assises rwanda 2001
recherche plan du site
Instruction d’audience A. Higaniro Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience A. Higaniro > Audition témoins > le témoin 114
1. le témoin 153 2. le témoin 121 3. le témoin 123 4. le témoin 113 5. le témoin 18 6. le témoin 103 7. le témoin 137 8. le témoin 13 9. le témoin 149 10. le témoin 139 11. le témoin 56 et lecture fax de G. Sebudandi 12. le témoin 96 13. le témoin 22 14. le témoin 31, commentaires avocat général, partie civile, défense, audition interview de I. Nkuyubwatsi 15. le témoin 21 16. le témoin 40 17. le témoin 28 18. le témoin 108 19. le témoin 112 20. le témoin 130 21. le témoin 26 22. le témoin 94 23. le témoin 114 24. le témoin 14 25. le témoin 68 26. le témoin 146 27. le témoin 35 28. le témoin 127 29. le témoin 109 30. le témoin 103
 

7.3.23. Auditions des témoins: le témoin 114

Le Président : Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

le témoin 114 : le témoin 114.

Le Président : Quel âge avez-vous, Monsieur ?

le témoin 114 : 46 ans

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 114 : Je suis gestionnaire économiste.

Le Président : Quelle est votre commune de résidence ?

le témoin 114 : Stavelot.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés, avant le mois d'avril 1994 ?

le témoin 114 : Je connaissais HIGANIRO Alphonse.

Le Président : Etes-vous de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles ?

le témoin 114 : Non.

Le Président : Etes-vous lié aux accusés ou aux parties civiles, par un contrat de travail ?

le témoin 114 : Non.

Le Président : Je vais vous demander, Monsieur, de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment de témoin.

le témoin 114 : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie. Asseyez-vous, Monsieur.

En ce qui vous concerne, j’ai bien trouvé une petite déclaration, mais qui concernait surtout quelqu’un d’autre, qui concernait surtout Monsieur KANYABASHI, qui n’est pas accusé, ici.

C’est la raison pour laquelle je vais quand même vous demander d’exposer dans quelles circonstances et à quelle époque vous avez fait connaissance de Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 114 : J’étais au gouvernement avec lui.

Le Président : Vous avez été ministre ?

le témoin 114 : Du commerce et de la consommation.

Le Président : A quelle époque ?

le témoin 114 : Du 9 juillet 90 jusqu’au 31 décembre 91.

Le Président : Alors, savez-vous pourquoi il n’a plus été ministre ? 

le témoin 114 : Pardon ?

Le Président : Savez-vous pourquoi il n’a plus été ministre, après décembre 91 ?

le témoin 114 : Euh… il y a eu des départs parce qu’il y a eu des changements dus au multipartisme et à la nouvelle répartition et donc, il y a d’autres ministres qui sont partis, avant ou après, dans ces circonstances-là.

Le Président : C’est ça. Avez-vous été informé éventuellement que Monsieur HIGANIRO n’était plus en bons termes avec les beaux-frères du président le témoin 32 ?

le témoin 114 : Non.

Le Président : Ayant été ministre, je suppose que vous connaissez Monsieur SAGATWA ? Qui était Monsieur SAGATWA, le colonel SAGATWA ?

le témoin 114 : Il était euh… secrétaire particulier du président.

Le Président : Pour avoir un contact officiel avec le président, fallait-il nécessairement passer par l’intermédiaire de ce secrétaire particulier ?

le témoin 114 : Absolument pas, parce que chaque ministre avait un téléphone, qu’il pouvait contacter le président, il avait les conseillers pour des dossiers techniques et on pouvait transmettre sans passer par SAGATWA. Il n’était pas nécessaire parce qu’il n’était pas nécessairement technicien, et il n’intervenait pas dans les dossiers techniques des ministères.

Le Président : En tant que ministre en tout cas, il ne fallait pas passer par Monsieur SAGATWA ?

le témoin 114 : Absolument pas.

Le Président : Une autre personne qu’un ministre devait passer par SAGATWA ?

le témoin 114 : Je ne sais pas, je ne l’ai pas… je n’ai pas eu à le faire.

