7.3.27. Témoin de contexte: le témoin 35
Le Président : Le témoin
suivant est Monsieur le témoin 35. Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 35 : le témoin 35,
Monsieur le président.
Le Président : Quel âge avez-vous ?
le témoin 35 : J’ai quarante-six
ans, Monsieur le président.
Le Président : Quelle est votre
profession ?
le témoin 35 : Je suis sans
profession, Monsieur le président.
Le Président : Quelle est votre
commune de résidence ?
le témoin 35 : J’habite à
Ixelles, Monsieur le président.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés, ou certains des accusés, avant le mois d’avril 1994 ?
le témoin 35 : Oui, je connais
un seul des accusés, à savoir Monsieur Alphonse HIGANIRO, Monsieur le président.
Le Président : Etes-vous
de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles ?
le témoin 35 : Je suis un
ami de l’accusé.
Le Président : Un ami, mais
vous n’êtes pas de sa famille ?
le témoin 35 : Non.
Le Président : Et vous n’êtes
pas de la famille des parties civiles, c’est-à-dire de ceux qui réclament
des dommages et intérêts aux accusés ?
le témoin 35 : Pas du tout,
Monsieur le président.
Le Président : Vous ne travaillez
pas non plus, sous un lien de contrat de travail, pour les accusés ou les parties
civiles ?
le témoin 35 : Absolument
pas, Monsieur le président.
Le Président : Je vais vous
demander Monsieur, de bien vouloir lever la main droite, et de prêter le serment
de témoin.
le témoin 35 : Je jure de
parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Vous pouvez
vous asseoir, Monsieur. Monsieur le témoin 35, depuis quand connaissez-vous Monsieur
Alphonse HIGANIRO ?
le témoin 35 : Je connais
Alphonse HIGANIRO depuis juillet 1983, date à laquelle il a été nommé au secrétariat
exécutif permanent de la Communauté économique des pays des Grands Lacs à Gisenyi.
A cette époque, je venais de passer un an comme fonctionnaire international
à la même institution, Monsieur le président.
Le Président : Vous êtes,
comme lui, originaire de la préfecture de Gisenyi ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président
Le Président : Vous êtes
resté en contact de manière permanente avec Monsieur HIGANIRO, depuis… ?
le témoin 35 : En fait, depuis
qu’il a été nommé au secrétariat exécutif permanent, nous sommes devenus des
amis et nous le sommes restés jusqu’à aujourd’hui, Monsieur le président.
Le Président : Au mois d’avril
1994, le 6 avril 1994, vous étiez à ce moment-là, à Kigali ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président.
Le Président : C’est donc
le jour où l’avion transportant le président le témoin 32 a été abattu. Donc,
vous étiez à Kigali avec votre famille ?
le témoin 35 : Je le confirme,
Monsieur le président.
Le Président : Il semble
que Monsieur HIGANIRO et sa famille se trouvaient aussi, non pas le 6, mais
dans les jours qui ont suivi, à partir du 7 en tout cas toute la famille de
Monsieur HIGANIRO et de son épouse, se s’est trouvée à Kigali ?
le témoin 35 : Oui, c’est exact, Monsieur le président.
Le Président : Les événements
devenant assez… enfin étant, depuis le 6 avril ou le 7 avril, la situation à
Kigali est assez grave, il y a des échanges de coups de feu, il y a… Vous avez,
comme d’autres personnes, souhaité quitter Kigali ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président.
Le Président : Il semble
que vous ayez obtenu de Monsieur HIGANIRO une information selon laquelle une
escorte militaire pourrait être formée pour aider une série de personnes à quitter
Kigali ?
le témoin 35 : Oui, en fait
j’ai été informé que Monsieur HIGANIRO était à Kigali. Etant donné que c’était
mon ami, la première des choses, c’était de lui dire mes condoléances et de
le réconforter, parce qu’il venait de perdre son beau-père, et c’est au cours
de cette conversation que nous avons eue, qu’il m’a informé qu’il y aurait une
possibilité de pouvoir bénéficier d’une escorte qui allait quitter Kigali, et
alors, je lui ai demandé s’il était possible que je puisse aussi me joindre
à cette escorte. Il m’a dit que c’est possible, que pour cela, il fallait que
je vienne à la résidence de son beau-père, là où il était, parce que lui aussi,
il n’était pas tout à fait sûr de quand cette escorte allait venir pour escorter
les personnes qui devaient quitter la capitale, et je suis donc… j’ai accepté
de venir chez lui, chez son beau-père, le 11, en croyant que l’escorte allait
être disponible ce jour-là. Cela n’a pas été le cas, et moi et toute ma famille,
nous avons dû passer la nuit là-bas, et attendre comme les autres qui étaient
là et nous ne sommes partis que le lendemain, le 12 avril.
Le Président : Le 12 avril,
toutes les personnes qui ont été escortées avaient reçu des laissez-passer ?
le témoin 35 : Apparemment
oui, parce que moi-même, j’en ai reçu un, et je pense aussi que les autres en
avaient eu. Parce qu’on était sur une liste, et je pense que tout le monde a
eu son laissez-passer, Monsieur le président.
Le Président : Et c’étaient
des laissez-passer qui étaient signés par le colonel BAGOSORA ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président.
