7.3.13. Témoin de contexte: le témoin 22
Le Président : …Ça lui permettra peut-être de rentrer dans la
salle.
Les parties renoncent-elles toutes à l’audition de Monsieur DESTEXHE ?
Le Greffier : C’est le sénateur
DESTEXHE. Il s’agit du sénateur, pas du policier.
Le Président : Pardon ? Oui, du sénateur DESTEXHE, du sénateur DESTEXHE.
Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 22 : Je m’appelle
le témoin 22.
Le Président : Quel âge avez-vous,
Monsieur ? Quel âge avez-vous ?
le témoin 22 : Bientôt 39 ans.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
le témoin 22 : Je suis euh…
un employé de banque.
Le Président : Quelle est
votre commune de résidence ou de domicile ?
le témoin 22 : Namur.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains d’entre eux, avant le mois d'avril 1994 ? Monsieur
NTEZIMANA, Monsieur HIGANIRO, Madame MUKANGANGO et Madame MUKABUTERA.
le témoin 22 : Je connais NTEZIMANA
et je connais Monsieur HIGANIRO.
Le Président : Etes-vous
de la famille des accusés ou des parties civiles ?
le témoin 22 : Non.
Le Président : Etes-vous
attaché au service, donc, travaillez-vous sous contrat de travail pour les accusés
ou pour les parties civiles ?
le témoin 22 : Non, pas du tout.
Le Président : Je vais vous
demander, Monsieur le témoin 22, de bien vouloir lever la main droite et de prêter
le serment de témoin.
le témoin 22 : Je jure de parler
sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Je vous remercie,
Monsieur le témoin 22, vous pouvez vous asseoir. Monsieur le témoin 22, vous êtes actuellement
établi en Belgique ?
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Vous êtes
d’origine rwandaise et vous étiez résident à Butare ou dans la région de
Butare ?
le témoin 22 : Oui, j’étais
résident à Butare.
Le Président : Vous avez,
si je puis dire, succédé à Monsieur HIGANIRO…
le témoin 22 : Oui, c’est ça.
Le Président : …en tant que
directeur général de la SORWAL, à partir du mois de septembre 1994 ?
le témoin 22 : C’est bien ça.
Le Président : Vous étiez
à Butare pendant cette période d’avril-mai-juin 1994 ?
le témoin 22 : Non, j’étais
à Kigali.
Le Président : Donc, vous
ne… n’avez pas de connaissance personnelle des événements qui se sont déroulés
à Butare ? Vous n’avez pas été témoin direct de ce qui s’est passé ?
le témoin 22 : Pas un témoin
oculaire.
Le Président : J’imagine
qu’en votre qualité de directeur général de la SORWAL, vous avez peut-être,
lorsque vous avez pris vos fonctions en septembre 1994, retrouvé dans les… les
bureaux de la SORWAL, divers documents.
le témoin 22 : Oui, j’ai trouvé
des documents.
Le Président : Documents
que vous avez d’ailleurs remis, en partie en tout cas, euh… aux enquêteurs qui
sont venus vous interroger sur commission rogatoire à Butare.
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Euh… Une première
question est de savoir si le poste de directeur général de la SORWAL était une
fonction importante et si, notamment, ça semblait être une sorte de récompense
donnée à certaines personnes.
le témoin 22 : Oui. En fait
le poste de directeur général de la SORWAL, c’est un poste important parce que
sur le plan protocolaire, il était… il est considéré comme secrétaire général
des ministères, donc au deuxième… après le ministre. Il y a aussi d’autres…
bon, je ne sais pas si je dois parler des avantages aussi liés à la fonction,
je ne sais pas exactement ce que vous voulez savoir.
Le Président : Est-ce que
ce ne… avant vous, ce n’étaient pas des ex-ministres ?
le témoin 22 : Oui, c’est ça.
Le Président : Vous-même,
vous avez été ministre pour pouvoir devenir directeur général ?
le témoin 22 : Non.
Le Président : Vous connaissiez
Monsieur HIGANIRO, d’avant ?
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Est-ce que
vous n’aviez pas travaillé sous les ordres de monsieur HIGANIRO, lorsqu’il était
ministre des transports ?
le témoin 22 : Oui, j’ai travaillé
avec lui au ministère des transports et des communications, avant qu’il vienne
à la SORWAL.
Le Président : Et quelle…
quelle était son attitude à cette époque-là où il était ministre ? A l’égard
euh… Quelles étaient ses opinions politiques, je dirais ? Je ne parle pas
de son appartenance politique mais des opinions qu’il exprimait ou de la manière
dont il travaillait comme ministre. Est-ce qu’il marquait, par exemple, des
différences entre les ethnies ?
le témoin 22 : HIGANIRO, avant
même qu’il arrive, on disait qu’il était extrémiste. Bon, mais quand il est
arrivé, ce qu’on peut dire c’est qu’il y a eu quand même une perte de… des avantages
de certains fonctionnaires, certains Tutsi et certains fonctionnaires du… de
ce qu’on appelle le Sud du pays, jusqu’à ce que même certains ont commencé à
écrire dans les journaux, contre lui, contre son extrémisme, de quoi… c’est
d’être extrémiste en fait, extrémisme.
Le Président : C’était un
extrémiste ?
le témoin 22 : Pardon ?
Le Président : C’était un
extrémiste ? Et est-ce qu’il a changé sa politique à un moment donné ?
le témoin 22 : Disons, c’est
ce qu’on disait. Ce que je peux affirmer moi que j’ai vu, enfin disons, c’est
vrai on a remarqué quand-même un changement par rapport à ce qui était avant.
On a remarqué quand… la perte des avantages de… de certains fonctionnaires du
Sud et des Tutsi, certains… il y avait une programmation des bourses d’études,
à ce moment, des bourses, enfin de stages, parce qu’enfin, il est… il est arrivé
quand on était en train de… de changer certaines directions générales, notamment
la direction générale des postes qui allait passer à l’Office des postes et
la direction générale des télécommunications qui allait passer à la… la société
des télécoms. Là, on avait planifié des bourses de stages. Il y en a certains
qui ont… qui n’ont pas pu faire le stage parce qu’il est arrivé.
Le Président : Lorsque vous…
vous devenez directeur général de la SORWAL, vous retrouvez divers documents.
Vous dites notamment que vous constatez que certaines personnes qui avaient
été engagées par Monsieur HIGANIRO faisaient partie des Interahamwe.
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Vous avez
cité 5 noms. Je vois MUNYANZIZA Emmanuel, RWARAHOZE Calixte, MUTU Ladislas,
SEKANYAMBO Evade ou Evode et aussi un certain NSHIMIYIMANA.
le témoin 22 : Oui, c’est ça.
Le Président : C’étaient
des gens qui étaient engagés récemment à la SORWAL ?
le témoin 22 : Je m’en souviens
pas exactement mais il y avait… il y avait des Interahamwe au sein de la SORWAL,
parmi le personnel.
Le Président : Est-ce que
vous avez, en voyant, je ne sais pas, les dossiers du personnel, les registres
du personnel, constaté que Monsieur HIGANIRO aurait procédé à du recrutement
de personnel, peu de temps avant les événements d’avril mai 1994 ?
le témoin 22 : Oui. On pouvait
lire certains, certaines notes de… de proposition d’embauche, des gens qu’il
proposait, qui… qui recommandaient des gens. Mais sous forme de… qui disaient :
« Je connais tel type, il est de… de notre parti, il est… », bon, de telles
recommandations qui vont dans le sens quand-même de… des Interahamwe.
Le Président : Vous ne citez
pas, dans les personnes engagées comme faisant partie des Interahamwe, en tout
cas dans votre première audition, un certain NKUYUBWATSI Innocent. Ça vous dit
quelque chose, ce nom ?
le témoin 22 : Oui, ça me dit
quelque chose. Bon c’est… moi, moi personnellement, je ne connaissais pas tout
le personnel, c’est que j’ai… avec la liste, quand les enquêteurs aussi sont
venus, j’ai… ils ont trouvé toute… tous les documents et ils ont demandé à tout
le personnel qui était là avant moi et moi-même, j’ai demandé à ce personnel
de… de nous dire, en fait de me dire ce… ceux qui étaient des Interahamwe et
Monsieur NKUYUBWATSI était parmi les plus importants. Et on disait qu’il a fait
beaucoup de massacres à Butare.
Le Président : Quand vous
avez repris la direction de la SORWAL, combien de personne restait-il, je dirai,
de l’ancien personnel ?
le témoin 22 : Je ne connais
pas les statistiques exactement mais au début, quand je suis arrivé, il y avait
presque une dizaine de personnes mais ils sont revenus petit à petit, au fur
et à mesure que les gens rentraient du pays, on engageait petit à petit. Mais
il y en a quand même… il y a un bon nombre de ceux qui y travaillaient avant.
Le Président : J’imagine
que, comme directeur général, vous avez dû aussi vous inquiéter ou vous enquérir
de l’état de la comptabilité, ou de la trésorerie, des comptes en banques de
la SORWAL ?
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Auriez-vous
constaté dans la comptabilité de la SORWAL qu’il existait ce qui s’appelle des…
des débiteurs qui ne paient pas ?
le témoin 22 : Oui. J’ai… je
connais ça.
Le Président : Est-ce qu’il
y avait une… beaucoup de débiteurs qui ne payaient pas ou peu de débiteurs mais
qui avaient des grosses sommes impayées ?
le témoin 22 : Oui, il y en
avait mais ce que j’ai remarqué d’anormal dans… parmi les débiteurs, parce qu’il
y en avait, ce que j’ai remarqué, c’est que… c’est que presque tout le comité
des miliciens Interahamwe était parmi les débiteurs. Les débiteurs, ce sont
des gens qui ont des dettes envers la société.
