribution, mais je n’ai jamais fait partie de cette défense civile, non.

Me. GILLET : C’est ça, et donc, vous n’avez jamais écrit de… excusez-moi, Monsieur le président, vous n’avez jamais écrit de lettre au Comité de l’organisation pour l’autodéfense civile de la ville de Butare ? A l’attention d’un certain Faustin le témoin 130 ?

le témoin 21 : Non, non, non.

Me. GILLET : Non ?

le témoin 21 : Non.

Me. GILLET : Il… y a une lettre de votre écriture au dossier.

le témoin 21 : Je suis surpris, je suis surpris.

Le Président : Oui, une autre question ?

Me. GILLET : Monsieur SEBALINDA, avec lequel, je suppose que vous parliez de temps en temps, euh… est un des quatre titulaires du compte de l’autodéfense civile pour la préfecture de Butare qui a été ouvert par le préfet, le nouveau préfet, Monsieur NSABIMANA, au moment où cette autodéfense civile a été mise sur place. Vous n’en saviez rien ?

le témoin 21 : J’ai su ça quand j’étais ici, que SEBALINDA était membre donc des gens qui devaient gérer ce compte.

Le Président : Oui, une autre question ?

Me. GILLET : Si vous me permettez encore une question, Monsieur le président.

Le Président : Oui.

Me. GILLET : Vous nous avez dit que les comités, les petits comités, enfin bon, l’ensemble de ces groupes de réflexions des fonctionnaires MRND ou des salariés MRND, s’étaient réunis une ou deux fois et puis que ça ne s’était plus réuni parce qu’il y avait eu l’assassinat de GATABASI, puis celui de… sans doute, vous faisiez allusion à BUTSHIANA etc., et donc, il y avait une ambiance politique qui ne permettait sans doute plus de s’occuper de ces choses courantes-là.

Est-ce que vous confirmez, effectivement, que le climat et les préoccupations de vous-même et d’autres de votre entourage, étaient telles qu’à cette époque-là, donc février-mars, qu’effectivement, on ne… on n’avait plus l’esprit disposé pour faire ces tâches politiques courantes ?

le témoin 21 : Oui, oui, on n’était pas disposé, hein. On n’était pas disposé. Donc, avec la mort de GATABASI et de BUTSHIANA, il y a eu… les gens ont pris peur ; puis, on n’a pas pu continuer à travailler sur ces réflexions. On n’a pas pu.

Me. GILLET : C’est ça. Ce sera tout pour l’instant, Monsieur le président.

Le Président : D’autres questions ? Maître NKUBANYI.

Me. NKUBANYI : Merci, Monsieur le président. Une première question au sujet du camion. Vous dites que vous avez eu recours aux prisonniers pour résoudre ce problème-là. Est-ce que les prisonniers avaient l’habitude de travailler le dimanche, ou bien est-ce que c’était la première fois que les prisonniers passaient là-bas ? Et qu’est-ce qu’ils venaient faire à la SORWAL ?

le témoin 21 : Donc, nous, dans notre société, on avait sous-traité avec les prisonniers. Donc, ils travaillaient les jours normaux. Mais quand ce week-end est arrivé l’incident, moi, je les ai vus qui venaient donc des enterrements du côté de Ngoma ; alors j’ai dit :« Vous pouvez venir m’aider ? ». Et parmi ces gens-là, il y avait ceux qui travaillaient à la SORWAL, donc, qui venaient régulièrement travailler à la SORWAL et c’est pourquoi ils sont venus, ils ont dit : « Bon, notre chef a eu des problèmes ». Mais, en principe, ils travaillent à la SORWAL les jours ouvrables. Mais ce dimanche-là, je les ai… donc, je les ai détournés puisqu’ils venaient de Ngoma et ils sont venus, ils m’ont… ils m’ont aidé.

Me. NKUBANYI : OK. Une autre question. Cet incident-là, est-ce que vous en avez parlé aux autres membres du personnel de la SORWAL ?

le témoin 21 : Non, j’ai pas parlé de ça aux membres du personnel de la SORWAL. J’ai dit : « Bon, je ne parle pas de ça ». Parce que le problème que j’avais, ce que j’ai caché au directeur général, c’est que    l’incident s’est passé avec un chauffeur qui n’était pas attitré aux camions. C’est ça que j’ai caché au directeur général. Mais je lui ai dit que le camion a failli brûler son disque d’embrayage, comme je craignais qu’il me donne des sanctions parce qu’il m’avait donné une mise à pied. Bon, je dis.. je ne dis pas ça, mais je lui ai averti qu’il y a eu cet incident.

Me. NKUBANYI : Oui, une autre question. Pourquoi est-ce que vous n’avez pas jugé bon d’avertir, disons, les autres chauffeurs, les autres personnes pour qu’ils puissent éviter cet endroit si dangereux qui avait failli causer un problème aussi important.

le témoin 21 : Puisque j’avais réglé le problème, j’ai pas jugé bon de leur dire ça. Puisque j’avais pris la décision de cacher ce problème au directeur général pour qu’il ne me donne pas de sanction.

Me. NKUBANYI : Oui. Revenons aux écrits. Vous avez dit que le texte « suggestions émises » n’était qu’un brouillon, et qu’il a été remplacé par le texte dit « rapport n° 2 ». Est-ce qu’il y a eu un rapport n° 1 ?

le témoin 21 : Donc, le premier document que nous avons produit peut être considéré comme n°1, mais quand nous avons fait la… donc la deuxième réunion, nous avons dit, bon : « Rapport n° 2 » sur base donc des suggestions, donc des conclusions qui avaient été émises dans la première réunion, sur base d’un document que j’avais intitulé, que j’ai intitulé « Suggestions de la commission politique ».

Me. NKUBANYI : Oui, dans le rapport n° 2, vous dites ceci : « La commission pense que, dans ces conditions, les Hutu n’ont aucun intérêt à ce que les institutions de transition soient mises en place sans le Parti libéral de MUGENZI, car ces Hutu vont se faire gandagure aussitôt ». Qu’est-ce que vous voulez dire par « ces Hutu vont se faire gandagure » ?

le témoin 21 : Se faire asphyxier par...

Me. NKUBANYI : Par qui ?

le témoin 21 : …le FPR, hein.

Me. NKUBANYI : Oui. Est-ce que, d’après vous, le FPR est synonyme des « extrémistes Tutsi assoiffés de pouvoir » ?

le témoin 21 : A ce moment-là, le FPR, il était donc… on le considérait comme un parti extrême. Comme de l’autre côté, il y avait le CDR qui était un parti extrême.

Me. NKUBANYI : Oui. Et quand vous parlez de « la défense collective contre les extrémistes Tutsi assoiffés de pouvoir », est-ce que, dans cette défense collective, il s’agit seulement des Hutu contre les Tutsi ou bien c’est autre chose ?

le témoin 21 : C’est une défense collective de la population, défense collective de la population. Parce que, dans la population, il y avait des Hutu et des Tutsi, et des Hutu et des Tutsi qui sont membres du MRND, et membres du MD et tout ça. C’était une défense collective de la population.

Le Président : D’autres questions ? Monsieur l’avocat général.

L’Avocat Général : Décidément, ce camion m’intrigue. Vous avez dit que le chauffeur n’était pas le chauffeur attitré.

le témoin 21 : Oui, c’était un chauffeur mécanicien qui n’avait pas la…

L’Avocat Général : C’était le chef mécanicien, avez-vous dit.

le témoin 21 : Oui, le chef mécanicien.

L’Avocat Général : Et le chef mécanicien ne peut-il pas, sans brûler un disque d’embrayage, tourner un camion ? Parce que vous aviez demandé de mettre - ça c’est la raison que vous avez donnée - qu’il fallait qu’il mette ce camion dans le sens du déchargement.

le témoin 21 : Donc, c’est un chauffeur mécanicien qui était jeune, donc qui sortait de… de l’école.

