7.3.20. Auditions des témoins: le témoin 130
Le Président : Alors, Monsieur
le témoin 130.
Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 130 : Je m’appelle
le témoin 130.
Le Président : Quel âge avez-vous
?
le témoin 130 : 38 ans.
Le Président : 38 ans. Donc,
ce n’est pas vous qui êtes né le 30 mai 58.
le témoin 130 : Non.
Le Président : Bien. Quelle
est votre profession ?
le témoin 130 : Je suis
ingénieur électricien.
Le Président : Quelle est
votre commune de domicile ou de résidence ?
le témoin 130 : Ici,
en Belgique ?
Le Président : Oui.
le témoin 130 : Anderlecht.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains des accusés avant le mois d'avril 1994 ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : Qui connaissiez-vous ?
le témoin 130 : Monsieur
HIGANIRO.
Le Président : Monsieur HIGANIRO.
Etes-vous de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : Etes-vous
attaché par un lien de contrat de travail avec les accusés ou les parties
civiles ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : Je vais vous
demander, Monsieur, de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment
de témoin.
le témoin 130 : Je jure
de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la
vérité.
Le Président : Je vous remercie.
Asseyez-vous, Monsieur. Je n’ai pas trouvé non plus, en ce qui vous concerne,
une audition dans le dossier d’instruction préparatoire. Euh… vous avez dit,
il y a quelques instants, que vous connaissiez Monsieur Alphonse HIGANIRO. Pouvez-vous
expliquer dans quelles circonstances vous avez fait sa connaissance ? Et
à quelle époque ?
le témoin 130 : Bon,
j’ai fait connaissance avec lui en 1994 au mois de février, donc euh… j’avais
demandé un emploi à la SORWAL et c’est à partir de là où j’ai pu faire connaissance
avec lui.
Le Président : En février
1994 ?
le témoin 130 : Oui.
Au mois de février, oui.
Le Président : Avez-vous
été engagé à la SORWAL ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : Vous avez
été engagé sur recommandation politique ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : Vous vouliez
être engagé en quelle qualité ?
le témoin 130 : J’ai
été engagé comme ingénieur de maintenance.
Le Président : Ingénieur
de maintenance ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : En février
94 ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : Vous n’avez
donc pas vu Monsieur HIGANIRO très longtemps ?
le témoin 130 : Non,
je l’ai vu juste jusqu’au 6 avril 94.
Le Président : Vous avez
eu un entretien avec lui pour être engagé ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : A la SORWAL ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : Avec lui-même
ou avec d’autres personnes ?
le témoin 130 : Avec
d’autres personnes.
Le Président : Vous l’avez
rencontré, lui, personnellement ?
le témoin 130 : Non,
avec les autres.
Le Président : Lors de votre
engagement ou de l’entretien, des entretiens qui ont précédé votre engagement,
des questions vous ont-elles été posées en ce qui concerne votre appartenance
ethnique ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : En ce qui
concerne vos engagements politiques ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : En ce qui
concerne votre région d’origine ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : En ce qui
concerne vos diplômes ?
le témoin 130 : Ça oui,
parce qu’il y avait des conditions pour euh… être engagé à ce poste. Evidemment,
j’ai fait… j’avais fait un CV donc, on savait exactement mon diplôme.
Le Président : Avez-vous
déjà eu des entretiens avec Monsieur HIGANIRO, d’ordre professionnel ?
le témoin 130 : Avant
d’être engagé ou après l’engagement ?
Le Président : Avant. Avant
votre engagement.
le témoin 130 : Bon,
donc, j’ai eu un entretien, donc une interview à la SORWAL, donc euh… compte
tenu du poste que je devais assurer, donc euh… j’étais obligé de… du voir.
C’était une obligation.
Le Président : Et au cours
de vos activités professionnelles, vous avez eu des contacts et des entretiens
avec Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 130 : Bon,
il passait de temps en temps dans nos bureaux pour voir comment on travaille.
Le Président : Comment décririez-vous
la personnalité de votre patron de l’époque ?
le témoin 130 : Il était
très sérieux et très sympa et…
Le Président : Sévère ?
le témoin 130 : Non. Si quelqu’un travaille mal, oui. Mais si tout allait
bien, il était très gentil.
Le Président : Connaissez-vous
quelque chose des… des positions politiques de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : Vous avez
travaillé à la SORWAL jusqu’à quand ?
le témoin 130 : Donc,
j’ai commencé à travailler à la SORWAL depuis… au mois de février 94…
Le Président : Oui.
le témoin 130 : …et
jusqu’à… jusqu’au 20 mai 94.