Le Président : C’est également
le colonel BAGOSORA, semble-t-il, qui avait mis cette escorte à la disposition
des personnes qui souhaitaient quitter Kigali ?
le témoin 35 : Là, je ne suis
pas au courant, je savais qu’il y avait une escorte, mais je ne sais pas comment
elle a été formée. Je n’étais pas du tout au courant, Monsieur le président.
Le Président : Et pour essayer
de comprendre certains liens de personnes, de qui êtes-vous le beau-frère ?
N’êtes-vous pas le beau-frère de Monsieur Séraphin RWABUKUMBA ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président, mais si je n’ai pas répondu tout de suite, c’est que…
Le Président : C’est que
vous avez plusieurs beaux-frères ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président.
Le Président : Dans les personnes
qui vont quitter Kigali, avec cette escorte de militaires, il y a vous-même
et votre famille ?
le témoin 35 : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Il y a Monsieur
HIGANIRO et sa famille ?
le témoin 35 : Exact, Monsieur
le président
Le Président : Il y a des
membres de la famille de l’épouse de Monsieur HIGANIRO donc des frères, sœurs
de Monsieur HIGANIRO.
le témoin 35 : Tout à fait,
Monsieur le président.
Le Président : Il y aussi,
semble-t-il, Monsieur Pasteur MUSABE ?
le témoin 35 : C’est vrai,
Monsieur le président.
Le Président : Avec des membres
de sa famille aussi ?
le témoin 35 : Avec son épouse
et ses enfants, Monsieur le président.
Le Président : Pasteur MUSABE
est le frère… est un des frères du colonel BAGOSORA.
le témoin 35 : Tout à fait,
Monsieur le président.
Le Président : Il y avait
également, semble-t-il, un prénommé Augustin, dans ce convoi, qui était un beau-fils
du colonel BAGOSORA.
le témoin 35 : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Il y avait
également des membres, d’autres membres de la famille du colonel BAGOSORA ?
le témoin 35 : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : Un commerçant,
André SINGAYE ?
le témoin 35 : Aussi, Monsieur
le président.
Le Président : Et lui, est-il
aussi de la famille du colonel BAGOSORA ?
le témoin 35 : D’emblée, je
ne crois pas.
Le Président : Et il y a,
enfin, des enfants de Joseph NZIRORERA ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président.
Le Président : En relation
familiale avec le colonel BAGOSORA ou pas ?
le témoin 35 : Je ne crois
pas du tout, Monsieur le président.
Le Président : Toutes ces
personnes qui vont quitter Kigali, vont-elles se rendre au même endroit ?
Gisenyi.
le témoin 35 : En fait, toutes
ces personnes étaient originaires de cette préfecture et comme on cherchait
à se mettre à l’abri, le premier endroit auquel on pense c’était chez soi, nous
étions tous du Nord et nous avions où aller au Nord, donc nous nous sommes dirigés
au Nord, à Gisenyi, Monsieur le président.
Le Président : Vous êtes
arrivés à Gisenyi le jour même, 12 avril 1994. Vous-même et votre famille, où
avez-vous précisément résidé ? Etes-vous allés dans une maison que vous
aviez à Gisenyi, ou êtes-vous allés ailleurs ?
le témoin 35 : Quand nous
sommes arrivés à Gisenyi, Alphonse HIGANIRO m’a offert de venir avec lui, habiter
à Kigufi, à sa résidence de Kigufi. J’ai accepté son offre, je suis parti, j’étais
son hôte, Monsieur le président.
Le Président : Etes-vous
resté dans cette résidence de Kigufi jusqu’à ce Monsieur HIGANIRO quitte Kigufi
pour, je dirais, pour la Belgique, sa destination finale étant en tout cas la
Belgique ?
le témoin 35 : Nous sommes
restés à Kigufi avec HIGANIRO jusque quelques jours avant qu’il ne quitte pour
venir ici en Belgique. D’abord, comme il devait partir, sa résidence était assez
éloignée de la ville et il m’était difficile de pouvoir rester là-bas. Donc,
en fait, moi, j’ai quitté… c’était justement pour me préparer à venir en ville,
et ne pas rester là-bas où cela allait être difficile pour les déplacements
et aussi, c’était difficile de vivre seuls là-bas. Donc, nous sommes venus avec
HIGANIRO bien sûr, juste quelques jours avant qu’il ne prenne l’avion, on est
venu en ville.
Le Président : Chez vous
alors ? Enfin, chez vous ou quelqu’un d’autre ?
le témoin 35 : Non, pas chez
moi, chez quelqu’un d’autre !
Le Président : Vous, Monsieur
HIGANIRO, et d’autres personnes, aviez quitté Kigufi pour vous installer à
Gisenyi ?
le témoin 35 : En fait, quand
l’épouse de HIGANIRO est venue en Belgique, dans sa famille, ne restait que
HIGANIRO lui-même et nous-mêmes, là-bas, à Kigufi. Donc, en déménageant, nous
avons déménagé tous ensemble. Nous avons occupé la même maison à Gisenyi.
Le Président : Pendant la
période où vous avez résidé dans la villa de Monsieur HIGANIRO à Kigufi, savez-vous
s’il a reçu la visite de membres du personnel de la SORWAL dont il était directeur
général ?
le témoin 35 : Oui, Monsieur
le président, parce que j’étais là. J’étais là, je me souviens qu’il les a accueillis
dans son jardin et j’étais moi-même présent à l’entretien qu’ils ont eu ensemble,
Monsieur le président.