L’Avocat Général : Et qu’est-ce qu’il faisait là…

le témoin 21 : Donc, il n’avait pas une expérience vraiment très, très avancée mais, pour les petits retournements, je disais : « Bon, tu peux nous retourner ce camion ».

L’Avocat Général : Et qu’est-ce qu’il faisait là…

le témoin 21 : Alors, le problème qu’il a eu c’est que, maintenant le camion était chargé alors il a… il a eu ce problème de… de manque d’expérience. Mais c’est un chauffeur mécanicien qui est diplômé.

L’Avocat Général : Alors, une dernière question : qu’est-ce qu’il faisait là, lui, le dimanche ?

le témoin 21 : Je me suis expliqué, Monsieur l’avocat. Moi, j’avais l’habitude de travailler le dimanche. Eh bien, maintenant, le chauffeur mécanicien, puisque je travaillais sur groupe électrogène, puisqu’il était responsable du charroi, lui, il est venu me voir ; donc faire l’inspection du groupe électrogène et puis, me donner sur… donc me donner une synthèse sur les véhicules. Et c’est dans ce sens-là, c’est dans ce moment précis que j’ai dit : « Bon, puisque tu es là, retourne-moi ce camion ».

Le Président : Bien. Non, mais un petit instant parce que euh… vous en avez pour beaucoup de… avez-vous encore beaucoup de questions ? A la défense ? Eh bien alors, on va suspendre peut-être un quart d’heure, suspendre l’audition du témoin. On reprendra l’audience à 11h15.

[Suspension d’audience]

Le Greffier : La Cour.

Le Président : L’audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir, les accusés peuvent prendre place. Monsieur le témoin 21 peut revenir. Je pense que ce matin, nous irons peut-être jusqu’à 13 heures. On reprendra cet après-midi, à 14h heures. Donc, nous allons voir un peu où nous en sommes avec Monsieur le témoin 21. Je demande à ce que Monsieur le témoin 40 qui est présent, reste encore, ce matin. Peut-être qu’on commencera l’audition de Monsieur le témoin 40, ce matin. Mais que les autres témoins qui sont arrivés, reviennent à 2 heures.

Oui, mais le témoin n’est pas là, hein. Si c’est pour poser une question, il faut peut-être attendre qu’il soit là.

Bien, nous poursuivons donc l’audition du témoin le témoin 21. Y a-t-il, il y en avait encore des questions ? Oui, Maître LARDINOIS et puis Maître HIRSCH.

Me. LARDINOIS : Je vous remercie, Monsieur le président. Euh… dans son… lors de son audition du 23 décembre avec Monsieur STASSIN, le témoin dit, à propos de la réunion du 13 décembre, du comité de réflexion politique : « Si mes souvenirs sont exacts, cette réunion ­ je… je lis sa déclaration - du 13 décembre 94, a été tenue chez un professeur de l’UNR dont je ne me souviens plus du nom. Vous me demandez si HIGANIRO a participé à cette réunion ? HIGANIRO ne participait pas à ce genre de réunion car, selon ses opinions, le parti devait se débrouiller avec les adhérents, natifs de la préfecture ». Est-ce que le témoin peut confirmer que Monsieur HIGANIRO n’a pas participé à ces réunions ?

le témoin 21 : Donc, quand je parle des réunions du MRND à Butare, HIGANIRO n’a pas participé à ces réunions. Mais, pour le petit comité, il a participé. Mais avant, HIGANIRO n’a jamais participé à des réunions ou des meetings du MRND.

Le Président : D’accord.

Me. LARDINOIS : Donc, il a bien participé alors à cette réunion du 13 février 94 ?

le témoin 21 : Donc, pour le petit comité.

Me. LARDINOIS : Je poursuis votre déclaration, et vous dites, je vous    lis : « Je n’étais pas d’accord avec les accords d’Arusha car j’estimais que les Tutsi avaient reçu trop d’avantages par rapport aux autres. Par exemple, au niveau du pouvoir, il leur était réservé trop de postes stratégiques, aussi bien au niveau de l’exécutif, judiciaire et législatif. La plupart des Rwandais d’ethnie Hutu n’étaient pas d’accord, car les accords d’Arusha prévoyaient une répartition de tous les postes d’environ 50/50. Les gens étaient plutôt favorables à une répartition de 80/20, ce qui représentait beaucoup plus la réalité. En effet, cette façon de voir les choses était calquée sur la répartition des deux ethnies. Cette façon de raisonner n’était pas propre au MRND, mais cette idée circulait aussi dans d’autres partis comme la CDR, le MDR, le PSD et le PL. C’est d’ailleurs de cette façon qu’est née l’idée du parti Power, ce qui signifie la pouvoir aux plus forts et aux plus nombreux ». Pouvez-vous demander au témoin si, dans la logique de cette déclaration, il se considère comme Hutu Power ?

Le Président : Vous vous considérez comme Hutu Power ?

le témoin 21 : Non, je ne me considère pas comme un Hutu Power. Si je dis ça, c’est que nous, moi personnellement, j’étais pas tellement… tellement chaud sur les accords de paix d’Arusha. Et c’est moi, le témoin 21, la personne. Mais ce qui se disait, on voyait que le FPR avait… avait beaucoup raflé des… avait gagné. Et c’est ça qu’on… qu’on disait, mais quant à moi, je ne suis pas un Hutu Power. Je suis un modéré.

Le Président : Mmm. Une autre question ?

Me. LARDINOIS : Une autre question, Monsieur le président. Lors de son audition du 22 décembre 1999, toujours avec Monsieur STASSIN, il déclare : « Après les premiers massacres de Butare, soit vers la fin du mois d’avril 94, je me trouvais en compagnie de Innocent NKUYUBWATSI dans notre camionnette. Il m’a laissé entendre qu’il était l’auteur du meurtre de Jérôme NGARAMBE, et qu’il avait dérobé une somme d’argent. Il serait l’assassin également des autres membres de la famille NGARAMBE ». Un peu plus bas il dit : « Il est clair que NKUYUBWATSI était fort actif lors des massacres, surtout à Butare ».

Le témoin dit que Monsieur NKUYUBWATSI lui a fait part de… du fait qu’il était impliqué dans l’assassinat de Monsieur NGARAMBE, vers la fin du mois d’avril 94. Lors de la visite de Monsieur HIGANIRO, fin avril, vers le 29, 30 avril 1994, pour la remise en marche de la SORWAL, est-ce qu’il ne lui est pas venu à l’idée de signaler que Monsieur NKUYUBWATSI pouvait être mêlé dans les massacres et que, par conséquent, il n’était peut-être pas opportun du nommer caissier et du conserver dans la société ?

le témoin 21 : Oui, Monsieur le président. Quand HIGANIRO est venu, je n’avais pas cette information. Et sinon, j’allais lui dire cette information puisque cette famille, c’est une famille chère à moi. Parce que c’est une famille marraine de mes enfants. Mes enfants, je ne les ai plus. Mais ce Monsieur NGARAMBE Jérôme, c’est un type qui était connu à Butare et qui était intelligent, et qui était aussi l’ami de HIGANIRO Alphonse. Il était membre du club, Rotary Club. Je ne pouvais pas taire ça, parce que ma femme aussi, me talonnait en disant : « Bon, il faut qu’on retrouve les enfants de Jérôme ». Donc, j’étais pas au courant de cette information. Mais quand j’ai su ça, je dis que je me suis battu et je… je vais continuer toujours, parce que cette famille m’est chère.

Le Président : Monsieur le témoin 21, vous dites quand Monsieur HIGANIRO revient à la fin du mois d’avril, vous n’aviez pas cette information ; vous dites dans votre déclaration à la police judiciaire en 1999 que, fin avril, donc, à peu près à la même époque que le retour de Monsieur HIGANIRO pour remettre l’usine en route, vous apprenez ça.

le témoin 21 : Oui.