Il y avait tout le comité, le président des Interahamwe, le vice-président,
euh…le président KAJUGA Robert, le vice-président Georges le témoin 121, le deuxième
vice-président, je crois qu’il s’appelle euh… je ne me souviens pas du nom mais
tout le comité des Interahamwe est parmi les débiteurs, euh… Il y a aussi d’autres
financiers du parti extrémiste, qu’on m’a dit qu’ils faisaient partie du personnel,
notamment un certain MUREKEZI de Butare, il était financier de la CDR, donc,
le parti extrémiste de…qui a fait le génocide, qui a commencé à préparer le
génocide. Il y avait un certain génocidaire aussi de… de Cyangugu qui était
parmi les débiteurs. Mais ce qu’on peut remarquer, quand même, parmi les débiteurs,
c’est… ce qui m’a fort frappé, c’est que tout le comité des Interahamwe, les
miliciens, étaient parmi les débiteurs les plus importants.
Le Président : Et c’étaient
des dettes importantes ?
le témoin 22 : Oui, quand même,
c’était important, surtout le deuxième vice-président, Georges le témoin 121, et
l’autre, il y a un autre qui était le plus important, je crois, c’est le premier
vice-président. Je sais pas si c’est le premier ou le deuxième vice-président,
à travers beaucoup… ses sociétés…
[Interruption d’enregistrement]
le témoin 22 : …avoir des dettes
importantes.
Le Président : Et c’était
de quel ordre, ces dettes ?
le témoin 22 : Oh, je crois
une quarantaine de millions.
Le Président : Une quarantaine
de millions de francs rwandais ?
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Selon les
dossiers comptables, s’agissait-il d’une dette ancienne qui se serait accumulée
ainsi au fil des années ou s’agissait-il de dettes relativement récentes ?
le témoin 22 : Il y en avait
les deux. Mais, c’étaient des dettes qui dataient quand-même de la période de
la gestion de HIGANIRO, il n’avait pas passé longtemps là, à la société. Mais
ce qui est…
Le Président : Donc, c’est…
Monsieur HIGANIRO prend ses fonctions en 1992.
le témoin 22 : 92, je crois
que c’est…
Le Président : En 1992, en
janvier, février, je ne sais plus.
le témoin 22 : Oui, c’étaient
des dettes quand même qui…
Le Président : Et c’étaient
des dettes d’avant Monsieur HIGANIRO ou bien… ?
le témoin 22 : Non. D’après,
après HIGANIRO.
Le Président : D’après HIGANIRO.
le témoin 22 : Oui. Et ce qui
est frappant aussi, si je peux le dire, c’est qu’on a pu voir que les gens contractaient
des dettes, prenaient les produits finis dans la société, et les vendaient à
un prix inférieur au coût, donc, au prix ex-usine. Donc ça, ça suscitait des
doutes de ma part.
Le Président : Et comment
savez-vous que les prix de vente étaient inférieurs aux prix d’achat ?
le témoin 22 : Finalement, il
y a un écrit qui euh… d’abord, j’ai demandé au personnel mais aussi, il y avait
un écrit qui demandait à ce que ces gens ne vendent pas au prix inférieur à
l’usine. C’est-à-dire qu’en fait, à mon avis, c’est ce que j’ai demandé aux
autres, ces miliciens essayaient de prendre des produits finis, ne fût-ce que
pour aller les vendre et trouver de l’argent et faire d’autres activités. C’était
pas vraiment dans un but, j’imagine, rentable parce que pour être rentable,
il faut vendre à un prix supérieur au coût de… au prix de l’usine, il faut ajouter
aussi d’autres charges, de transport, tout ça. Jusqu’à vendre quand même à un
prix inférieur…
Le Président : Enfin, vous
savez, quand vous achetez de la marchandise, que vous ne payez pas, quel que
soit le prix auquel vous la vendez, c’est rentable, hein.
le témoin 22 : C’est ça, mais…
c’est ça, c’est… normal, ils devraient… payer, c’est ce que j’imaginais.
Le Président : Avez-vous
éventuellement remarqué… Donc, oui, je crois que vous en avez déjà parlé, au
fond, c’est d’une certaine politique dans les engagements, vous avez retrouvé
des lettres de recommandation de certaines personnes. Vous aviez constaté aussi,
je crois, l’engagement de personnes qui étaient d’anciens… d’anciens militaires
ou des choses de ce genre, hein ?
le témoin 22 : Oui. Oui.
Le Président : C’étaient
pas des gens qui étaient engagés, ceux-là, les anciens militaires, hein, c’était
pas des gens qui étaient engagés spécifiquement pour être gardes, donc, pour
surveiller la SORWAL ?
le témoin 22 : Je ne pense pas
que pour être gardien de la SORWAL, quand même, il fallait être militaire. Parce
qu’ au temps que j’étais là-bas, on engageait des civils ; c’étaient des
portiers en fait, c’étaient pas des gardiens au vrai sens du mot, c’est… c’étaient
des portiers pour ouvrir, pour laisser passer les gens, voir s’ils ne portaient
pas d’armes, mais c’était pas vraiment… ça ne devrait pas aller jusque là, jusqu’à porter des armes,
jusqu’à engager des militaires pour ça. C’était une région, à ce moment, qui
était pacifique.
Le Président : Vous avez
également constaté - dans la comptabilité notamment - que le compte bancaire
de la SORWAL était débité d’une somme de 149.753 francs rwandais. Et selon les
indications portées sur la pièce comptable par le responsable de la comptabilité
de cette époque-là, c’était un versement destiné aux Forces armées rwandaises.
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Avez-vous
éventuellement connaissance de ce que, à un moment donné au Rwanda, je dirais,
toutes les entreprises étaient tenues de faire un versement aux forces armées ?
le témoin 22 : Oui, même les
employés. J’ai travaillé moi-même… les employés, il a été une fois où on a obligé
aux employés de payer pour euh… c’est ce qu’on appelle l’effort de guerre. Les
entreprises payaient.
Le Président : Oui, donc
en soi, le versement fait par la SORWAL aux forces armées n’est pas quelque
chose de tout à fait anormal ? Entendons-nous, dans ce qui était pratiqué
à l’époque, la SORWAL ne sortait pas de l’ordinaire en faisant ce versement-là ?
le témoin 22 : Non, ça ne m’inquiète
pas. Ça ne m’étonne pas quand même parce qu’il y avait d’autres entreprises
qui le faisaient et il y avait d’autres ministères qui faisaient ça. Et on faisait
des retenues sur des salaires des… de tout le personnel dans certains… dans
les ministères et bon… Non, je juge ça quand même, disons, normal pendant la
période, normal par rapport à ce qui se passait parce qu’il y avait beaucoup
de gens qui le faisaient, qui… beaucoup d’entreprises qui faisaient ça, il y
avait beaucoup de… même d’opérateurs privés qui le faisaient.
Le Président : Vous avez,
je crois, notamment été interrogé sur le contenu d’une lettre que Monsieur HIGANIRO
adressait, au mois de mai 1994, à Monsieur le témoin 21 ?
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Qui semblait
être une réponse à une lettre rapport que Monsieur le témoin 21 avait adressée à Monsieur
HIGANIRO. Cette lettre rapport de Monsieur le témoin 21 à laquelle la lettre de Monsieur
HIGANIRO était une réponse, a-t-elle jamais été retrouvée dans les locaux de
la SORWAL ? La lettre que le témoin 21 aurait écrite à Monsieur HIGANIRO et à
laquelle Monsieur HIGANIRO répond ?
le témoin 22 : Oui. Elle a été
retrouvée dans la SORWAL.
Le Président : Est-ce qu’on
a retrouvé la lettre de Monsieur le témoin 21 à HIGANIRO, écrite par le témoin 21 à HIGANIRO ?
le témoin 22 : Moi, personnellement,
je ne l’ai pas vue. Ce que… la lettre du témoin 21 à HIGANIRO, je ne l’ai pas vue.
Le Président : Bien. Normalement,
est-ce que, dans les documents que vous avez retrouvés, est-ce qu’il y avait,
je ne sais pas, des classeurs dans lesquels le directeur euh… technique, plaçait
le courrier ou la copie du courrier qu’il adressait au directeur général ?
Est-ce qu’il y avait des archives contenant les échanges de correspondance entre
les divers directeurs de la SORWAL ?
le témoin 22 : Oui, bien sûr.
C’était une entreprise organisée, c’était une entreprise qui suivait toute la
réglementation. Il y avait les classements et tout ce qui se passait… sur tout
ce qui se passait officiellement.
Le Président : Est-ce que
vous auriez éventuellement, dans ces archives, retrouvé d’autres rapports ?
Il semble que Monsieur le témoin 21 était tenu de faire rapport en fin de mois, tous
les mois, sur la manière dont… dont les choses se passaient. Avez-vous retrouvé
dans ces archives des rapports que Monsieur le témoin 21 aurait faits ?
le témoin 22 : Non, je n’ai
jamais trouvé une lettre.
Le Président : Aucun rapport ?
le témoin 22 : Aucun rapport
du témoin 21 à Monsieur HIGANIRO. Je n’ai trouvé…
Le Président : Ou, éventuellement,
rapport au conseil d’administration ?
le témoin 22 : Disons, c’était…
c’était la période… c’était la période de guerre. Il faut savoir ça.
Le Président : Oui. Oui.
Mais Monsieur le témoin 21, il a travaillé à la SORWAL…
le témoin 22 : Oui, il a… Pendant
le génocide ou bien avant ?
Le Président : Est-ce qu’avant
avril 1994, avant le génocide, est-ce que vous avez, dans les archives de la
SORWAL, des rapports faits par Monsieur le témoin 21, adressés soit à Monsieur HIGANIRO,
soit au conseil d’administration ?
le témoin 22 : Euh… oui. Avant
le génocide, le témoin 21, il était directeur technique, il adressait des notes à
son directeur général.
Le Président : Oui, donc
avant le génocide, vous trouvez dans les archives de la SORWAL, des rapports
que monsieur le témoin 21 fait à Monsieur HIGANIRO.
le témoin 22 : Oui, oui, oui.
Il y en a.