Le Président : Savez-vous quelles étaient éventuellement les relations entre Monsieur HIGANIRO et la… la famille de l’épouse du président ? S’il y avait, entre eux, des relations tendues ?

le témoin 114 : Non, je ne sais pas. Je sais que son beau-père était médecin du président, mais je ne connais pas les… les relations entre les… les… les familles.

Le Président : Avez-vous eu, outre, je dirais, vos relations de collègue ministre, avez-vous des relations d’amitié ou des relations d’ordre privé avec Monsieur HIGANIRO, vous rendant éventuellement visite dans… dans les familles des uns et des autres ?

le témoin 114 : Non. Je l’ai connu quand il est devenu ministre et on a collaboré. Et je le connais comme directeur de la SORWAL, parce que je suis de Butare également.

Le Président : Pensez-vous que sa nomination comme directeur de la SORWAL était une récompense ?

le témoin 114 : Non, je pense que chaque fois qu’il y avait un ministre qui partait, il y avait toute une répartition géographique des entreprises privées ou de… des parastataux, et ça ne pouvait pas être considéré comme une récompense quelconque. Ce n’était pas chez lui, il avait, euh… il avait eu des postes plus importants que cela et… Non, on ne peut pas considérer qu’être à la tête de la SORWAL dans Butare, dans une situation de guerre, soit une récompense pour un ministre qui part.

Le Président : C’est tout juste une voie de garage ?

le témoin 114 : Non, pas nécessairement. C’est un travail qu’on peut faire, c’est pas partir du gouvernement, c’est pas une voie de garage, c’est pas… c’est pas un héritage, être ministre.

Le Président : L’ayant côtoyé comme ministre, est-ce que c’était quelqu’un qui prenait des positions politiques très affirmées comme ministre ?

le témoin 114 : Euh… au gouvernement, à ce moment-là, le souci pendant la guerre, c’était d’assurer l’approvisionnement du pays. Il a pris des positions pour assurer cet approvisionnement, en tant que ministre de la communication et des transports, parce qu’au niveau du pays, l’approvisionnement venait par Nairobi, donc, le Kenya, passait par l’Ouganda et le Nord qui était occupé par l’armée du FPR et donc, c’était toujours difficile de, d’assurer l’approvisionnement dans un pays enclavé et donc, son souci était et le souci du gouvernement à ce moment-là, surtout sa contribution, c’était de maintenir l’approvisionnement, de maintenir les communications, de maintenir les transports,etc. au niveau aussi téléphone et autres communications. Certaines compagnies aériennes avaient également eu des problèmes, certaines avaient même refusé d’approvisionner le pays, de continuer à assurer les vols donc, le souci aussi d’assurer, au niveau technique, l’approvisionnement du pays. Donc, sur tous les débats au niveau du gouvernement, c’était dans ce sens-là qu’on allait.

Le Président : Vous le décririez comme ministre, plus comme un politique ou plus comme un technicien ?

le témoin 114 : C’était plus technique à ce moment-là, donc, c’étaient plus des problèmes techniques. On n’a pas… dans… on abordait les problèmes de guerre dans le… au gouvernement, mais les contributions, le souci c’était plus continuer à assurer l’approvisionnement du pays et le fonctionnement du pays, non pas jeter la psychose, non pas créer un état, disons, on n’a jamais créé, disons, un état de guerre permanent au niveau du pays, mais de continuer à faire fonctionner les services de l’état et les services économiques.

Le Président : L’avez-vous déjà entendu prendre des positions extrémistes ?

le témoin 114 : Non, je n’ai jamais entendu.

Le Président : Pensez-vous qu’il ait pu jouer un rôle politique à Butare, là où il était devenu directeur de la SORWAL ?

le témoin 114 : Absolument pas, parce qu’il n’a… il n’a jamais vécu à Butare, à ma connaissance. Moi j’ai… j’ai donc, quand vous avez cité KANYABASHI, j’ai… j’ai commencé à… mon premier travail au sortir de l’école à Butare, j’ai étudié là-bas et pratiquement, j’ai vécu là-bas et HIGANIRO n’a jamais été dans les communes, ni dans les réunions des partis, ni ailleurs, on ne l’a jamais vu. Moi personnellement, je ne l’ai jamais vu dans des communes, donc, il ne pouvait jouer aucun rôle au niveau des communes que ce soit à Butare ville et que ce soit à Butare les communes rurales environnantes.

