assises rwanda 2001
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Instruction d’audience A. Higaniro Audition témoins compte rendu intégral du procès
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7.3.8. Témoin de contexte: le témoin 13

Le Président : Le témoin suivant, le témoin 13. Je crois qu'on retombe avec lui, dans le volet de Monsieur NTEZIMANA puisqu’en raison des bouleversements dans l'horaire, on a pas su tenir la logique à laquelle on voulait s'appliquer. Donc, vous reprenez le chapitre NTEZIMANA. Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

le témoin 13 : Mon nom, c'est le témoin 13, prénom Lambert.

Le Président : Je vais vous demander de parler bien dans le micro pour qu'on vous entende bien.

le témoin 13 : le témoin 13.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

le témoin 13 : 33 ans.

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 13 : Commerçant.

Le Président : Quelle est votre commune de résidence ?

le témoin 13 : Ngoma.

Le Président : Au Rwanda ?

le témoin 13 : Ouais.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés avant le mois d'avril 1994, Monsieur NTEZIMANA, Monsieur HIGANIRO, Madame MUKANGANGO, Madame MUKABUTERA ? Connaissiez-vous les quatre ou certains d'entres eux ?

le témoin 13 : Je connais deux.

Le Président : Oui ?

le témoin 13 : NTEZIMANA et Monsieur HIGANIRO.

Le Président : Etes-vous de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles ?

le témoin 13 : Non, du tout pas.

Le Président : Vous n'êtes pas sous un lien de contrat de travail ni avec les accusés, ni avec les parties civiles ?

le témoin 13 : Non.

Le Président : Je vais vous demander, Monsieur le témoin 13, de bien vouloir lever la main droite et de prononcer le serment de témoin.

le témoin 13 : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Asseyez-vous, Monsieur le témoin 13. Euh… Monsieur le témoin 13, en 1994, en avril 1994, vous résidiez à Butare ?

le témoin 13 : Oui, je résidais à Butare…

Le Président : Cependant, au moment où les évènements d'avril 1994 ont éclaté, c'est-à-dire le 6 avril 1994, lorsque l'avion présidentiel a été abattu, vous vous trouviez à Gisenyi ?

le témoin 13 : Ouais.

Le Président : Endroit où vous étiez resté, semble-t-il, jusqu'au 9 avril ?

le témoin 13 : Ouais.

Le Président : Je suppose, pour vos activités professionnelles ou peut-être pour aller en vacances, je ne sais pas ?

le témoin 13 : C'était pour les activités professionnelles.

Le Président : Vous avez expliqué, lorsque vous avez été entendu lors d'une commission rogatoire, que pendant les trois jours où vous êtes resté là, le 6-7-8-9 avril, vous avez constaté qu'il y avait eu beaucoup de massacres à Gisenyi ?

le témoin 13 : Beaucoup ! Même beaucoup.

Le Président : Vous avez même dit avoir été témoin du meurtre d'une femme dans l'hôtel même où vous étiez descendu, à l'hôtel Méridien ?

le témoin 13 : Ouais, tout à fait.

Le Président : Ces massacres étaient l'œuvre de qui, des militaires, des interahamwe, de… la population civile s'étant soulevée brusquement ?

le témoin 13 : C’étaient les militaires.

Le Président : Les militaires ? Ces militaires avaient-ils des bérets rouges ?

le témoin 13 : Oh ! Ils étaient entre les militaires et les bérets noirs.

