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7.3.16. Auditions des témoins: le témoin 40
Le Président : Bien. Nous allons peut-être, quand même, commencer
l’audition de Monsieur le témoin 40. On suspendra vers 13h00 et on reprendra cet après-midi,
à 14h00. Donc, Monsieur le témoin 40 peut approcher.
Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 40 : Je m’appelle
le témoin 40.
Le Président : Quel âge avez-vous
?
le témoin 40 : 41 ans
Le Président : Quelle est
votre profession ?
le témoin 40 : Etudiant.
Le Président : Quelle est
votre commune de domicile ?
le témoin 40 : Koekelberg,
Koekelberg.
Le Président : Koekelberg. Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés,
avant le mois d'avril 1994 ? Connaissiez-vous Monsieur Vincent NTEZIMANA ?
le témoin 40 : Avant 94 ?
Le Président : Avant 94.
Avant avril 94.
le témoin 40 : Bon, je le
voyais.
Le Président : Vous le voyiez
parfois ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Monsieur Alphonse
HIGANIRO ?
le témoin 40 : Ah oui, c’est
mon boss, hein.
Le Président : C’était votre
boss, oui. Et les deux religieuses, vous les connaissiez ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Bien. Etes-vous
de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles, c’est-à-dire
des personnes qui leur réclament des dommages et intérêts ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Actuellement,
vous n’êtes plus sous un lien de contrat de travail avec les accusés ou avec
les parties civiles ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Je vais vous
demander, Monsieur le témoin 40, de bien vouloir lever la main droite et de prêter
le serment de témoin.
le témoin 40 : Je jure de
parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Je vous remercie.
Vous pouvez vous asseoir.
Monsieur le témoin 40, vous avez travaillé à la SORWAL ?
le témoin 40 : Oui, bien sûr.
Le Président : Je vais vous
demander de parler bien dans le micro pour qu’on entende bien vos réponses.
le témoin 40 : Oui, oui, j’ai
travaillé à la SORWAL.
Le Président : Euh… quand
avez-vous commencé à travailler à la SORWAL ?
le témoin 40 : Je crois, si
mes souvenirs sont bons, à partir d’octobre 92. Octobre 92.
Le Président : Octobre 92.
Donc, à ce moment-là, Monsieur HIGANIRO était déjà directeur général quand vous
avez été engagé ?
le témoin 40 : Oui, il était
déjà directeur général.
Le Président : Est-ce lui
qui vous a engagé ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : C’est le…
le… le chef du personnel, quelqu’un d’autre ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Qui vous a
engagé ?
le témoin 40 : J’ai été engagé
par le Conseil d’administration.
Le Président : Par le Conseil
d’administration.
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Vous étiez
agent commercial, dès le début ?
le témoin 40 : Depuis que
j’ai été à la SORWAL, j’ai été agent commercial, dès le moment quand j’ai commencé
à la SORWAL.
Le Président : Et en quoi
consistait ce travail, très concrètement, d’agent commercial à la SORWAL ?
Aviez-vous un véhicule, par exemple, avec lequel vous vous déplaciez ?
le témoin 40 : Quand je… quand
j’allais en mission.
Le Président : Eh bien, en
quoi consistaient vos missions d’agent commercial ?
le témoin 40 : C’était la…
c’était la prospection commerciale, la gestion de comptes clients et le recouvrement.
Le Président : Alors, dans la prospection de la clientèle, votre
territoire de clientèle s’étendait jusqu’où ? Est-ce que c’était la préfecture
de Butare, est-ce que c’était l’ensemble du Rwanda, est-ce que c’était le Rwanda… ?
le témoin 40 : Jusque quand
du moins ?
Le Président : Pardon ?
le témoin 40 : Jusque quand ?
Parce qu’avant, avant le 6 avril 94, c’était, bon, c’était sur tout le territoire
national et un peu les pays limitrophes.
Le Président : Donc, avant
le 6 avril 94…
le témoin 40 : Oui.
Le Président : …vous aviez
tout le territoire national…
le témoin 40 : Oui.
Le Président : …et les pays,
les pays limitrophes ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Quelque chose
a changé, le 6 avril 94 ?
le témoin 40 : Beh, parce
que par après, HIGANIRO a pris le rôle d’agent commercial à Gisenyi.
Le Président : Nous ne comprenons…
j’ai pas bien compris votre réponse. Après le 6 avril 94, qu’est-ce qui a changé ?
le témoin 40 : Bon, le directeur
général, il a pris le rôle d’agent commercial à Gisenyi.
Le Président : Ah, il a pris
le rôle d’agent commercial à Gisenyi.
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Monsieur HIGANIRO,
lui-même ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Est-ce qu’il
vous a laissé une partie du territoire ?
le témoin 40 : Bon, du moins
en ce qui concerne les informations que j’ai reçues, je devrais faire la prospection
commerciale dans… dans la partie où il n’y avait pas de combats.
Le Président : C’est ça.
A partir de quelle date, précisément, n’avez-vous plus été chargé de la prospection
commerciale dans le secteur de Gisenyi ?
le témoin 40 : Bon, du moins,
il paraît qu’il y a une lettre qui est venue à la SORWAL, bon, qui disait qu’il
va s’occuper de la prospection commerciale à Gisenyi. Du moins, ma… la dernière
fois, bon, j’ai été à Gisenyi vers le… le 15 mai…
Le Président : Oui ?
le témoin 40 : …94.
Le Président : Bon, et le
15 mai 1994, lorsque vous êtes allé à Gisenyi, vous avez rencontré Monsieur
HIGANIRO ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Vous l’avez
rencontré ?
le témoin 40 : Oui, oui, je
l’ai rencontré.
Le Président : Est-ce qu’il
vous a dit que vous ne deviez plus vous occuper de la prospection commerciale
dans ce secteur-là ?
le témoin 40 : Non, à ce moment-là,
il ne m’a rien dit.
Le Président : Il ne vous
a rien dit, à ce moment-là ?
le témoin 40 : Oui. Mais seulement,
on a eu…
Le Président : Et donc, quand
vous êtes revenu de Gisenyi…
le témoin 40 : On a eu quelques altercations,
moi… moi et lui. Parce que, quand il m’a vu chez lui, il s’est demandé pourquoi
je venais chez lui. Bah, je lui ai montré que j’avais l’ordre de mission en
bonne et due forme.
Le Président : Oui. Et il
a été étonné que vous ayez encore…
le témoin 40 : Oui, il a été
étonné, parce que normalement, dans le… bon, quand je suis allé à Gisenyi, le
15 avril, je ne devrais pas y aller, je devrais, du moins, accompagner un commerçant…
Le Président : Le 15 avril
ou le 15 mai ?
le témoin 40 : Le 15 mai,
pas le 15 avril…
Le Président : Le 15 mai.
le témoin 40 : …le 15 mai. Donc, je devrais du moins m’arrêter à Gitarama.
Mais, comme mes supérieurs directs m’avaient dit que, si le commerçant ne parvient
pas à vendre la cargaison à Gitarama, que je pouvais continuer sur Gisenyi.
C’est comme ça que je suis allé à Gisenyi. Parce qu’avec le commerçant qui avait
fait des manigances avec mes supérieurs hiérarchiques, bon, il n’a pas pu vendre
la cargaison à Gitarama. Alors, comme sur l’ordre de mission, c’était écrit
que je pouvais aller sur Gisenyi, c’est comme ça que je suis monté sur Gisenyi.
Le Président : C’est ça.
Et Monsieur HIGANIRO a été surpris de vous voir parce que vous n’auriez pas
dû y aller.
le témoin 40 : Oui, oui.
Le Président : Il aurait
donc déjà commencé ce… avant le 15 mai, il faisait déjà l’agent commercial,
alors ?
le témoin 40 : Non, avant
le 15 mai, j’avais… j’avais pas ces nouvelles. Moi, je ne connaissais pas ces
nouvelles.
Le Président : Quand avez-vous
réellement appris que vous ne deviez plus vous occuper du secteur de Gisenyi ?
le témoin 40 : Bon, ça m’a
été dit verbalement. Je crois, c’est quand je suis revenu de Gisenyi. Non, en
tout cas, c’est vers fin mai.
Le Président : Vers la fin
mai.
le témoin 40 : Oui, vers fin
mai.
Le Président : Bien. Vous
vous occupiez aussi des… des clients qui ne payaient pas ?
le témoin 40 : Oui, le recouvrement
aussi, oui.
Le Président : Dans les clients
qui ne payaient pas, est-ce qu’il n’y avait pas le… comment il s’appelait encore,
le… KAJUGA Robert ?
le témoin 40 : Oui, il était
là-dedans.
Le Président : Vous alliez
le voir, de temps en temps, pour lui tirer les oreilles et lui faire payer ses
factures ?
le témoin 40 : Mais, c’est…
il y avait plusieurs clients dont les dossiers… D’abord… d’abord, il ne payait
pas. D’abord, il y avait la politique commerciale qui était, à l’époque, quand
je suis arrivé. Donc, ils donnaient ce qu’on appelle le crédit, crédit client
de 40, de 30 jours. Mais sans… sans une garantie quelconque, rien que la facture.
Alors, comme, je crois, dans d’autres sociétés, bon, les sociétés étaient tenues
par les Pakistanais ou les Juifs ; eux, ils accordaient le crédit de 30
jours, mais avec un chèque encaissable à la fin du mois. Alors, tous ces gens,
ils… ils avaient donné des chèques. Bon, je les ai poursuivis, bon, jusqu’au
parquet de Kigali, même au tribunal d’instance, jusqu’à un moment donné où j’ai
failli laisser… y laisser ma peau.
Le Président : Il ne payait
pas, KAJUGA Robert ?
le témoin 40 : Non, il avait
donné des chèques. Des chèques qui ont été…
Le Président : Qui n’étaient pas payés parce qu’il n’y avait pas
de provision sur les comptes en banque.
le témoin 40 : Non, il n’y
avait pas de provision. Alors, quand il n’y avait pas de provision, le parquet
devrait s’en charger. Normalement, quelqu’un qui donnait un chèque sans provision,
directement, on l’amenait en prison, puis on laissait la justice continuer son
cours.
Le Président : Et KAJUGA
Robert, il a été en prison parce qu’il avait pas fait de chèque ?
le témoin 40 : Non, ça, ce
sont les problèmes du parquet, à cette époque, je sais pas, mais on a toujours
continué du suivre, j’ai toujours continué du suivre jusqu’au parquet,
jusqu’à saisir les biens. Bon, quand j’ai quitté le Rwanda du moins, on avait
pu… je pense, ça, c’est le problème du parquet ou du Tribunal de première instance
mais c’est là où le dossier était.
