7.3.2. Témoin de contexte: le témoin 121
Le Président : Bien. Monsieur
le témoin 121 ? Monsieur, est-ce que vous parlez et comprenez parfaitement le français
ou préférez-vous vous exprimer en kinyarwanda avec l'assistance d'un interprète
?
le témoin 121 : Je
vais parler en français.
Le Président : Oui. Eh bien,
Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 121 : Je
m'appelle le témoin 121.
Le Président : Quel âge avez-vous
?
le témoin 121 : J'ai
39 ans.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
le témoin 121 : Euh,
je suis ingénieur de profession, je… agent de l'Etat.
Le Président : Et quelle
est votre commune de résidence ?
le témoin 121 : Actuelle
?
Le Président : Oui, oui,
actuelle.
le témoin 121 : Je
suis dans le district de Kanombe.
Le Président : Au Rwanda.
le témoin 121 : Oui,
au Rwanda.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou un des accusés avant le mois d’avril 1994 ?
le témoin 121 : Oui,
je le connais.
Le Président : Qui connaissez-vous
?
le témoin 121 : HIGANIRO.
Le Président : Monsieur NTEZIMANA,
vous le connaissiez aussi ?
le témoin 121 : Je
le voyais.
Le Président : Mais vous
ne le connaissiez pas ?
le témoin 121 : Non.
Le Président : Alors, êtes-vous
de la famille des accusés…
le témoin 121 : Non.
Le Président : Ou des parties
civiles ?
le témoin 121 : Non.
Le Président : Non plus.
Est-ce qu'actuellement vous travaillez pour les accusés ou les parties civiles
?
le témoin 121 : Je
travaille pour la partie civile… les parties civiles, euh… excusez-moi de…
Le Président : Vous travaillez
pour qui ?
le témoin 121 : Vous
voulez dire que j'interviens pour…
Le Président : Non, non.
Est-ce que vous travaillez, est-ce que vous êtes sous contrat de travail…
le témoin 121 : Ah
non, ah non, ça non.
Le Président : Avec les parties
civiles ?
le témoin 121 : J'ai
dit que j'étais agent de l'Etat.
Le Président : C'est ça.
Je vais vous demander alors de bien vouloir lever la main droite et de prononcer
le serment de témoin.
le témoin 121 : Je
jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que
la vérité.
Le Président : Je vous remercie,
Monsieur le témoin 121, asseyez-vous. Je n'ai, pour ma part, trouvé aucune audition
de Monsieur le témoin 121 dans le dossier. On parle de lui mais je n'ai pas trouvé
qu'il était déjà entendu par le juge d'instruction ou par le procureur à Butare
ou que sais-je. Vous n'avez jamais fait l'objet d'une audition, Monsieur le témoin 121,
à propos des faits qui se sont passés au Rwanda en 1994 ?
le témoin 121 : Une
audition…
Le Président : Vous n'avez
jamais été interrogé par la police…
le témoin 121 : Il
y a des gens qui sont venus m'interroger. Euh… Parfois, euh… je peux pas vous
dire leur identité exacte.
Le Président : Oui.
le témoin 121 : Soit
des avocats, soit ils venaient d'Europe. En tout cas, ceux du Rwanda, je… personne
n’est venu m'interroger.
Le Président : Monsieur le témoin 121,
vous avez dit que vous étiez ingénieur. Est-ce qu'au mois d'avril 1994, vous
n'étiez pas, euh… vous ne travailliez pas à la Sorwal ?
le témoin 121 : Jusqu'avril
94…
Le Président : Vous travaillez
à la Sorwal depuis quand ?
le témoin 121 : Je
travaille à la Sorwal depuis le…
depuis octobre 90 et jusque justement en avril 94.
Le Président : Avez-vous
repris le travail à la Sorwal
après le mois d'avril 1994 ?
le témoin 121 : Après
le mois d'avril 94, j'ai repris le travail, je crois, pour une durée de deux
semaines.
Le Président : A quelle…
Savez-vous à quelle date vous auriez repris ?
le témoin 121 : Euh…
je m'excuserais des dates. C'est… c’est, disons, un phénomène assez bizarre.