Le Président : Après le génocide,
il n’y a plus de traces de rapports qu’il fait ?
le témoin 22 : Je n’ai vu aucun
rapport.
Le Président : On vous a
demandé de commenter le texte de la réponse de Monsieur HIGANIRO à Monsieur
le témoin 21, où il est question de « travailler », de « nettoyage »
etc.
le témoin 22 : Oui.
Le Président : Qu’est-ce
que vous en pensiez, vous ?
le témoin 22 : Personnellement,
je crois que c’est aussi la… l’avis de tous les autres Rwandais, ceux qui connaissent
peut-être le… la réalité rwandaise. Lorsque vous voyez ce qui est écrit, vous
voyez, il n’y a pas de doute, le terme « travailler » c’est… moi-même,
j’étais à Kigali pendant le génocide, même avant, à Butare, je connaissais toute
la réalité. C’étaient des termes qui étaient utilisés par la radio Mille Collines,
qui disait euh… Je peux donner un exemple : « A Gitega - à Gitega,
c’était un quartier de Kigali - ils ont bien travaillé ». « A Gisosi
aussi ils ont bien travaillé, continuez le nettoyage ». Bon, c’étaient
vraiment des termes qui sont liés au génocide, qui incitent aux gens à « travailler ».
Même la radio Mille Collines précisait et disait, sur le « nettoyage »,
et disait : « Vous savez, même RWIGEMA, il est parti quand il était
un bébé ». RWIGEMA, c’était le chef militaire du FPR, il a quitté le Rwanda,
je crois, dans les années… les premiers troubles de 59. On regrettait le fait
qu’il est parti étant enfant, c’est-à-dire que c’est pourquoi on disait :
« Continuez à nettoyer, même RWIGEMA, il est parti quand il était enfant »,
c’est-à-dire c’est sous-entendu : « Ne laissez pas les enfants aussi,
il faut les tuer ». Donc, ce sont des termes vraiment qui sont liés au
génocide.
Le Président : Avez-vous
éventuellement connaissance que Monsieur le témoin 21… mais vous n’étiez évidemment
pas à… c’est… la question est difficile, vous n’étiez pas à Butare, à ce moment-là.
le témoin 22 : Pardon, je n’ai
pas compris.
Le Président : Est-ce que
des… est-ce que des personnes de Butare, lorsque vous êtes entré en fonction
là-bas, vont… ont éventuellement rapporté que Monsieur le témoin 21, je parle
bien de Monsieur le témoin 21, hein… ?
le témoin 22 : Oui.
Le Président : …ou même aussi
peut-être que Monsieur le témoin 40 auraient fait partie des Interahamwe, et auraient
participé à des massacres ?
le témoin 22 : Euh… Bon. Pour
le témoin 21, ce qu’on m’a dit, c’est que… ce qu’on disait c’est qu’il y avait une
sorte de… même il y a des documents, je pense, qu’on a trouvés à la SORWAL,
qui parlaient de la… l’autodéfense, l’autodéfense civile, hein. C’étaient, bon,
c’étaient des comités qui avaient été créés pendant le génocide, qui servaient
à défendre… qui étaient, disons, officiellement on disait que c’était pour la
défense des citoyens, mais on sait ce qu’ils ont fait. C’est même… si je reviens
même un peu en arrière sur la lettre, on nous parlait aussi de la sécurité.
Ce sont des mots qui reviennent, bon, pour… pour… pendant le génocide, on disait
qu’on tuait pour euh… pour la sécurité. Pour le témoin 21, on a dit que… on a vu des
documents comme quoi il faisait partie de…
Le Président : De ce comité.
le témoin 22 : …de ce comité
d’autodéfense, même certains documents sont écrits de sa propre main. C’est
son écriture, on le voit. Quant à le témoin 40, ce qu’on m’a dit, j’ai demandé… on
disait qu’il était extrémiste mais moi, je le connaissais avant le génocide,
je n’avais rien vu d’extrémiste en lui. Mais pendant le génocide, les gens de
Butare, quand même, certains l’accusent, j’ai pas pu vérifier cela.
Le Président : Bien. Y a-t-il
des questions à poser au témoin ? Monsieur l’avocat général ?
L’Avocat Général : Je vous remercie,
Monsieur le président. Plusieurs documents ont été retrouvés dans le bureau
de Monsieur HIGANIRO, donc votre prédécesseur. Et dans votre déclaration que
vous avez faite au mois de mai 95, vous commentez certains de ces documents.
Il y a donc un document qui dit que Monsieur HIGANIRO, par exemple, avait écrit
qu’il fallait engager 30 personnes Hutu auprès du parquet, au Rwanda, je veux
dire, bien entendu. Notamment, entre autres, sur un agenda qu’il avait écrit
de sa main : « Il faut en tout cas éliminer KAVA »,
qui est Monsieur KAVARUGANDA qui était donc le président de la Cour constitutionnelle,
qui effectivement a été assassiné le 7 avril. Et qu’il écrit entre autre aussi :
« RUKOKOMA - qui était le surnom du premier ministre,
Monsieur TWAGIRAMUNGU - doit préoccuper au plus haut point ».
Est-ce que vous pouvez confirmer tout cela ?
le témoin 22 : Oui, je le confirme.
On l’a lu dans le… son journal.
Le Président : Oui, dans
un agenda.
le témoin 22 : Oui, son agenda,
enfin ce qu’on appelle le journal.
Le Président : Oui ?
Me. BELAMRI : Avez-vous connaissance de ce que Monsieur HIGANIRO
aurait été agent commercial à Gisenyi ?
le témoin 22 : ça, je l’ai lu dans… dans un journal,
je crois, la Libre Belgique où il disait que, oui, récemment, il disait que
pendant le génocide il faisait fonction de… d’agent commercial. Mais logiquement
HIGANIRO, on disait qu’il avait quitté la SORWAL pour le deuil de son beau-père,
mais comme la… la législation qu’on avait, il y a des jours à ne pas dépasser
dans ce genre de circonstances, il devrait justifier son absence dans la société.
Alors, quelle autre justification il pouvait donner ? C’est l’agent commercial
mais vous imaginez que quelqu’un, un directeur, un chef d’entreprise peut quitter
sa société pendant autant de jours, autant de mois pour faire un travail commercial ?
Surtout que c’était un inédit. Il n’avait jamais fait ça pendant une si longue
période. Et encore, qu’est-ce qu’on remarque ? Combien d’entrées il a faites
dans le cadre de cette mission ? Il faut voir les dépenses qui étaient
liées à la fonction de directeur général. Pendant sa mission, on devrait supporter
ses frais de restauration de… et puis tout ça. On devrait supporter encore ses
salaires, bon. On devrait supporter tout ce qui a trait à ses avantages ?
Donc, je ne pense pas qu’il pouvait faire une telle mission. Ce n’était
pas vraiment… Ce n’était pas non plus le moment de faire une telle mission.
Surtout que pendant cette période du génocide, toutes les activités étaient
arrêtées partout. Ce qui restait, c’était… on trouvait partout des barrières.
Chaque… chaque… chaque coin du pays, chaque cellule, chaque… il y avait autant
de barrières qu’on le pouvait. C’était pas vraiment la période pour faire… logiquement
et franchement, c’était pas la période pour faire ce genre de mission. Et la
période pendant laquelle ça a été, c’était pas une période de tant de jours
quand même, c’est pas possible.
Me. BELAMRI : Avez-vous trouvé
des documents ou des traces de ce qu’en mai 1994, il y ait eu des inondations
à la SORWAL et un camion embourbé…
le témoin 22 : Non.
Me. BELAMRI : …et donc un
problème d’approvisionnement ?
le témoin 22 : Non. Non. Surtout
que ceux qui ont visité la SORWAL, dans la SORWAL c’est… c’est un… c’est cimenté,
et il n’y a pas là ou… Non. J’ai demandé, non. Il n’y a pas où un camion a glissé.
Le Président : Une autre
question ? Maître LARDINOIS.
Me. LARDINOIS : Je vous remercie,
Monsieur le président. Il ressort du dossier que le témoin est… donc, a connu
Monsieur HIGANIRO antérieurement à sa nomination comme directeur de la SORWAL
puisqu’il travaillait sous ses ordres au ministère et que, pendant la période
93-94, le témoin était à Butare puisqu’il travaillait comme professeur à l’UNR.
Est-ce que pendant cette période qui a précédé les événements, pendant les 6
mois, 12 mois, qui ont précédé les événements, est-ce que le témoin a pu constater
des activités politiques de Monsieur HIGANIRO pour la CDR ? Est-ce qu’il
a pu constater des liens entre Monsieur HIGANIRO et Madame Pauline NYIRAMASUHUKO ?
le témoin 22 : Merci. Pendant
la période des 6 mois avant le génocide, j’ai pas remarqué ces activités parce
que je ne suivais pas de près les activités de HIGANIRO mais je peux revenir
en arrière pendant… quand j’étais au ministère. Ce que je peux signaler, c’était
la visite quand même régulière de Monsieur NGEZE Hassan. Il avait une visite
hebdomadaire au ministère, chez Monsieur HIGANIRO. C’était une personne cyniquement
qu’on connaissait, c’était le fondateur de… le directeur de… du journal, le
journal Kanguka ou Kango… ?
Le Président : Kangura ?
le témoin 22 : Oui. Il était
une personne connue vraiment cyniquement. Tout le monde… tout le monde le regardait
dans la rue… dans la rue. Alors, il… il venait souvent au ministère, visiter
HIGANIRO. C’est… il y avait même - vous voyez, je pense que c’est partout, lorsque
les gens travaillent ensemble, il y a des… les gens sont curieux pour connaître
leur chef - il y avait le service qu’on appelle EMS, Express Mail Service, qui
était juste à l’entrée du ministère. Chaque fois que NGEZE passait, on le suivait,
on nous appelait, ceux qui étaient dans d’autres services, pour venir le voir,
ça c’est quelque chose qui est évident. Mais juste six mois avant le génocide
quand même, je n’ai pas suivi les activités de HIGANIRO.