Le Président : Donc, le 20 mai 1994

le témoin 21 : Non, non.

Le Président : Le 20 mai 1994, lorsque vous écrivez votre rapport à Monsieur HIGANIRO, vous connaissez cette information.

le témoin 21 : Le rapport, je l’ai écrit le…

Le Président : Alors, dans votre rapport…

le témoin 21 : Peut-être que je me suis trompé.

Le Président : …où apparemment vous parlez de tas de gens, hein, euh…, le magasinier dont le cas est inquiétant, les gens qui viennent ou qui ne viennent pas, dont les cas sont inquiétants, dans votre rapport, vous n’avez pas parlé de Monsieur NKUYUBWATSI ?

le témoin 21 : Non, j’ai pas parlé de NKUYUBWATSI.

Le Président : Pourtant vous aviez l’information.

le témoin 21 : J’avais l’information, mais il m’a laissé entendre, je devais vérifier, pour pouvoir écrire à HIGANIRO, que NKUYUBWATSI a été impliqué là-dedans. Puisque moi aussi, j’étais éprouvé à cause de cette famille. Je devais… je ne devais pas me taire avec cette information, puisque cette famille était amie de… de HIGANIRO. Elle était marraine de… de mes enfants. Je ne pouvais pas. Si j’avais cette information, si j’avais bien vraiment eu l’information exacte, je ne pouvais pas me taire. Et cela, j’ai déclaré ça librement.

Le Président : Avez-vous constaté que Monsieur NKUYUBWATSI, lorsque le travail a repris au mois de mai 1994, à la SORWAL, que Monsieur NKUYUBWATSI Innocent s’absentait de son travail ?

le témoin 21 : Non, j’ai pas vu ça. J’ai pas vu ça, puisqu’il était là, au département administratif et financier, il était contrôlé par le directeur administratif et financier. Mais j’ai pas… s’il est sorti, j’ai pas… j’ai pas su ça, parce que moi, j’étais dans la production. Alors, c’est le directeur administratif et financier qui peut savoir si exactement il sortait.

Le Président : Bien. Une autre question ?

Me. LARDINOIS : Si je peux revenir sur la question que j’ai posée, je ne comprends pas pourquoi le témoin devait vérifier puisque c’est Monsieur NKUYUBWATSI qui lui dit qu’il est impliqué dans l’assassinat. Donc, il y a là une forme d’aveu, donc je ne voyais pas, je ne vois pas tellement l’intérêt d’aller vérifier. Et d’autre part, en tant que n°2 de la SORWAL, est-ce que vous n’aviez, à tout le moins, pas le pouvoir de suspendre Monsieur NKUYUBWATSI ?

le témoin 21 : Non. Donc, je dis que l’information, je ne l’avais pas, puisque je dis : « Il m’a laissé entendre ». Il fallait que je vérifie, puisque je devais vérifier. Et puis encore, je devais en parler à HIGANIRO Alphonse pour qu’on puisse prendre des mesures pour ça. Je devais lui parler de ça, puisque c’est une famille aussi qui est chère à lui. Donc, si j’avais cette information, je devais le dire. Et puis, cette information, je l’ai déclarée librement à la PJ.

Le Président : Bien.

Me. LARDINOIS : Une dernière question, Monsieur le président. Le témoin nous a dit tout à l’heure qu’un chauffeur a été porté donc, son rapport à Monsieur HIGANIRO, vers le 20 mai.

Le Président : Non, non, vers le 13.

Me. LARDINOIS : La réponse date du 23 mai.

Le. Président : Pardon, oui. Vers le 20 mai, oui.

Me. LARDINOIS : C’est le 20 mai, si je ne m’abuse, hein ?

Le Président : Oui, 20, 21 mai.

Me. LARDINOIS : Puisque ce n’est pas Monsieur le témoin 40 qui était parti un peu plus tôt.

le témoin 21 : Oui, oui.

Me. LARDINOIS : Savez-vous où le chauffeur a rencontré Monsieur HIGANIRO à Kigufi ?

le témoin 21 : Ah, ça je ne sais pas.

Me. LARDINOIS : Vous ne savez pas ?

le témoin 21 : Je ne sais pas. Mais de toutes les façons, le camion, puisqu’il était chargé, ne pouvait pas aller à Kigufi, puisqu’il faisait… c’était dans la saison des pluies, il ne pouvait pas s’aventurer à Kigufi. Sûrement qu’ils se sont rencontrés à Gisenyi.

Me. LARDINOIS : Je vous remercie.

Le Président : Une autre question ? Maître HIRSCH et puis…

Me. HIRSCH : Euh… oui, merci Monsieur le président. Euh… Monsieur le témoin 40, dont on a parlé et dont on reparlera, dit qu’une formation à l’entraînement avec armes était dispensée sur le terrain de basket de la SORWAL, donc, dans l’enceinte même de la SORWAL, avec Monsieur MUHUTU qui en était instructeur, qui apprenait à manier euh… les armes. Est-ce que le témoin peut nous le confirmer ?

le témoin 21 : Bon, cette histoire qu’on dit d’entraînement, moi, je dis c’est… on apprenait à monter et démonter les armes. Maintenant, comment est venue cette histoire ? Donc, vers fin mai, je crois, autour du 25 mai, l’usine a été attaquée aux armes automatiques et le gardien, lui aussi, a ouvert le feu. Alors, le lendemain, j’ai demandé au responsable des gardiens, qui est MUHUTU Stanislas, de me faire un rapport. Il a fait ce rapport. Alors, j’ai dit au directeur administratif et financier qu’on écrive une lettre de plainte à l’attention donc du procureur de la République à Butare, avec copie pour information à l’ESO. Alors, je suis allé exposer ça à l’ESO et j’ai dit : « Il faut prendre vos responsabilités parce que, dans l’usine d’allumettes, on nous a attaqués, et puis, il ne faut pas oublier que nous avons une vingtaine de tonnes de chlorate, de… de phosphore rouge, cinq tonnes de chlorate de potassium, 10.000 cartons d’allumettes. Ça, ce sont des produits explosifs. Si ça explose, si on fait un… un tripotage là-bas, donc, l’usine va brûler ». Alors, on m’a répondu qu’ils n’ont pas d’effectifs.

Alors, j’ai dit : « Maintenant, qu’est-ce que je dois faire ? ». Ils ont dit :   « On peut vous donner des armes, comme ça, vous vous débrouillez ». Alors, j’ai écrit une lettre au commandant ESO, j’ai demandé six armes, il m’en a donné trois. Alors, quand je suis arrivé à la SORWAL, j’ai dit :       « Bon voilà, j’ai dit aux ouvriers : voilà, les armes sont ici, maintenant je vais recruter des réservistes pour renforcer la défense de la société ». Alors, les autres ont dit : « Non, puisque vous, vous nous bloquez ici, alors que les autres, à l’extérieur, sont en train d’apprendre comment démonter et remonter une arme parce que le FPR est sous les portes ». Alors, j’ai dit : « Bon, maintenant, pour moi, c’est pas apprendre dans le cadre de cette défense qui est en dehors de la SORWAL, mais ceux qui vont participer à… donc ceux qui vont participer à ce démontage et remontage des armes, vont être affectés, à tour de rôle, au gardiennage de l’usine ».

Alors, c’est ainsi que les gens ont dit : « Bon, maintenant, les gardes armés pourront nous aider à… à montrer, à manipuler ces armes ». C’est ainsi que nous avons autorisé que les gens de la SORWAL fassent cette formation de montage et démontage des armes.