Je les retiens très difficilement. Je sais que je suis revenu au service sur
injonction de HIGANIRO dans sa lettre adressée à le témoin 21. Je sais que
j'y travaille une ou deux semaines, ça peut être, je crois, en juillet ou juin,
fin juin, quelque chose comme ça.
Le Président : D'accord.
Quelle était votre fonction à la Sorwal
jusqu'au mois d'avril 1994 ?
le témoin 121 : J'étais
chimiste à la Sorwal, ça c'est
hein… Je crois, euh… à la fin il y un moment où ils m'ont fui également, affecté
d’autres… disons à d'autres tâches. Notamment HIGANIRO m'avait mis également
au service du personnel pour… c'était un service qui était sans employé et à
l'époque, je, disons, je calcule des salaires, des petits trucs pour le personnel.
Donc, j'étais à cheval entre la chimie et cette gestion du personnel genre salaires.
Voilà, c'était ça.
Le Président : Est-ce que,
dans cette fonction à propos du personnel de la Sorwal, vous aviez connaissance des engagements, donc des… est-ce
que vous vous chargiez, par exemple, de recruter du personnel quand il en manquait
?
le témoin 121 : Non.
Le Président : Qui se chargeait
de ce recrutement ?
le témoin 121 : Le
recrutement se… se… est fait, donc, il est exécuté, par le gestionnaire direct
de la société rwandaise des allumettes. C'est HIGANIRO qui signe le contrat,
donc, l'engagement dans le personnel donné, c'était ça.
Le Président : Donc, vous
êtes… vous travaillez à la Sorwal
depuis 1990, Monsieur HIGANIRO arrive à la Sorwal,
comme directeur général, en 1992 ?
le témoin 121 : Oui.
Le Président : Y-a-t-il eu,
à partir de 1992, un changement dans la politique de recrutement de la Sorwal ?
le témoin 121 : Je
ne peux…
Le Président : Selon ce que
vous avez pu observer.
le témoin 121 : Enfin,
je… je ne sais pas comment vous répondre là-dessus, parce qu'avant…
Le Président : Si vous ne
savez pas me répondre, vous me dites : « Je ne sais pas ! ».
le témoin 121 : Voilà.
Le Président : Hein… si vous
n'avez pas connaissance d'éléments, il faut pas les inventer pour nous faire
plaisir !
le témoin 121 : Vous
avez parlé de changement de politique, ça demande que j'ai assisté, disons,
au recrutement intérieur, alors, avant qu’il n’arrive, j'étais simplement chargé,
disons, de la gestion des brevets chimiques à la société. C'est avec son arrivée,
après un certain temps, que j'étais affecté au… pour, je ne sais pas, pour tel
ou tel problème au niveau du personnel. Et là, le recrutement il était fait
par Monsieur HIGANIRO Alphonse.
Le Président : Est-ce que,
déjà avant Monsieur HIGANIRO, dans le recrutement du personnel, on aurait eu
une politique un peu particulière à la Sorwal,
en mettant plutôt des gens du Nord, peut-être plutôt des Hutu, peut-être plutôt,
je sais pas, plutôt des gens du MRND ?
le témoin 121 : Ça,
avant son arrivée, je peux pas le dire.
Le Président : Est-ce qu’après
son arrivée, on a plus engagé des gens…
le témoin 121 : Après
son arrivée, je… il est… on remarque qu’une tendance pour un personnel du… plutôt
ressortissant du MRND, du moins au moment où la population euh… peut déclarer,
où les individus peuvent déclarer leur tendance politique. Il s'est avéré que
les derniers engagements, la plupart des gens provenaient du parti MRND.
Le Président : Bien. Au mois
de mai 1994, vous n'avez pas travaillé à la Sorwal ?
le témoin 121 : Répétez
la question, s'il vous plaît, j'ai pas…
Le Président : Donc, la Sorwal ferme ses portes le 7 avril 1994,
juste le lendemain de l'attentat contre l'avion présidentiel, hein…
le témoin 121 : Oui.