Le Président : Bien, d’autres
questions ? Maître BEAUTHIER.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, je vais poser une question en rapport direct avec le dossier mais
je dois tout de même faire état d’une certaine méconnaissance dans la fabrication
des allumettes si ce n’est que, j’imagine que pour la fabrication d’allumettes,
il faut du soufre. Est-ce que quand on lit le document qui est la réponse de
Monsieur HIGANIRO à Monsieur le témoin 21, on peut imaginer que Monsieur HIGANIRO
a d’autres occupations, peut-être en rapport avec le soufre aussi quand il dit,
et quelle est l’appréciation du témoin : « Je m’occupe pour le moment de la défense de la République, surtout
en relation avec le Zaïre ». Est-ce que pour lui, il y a une explication
à la « défense de la République » - j’imagine que les allumettes n’étaient
pas uniquement pour le président de la République - enfin, la « défense
de la République », pour lui, est-ce que c’est défendre la République dans
tous ces aspects, surtout en relation avec le Zaïre ? Est-ce qu’il y a
une activité commerciale quelconque, licite ou illicite, avec le Zaïre, dont
il a eu connaissance ?
le témoin 22 : Non. La « défense
de la République », c’est… c’est ce que tout le monde… c’est ce qu’on disait.
D’ailleurs… En fait, il faut voir l’origine de… de tout ça, de ces problèmes,
hein. On disait la « défense de la République » pour combattre, c’était
dans un but de combattre, de défendre la République, donc contre, contre les
ennemis. Les ennemis, c’étaient des Tutsi et des Hutu modérés. On n’avait pas
vraiment d’activités que… que devrait surveiller du côté du Zaïre. Et encore,
on ne peut pas faire des activités commerciales et parler aussi de la sécurité.
Ce ne sont pas des choses qui… ce sont des choses incohérentes.
Me. BEAUTHIER : Donc, le
témoin confirme qu’il n’y avait pas d’activité particulière entre la SORWAL
et le Zaïre ? Officiellement.
Me. MONVILLE : Il n’était
pas à la SORWAL. Je ne vois pas comment on peut lui poser une question de ce
type-là, alors que…
Le Président : Non, non,
tatatatata. Vous permettez, asseyez-vous, asseyez-vous…
Me. MONVILLE : …le témoin
n’était pas directeur à la SORWAL.
Le Président : Asseyez-vous !
Je ne vous ai pas donné la parole, et la question n’a pas encore été posée.
Me. BEAUTHIER : Je peux la
reformuler, Monsieur le président.
Le Président : Je vais le
faire pour vous, Maître BEAUTHIER.
Me. BEAUTHIER : D’accord.
Le Président : Dans les documents
comptables, commerciaux de la SORWAL, dont vous avez pu prendre connaissance
à partir de septembre 1994, avez-vous pu constater l’existence d’un marché important,
euh… un débouché commercial important de la SORWAL, vers le Zaïre ? Y avait-il
des relations commerciales importantes entre la SORWAL et le Zaïre ?
le témoin 22 : Non, il n’y avait
pas de relations commerciales entre la SORWAL et le Zaïre.
Me. BEAUTHIER : Dernière
question, Monsieur le président. Le témoin a dit tout à l’heure qu’il connaissait
Monsieur NTEZIMANA. Peut-il préciser cette affirmation ? Dans quel cadre ?
Comment ?
Le Président : Oui. Vous
avez dit que vous connaissiez Monsieur NTEZIMANA. Vous le connaissiez bien,
pas bien ? dans quel… ?
le témoin 22 : Oh, non, c’est
pas bien parce que NTEZIMANA, il était une année avant moi au Collège HABIMANA.
C’est là où je le connais. Je ne pouvais pas dire quand même que je ne le connais
pas. Il était avant moi, deux ans durant ? Au Collège, c’est là où je le
connais.
Le Président : Vous n’avez
pas eu des relations euh… amicales avec Monsieur NTEZIMANA ?
le témoin 22 : Non, non. Mais
pas aussi des relations de… enfin je le connaissais, il était à l’école, c’est
tout, c’est…
Le Président : Oui. D’autres
questions ? Maître RAMBOER.
Me. RAMBOER : La question
est fort courte, Monsieur le président. Donc, on parle de débiteurs qui ne payent
pas et dont le compte reste ouvert et notamment, les président et vice-président
du comité des Interahamwe. Est-ce qu’on peut préciser quelle est l’importance
de ces personnes ? C’est un comité national ? C’est un comité local ?
le témoin 22 : Je peux répondre ?
Le Président : Oui.
le témoin 22 : Non. C’était
le comité national des Interahamwe, le président et le… L’un, c’est… on les
connaît, c’était KAJUGA Robert, c’était le président, au niveau national, des
Interahamwe, des milices. L’autre, le témoin 121 Georges, c’était son vice-président
au niveau national, il était à Arusha. Le troisième, c’est RUHUMULIZA
Phéneas, si je me souviens bien, c’est RUHUMULIZA Phéneas, il est aussi
président des… vice-président aussi. Au niveau national tous.
Le Président : Maître GILLET.
Me. GILLET : Oui, Monsieur
le président. Ce qui se dit ici est évidemment très important, parce que ça
fait apparaître, apparemment, une toute nouvelle activité de la SORWAL dans
le cadre du génocide. Je voudrais, pour… pour… tant qu’on en est aux noms, Monsieur
a cité tout à l’heure un responsable important, trésorier a-t-il dit, ou financier
de la CDR. Il a dit le nom tellement rapidement que je n’ai pas pu prendre note
de ce nom. Est-ce qu’il pourrait le répéter lentement ?
le témoin 22 : Oui, ce que j’ai
parlé, c’est… c’était parmi les débiteurs, hein ?
Me. GILLET : Oui, c’est ça,
parmi les débiteurs.
le témoin 22 : Oui, parce que
j’ai dit que je… ce que j’ai pu remarquer, c’est ce comité central du… de la…
des milices Interahamwe. Ça, tout le monde les connaissait au niveau national.
Mais j’ai essayé de… de demander qui étaient les autres. Alors, on retrouve
des financiers au niveau de Butare, régional, de la CDR qui s’appelle MUREKEZI
Me. GILLET : MUREKEZI.
le témoin 22 : MUREKEZI. Il
y avait un autre financier qu’on m’a dit de… de la CDR, à Cyangugu. Si j’avais
la liste je vous dirais, bon… C’étaient pas des choses… je ne m’attendais pas
à ces questions.
Le Président : Oui. D’autres
questions ?
Me. GILLET : Je vous remercie,
Monsieur le président. Quel était le déficit total de la SORWAL lorsque vous
avez pris vos fonctions ? Est-ce que vous avez dû constituer des… des provisions
dans les comptes pour couvrir ce déficit ?
le témoin 22 : Oh la la !
Ça, c’est une question, disons, peut-être technique. Je…
Le Président : Oui. Est-ce
que… est-qu’il y avait un déficit ?
le témoin 22 : Dans la SORWAL ?
Le Président : Oui.
Me. GILLET : Au moment où vous avez pris vos fonctions.
le témoin 22 : Oui… Il y avait
un déficit ? Je ne me souviens pas exactement. Vraiment, je ne sais pas,
je ne sais pas répondre directement à la question à moins que, si j’avais du
temps et consulter les livres mais… Mais la… l’entreprise quand même n’était
pas au bon moment de… de sa trésorerie. C’est ce que je peux dire.
Me. GILLET : Le dossier fait apparaître un déficit de 95 millions
de francs rwandais. Ça vous dit quelque chose, ou bien… ?
le témoin 22 : Oui. Oui, ça
me… disons, c’est ce que je dis, la période traversée n’est pas une période
difficile de trésorerie que… J’ai évité de dire un déficit parce que je ne connais
pas exactement le montant, mais c’est… il y avait quand même un déficit.
Me. GILLET : Quel est le
chiffre d’affaires, euh… quel était le chiffre d’affaires normal, à l’époque,
encore une fois, de vos fonctions, de la SORWAL ?
le témoin 22 : Je trouve des
questions… c’est vraiment très technique, hein. Je ne sais pas si je peux vous
répondre…
Le Président : Si vous savez…
si vous savez pas répondre…
le témoin 22 : Je ne peux pas
vous donner assez de précisions.
Me. GILLET : Non, non, mais
bien sûr.
le témoin 22 : Ce sont des chiffres,
des données, qu’on ne peut pas répondre même…
Me. GILLET : Oui. C’est…
c’est-à-dire que le budget 94 faisait apparaître un petit 400 millions de chiffre
d’affaires, cela vous semble en rapport avec… donc chiffre d’affaires, le produit
de toutes les recettes.
le témoin 22 : Bien, je sais
ce que c’est mais… franchement je ne sais pas vous donner assez de précisions
sur les recettes, hein.
Me. GILLET : Alors, je souhaiterais aussi savoir, Monsieur le
président, quel est l’effectif normal qu’il faut pour faire fonctionner la SORWAL
en temps normal.
le témoin 22 : L’effectif ?
Me. GILLET : De votre temps,
il y avait combien de personnel environ ?
le témoin 22 : Mmh, l’effectif,
euh… ça doit être une centaine.
Me. GILLET : Il faut… il
faut… c’est ça.
le témoin 22 : C’était une entreprise
en fait très, je dirais, capitalistique, c’était une entreprise, une chaîne
moderne.
Me. GILLET : Oui.
le témoin 22 : On n’avait pas
besoin de beaucoup de… de personnel. C’était surtout le contrôle des chaînes.
C’était vraiment une entreprise, voilà, avec une technologie suédoise moderne
où il ne fallait pas beaucoup de gens. Les machines étaient plus importantes
que… que le… que le facteur humain.
Me. GILLET : Oui, ça je crois.
Euh…
Le Président : Oui ?