Le Président : Combien de personnes
sont venues en visite à Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 35 : J’ai vu, personnellement,
deux personnes qui étaient avec moi, assises dans le jardin de Monsieur HIGANIRO…
Le Président : Deux personnes ?
le témoin 35 : Que j’ai vues,
oui, je confirme que ces deux personnes-là, je les ai vues, Monsieur le président.
Le Président : Savez-vous,
connaissez-vous les noms de ces deux personnes ?
le témoin 35 : Non, Monsieur
le président, je sais tout simplement qu’une des personnes était l’attaché commercial,
l’autre, je ne connais pas son identité, ni sa fonction, Monsieur le président.
Le Président : Vous ne savez
pas, par exemple, s’il se prénommait Innocent ?
le témoin 35 : Non, je ne
peux pas me souvenir d’un nom comme ça, Monsieur le président.
Le Président : De quoi a-t-il
été question lors de cette visite de ces deux personnes de la SORWAL ?
le témoin 35 : Suivant ce
que j’ai entendu dans l’entretien, Monsieur HIGANIRO leur disait que ce n’était
pas nécessaire qu’ils effectuent des déplacements pour faire de la prospection
commerciale à Gisenyi. Il leur disait qu’il était là, qu’il avait commencé à
mener des contacts, et que certains de ces contacts étaient prometteurs. Il
a plutôt demandé qu’on lui envoie du carburant pour qu’il puisse continuer cette
action lui-même, Monsieur le président.
Le Président : A-t-il reçu
ce carburant ?
le témoin 35 : Quelques jours
après, il y a un fût de carburant qui est arrivé à Kigufi, Monsieur le président.
Le Président : Et avant la
visite de ces deux membres de la SORWAL, Monsieur HIGANIRO avait-il quitté Kigufi
pour se rendre à Butare ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président.
Le Président : Vous savez
situer à peu près le moment où il aurait quitté Kigufi, pour se rendre à Butare ?
le témoin 35 : Je crois que
c’était vers la fin du mois d’avril, Monsieur le président.
Le Président : Il est resté
parti plusieurs jours ?
le témoin 35 : Il est parti
pour revenir le lendemain, Monsieur le président.
Le Président : C’est ça.
Lors de votre séjour, donc, chez Monsieur HIGANIRO, à Kigufi, avez-vous constaté
qu’il travaillait effectivement, qu’il avait des contacts avec des commerçants,
sur place là-bas à Gisenyi, ou dans les environs ? Ou avez-vous constaté
qu’il se rendait par exemple au Zaïre, pour avoir des contacts commerciaux ?
le témoin 35 : En fait, je
ne l’accompagnais pas tout le temps quand il se déplaçait pour ses contacts,
mais je me souviens quand même que nous sommes partis ensemble pour aller voir
un commerçant qui lui avait promis de passer une commande, et ce commerçant
habitait, je ne sais pas si vous connaissez l’endroit, on prend la route vers
la brasserie et limonaderie du Rwanda. Juste avant de tourner vers la brasserie,
il y a une petite route qui longe le lac vers le Gaz-métal, la station de Gaz-métal,
et dans le tournant, après la station hydroélectrique de Gisenyi, c’est là que
ce commerçant habitait, Monsieur le président.
Le Président : Monsieur HIGANIRO
vous a-t-il parlé de voyages qu’il aurait faits, pendant que vous êtes là, pendant
que vous êtes à Kigufi, avec lui, de voyages qu’il aurait faits entre Kigufi
et le Zaïre ?
le témoin 35 : En fait, je
me souviens qu’une fois, nous sommes partis ensemble au Zaïre, mais c’était
pour organiser le départ de sa famille en Belgique. Sinon, les autres déplacements
qu’il faisait pour sa mission de prospection commerciale, c’est lui qui les
faisait, c’est pas moi, Monsieur le président. Enfin, il n’était pas obligé
de me tenir au courant de cela, Monsieur le président.
Le Président : Si je vous
dis : « Armes », les armes, vous mettez ce mot arme en relation
avec quel lieu géographique ? Si on veut se fournir des armes, d’où doivent-elles
venir ?
le témoin 35 : Je sais que
la fourniture des armes, en 94, je parle de la fourniture officielle, parce
que moi, je n’en connais pas d’autres, je n’ai pas su qu’il y avait un marché
noir dans la région des grands lacs, je n’en crois pas, je n’ai jamais entendu,
je n’avais jamais entendu cela. Donc, il y avait… la voie officielle d’acheminement
des armes au Rwanda passait par le Zaïre, donc, tous les avions qui chargeaient
les armes et les munitions, se posaient à l’aéroport de Ngoma, et les officiels
du Rwanda allaient les chercher et les amenaient, et ça suivait que cela devait
suivre, Monsieur le président.
Le Président : Et quand ils revenaient
de Ngoma, ils ne repassaient pas par Gisenyi ?
le témoin 35 : Je crois que
le convoi devait passer par Gisenyi, il n’y a pas d’autre route.
Le Président : Il n’y a pas
d’autre route ?
le témoin 35 : Il n’y a pas
d’autre route.
Le Président : Vous-même,
étiez-vous affilié à un parti politique ?
le témoin 35 : Oui, Monsieur
le président, je suis… j’étais du parti MRND.