Le Président : Bérets noirs ? Vous avez quitté Gisenyi le 9 avril pour revenir dans votre ville de…

le témoin 13 : Butare…

Le Président : …de résidence, c'est à dire à Butare, et vous avez expliqué que pour faire la jonction entre Gisenyi, cela vous avait pris une semaine ?

le témoin 13 : Oui, en fait j'ai quitté Gisenyi en date du           9, j'étais avec l'ex-ministre de la défense du gouvernement du témoin 32. En fait, il passait à Gisenyi pour protéger Monsieur Augustin IYAMUREMYE qui est gendre de Monsieur SINDIKUBWABO. Alors, en même temps, j'avais caché dans ma chambre à l'hôtel Méridien, deux étudiants de l'école… de l'institut Saint-Fidèle. Un moment, ils sont venus pour récupérer ce monsieur, j'ai profité du lift, on est descendu ensemble. On est passé de la colline de l'ex-président… il y a deux routes, des routes asphaltées qui quittent directement Gisenyi vers Kigali, et il y a une autre route qui passe par Gitarama, alors on a emprunté ce chemin jusqu'à Gitarama et ils m'ont laissé à Gitarama. J'ai fait trois jours à Gitarama parce qu'il n'y avait pas de moyen de locomotion… j'avais pas. Trois jours après, je suis rentré jusqu'à Butare, j'ai donné de l'argent pour pouvoir passer, et à Butare c'était toujours calme, il n'y avait pas beaucoup de problèmes.

Le Président : Butare semble être resté calme… en tout cas jusqu'au… Butare même, hein Butare jusqu'au…

le témoin 13 : Jusqu'au 21.

Le Président : Mais le 19 avril, il y a eu quelque chose d'un peu particulier à Butare, c'était le discours de la présidence de SINDIKUBWABO là, si j'ai bien prononcé ?

le témoin 13 : Il y a le discours du président à cette époque-là. Il l'a prononcé au palais de MRND. Alors, c'est lui qui a incité la population, et là, c'était le départ.

Le Président : Vous avez expliqué aussi que le 20 ou le 21 avril, le vice-recteur de l'université, Jean-Berckmans NSHIMYUMUREMYI, c'est juste ça… ? avait fait une réunion avec les étudiants à l'université et vous étiez allé à cette réunion ?

le témoin 13 : Oui, j'étais là.

Le Président : Vous avez expliqué qu'au cours de cette réunion, le vice-recteur avait d'abord dit qu'il ne fallait pas avoir peur, qu’on allait battre les Inkotanyi. Il aurait dit que les 600 Inkotanyi qui étaient à Kigali étaient déjà achevés…

le témoin 13 : Ouais.

Le Président : Ce discours semblait un petit peu tranquilliser la foule mais, dans le même discours, il disait qu'il fallait prendre des précautions à Butare, entre vous, que lorsque vous entendriez des coups de fusil à gauche ou à droite, c’étaient des militaires qui se battaient avec les Inkotanyi qui étaient déjà infiltrés à Butare et vous avez expliqué qu'en réalité ces coups de feu, c’étaient des Tutsi qui étaient en train de se faire massacrer.

le témoin 13 : C'étaient les massacres qui avaient déjà commencé parce qu'en fait, il a prononcé son discours pour tranquilliser… pour donner signe qu'il veut tranquilliser les gens. En fait, c'était le moyen de ne pas donner chance aux gens pour fuir vers Bujumbura.

Le Président : Et ça, c'était pour que les gens restent sur place ?

le témoin 13 : Voilà, tout à fait.

Le Président : Vous avez expliqué que c'est ce même jour-là, que votre père et vos deux sœurs avaient été tués ?

le témoin 13 : La nuit du 21.

Le Président : Est-ce que votre père et vos deux sœurs, d'abord est-ce qu'ils étaient de l'ethnie Tutsi ?

le témoin 13 : Vous dites ?

Le Président : Vous-même, votre père et vos deux sœurs, vous étiez de l'ethnie Tutsi ?

le témoin 13 : Ouais, tout à fait.

Le Président : Est-ce qu'éventuellement, votre père et vos deux sœurs avaient par exemple une activité politique, en plus d'être Tutsi, qui aurait justifié qu'elles se fassent ou qu'il se fasse abattre ?

le témoin 13 : Non, aucune activité politique.

Le Président : Vous avez été étudiant à l'université de Butare ?

le témoin 13 : Ouais.