Le Président : Et vous n'avez
repris le travail qu'après la lettre de Monsieur HIGANIRO à Monsieur le témoin 21,
lettre qui est du 23 mai 1994 ?
le témoin 121 : Oui.
Le Président : Donc, je ne
vais pas vous poser de questions à propos de savoir si vous avez eu connaissance
pendant cette période-là… Vous étiez toujours à Butare à cette époque-là ?
le témoin 121 : Oui,
j'étais toujours à Butare.
Le Président : Oui ? Je vais
quand même vous poser la question. Est-ce que vous auriez entendu dire, puisque
vous n'étiez plus à l'usine pendant toute cette période-là…
le témoin 121 : Oui,
oui.
Le Président : …auriez-vous
entendu dire qu'il y aurait eu, par exemple à cause de la pluie… Est-ce que
c'est la saison des pluies, avril-mai ?
le témoin 121 : Avril,
c'est la saison des pluies, mais elle commence à disparaître, mais il n'y a
pas de pluie, disons fin mai. Donc, la pluie c’est… c'est février, n'est-ce
pas ! La grande saison des pluies, avril, et quand vous… disons fin avril,
là, il y a la… c’est la diminution de la pluie. Mai-juin-juillet, vous avez
l'été, alors là, je peux pas vous dire exactement les… disons les dates, vous
comprenez que c'est difficile de dire quand est-ce que la pluie termine exactement
et quand… mais disons qu'il y a très peu de pluie fin mai.
Le Président : Monsieur NTEZIMANA,
vous êtes accusé, mais vous êtes aussi spécialiste de la météorologie ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, j'ai fait de la météorologie, Monsieur
le président.
Le Président : Les pluies
au Rwanda, c'est à quelle époque ?
Vincent NTEZIMANA : Nous avons la petite saison… la petite
saison sèche de janvier à février, la grande saison des pluies de mars-avril
à fin mai, la grande saison sèche, donc de fin juin, non de juin-juillet-août
et la saison des pluies également en octobre, novembre et décembre.
Le Président : Bien !
Merci. Euh… Avez-vous eu connaissance qu'en raison de pluies, il y aurait eu
des incidents à l'usine de la Sorwal,
notamment parce qu’en raison de ces pluies, des boues seraient… auraient glissé
d'un terrain qui était une bananeraie qu'on avait aménagée en champ.
le témoin 121 : Non.
Le Président : Qui auraient
glissé… des terres qui auraient glissé ou de la boue qui se serait répandue
sur l'aire de déchargement, là où se…
le témoin 121 : Jamais
entendu parler.
Le Président : Là où venaient
les camions pour décharger et charger ?
le témoin 121 : Non,
non.
Le Président : En avez-vous
entendu parler ? Est-ce que vous auriez entendu dire : « Il y a eu
quelque chose à la Sorwal… ».
le témoin 121 : Oui,
ça j'ai entendu parler de ça mais physiquement, personnellement je n'ai jamais
vérifié ça. Et quand je suis retourné au travail, je n'ai pas vu de traces de
ces fameux glissements de terrain ou…
Le Président : Mais vous
en aviez entendu parler à l'époque ?
le témoin 121 : A
l'époque, non. C'est dernièrement que j'ai entendu parler de ça, sinon, à l'époque
même, je n'ai jamais vraiment entendu parler de ces glissements de terrain ou…
Le Président : Bien !
Monsieur le témoin 121, il est question de vous dans la lettre que Monsieur HIGANIRO
adresse à Monsieur le témoin 21 le 23 mai 1994. Même si dans l'acte d'accusation,
on met qu'il s'agit de Monsieur le témoin 121, ainsi d'ailleurs que dans l'arrêt
de renvoi JORIS. En fait, dans la lettre manuscrite de Monsieur HIGANIRO, il
est question de Monsieur le témoin 121 J. M. V., c'est bien vous, je crois ? Dans
le point 6 de cette lettre, qui, je vous le rappelle, est celui-ci : « On
a eu beaucoup de pertes en personnel. Il faut donc, raison de plus, tourner
en une seule équipe. Réformer le veilleur MBONYUBWABO est une nécessité urgente.