Le Président : Montage, démontage des armes. Vous trouvez que c’est un endroit idéal pour monter et démonter des armes sur un terrain de basket-ball ? C’était pas mieux dans un local de l’usine ?

le témoin 21 : Non, c’était sur le terrain de basket-ball, c’est là où nous avions euh… un peu d’espace pour le faire, puisqu’à l’intérieur de l’usine, c’était pas possible, parce qu’on ne pouvait pas faire ces activités-là puisque l’usine était très compacte. Et puis, j’ai dit au responsable des gardiens : « Maintenant, il ne faut pas apprendre à monter et démonter les armes, mais il y a une philosophie qui est derrière de porter une arme. Il faut qu’ils soient prudents ». Alors maintenant, puisque c’était par petits groupes, ils se sont rassemblés donc, dans la cantine et puis après, ils allaient sur le terrain pour démonter et remonter cette arme, ces armes.

Le Président : Oui, une autre question ?

Me. HIRSCH : Oui, merci. Euh… donc Monsieur le témoin 40 a dit qu’il s’agissait d’un entraînement d’environ 15 personnes…

le témoin 21 : Oui.

Me. HIRSCH : …et que c’est une formation qui était dispensée pendant une heure, tous les jours, mais il ignorait de qui venait l’ordre de l’entraînement. Donc, vous confirmez que c’est vous qui avez entraîné, qui avez donné l’ordre d’entraîner ces 15 personnes ?

le témoin 21 : Oui. Donc, HIGANIRO n’a rien à voir avec ça.

Le Président : Mm.

Me. HIRSCH : Voilà

le témoin 21 : Parce que c’est une décision qui est venue en interne, suite à une concertation des cadres, nous avons dit : « Maintenant, puisque nous sommes attaqués, il faut qu’on cherche les moyens pour nous défendre », et nous avons fait cette procédure : les preuves sont là. Les documents sont là, ils sont écrits.

Le Président : Et les cadres qui se sont concertés à ce sujet-là, c’était    qui ?

le témoin 21 : J’étais avec SEBALINDA, les chefs de fabrication étaient là-bas puisque les chefs de fabrication, eux aussi, ils ont exprimé cette… donc, cette envie d’aller se faire former. Ainsi donc, les trois chefs de fabrication se relayaient pour suivre et encadrer ces personnes qui étaient, que… donc… donc, qu’on envoyait à cette petite formation. Il y a un chef de fabrication qui participait là-dessus, beaucoup plus que les autres.

Le Président : Vous suiviez ainsi les conseils que vous avait donnés Monsieur HIGANIRO dans sa lettre du 23 mai, de prendre les grandes décisions en concertation avec les collaborateurs, directeur administratif et financier, cadres et autres ?

le témoin 21 : Oui. J’ai respecté le manuel de procédure de la société. Aucune décision n’a été prise en dehors de mes cadres.

Le Président : Bien. Une autre question ?

Me. HIRSCH : Euh…, oui, Monsieur le président. C’est… c’est une petite question liée à une des déclarations du témoin sur le travail qui était effectué par les détenus de la prison qui se trouve juste à côté de la SORWAL, sauf erreur de ma part. Le témoin a déclaré, non pas sous serment, puisqu’il n’a jamais été interrogé sous serment par le juge d’instruction et que c’est la première fois qu’il a prêté serment de dire la vérité, il a déclaré que les détenus, les prisonniers avaient comme tâche, essentiellement de procéder à l’enterrement des cadavres pendant le génocide à Butare.

Est-ce qu’il peut nous dire qui réquisitionnait les prisonniers pour faire  cela ? Puisque, apparemment, la SORWAL a pu les réquisitionner pour le ramassage de la boue, et le témoin a d’ailleurs déclaré que c’était avec les pelles qu’ils utilisaient habituellement pour enterrer les cadavres qu’ils avaient procédé à ce nettoyage-là.

le témoin 21 : Donc...

Le Président : Savez-vous qui réquisitionnait les prisonniers pour enterrer les cadavres ?

le témoin 21 : Non, ça, je ne sais pas, ce sont les autorités administratives. Moi, quand… puisque nous avions une convention avec la prison pour notre projet agropastoral, moi, je les ai appelés, ils sont venus sans problème puisqu’ils passaient à côté de la SORWAL. Mais, quant à la réquisition, ce sont les autorités administratives qui organisaient ces enterrements.

Le Président : Oui ?

Me. HIRSCH : Oui, Monsieur le président. Est-ce que, quand il a quitté Butare, le témoin est-il parti avec toute la comptabilité de la SORWAL ?

le témoin 21 : Non, la comptabilité de la SORWAL est restée intacte sauf deux bordereaux, donc, que j’ai annexés sur mon témoignage, qui ont servi donc, à montrer que HIGANIRO a bien travaillé à Gisenyi. Mais, quant à la comptabilité, elle est restée intacte.

Me. HIRSCH : Donc, le témoin veut-il dire qu’au moment où il quitte en catastrophe Butare, il pense déjà, à ce moment-là, à amener deux bordereaux qu’il annexera à la lettre qu’il adressera à l’avocat précédent de Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 21 : Merci pour la question.

Me. HIRSCH : Je vous en prie.

le témoin 21 : Ces bordereaux, ces bordereaux me sont parvenus de l’agent commercial qui venait de Gisenyi et qu’il m’a donné à Gikongoro puisqu’on avait pris la fuite. On a pris la fuite et les bordereaux me sont venus quand nous étions à Gikongoro, vers le 3. C’est comme ça que j’ai pu accéder à ces bordereaux.

Le Président : Donc, vous n’étiez plus dans les locaux de la SORWAL quand vous les avez reçus ?

le témoin 21 : Non, on était… je les ai reçus à Gikongoro. Là on était… on avait déjà pris la fuite.

Le Président : Oui ? Une autre question ?

Me. HIRSCH : Euh… oui, Monsieur le président. Est-ce que le témoin peut confirmer qu’il a vu le capitaine NIZEYIMANA quand celui-ci se trouvait au Zaïre ?

le témoin 21 : Oui, le capitaine NIZEYIMANA, je l’ai vu au Zaïre. Il était dans un camp de Gashusha. Je l’ai vu, oui. Il était là.

Me. HIRSCH : Est-ce que le témoin peut confirmer qu’il a dit ceci à propos du capitaine NIZEYIMANA qu’il voyait apparemment souvent quand il était à Butare, d’après les témoignages qui figurent au dossier, sur lesquels nous… nous reviendrons…

Le Président : Un petit instant. Voyiez-vous, rencontriez-vous, à Butare, souvent le capitaine NIZEYIMANA ?

le témoin 21 : Non.

Le Président : Bien, maintenant, vous pouvez poser votre question.

Me. HIRSCH : Nous y reviendrons, Monsieur le président, mais je voulais poser au témoin la question suivante : de confirmer, ou pas, évidemment, le témoignage qu’il a fait : « On disait - et je parle ici du capitaine NIZEYIMANA - on disait de lui qu’il avait pillé beaucoup d’argent. Lorsque nous avons fui dans un premier temps, vers Gikongoro, il était avec nous. Une fois au Congo, il est venu me trouver pour me demander où il pouvait changer de l’or contre des dollars. J’ai pu constater qu’il était assez riche. Suivant ce que j’ai compris, l’or venait du monastère de Gihindamuyaga ».

le témoin 21 : Oui. Quand on est arrivé, donc quand on a fait le mouvement de Butare à Gikongoro, lui aussi, il était là. Maintenant, quand nous avons fait le mouvement vers le Zaïre, lui était resté là. Maintenant, moi j’ai habité un quartier populaire où on vendait de l’or, puisqu’on se voyait là-bas, donc les réfugiés à… dans la ville de Bukavu, on se voyait souvent. Alors, il m’a demandé : « Vous habitez où ? », j’ai dit : « J’habite à Kadutu, là où on vend de l’or ». Alors, il m’a dit : « Est-ce que vous pouvez m’orienter là où je peux vendre de l’or ? ». Alors, je dis :              « Maintenant, où est-ce que vous avez trouvé cet or ? ». Il me dira qu’il avait pillé ça à Gihindamuyaga. C’est ça. C’est tout.