Le Président : Monsieur HIGANIRO,
faisait-il partie du Comité préfectoral du MRND de Gisenyi ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président.
Le Président : Vous aussi ?
le témoin 35 : Non, Monsieur
le président.
Le Président : Vous étiez affilié,
mais pas membre du Comité préfectoral ?
le témoin 35 : J’étais simple
membre, Monsieur le président.
Le Président : Savez-vous
si Monsieur HIGANIRO, pendant votre séjour à Kigufi, a participé à des réunions
politiques, des réunions, par exemple, du Comité préfectoral du MRND ?
le témoin 35 : Non, Monsieur
le président, parce que cet organe ne s’est pas réuni pendant qu’on était à
Gisenyi, et Monsieur HIGANIRO, je suis formel, n’a participé à aucune réunion,
qu’elle soit de caractère politique ou d’un autre caractère, quand nous étions
à Gisenyi, Monsieur le président.
Le Président : Connaissiez-vous
les options politiques de Monsieur HIGANIRO puisque vous êtes en relations d’amitié
avec lui depuis de nombreuses années ?
le témoin 35 : Oui, Monsieur
le président. Monsieur Alphonse HIGANIRO était un très proche du président qui
lui était dévoué, et il était de son parti, et, de par les amitiés, aussi l’appréciation
personnelle qu’il avait du président, il était dans son parti, il n’a jamais
abandonné son parti, Monsieur le président.
Le Président : Vous dites
qu’il était très dévoué, très attaché au président. Vous a-t-il fait des réflexions
en ce qui concernait la mort du président le témoin 32. Quant à l’origine de
cette mort, quant aux conséquences que devait éventuellement avoir cette mort
pour le Rwanda ?
le témoin 35 : En tant que
Rwandais, il est normal qu’on puisse penser à cela, mais ce sont des réflexions
que l’on a en tant qu’intellectuels, ce ne sont pas des réflexions qui sont
basées sur certains faits que l’on a, Monsieur le président.
Le Président : Mais, par
exemple, Monsieur HIGANIRO, comme d’autres peut-être, était-il, depuis la mort
du président le témoin 32, particulièrement hostile aux Tutsi ?
le témoin 35 : En fait, si
vous voyez notre parcours depuis la mort du président le témoin 32, le premier
souci qui est venu pour moi, ma famille et pour HIGANIRO aussi, et pour sa famille,
c’était surtout se mettre à l’abri, la sécurité, et c’est ce que nous avons
fait jusqu’à ce qu’on soit actuellement réfugiés en Belgique et… et on doit
remercier Dieu qu’au moins, par ce souci de sécurité, on a pu échapper au Rwanda
avant le grand drame qui a conduit des millions d’individus dans des camps de
déplacés de guerre, de réfugiés qui étaient dans des camps de réfugiés au Zaïre.
Donc, c’est pour dire que le souci qui nous animait, depuis le 6 avril, jusqu’à
ce qu’on soit… qu’on puisse trouver refuge ici, c’était la sécurité de nous,
de nos enfants, de nos familles. Et c’était ça, on ne parlait pratiquement que
de ça, Monsieur le président.
Le Président : Lorsque vous
êtes arrivé à Kigufi, avez-vous constaté que la maison du voisin de Monsieur
HIGANIRO avait été pillée ou… ?
le témoin 35 : Quand nous
sommes arrivés à Kigufi, quand on est juste à l’entrée de la résidence de Monsieur
HIGANIRO, juste sur le balcon, on aperçoit de l’autre côté, la maison de son
voisin qui est décédé et on a vite remarqué que la maison était comme cambriolée.
Alors, on a demandé ce qui s’était passé, et c’est là que nous avons appris
le drame qui a eu lieu en notre absence, Monsieur le président.
Le Président : Madame HIGANIRO
vient de nous dire, il y a quelques minutes, qu’elle avait apprise la mort du
voisin, Monsieur Benoît le témoin 123 et d’une partie de la famille de Monsieur
Benoît le témoin 123, avant même d’arriver à Kigufi, elle l’aurait apprise à Gisenyi ?
le témoin 35 : C’est peut-être
possible, Monsieur le président, mais je dois vous dire que quand nous sommes
venus, nous n’étions pas dans les mêmes voitures, c’est possible qu’elle ait
eu un informateur que moi, je n’ai pas eu, Monsieur le président.
Le Président : Dans la maison
de Monsieur HIGANIRO à Kigufi, y avait-il du personnel ?
le témoin 35 : C’est exact,
Monsieur le président.
Le Président : Est-ce qu’il
y avait notamment un certain le témoin 12 et un certain le témoin 3 ?
le témoin 35 : Oui, les deux
noms me disent quelque chose, Monsieur le président. C’est possible que ce soient
eux, Monsieur le président.
Le Président : Est-ce que
ces deux personnes, ou des membres du personnel de Monsieur HIGANIRO, vous ont
parlé à vous, de ce qui s’était passé chez le voisin, chez Benoît le témoin 123 ?
le témoin 35 : Après, nous
avons demandé juste à ce moment quand nous avons constaté les dégâts qu’il y
avait eu sur la maison du voisin, on a posé une question, comme ça, on a appris,
on a eu cette réponse, mais sinon, moi, je n’ai pas parlé avec ces domestiques,
Monsieur le président.