le témoin 121 J. M. V. doit habiter près de l'usine, sinon le dispenser du travail
pendant quinze jours ; si pas de reprise possible du travail, suspendre
son salaire, c'est dommage ». Euh… Qu'est ce qui fait, Monsieur
le témoin 121, qu'en quelque sorte vous n'aviez pas repris, vous personnellement,
le travail en même temps que les autres à la Sorwal
?
le témoin 121 : Euh…
Le Président : Est-ce que
vous avez eu des difficultés personnelles particulières qui ont fait que vous
n'avez pas repris le travail au début mai ?
le témoin 121 : Oui,
je… je n'avais pas repris le travail début mai, parce que c’est… pour moi, c’était…
personnellement, j'étais moi-même menacé et la situation n'était pas évidente,
du moins pour certaines personnes, je veux dire les personnes d'ethnie Tutsi
ou ceux qui leur ressemblent. Donc, c'était pas évident de passer de là où j'habitais.
Il y avait à peu près 7 à 8 barrières et c'était risqué de… que je m'aventure
jusqu'au travail malgré la carte d'identité que j'avais où c'était mentionné
Hutu. Donc, moi j'avais… j’avais préféré rester à la maison.
Le Président : Il y a eu,
après la lettre de Monsieur HIGANIRO à Monsieur le témoin 21, une démarche de Monsieur
le témoin 21 auprès de vous ? Ou d'autres personnes que Monsieur le témoin 21?
le témoin 121 : Oui,
il y avait des gens qui passaient. Ils passaient…
Le Président : Est-ce qu'ils
sont venus vous dire : « Ecoutez, Monsieur le témoin 121, maintenant il
faut venir retravailler ».
le témoin 121 : Oui,
ils sont venus.
Le Président : Qui est-ce
qui est venu vous avertir ?
le témoin 121 : le témoin 40,
il est venu…
Le Président : le témoin 40
?
le témoin 121 : Jean-Paul
et je crois que le premier passage il m'a aidé à passer en véhicule, j'étais
assis derrière, il me disait : « Regardez, c'est très facile, donc
il n'y a rien à craindre, après, vous pourrez vous-même vous conduire jusqu'au
travail ». Donc, le premier trajet, je l'ai fait avec le témoin 40, dans le passage
des barrières jusqu'au service.
Le Président : Est-ce que
vous avez eu la visite d'autres personnes de la Sorwal ?
le témoin 121 : Non.
Le Président : Est-ce que
vous connaissez Innocent NKUYUBWATSI ?
le témoin 121 : Oui,
je le connais. Il était dans… Euh… dans ma section, la section chimie, oui.
Il était… il avait été affecté comme contrôleur de qualité.
Le Président : Qu'est ce
que c'était comme personnage ?
le témoin 121 : NKUYUBWATSI,
c’est un ex… je crois, il est ex-militaire. Il y vient soit disant d’être retraité,
plutôt…
Le Président : Déplacé de
guerre. C'est pas plutôt déplacé de guerre qu'il était ?
le témoin 121 : Non,
il y vient comme… autrement dit, c'est quoi, c'est blessé de guerre. Il est
blessé, mais physiquement, il est en forme, donc il travaille et alors pendant
le génocide, il s'illustre dans des… dans des tueries. Ce n'est que dernièrement
qu'il est arrêté sinon il était vraiment… il circulait librement à Kigali. Juste
maintenant… ce n'est que juste dernièrement qu’il a été arrêté. Voilà.
Le Président : Avez-vous
eu personnellement des problèmes avec Monsieur NKUYUBWATSI, à Butare ?
le témoin 121 : Personnellement,
non.
Le Président : Est-ce que,
parmi les membres du personnel de la Sorwal,
vous auriez eu des personnes qui vous auraient menacé pendant les évènements
d'avril-mai 1994 ?
le témoin 121 : Directement,
non. Vous avez dit avant les évènements de… non, jamais, jamais.
Le Président : Est-ce qu'à
un moment donné vous avez fait l'objet de menaces ?
le témoin 121 : Les
menaces dont j'ai fait l'objet étaient des menaces de… de la garde présidentielle
qui était disponible dans notre quartier.