Le Président : Vous avez eu cours avec Monsieur NTEZIMANA, ou bien lui était professeur pendant que vous étiez étudiant ?

le témoin 13 : Ouais. Il donnait des cours dans la faculté de sciences. Moi, je faisais les sciences appliquées.

Le Président : Vous avez expliqué, à propos de Monsieur NTEZIMANA, que c'était un extrémiste Hutu.

le témoin 13 : Bon, je connais des exemples. Il y a une maison incorporée de l'université euh… pour l'université nationale du Rwanda. C'est un endroit pour les professeurs et les agents de l'université.

Le Président : Les guesthouses ?

le témoin 13 : Guesthouses. Moi, je connais ce monsieur, c'était par son langage, son langage. C'était au mois de… c'était en 93, j'étais dans la même maison parce que le gérant, c'est un oncle à moi, il s'appelle Athanase…

Le Président : Le gérant du guesthouse ?

le témoin 13 : Ouais.

Le Président : Athanase BAROUTCHE ?

le témoin 13 : C'est un oncle à moi, il est toujours en vie et ce jour, sous mes yeux, il est venu. Il était avec NIZEYIMANA, un célèbre intellectuel de Butare. Là, j'étais avec le gérant, il y avait deux messieurs, un qui s'appelle KARASIRA, il est toujours vivant, et l'autre qui s'appelle Xavier, il travaille dans un atelier de menuiserie à Karubanda. Le capitaine avait un cafard, la bête là…

Le Président : Oui, l'insecte, oui.

le témoin 13 : Oui l'insecte. Il a dit, ces messieurs, ils étaient à côté, il a dit : « Rejoignez… dans le verger il y a des plantations de bambous », et au moment où le FPR a attaqué le Rwanda à partir du Nord, ils étaient dans la zone des volcans. Il y a beaucoup de bambous. Alors, ce monsieur, il a dit : « Rejoignez les bambous parce qu'ici c'est pas votre place quoi ! ». On n’a pas voulu insister parce que c'était… il était avec le militaire et ce monsieur KARASIRA, il a dit : « On a payé, on ne veut pas sortir ». Et le capitaine, il a sorti son pistolet et on a quitté.

Le Président : Ce capitaine s'appelait ?

le témoin 13 : NIZEYIMANA

Le Président : NIZEYIMANA ?

le témoin 13 : Ouais. Et puis, il y a un autre cas que je connais, un étudiant de la faculté de sciences, je pense, il ne voulait pas s’affilier, mais il a été échoué par ce monsieur, directement il est parti dans l'armée du FPR parce que c'était… c'était vraiment difficile pour ces cours de ce monsieur. C'est un cas très connu.

Le Président : Oui, vous… vous expliquez qu'en fait, les notes qu'il donnait aux étudiants étaient fonction, non pas de leurs connaissances de la matière, mais étaient fonction de leur appartenance à l'ethnie Hutu ou Tutsi ?

le témoin 13 : Voilà.

Le Président : Peut être que les Hutu sont plus malins, hein ?

le témoin 13 : Ça, il faut l'avouer.

Le Président : Ou qu'ils étudiaient mieux.

le témoin 13 : Faut l'avouer.

Le Président : Est-ce que vous, avec les professeurs que vous avez eus, vous avez eu de bons résultats ?

le témoin 13 : Oui, j'avais de bons résultats, mais parfois aussi c'était aussi le même cas avec un certain KATABARWA qui fut mon doyen de la faculté. C'était très difficile de réussir ces cours, alors que c'étaient les moins faciles qui existent… non les plus faciles alors.

Le Président : Vous avez expliqué aussi qu'à un moment donné, je crois que c'est Athanase MBARUBUKEYE, votre oncle… c'est votre oncle, c'est ça ?

le témoin 13 : Oui, c'est mon oncle.

Le Président : Qui gérait le guesthouse, donc, l'endroit où les professeurs pouvaient prendre un verre, était caché dans le plafond du guesthouse. Vous pouvez expliquer pourquoi il s'était caché là-bas ?

le témoin 13 : Parce qu'il est Tutsi, sinon il allait être tué.