Le Président : Bien. Donc,
vous étiez agent commercial. Vous avez été à Gisenyi, le 14 ou le 15 mai, enfin,
vers la mi-mai, et vous avez appris, fin mai, que vous ne deviez plus vous occuper
de… de Gisenyi.
le témoin 40 : Non, je l’ai
appris par le directeur technique…
Le Président : Par le directeur
technique.
le témoin 40 : …verbalement,
comme ça, que cette fois-ci le directeur général, il va s’occuper, bon, du rôle
de l’agent commercial à Gisenyi.
Le Président : Etes-vous,
entre le… après le 15 mai 94…
le témoin 40 : Oui.
Le Président : …êtes-vous encore retourné à Gisenyi ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Quand ça ?
le témoin 40 : Je suis retourné
le… le 26 juin.
Le Président : Le 26 juin.
Vous y avez pu rencontrer Monsieur HIGANIRO, alors ?
le témoin 40 : Non, il n’était
pas là.
Le Président : Il n’était
pas là.
le témoin 40 : D’abord que je
tournais… il paraît qu’on devrait aller chercher sa… sa boyesse. Bon, ça
aussi, ils m’expliquaient, ils m’ont dit que le directeur général, via
la Belgique, qu’il a dit qu’il fallait aller chercher sa boyesse qui était restée
là-bas. Bon alors, bon, on a dit que c’était dans une réunion de cadres, on
a dit bon : « Pourquoi aller à Gisenyi, chercher… ». Bon, je
lui ai dit : « Je ne peux pas aller à Gisenyi chercher une boyesse
comme ça, bon, ou soit, on y va avec une cargaison ». C’est comme ça que
je suis monté avec un camion rempli d’allumettes.
Le Président : Le 14 mai
ou bien fin juin, une de ces deux fois où vous êtes allé à Gisenyi, étiez-vous
accompagné par Innocent NKUYUBWATSI ?
le témoin 40 : Le… le 15 avril,
il était là.
Le Président : 15 mai ?
le témoin 40 : Plutôt le 15
mai.
Le Président : Le 15 mai.
le témoin 40 : Je m’excuse,
le 15 mai.
Le Président : Il était avec
vous ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Il y avait
un chauffeur en plus de vous deux ?
le témoin 40 : Il y avait,
oui, il y avait le chauffeur.
Le Président : Vous étiez
à trois, alors ?
le témoin 40 : Oui, nous étions
à trois.
Le Président : Avez-vous
eu connaissance qu’il y aurait eu des problèmes d’embourbement d’un camion dans
la cour de déchargement de la SORWAL ?
le témoin 40 : A l’époque ?
Le Président : Oui, à l’époque,
là, au…
le témoin 40 : Non, je n’ai
pas eu connaissance.
Le Président : …au mois de
mai.
le témoin 40 : Je n’en ai
pas eu connaissance.
Le Président : Personne n’a
jamais parlé d’un camion qui s’était embourbé, qui… non ?
le témoin 40 : Personnellement,
moi, je n’en ai pas eu connaissance. Moi, je l’ai appris quand j’ai rencontré
les enquêteurs et le juge d’instruction VANDERMEERSCH.
Le Président : Vous est-il
déjà arrivé à vous, Monsieur le témoin 40, de vous rendre au domicile de Monsieur
HIGANIRO ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Est-ce qu’il
était gardé par des militaires ?
le témoin 40 : Ça, je ne sais
pas. Quand on y allait, bon, de temps en temps, il y a des fois où il invitait
les cadres d’aller prendre un verre chez lui. Mais dire que j’ai vu des militaires,
là, je ne sais pas. Mais peut-être, après le… le 6 avril, je ne… j’ai jamais
été.
Le Président : Oui, de toute
façon, après le 6 avril, Monsieur HIGANIRO n’était plus chez lui, hein ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Il était à
Gisenyi ?
le témoin 40 : Avant peut-être,
c’est fort possible, hein. Mais, j’y allais… Bon, il invitait les cadres avec
leur femme, de temps en temps, prendre un verre, mais avoir quelqu’un qui était
militaire là-bas… parce que je voyais des gens en civil, qui étaient sur la
porte.
Le Président : Etes-vous
déjà allé chez Monsieur HIGANIRO avec Monsieur, enfin, à son domicile de Butare,
hein, avec Monsieur NKUYUBWATSI Innocent ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Savez-vous
si Innocent NKUYUBWATSI connaissait bien Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 40 : Ah, ça, c’est
bien sûr.
Le Président : Ils se connaissaient
bien ?
le témoin 40 : Ah, dire qu’ils
se connaissaient bien, moi, je sais pas, mais de temps en temps, il paraît qu’il
allait chez lui.
Le Président : Est-ce que
Innocent NKUYUBWATSI vous avait déjà dit : « Tiens, moi, hier soir,
j’ai été chez le boss », enfin chez le patron, ou… ?
le témoin 40 : Non, la question…
pardon ?
Le Président : Chez le patron ?
le témoin 40 : Non, Innocent
NKUYUBWATSI disait qu’il a pris un verre chez le patron et c’est tout.
Le Président : NKUYUBWATSI
habitait chez le capitaine NIZEYIMANA Ildephonse ?
le témoin 40 : Oui, oui, c’est
là où il habitait, avant le 6 avril.
Le Président : Avant le 6 avril ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Et après le
6 avril ?
le témoin 40 : Avant le… après
le 6 avril, il vivait chez Vincent NTEZIMANA.
Le Président : Chez Vincent
NTEZIMANA. Pendant les événements du mois d’avril et du mois de mai, Monsieur
NKUYUBWATSI vous a fait part de ce qu’il avait comme activités, autres qu’à
la SORWAL ?
le témoin 40 : Bon, du moins,
quand les activités ont repris, il venait à la SORWAL, il se vantait toujours
qu’il a chassé les Inyenzi.
Le Président : Il a chassé
les Inyenzi ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Est-ce qu’il
avait parfois un uniforme militaire ?
le témoin 40 : Non, je l’ai
pas vu avec un uniforme militaire.
Le Président : L’avez-vous déjà vu avec une arme à feu, un fusil,
ou… ?
le témoin 40 : A la SORWAL ?
Je ne crois pas.
Le Président : A la SORWAL,
pas ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Peut-être
l’avez-vous vu en rue, un dimanche, par exemple ou un samedi ou un jour…
le témoin 40 : A la SORWAL,
non, il n’avait pas d’arme. Même ceux qui apprenaient à tirer, moi, je ne crois
pas qu’il était là-dedans.
Le Président : Il y avait
des personnes qui apprenaient à tirer à la SORWAL ?
le témoin 40 : Ben, oui, oui,
oui.
Le Président : A partir de
quand ces entraînements ont-ils commencé ?
le témoin 40 : Je crois, c’est
quand les activités ont repris.
Le Président : Quand les
activités ont repris. Début mai, alors ?
le témoin 40 : Non, ils étaient
entraînés par quelqu’un qui travaille à la SORWAL, beh, dans le cadre de… je
crois, c’est le… les informations que j’ai réussi à détecter, parce que
c’était devant mon bureau.
Le Président : Ça se passait
sur le terrain de basket ?
le témoin 40 : Oui, sur le
terrain de basket. Que c’était pour les gens qui vont garder la SORWAL, mais
c’étaient des… des agents de la SORWAL.
Le Président : Des agents
de la SORWAL qui s’entraînaient ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Et qui étaient
entraînés par… MUHUTU, quelque chose comme ça ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : C’est ça ?
le témoin 40 : Oui, oui. MUHUTU.
Le Président : Et ces entraînements
ont commencé quand, vous dites ?
le témoin 40 : Ça, il faudrait
demander au directeur technique, moi, je me souviens pas. Mais, on avait déjà
repris les activités. La date, ça, je sais pas.
Le Président : Les activités
avaient déjà repris ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Savez-vous
qui avait donné les instructions pour cet entraînement ?
le témoin 40 : Non, ça, vraiment,
ça, je ne sais pas. Moi aussi, je voyais, ça se passait comme ça. Moi, je… je
n’y connaissais rien.
Le Président : Euh… et cet
entraînement concernait combien de personnes ?
le témoin 40 : Là encore,
il faudrait demander au directeur technique.
Le Président : 2 ? 3 ?
10 ? 15 ? 25 ? Vous les voyiez devant votre bureau, vous…
le témoin 40 : Bon, quand
je voyais, mais c’était une bonne dizaine, hein.
Le Président : Une bonne
dizaine ?
le témoin 40 : Oh, oui, je
voyais les le témoin 153 aussi, ils étaient là-dedans, hein.
Le Président : Ils tiraient
parfois ?
le témoin 40 : Non. Non, ils
ne tiraient pas, quand même, c’était… bon je voyais où les élèves, on les apprenait
à manier l’arme.
Le Président : A manier l’arme.
C’est ça. Il y avait des gardes armés à la SORWAL ?
le témoin 40 : Des gardes
armés ?
Le Président : Des gardes
armés, oui, qui avaient… qui étaient armés avec des fusils ?
le témoin 40 : Oui, je crois,
les… les gardiens, ils avaient des fusils, hein. C’étaient des… des anciens
militaires, hein. Moi, chez nous, on les appelait réservistes.
Le Président : Des réservistes,
oui.
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Dites-moi,
Monsieur le témoin 21, vous aviez des activités politiques à Butare ?
le témoin 40 : Pardon ?
Le Président : Pardon, Monsieur
le témoin 40, vous aviez des activités politiques à Butare ?
le témoin 40 : Bon, non.
Le Président : Pas du tout ?
le témoin 40 : Bon, pas du
tout.
Le Président : Avez-vous
fait partie des Interahamwe ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Dans le sens
jeunesse…
le témoin 40 : Non.
Le Président : …d’un parti
politique, hein. Pas dans le sens, tueur.
le témoin 40 : Non.
Le Président : Vous étiez
affilié à un parti politique ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Vous n’alliez
pas aux réunions des fonctionnaires affiliés au MRND ?
le témoin 40 : La seule réunion
où je suis parti, c’était je crois, vers février ou quoi. Je savais pas, c’est
la réunion où je suis allé avec le témoin 21 et HIGANIRO. C’est là où ils ont parlé
de la situation qui… qui se prévalait dans le pays. C’est la seule réunion où
je suis allé… qui n’a duré que 30 minutes ou 35 minutes.
Le Président : Au cours de cette réunion qui a duré 30 ou 35 minutes,
est-ce que Monsieur le témoin 21 vous a soumis un texte ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : A-t-on
rédigé un texte ?…
le témoin 40 : Bon, bon… après
30 minutes, parce qu’il y avait d’autres qui n’étaient pas venus. Bon, on a
dit, bon, le directeur général a dit que lui et Monsieur le témoin 21, ils vont faire
un procès-verbal qu’ils vont envoyer à ceux qui étaient présents
Le Président : Et vous l’avez
reçu ?
le témoin 40 : Non, je ne
l’ai pas reçu.