Le Président : Oui ?

Me. HIRSCH : Merci. Le témoin peut-il confirmer que Monsieur HIGANIRO voyait régulièrement le capitaine NIZEYIMANA ?

le témoin 21 : Ca, je ne peux pas confirmer qu’il le voyait régulièrement. Je sais qu’ils se connaissent, ça, oui. Mais se voir régulièrement, moi, je ne peux pas le confirmer.

Me. HIRSCH : Est-ce qu’il peut confirmer qu’il a dit : « Le capitaine ne venait pas à la SORWAL, mais il voyait HIGANIRO en privé ».

le témoin 21 : Oui, le capitaine ne venait pas à la SORWAL.

Me. HIRSCH : Et vous aviez ajouté : « Je connaissais NIZEYIMANA, étant donné qu’il est originaire de la même localité que moi, soit de Umutara ».

le témoin 21 : Oui. Oui.

Le Président : Une autre question ?

Me. HIRSCH : Monsieur le président, sur les liens entre Monsieur NIZEYIMANA, le témoin, et notamment Monsieur NTEZIMANA. Est-ce que le témoin peut confirmer que, notamment au guesthouse, il voyait régulièrement le capitaine NIZEYIMANA et également Monsieur Vincent NTEZIMANA, et peut-être différents étudiants ?

le témoin 21 : Non, ça, j’ai pas vu. Je ne les ai pas vus. J’ai pas vu Vincent avec NIZEYIMANA.

Me. HIRSCH : Le témoin peut-il nous dire si lui a vu Monsieur Vincent NTEZIMANA ?

le témoin 21 : Non, j’ai pas vu NTEZIMANA.

Le Président : Une autre question ?

le témoin 21 : D’ailleurs, j’ajoute que c’est la première fois que je le vois ici, hein. Il y a longtemps, hein. NTEZIMANA ?

Le Président : Voilà. Une autre question.

Me. HIRSCH : C’est la première fois que le témoin dit qu’il voit Monsieur NTEZIMANA ?

le témoin 21 : Depuis 94, c’est la première fois.

Me. HIRSCH : Ah, mais non, oui (Rires dans l’assemblée). Ca méritait d’être dit, effectivement.

Le Président : Une autre question ?

Me. HIRSCH : Je… je réserve mes questions, Monsieur le président.

Le Président : Ne les réservez pas trop longtemps, hein. Maître FERMON

Me. FERMON : Monsieur le président, le témoin a dit, tout à l’heure, que la défense collective concernait toute la population. Et j’ai compris, sous-entendu, Tutsi et Hutu, sans distinction ethnique. Est-ce que c’est bien ça qu’il a voulu dire ?

Le Président : C’est bien ça que vous avez voulu dire ? Dans le texte…

le témoin 21 : Oui, oui, c’est bien ça que j’ai voulu dire. Donc, c’était la population dans son ensemble, qui est composée des trois ethnies du Rwanda.

Me. FERMON : Alors, Monsieur le président, je voudrais revenir un moment à son rapport, enfin non à la… aux « Suggestions émises » qui sont, si j’ai bien compris, le résumé personnel que le témoin avait fait d’une réunion et dans laquelle, dans lequel euh… il est marqué ceci :    « Comme recommandation au comité national du MRND : s’attacher à la réunification des Hutu de tous les partis politiques en vue de barrer la route au coup d’état civil d’Arusha. A cet effet, tous les moyens sont bons, car il en va de la survie de cette ethnie ». Et deuxième recommandation : « Demander aux comités préfectoraux de se consacrer à renforcer l’union des Hutu et à leur autodéfense collective, tous partis confondus ». Je voudrais que vous posiez la question au témoin : comment il peut concilier ce qu’il vient de dire sur l’autodéfense avec ces passages du rapport qu’il a établi ?

Le Président : Si le rapport n° 2 a été établi, il ne reprend pas textuellement les suggestions que vous avez… que vous aviez rédigées, était-ce parce que les membres de ce petit comité n’étaient pas d’accord avec toutes les mentions de votre… de vos suggestions ?

le témoin 21 : Donc, dans le comité, on a fait cette… donc, ça, cette réunion. Donc, on était d’accord sur les résolutions, donc sur les… le contenu. Mais quand nous parlons de l’autodéfense collective, on parlait de la population. Mais si on dit « Hutu », c’est vraiment par… c’est par… c’est par erreur, je peux dire par erreur ou bien par… c’est une erreur qui s’est glissée dans tout ça. Mais…

Le Président : Dans… dans le rapport n°2, il n’est plus question de Hutu. C’est la raison pour laquelle je vous pose la question de savoir si le texte des suggestions n’avait pas l’approbation de tout le monde, raison pour laquelle le rapport n°2 a été établi, ne reprenant plus cette perception ethniste ?

le témoin 21 : Donc, au départ, nous avons fait un brainstorming. Nous avons dit, bon, on a tous… tout le monde a parlé, tout le monde a parlé, tout le monde a parlé. Et puis après, on a synthétisé, on a dit :      « Voilà, c’est ça, la synthèse », nous nous sommes mis d’accord sur ça. Et il y a ceux qui parlaient Hutu et il y a ceux qui parlaient de la défense collective de la population. Nous avons opté pour la défense collective de la population. C’était pas les Hutu vraiment qu’on disait… bon, on ne peut pas baser sur des idées politiques, sur une ethnie. C’est impossible. On ne peut pas baser une idée politique sur une ethnie, parce que les trois ethnies devaient cohabiter ensemble.

Le Président : Sauf quand on est Hutu Power ?

le témoin 21 : Non, tout le monde devait cohabiter, Monsieur le président. Parce qu’on ne peut pas, donc, aucun parti ne peut pas baser son idéologie sur une ethnie. Impossible. Ça, c’est impossible.

Le Président : Une autre question ? Maître FERMON…

Me. FERMON : Oui, Monsieur le président. Dans le paragraphe que j’ai lu, on dit que tous les moyens sont bons. Alors, je voudrais savoir quels sont les moyens qui ont été évoqués dans la discussion à la réunion dont le témoin a fait son rapport personnel ?

le témoin 21 : Donc, les moyens… donc c’étaient des meetings, des réunions, faire des manifestations publiques, montrer qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Donc, des réunions, des meetings, et faire des manifestations…

Le Président : Des grèves…

le témoin 21 : …dans la rue. Bloquer les routes. Tout ça.

Le Président : …des grèves, faire des grèves.

le témoin 21 : Non, faire des grèves, on n’était pas permis. On n’était pas permis.

Le Président : On ne peut pas.

le témoin 21 : Mais faire des manifestations pendant les heures de… les week-ends et tout ça. Montrer qu’on n’est pas, donc que les gens…

Le Président : Il a été question, si je ne m’abuse, dans un de ces documents, de séquestration.

le témoin 21 : Oui. On disait que : « Si tout ne marche pas, donc on peut recourir à cette méthode ». Mais on a dit qu’il faut commencer par ces meetings, ces… donc ces réunions, tout ça, pour montrer que vraiment, il faut que… donc la, les deux tendances dans les partis soient donc unifiées pour que les accords de paix d’Arusha puissent être mis en application. Donc, on n’était pas contre les accords d’Arusha, mais on disait : « Il faut que dans l’application de ces accords, les gens se mettent d’accord ensemble ». C’était l’extrême, donc in extremis, on pouvait dire : « Séquestration ». Mais, pour nous, quand on a commencé, c’était faire des meetings, faire des réunions, même au besoin, bloquer des routes, faire passer nos… nos idées. Mais nous étions… c’étaient des propositions à ce moment-là. C’étaient pas… c’étaient pas des… des décisions. C’est le petit comité.