Le Président : Pendant votre
séjour à Kigufi, la maison de Monsieur HIGANIRO était-elle surveillée ou gardée
par des militaires ?
le témoin 35 : Il y avait
deux militaires, Monsieur le président.
Le Président : Savez-vous qui
avait éventuellement détaché ces militaires, ou donné l’ordre à ces militaires
de surveiller la maison ?
le témoin 35 : Je ne sais
pas parce que quand nous sommes arrivés, il n’y avait pas de militaires. Donc,
ce sont des militaires qui sont venus avec nous, je ne sais pas comment.
Le Président : Ce sont deux
des militaires qui ont accompagné le convoi ?
le témoin 35 : Ils étaient
aussi dans le convoi, Monsieur le président.
Le Président : Y a-t-il des
questions à poser au témoin ? Maître FERMON ?
Me. FERMON : Monsieur le président,
le témoin nous a expliqué que, pendant toute cette période à Gisenyi, il était
proche de Monsieur HIGANIRO au point de l’accompagner dans certains de ses déplacements.
Ce que les épouses et les femmes ne savent pas - peut-être que les amis proches
le savent -, est-ce que le témoin pourrait nous dire ce que - à partir de ses
propres constats évidemment - Monsieur HIGANIRO aurait bien voulu pouvoir dire
quand le 23 mai il écrit qu’il s’occupe à ce moment-là : « Surtout
de la défense de la République, en relation avec le Zaïre » ?
Est-ce qu’il avait des activités que le témoin a pu constater « de
défense de la République » ?
le témoin 35 : Bon, moi, je
pense que quand il écrit qu’il avait des activités de défense de la République,
je crois que c’est dans le sens où les gens qui avaient, par exemple, des entreprises,
devaient les faire fonctionner devaient les faire fonctionner pour que l’économie
du pays continue à fonctionner, et que ceux qui s’occupent aussi de la politique,
il y avait la guerre, il fallait tout un effort de tout un chacun et chacun
dans ses activités. Je pense que quand il parlait de cela, s’il pouvait trouver
des marchés pour son entreprise si son entreprise pouvait continuer. Je crois
que c’était dans ce sens-là qu’il pouvait le dire, à mon avis, Monsieur le président.
Le Président : Avez-vous
constaté qu’il avait des relations puisqu’il dit : « Je
m’occupe de la défense de la République, en relation avec le Zaïre, notre seule
porte de sortie actuellement », l’avez-vous vu voyager, l’avez-vous
accompagné au Zaïre pour autre chose que le départ de sa famille ?
le témoin 35 : Mais en fait,
je pense que, comme pratiquement partout au Rwanda, il y avait une certaine
paralysie. Le seul marché qui restait, même pour les allumettes, même s’il y
avait des commerçants locaux, c’était le marché du Zaïre. Je pense que cela
doit être de cela, Monsieur le président.
Le Président : Oui. Maître
BEAUTHIER ?
Me. BEAUTHIER : Je ferai un commentaire
après. Une question. Quand il allait, il a été une fois, a-t-il dit, de Gisenyi
à Ngoma, il prenait la route de la petite Corniche ?
le témoin 35 : Non, je prenais
la route… ah oui, c’est ça ! C’est exact, c’est juste la rue…
Me. BEAUTHIER : Oui ou non ?
le témoin 35 : C’est ça, Monsieur
le président.
Me. BEAUTHIER : Il y a une
autre route ?
le témoin 35 : Il y a une
autre route mais…
Me. BEAUTHIER : C’est pour
les marchands d’armes !
le témoin 35 : C’est
pour les marchandises.
Me. BEAUTHIER : D’accord.
le témoin 35 : Oui, Monsieur
le président.
Me. BEAUTHIER : Monsieur
le président, pouvez-vous poser une autre question sur le fait de savoir, et
soyons un peu plus rupestres, dans le jardin de la maison à Gisenyi, au moment
où ces interlocuteurs arrivent, j’imagine que toute la famille est rassemblée,
toute la famille est dehors, toute la famille entend de quoi on parle ?
le témoin 35 : Je dois dire
que quand Monsieur HIGANIRO a accueilli ces deux agents de la SORWAL, à part
ces deux agents, lui et moi qui étions dans le jardin, il n’y avait personne
d’autre sur cette table, Monsieur le président.
Le Président : Une autre
question ?
Me. BEAUTHIER : Oui, Monsieur
le président. J’aurais voulu savoir, et je rejoins la question de Monsieur le
juge : qu’ont-ils fait pour aller chez un commerçant porter une boite d’allumettes,
qu’ont-ils fait pendant plusieurs semaines, à Gisenyi, lui et Monsieur HIGANIRO,
à part veiller à leur sécurité ?
Le Président : A quoi passiez-vous
vos journées ?
le témoin 35 : En fait, là…
il y avait… nous avions des voisins à Kigufi, qui peuvent aussi attester que
la plupart de nos journées, on les passait là-bas, à Kigufi, cela d’autant plus
que, bien sûr, les activités étaient pratiquement comme gelées, il n’y avait
pas d’activités que nous pouvions mener à ce moment-là, sauf attendre qu’on
nous dise qu’il y avait peut-être des négociations, et que la guerre s’est arrêtée
pour qu’on puisse reprendre officiellement les activités. Donc, on était obligé
de rester pratiquement là-bas, pendant les premiers jours de notre séjour à
Gisenyi, et on essayait de s’occuper, tant bien que mal, de ce qui pouvait nous
occuper, Monsieur le président.