Le Président : Parmi les
membres de la SORWAL, du personnel de la SORWAL, y en a-t-il qui sont devenus
des Interahamwe tueurs ?
le témoin 40 : Les… bon, par
exemple, cet agent de NKUYUBWATSI…
Le Président : NKUYUBWATSI,
oui.
le témoin 40 : …qui disait
qu’il a chassé les Inyenzi ; chasser les Inyenzi, c’est-à-dire
tuer.
Le Président : Mais, y en
a-t-il d’autres de la SORWAL qui étaient comme lui ?
le témoin 40 : Mais personnellement
moi, moi, quand j’arrivais à la SORWAL, bon, j’arrivais vers 10 heures alors
qu’ils avaient commencé vers 8 heures, bon, pour connaître tout ce qui se passe
et tout ça, sauf NKUYUBWATSI qui se vantait… Mais dire que moi, j’ai vu quelqu’un
d’autre de la SORWAL, si vous voulez, ça, je mentirais. Mais il y avait des
membres de la milice, il y avait des Interahamwe, il y avait des gens de la
CDR. Il y avait comme aussi des gens du PSD ou du MDR.
Le Président : Avez-vous
l’impression qu’il y avait beaucoup de gens des milices, à la SORWAL, que c’était
un… une usine où il y avait beaucoup de miliciens ? Ou il n’y en avait
pas plus que dans… dans d’autres sociétés.
le témoin 40 : Bon, miliciens…
miliciens en tant que quoi ? En tant qu’Interahamwe ou quoi ?
Le Président : Oui, en tant
qu’Interahamwe.
le témoin 40 : Bon, les Interahamwe,
à la SORWAL, n’étaient pas… n’étaient pas nombreux, n’étaient pas… ils étaient
insignifiants d’ailleurs. Parce que d’autres, qui se réclamaient Interahamwe,
ils avaient été renvoyés parce qu’ils avaient volé à la SORWAL. Ils étaient,
je crois, quatre ou cinq. Ils avaient été renvoyés.
Le Président : A quelle époque ?
le témoin 40 : Je crois, en
93, fin 93, je crois. Parce qu’ils venaient de voler à la SORWAL. Bon, quant
aux autres milices, je sais pas.
Le Président : Il n’y avait
pas de l’agitation politique au sein même de l’usine ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Des réunions
politiques ? Non ?
le témoin 40 : Non. Au niveau
de l’agitation politique au niveau de l’usine, non.
Le Président : Donc, vous-même,
à part une réunion à laquelle vous êtes allé, vous n’avez pas eu d’activité
politique à Butare ?
le témoin 40 : Non et non.
C’est cette réunion, depuis la naissance des partis politiques, c’est cette
réunion où je suis allé.
Le Président : Euh… vous
vous êtes réfugié à l’étranger ?
le témoin 40 : Oui, oui.
Le Président : Après… après…
après juin, j’imagine ?
le témoin 40 : Non, moi…
Le Président : A quelle époque
vous avez quitté ?
le témoin 40 : Moi, j’ai quitté
le pays en septembre 94.
Le Président : En septembre
94.
le témoin 40 : Oui.
Le Président : N’avez-vous
pas retrouvé, dans un camp de réfugiés, Monsieur le témoin 21 ?
le témoin 40 : Oui, il est
venu me voir là où j’habitais parce que lui n’était pas dans un camp de réfugiés.
Le Président : Vous étiez
dans un camp, vous ?
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Lui n’était
pas dans un camp ?
le témoin 40 : Non, non.
Le Président : Mais il était
dans la même ville ou…
le témoin 40 : Non, il vivait
à Bukavu. Moi, j’étais à 20 kilomètres de lui.
Le Président : A une vingtaine
de kilomètres de Bukavu, vous étiez.
le témoin 40 : Oui, oui.
Le Président : Et lui n’était
pas dans un camp ?
le témoin 40 : Non, non.
Le Président : A l’époque
où vous étiez dans ce camp de réfugiés à Bukavu, ou près de Bukavu, « Il
est venu vous rendre visite », m’avez-vous dit ?
le témoin 40 : Non, ce n’était
pas une question de me rendre visite, hein. Il est venu me voir parce qu’il
venait de… il venait de rencontrer l’avocat de Monsieur le directeur général.
Le Président : Il venait de rencontrer l’avocat de Monsieur HIGANIRO.
le témoin 40 : Oui.
Le Président : Que vous a-t-il
demandé ?
le témoin 40 : Non, il est
venu, il m’a dit que le directeur général est emprisonné, ça je le savais par
les médias, qu’il avait été emprisonné ici, à Bruxelles. Il est venu me dire
que son avocat - moi, je connais pas même son avocat - que son avocat aimerait
qu’on donne des témoignages sur une certaine lettre, alors on en a discuté,
bon. C’est comme ça qu’il est venu dans le camp où j’habitais.
Le Président : Il vous a
parlé d’une lettre.
le témoin 40 : Oui, oui.
Le Président : Est-ce qu’il
vous a montré une lettre ?
le témoin 40 : Bon, je crois
en avoir discuté très longuement avec lui parce qu’il y avait des points et
tout… d’ailleurs, je lui ai demandé : « Est-ce que cette lettre, tu
l’as eue ? », il m’a dit qu’il a retrouvé ça. Moi, je dis :
« Tu l’as eue et tu ne l’as pas montrée aux cadres ? ». Il m’a
dit : « Non », qu’il a donné les instructions verbalement, entre
autres le rôle de l’agent commercial qui était occupé par le directeur général,
et puis, le cas d’un certain chimiste qui s’appelle Monsieur le témoin 121
Vianney, qu’on, bon, qu’on devrait renvoyer s’il ne se présentait pas à l’usine.
Et puis, on a parlé, bon, parce que c’était très long, il y avait des points
ou deux, je ne comprenais pas, bon, les points comme les armes, bon, je vois…
il disait qu’on cherchait des armes à Gisenyi, moi, je dis : « Moi,
je comprends pas ce que… ce que ça a à voir ». Il y avait aussi ce… ce
fameux camion. Moi, je lui ai demandé : « Quand est-ce que ça s’est
passé tout ça, bon, des choses que j’ai jamais connues, que j’ai jamais vues ».
Alors Martin, il m’a dit que : « Bon, ça s’est passé pendant un week-end ».
Bon, alors moi, je lui ai demandé : « Est-ce que, bon, si c’était
même que ça s’est passé, qu’est-ce que ça a à voir avec la sécurité de la ville
de Butare ». C’est pourquoi moi, j’ai jamais donné mon… mon témoignage.
Le Président : C’est ça.
le témoin 21, quand il est venu vous voir au camp de réfugiés, vous a-t-il
montré un papier ?
le témoin 40 : S’il avait
un papier ?
Le Président : Ce papier, était-ce ce que lui écrivait comme témoignage
ou bien était-ce… ?
le témoin 40 : Bon, c’était
un papier avec l’écriture de Monsieur HIGANIRO, en tout cas.
Le Président : C’était un
papier avec l’écriture de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 40 : Oui. Ça, bon,
quand on en a discuté, même mon épouse était là.
Le Président : Vous êtes
formel ?
le témoin 40 : Dire ce que
je me souviens… beh, il devrait venir me voir pour discuter de quoi alors ?
Le Président : Beh, je ne
sais pas, parce qu’il avait peut-être rédigé son témoignage et il a dit :
« Tiens, regarde, moi, ce que j’écris, j’écris ça. Qu’est-ce que toi, tu
en penses ? ».
le témoin 40 : Mais arrêtez.
D’abord lui, il devrait être au courant de ça avec quoi ?
Le Président : Et il y avait
la signature de Monsieur HIGANIRO sur ce papier ?
le témoin 40 : Beh, tu vois,
ça fait 7 ans, hein. Je suis allé voir la signature déjà quand… je lisais, bon,
quand on lisait… quand il disait ce qu’il en est. Bon, je me suis dit, bon,
je suis allé vérifier la signature.
Le Président : Oui, oui,
je veux dire, c’est un papier dans ce genre-là, quoi ? Comme ça, un papier.
Une copie, une photocopie ?
le témoin 40 : Je me souviens
pas très bien si c’était une photocopie ou si c’était… mais c’était écrit à
la main. C’était écrit à la main.
Le Président : C’était quelque
chose d’écrit à la main et vous avez reconnu l’écriture de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 40 : Oui, oui.
Le Président : Vous êtes
formel, hein ?
le témoin 40 : Oui, oui.
Le Président : Donc c’est
une lettre que vous n’aviez jamais vue avant qu’on ne vous rende…?
le témoin 40 : Non. Moi, j’ai
demandé à Martin : « Est-ce que tu as reçu la lettre à la SORWAL ? »,
il m’a dit : « Oui, oui, je l’ai reçue ». « Est-ce que tu
nous as… ? ». Normalement, quand il y a une instruction qui vient
du directeur général, comme c’est le directeur ancien qui le remplace, mais
quand il y a une instruction, les cadres restant se réunissent. Cette fois-ci,
les cadres n’étaient plus 4, on avait agrandi les cadres à 7 ou à 8, je crois.
Il y avait le chef de fabrication, 3 chefs de fabrication et un autre qui venait
d’être engagé pour discuter, bon, du moins pour prendre des mesures concernant
la note du directeur général. Ça, il ne l’a pas, je lui ai demandé même dans
le camp, c’est, je crois, c’était en été 95. Alors, je lui ai demandé :
« Est-ce que tu as eu ça ? », mais ce que j’ai vu là-dedans,
il y avait aussi le rôle de l’agent commercial et du chimiste.
Le Président : Oui ? Mais
donc, il… il n’y a pas eu de réunion des cadres pour exposer le contenu de cette
lettre ?
le témoin 40 : Non. Normalement…
normalement quand il y a des… bon, une note que le directeur, il envoie, les
cadres se réunissent et discutent des mesures à y donner. Mais ça, ça n’a pas
eu lieu.
Le Président : Ça n’avait
pas eu lieu.
le témoin 40 : Bon, entre
autres parce que c’était un… Jean-Marie, le chimiste, il était aussi encore
à Bukavu et il vivait dans un autre camp où vivaient les agents de la SORWAL.
Il vivait à 40 kilomètres de Bukavu. Bon, là aussi, on en a discuté. J’ai… ou
nous avons contacté le témoin 121, bon, lui aussi, il a été étonné qu’il
n’a pas… surtout que ça le concernait aussi. A ce moment-là, lui n’était pas
à la SORWAL. Mais quand l’avocat est venu, ils ont été au courant, Jean-Marie.
Le Président : Et vous, vous
personnellement, avez-vous rencontré l’avocat de Monsieur HIGANIRO dans le camp ?
le témoin 40 : Ça, je ne le
connais même pas.
Le Président : J’attire l’attention
des membres du jury, quand on parle d’avocat de Monsieur HIGANIRO, il ne s’agit
pas des actuels avocats de Monsieur HIGANIRO.
le témoin 40 : Non, non, il
s’appelait SCHEERS.