Me. GILLET : Oui, Monsieur
le président. Je souhaiterais savoir quelles sont les procédures habituelles
pour le recouvrement des créances litigieuses. Est-ce qu’il y a une procédure ?
On fait quelque chose à l’égard donc des débiteurs qui ne paient pas ?
le témoin 22 : Bien sûr. Lorsqu’on
ne paie pas, il y a des procédures à suivre pour récupérer l’argent.
Me. GILLET : Et est-ce que
vous avez trouvé trace de ces procédures de récupération d’argent à l’égard
des personnes qui étaient débiteurs et dont vous dites que c’étaient pour l’essentiel,
des Interahamwe ?
le témoin 22 : Oui, il y avait
des traces, mais ce qui est curieux, c’est qu’on, malgré ces procédures, on
continuait à donner, à fournir des… le produit fini. On ne peut pas donner du
produit fini à quelqu’un avec qui vous avez un litige, ou qui n’est pas un bon
payeur.
Me. GILLET : C’est ça. Alors,
parmi les membres du Conseil d’administration ou les actionnaires, je ne sais
plus, il y a une société qui porte le nom de RWANDEX. Je voudrais savoir si
vous savez de quelle société il s’agit, quel est son type d’activité, etc.
le témoin 22 : RWANDEX, ça,
c’est une société qui avait comme activité principale, bon, ce qu’on sait, c’est
la… la vente du café, il y avait le café… oui, ils étaient vraiment, bon, impliqués
dans la vente du café en général, la vente, l’exportation, des trucs comme ça.
Me. GILLET : C’est ça. Alors,
je voudrais aussi savoir, parce qu’on a trouvé dans… Est-ce que Monsieur KAJUGA
qui était débiteur, Robert KAJUGA, donc, le président national des Interahamwe,
qui était débiteur comme vous l’avez dit, il lui arrivait d’être, à l’occasion,
aussi fournisseur de la SORWAL.
le témoin 22 : Non. A ma connaissance,
non.
Me. GILLET : Parce qu’on
a trouvé dans l’agenda du directeur administratif et financier qu’il devait
faire une livraison, semble-t-il d’ailleurs, conjointement à la SORWAL et à
Electrogaz de Butare, d’une grosse quantité de marchandises, mais non autrement
précisée, pour un montant de 50 millions de francs rwandais. En nov… oui, ça
date de fin novembre et début décembre 93, donc quelques mois avant le génocide.
le témoin 22 : Disons, si… si
vous regardez l’activité de la SORWAL, les principales matières premières qu’on
achetait, c’étaient des produits chimiques. On les… on les achetait… les produits
chimiques, on les importait en Suède, il y avait des… des papeteries… des papeteries,
on les importait ici, à… dans une société qui s’appelle, je ne sais pas,
une société… En tout cas, dans le pays quand-même, on n’avait pas de fournisseur
qui pouvait fournir… donner des fournitures d’une telle… d’une telle somme.
Au niveau national, on achetait vraiment des choses de… des quoi ? Des…
des choses simples qui ne représentent pas un montant important.
Me. GILLET : C’est ça. Donc,
il n’y avait pas, pour des raisons de fournitures habituelles de la SORWAL,
des factures en un coup pour, ou des livraisons, pour 50 millions de francs
rwandais.
le témoin 22 : Non, je n’en
ai pas vu de la part de… Non, je n’ai jamais été informé de ça.
Me. GILLET : Et vous n’avez,
de par vos connaissances personnelles, aucune - et de ce que vous avez vu à
la SORWAL en prenant vos fonctions, etc. - aucune idée de ce que Monsieur KAJUGA
Robert pourrait avoir eu à livrer à la SORWAL ?
le témoin 22 : Qu’est-ce qu’il
pouvait livrer ? Je n’en sais rien, je ne vois pas, vraiment, ce qu’il
pouvait livrer à la SORWAL. Sauf, ce que j’ai remarqué, c’est qu’il était débiteur,
c’est-à-dire qu’il avait pris le produit fini, de l’entreprise.
Me. GILLET : Voilà. Je vous
remercie, Monsieur le président.
Le Président : Bien !
D’autres questions ? Maître MONVILLE.
Me. MONVILLE : Monsieur le
président, je voudrais savoir si le témoin avait une appartenance politique
quelconque au moment où il a pris ses fonctions à la SORWAL, en septembre 94.
Le Président : Etiez-vous
affilié à un parti politique, en septembre 1994 ?
le témoin 22 : Disons, non.
Enfin, avant le génocide, j’étais… je n’étais même pas membre, j’étais comme
sympathisant du parti libéral, mais, je n’ai jamais… j’ai pas été membre, j’ai
pas eu de carte. J’étais, disons, je dirais sympathisant, pas vraiment membre.
Le Président : Oui, une autre
question ?
Me. MONVILLE : C’était après
les événements ? Monsieur vient de nous dire avant, c’est après, en septembre
94 ?
Le Président : Est-ce qu’en
septembre 1994 vous étiez affilié à un… à un autre parti éventuellement ?
le témoin 22 : Après… après
les événements, après le génocide, il n’y a… il n’y avait pas de parti. Il n’y
avait pas de parti, on n’avait pas d’adhérence au parti, je n’ai jamais participé
à aucun meeting d’un parti. Non.
Me. MONVILLE : Je voudrais
savoir en vertu de quelles compétences le témoin a été désigné pour reprendre
la place à la SORWAL ?
le témoin 22 : Oui. C’est… ça,
c’est… comme je vous dis, avant le génocide, j’étais sympathisant, bon, j’avais
pas de carte d’identité… de carte d’adhérent…
Le Président : Oui, mais
aviez-vous éventuellement des diplômes…
le témoin 22 : Oui…
Le Président : …ou des connaissances
particulières en gestion d’entreprise, en…
le témoin 22 : Oui. J’ai…
Le Président : …je ne sais
pas, moi… une licence en je ne sais pas quoi…
le témoin 22 : J’étais économiste
de formation, j’ai fait un stage de management en Angleterre.
Le Président : Voilà.
le témoin 22 : J’avais… je connaissais
le milieu aussi de Butare. Bon, il y a beaucoup de critères quand même qui…
Me. MONVILLE : Merci, Monsieur
le président. Voulez-vous demander au témoin s’il a eu l’occasion de se rendre
à l’ancien domicile de Monsieur HIGANIRO, à Butare ?
Le Président : Après les
événements ?
Me. MONVILLE : Après les
événements, fatalement.
le témoin 22 : Oui, je suis
allé au domicile, à l’ancienne résidence de HIGANIRO, très longtemps après que
j’étais là-bas. C’était… il y avait quelqu’un, un militaire qui habitait chez
lui. Il avait demandé qu’on vienne retirer les pièces ; il y avait du papier,
il disait qu’il y a du papier quelques fois qui est écrit SORWAL, si on pouvait
les reprendre.
Me. MONVILLE : On peut savoir
exactement quand il a fait cette visite ?
Le Président : Vous situez
ça quand ?
le témoin 22 : Ça, je ne saurais
pas répondre, parce que c’est… ça doit être vraiment très tard, donc, c’est
quelle année ? Je ne m’en souviens pas exactement. C’était très tard. C’est
pas tout de suite quand je suis arrivé.
Me. MONVILLE : C’est en 95 ?
Au minimum en 95 ?
le témoin 22 : Non, c’est pas
95.
Le Président : En 94, alors ?
le témoin 22 : Non pas du tout.
C’est après.
Le Président : Après ?
le témoin 22 : Oui, parce que
le militaire… Il y avait des documents là-bas et je ne… je ne voulais… je ne…
je ne voulais pas aller là-bas. Disons, non, pas vouloir, mais ce qui m’intéressait,
c’étaient des documents qui étaient à la société, il y avait des documents qui
avaient trait au travail. Par après, c’est le militaire, je crois… En tout cas,
c’est très tard, très tard même. Oui, il disait qu’il nous a appelés, qu’il
y avait beaucoup de documents. Mais les documents qu’on a retrouvés là-bas,
c’étaient des documents très personnels, comme euh… où il parlait du… je crois
de ce que j’ai vu, de l’association Ibuka. En tout cas, j’ai pas trouvé de documents
qui intéressaient mes fonctions.
Me. MONVILLE : Monsieur le
président, je vais être plus précis. Est-ce que c’était avant le mois de juin
1995 ?
le témoin 22 : C’est pas avant.
Me. MONVILLE : Ce n’est pas
avant ? Est-ce qu’on peut demander au témoin, Monsieur le président, comment
il se fait que le 8 juin 95, entendu… dans le cadre d’une commission rogatoire,
je lis la déclaration du témoin : « Je vous autorise
à consulter les dossiers de HIGANIRO que j’ai trouvés chez lui, dans son habitation
à Buye et que j’ai ramenés ici ». Carton 10, farde 34, pièce 9.
Le Président : Alors, c’était
avant juin 95 ?
le témoin 22 : Je me souviens
pas vraiment. A moins que… Attends, oui. Je vais donner une preuve. Je donne
une preuve, parce que je me souviens, hein. Là, celui qui habitait la maison,
c’était un certain KATABARWA. Il allait quitter sa fonction à Butare, et il
a quitté, je crois, avant 96. Vraiment, je ne peux pas donner assez de… de précisions.
Mais il se fait qu’on a retiré des documents et ce que j’ai… ce qui m’a fort
frappé, ce sont des documents qui… ce que je me souviens, ce sont des documents
qui avaient trait avec l’association Ibuka.
Me. MONVILLE : Donc, Monsieur
le président, le témoin ne confirme pas qu’il a retrouvé lui-même les documents
dans l’habitation, à Buye, de Monsieur HIGANIRO, euh… de Monsieur HIGANIRO à
Buye, mais que c’est donc un tiers.