Le Président : Si nous avons bien compris, des propositions qui n’ont été envoyées à personne ?

le témoin 21 : Non, ça n’a pas été envoyé à personne. On a manqué d’envoyer ça, puis après, on est tombé en débandade avec… et puis, c’étaient des… des réflexions. Puis, ça devait passer par le comité directeur et puis, le comité directeur, le soumettre à l’assemblée, et puis l’assemblée, il fallait voir où canaliser ces informations, ces réflexions.

Le Président : Une autre question ? Maître HIRSCH.

Me. HIRSCH : Merci, Monsieur le président. Le témoin peut-il confirmer qu’au début des massacres - il l’a dit lui-même - il a pris, d’initiative, contact avec le capitaine NIZEYIMANA, dans la mesure où il était même inquiet pour sa propre famille ?

le témoin 21 : Oui. Donc, quand il y a eu… quand les massacres ont commencé, je suis allé demander un téléphone chez un voisin, et j’ai téléphoné au capitaine NIZEYIMANA parce que c’était le… le militaire qu’on connaissait là-bas. Je lui ai dit : « Est-ce que ma belle-mère, comment est-ce que je peux la protéger ? ». Il m’a dit : « Tu ne vas pas protéger, donc tu ne vas pas la… la bouger, qu’elle reste là-bas, elle n’aura pas de problèmes ». Mais, j’ai dit : « Maintenant, moi, qu’est-ce que je      deviens ? ». Il dit : « Si toi, tu as ta carte d’identité, tu peux circuler, c’est tout ». C’est tout ce qu’il m’a dit. C’est donc par téléphone que j’ai contacté NIZEYMANA.

Me. HIRSCH : Est-ce que le témoin peut confirmer qu’il a aidé un voisin qui a fait une déclaration dans le dossier, et qui s’appelle Gustave MUNYANEZA ?

le témoin 21 : Oui, je l’ai aidé beaucoup. Je l’ai aidé beaucoup. Donc, ce monsieur, des gens de la colline voisine sont venus le tuer. Bon, maintenant, quand ils sont venus, j’avais pas de téléphone. Je suis allé à côté puisque c’était un voisin, et j’ai téléphoné au commandement de Ngoma. Alors, j’ai dit : « Le quartier est attaqué - je parle de la population - il faut nous aider ». Alors, on nous a envoyé deux militaires. Alors, deux militaires sont venus, ils ont trouvé que la population était partie. Alors, j’ai téléphoné encore au commandant, j’ai dit au commandant de Ngoma : « Comment est-ce qu’on peut faire ? Est-ce que vous ne pouvez pas laisser ces militaires ici, pour nous protéger ? ». Il a dit : « Oui ». Bon, nous avons dit maintenant, puisque nous étions, il y avait trois maisons, nous avons dit, j’ai dit aux militaires : « Vous vous positionnez là-bas, au milieu, s’il y a quelque chose qui arrive, comme ça, vous allez nous protéger ». Alors, Gustave a téléphoné encore une fois pour me dire :       « Ces… ces paysans donc, qui venaient de la colline voisine, sont      revenus ». Alors, j’ai dit aux militaires : « Le monsieur, on veut encore l’attaquer ». Alors, les militaires sont partis, ils ont dit : « Maintenant on tire », ils ont tiré : trois… deux personnes sont mortes, sont mortes. Alors, j’ai dit : « Maintenant, pourquoi vous avez tiré ? ». Il a dit : « C’est comme ça qu’on nous a donné l’instruction, des gens qui vont agresser ce quartier, on nous a dit qu’il faut prendre nos responsabilités ». Donc, c’est comme ça que j’ai protégé ce monsieur, et il a été protégé.

Me. HIRSCH : Donc, Monsieur le président, le témoin confirme donc bien, il vient du faire à l’audience maintenant, qu’il y a un moment où deux militaires l’ont gardé, lui et d’autres ; et je voudrais que le témoin confirme alors le témoignage de ce voisin auquel il vient de faire référence, qui disait ceci : « Pendant les événements, j’ai vu le capitaine NIZEYIMANA qui venait tous les jours chez le témoin 21. Il est votre voisin. Ils partaient ensemble alors que les autres membres de la population ne pouvaient pas circuler. Ce capitaine était originaire du Nord, de la région du président. Il était vraiment le militaire le plus puissant de Butare. le témoin 21 était aussi gardé par des militaires qui vivaient chez lui. Je me rappelle qu’un jour, deux jeunes civils sont venus frapper à mon portail avec des intentions particulières entre guillemets, j’ai réussi à contacter le témoin 21 qui les a fait abattre par les militaires ».

le témoin 21 : Ca, c’est faux, archi-faux. C’est faux. J’étais pas gardé par des militaires ; ces militaires qui sont venus, ils sont venus spécifiquement pour cette situation. Donc, ils sont venus à deux puisque le commandant de Ngoma nous avait envoyés pour nous protéger, et puis, nous avons dit : « Maintenant, est-ce que vous ne pouvez pas les laisser, les laisser pour nous protéger ? ». Alors, le commandant a dit : « Ben, pour cette journée-là, vous pouvez le faire ». Maintenant, ce qui m’étonne, c’est qu’il dit cela. Donc, c’est de l’ingratitude. C’est de l’ingratitude que Monsieur Gustave fait. Et puis, je me tais mais, c’est de l’ingratitude.

Me. HIRSCH : Une dernière question, Monsieur le président.

Le Président : Oui, Maître HIRSCH.

Me. HIRSCH : Le témoin, au début de ses auditions, et pendant un certain temps d’ailleurs, a déclaré que Monsieur HIGANIRO était revenu à Butare, un dimanche ou en tout cas, un jour férié, le 2 mai, a-t-il déclaré. Et ma question porte sur le moment où les employés de l’usine sont revenus travailler. Je voudrais lire au témoin la première déclaration qu’il a faite à cet égard, et qu’il nous la confirme, ou infirme, le cas échéant.

« Le dimanche 2 mai, HIGANIRO est revenu à Butare. Il est venu à la maison et m’a trouvé en train de réparer la route qui donnait accès chez moi. J’utilisais une niveleuse de la MINITRAP, que la MINITRAP avait mise à ma disposition. La route en question était empruntée - c’est ce qui est important - par le minibus et la camionnette de la SORWAL, pour venir chercher les travailleurs de l’usine. Pour éviter deux transports, le chauffeur passait me prendre, et ensuite, on continuait vers Matiaso pour ensuite aller à l’usine. Il y avait un problème avec la route qui était en pente, et il fallait placer la terre, appelée la territe, pour éviter que l’on ne patine. HIGANIRO m’a dit que j’étais courageux d’entreprendre de tels travaux. Et je lui ai répondu qu’il s’agissait d’une opération que l’on avait l’habitude de faire. Il m’a donné comme instruction d’essayer de rappeler un maximum de travailleurs, en signalant que le lendemain, soit le 3 mai, il y aurait une réunion à l’usine avec l’ensemble du personnel ».

Ma question est la suivante, Monsieur le président. Dans le dossier, nous avons le témoignage de certaines personnes, et notamment celui de Monsieur le témoin 40, qui dit qu’il a réintégré l’usine au moment des massacres, et non pas le 3 mai. J’aimerais, si c’est possible, Monsieur le président, que le témoin explique pourquoi, avant le 3 mai, il fallait emprunter par minibus, avec la camionnette de la SORWAL, aller chercher des travailleurs de l’usine ?

le témoin 21 : Je m’explique. Quand le témoin 40 dit qu’il a commencé le 18 avril, c’est faux. C’est faux. C’est faux, et je le répète encore une fois. Maintenant, quand HIGANIRO est venu…

Me. HIRSCH : J’ai dit le 18 ?

le témoin 21 : …le 18 avril.