Me. BEAUTHIER : Je vous remercie.
Le Président : Pendant votre
séjour à Kigufi, quels étaient les véhicules qui se trouvaient à la villa de
Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 35 : Il y avait…
Le Président : Je ne parle
pas des véhicules de personnes qui sont venues rendre visite et puis, qui sont
reparties avec leurs véhicules ! Des véhicules qui sont restés là.
le témoin 35 : Les véhicules
qui sont restés là étaient au nombre de quatre. Il y avait une Mercedes qui
appartenait à Monsieur HIGANIRO, il y avait une jeep Mercedes qui appartenait
au beau-père de HIGANIRO, il y avait une jeep Toyota qui était le véhicule de
fonction de Monsieur HIGANIRO, et il y avait une voiture qui était ma propre
voiture, Monsieur le président. Donc, c’étaient quatre au total, Monsieur le
président.
Le Président : Quatre au
total ! Savez-vous ce que sont devenus ces véhicules lorsque Monsieur HIGANIRO
a quitté définitivement Kigufi et Gisenyi ?
le témoin 35 : La voiture
Mercedes de HIGANIRO ainsi que la jeep Mercedes ont été laissées au Zaïre, on
les avait mis chez quelqu’un au Zaïre, à l’époque c’était au Zaïre, et la jeep
Toyota est restée à Gisenyi, ainsi que la mienne, Monsieur le président.
Le Président : Oui. Une autre
question ? Maître LARDINOIS ?
Me. LARDINOIS : Je vous remercie,
Monsieur le président. Le témoin nous a expliqué que, quand il a quitté
Kigufi avec Monsieur HIGANIRO pour Gisenyi, ils n’ont pas été loger dans sa
maison, à Gisenyi. Est-ce que le témoin pourrait nous dire où ils ont été loger,
et est-ce que ce ne serait pas dans la maison de Monsieur SINGAYE ?
le témoin 35 : En fait, quand
nous avons quitté Kigufi, nous sommes allés habiter dans une villa qui se trouve
sur la colline, juste en face de l’hôpital de Gisenyi, et c’est une villa qui
appartient au beau-frère du président qui est décédé avec lui, dans l’avion
qu’on a descendu, Monsieur le président.
Le Président : Une autre
question ?
Me. LARDINOIS : Oui. Est-ce que
l’épouse de Monsieur RWABUKUMBA vous a accompagnés, lorsque vous êtes allés
loger dans cette villa ?
le témoin 35 : C’est exact,
on était dans cette villa avec l’épouse de Monsieur RWABUKUMBA, Monsieur le
président.
Me. LARDINOIS : Est-ce que
vous pouvez demander au témoin s’il connaît Monsieur André SINGAYE ?
Le Président : Connaissez-vous
Monsieur André SINGAYE ?
le témoin 35 : Je le connais,
Monsieur le président.
Me. LARDINOIS : Est-ce que
le témoin peut confirmer que Monsieur SINGAYE est un très gros commerçant, en
fait, un grossiste de la région de Gisenyi ?
Le Président : S’agit-il
d’un commerçant ?
le témoin 35 : Je sais qu’il
s’agit d’un commerçant et je ne peux pas dire s’il est grossiste de ceci ou
de cela, parce qu’apparemment, il m’a donné l’impression qu’il touchait dans
plusieurs affaires. Il avait un hôtel à Gisenyi, il avait un magasin, mais je
ne peux pas vous en dire plus, Monsieur le président. L’important, c’étaient
ses activités commerciales, Monsieur le président.
Me. LARDINOIS : Est-ce que le
témoin peut confirmer que Monsieur SINGAYE possédait une flotte importante de
camions de transport ?
le témoin 35 : Je ne sais
pas, Monsieur le président.
Me. LARDINOIS : Est-ce que le
témoin sait si Monsieur HIGANIRO était président de l’ASBL IBUKA ?
le témoin 35 : Bon, je sais
qu’il avait une ASBL dont il s’occupait, mais je ne savais pas ses fonctions
exactes dans cette ASBL, Monsieur le président.
Me. LARDINOIS : Je vous remercie.
Le Président : D’autres questions ?
Maître HIRSCH ?
Me. HIRSCH : Merci, Monsieur le
président. Est-ce que le témoin peut nous dire s’il connaît Félicien KABUGA ?
le témoin 35 : Je le connais,
Monsieur le président.
Me. HIRSCH : Merci. Est-ce
que le témoin peut nous confirmer avoir participé à la création du Fonds de
défense national, qui s’est constitué en avril 94 ?
le témoin 35 : Je ne suis
pas au courant, Monsieur le président.
Me. HIRSCH : Est-ce que le témoin
peut nous confirmer qu’il était présent le 24 et 25 avril, lors de la création
de ce Fonds, à Gisenyi ?
le témoin 35 : Moi, j’étais
à Gisenyi a cette époque-là, mais nous n’avons pas assisté aux réunions qui
auraient eu lieu à ce propos, Monsieur le président.
Me. HIRSCH : Est-ce que le
témoin peut confirmer que Monsieur HIGANIRO était également à Gisenyi le 24
et le 25 avril ?
Le Président : Nous le savons
depuis longtemps Maître HIRSCH !