Le Président : Jusqu’au 20
mai ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : La SORWAL
a-t-elle travaillé pendant le mois d’avril ?
le témoin 130 : On a
travaillé au mois d’avril jusque le 6 avril.
Le Président : Oui.
le témoin 130 : Après,
après l’attentat du président le témoin 32, on a… on a fermé l’usine. Durant
tout le mois d’avril.
Le Président : Tout le mois
d’avril, l’usine n’a plus fonctionné ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : Le travail
a repris…
le témoin 130 : Donc,
après le 6.
Le Président : Oui après
le 6, oui.
le témoin 130 : Oui,
c’était fermé.
Le Président : Le travail
a repris à quelle date ?
le témoin 130 : C’est
au début du mois de… de mai.
Le Président : Au début du
mois de mai ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : Avez-vous
eu connaissance que, dans le courant du mois de mai, il aurait pu y avoir, suite
à des pluies, des écoulements de boue sur euh… la cour de déchargement de l’usine ?
le témoin 130 : Donc,
dans l’usine, avant le, le 6 avril, il y avait des travaux. Donc, il y avait
le champ en labour et puis il y avait aussi deux citernes qu’on devait assurer
l’asservissement, c’est-à-dire qu’on avait fait tracer la tranchée pour justement
mettre le câble là-dedans, donc, on n’a pas pu… eu le temps, disons, de couvrir
tout ça et du fait que le champ… on avait… donc euh… pour le champ qui était
justement aussi, il y avait des travaux là-dedans, il y avait des prisonniers
qui sont venus pour travailler là-dessus, mais c’était toujours inachevé. Donc,
le fait que c’était la saison des pluies…
Le Président : Oui.
le témoin 130 : Donc,
il y a eu des… de la boue qui était déversée, suite à cette pluie.
Le Président : Et c’était
de la boue, des déversements de boue à ce point important que… que… vous voyez
où ça se trouve, là, la cour où le camion manœuvrait pour décharger ?
le témoin 130 : Donc,
c’était juste sur le passage entre le bureau technique et l’usine. Donc, juste
quand on passait directement à l’usine, on ne pouvait pas passer directement
parce que la boue était… était donc euh… avait donc attaqué tout le passage.
Le Président : Et il y avait
de la boue sur le parking où le… où les camions manœuvraient ?
le témoin 130 : Là où
on passait…
Le Président : Ah, là où
on passait.
le témoin 130 : …là
où on passait pour aller dans l’usine, il y avait la boue.
Le Président : Et il y avait
ça tout le temps, tous les jours ?
le témoin 130 : Non.
Le Président : Qui est-ce
qui nettoyait cette boue ?
le témoin 130 : C’est…
c’est les ouvriers.
Le Président : Les ouvriers
de… de l’usine ?
le témoin 130 : Oui.
Le personnel de l’usine, oui.
Le Président : C’était pas
des prisonniers qui venaient de la prison pour nettoyer ?
le témoin 130 : Non,
les prisonniers sont venus pour travailler dans le champ. Mais les autres travaux
étaient consacrés pour le personnel de la SORWAL.
Le Président : Tiens, vous…
vous alliez parfois travailler le dimanche à l’usine ?
le témoin 130 : Non,
j’ai jamais travaillé le dimanche, mais la personne qui travaille de temps en
temps le dimanche, c’est Monsieur euh…
Le Président : le témoin 21.
le témoin 130 : …le témoin 21
Martin.
Le Président : le témoin 21.
Oui. C’était le seul qui allait travailler le dimanche ?
le témoin 130 : En fait,
c’était… il y a, je ne sais pas, il passait de temps en temps pour planifier
les travaux, mais je peux pas dire qu’il y avait d’autres. Ça, je suis pas au
courant. Mais ce que je sais, c’est qu’il passait là-bas pour euh… de temps
en temps, le dimanche.
Le Président : D’accord.
Avez-vous entendu dire qu’un camion aurait eu des difficultés, comme ça, justement
un dimanche, à cause de la boue sur l’aire de parking là, sur l’aire de…
le témoin 130 : Non,
j’ai pas été mis au courant.
Le Président : Vous n’avez
pas été mis au courant de ça. Bien, y a-t-il des questions à poser au témoin ?
Monsieur le 6e juré.