Le Président : SCHEERS.
le témoin 40 : Parce que Martin
m’avait montré sa carte de visite. Il s’appelait SCHEERS, hein.
Le Président : Oui, SCHEERS,
nous on dit SCHEERS, mais oui, c’est…
le témoin 40 : Oui, c’était
lui qui, donc, paraît-il, c’était lui qui était venu.
Le Président : Bien. Y a-t-il
des questions à poser au témoin ? Monsieur le 6e juré.
Le 6e Juré : Monsieur
le président, vous pouvez demander au témoin : il y avait des gardes armés
à la SORWAL, est-ce qu’ils patrouillaient la journée ou la nuit, ou les deux ?
Le Président : Les gardes
armés de la SORWAL, faisaient-ils leur ronde de garde, uniquement pendant la
journée, uniquement pendant la nuit ou bien pendant la journée et la nuit ?
le témoin 40 : Bon, c’est
la nuit, hein.
Le Président : La nuit ?
le témoin 40 : Du moins, avant
le 6 avril, à ce que je pense, parce que la journée il y avait, il y avait,
bon, ce que nous, on appelle le gardien. C’était une seule personne pour ouvrir
la porte. C’est tout. Mais eux, comme c’étaient d’anciens réservistes, là aussi,
le directeur technique vous dira beaucoup, comment ils ont été recrutés, bon,
je crois qu’ils venaient la nuit.
Le Président : Oui ?
Le 6e Juré : Et
est-ce qu’ils patrouillaient le week-end compris ?
Le Président : Savez-vous
s’ils faisaient des patrouilles pendant les week-ends ?
le témoin 40 : Ça, je ne sais
pas parce que j’ai jamais été à la SORWAL pendant le week-end. Mais comme il
restait quelqu’un, aussi le directeur technique vous en dira davantage beaucoup
sur ce problème.
Le Président : Vous n’alliez
pas travailler le dimanche ?
le témoin 40 : Non.
Le Président : Est-ce qu’il
y a des gens qui travaillaient le dimanche à la SORWAL ?
le témoin 40 : S’il y a des
jours où ils ont travaillé, mais je sais pas. Ça aussi, il faudrait demander
au directeur technique.
Le Président : Mais le témoin 21,
est-ce qu’il avait l’habitude, lui, d’aller travailler le dimanche ?
le témoin 40 : Oui, de temps
en temps, il nous disait qu’il… il était à l’usine.
Le Président : Une autre
question ?
Me. LARDINOIS : Vous étiez
donc responsable de la politique commerciale comme agent, pour tout le Rwanda,
donc, je suppose que ça concernait toute la clientèle du Rwanda. Et on nous
a dit qu’il y avait parmi le comité national des Interahamwe, une série de personnes
qui étaient clients de la SORWAL, pas seulement le président Robert KAJUGA,
mais également le premier vice-président et d’autres personnes. Est-ce que vous
étiez responsable de ces clients-là ? Vous-même ?
le témoin 40 : Responsable
comment ?
Me. LARDINOIS : Eh bien,
des trois missions que vous avez indiquées tout à l’heure, c’est-à-dire de prospection…
le témoin 40 : Bon, toute
la mission que je faisais quand ils ont… ils ont pris des allumettes à la SORWAL,
de temps en temps, j’étais au parquet pour les poursuivre.
Me. LARDINOIS : Dites-nous,
par exemple quelle est la dernière commande qui a été exécutée par la SORWAL
en ce qui concerne chacun de ces clients ? Si vous pouvez donner les noms
de ces clients, ce serait intéressant.
le témoin 40 : Je pense qu’il
y a… bon, ici, il y a celui qui a été directeur général de la SORWAL, je crois
qu’il a des informations récentes, hein. Mais moi, les dates, je peux pas…
Me. LARDINOIS : Non, mais
approximativement, les époques.
le témoin 40 : Mais en conséquence
de ça, la SORWAL n’a pas été pillée, tout est… c’est écrit. Je pense qu’il y
a moyen du voir.
Me. LARDINOIS : Mais… Fin 1993, par exemple, est-ce qu’on continuait à
livrer ces personnes-là ?
le témoin 40 : Non, fin 93
il restait, je crois, deux clients. Bon, on ne continuait pas à livrer parce
qu’on avait des problèmes avec eux. Parce qu’avec, je crois, début 93, on avait
commencé déjà à les traduire en justice.
Me. LARDINOIS : Et quand
vous dites : « Les traduire en justice », ce sont toutes ces
personnes-là ? Par exemple on a cité le nom de ce premier vice-président
qui s’appelle le témoin 121, c’est bien ça ?
le témoin 40 : Toutes, toutes.
Oui, toutes.
Me. LARDINOIS : Toutes. Donc,
en bloc, on a cessé de faire ces fournitures.
le témoin 40 : Oui, oui. Celui
qui est resté s’appelait Phéneas RUHUMURIZA. C’est lui qui est resté à la SORWAL
et le client de la SORWAL.
Me. LARDINOIS : Bien. Et
est-ce que vous avez compris vous-même pour quelle raison toutes ces personnes
qui étaient précisément donc dans le comité des Interahamwe achetaient des allumettes.
Qu’est-ce qu’ils faisaient de ces allumettes ? Comment est-ce qu’ils avaient
des… des marchés pour écouler cette marchandise ?
le témoin 40 : Bon, je ne
sais pas. Seulement, il y avait d’autres… il y avait aussi d’autres clients
de la SORWAL qui sont partis avec eux, qu’on avait accusés. On a même lancé
Interpol.
Me. LARDINOIS : Je comprends
pas.
le témoin 40 : Bon, il y a…
C’est pas seulement eux. Il y avait aussi d’autres qu’on a traduits en justice
et d’autres qui avaient fui le pays. D’où on a contacté Interpol, la police
internationale, comment, je sais pas.
Me. LARDINOIS : Est-ce que
vous pouvez donner des noms de ces personnes, parce que moi, je parle bien de
gens qui faisaient partie du comité national des Interahamwe. Donc, ça ne doit
pas représenter un nombre très important de personnes. Vous pouvez donner leurs
noms ?
le témoin 40 : Bon, il y avait,
je te dis, Phinéas.
Me. LARDINOIS : Oui… ?
le témoin 40 : Phinéas, il
est resté à la SORWAL, mais RUTANGANDA qui faisait partie, bon, du comité, il
a été… il a été poursuivi en justice. Et même, une fois, on a pris… bon, moi,
quand je suis monté sur Kigali, j’ai pris sa voiture, sa Peugeot 505 et son
tout-terrain Mitsubishi Pajero. Quand je suis retourné à Butare, trois jours,
deux jours après, on lui avait… on lui avait remis ses voitures.
Me. LARDINOIS : Donc, il
y a eu une saisie de sa voiture, en début 93, vous disiez ? C’est ça ?
le témoin 40 : Ça, c’était
vers, je crois, quand on… c’était vers juillet-août 93, quand on a saisi sa
voiture, sa Mitsubishi Pajero.
Me. LARDINOIS : Bien, question
qui porte sur un terrain tout à fait différent. Quand vous êtes allé, le 15
mai, rejoindre Gisenyi et Monsieur HIGANIRO, vous étiez donc avec NKUYUBWATSI.
Est-ce que vous avez observé la présence de voitures de luxe à cet endroit ?
le témoin 40 : Beh, tu vois,
c’était la première fois que j’arrivais dans ce coin, malgré que, bon, je connaissais
bien Gisenyi, mais c’était la première fois que j’allais dans ce coin, mais
bon, j’ai vu des voitures de luxe, bon, lui aussi en avait de luxe, il
avait des voitures de luxe.
Me. LARDINOIS : Des voitures
de luxe, apparemment chez Monsieur HIGANIRO, ce serait à Kigufi.
le témoin 40 : Je dis :
« A Kigufi, justement ».
Me. LARDINOIS : Oui et…
le témoin 40 : Moi, c’était
la première fois que j’arrive là-bas. Bon, je n’y ai pas traîné, j’y passais,
le temps… il m’a offert, il nous a offert plutôt, un verre, plutôt une bouteille
de bière, nous, les deux. Parce que je voulais aller téléphoner, ici, à
Bruxelles, j’y ai passé seulement, je crois, 20 minutes.
Me. LARDINOIS : Et Monsieur
HIGANIRO ne vous a pas parlé de… de voitures qui se trouvaient là ?
le témoin 40 : Bon, je voyais
des voitures mais je sais pas moi, est-ce que j’allais lui demander pourquoi
ces voitures sont là ?
Me. LARDINOIS : Non, mais
Monsieur HIGANIRO, lui, n’a pas parlé de ça ?
le témoin 40 : Non.
Me. LARDINOIS : Il n’a pas
dit que c’étaient des voitures qui étaient destinées à être vendues au Congo,
au Zaïre à l’époque… ?
le témoin 40 : Les 20 minutes
que je suis resté là-bas, on n’a pas pu causer, on n’a pas… bon, j’ai vu des
voitures là-bas, c’est tout.
Me. LARDINOIS : C’est tout.
Me. BELAMRI : Vous avez déclaré
que Monsieur HIGANIRO était trop autoritaire et que les ouvriers en avaient
peur, voire même les directeurs. Quels sont ces directeurs qui avaient peur ?
Monsieur le témoin 21, par exemple, avait-il peur de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 40 : Bof, bon, il
y avait deux directeurs à la SORWAL. Mais c’était pratiquement tout le personnel,
bon, quand il passait, tout le personnel avait peur, il tremblait. Même le témoin 21
là-dedans.
Le Président : Maître Clément
de CLETY.
Me. de CLETY : Monsieur le
président, le témoin nous a dit et nous a confirmé qu’il n’avait pas entendu
de problèmes avec le camion, mais peut-il nous préciser s’il a entendu des problèmes
de glissement de terrain ou d’écoulement massif de boue ?
Le Président : Avez-vous
entendu parler, dans le courant du mois de mai 1994, qu’il y aurait eu des glissements
de terrain ou de la boue qui se serait répandue sur la… sur l’aire de… la cour
de déchargement ?
le témoin 40 : Dans le temps
que j’arrivais à la SORWAL, moi, j’ai passé trop peu de temps à la SORWAL, mais
quand j’étais à la SORWAL, moi, j’ai rien entendu.
Le Président : Vous étiez
souvent en mission à l’extérieur ?
le témoin 40 : Oui, et puis,
j’y arrivais vers 10 heures alors que les autres avaient commencé à 8 heures.
Bon, mais j’ai jamais entendu, bon, euh… un ouvrier ou quoi dire qu’il y a eu
des glissements. Là, si ça s’est passé… et puis, j’avais trop peu de contact
avec les gens de l’usine où ça était… parce que moi, là, mon bureau était tout
près de celui du directeur général, ça ne… alors que l’usine était plus loin
de chez nous.