Me. HIRSCH : Est-ce que j’ai dit le 18 ?

Le Président : Vous avez dit : « Pendant les tueries ».

Me. HIRSCH : Il me semble, hein… oui.

le témoin 21 : C’est faux. Alors maintenant, quand HIGANIRO est venu me voir, donc, fin avril, puisque j’habitais une maison qui appartenait à une personne qui avait travaillé dans le ministère des travaux publics, je lui ai dit : « J’ai un problème qui va survenir quand nous allons commencer à travailler », parce que la logistique, donc la logistique la plus optimale faisait que les gens donc, le minibus, en quittant la ville, il emprunte une petite route, et puis, il remonte chez moi puis nous partons vers Martiaso et nous revenons vers l’usine. Alors, j’ai dit : « Maintenant, quand le véhicule s’engage sur cette piste, il patine. Maintenant, il faudrait m’aider, puisque vous avez les moyens. Avec ces… ces niveleuses, vous pouvez m’aider à mettre de la territe sur cette piste, comme ça, si on commence les activités, les véhicules de la SORWAL pouvaient… donc, pourront passer librement sur cet axe ». C’était ça. Alors, HIGANIRO m’a rencontré chez moi, en train de faire ces travaux. Il m’a dit : « Tu es courageux ». J’ai dit : « Je me prépare au travail qui va avoir lieu d’ici incessamment ». Alors, il m’a dit : « Non, on va commencer dès demain ». Alors, j’ai dit : « Bon, ça va ». Je lui ai dit : « Ce travail n’a rien d’exceptionnel parce que, dans le temps, on faisait les travaux de routes qui donnaient accès aux cadres ».

Mais, quand le témoin 40 dit qu’il a commencé le 18, c’est faux et c’est faux. Le 18 avril, c’est faux. Il n’y avait pas d’activité à la SORWAL, en avril. Il n’y en avait pas. Je confirme ça. Il n’y avait pas d’activité à la SORWAL, au mois d’avril. C’est juste. Et je le répète, c’est juste.

Le Président : Bien. Une autre question ? Maître CUYKENS.

Me. CUYKENS : Oui, Monsieur le président. Le témoin nous a dit qu’il a une extraordinaire ancienneté dans l’entreprise de la SORWAL. Est-ce qu’il peut nous parler du prédécesseur de Monsieur HIGANIRO ? Est-ce que le prédécesseur de Monsieur HIGANIRO, au poste qu’occupait Monsieur HIGANIRO, était un proche du président ? Pour quelles raisons est-ce qu’il a quitté ce poste à la SORWAL ? Avoir un petit peu des renseignements à ce sujet-là.

le témoin 21 : Bon. Celui qui a, donc HIGANIRO, a remplacé NGIRIRA Mathieu, il était de Gisenyi. Il n’était pas proche du président le témoin 32. Et d’ailleurs, quand le multipartisme est venu, il est directement basculé vers le MD, il était virulent. Il n’était pas vraiment du côté du témoin 32. Il n’était pas proche du pouvoir du témoin 32. Alors, quand il est arrivé à la SORWAL…

Le Président : Est-ce que ce n’était pas un ancien ministre ?

le témoin 21 : C’était un ancien ministre. Quand il est, il est venu à la SORWAL il avait un principe de gestion qui se… donc, qui se rapproche à la TVA, donc nous, le gouvernement avait un principe de gestion sur donc, les impôts ICHA, donc les impôts sur le chiffre d’affaires. Bon, alors, lui, il payait le chiffre, donc l’impôt sur le chiffre d’affaires, après avoir vendu. Donc, alors que… alors que l’ICHA, il faut payer avant. Donc lui, c’était… c’était la TVA en quelque sorte. Donc, à certains moments, les contrôleurs des finances sont venus, ils ont remarqué certaines irrégularités concernant ce problème. Alors, ils ont dit : « NGIRIRA Mathieu, vous êtes mauvais gestionnaire, vous ne marchez pas sur les principes de la… donc, les principes de gestion donc du… du gouvernement ».

Alors, on a fait rapport au président du Conseil d’administration, le président du Conseil d’administration a fait le nécessaire, et NGIRIRA a été remercié et après, il a été remplacé par HIGANIRO Alphonse qui est venu, et aussi, qui a bien travaillé, qui a mis les procédures, les procédures de gestion et puis, la SORWAL est retournée sur les rails.

Le Président : Une autre question ?

Me. CUYKENS : Oui, Monsieur le président. Au sujet de la lettre du 23 mai, le témoin nous a dit qu’il a reçu la lettre du 23 mai, de Monsieur HIGANIRO, avec sa propre lettre annotée, qu’il lui avait envoyée. C’est donc, si je comprends bien, deux originaux, le sien qui était revenu, plus l’original de Monsieur HIGANIRO. Est-ce que ces deux documents ont été rangés au même endroit, dans les locaux de la SORWAL ?

le témoin 21 : Oui. L’original de HIGANIRO était avec mon document original.

Le Président : Oui ?

Me. CUYKENS : Alors euh…, est-ce que le… le témoin peut peut-être nous expliquer un petit peu pourquoi il adresse cette lettre rapport. Est-ce que c’est simplement pour donner des nouvelles comme ça, ou est-ce que c’est lié à une obligation régulière ? Quelle régularité ? Quelle nécessité ?

le témoin 21 : Oui, c’était une obligation. Donc, chaque mois, le directeur technique devait établir les paramètres de gestion, donc, les ventes, les stocks, les jours travaillés et tout ça, et faire rapport concernant la… le planning de production et concernant les approvisionnements, concernant la… la productivité, concernant la qualité. Ce rapport, je le transmettais au directeur général. Alors, le directeur général aussi synthétisait avec les données de l’administration des finances et les données du service commercial et puis, ce rapport était envoyé régulièrement, chaque fin du mois à notre assistant technique et de gestion, qui s’appelait Gérard BRETECHE, qui était un représentant de l’actionnaire Swedish Match. C’était convenu comme ça. Ils avaient une convention de gestion, d’assistance technique et de gestion. Et ce rapport devait chaque fois sortir à la fin du mois. Et puis, maintenant, le trimestre, le directeur général devait faire un rapport au Conseil d’administration et aux actionnaires. C’était une obligation, c’était un devoir. C’était une des fonctions du directeur technique de faire le rapport mensuel, régulièrement.

Me. CUYKENS : Alors, pour revenir sur euh… le problème du camion. Je pense qu’on pourrait peut-être demander au témoin, parce que je pense que c’est la question que tout le monde se pose : à quel endroit exactement ce camion a patiné, parce que le témoin nous a dit qu’il y avait une dizaine de centimètres de boue, et nous avons vu des diapositives de la SORWAL, et on a vu qu’il y a, en tout cas, toute une partie, la partie de déchargement qui est bétonnée. Et donc, on trouve effectivement, tous, je pense, un peu bizarre qu’un camion s’embourbe sur une partie bétonnée. Alors, est-ce qu’on peut savoir ce qu’il en est ?

le témoin 21 : Alors donc, le camion a foncé donc sur… dans… dans la boue qui est tout près d’une canalisation que je construisais, donc qui reliait les deux citernes. Alors, ces pneus donc, ont trempé là-dedans. Alors, le chauffeur n’a pas pu le… le retirer donc, le camion. Donc, c’est une partie qui est tout près de la canalisation, donc… donc, la canalisation qui relie deux citernes. C’est là où le camion s’est embourbé.