Le 6e Juré : Les
travaux qui… qu’ils ont faits pour euh… la bananeraie, c’est pas avec un Caterpillar ?
Vous pouvez demander si c’est avec un Caterpillar ?
Le Président : Oui. On a
fait des travaux d’aménagement d’une bananeraie pour la transformer en champ,
là, pour faire planter des patates et faire des… des clapiers à lapins et tout
ça. Vous voyez ce dont je veux parler ?
le témoin 130 : Oui,
je vois ce que vous voulez dire. Moi, j’ai vu, moi, ce que je vous dis, c’est
ce que j’ai vu. Donc, j’ai vu les prisonniers venir travailler, mais j’ai pas
pu trouver cet engin. Non.
Le Président : Vous n’avez
jamais vu qu’on, qu’on a utilisé un Caterpillar pour…
le témoin 130 : Non,
je… je me rappelle plus.
Le Président : Bien. Une
autre question ? Monsieur le 2e juré suppléant.
Le 2e Juré suppléant :
Oui, Monsieur le président. Euh… donc apparemment, il y a eu une tranchée qui
a été faite. Est-ce que c’était pour des câbles ou des canalisations ?
Le Président : Oui, là, vous
avez parlé d’une tranchée qu’on a faite. C’était pour des câbles ou pour…
le témoin 130 : Oui,
c’était juste… c’était pour mettre des câbles là-dedans.
Le Président : Des câbles
ou des canalisations ?
le témoin 130 : Non,
non, non, non. On avait fait… on avait fait creuser la tranchée pour mettre
les câbles là-dedans. Pas de canalisations.
Le Président : Parce qu’on
nous a parlé de travaux d’une tranchée qui devait servir à… si j’ai bien compris
à…
le témoin 130 : Non,
c’était juste, c’était…
Le Président : …à relier
deux citernes d’eau.
le témoin 130 : Oui,
c’est ça.
Le Président : Avec des câbles
ou avec des canalisations ?
le témoin 130 : C’est-à-dire
que, donc, ces câbles, c’était juste des câbles électriques, c’était juste pour
faire l’asservissement. L’asservissement, c’est-à-dire qu’on devait faire un
automatisme sur le débordement et ainsi de suite.
Le Président : Ah oui, d’accord.
Bien. Une autre question ?
Le 6e Juré : Est-ce
qu’il a vu plus ou moins la profondeur de… de ces canalisations avant de mettre
ces câbles ?
Le Président : La profondeur
de la tranchée ?
Le 6e Juré : De
la tranchée, oui.
Le Président : Cette tranchée
avait quelle profondeur ?
le témoin 130 : Plus
ou moins 50 cm.
Le Président : Une cinquantaine de centimètres ?
le témoin 130 : Oui,
parce que c’est quelque chose de… c’est le règlement technique qui impose ça.
Le Président : Et quelle
largeur ça avait ?
le témoin 130 : Je…
une affaire de… autour de 50 centimètres aussi.
Le Président : Oui ?
Le 6e Juré : Et
ils ont fait ça avec des pelles ou avec une machine ?
le témoin 130 : Non,
c’est avec des pelles.
Le Président : Avec des pelles ?
le témoin 130 : Oui.
Le Président : Une autre
question ? Maître EVRARD ? A moins que… non ?
Me. EVRARD : Monsieur le
président, je suis un malheureux technicien. Le témoin peut-il nous préciser
cette question de canalisation et de fils électriques. Si je comprends bien,
les fils électriques devaient servir à assister, à alimenter ou euh… aider des
pompes qui éventuellement reliaient des citernes. Je ne comprends pas très bien,
mais je suppose que si on parle de citernes et que l’on veut faire passer de
l’eau d’une citerne à une autre, il faut des canalisations. Existaient-elles ?
Je ne sais pas, je n’ai pas très bien compris l’explication, et donc, je souhaiterais
une précision.
le témoin 130 : En fait,
ce fil qui était dans… dans la tranchée, c’était pour… En fait, dans… dans la
citerne, il y avait des… il y avait des poires électriques.
Le Président : Oui ?
le témoin 130 : Donc,
donc, on devait absolument les raccorder sur le courant électrique.
Le Président : Oui ?
le témoin 130 : Donc,
juste sur la citerne qui était en bas, il y avait une pompe et avec une alimentation
électrique. Donc, on était obligé de faire monter des fils jusque sur… à la
citerne qui était au niveau supérieur, justement, pour pouvoir travailler avec
ces poires qui étaient plongées là-dedans.