Le Président : Ce n'est pas
par des membres du personnel de la Sorwal
?
le témoin 121 : Les
membres du personnel, quand j'ai repris le travail, à ma connaissance… Je crois
que j’ai… j’ai… Pendant deux semaines, j'ai travaillé à l'intérieur de la Sorwal, je n'ai pas eu de menaces mais
je sais qu'il y a une autre, peut-être… Je sais pas si elle est pas citée dans
la lettre, je me rappelle pas très bien. Elle s'appelle Clarisse, elle est venue
et elle a été vite sommée de quitter le… le… les enceintes de la Sorwal pour n'y être pas exécutée, égorgée.
Alors, personnellement, je n'ai pas fait l'objet de cette expédition,
mais ce que je peux dire, c'est que ce qui était dangereux dans… disons, dans
la décision de HIGANIRO qui me demandait de reprendre le travail, c'est que
sur les barrières, j'ai failli me faire égorger, sinon tuer par les militaires,
parce que ça les amusait de voir les Hutu, enfin de ma taille ou de mon physique…
Un jour, je me rappelle, ils se sont amusés à dire : « Regardez, venez
voir un Hutu, ici, qui est en train de passer ». Et là, à l'époque, il
y avait mes camarades de service. Ils m'avaient simplement abandonné, j'étais
resté seul avec ces militaires et juste à côté, c'étaient des cadavres. C’est
non loin de la librairie universitaire…
Donc, il y avait un risque que je me fasse tuer dans tout ce mouvement
de… de retour au service pendant les deux semaines. Et à part ça - et ça, c'est,
je vous ai dit - c'est en cours de route. Mais à l'intérieur de l'enceinte de
la Sorwal, je n'ai eu de… aucune
scène menaçante. Voilà.
Le Président : Est-ce que
vous auriez - bien que vous ne travailliez pas, donc en avril-mai 1994, à la
Sorwal - est-ce que, dans Butare, vous
auriez vu circuler des véhicules de la Sorwal
utilisés par des militaires ou utilisés par des Interahamwe ?
le témoin 121 : Les
véhicules circulaient, ça j'en suis sûr. Mais vous dire que j'aurais, disons,
identifié les individus à l'intérieur de ces véhicules, ça non. Euh… Je dis
qu'ils circulaient parce qu’il y a parfois des chauffeurs… ils m'ont retrouvé
dans le quartier et parfois pour telle autre ou telle autre nouvelle, soit pour
me dire comment le service fonctionne… En tout cas, on voyait le personnel de
la Sorwal qui était… qui circulait
librement et surtout qu’eux, ils avaient continué à faire le travail. Et les
véhicules, ça servait par exemple, pour le transport du personnel. Que ces mêmes
véhicules aient servi à transporter d'autres personnes, soit des Interahamwe,
ça je ne peux pas le nier, non plus le confirmer. Ça, j'ai pas vu.
Le Président : Bien. Y-a-t-il
des questions à poser au témoin ? Pas de question ? Si, Maître EVRARD ?
Me. EVRARD : Je souhaiterais
poser une question au témoin concernant une tranchée qui aurait été creusée
pour relier deux citernes d'eau et ceci avant le 6 avril 1994. A-t-il connaissance
de cela, et où cela se trouvait-il ? Quel en était l'usage ?
Le Président : Avez-vous
eu connaissance de ces travaux particuliers qui auraient consisté en… dans le
creusement d'une tranchée entre deux citernes d'eau ?
le témoin 121 : Oui.
Le Président : Avant le 6
avril 1994, donc, à une époque où vous étiez en principe à la Sorwal ?
le témoin 121 : Oui,
je m'en rappelle, du moins en partie.