Me. HIRSCH : A Gisenyi, pas à
Kigufi, Monsieur le président.
le témoin 35 : Nous étions
à Kigufi, moi aussi, j’étais à Kigufi. Bon, quand je parlais de Gisenyi, en
général, mais sinon nous étions tous les deux à Kigufi à ce moment-là, Monsieur
le président.
Me. HIRSCH : Donc, le témoin
nous confirme qu’il n’était pas au courant de la démarche qui a été entreprise
et qui est concrétisée par une lettre qui se trouve au dossier du 20 mai 1994,
adressé à son excellence Monsieur le pemier ministre à Kigali, concernant la
création de ce Fonds ?
le témoin 35 : Je suis formel
sur ce point ; ni moi, ni HIGANIRO, et vous demanderez à ceux qui ont assisté
à cette réunion, qui ont créé ce Fonds, nous n’avons pas participé à cela, Monsieur
le président.
Me. HIRSCH : Monsieur le président,
est-ce que le témoin connaît le préfet de Gisenyi de l’époque, qui est Monsieur
Charles ZILIMWABAGABO.
le témoin 35 : Je le connais,
Monsieur le président.
Le Président : J’espère que
vous n’allez pas me citer tout le bottin de Gisenyi !
Me. HIRSCH : Monsieur le président.
Le témoin nous a dit que Monsieur HIGANIRO n’avait participé à aucune réunion.
Le préfet de Gisenyi, qui était à Gisenyi durant cette période, a déclaré dans
le dossier, qu’il avait vu Monsieur HIGANIRO participant à plusieurs réunions
du MRND-CDR, qu’il en avait été personnellement témoin, et qu’il y avait beaucoup
de réfugiés de l’entourage du président qui se trouvaient à Gisenyi à cette
époque, et qu’il les voyait également. Est-ce que le témoin peut-il nous confirmer
qu’il a rencontré, à une des réunions dont il est question ici, le préfet de
Gisenyi ?
le témoin 35 : Moi, je vous
dis que je suis du MRND. Je ne connais pas de réunions, je n’ai assisté à aucune
réunion du MRND, je ne sais même pas qui aurait organisé ces réunions. Je peux
confirmer aussi que Monsieur HIGANIRO n’a pas été à ces réunions. Je vous remercie.
Me. HIRSCH : Est-ce que le témoin
peut nous dire s’il était présent au stade de Ruhengeri au moment des événements,
en avril 1994 ?
le témoin 35 : J’ai cité mon
parcours, Monsieur le président, on ne s’est pas arrêtés à Ruhengeri quand nous
avons fui. On est venu directement à Gisenyi, Monsieur le président.
Me. HIRSCH : Merci, Monsieur
le président.
Le Président : D’autres questions ?
Maître EVRARD ?
Me. EVRARD : Merci, Monsieur le
président. Le témoin peut-il nous confirmer que Monsieur HIGANIRO s’est bien
rendu, avec lui ou sans lui, je n’en sais rien, au domaine de Monseigneur BIGIRUMWAMI,
en 94, au moment où ils se trouvaient tous les deux à Kigufi, et peut-il nous
confirmer quels propos ils auraient échangés au sujet des rescapés de la famille
le témoin 123 ?
Le Président : Avez-vous… ?
le témoin 35 : Je me souviens
qu’effectivement, quand nous étions à Kigufi, comme je vous l’ai dit tout à
l’heure, nous restions des journées entières, soit assis, mais en tout cas,
à l’intérieur de la propriété de Monsieur HIGANIRO. Et un jour, on s’est dit
qu’il nous fallait quand même un peu se dégourdir les jambes, c’est comme ça
que moi et HIGANIRO nous avons entrepris de faire un peu de marche le long du
lac, et c’est comme ça que nous sommes passés à la propriété de Monseigneur
BIGIRUMWAMI Et là, je me souviens qu’effectivement, quand nous sommes arrivés
là, Monsieur HIGANIRO a échangé juste quelques propos de courtoisie avec une
religieuse qui était là, et après, on a continué notre marche jusque… on avait
peut-être trois ou quatre kilomètres, c’est jusqu’à une baie qui est là, où
étaient accostés plusieurs petits bateaux de pêche traditionnels. On avait quelques
moments là-bas, et puis, nous sommes revenus à la maison. C’est dans ce cadre-là
qu’on est passé comme ça, à la propriété de Monseigneur BIGIRUMWAMI, Monsieur
le président.
Le Président : Y a-t-il eu
des propos échangés à propos des survivants de la famille de l’assistant médical ?
le témoin 35 : Je suis formel,
il n’y en a pas eu, Monsieur le président.
Me. EVRARD : Une dernière question,
Monsieur le président. Le témoin nous dit qu’il est sorti. Il est peut-être
sorti à d’autres reprises, je n’en sais rien, mais aurait-il eu, à sa connaissance,
aurait-il entendu, lors de ce genre de promenades, des propos qui se tenaient
dans les environs de la villa de Monsieur HIGANIRO, des propos qui seraient
accusatoires pour Monsieur HIGANIRO, concernant l’assassinat de Monsieur le témoin 123
et de sa famille.
le témoin 35 : Là aussi, je
suis formel, il n’y en a pas eu, Monsieur le président.
Le Président : Ni à Kigufi,
ni à Gisenyi ?
le témoin 35 : Ni à Kigufi,
ni à Gisenyi, il n’y en a pas eu, Monsieur le président.