Le Président : Bien. Je ne
sais pas si ça avancera fort sur les faits qui sont reprochés aux accusés mais…
en tout cas, il y avait une tranchée. A ce niveau-là, je crois que c’est effectivement
intéressant mais il y a peut-être un autre intérêt, hein.
Me. EVRARD : Oui, Monsieur
le président. La question de la tranchée, c’était évidemment parce qu’on nous
a parlé, des témoins sont venus nous le dire, que des roues de camion auraient…
seraient rentrées dans cette tranchée. C’est simplement l’intérêt de la question.
Le Président : Oui. Et au
fond, effectivement, que ce soit des fils électriques ou des canalisations qu’il
y a dans le fond de la tranchée…
Me. EVRARD : Il y a toujours
une tranchée.
Le Président : Oui, d’accord.
Me. EVRARD : Merci, Monsieur
le président.
Le Président : Bien. Maître
HIRSCH.
Me. HIRSCH : Oui, merci,
Monsieur le président. Est-ce que le témoin pourrait nous dire en - mais très,
très brièvement - en quoi consistait son travail ?
Le Président : C’était quoi
votre travail à la SORWAL ?
le témoin 130 : Ingénieur
de maintenance.
Le Président : Donc vous
vous occupiez des machines, des choses de ce genre ?
le témoin 130 : Oui,
tout ce qui est électromécanique.
Le Président : Oui.
Me. HIRSCH : Est-ce que le témoin
peut nous dire alors pourquoi il a demandé une autorisation de port d’arme, le
25 mars 1994 ? Et il a fondé cette demande sur le fait qu’il travaille
à la SORWAL et qu’il assure la responsabilité de chef de maintenance et que
sa sécurité était menacée suite à « l’environnement politique actuel ».
Le Président : Vous avez…
Me. HIRSCH : Peut-il nous
dire si…
Le Président : Vous avez
fait une demande de port d’arme ?
le témoin 130 : Oui,
je l’ai fait.
Le Président : Et c’était
quoi cet « environnement politique actuel » ?
le témoin 130 : C’est
pas un environnement politique, c’est parce que, compte tenu de la situation,
tout le monde avait peur. Donc, on n’avait pas de gens qui nous gardaient et
on rentrait chez nous… Donc, c’est au cas où on était attaqué par le FPR, on
dit : « Il faut se défendre ». C’était seulement ça. Pour le
reste… d’ailleurs l’arme, on n’a pas pu même l’avoir. Ça, on a écrit mais on
n’a pas pu trouver la réponse.
Le Président : Il y a d’autres
membres du personnel qui ont demandé un port d’arme ?
le témoin 130 : Non.
Ça, je connais pas.
Le Président : Une autre
question ? Maître FERMON.
Me. FERMON : Monsieur le
président, le témoin était ingénieur de maintenance. Est-ce que cela signifie
que le personnel de maintenance travaillait sous sa… sous sa direction ?
Les techniciens de maintenance ?
Le Président : Vous aviez
du personnel sous vos ordres ?
le témoin 130 : Oui.
Il y avait des ouvriers et… il y avait des ouvriers.
Le Président : Oui.
le témoin 130 : Et puis
les chefs de fabrication.
Me. FERMON : Est-ce que certains
membres de ce personnel travaillaient le dimanche ?
le témoin 130 : Ça,
je ne suis pas au courant.
Me. FERMON : Merci, Monsieur
le président.
Le Président : Une autre
question ? Maître NKUBANYI.
Me. NKUBANYI : Oui. Deux
petites confirmations, Monsieur le président. Est-ce que le témoin aurait appris
qu’il y aurait eu des entraînements militaires au terrain de basket de la SORWAL ?
le témoin 130 : Non.
Me. NKUBANYI : Une autre
petite confirmation. Est-ce que le témoin a ouï dire par NKUYUBWATSI qu’il a
chassé des Inkotanyi ?
le témoin 130 : Non,
non j’ai pas… pas pu entendre ça.
Le Président : D’autres questions ?
S’il n’y a plus de question, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin
se retire ? Monsieur le témoin 130, confirmez-vous les déclarations que vous
venez de faire ? Persistez-vous dans vos déclarations ?
le témoin 130 : Je confirme
ce que je viens de déclarer.
Le Président : C’est bien
ça. Je vous remercie. La Cour vous remercie pour votre témoignage. Vous pouvez
disposer librement de votre temps.
le témoin 130 : Merci,
Monsieur le président. |