Le Président : Est-ce qu’à cette occasion-là, votre oncle Athanase n'a pas vu ou… vu quelque chose qui se passait au guesthouse ? Ou c'est peut-être à une autre occasion, je ne sais pas !

le témoin 13 : Le mort était au plafond.

Le Président : Je sais pas… d'après votre déclaration, il semble qu’à ce moment-là, il aurait constaté que NTEZIMANA avait une liste et qu'il indiquait sur cette liste, les personnes qui n'étaient pas encore mortes, en disant qu'il fallait chercher après ces personnes ?

le témoin 13 : Justement au moment où ce monsieur était au plafond, il y a un garçon, le serveur qui… lui, il pouvait circuler parce qu'il était Hutu ; d'ailleurs, c'est lui qui lui donnait à manger le soir. Et chaque soirée, il donnait le compte-rendu de tout ce qui est… ils avaient parlé au guest dont les professeurs, ce monsieur, l'autre qui travaille à la bibliothèque, NDAYISABA, car c'était beaucoup… ils étaient nombreux.

Le Président : On ne comprend pas ce que vous dites ! Je vais vous demander de parler bien correctement, bien articuler pour qu'on comprenne bien ce que vous dites.

le témoin 13 : Je dis : « Ce Monsieur Athanase, normal, il était au plafond ».

Le Président : Oui…

le témoin 13 : Il était approvisionné par le serveur du cabaret…

Le Président : Oui…

le témoin 13 : Qui était Hutu.

Le Président : Oui…

le témoin 13 : A un certain moment, Athanase m'a dit : « Le stock a été vidé… »

Le Président : Le stock a été vidé…

le témoin 13 : …de bières et c'est là où ils ont cessé de tenir les réunions au même endroit. Donc, le moment, le soir, le moment où il amenait de la nourriture à manger à Athanase, il donnait le compte-rendu de tout ce que ces messieurs avaient parlé…

Le Président : Oui…

le témoin 13 : Quand ils disaient : « Monsieur X n'est pas mort, Monsieur Y est fini, on a vu son corps comme ça », ce serveur expliquait à Athanase tout ce qui s'était passé.

Le Président : Hum hum. Donc, ce serveur aurait expliqué à Athanase que Monsieur NTEZIMANA avait une liste et qu’on mettait sur la liste ceux qui étaient déjà morts, ceux qui n’étaient pas encore morts, euh… et que ceux qui n’étaient pas encore morts, il fallait les trouver.

le témoin 13 : Les trouver.

Le Président : Avez-vous constaté, éventuellement, lorsque vous étiez à Butare, que Monsieur Vincent NTEZIMANA était souvent en compagnie de certaines personnes ? Je parle pas des professeurs d'université, mais lorsqu'il se déplaçait, est-ce qu'il était accompagné ?

le témoin 13 : Il était chaque fois avec le capitaine NIZEYIMANA, dans une petite Jeep verte.

Le Président : Est-ce que vous connaîtriez un certain Innocent NkuyubWATSI ?

le témoin 13 : Non, je ne connais pas ce monsieur.

Le Président : Vous connaissez Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 13 : De passage oui.

Le Président : Vous saviez qu'il était directeur à la Sorwal ?

le témoin 13 : Oui, je voyais sa bagnole passer à Butare, mais j'ai pas eu d'autre occasion du voir. Je connaissais seulement le nom, qu'il était directeur de la Sorwal, je le voyais de temps en temps, même sa femme, en passant.

Le Président : Bien. Y-a-t-il des questions à poser au témoin ? Monsieur l'avocat général ?

L'Avocat Général : Est-ce que le témoin peut confirmer sa déclaration lorsqu'il dit qu'il a appris par Monsieur Athanase ou par MBARUBUKEYE que Monsieur NTEZIMANA je cite : « Etait le chef des barrières dans le quartier de Buye avec le Docteur Bruno ». C'est dans votre déclaration du 19 juin.