Le Président : Ça se situe
vers quelle époque, ces travaux ?
le témoin 121 : Ça,
je peux pas vous le dire, je vous ai dit que j'avais vraiment des problèmes
de… de… Mais je sais que c'est avant le génocide, de toute façon. Alors là,
je me rappelle plus les… ce qu'il y avait comme option technique. Je pense qu'on
avait un réservoir d'eau un peu derrière le bureau de la direction. Il devait
y avoir un autre réservoir non loin de la chaudière, soit station de commande
pour… Et là, je sais qu'à un certain moment il y a eu… soit, c'est quelque chose
lié plutôt à la lutte contre l'incendie, mais est-ce qu'il y eut réellement
exécution des travaux, là, je ne peux pas le dire. A part les trous… les trous
secs qui étaient utilisés pour l'évacuation des déchets, des… des… des préparations,
disons les… de pâte pour allumettes qui par exemple… les restes, ils étaient
jetés dans ces trous.
Alors, pour les travaux concernant les réservoirs, il me semble qu'il
y avait une idée - je me rappelle plus, le témoin 21 pourrait l'expliquer mieux
- je me rappelle des histoires de commande lointaine pour, je sais pas, une
pression à avoir au niveau tout près de l'usine pour, qu'en cas d'incendie -
parce qu'il y avait tellement d'incendies là-dedans - on puisse éteindre le
feu facilement. Donc, pour ce que je me rappelle, c'est à peu près ça, je sais
pas si je réponds à votre question.
Le Président : Vous répondez
ce que vous savez répondre, Monsieur.
le témoin 121 : Voilà.
Le Président : Autre question
?
Me. EVRARD : Merci, Monsieur
le président. En qualité de responsable chimiste, c'est peut être une question
à laquelle il ne saura pas répondre mais… a-t-il des connaissances générales
- il était là, à partir de 1990 - sur la manière dont la société était gérée,
que ce soit avant Monsieur HIGANIRO et du temps de Monsieur HIGANIRO ?
Est-ce que l'on s'inquiétait de savoir que la Sorwal était mal gérée ? Est-ce que
l'on parlait d'éventuelle fermeture pour cause de faillite ou de menace de faillite… ?
le témoin 121 : Oui…
Le Président : Est-ce que
vous avez entendu parler ou vécu des problèmes de gestion de la société ?
le témoin 121 : Oui,
ces problèmes on en a vécu et, malheureusement, la gestion ne s'est pas améliorée
avec l'arrivée de HIGANIRO. Je crois qu’on avait des dettes qui avaient fini
par être classées irrécouvrables pour des avances que Monsieur HIGANIRO avait
accordées - ça je le dis clairement disons… à des connaissances, relations,
partis, je pense. Notamment KAJUGA, lui-même le président du… du… comment dirais-je,
de… des Interahamwe-MRND avait contracté des crédits, vous savez, sous forme
de reviens, on vous donne des allumettes gratuitement, vous partez, parfois
vous n'avez même pas de garantie de remboursement. Alors, ces pratiques ont
existé euh… à l'époque où HIGANIRO était responsable de l'usine.
Le Président : Donc, il y
aurait eu des prêts de sommes d'argent…
le témoin 121 : Oui…
Le Président : …par la société,
à l'époque où elle était dirigée par Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 121 : Exactement.
Le Président : A qui avez-vous
dit… ?
le témoin 121 : Je
vous ai donné comme exemple…
Le Président : Un exemple,
oui ?
le témoin 121 : Le
président de… des Interahamwe, KAJUGA Robert,
Le Président : KAJUGA Robert ?
le témoin 121 : Oui.
Ça, ça peut être vérifié pour des gens qui ont contracté des crédits sous forme
de produits finis, je veux dire les allumettes. Un autre je crois, il s'appelait
Phénéas. L'un, il est président du MRND, l'autre doit être un partisan ou… je
sais pas s’il est vraiment membre du MRND également. Mais il y avait ces pratiques.
Et ça c'était, à mon avis, c'était environ…
Le Président : Excusez-moi.
Est-ce que c'étaient des prêts de sommes d'argent ou bien de la remise de marchandises,
donc d'allumettes qui n'étaient pas payées ?
le témoin 121 : Voilà.
C'était pas payé.
Le Président : On faisait
crédit à certains clients, si je comprends bien.
le témoin 121 : Oui,
c'est ça.
Le Président : Bien !
Donc, il n'y a pas eu d'amélioration dans la gestion, avec l'arrivée de Monsieur
HIGANIRO ?
le témoin 121 : Jamais.