Le Président : Euh… vous ne l’avez jamais vu participer à des meetings publics de partis politiques ?

le témoin 114 : Formellement non, il n’a jamais participé.

Le Président : Vous-même, participiez-vous à des meetings ?

le témoin 114 : J’ai participé à plusieurs meetings.

Le Président : Bien, y a-t-il des questions à poser au témoin ? Maître EVRARD.

Me. EVRARD : Merci, Monsieur le président. Il a été évoqué lors de son ministère, en tout cas, lors de… lorsqu’il était secrétaire général au ministère, le fait qu’il ait pu ou qu’il ait eu une action pour suspendre des fonctionnaires qui étaient d’une appartenance ethnique. Est-ce que le témoin peut-il nous parler de cette question, et nous dire ce qu’il en sait ?

Le Président : Savez-vous si, dans son action de ministre ou éventuellement de haut fonctionnaire avant d’être ministre, Monsieur HIGANIRO a pu avoir une action tendant à suspendre des fonctionnaires, soyons clairs, Tutsi ?

le témoin 114 : Non. Je ne le connaissais pas avant. Les fonctionnaires qui ont été suspendus, c’est autour du 1er, 2, 3 octobre 90, quand il y a eu des arrestations massives à Kigali. HIGANIRO n’était pas encore ministre et quand il est arrivé, il n’y a pas eu, à ma connaissance, de suspensions. Il faut dire que la suspension d’une personne qui est nommée par un arrêté, la plupart des personnes au ministère sont nommées par un arrêté, il faut, un arrêté et il faut une faute grave, il n’y a pas eu de suspensions, à ma connaissance, au ministère.

Le Président : D’autres questions ?

Me. EVRARD : Merci, Monsieur le président. Le témoin, à sa connaissance, peut-il nous parler des relations de fidélité et des relations particulières qu’il y avait entre le président le témoin 32 et Monsieur HIGANIRO ?

Le Président : Avez-vous connaissance des particularités qu’il pourrait y avoir dans les relations entre le président le témoin 32 et Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 114 : Non, je n’ai pas connaissance de cela, j’ai pas… je ne… je ne l’ai jamais rencontré chez lui, je suis allé quelques fois chez le président dans le cadre du travail, je n’ai jamais rencontré HIGANIRO chez lui. Donc, je ne peux pas répondre à cette question, je ne sais pas.

Le Président : Une autre question ?

Me. EVRARD : Dernière question, Monsieur le président. Si mes informations sont exactes, Monsieur le témoin 114 François était ministre en même temps que Monsieur HIGANIRO, dans le dernier gouvernement du parti unique MRND. Et selon mes informations, ce dernier gouvernement a fait voter la loi sur le multipartisme. Ma question est : Monsieur HIGANIRO était-il opposé au multipartisme ?

le témoin 114 : Non, les… les… la nomination, la création du multipartisme a été créée suite à un processus de réflexion qui était initié au niveau du pays. Il y avait une commission qu’on appelait commission de synthèse et le président avait… donc, s’était déclaré favorable, donc, on ne pouvait faire marche arrière. Cette commission de synthèse est aboutie à la mise en place d’une loi instaurant le multipartisme et personne ne pouvait dire qu’il était contre, parce que c’était une loi qui était votée suite à tout un processus, tout un débat. A ma connaissance, HIGANIRO n’était pas membre du… des instances dirigeantes du parti et donc, le parti même avait assumé ce multipartisme et donc, il n’y avait pas lieu de dire on n’était pas, le… contre, parce que c’était une loi qui était votée.