Le Président : 19… ?

L'Avocat Général : 1995.

le témoin 13 : En fait, bon, après guerre, dans le quartier Taba, il y avait beaucoup de barrières donc, chaque cinq mètres ou chaque carrefour, il y avait une barrière et chaque barrière avait un responsable. Il y en a une qui se trouve en face de l'église ICA. Ce monsieur m'a dit : « C'était nIZEYIMANA le responsable et Bruno », c'était pour justifier ce que c'était en face du portail du docteur Bruno.

Le Président : Une autre question ? Maître HIRSCH ?

Me. HIRSCH : Merci Monsieur le président. Est-ce que son… l'oncle du témoin lui-a-t-il fait part de la présence au guesthouse, outre de Monsieur NTEZIMANA du témoin 21 qui travaillait à la Sorwal ?

Le Président : Est-ce que votre oncle a parlé de la présence de ce monsieur le témoin 21 au guesthouse ?

le témoin 13 : Pendant la guerre ou même avant ?

Le Président : Pendant la guerre, par exemple ?

le témoin 13 : Non, il ne m'a pas parlé de lui.

Le Président : Avant la guerre ?

le témoin 13 : Non, avant la guerre même, moi, je me retrouvais là-bas et on se connaissait bien avec Martin.

Le Président : Vous connaissiez Martin ?

le témoin 13 : Oui, on se connaît bien. Il m'a donné cours par école secondaire alors, et puis, c'était un voisin à moi, il me prêtait des livres et bon… on se connaît bien.

Le Président : Et Martin, c'est un extrémiste ?

le témoin 13 : D'après… bon d'après ce que… avant-guerre, je reconnais, c'était… il ne montrait pas cette qualité d'être extrémiste, mais pendant la guerre on sait pas qu'est-ce qu'il a fait parce que j'étais déjà parti.

Le Président : Vous avez quitté Butare à quel moment ?

le témoin 13 : Ben… après le 21.

Le Président : Après le 21 avril donc, assez vite après le 21 avril ?

le témoin 13 : C'est le jour où le génocide a commencé à Butare.

Le Président : Vous avez quitté Butare dès le 21 avril ?

le témoin 13 : Non, pas le même… j'ai quitté le 21 ou le 22, mais comme je partais à pied et il fallait passer par la brousse, alors, j'ai fait deux jours de voyage.

Le Président : Bien. Autre question ? Maître GILLET ?

Me. GILLET : Oui, le témoin dit dans son audition que Monsieur NTEZIMANA avait la réputation d'être un adhérent de la CDR. Mais je voudrais savoir comment Monsieur NTEZIMANA pouvait avoir cette réputation ? Qu'est ce qui faisait qu'il avait cette réputation ?

le témoin 13 : Tout de même tout le monde sait bien que « Les dix commandements des Hutu », on écoutait qu’il fait partie de l'équipe qui les a élaborés.

Le Président : Qui disait ça ? Et où, disait-on ça ?

le témoin 13 : Le moment… avant guerre quoi !

Le Président : Avant guerre ? A Butare ?

le témoin 13 : Parce que ça sortait des « Dix commandements », on sortait dans le journal…

Le Président : Kangura.

le témoin 13 : Kangura, intitulé Kangura. C'était le journal célèbre pour son extrémisme et là, tout le monde, même on était intéressé. C'était pas à cause du contenu mais à cause de… de tout ce qu'il disait. Et là, parce qu'on en faisait des analyses, on discutait entre nous, et on a écouté que ce monsieur NTEZIMANA fait partie de l'équipe qui a élaboré « Les dix commandements ».

Le Président : Donc, ça se disait à Butare, ça ?

le témoin 13 : Oui.

Le Président : A l'époque où ça a été publié dans Kangura ?

le témoin 13 : Ouais.

Le Président : Et qu'est-ce qui vous faisait dire ou penser que c'était lui qui avait… enfin que lui faisait partie de cette équipe ?

le témoin 13 : Il était connu. Il était connu.