Le Président : Une autre
question ? Maître HIRSCH ?
Me. HIRSCH : Oui, Monsieur
le président. Est-ce que le témoin était présent lorsque le témoin 40 s'est rendu
chez NSABIMANA avec Innocent NKUYUBWATSI et d'autres employés ? NSABIMANA avait
été menacé.
Le Président : Un employé,
Monsieur… enfin, c'était pas le directeur financier, lui ? Monsieur NSABIMANA
aurait fait l'objet de menaces ?
le témoin 121 : Oui,
ça je suis euh… je suis au courant de cette histoire. J'étais pas présent. J'ai
entendu parler de cette descente chez NSABIMANA.
Le Président : De descente
de qui ?
le témoin 121 : En
tout cas, le personnage que je me rappelle, c’est… c'était NKUYUBWATSI…
Le Président : NKUYUBWATSI,
oui.
le témoin 121 : Et
lui, NSABIMANA, se plaignait de ce qu’il avait été, pour lui, attaqué par NKUYUBWATSI
Innocent. Et je me rappelle, il y avait eu une discussion entre eux… une explication.
Les gens essayaient de les réconcilier, dire : « Oh il y avait pas…
c'était pas une question de vous tuer, c'était simplement une visite ».
Mais il y eut ça, mais j'étais pas… J'ai entendu parler de ça mais je… personnellement
je…
Le Président : Vous n'avez
pas été témoin de ce qui s'est passé exactement ?
le témoin 121 : Je
connais cette histoire, mais je suis pas témoin, j'ai pas vu.
Le Président : Une autre
question ? Maître GILLET ?
Me. GILLET : Oui, Monsieur
le président. Donc, le témoin a fait allusion à des crédits qui auraient été
faits à l'occasion de ventes d'allumettes, à Monsieur Robert KAJUGA. Je voudrais
savoir de la part du témoin s'il a eu connaissance de marchandises qui auraient
été livrées par Monsieur KAJUGA, à l'usine.
Le Président : Avez-vous
connaissance de livraisons de marchandises par Monsieur KAJUGA ?
le témoin 121 : Ça,
je me rappelle pas. Je ne sais pas.
Le Président : Avez-vous
éventuellement connaissance de l'importance de la quantité, l'importance du
crédit accordé à Monsieur KAJUGA ? Est-ce que c'était, je sais pas, 100.000
francs rwandais ?
le témoin 121 : Je
ne sais pas si c'est un chiffre vrai, mais la créance… ça, ils mentaient de temps en temps en discutant, mais, voyez,
si vous discutez avec quelqu'un dans la rue, il ne peut pas vous dire… vous
donner exactement le chiffre. Est-ce que ce n'était pas de l'ordre de 100 millions
de francs rwandais à l'époque… ?
Le Président : Cinq millions
?
le témoin 121 : Cent
millions de francs…
Le Président : Cent millions
?
le témoin 121 : Oui,
de créances irrécouvrables. Je suis pas comptable, j'ai pas fait la comptabilité.
Je vous donne un chiffre comme ça qui… qui circulait dans les rumeurs…
Le Président : La rumeur.
On en a beaucoup entendu parler ici. Bien, autre question ? S'il n'y a plus
de questions, les parties sont-elles d'accord pour que le témoin se retire ?
Monsieur le témoin 121,
maintenez-vous, persistez-vous, confirmez-vous les déclarations que vous venez
de faire ?
le témoin 121 : Oui,
je les confirme.
Le Président : Alors, vous
pouvez disposer de votre temps tout en restant administrativement à la disposition
de la Cour pour les problèmes de paiements de frais de transport, de votre hébergement,
etc. Vous restez à la disposition de la Cour jusqu'à votre retour au Rwanda.
le témoin 121 : Est-ce que je peux ajouter
quelque chose aux questions que vous m'avez posées ?
Le Président : Votre audition
est malheureusement terminée.
le témoin 121 : D'accord,
merci.
Le Président : Bien, nous
allons suspendre l'audience un quart d'heure. On la reprend donc un peu après
11 h 15. |