Il est clair qu’il y a eu des critiques de plusieurs personnes, de plusieurs personnes au Rwanda, parce qu’au moment où on avait la guerre qui a commencé le 1er octobre, il y a eu quand même des décisions qui ont miné la cohérence à l’intérieur et qui ont été critiquées de partout. Il y a eu d’abord la dévaluation en octobre, en novembre, le 9 novembre 90 et il y a eu la création du multipartisme donc, qui a généré toute une série de manipulations, que ce soit au sein du parti politique existant ou des nouveaux partis. Donc, les critiques existaient un peu partout, il y a eu des écrits, il y a eu des, des gens qui sont morts pour ça, mais j’ai pas entendu HIGANIRO, je n’ai vu aucun écrit de, de sa part mais il y a eu des critiques dans le pays, qu’on peut trouver ailleurs. Donc, c’est pas… c’était pas… c’était courant d’émettre des critiques à ce niveau-là.

Le Président : Une autre question ?

Me. EVRARD : Monsieur le président, on annonce les dernières questions et il y en a toujours une qui vient…

Le Président : Ah, oui, ça…

Me. EVRARD : Le témoin nous a dit être de Butare. Et il a parlé de la SORWAL, si je l’ai bien compris, étant soit une entreprise privée, soit un parastatal. Je voudrais qu’il précise ce point, première chose.

Deuxième chose : a-t-il eu des contacts suffisants avec Butare que pour avoir, à sa connaissance, une opinion sur l’attitude de monsieur HIGANIRO à Butare, notamment participation à des meetings ou d’autres choses, vous l’avez posée mais, je pense, pour Kigali, et la façon également dont il était perçu dans la ville de Butare.

Le Président : Bien. Non seulement les questions arrivent mais le sablier s’écoule, hein, ça, je vous le signale aussi.

Bien. Euh… la SORWAL : société parastatale, société privée ?

le témoin 114 : Les… si j’ai bonne mémoire, l’état avait des parts dedans et donc, c’est à ce titre qu’il pouvait nommer quelqu’un dans la société.

Le Président : Monsieur HIGANIRO, à Butare, lorsqu’il est directeur général de la SORWAL, vous-même êtes à quel endroit à cette époque-là, depuis 92 ?

le témoin 114 : Je travaille à Kigali, mais je rentrais chaque week-end étant donné que ma famille et ma belle-famille habitaient à Butare, je rentrais chaque, pratiquement chaque week-end. Et j’avais mes parents donc, euh… étant donné aussi mes activités après avoir quitté le gouvernement, mes activités dans le monde associatif, je… je voyageais beaucoup dans la… dans la région et donc, je suis très bien au courant de ce qui se passait. Pendant cette période, j’étais informé de ce qui se passait dans ma commune et dans les communes environnantes.

Le Président : Donc, vous ne voyiez pas, à cette époque-là, Monsieur HIGANIRO participer à des réunions publiques de partis politiques.

le témoin 114 : Non, il n’a jamais pris la parole, participé ou même, non, en tout cas pas, non, à ma connaissance, non.

Le Président : Savez-vous si, dans la population de Butare, son arrivée a été bien ou mal perçue ?

le témoin 114 : Je peux dire : « On l’ignorait », parce que bon… on avait des… c’est pas une ville, c’est une petite ville mais c’est une ville où on était habitué. Il y avait l’université, il y avait des… il y avait d’autres usines, il y avait des instituts supérieurs, il y avait des professeurs, donc, c’était pas, c’était pas, c’était pas un événement que quelqu’un puisse être nommé là-bas. D’autant plus aussi qu’on avait dans cet équilibre aussi dont on parlait, on avait aussi des gens de Butare qui travaillaient dans d’autres entreprises parastatales ailleurs, et donc, ce n’était pas nécessairement que ce soit un poste qui soit dévolu par quelqu’un d’autre. Et donc, ça semblait normal.

Le Président : Bien. Autre question ? Plus de question ? Les parties sont d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur, avant que vous ne vous retiriez, je dois vous demander si vous confirmez les déclarations que vous avez faites, si vous persistez dans vos déclarations ?

le témoin 114 : Oui, je persiste.

Le Président : La Cour vous remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps.

le témoin 114 : Merci.

Le Président : Mesdames et Messieurs les jurés, vous êtes d’accord pour que l’on aille peut-être un tout petit peu au-delà de 17h30 puisqu’il n’y a plus qu’un témoin à entendre ? Mais je vous signale qu’il va y avoir un flot de questions pour ce témoin.

Donc, Monsieur le témoin 14 peut approcher.