Le Président : Oui. Et monsieur
le témoin 21 ne vous a pas parlé de ce genre de boue avant de vous rencontrer dans
un camp de réfugiés, hein ?
le témoin 40 : Non, il me
l’a dit seulement quand nous étions au camp, que là, il y avait un tas de bananeraie,
qu’on devrait y faire, je crois, une ferme, je sais pas, une ferme, alors que
la boue est allée dans l’aire, dans l’aire de parcage. Il me l’a dit au camp.
Le Président : Au camp de
réfugiés. Il ne vous a pas dit ça quand vous travailliez avec lui, à la SORWAL ?
le témoin 40 : Non.
Me. de CLETY : Est-ce que
le témoin pourrait simplement confirmer un tout petit passage de sa 1ère
audition : « le témoin 21 m’a dit - donc,
c’est concernant le point 3 du nettoyage - le témoin 21 m’a dit
qu’il s’agissait de nettoyer les machines, sans autre précision » ?
le témoin 40 : En fait, il…
tu vois, ça fait longtemps, hein. Mais quand on a discuté, c’était en 95, bon,
avec les problèmes que les réfugiés avaient ou quoi, mais il a essayé d’expliquer
que c’était pour nettoyer les machines.
Le Président : Oui, ça c’est
quand il vous parlait de la lettre qu’il vous montrait…
le témoin 40 : Oui.
Le Président : …hein, où
il était question de nettoyage, et que vous vous êtes même dit : « La
sécurité dans Butare, qu’est-ce que ça a à faire avec ces machines ? ».
le témoin 40 : Oui, ça oui,
ça je l’ai dit et je le confirme. Mais en ce… on a discuté de beaucoup de choses.
Si je l’ai dit, c’était pour nettoyer des machines. Si même on a parlé du camion,
moi, je me souviens pas. Bah, surtout que le camion, pour le camion, je l’ai
vu quand je suis arrivé ici, quand on m’a dit que c’était question d’embrayage
du camion, il n’y a pas très longtemps que j’ai connu ça. J’ai connu ça encore
ici, au parquet, que le camion s’est embrayé, bon, le camion était encore neuf ;
là aussi, j’ai pas entendu ça.
Le Président : D’autres questions ?
Maître GILLET.
Me. GILLET : Oui, Monsieur le
président. Je voudrais revenir aux clients douteux. Il y a quelques clients
pour des montants vraiment très importants. Est-ce qu’il y avait, outre les
personnes que l’on a citées ici, des sociétés qui étaient parmi des clients
douteux ?
le témoin 40 : Oui.
Me. GILLET : Est-ce que vous seriez
en mesure de… de citer des noms de ces sociétés ?
le témoin 40 : Bon, il y avait…
il y a celui qui a été tué par les Interahamwe. Bon, lui, je me souviens, il
avait 6,5 millions. Bon, il y a d’autres qui avaient fui le pays, dont les gens,
les échos disaient qu’ils auraient… qu’ils auraient rejoint le FPR ; c’est
pourquoi, d’ailleurs, on avait lancé Interpol, pour qu’ils aillent les chercher.
Ils avaient aux environs de 8 millions ou 9 millions, quelque chose comme ça.
Si on me donnait la liste, je pourrais voir toute la liste…
Me. GILLET : Monsieur le
président ?
Le Président : Oui ?
Me. GILLET : Euh… vous nous
avez dit que - et vous êtes d’ailleurs, je crois, le premier à nous l’avoir
dit - qu’on a cité des gens en justice et qu’on a lancé Interpol, vous venez
du répéter. Est-ce que vous pouvez nous préciser comment ça s’est fait, quelle
était la procédure, qui a été, au sein de la SORWAL, impliqué ? Quelles
sont les instructions que vous avez reçues, ou qui a déposé ces… ces fameuses
plaintes ?
le témoin 40 : Bon, concernant
Interpol, ça… ça… ça a pas été de mon ressort. Ça a été fait par le directeur
général. Parce que moi, moi-même, je ne connais pas le fonctionnement d’Interpol
jusqu’à présent. Mais je sais qu’on avait lancé l’Interpol. Tandis que pour
les autres, celui-là qui a été tué par les Interahamwe, bon, il y a un autre
qui, maintenant, qui est commerçant à Kigali
Me. GILLET : Vous connaissez les
noms ? Vous savez qui c’est ?
le témoin 40 : Lucien RUGINGA.
RUGINGA, bon il n’était pas Interahamwe, RUGINGA.
Me. GILLET : Et vous nous dites
avoir failli laisser votre vie dans ces poursuites judiciaires. Est-ce que vous
avez des précisions, vous pouvez nous dire dans quelles circonstances vous avez
eu le sentiment de risquer votre vie ?
le témoin 40 : Bon, parce
que quand je… bon, tous ceux qu’on connaissait, étaient de Kigali, presque,
sauf un, de Butare. Tous, ils étaient de Kigali. Donc, il fallait les poursuivre
à Kigali. Mais moi, quand j’arrivais à Kigali, je n’utilisais pas la voiture
de la SORWAL. J’utilisais la voiture familiale pour essayer de me camoufler.
Parce qu’à un moment donné, ils savaient qu’on voulait vendre leurs biens. Alors
qu’ils savaient que c’était moi qui courais derrière, alors comme je suis de
Kigali, je connaissais pas mal de gens là-bas. Alors, ils me disaient :
« Fais… fais pas gaffe. Il y a les gens qui… qui t’en veulent ». D’ailleurs,
si je me souviens bien, même au… après le génocide, ils ont… ils ont fusillé
mon bureau. Bon, je l’ai entendu plus tard qu’ils veulent récupérer des documents
qui étaient là-bas. Ça, vous pouvez aussi demander au directeur technique. Bon,
ils se sont lancés des balles avec les gardiens de la SORWAL mais les gens disent
que c’étaient, bon, ces gens-là qui venaient de Kigali, qui voulaient voir comment
ils peuvent récupérer les factures pour qu’ils puissent les brûler. Alors, ils
ont fusillé mon bureau. Quand je suis arrivé vers 10 heures au bureau, on m’a
dit : « Ecoute, ton bureau a été fusillé ». Mais je l’ai appris
plus tard, quand je suis arrivé à Bukavu, bon, par des gens qui disaient :
« Ecoute, ils voulaient chercher des factures ».
Le Président : Ça se passe
à la fin du mois de mai 1994, cet épisode ?
le témoin 40 : Non, c’était…
bon, quand j’ai appris ça, ça s’est passé…
Le Président : Quand on tire
sur votre bureau-là ?
le témoin 40 : Ça s’est passé,
je crois, vers… avant que, je crois, avant que le deuxième camion qui est monté
sur Gisenyi.
Le Président : Au mois de
juin, alors ?
le témoin 40 : Bon, le… parce
qu’après le 15, après le 15, il y a un camion qui est allé à Gisenyi, rempli
de cargaison. Il est revenu et puis, il est retourné encore. Quand il est revenu,
on a aussi… bon, les gens disaient, bon, ils me disaient à la SORWAL, bon :
« Probablement qu’ils ont su que tu avais de l’argent, que tu avais… l’argent,
tu l’avais laissé là-bas ». Moi, je leur ai dit : « Bon, écoutez,
ils savent qu’on ne dépose pas l’argent, c’est l’argent commercial ; que
même s’il y avait de l’argent, il fallait que ça soit chez le caissier ».
Mais ça, je l’ai appris plus tard, quand j’étais à Bukavu, vers le mois d’octobre
95, car ce sont ces mêmes gens qui étaient à Butare, bon, qui avaient quitté
Kigali, mais qui voulaient récupérer, parce qu’à un moment donné, les Interahamwe
sont venus, ils logeaient à Butare, donc qui voulaient récupérer les factures.
Le Président : Ces gens des
Interahamwe, euh… KAJUGA, euh… RUTAGANGDA, en plus d’être, je dirais, dans le
comité directeur des Interahamwe, ils étaient commerçants ?
le témoin 40 : Oui, c’étaient
des commerçants qui avaient des registres de commerce. C’étaient des commerçants.
Le Président : Oui. Oui ? Une autre question ?
Me. GILLET : Oui. Avez-vous
le souvenir que Monsieur KAJUGA ait été, à un moment donné, fournisseur de la
SORWAL plutôt que client, et qu’il ait dû livrer des marchandises ?
le témoin 40 : Bon, moi personnellement,
ce n’était pas… bon, parmi les clients, KAJUGA n’était pas un mauvais client.
D’abord, il laissait, je crois, 1 million, c’est 1 million ou 2 millions, lui,
il essayait de… parce que lui, il refusait qu’on amène son chèque au parquet,
parce que le chèque, normalement, quand il arrive au parquet, sans provision,
on te met directement en prison, sans passer à côté. Dès que tu… tu as la provision,
tu quittes la prison, mais le tribunal de première instance… quelques amendes
ou quoi. Mais tu ne peux… quand tu n’as pas la provision, c’est là où le parquet
envoie le chèque au tribunal d’instance et le tribunal d’instance, avec les…
les formules de saisie ou quoi, on a fait la vente aux enchères. Or KAJUGA,
moi personnellement, essayait de payer les 4 millions, c’est ça qu’il avait
laissé, je crois, 1 million. Tandis que RUTANGAGA ou quoi, eux, c’était toujours…
ils ne voulaient même pas, ils ne voulaient même pas que… bon, ils attendaient
qu’on vende leurs biens.
Le Président : Vous n’avez
pas connaissance que KAJUGA aurait été fournisseur de la SORWAL ?
le témoin 40 : Non. Je sais
pas. Vraiment, je sais pas, je me souviens pas. Fournisseur de quoi ? Vous
me posez la question s’il a été fournisseur, fournisseur de quoi ?
Me. GILLET : Non, non, je
vous pose une vraie question. Je ne connais pas la réponse.
le témoin 40 : Moi aussi,
fournisseur de quoi ? De bois ? Moi, je sais pas, hein.
Me. GILLET : Je crois que
vous me donnez la réponse, là.
Le Président : Une autre question ? Est-ce qu’il y a encore
beaucoup de questions ? Parce que sinon, s’il y a beaucoup de questions
encore à poser, on va suspendre l’audience et la reprendre à 1 heure, hein,
à… pardon, à 1 heure, à 14 heures. Beaucoup ? Bien, alors, on va suspendre
maintenant. Monsieur euh… le témoin 40, je vais vous demander de revenir à 14 heures.
Donc, vous pouvez quitter le palais de justice, manger un petit bout à l’extérieur,
à moins qu’on ait quelque chose pour vous, euh… mais revenez, soyez de retour
à 14 heures au plus tard.
L’audience est suspendue et reprendra à 14 heures.
[Suspension d’audience]
Le Greffier : La Cour
Le Président : L’audience est reprise, vous pouvez vous asseoir,
les accusés peuvent prendre place. Il n’est pas là ? Bien. Monsieur le témoin 40
peut reprendre place, alors.