Le Président : Ces documents
dont vous parlez, au mois de juin 1995, quand vous êtes entendu, est-ce que
c’est des documents que vous êtes allé chercher vous-même, est-ce que c’est
des documents qu’on vous avait remis, qui appartenaient… enfin qui se trouvaient
dans la maison de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 22 : Oui. C’est… en
fait, on avait… on avait tout pillé chez HIGANIRO, chez… il y avait des pillages,
il y avait des documents qui étaient éparpillés ici et là, on les avait… Mais
il y avait deux armoires où il y avait des documents, il y en a d’autres qui
étaient dans des cartons. On les avait mis de côté. Certains, euh… attends,
c’est… oui, c’est le major KATABARWA qui me les a… il y a une partie des… des…
des documents qu’il m’a amenés, qui étaient dans des cartons, il y a d’autres
qu’on a… on a… on est allé chercher après.
Me. MONVILLE : Monsieur le
président, en ce qui concerne les documents à la SORWAL, ceux-ci, est-ce que
le témoin peut nous dire ce qu’il a fait notamment de la lettre rapport qu’il
a trouvée le 23 mai 1994 ?
Le Président : Vous trouvez
la lettre rapport. Qu’est-ce que vous en faites ?
le témoin 22 : C’est quel rapport ?
Vous parlez de…
Le Président : La réponse
de Monsieur HIGANIRO du mois de mai 94, la… la réponse à Monsieur le témoin 21.
le témoin 22 : Parce que quand
j’ai trouvé la lettre, bon, je sais pas ce que… je l’ai donnée à qui, bon. Il
y avait beaucoup de… d’enquêteurs, il y avait des gens qui étaient intéressés
par le dossier de HIGANIRO. Je l’ai donnée à quelqu’un et puis, je ne sais pas
comment c’est… et je crois c’est quelqu’un du… c’était quelqu’un du Human Rights
Watch ou African Rights Watch, je me souviens pas exactement de…
Me. MONVILLE : J’ai pas bien entendu la réponse
Le Président :
Human Rights Watch.
Me. MONVILLE : Comment ?
le témoin 22 : Je ne sais pas
exactement. C’était quelqu’un je crois d’African Rights Watch qui était intéressé
aussi par le dossier de HIGANIRO.
Me. MONVILLE : Monsieur le président, est-ce que le témoin peut
alors ou confirmer ou infirmer sa déclaration faite le 10 mai 1995 : « J’avais
remis cette lettre à l’abbé Célestin afin qu’il vous la fasse parvenir ».
le témoin 22 : Oui. L’abbé Célestin,
c’est lui qui était toujours avec la dame de African Rights Watch, qui s’appelait,
je crois, RAKIYA Omar, si je me souviens du nom, exactement.
Me. MONVILLE : Je voudrais demander encore au témoin de quand
datait son dernier contact avec Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 22 : Le contact, euh…
Me. MONVILLE : Personnel.
Le Président : Personnel. Enfin personnel ou professionnel, hein,
puisque vous avez travaillé sous ses ordres.
le témoin 22 : Le contact, c’est
quand je travaillais avec lui. Quand j’étais au ministère des transports et
des communications à… donc, c’est avant octobre 91.
Le Président : Oui ?
Me. MONVILLE : Et alors, je voudrais que le témoin nous précise
encore, puisqu’on a parlé de ces agendas - Monsieur l’avocat général a parlé
d’agendas - de quelle année il s’agissait dans lesquel les mentions qui ont
été rappelées ont été retrouvées ?
Le Président : Vous avez la pièce sous les yeux, vous pourrez
peut-être le rappeler au témoin.
Me. MONVILLE : Oui. Parce qu’apparemment sa mémoire fait parfois
défaut. C’étaient des agendas, est-ce qu’il peut nous confirmer que c’étaient
des agendas de 1991 et 1993 ?
Le Président : Voilà. C’est bien ça ?
le témoin 22 : Heu… j’aimerais
préciser, ma mémoire ne fait pas défaut, c’est que je… je… je… ce que je faisais,
j’aidais à la collection d’une enquête, à la collection d’un dossier, mais je
n’étais pas contre HIGANIRO. Si j’étais contre HIGANIRO, j’aurais dû moi-même…
Le Président : Oui. Mais on ne vous fait pas de reproches…
le témoin 22 : Oui, c’est ça…
Le Président : …vous confirmez bien que ce sont des agendas de
91 et 93.
le témoin 22 : …j’aimerais quand
même apporter cette précision.
Le Président : Monsieur HIGANIRO, voulez-vous vous lever un instant.
Me. MONVILLE : On n’a pas fini, Monsieur le président.
Le Président : Mais moi, j’ai… je peux aussi intervenir.
Me. MONVILLE : Oui, mais enfin on voulait vous signaler qu’on
n’a pas terminé.
Le Président : Oui, eh bien moi, j’interviens. Monsieur HIGANIRO,
contestez-vous que la lettre du mois de mai 1994 adressée à Monsieur le témoin 21
soit de votre main ?
Alphonse HIGANIRO : Non,
Monsieur le président.
Le Président : Contestez-vous que les agendas de 1991 et 1993
qui figurent au dossier soient vos agendas ?
Alphonse HIGANIRO : C’est
mes agendas, Monsieur le président.
Le Président : Bien. Vous pouvez vous asseoir Monsieur HIGANIRO.
Me. CUYKENS : Monsieur le
président, dans son audition, Monsieur l’avocat général a demandé au témoin
de rappeler, le témoin donne la signification de RUKOKOMA, en disant que c’est
le surnom d’une personne. Est-ce que RUKOKOMA ne signifie pas également :
« Conférence nationale souveraine » ?
le témoin 22 : RUKOKOMA, c’est…
au début, c’est… oui, excusez-moi de rire un peu parce que, c’est… il y a des
questions qui sont posées qui… qui concernent… disons, qui peuvent être comprises
par les Rwandais peut-être et qui sont interprétées peut-être mal par ceux qui
ne connaissent pas la réalité rwandaise.
Le Président : Eh bien, parlez
de votre réalité rwandaise.
le témoin 22 : Oui. RUKOKOMA,
c’était le nom qu’on donnait à Monsieur Faustin TWAGIRAMUNGU.
Le Président : Est-ce que ça signifiait autre chose ? Ce
mot, signifiait-il autre chose que la désignation de Monsieur Faustin TWAGIRAMUNGU ?
le témoin 22 : Ça… il faut retrouver
l’origine du mot. On a donné ce nom à TWAGIRAMUNGU parce qu’il demandait en
fait le RUKOKOMA, la Conférence nationale.
Le Président : Voilà.
Me. CUYKENS : Alors, Monsieur
le président, dans son audition du 10 du mois de mai 1995, sur laquelle vous
avez d’ailleurs interrogé le témoin, le témoin signalait que Monsieur HIGANIRO
avait été responsable de licenciements de hauts fonctionnaires. Vous lui avez
posé la question, et puis, il nous a répondu qu’il y avait une perte des avantages,
et en précisant la question, il avait répondu… il a répondu que certaines personnes
n’ont pas obtenu les postes qui étaient prévus dans un projet. Alors, je voudrais
qu’il nous donne une réponse définitive. Est-ce qu’il y a eu des licenciements ?
Est-ce qu’il y a eu des pertes d’avantages pécuniaires ou autres ? Ou est-ce
qu’il y a eu quelques personnes qui n’ont pas été engagées dans un projet qui
avait été prévu ?
Le Président : Voilà. Est-ce que c’étaient des licenciements de
fonctionnaires ? Etait-ce des fonctionnaires qui perdaient des avantages ?
le témoin 22 : Il y a un peu
de tout. Je pense qu’en fait, bon, je ne sais pas si je peux faire des commentaires
sur… c’est des questions mais…
Le Président : Non. Il faut répondre aux questions.
le témoin 22 : Oui. OK. Excusez-moi,
je vais… je réponds aux questions. Il y avait des licenciements. Il y avait
des gens qui étaient… qui perdaient… Notamment, il y avait des gens qui étaient
pas démis de leurs fonctions, mais arrêtés de leurs fonctions sans motif, sans…
même sans suivre la loi. Il y avait des gens qui perdaient leurs avantages de
stage. Il y avait… il y avait de tout… de toute une série de… de maltraitances
d’une partie du personnel. De façon que même une partie du personnel a écrit
dans un journal, je ne me souviens pas lequel, où il dénonçait toutes ces… ces
choses.
Me. CUYKENS : Monsieur le
président, d’après ce que le témoin sait des activités, enfin des compétences
gouvernementales à l’époque, ça n’était pas dans les compétences du ministère
de la fonction publique éventuellement de licencier des hauts fonctionnaires ?
Le Président : Alors, c’était
des hauts fonctionnaires du ministère dont Monsieur HIGANIRO était le ministre ?
le témoin 22 : Oui. Les licenciements,
en fait, bon, disons, ça dépend de comment vous interprétez la chose. Un ministre
licencie. Il peut licencier un fonctionnaire mais c’est pas définitif. C’est
définitif lorsque le ministère de la fonction le fait. Il… il peut arrêter :
« Tu es suspendu de tes fonctions, mais après, tu es licencié par la fonction
publique ».
Me. CUYKENS : Tout à l’heure,
Monsieur le président, vous avez demandé au témoin s’il avait connaissance de
ce que les personnes engagées qui étaient d’anciens militaires, exerçaient la
fonction de garde. Il nous a répondu qu’à son sens, il n’était pas utile d’engager
des militaires mais il n’a pas répondu s’il avait eu cette connaissance-là.
le témoin 22 : Oui, j’ai eu
connaissance que c’étaient des militaires. Ils avaient même… il y avait même
des documents qui montraient des numéros de quoi, de militaires, leur grade,
il y en avait.
Le Président : Ils ont été
gardes, ces gens-là, ou pas ?
le témoin 22 : Gardes à la SORWAL ?
Le Président : Oui.
le témoin 22 : Oui.
Me. CUYKENS : Je crois que
je n’ai plus d’autres questions, Monsieur le président. Merci.
Le Président : Plus d’autres questions ? Les parties sont-elles
d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 22, est-ce que…
le témoin 22 : Pardon.