Le Président : Même pas quand
Monsieur HIGANIRO a eu quitté le Rwanda ?
le témoin 35 : Non, il n’y
en a pas eu, Monsieur le président.
Le Président : D’autres questions ?
Maître GILLET ?
Me. GILLET : Oui, deux questions,
Monsieur le président. L’emploi du temps semble avoir été assez décousu à Gisenyi.
Il y a eu un aller et retour de Monsieur HIGANIRO à Butare pour la remise en
route de la SORWAL, dans le cadre de mesures de pacifications, enfin a-t-on
appelé cela du gouvernement, d’après le témoin qui était souvent avec Monsieur
HIGANIRO, pourquoi, d’après lui, Monsieur HIGANIRO, alors qu’on était dans cette
phase de pacification, a-t-il dû rentrer aussi rapidement à Gisenyi, et pourquoi
n’est-il pas resté à Butare pour la remise en route de la SORWAL, puisqu’on
était dans une phase de pacification ? Qu’est-ce qui justifiait la présence
de Monsieur HIGANIRO à Gisenyi ?
le témoin 35 : Bon. D’abord,
la présence de HIGANIRO à Gisenyi était justifiée par le fait qu’il y avait
encore sa famille qui était là-bas. Deuxième chose, il devait aussi faire sa
prospection commerciale et aussi, comme vous le savez, il y avait la guerre
qui devenait de plus en plus intense. Même les réfugiés qui fusaient de toutes
parts et même à Butare…
[Interruption d’enregistrement]
Me. GILLET : …l’emploi du
temps de Monsieur HIGANIRO puisque le témoin était souvent avec lui. C’est un
témoignage qui été donné par quelqu’un devant le Tribunal pénal international
et qui dit :
Le Président : Par quelqu’un,
par qui ?
Me. GILLET : Par Monsieur
RUTABAYIRO Célestin.
Le Président : Voilà.
Me. GILLET : « Devant
le Tribunal international et qui dit que sa femme a été arrêtée à un barrage
routier à Ruhengeri en mai 1994, qu’à ce barrage il y avait des Interahamwe
qui ont forcé tous les gens à assister à une rencontre dans le stade de Ruhengeri
qui n’est qu’à une heure et demie de voiture de Gisenyi. Dans le stade, il y
avait des hautes personnalités comme Alphonse HIGANIRO. Selon ma femme, le stade
était plein de gens, KABUGA, donc Félicien KABUGA a parlé aux gens, il disait
qu’ils devraient serrer la ceinture pour acheter des armes et des munitions
pour les forces armées et les Interahamwe qui devaient se battre avec les Inyenzi
infiltrés ».
Alors, est-ce que le témoin, qui était souvent avec Monsieur HIGANIRO,
a-t-il entendu parler de cet épisode de l’emploi du temps de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 35 : Je suis
formel, Monsieur le président. HIGANIRO n’est pas allé à Ruhengeri.
Le Président : D’autres questions ?
S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin
se retire ? Monsieur le témoin 35, confirmez-vous les déclarations que vous
venez de faire ? Persistez-vous dans ces déclarations ?
le témoin 35 : Je persiste,
Monsieur le président.
Le Président : La Cour vous
remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps.
le témoin 35 : Merci
beaucoup, Monsieur le président.
Le Président : Bien. Oui,
vous souhaitez faire un commentaire, peut-être, Maître BEAUTHIER ?
Me. BEAUTHIER : Une phrase.
Le jury se souviendra qu’au début de cette affaire, les défenseurs de Monsieur
HIGANIRO ont sorti un document d’internet parlant de l’Akazu. Simplement une
phrase pour vous dire que dans ce document, qui a été déposé au dossier, les
défenseurs ont donc produit en pièce 5 : « Théonèste BAGOSORA, cousin
d’Agathe, principal responsable du génocide, et Séraphin RWABUKUMBA, frère d’Agathe,
réseau 0 ». Les deux témoins qui viennent de venir ont présenté Monsieur
le colonel BAGOSORA. L’un ne s’en souvenait plus, et puis, il a eu la mémoire
rafraîchie par le chef d’excursion pour les coopérants qui venait pendant quelques
jours au Rwanda. Ce n’est évidemment pas crédible, on le dira en plaidoiries,
mais le deuxième témoin vient évidemment…
Le Président : Maître BEAUTHIER,
Maître BEAUTHIER.
Me. BEAUTHIER : Oui, je fais un
commentaire.
Le Président : Qu’un colonel
s’occupe aussi d’excursions et d’autres choses, ça ne me paraît pas…
Me. BEAUTHIER : C’est pour ça
que je fais mon commentaire sur le deuxième. Le deuxième, c’était aussi une
excursion, mais autre qui était le voyage de Kigali à Gisenyi organisé évidemment
par toutes ces personnes qui se connaissent bien, contrairement à ce que la
défense a voulu faire croire au début du procès.
Le Président : Alors, pas
de commentaire du commentaire. Si vous avez un commentaire à faire à propos
des témoignages, vous pouvez.
Me. MONVILLE : Monsieur le
président, je crois qu’on mêle les pommes et les poires.
Le Président : Bien. Alors,
l’audience va être suspendue un peu plus tôt que d’habitude et elle ne reprendra
qu’à 13h30, pas un peu plus tôt que 13h30. C’est dommage, mais c’est comme ça.
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