Ah oui. Euh…
Bien. Monsieur l’huissier, je peux vous demander de faire fermer
les tentures ?
Alors, nous poursuivons donc l’audition de Monsieur le témoin 40. Y avait-il… ?
Il y avait encore des questions à lui poser. Qui demande la parole ? Maître
HIRSCH.
Me. HIRSCH : Euh… oui, merci,
Monsieur le président. Euh… pour cette question du fait de recommencer le service
à la SORWAL, comme dit Innocent NKUYUBWATSI, le témoin a déclaré donc, dans
le dossier, qu’il était retourné à la SORWAL le 18 avril, que Monsieur HIGANIRO
n’était pas là, et que c’est donc le directeur technique, donc Monsieur Martin
le témoin 21, qui le remplaçait. Et il dit même ceci : « A partir du 18
avril 94… », et donc, pas le 3 mai comme on le dit par ailleurs, « …j’ai
repris mon service, comme d’habitude ». Alors, ma première question, Monsieur
le président. En quoi consistait le « service, comme d’habitude »
qu’a presté le témoin, avant le 3 mai 1994 ?
Le Président : Je vais d’abord
lui poser la question de savoir s’il a bien repris le service le 18 avril ?
le témoin 40 : Tout d’abord,
je suis pas NKUYUBWATSI. Parce que vous avez dit : « Le témoin NKUYUBWATSI
dit qu’il a repris le service, le 18 ».
Me. HIRSCH : Monsieur NKUYUBWATSI
Innocent est, en quelque sorte, dans le dossier, d’accord avec le témoin pour
dire qu’il a repris du service euh… aux environs du 18 avril.
Le Président : Avez-vous,
Monsieur, vous, avez-vous repris votre service le 18 avril ?
le témoin 40 : Alors tout
d’abord, bon, le 18 avril, bon, il paraît qu’il y a eu une réunion, bon, il
y en a eu d’ailleurs de SINDIKUBWABO, à Butare. Bon, c’est lui qui a ordonné
à tous les services de reprendre le service. On a repris le service le 19.
Le Président : Vous avez
repris le service le 19 ?
le témoin 40 : Soit, moi j’étais
à la SORWAL le 19, et d’autres, il y en avait.
Le Président : D’autres étaient
là aussi ?
le témoin 40 : Oui. Parce
que bon, il n’y avait pas moyen de… parce qu’on a… parce que ça faisait longtemps
qu’on ne sortait pas de la maison, parce qu’on était encore coincé dans… à la
maison. Alors, quand le discours est passé à la radio, les gens ont compris
qu’on… qu’ils doivent reprendre le service, il y a aussi… il y en a ceux qui
ont repris le chemin du service parce qu’on avait dit qu’on doit reprendre le
service. Alors moi, personnellement, quand j’ai été à la SORWAL le 19, c’est
pas le 18, comme Madame vient de la dire, mais le 19.
Le Président : Le 19.
le témoin 40 : Bien, il y
avait d’autres agents de la SORWAL en tout cas.
Le Président : Est-ce que
Monsieur le témoin 21 était là, par exemple ?
le témoin 40 : Ah évidemment !
Qui devrait… c’est lui qui remplace le directeur général.
Le Président : Bon. Donc,
vous avez repris votre service le 19. En quoi ça consistait, votre service ?
le témoin 40 : Mais en ce
jour, tu vois, après deux semaines, bon, sans travaux ou quoi. On est resté
pendant une heure, deux heures. Moi personnellement, je suis resté dans l’administration,
tout près de l’entrée de la SORWAL, mais je suis pas allé à l’usine pour voir
ce qui… parce que là, j’y allais très, très rarement. Là, le service technique,
j’y allais très rarement. Mais on est retourné, je crois, le 20 encore, quelque
deux heures, parce qu’on commençait à 8 heures, et à 13 heures, on devait arrêter,
on devait rentrer. Je… bon, ça, faut demander aux autres de la SORWAL. Je crois
qu’une semaine après, le directeur général, il est passé à Butare. Une semaine
après ou quoi, je sais pas.
Le Président : Qui est passé
à Butare ?
le témoin 40 : Le directeur
général.
Le Président : Oui.
le témoin 40 : Mais je l’ai
pas vu à la SORWAL, personnellement. Quand il a passé, il, je crois, il a passé
le lundi. Moi, on s’est croisés tout près de… de l’école sociale de Karubanda,
il retournait vers Gisenyi. Je l’ai salué, puis il est parti au [Inaudible]
Le Président : Mmm. Une autre
question ?
Me. HIRSCH : Oui, Monsieur le
président. Dans son témoignage, le témoin a, en fait, précisé son rôle, son
« service, comme d’habitude » : « Mon rôle consistait à,
soit rester au bureau, soit à me déplacer dans le quartier commercial de Butare
pour voir… », dit-il, « …l’évolution des prix d’allumettes. Par la
suite, et plus particulièrement, je suis allé dans plusieurs préfectures du
pays, à savoir Gikongoro, euh… Cyangugu, Gitarama et Gisenyi. Pour me déplacer,
je roulais dans un véhicule de service, soit une Jeep Pajero ou la camionnette
Daihatsu, et mes ordres m’étaient donnés par mes supérieurs hiérarchiques, Martin
le témoin 21 et SEBALINDA Jean-baptiste qui était le directeur administratif et financier ».
Est-ce que le témoin peut confirmer donc ses déplacements dans la ville de Butare,
euh… le « service, comme d’habitude » ?
le témoin 40 : D’abord, quand
on a repris le service, quand on a repris le service, on ne pouvait pas se déplacer.
Du moins, on commençait à 8 heures et on terminait à 13 heures. Bon, on a pratiquement
passé toute une semaine à rester au bureau. D’autres, bon, le service technique,
ce qu’ils faisaient, je crois, ils s’occupaient de leurs machines ; moi,
je sais pas. Mais après cette semaine, on a dit : « Quand-même, il
y a moyen qu’on… dans Butare, parce qu’aussi les banques fonctionnaient deux
fois par semaine. Mercredi, mercredi et samedi. Je crois qu’il y a moyen d’aller
voir chez les commerçants de Butare qui avaient rouvert leur boutique, comment
il n’y avait pas moyen de… de commercer, de commercer des allumettes là-bas ».
Alors, c’est là où j’allais dans la ville de Butare, c’était surtout le mercredi
et le samedi. Le mercredi et le samedi, le jour des banques. Parce que, même
si… si tu parvenais à avoir quelqu’un qui achète les allumettes, il fallait
voir là où déposer de l’argent, parce qu’on ne pouvait pas venir avec de l’argent
à la SORWAL avec l’insécurité qui était, avec, bon, la cacophonie qui était,
bon, c’était pratiquement impossible.
Là, j’ai fait Butare, la ville de Butare, le mercredi et le samedi,
je le faisais pour aller voir l’évolution des allumettes, quelques commerçants
qui pouvaient prendre. Il y a un commerçant de Gikongoro qui est venu le premier,
au moins qui a acheté un gros lot, il a acheté 20 cartons. Je crois, c’était
vers le… c’est après le départ du directeur général de Butare. Mais c’était…
je me souviens pas des dates, mais je crois que c’était vers fin avril…
Le Président : Bien. Une
autre question ?
le témoin 40 : Bon, j’ai pas
terminé.
Le Président : Ah ! Vous n’avez pas terminé ?
le témoin 40 : …il a demandé
où je suis passé, il a demandé où je suis passé, il a… de Gitarama, parce que
pour aller à Gisenyi, Madame, pour aller à Gisenyi, tu traverses pas mal de
préfectures, même pour aller à Cyangugu, tu traverses pas mal de préfectures.
Mais quand je suis allé à Gisenyi, vers le 15 mai, je suis passé, donc, de Butare,
Gitarama et Gisenyi. Par après, vers le mois de juin, je suis allé à Cyangugu,
j’ai passé par Gikongoro pour arriver à Cyangugu. Et puis le 26 juin, pour aller
à Gisenyi, cette fois-ci, parce que la route était barrée, il fallait aller
contourner, je ne sais pas si tu connais le pays, il fallait passer par Gikongoro,
Kibuye, Kibuye tu montes à Gisenyi et tu retournes là-bas ; c’est pourquoi
j’ai mis toutes ces préfectures.
Le Président : Bien.
Me. HIRSCH : Merci de toutes
ces précisions. Je pense que le témoin, Monsieur le témoin 40, a une épouse Tutsi.
Peut-il nous confirmer ce qui s’est produit au moment des massacres des étudiants,
soit environ le 21 avril, et qu’est-ce que le capitaine NIZEYIMANA a fait pour
l’aider, pour sauver son épouse ?
le témoin 40 : Bon, Monsieur
le président, ça c’est une question que je voudrais aborder plus tard, de vie
privée. Je ne pense pas que je dois me souvenir et le dire à Madame. Ça, je
devrais le dire par après.
Me. HIRSCH : Quoi ?
le témoin 40 : Parce que j’étais
venu pour la SORWAL.
Le Président : Vous pouvez
expliquer… vous pouvez expliquer ce que le capitaine NIZEYIMANA a fait, quand
même ?
le témoin 40 : Bon, elle dit :
« Qu’est-ce qu’il a fait pour aider Madame ? ». Bon, est-ce que,
Monsieur le président, vous pouvez me dire ça après ? Comme ça, ça, je
vais expliquer ça, parce que c’est long.
Le Président : C’est long ?
le témoin 40 : C’est long,
c’est long.
Le Président : C’est long.
Nous terminons à 5h 1/2 au plus tard, aujourd’hui. Je vous signale…
Me. HIRSCH : Monsieur le
président, c’est important, me semble-t-il.
Le Président : Je ne sais
pas. C’est important ?
Me. HIRSCH : Oui.
Le Président : C’est important ?
Me. HIRSCH : Oui, enfin…
Le Président : Je ne sais
pas si c’est important, moi.
Me. HIRSCH : C’est dans le dossier,
hein, Monsieur le président.
Le Président : C’est peut-être
dans le dossier mais je ne sais pas si c’est important. Je sais, en tout cas,
que Monsieur NIZEYIMANA n’est pas poursuivi ici, mais… je sais pas si c’est
important. Alors, vous avez peut-être une autre question pour que… entre-temps ?
Maître GILLET.
Me. GILLET : Monsieur le
président, euh… ça concerne, enfin, ça part de l’épouse de Monsieur le témoin 40,
mais ça ne concerne pas la vie privée. Elle dit ceci dans son audition du 18
juin : « Quand mon mari est parti en voyage pour la SORWAL, à Gisenyi,
la voiture Audi 100 de son frère, qui était restée à l’intérieur de notre propriété,
elle a alors été prise par deux hommes en tenue de militaire, à savoir le gérant
de la banque de Kigali, MONKIBILI Jean, celui qui résidait, on le sait, chez
Monsieur NIZEYIMANA, et un Interahamwe qui était un des gardes du corps du président
des Interahamwe, KAJUGA Robert, et ce garde du corps était prénommé Aimable.