Je peux ajouter une chose ? C’est possible ?
Le Président : Je crois que nous avons déjà travaillé beaucoup
ce matin, alors à moins que vous ayez quelque chose de capital à annoncer à
propos de monsieur HIGANIRO…
le témoin 22 : Oui, c’est ça
en fait, c’est un éclaircissement sur les déclarations de l’accusé que j’ai
lues dans la Libre Belgique.
Le Président : Ah oui, non,
non. Non, non. Ça, si vous voulez, vous écrivez à la Libre Belgique. Si vous
voulez bien, mais…
le témoin 22 : Non. Excusez-moi,
Monsieur le président.
Le Président : Oui.
le témoin 22 : C’est que ça
a toujours été pareil ici, dans la Cour où on dit qu’il a été… où on parle de
disgrâce et qu’il a été parachuté dans une petite entreprise d’allumettes de
Butare.
Le Président : Mais vous
avez expliqué en fait dans votre témoignage ici, notamment, et…
le témoin 22 : J’ai expliqué…
Le Président : …et dans votre
témoignage écrit que c’étaient des proches du président le témoin 32…
le témoin 22 : Oui, c’est ça.
Le Président : …qui obtenaient
ce poste.
le témoin 22 : C’est ça, mais
je voudrais aussi ajouter une autre chose. C’est que le directeur général de
la SORWAL, euh… il avait des avantages, certains avantages étaient supérieurs
à ceux de ministres. C’est-à-dire, pour montrer que c’était pas une disgrâce,
bon, le salaire, d’abord le salaire de directeur général de la SORWAL était
supérieur au salaire du ministre.
Le Président : Oui.
le témoin 22 : Donc, c’était
une petite précision, je pense, qui est utile aussi à la Cour.
Le Président : Monsieur HIGANIRO
nous avait déjà expliqué lui-même que son salaire était supérieur à celui de
ministre.
le témoin 22 : Voilà. C’est
ça.
Le Président : Il n’explique
peut-être pas toujours la même chose aux journaux que ce qu’il explique à la
Cour, ça je n’en sais rien. Parce que moi, je ne lis pas les journaux. Je veux
rester absolument perméable aux informations venant de l’extérieur.
le témoin 22 : Ah.
Le Président : Bien. Monsieur
le témoin 22, est-ce bien des accusés ici présents dont vous avez voulu parler ?
Le sens de cette question étant de savoir si vous persistez, si vous maintenez
vos déclarations ?
le témoin 22 : Pardon ?
Le Président : Confirmez-vous
vos déclarations ?
le témoin 22 : Oui. Je confirme
mes déclarations.
Le Président : Je vous remercie
pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps.
Un commentaire ?
Me. CUYKENS : Monsieur HIGANIRO
souhaiterait faire un commentaire.
Le Président : Bien. Si vous
en faites, qu’il soit le plus bref possible. Maître HIRSCH souhaite faire un
commentaire. Et qui d’autre ?
Me. CUYKENS : Monsieur HIGANIRO.
Le Président : Monsieur HIGANIRO.
Et bien Maître HIRSCH va d’abord faire son commentaire.
Me. HIRSCH : Eh bien, Monsieur
le président, je me demandais si on pouvait interroger Monsieur HIGANIRO sur
ce qui venait d’être dit, mais je suppose qu’il va le faire spontanément et
principalement sur la question de ces espèces de… de dons qui étaient donc consentis
à des Interahamwe.
Le Président : Je ne pense
pas que le témoin ait parlé de dons, hein. Donc, ce mot-là est une interprétation
de votre part et un commentaire peut-être. Mais je ne pense pas que le témoin
ait parlé de dons.
Me. HIRSCH : Une livraison
de marchandises qu’on ne paie pas, Monsieur le président, vous avez vous-même
constaté que c’était un avantage certain.
Le Président : Ça pouvait
présenter effectivement un avantage. Monsieur HIGANIRO.
Alphonse HIGANIRO : Je vous
remercie, Monsieur le président. Je voudrais d’abord signaler que le témoin,
Monsieur le témoin 22, a versé, dès le début de l’instruction, un tout petit, petit
document dans le dossier (ce petit document était en anglais) où il disait que
le rôle de HIGANIRO dans le génocide était d’avoir financé les Interahamwe.
Ça fait quelques lignes, trois ou quatre lignes, et c’est tout ; ça n’a
pas été développé davantage. Dans mon interrogatoire récapitulatif, auquel Monsieur
le magistrat instructeur a fait allusion, j’ai demandé au juge d’instruction
de pouvoir éclaircir cette situation, une fois sur place, par l’intermédiaire
des documents de gestion de la SORWAL. Je me souviens également que dans le
dossier, mon conseil d’alors avait écrit à Monsieur le juge d’instruction en
lui demandant de bien vouloir expliciter cette question. Vous aurez constaté
que jusqu’à date, il n’y a pas eu de réponse à ces sollicitations.
Maintenant nous sommes… nous venons d’assister à un témoignage qui
porte précisément sur la question. Sur cette question-là, Monsieur le président,
je voudrais d’abord dire que le compte dont on parle, c’est un compte client.
Ce n’est pas des dons qu’on donne aux gens. C’est un compte client, ces clients
qui se trouvent recensés là-bas sont des clients de la SORWAL. Pour pouvoir
mieux apprécier ce que cela représente, et du point de vue commercial, il aurait
fallu suivre le mouvement de ce compte client. C’est-à-dire prendre chaque client
au moment où je suis arrivé à la SORWAL, suivre l’évolution de ces mouvements,
c’est-à-dire l’actif et le passif, pour combien il a acheté, pour combien il
a payé et aller jusqu’à la fin de ma gestion, c’est-à-dire jusqu’à la fin de
l’exercice 93 puisque 94, c’était jusque 6 avril, il n’y avait pas encore clôture
de comptes, mais on peut aussi, bien sûr, aller jusque le 6 avril, là, il n’y
a pas de problème.
Tout le monde sait très bien que dans n’importe quelle entreprise
commerciale, il existe des comptes qu’on appelle des clients douteux. Ce compte-là
qui est évoqué, c’est le compte de clients douteux. Ce compte-là, c’est moi
qui l’ai établi. On pourrait vérifier dans les documents, on verra bien que
c’est moi qui ai établi ce compte. Et précisément, le conseil d’administration
qui s’est réuni le 26 janvier 94, a été appelé à examiner ce compte. Et le document
dans lequel on a tiré cette page, c’est le document de travail de ce conseil
d’administration. Je veux être bref, Monsieur le président.
Quand je suis arrivé à la SORWAL, la politique commerciale de la
SORWAL, elle était essentiellement basée sur le crédit. Ce crédit comment fonctionnait-il ?
Le directeur général donnait un crédit à son client, le client allait vendre
la marchandise et après la marchandise (la vente de la marchandise), il payait
la société. Il s’est passé alors pour certains clients, ce qui a été évoqué
ici, que ce client pouvait prendre les allumettes, les vendre légèrement moins
cher que le prix d’achat, pour pouvoir disponibiliser des liquidités et aller
se lancer dans une opération plus juteuse, de spéculation commerciale. Effectivement,
cet aspect-là est arrivé et j’ai mis un peu de temps pour le constater (pratiquement
tout l’exercice 91), j’ai mis un peu de temps pour le constater. Et qu’est-ce
que j’ai fait ? Avant d’arriver à ce que… aux mesures que j’ai proposées,
Monsieur le président, je dois signaler que parmi ces clients à crédit de la
SORWAL, il y avait un certain BANYERETSE qui était pratiquement le seul client
de la SORWAL. Quand je suis arrivé à la SORWAL - on peut vérifier ça dans les
documents - il avait un crédit de près de 70 millions de francs. Cela ne veut
pas dire qu’il… il a acheté rien que pour 70 millions, bien sûr.
Il a acheté pour plus de millions. Mais la différence entre ce qu’il
a acheté et ce qu’il a payé, ça représentait 70 millions et là, je fais allusion
aux mouvements du compte de ce client. Ce client, il se trouvait qu’il était
un client qui représentait le mouvement, le MRND, donc mon parti à moi, à Cyangugu,
et le directeur d’alors, c’était Monsieur NGIRIRA. Tout le monde sait bien qu’il
était MDR, c’est-à-dire le principal parti de l’opposition au parti MRND. Il
l’a fait pourquoi ? Je ne pense pas qu’on puisse lui dire qu’il est en
train d’aider les Interahamwe. Non. Il l’a fait parce que son usine avait besoin
d’argent, il devait produire pour vendre et il a regardé un client, il a regardé
le client qui vient et qui a de l’argent, qui vient acheter chez lui. Je donne
cet exemple parce que sur la liste qui est sortie dans les journaux, ici, il
y a, là-dedans, il y a là-dedans des Tutsi qui ont été servis - je ne veux pas
raconter ce qui s’est passé exactement, je ferai le résumé, il fait tard - qui
ont été servis et directement sont partis, disparus. Et il existe un dossier
à la SORWAL, il existe un dossier à la justice rwandaise, il existe un dossier
à l’Interpol. Ils ont été poursuivis. On n’a pas pu les retrouver mais les poursuites
judiciaires existent.
Alors, je reviens maintenant sur les autres clients, ceux qu’on qualifie
de clients du… ceux qu’on qualifie de clients du MRND et du… des Interahamwe.
Certains de ces clients, c’étaient des clients effectivement, je les ai trouvés,
clients à la SORWAL. D’autres effectivement sont venus après. Je vais citer
par exemple celui qu’on appelle RUHUMULIZA- SOJEDI qui a le compte client le
plus élevé, 27 millions, parce que celui qu’on a…dont on a parlé, qui s’appelle
KAJUGA Robert, président… Monsieur le président, n’a pas 40 millions, 50 millions
dont on parle, c’est 2 millions, 2 millions et quelque chose, c’est pas 30 millions,
c’est pas 50, ça se trouve dans le dossier, c’est 2 millions et quelque chose.