Le Président : Une autre question ? Maître GILLET ?

Me. GILLET : Oui, si vous me permettez, Monsieur le président, je souhaiterais quand même aller un tout petit peu plus loin dans cette question-là. Euh… comment poser la question euh… qui disait… qui concrètement, ou y a-t-il des noms de personnes qui ont véhiculé cette information selon laquelle Monsieur NTEZIMANA aurait fait partie de l'équipe de rédaction des « Dix commandements » ? Je suppose que le témoin doit pouvoir être plus précis, tout de même.

le témoin 13 : De toutes les façons…

Le Président : Dans ceux qui disaient : « Monsieur NTEZIMANA se trouve dans l'équipe qui a… qui a qui se trouve à l'origine là où a… qui a rédigé ces dix commandements », qui vous a dit ça ?

le témoin 13 : De toutes les façons à cette époque, c'était vraiment très fort. On voyait que c'était… c'était remarquable qu’il y a quelque chose qui… qu'on est en train de préparer.

Le Président : Oui, mais enfin, ça… Avec qui avez-vous discuté, qui vous aurait dit euh… « Monsieur NTEZIMANA et bien, il fait partie du groupe qui a rédigé ça » ?

le témoin 13 : Le moment… vers la fin de l'année 93, début de l'année 94, c'était au Rwanda, surtout à Butare, c'était très chaud. Il y avait beaucoup de journaux qui sortaient, il y avait beaucoup de lumière, il y avait beaucoup de signes qui montraient qu’il y a quelque chose qu'on est en train de préparer. Alors, nous on n'a pas pris de précaution à temps, mais entre nous, quand même il y avait des groupes. S'il y avait un groupe qui préparait le génocide, il y avait un autre qui dit : « Ca nous regarde, il faut en parler, il faut voir qu'est-ce qu'il se passe ». C'est dommage, la plupart sont morts, on peut pas demander comment… on peut pas faire marche arrière quoi ! Excusez, mais c'est pas une affirmation gratuite.

Le Président : Bien, je constate que nous n'avons pas de nom. Maître GILLET ?

Me. GILLET : Oui, le témoin dit dans son audition qu’ils auraient été donc, notamment Monsieur Vincent NTEZIMANA, également responsables de massacres commis à l'université, et je souhaiterais, là aussi, savoir comment il peut associer concrètement Monsieur NTEZIMANA à ces massacres ? Quel est le type d'information qu'il a reçue, et se souvient-il d'étudiants en particulier qui auraient été victimes de Monsieur NTEZIMANA, de cette manière, et à ce moment-là ?

le témoin 13 : En fait, ces massacres étaient organisés depuis longtemps. Le moment même où j'étais étudiant, il y avait une soirée où on me disait : « Des étudiants internes Tutsi doivent rentrer à l'extérieur ce soir, parce qu’il y a une organisation où on achetait des machettes, ce soir, ça va se passer quelque chose ». Alors, il y avait des réunions, il y avait beaucoup d'étudiants qui étaient partisans de la CDR, de MRND du MDR Power, qui collaboraient étroitement avec les professeurs.

Le Président : Et qui réussissaient bien leurs examens peut-être ?

le témoin 13 : Oh, bien sûr !

Le Président : Oui…

le témoin 13 : Parfois, je peux citer…

Le Président : Qu'est-ce qui permet de mettre le nom de Monsieur Vincent NTEZIMANA en relation avec ça ? Les informations précises ?

le témoin 13 : On connaissait les professeurs extrémistes de l'université. Il y avait le vice-recteur, Jean-Berkmans NSHIMYUMUREMYI, il y avait le doyen de la faculté des sciences appliquées KATABARWA Jean-Baptiste, il est au Canada. Il y avait le secrétaire de la faculté des sciences appliquées, Jean Népomuscène. Il y a Monsieur NTEZIMANA qui était leur professeur de physique ? je crois, euh… il y avait Monsieur RUTAYISIRE, il était le secrétaire exécutif, il y avait Monsieur DENIS qui était chef du personnel, j'en passe. C'était une longue liste.