Pour la petite histoire, je ne possédais pas la clé du véhicule, elle a été
déposée par mon mari, avant son départ, chez un ami à lui, qui s’appelle RWASIBO
Joseph. Lorsque les deux hommes ont pris la voiture, ils étaient en possession
des clés de celle-ci ». Et Monsieur le témoin 40 dit, le même jour, que dans
le courant du mois de juin quand il était en mission pour la SORWAL, dans la
préfecture de Gisenyi, il devait revenir à Butare. Mais les gens avaient fui,
et il s’est arrêté à Gikongoro et il a remarqué que des miliciens avaient pris
son véhicule personnel : « J’ai voulu le récupérer, mais j’ai été
menacé de mort après avoir négocié avec eux, plus particulièrement leur chef,
KAJUGA Robert, qui était un ancien client de la SORWAL. J’ai pu récupérer mon
véhicule après leur avoir dit que nous allions voir les militaires français
qui se trouvaient dans la zone turquoise ».
Et je souhaiterais savoir… que Monsieur le témoin 40 nous explique quels
étaient exactement les rapports qu’il avait avec Monsieur KAJUGA Robert et l’entourage
de… de celui-ci.
le témoin 40 : Alors, cette
question… là, je peux, ça devrait aller avec celle de Madame, mais ça, je peux
vous répondre parce que ça a un lien avec la SORWAL. Moi, quand je suis parti,
c’est vers le 26 juin, je suis retourné le… le 2 juillet. Alors là, les gens
de Butare avaient fui. Bon. Le camion, je suis parti, j’ai été à Gisenyi, bon,
j’ai pas… je crois, il est venu le premier, mais quand j’ai vu aussi, j’avais
ma sécurité qui… bon, j’ai croisé un ami qui m’a dit : « Ecoutez,
si tu continues ton moteur dans cette ville, ça n’ira pas ». Bon, moi,
j’ai essayé, bon, d’envoyer le camion à lui seul. Moi, j’ai fait un lift
jusqu’à Cyangugu. Cyangugu je suis arrivé à Gikongoro. Arrivé à Gikongoro, ce
que j’ai vu, c’est que j’ai vu que la voiture qui était la mienne, c’était sur
une barrière, je ne sais pas si tu as été à Gikongoro, c’était sur une barrière,
bon, je vois que ma famille n’est pas là-dedans. Bon, on me dit : « Ecoutez,
bon, Butare maintenant, c’est la guerre ». Ce que je demandais, ils étaient
avec, bon, sa fiancée, ce que je demandais… vous pouvez lui demander, il est
ici, ici en Belgique, bon, il m’a dit : « Ecoutez, j’ai pas pu amener
ta femme parce qu’elle est Tutsi, j’avais peur des différentes barrières où
elle devrait passer ». C’est sa réponse qu’il m’a dit. Ce que moi j’ai
répliqué, je lui ai dit : « Je vois dans ta colonne, il y a aussi
des Tutsi. Est-ce que la mienne, c’est elle qui devrait poser des problèmes ? ».
Bon, il n’a rien dit, bon, il a dit : « Ecoute, je vais chercher où
loger ». Bon entre-temps, ce RWASIBO Joseph, quand je suis parti, je lui
ai laissé ma voiture, je dis : « Je ne sais pas, nous sommes… il y
a des problèmes… s’il y a un problème, essaie toujours de déplacer ma famille ».
Mais comme ils ont quitté tel que Joseph RWASIBO m’a dit, et tel
qu’ils devaient le faire, quand ils ont quitté. Je pense, il y aura aussi, Louis-Marie
Grignon, plutôt Louis-Marie Grignon le témoin, il pourra confirmer ce que je
dis parce qu’il était avec Joseph RWASIBO. Alors, je lui ai laissé la voiture.
Je lui ai dit : « Ecoutez, s’il y a un problème chez moi…
- parce qu’il y en avait toujours, ça, c’est ce que je devrais répondre à Madame
par après : il y en avait toujours, bon - …s’il y a des problèmes, essaie,
toi qui es ici, et moi, je vais à Gisenyi ». Je l’ai laissé avec alors.
Quand ils ont voulu partir, ils ont contacté KAJUGA - on le connaissait
KAJUGA, c’était l’ami de presque tous les gens de Kigali - bon, ils l’ont contacté
quand il a pris d’autres ; parce que dans sa colonne, il y avait une trentaine
de Tutsi qu’il a déposés chez les Français, chez les militaires français. Alors,
le Joseph qui était là aussi, qui était menacé aussi, bon, ils ont essayé de
le contacter parce qu’ils savaient que c’était un client de la SORWAL. Je travaille
à la SORWAL quand même, je savais. Alors, ils ont essayé du contacter, ils
ont dit : « Ecoutez, si tu parviens à amener la femme de Jean-Paul
jusqu’à Gikongoro, cette voiture sera à toi. Mais, va avec la famille ».
Parce que la SORWAL venait de refuser de prendre ma famille, alors qu’il a pris
tous les agents de la SORWAL, jusqu’à Gikongoro.
Donc, quand je… il a accepté mais il ne l’a… il n’a pas pris
ma famille, c’est pas seulement ma femme, il n’a pas pris ma famille. Bon, il
est venu avec la voiture. Arrivé à Gikongoro, c’est là où j’ai demandé à Joseph
RWASIBO s’il était dans la colonne. Il était dans la colonne parce que c’était…
presque, bon… quand Joseph RWASIBO m’a dit : « Ecoutez, on lui
avait… on avait accepté qu’il prenne ta voiture, arrivé à Gikongoro, gratuitement,
donc, définitivement mais à condition que la… ta famille soit ici ». Alors,
comme… bon, tu vois, le trajet que je venais de faire, bon, cette fois-ci moi,
je… j’ai essayé de m’arranger pour aller chercher ma famille à Butare. Là, c’était
encore dans des balles. C’est Monsieur Bosco le témoin 150 qui a accepté de
me prendre une heure au matin, parce qu’avec la SORWAL, ça n’allait pas.
SEBALINDA qui avait la camionnette, qui l’avait prêtée à un autre qui ne travaille
pas à la SORWAL, ne voulait pas me donner la camionnette. Bon, il me disait
juste de rentrer, d’arranger les allumettes qu’on est venu avec. Bon, moi, j’ai
pris mon ami Bosco… plutôt Bosco le témoin 150, il m’a conduit jusqu’à Butare.
A Butare, j’ai constaté que ma… ma femme n’était pas là. Mais quand même, quand
je suis arrivé à la maison, les enfants qui étaient là, ils m’ont dit :
« Elle est quelque part, finalement on l’a pris, finalement on l’a prise ».
Moi et Bosco le témoin 150, on est revenu à Gikongoro. C’était pour expliquer
ce petit passage.
Le Président : Oui ?
Me. GILLET : Oui, Monsieur
le président. Je suis vraiment désolé d’insister sur cette question, mais je
crois qu’elle est vraiment fondamentale. Parce qu’on n'a toujours pas eu les
explications sur les relations avec Monsieur KAJUGA, au point qu’on laisse,
à lui et son entourage, les clés de sa voiture.
le témoin 40 : Non, j’ai pas
laissé la clé de ma voiture à KAJUGA.
Me. GILLET : Non, non, à MUKIMBILI Jean et à un autre Interahamawe
qui faisait partie de ses gardes du corps.
le témoin 40 : Voilà justement,
je vais vous dire. Si vous voulez, même l’individu, il est ici. Et il pourra
venir témoigner. Quand Joseph RWASIBO a qui j’ai laissé la clé…
Le Président : Chut… Un petit instant !
le témoin 40 : …à qui j’ai
laissé la clé…
Le Président : Un petit instant !!!
Un : pas de remarque. Deux : vous passez par mon intermédiaire. Et
vous ne répondez aux questions que quand je dis que vous pouvez répondre. Ça
va ?
le témoin 40 : Ça va.
Me. GILLET : Très bien, Monsieur
le président. Alors, pourriez-vous demander au témoin ce qu’il pense de cette
déclaration qu’a faite son épouse chez qui sont venues se réfugier des personnes,
et les enquêteurs lui demandent pourquoi et elle dit : « Je m’explique
à ce propos. Lorsque les massacres ont commencé le 7 avril, les personnes précitées
au point 2 ci-avant, qui habitaient Gikongoro, sont venues se réfugier dans
notre maison à Butare. Elles pensaient que, comme mon mari était Hutu et qu’il
faisait partie des Interahamwe, elles trouveraient aide et protection auprès
de lui ». Qu’est-ce qu’il pense de cette déclaration ?
Le Président : Votre femme,
votre épouse semble avoir déclaré que vous faisiez partie des Interahamwe.
le témoin 40 : Monsieur le
président, je pense, cette question, j’ai dit qu’on doit l’aborder, c’est pas
pour… c’est ma vie privée mais qui peut être abordée plus tard, dans une autre…
Parce que ça s’est passé, vous pouvez demander aux enquêteurs dirigés par le
juge VANDERMEERSCH, ils savent la question, le moment que je vivais à ce moment-là,
ils pourront vous… eux, ils savent le moment que je vivais à ce moment-là. Les
déclarations que Madame a faites, je pense que si elle venait ici, elle ne les
ferait pas. Parce qu’à ce moment-là, on a eu des problèmes. Nous sommes arrivés
ici, en 97. Il y a eu une certaine diaspora rwandaise, je regrette fort, qui
voulait à ce que les maris Hutu ne vivent pas avec les femmes Tutsi. C’est
ça, il y a… ça rentre dans ce cadre. Voilà. Ça, vous pouvez demander aux enquêteurs
du juge VANDERMEERSCH.
Le Président : Vous avez…
vous avez hébergé des gens, chez vous, à Butare ?
le témoin 40 : Oui, oui, je
les ai hébergés.
Le Président : Un membre
de votre famille n’a-t-il pas aussi été ministre de l’intérieur ?
le témoin 40 : Oui, oui. Il
l’a été, c’est pourquoi les gens disaient que probablement je… je… je pourrais
faire partie des Interahamwe ou quoi. Lui aussi, il est ici, vous pouvez lui
demander. C’est… il est ici. Je sais pas pourquoi, bon, vous pouvez lui demander,
il peut vous expliquer. C’est pourquoi je vous disais, la question de Madame,
je pense que, bon, j’étais venu pour la SORWAL. Après la SORWAL, moi aussi je
prends mon parti, partie civile contre X. C’est ça, c’est une autre question,
je pense qu’il ne faut pas le mêler avec la SORWAL. Quant à ce que les deux
miliciens sont venus chez moi, c’est via Joseph RWASIBO, parce qu’il… c’est…
tous les gens de Butare contactaient ces gens. Comme moi je n’étais pas là,
c’est lui qui leur a donné la clé ; et puis, quoi en compensation, il devrait
prendre l’Audi. C’était ça qu’on… ils étaient convenus ça.