Me. CUYKENS : Est-ce qu’on peut demander au témoin où se trouve cette canalisation par rapport à l’aire de déchargement, parce que moi, j’ai du mal à me situer, là.

le témoin 21 : Bon, donc, il y avait une cour devant la SORWAL, n’est-ce pas ? Mais vers le haut, il y avait une partie, donc, une partie du béton qui… qui dépassait. Et puis, il y avait une canalisation qui venait, qui longeait toute l’usine. Alors, la boue qui venait du terrain donc est venue, il a… il est arrivé… donc, elle est arrivée tout près de cette canalisation, tout près de cette grande canalisation. Alors, mais quand j’ai dit au chauffeur de monter le camion, il a monté le camion, il devait monter le camion comme ça, et par inertie, le camion devait revenir, donc faire revenir par marche arrière et puis ranger le camion à l’endroit où le déchargement est plus facile. Donc, c’est en face, mais côté, si vous regardez l’usine vers la prison, si vous avez été là-bas, c’est à droite donc du terrain, c’est à droite de la cour de déchargement. Alors, maintenant, le camion, lui, il s’est embourbé là-bas puisque je voulais qu’il fasse un retournement et puis, par inertie, le camion revient et puis, il se pose sur la partie de déchargement idéale.

Me. CUYKENS : Je n’ai plus d’autre question.

Le Président : Maître MONVILLE.

Me. MONVILLE : Je vous remercie, Monsieur le président. Est-ce que le témoin pourrait nous rappeler pourquoi Monsieur HIGANIRO est devenu rapidement impopulaire à Butare, après sa prise de fonction à la    SORWAL ? Quelles mesures a-t-il prises qui l’ont rendu impopulaire ?

le témoin 21 : Donc, j’ai expliqué ça avant. Le problème de licenciements massifs qui est survenu en 1987, lors de la privatisation de la société. J’ai expliqué ça en 1990, quand le FPR attaquait, l’ancien directeur général a licencié certains Tutsi qui étaient dans la SORWAL. Et puis, quand il venu, le Conseil d’administration a remercié l’agent commercial et le directeur administratif et financier. Alors, dans cette mouvance, HIGANIRO n’était pas vraiment bien vu.

Et, lui aussi, quand il est entré, il a dit… bon, j’avais fait… j’avais une convention avec les femmes qui allaitaient, j’ai dit : « Au lieu de partir une heure, donc au lieu de vous présenter, de partir à 11h pour le bébé, on va faire la somme de ces heures, et puis, le samedi, vous ne travaillez pas ». Alors, HIGANIRO, quand il est venu, il a dit : « Si le samedi maintenant ces femmes ne travaillent pas, c’est le congé pour la maman et pas le congé pour le bébé ». Il a dit : « Dans la loi, il n’y en a pas, le code du travail, il est clair ». C’est ce qui était juste.

Et puis, quand HIGANIRO il est venu aussi, il y avait une petite fête qu’on faisait, qui rappelait la fondation de la SORWAL, HIGANIRO a jugé, n’a pas jugé que c’était nécessaire. Il a supprimé cette fête pour des raisons euh… il a dit : « Bon, nous voulons optimiser la production, nous voulons bien gérer, je ne vois pas l’opportunité de… de cette petite fête ». Alors ça, au niveau de la… de la SORWAL, ça l’a rendu impopulaire.

Mais, par contre, il a élaboré une politique sociale de logement du personnel qui était vraiment correcte, où tout le monde… il a fait bouger les comptes, où tout le monde pouvait recevoir quelque chose sur son salaire pour couvrir le logement. C’était une politique sociale qui était… qui était bonne.

Et puis, concernant le personnel, à la fin du… à la fin de l’année, le personnel pouvait accéder à 30% de son salaire pour faire son… ses… ses besoins, HIGANIRO a vu que ça, c’était de… que c’était pas avec 30% qu’on pouvait faire un projet vraiment de grande envergure et qu’il avait donc entraîné pas mal de… de pas mal de problèmes de recouvrement. Alors, il a supprimé ça.

Alors, ces trois faits ont fait que HIGANIRO n’a… a été mal vu par le personnel, mais sur le plan social, il avait élaboré une politique sociale qui permettait au personnel donc d’avoir des frais de logement pour… pour chacun.

Le Président : Une autre question ?

Me. MONVILLE : Oui, merci Monsieur le président. Est-ce que le témoin pourrait confirmer la déclaration qu’il a faite au verbalisant ? Je me permets de lire le passage : « Vous me demandez quelle était la proportion entre les Hutu et les Tutsi, au sein de la SORWAL. Plus de 90% était Hutu et le reste Tutsi. Cette situation était fort déséquilibrée. Je précise cependant que HIGANIRO a hérité de cette situation. En effet, il faut en revenir à l’ancien directeur général, NGIRIRA. Avec l’attaque du FPR en 1990, NGIRIRA a commencé à limoger des membres du personnel qui étaient d’ethnie Tutsi ou avaient certaines accointances avec le FPR ».

le témoin 21 : Oui, oui.

Le Président : Vous confirmez cette déclaration ?

le témoin 21 : Oui, oui, je confirme ça. Donc, c’est une situation qui… qu’il a trouvée là-bas.

Le Président : Il n’a pas fait un effort pour rétablir l’équilibre ?

le témoin 21 : Oui, il a fait un effort pour rétablir l’équilibre. Par exemple, bon, pour… il y a des postes qui ne bougeaient pas facilement. Mais, au niveau des manœuvres où ça bougeait facilement, quand l’occasion se présentait, il mettait des gens de l’autre ethnie. Notamment, pas assez de… ceux qui lui étaient recommandés par le préfet de Butare qui était son ami particulier, généralement, il les mettait là-dedans ou bien d’autres personnes donc, qui… qui envoyaient, donc qui lui demandaient des postes, il faisait un effort pour rétablir cet équilibre. Mais les autres postes ne bougeaient pas facilement, il ne pouvait rien faire.

Le Président : Oui, une autre question ?

Me. MONVILLE : Monsieur le président, je voudrais simplement que le témoin confirme, suite à une interpellation de Maître HIRSCH. Il ne disposait pas de téléphone dans sa propre maison à Butare ?

le témoin 21 : Non. Je n’avais pas de téléphone dans ma maison.

Me. MONVILLE : J’ai une autre question, si vous me le permettez, Monsieur le président. Je voudrais que le témoin puisse confirmer les propos que Monsieur le témoin 40 a dû lui tenir lorsqu’il est revenu de sa mission du 14 mai à Gisenyi, et je me permets de lire ce qui était acté par le verbalisant : « Comme le témoin 40 montait sur Gisenyi, je lui ai donné pour remettre à HIGANIRO, on sait que c’est pas la bonne date mais soit, je crois que, de cette façon, HIGANIRO est entré en possession de mon document. Dès son retour à Butare…

[Interruption d’enregistrement]

le témoin 21 : …a été envoyé.

Le Président : Le 20 ou le 21.

le témoin 21 : Le 20 ou le 21.

Le Président : Avec votre rapport ?

le témoin 21 : Avec mon rapport, qui est parti avec le camion.

Le Président : Tiens, c’était le même camion de… que celui qui avait eu des problèmes dans la cour ?

le témoin 21 : Oui, oui.

Le Président : Une autre question ?

Me. MONVILLE : Je n’en ai plus, Monsieur le président, merci.

Le Président : Plus de question ? Les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 21, est-ce bien des accusés ici présent dont vous avez voulu parler. Le sens de cette question est de savoir si vous confirmez vos déclarations, si vous persistez dans vos déclarations ?

le témoin 21 : Je confirme mes déclarations, Monsieur le président.

Le Président : La Cour vous remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps.

le témoin 21 : Merci, Monsieur le président.

Le Président : Bien, nous allons peut-être quand même commencer l’audition de Monsieur le témoin 40. On suspendra vers 13h, et on reprendra cet après-midi, vers 14h ? Donc, Monsieur le témoin 40 peut approcher.

Qui d’autres s’était encore présenté ce matin ?