Qu’on regarde un peu ce compte client 27 millions de Monsieur SOJEDI, on se
rendra bien compte que ce compte n’a plus bougé depuis au moins un an avant
le 6 avril. Au moins un an. C’est-à-dire, c’est-à-dire quoi ? Ce monsieur,
j’ai arrêté ses ventes à la SORWAL, fin 92. J’ai arrêté ses achats, pardon,
à la SORWAL, ses achats à la SORWAL et j’ai ouvert un dossier, un dossier judiciaire.
Ces biens ont été recensés pour être saisis comme garantie à ses achats. J’avais
un directeur commercial, je dis cela… j’étais directeur général, j’avais un
directeur commercial, il sera témoin ici, il apportera à la Cour et aux jurés,
des précisions là-dessus mais le premier client qui a fait 60 millions de compte
débiteur chez mon prédécesseur, il n’a plus été client…
[Sonnerie de GSM]
C’est un incident, Monsieur le président, je m’excuse.
Le Président : Voyez-vous,
vous, je ne peux pas vous faire expulser de la salle. Mais c’est pas une raison
pour refaire la même chose une autre fois…
Alphonse HIGANIRO : D’accord,
Monsieur le président. Euh… Il n’a plus été client de la SORWAL. Il a été contraint,
s’il voulait bien redevenir client, de payer jusqu’au dernier sou. Monsieur
le témoin 22 ne le dit pas, s’il a été directeur général pendant un an ou deux, cela
était dans le dossier, il aurait pu voir ça. Il a été contraint de payer ses
dettes…
[Sonnerie de GSM]
Le Président : …coupe-moi
ça, coupe-moi ça…
Alphonse HIGANIRO : …et il
n’a fait, pendant tout mon séjour à la SORWAL, à Butare, il n’a fait que payer.
Et il n’est pas sur la liste. Il a payé les 60 millions et puis il est parti
dans d’autres activités. On peut aussi vérifier qu’il était le représentant
du MRND dans cette préfecture.
Alors, Monsieur le président. Monsieur le témoin 22 il a dit : « Oui,
il y a eu quelques poursuites, mais j’ai continué à servir ». Il y a eu…
il y a eu… il ne faut pas dire « Il y a eu quelques poursuites »,
tous ont été poursuivis. Et les dossiers judiciaires, ils existent, on peut
le vérifier. Ils existent à la SORWAL. Ils existent dans les instances judiciaires
rwandaises. Tout cela peut être facilement vérifié. Il a été demandé au magistrat
instructeur, ça se trouve dans mes auditions, de pouvoir le faire. Ce qui n’a
pas été fait. Bon. Je dois dire, Monsieur le président, qu’il n’y en n’a pas
un seul qui soit sur la liste des clients douteux qui ait été servi après qu’il
ait figuré sur la liste des clients douteux. Je dois ajouter, Monsieur le président,
que cette façon de faire me semblait un peu difficile. J’ai établi un dossier
au conseil d’administration pour solliciter que le conseil d’administration
décide que la politique de vente à crédit soit abandonnée. Ce document, il existe,
il s’appelle : « Stratégie de vente ». Je l’ai soumis au conseil
d’administration et le conseil d’administration a décidé, et là, j’ai le procès-verbal,
le procès-verbal existe dans les pièces à conviction, où il est bien mis qu’on
ne fera plus de vente à crédit, qu’on ne fera plus de client à grande capacité
financière, on n’acceptera plus d’avoir un monopole en vue de pouvoir diversifier
et donc, surveiller le prix des allumettes au niveau de la vente, par nos clients.
Tout cela, Monsieur le président, ça se trouve dans le dossier.
J’ai hérité d’une soc… d’une entreprise en état de décomposition
fort avancé. Quand je suis arrivé à la SORWAL, cette société faisait un déficit,
je l’ai dit, de plus de 80 millions. La deuxième année de ma gestion, elle a
fait un déficit de 5 millions, après avoir épongé le déficit précédent. Ça veut
dire que j’ai 80 millions de bénéfice, presque, 75 millions de bénéfice presque.
Qu’on vérifie que si l’année 93, si je n’ai pas fait un bénéfice de presque
autant, de près de 70 millions. Je ne peux pas comprendre. Des choses qu’on
peut facilement vérifier, dans une instruction normalement menée, un… un témoin
pourtant aussi informé, parce qu’il a eu accès à ces documents, vienne devant
la Cour, devant les jurés, raconter des choses, comme si ces choses-là n’étaient
pas vérifiables. Est-ce qu’il n’est pas possible de saisir les documents de
la SORWAL ? Il n’est pas possible d’envoyer quelqu’un là-bas ? Je
ne sais pas comment faire, Monsieur le président, amener tous ces comptes de
clients, que nous puissions en parler, les exploiter, avec un support matériel
en main.
Monsieur le président, j’avais d’autres observations à pouvoir faire
mais je ne sais pas si vous me le permettrez, Monsieur le président, compte
tenu du temps… parce qu’il y a des choses qui ne sont pas correctes, Monsieur
le président, que le témoin a évoquées.
Quand on lui pose la question au sujet des cinq personnes qu’il qualifie
d’Interahamwe, qui étaient des militaires et que j’aurais engagés peu de temps,
il répond en… en s’évadant un peu. Pourtant, dans les dossiers de la SORWAL,
il est bien indiqué que les postes de gardes armés ont été créés par le conseil
d’administration. Il y a un procès verbal pour ça. Moi, gestionnaire de la société
dans laquelle j’ai pas d’actions, simplement gestionnaire, j’étais pas président
directeur général délégué, je n’étais que gérant. Je ne pouvais pas créer des
postes. Ces postes ont été créés par le conseil d’administration, il y a un
procès-verbal pour ça, il est dans… dans les pièces à conviction, on peut le
constater. Est-ce qu’il va dire qu’il n’a pas vu ce PV. Il était directeur général
de quoi alors ? Est-ce qu’il était à la SORWAL ou il faisait autre chose ?
Les documents existent à ce sujet, Monsieur le président, on peut bien vérifier.
Alors, je voudrais aussi, Monsieur le président, au sujet de… des
trois choses que Monsieur l’avocat général a demandées au témoin de confirmer.
Je dois regretter que les lectures qui ont été faites ont été tronquées. C’est
simplement un mot ou deux mots qui étaient cités, mais pas toute la phrase.
D’abord en signalant que, quand j’ai demandé 30 Hutu au parquet, j’étais pas
à la SORWAL, j’étais… c’était en 91, comme le montre mon agenda, j’étais ministre,
comme je l’ai dit, j’étais politiquement engagé. Ici, on sait qu’il y a par
exemple dans certaines fonctions, l’équilibre linguistique. Chez nous, il y
avait l’équilibre ethnique en ce qui concerne l’occupation des emplois. C’était
la politique du pays, c’est… c’était la politique du pays, il y avait l’équilibre
ethnique qu’il fallait respecter. Et j’ai demandé, au moment où j’étais ministre,
à mes collègues du gouvernement : « Est-ce qu’on peut équilibrer à
ce niveau-là ? ».
Alors, éliminer KAVA, et c’est effectivement KAVARUGANDA. La lecture
de tout ce qui est écrit dans mon agenda aurait été : « Eliminer KAVARUGANDA parce qu’il bloque ». C’est écrit
dans mon agenda, Monsieur l’avocat général. Et j’ai demandé ça, parce que KAVARUGANDA
venait de bloquer le budget national, comme je l’ai expliqué, alors qu’il ne
pouvait pas le faire, il ne pouvait pas s’aligner à un parti politique, il était
magistrat et la loi sur les partis ne le lui permettait pas. Il avait fait une
faute professionnelle. Et quand je dis l’« éliminer », c’est de la
Cour constitutionnelle, pour le mettre ailleurs.
Le Président : On pourrait
mettre, je sais pas, destituer, euh…
Alphonse HIGANIRO : Oui.
C’est ça. Alors, en ce qui concerne RUKOKOMA, l’agenda est clair là-dessus.
Ce qui n’est pas lu, dit ceci : « Ecrire un petit
livret pour expliquer aux partis de l’opposition pourquoi nous ne voulons pas
RUKOKOMA ». Est-ce qu’on peut écrire un livre pour dire pourquoi
on ne veut pas d’un individu ? Un livre, c’est pour expliquer une idée.
RUKOKOMA, tous les Rwandais savent très bien que ce mot-là signifie la Conférence
nationale souveraine. Ça ne signifie pas autre chose. Mais RUKOKOMA en tant
que TWAGIRAMUNGU Faustin, lui, il a prêché tellement souvent qu’on instaure
la Conférence nationale souveraine, qu’il a fini par avoir le sobriquet de RUKOKOMA.
Mais, dans mon agenda, RUKOKOMA qui est là-dedans, comme je le dis, c’est expliqué…
Le Président : C’est la Conférence
nationale
Alphonse HIGANIRO : C’est la Conférence
nationale, et Monsieur le président, c’est expliqué dans… dans l’agenda sur
peut-être trois colonnes, et chaque colonne avec quatre ou cinq lignes, pour
expliquer de quel RUKOKOMA il s’agit, Monsieur le président.
Je peux peut-être m’arrêter ici. J’ai évoqué le plus important. Si
vous devez chercher les autres points où le témoin a volontairement, je ne dirai
pas qu’il a menti, mais il n’a pas dit toute la vérité contrairement au serment
qu’il a prêté, mais ce que je voulais, Monsieur le président, solliciter, c’est
que tout ce que je viens de dire, puisque ça a des traces écrites dans les archives
de la SORWAL - enfin, du moins si elles existent encore, et je suppose qu’elles
existent - qu’on puisse le vérifier, Monsieur le président. Je vous remercie,
Monsieur le président.
Le Président : Bien. Plus
de commentaires ? Bon l’audience va être suspendue, elle reprendra à 14h30,
il faut quand même nous laisser un peu le temps de souffler. |