Le Président : Oui ? si je comprends votre réponse, il y a une équation extrémiste = organisateur des massacres à l'université ?

le témoin 13 : Tout à fait. C'est égal. Je me souviens du jour où le président le témoin 32 devait venir à l'université pour… c'était le jour de son diplôme honoris causa. Alors là, c'était très chaud. Il y avait des partis comme PSD, PR qui étaient contre le MRND. C'était le samedi, il y avait un meeting au stade et le président Monsieur TWAGIRAMUNGU Faustin, il a dit : « Demain avec GATABAZI, il est mort », ils ont dit : « Si demain le témoin 32 arrive à Butare, il faut manifester parce qu'il ne mérite pas ce diplôme ». Effectivement, le lendemain, le jour de son diplôme, il est venu, moi, j'étais externe et je rentrais chez moi. Il y avait deux équipes, une pour MRND et l'autre qui était contre MRND. Et là, on a pas voulu parce que tout le monde qui était contre, irait, et on a fermé les portes du grand hall. Alors…

Le Président : Du grand auditoire ?

le témoin 13 : Ouais. Comme le témoin 32 était à l'intérieur, était en train de prononcer un discours, il entendait des cris à l'extérieur, il pensait que c’étaient des gens qui étaient contents de lui et qui laissaient les portes ouvertes. Alors, des gens de la garde présidentielle ont refusé. Et un moment, il est sorti du grand hall vers le vice-rectorat, c'était… il y avait… c'était beaucoup d'animation. La grande partie contre le témoin 32 c’étaient des gens du MRND-CDR. Ils étaient en charpente du MRND et du CDR, ils ont voulu se confronter, se… confronter. Et là, c'était… même les étudiants qui étaient vraiment contre le témoin 32, ils ont fait des barrières, ils ont empêché à tous les ministres même de rentrer, et là, dans la semaine qui a suivi, on a commencé à trier, à demander, à appeler un à un pour aller s'expliquer et là, parmi ces étudiants, ils étaient dans une même équipe des professeurs. Là, c'est un exemple que je peux citer qui montre que vraiment ce mouvement existait.

Le Président : Bien. Une autre question ? Oui Maître BELAMRI ?

Me. BELAMRI : Je vous remercie, Monsieur le président. Pourriez-vous demander au témoin de confirmer sa dernière déclaration du 19 juin 1995 où il dit : « J'ai quitté l'université au moment où NTEZIMANA est revenu de Belgique pour y être professeur », puisque auparavant il a déclaré, lorsqu'il est entendu en janvier 1995 par l'auditorat militaire qu'il était étudiant y compris en avril 94. Donc, j'aimerais clarifier ce point.

Le Président : Quand est-ce que vous avez cessé d'être étudiant ?

le témoin 13 : Moi, j'ai fini mes études en 93. J'ai directement commencé le travail dans un bureau d'études allemand et après donc, j'ai travaillé jusqu’au mois d'avril et comme j'étais… comme je venais juste de quitter le banc de l'école, je circulais librement à l'université. Il y avait mes collègues, mes petits frères, et là, j'ai intégré sans problème.

Le Président : D'autres questions ? S'il n'y a plus de questions, les parties sont-elles d'accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 13, confirmez-vous vos déclarations, persistez-vous dans vos déclarations ?

le témoin 13 : Oui, je confirme mes déclarations.

Le Président : Eh bien Monsieur, la Cour vous remercie pour votre témoignage, vous pouvez disposer librement de votre temps tout en devant rester administrativement à la disposition de la Cour jusqu'à votre retour au Rwanda. C'est pour le paiement des billets d'avions, etc. sinon vous ne recevrez plus d'indemnités, vous ne pourrez plus être logé ni nourri si je vous dis que vous pouvez rentrer tout de suite à la maison. Donc…

le témoin 13 : Merci, Monsieur le président.