Le Président : Bien, une
autre question ? Maître HIRSCH
Me. HIRSCH : Merci, Monsieur
le président. Pour faire le lien avec la SORWAL, est-ce que le témoin peut confirmer
qu’à la demande du capitaine NIZEYIMANA, c’est Innocent NKUYUBWATSI qui a emmené
son épouse chez le président du tribunal, pour la protéger ?
le témoin 40 : Bon, c’est
pas Innocent NKUYUBWATSI, c’est un autre qui est venu chez moi. Parce que quand
j’ai croisé NIZEYIMANA, elle venait, je sais pas, du côté de Bujumbura. Il m’a
croisé tout près de chez moi ; là, il y avait, bon, il y avait beaucoup
de gens. Nous autres, nous assistions impuissament en regardant déjà passer,
comme ça, je lui ai dit : « Est-ce que je suis menacé par certains
extrémistes qui sont ici ? ». Parce qu’à l’université, il y avait…
il existait des gens de Byumba, des étudiants de Byumba, bon, qui avaient connu
la guerre depuis longtemps. Alors, avec ces gens, ils venaient chez moi pour…
tout le temps, tout le temps… tout le temps, ils m’embêtaient. C’est pourquoi,
d’ailleurs, j’avais dit que je venais vers 10 heures au travail, parce que je
devrais savoir d’abord organiser la sécurité de ma famille. Alors, NIZEYIMANA,
quand il est passé, je lui ai dit : « Est-ce que tu peux au moins
m’aider - parce que je venais de savoir que - tu peux m’aider pour, au moins,
mettre ma femme à l’abri ? ». Il m’a dit : « Ecoutez, MUKIMBILI
est chez moi. MUKIMBILI, il est chez moi » ; il était gérant de la
banque de Kigali, à Butare.
Le Président : MUKIMBILI
?
le témoin 40 : MUKIMBILI,
le frère de Longin, MUKIMBILI Jean. Alors, je lui dis : « Mais
qu’est-ce que je vais faire ? ». Il m’a dit : « Ecoutez,
vous, pourquoi vous vous êtes marié à des Tutsi ? ». Ce qui restait,
je lui ai dit : « Essaie, moi, de m’aider jusqu’à ce qu’elle
arrive chez le président du tribunal de première instance », il était de
ma commune natale, on se connaissait. Alors, il a dit : « Moi, je
sais pas, hein ». C’est pas NKUYUBWATSI qui est venu, mais il a envoyé
une Jeep militaire avec, bon, un adjudant que je ne connais pas, mais il m’a
dit : « Ecoute, j’arrive, je prends ta femme, bon, tu le déposes avec
l’enfant, tu déposes chez le président du tribunal de première instance ».
Mais malheureusement, un jour après, ça a pas marché. On ne l’a pas accepté
là-bas, j’ai dû encore l’amener chez moi.
Me. HIRSCH : Monsieur le
président, est-ce que le témoin peut confirmer qu’après une expédition qui a
mal tourné et qui concerne le nommé Gaëtan dont on parle plusieurs fois dans
le dossier, qui est un professeur à l’université, NKUYUBWATSI a, à la demande
du capitaine NIZEYIMANA, et, dit-il, de Vincent NTEZIMANA, trouvé refuge chez
le témoin pendant deux jours ?
le témoin 40 : Non, il n’a
pas trouvé refuge.
Le Président : NKUYUBWATSI
est-il venu loger chez vous ?
le témoin 40 : Non, il est
venu chez moi, parce qu’à ce moment-là, il avait été nommé caissier de la SORWAL.
Le Président : Il avait ?
le témoin 40 : Eté nommé caissier
de la SORWAL.
Le Président : Oui.
le témoin 40 : Alors, quand
je quittais le service, il est venu chez moi. Quand il est venu chez moi, c’est
vrai ce que Madame a dit, quand Madame est retournée, j’ai demandé à ce que…
j’ai dit à NIZEYIMANA, parce que je le voyais - il venait à la SORWAL, bien
avant le 6 avril, bon pas en tant qu’ami, mais je le voyais, il passait pour
dire bonjour au directeur général bon, alors je le voyais venir, et j’ai dit :
« Peut-être, il pourra m’aider ». Donc, quand je lui ai dit, il a
dit : « Mais tu es avec NKUYUBWATSI, il est agent à la SORWAL, il
peut assurer votre sécurité ». Bon, je suis parti avec NKUYUBWATSI, c’est
vrai, il a passé une nuit chez moi. Quand j’ai vu qu’au lieu d’amener quelqu’un
qui venait te… te protéger, plutôt tu amènes un loup, parce que j’ai vu des…
des mauvaises paroles qu’il proférait à mon épouse, alors j’ai dit : « Bon,
ça va » ; le matin on est retourné au service. Par… par après, je
me suis arrangé avec d’autres militaires, c’est, bon, c’est pourquoi je dis :
« Ça, c’est un sujet, bon, qui n’est pas… qui n’a pas lien avec la SORWAL ».
Le Président : Oui ?
Me. HIRSCH : Est-ce que le
témoin ne peut-il pas confirmer que les deux femmes de la famille de son épouse,
qui voulaient trouver refuge chez lui, et qui étaient couvertes de blessures,
quand elles se sont présentées là, est-ce qu’il peut confirmer que Monsieur
Innocent NKUYUBWATSI était bien présent à ce moment-là, au moment où les deux
femmes sont venues trouver refuge chez lui ?
le témoin 40 : Madame, il
était là. Mais ce que j’ai fait, quand j’ai vu que… Bon, mon beau-frère, il
avait attrapé beaucoup de balles dans le dos. Alors, quand j’ai vu que NKUYUBWATSI,
déjà qu’il commençait à menacer, il y avait d’autres aussi, je sais pas, qui
commençaient à menacer, j’ai essayé de jouer, bon, je suis passé par derrière,
j’ai dit : « Ecoutez, on va essayer de t’amener à l’hôpital mais d’une
façon incognito ». Il est parvenu à arriver à l’hôpital, c’est par après,
là, quand… que les militaires ont attaqué l’hôpital pour tuer les gens qui étaient
là.
Me. HIRSCH : Monsieur le
président, est-ce que le témoin n’a pas chassé ces deux femmes qui étaient,
d’après innocent NKUYUBWATSI, tailladées à la machette, en leur disant d’aller
mourir d’où elles venaient ? Et sa femme le confirme également, d’ailleurs.
le témoin 40 : Oh…
Le Président : Bien, Maître
HIRSCH. Vous voulez qu’on fasse le procès de ce témoin-ci ? Alors, déposez
plainte, que le juge d’instruction s’en occupe. Mais moi, je voudrais bien qu’on
s’occupe des quatre accusés qui sont ici et des faits qui leur sont reprochés.
Me. HIRSCH : Monsieur le
président, ce que j’essaie de dire…
Le Président : La question
n’est pas posée ! Veuillez aborder un sujet qui concerne les faits reprochés
aux quatre accusés et pas autre chose, s’il vous plaît.
Me. HIRSCH : Monsieur le
président, un des faits reprochés à l’accusé HIGANIRO, est d’avoir engagé des
Interahamwe qui travaillaient pour le compte de la SORWAL.
Le Président : Nous avons
eu une réponse à ce sujet, n’est-ce pas ?
Me. HIRSCH : Oui, nous avons
eu une réponse.
Le Président : Bien, alors
abordez autre chose que le comportement du témoin lui-même.
le témoin 40 : Ça, je peux,
je peux en dire, je peux en ajouter quelque chose, hein.
Le Président : Non, vous
ne devez pas répondre à la question.
Me. HIRSCH : Merci, Monsieur
le président.
Le Président : Y a-t-il d’autres
questions ? Maître MONVILLE.
Me. MONVILLE : Monsieur le président.
Le Président : Maître MONVILLE
?
Me. MONVILLE : Mais, c’est
parce que le… le témoin n’était pas allumé. Pour revenir au dossier, Monsieur
le président, je voudrais que le témoin nous reprécise le nombre de chargements
d’allumettes qui étaient envoyés depuis la SORWAL jusqu’à Gisenyi, aux environs
de Gisenyi, entre le 14 ou le 15 mai 95 et le 26 mai 96.
Le Président : 96 ?
Me. MONVILLE : Euh… 94, pardon,
le… 94, je veux dire, pardon, le 15 mai 1994 et le 26 juin 1994.
Le Président : Savez-vous
le nombre de chargements d’allumettes qui seraient allés jusqu’à Gisenyi ?
le témoin 40 : A part… oui ?
A part le mien, du 15 avril…
Le Président : 15 mai.
le témoin 40 : …plutôt du
15 mai.
Le Président : 15 mai. Vous êtes allé avec un chargement dans une camionnette
?
le témoin 40 : Dans une camionnette,
mais on vendait dans différents…
Le Président : Oui ?
le témoin 40 : …dans différents
centres. Ça a pas arrivé à Gisenyi. C’est dans différents centres de… de Gitarama
jusqu’à Gisenyi. On est arrivé à Gisenyi, c’est parce que je devais déposer
de l’argent que j’avais… parce que je voulais passer, avec les différentes barrières,
chez le directeur général.
Le Président : Bien.
le témoin 40 : Après ça, il
y a eu deux chargements avant que j’y retourne.
Me. MONVILLE : Combien ?
le témoin 40 : Deux. Le camion
y est allé deux fois, je crois, avant que j’y retourne, la troisième fois, vers
le 26 juin. Ça, on peut voir avec les différents versements qui sont… qui ont
été faits
Le Président : Oui, une autre
question ?
Me. MONVILLE : Et ces chargements
étaient d’importance. Est-ce que c’étaient 10, 100, 1000 cartons d’allumettes
qui étaient chargés à chaque fois ?
le témoin 40 : Non, là c’était
un camion. Le camion, bon, ça, il faut demander au directeur technique, c’est
lui qui se chargeait des stocks et du chargement. Moi, on me disait qu’ils ont
chargé autant. Mais, je crois, le camion, il y avait 893 cartons, je crois,
c’était le chargement du camion, si… 893, si je me souviens bien.
Me. MONVILLE : Une autre
question, s’il vous plaît, Monsieur le président. Est-ce que le témoin a eu
connaissance de ce qu’à un certain moment, un fût de carburant a été chargé
sur un camion à destination de Gisenyi ?
Le Président : Savez-vous
?
le témoin 40 : Oui, j’ai eu
connaissance de ça. Quand le camion est parti, j’étais arrivé là. Il est parti
avec le… le chauffeur lui-même. Bon, j’ai vu que derrière de mon bureau, il
y avait un camion, plutôt un fût d’essence. Bon, j’ai demandé, ils m’ont dit
que le directeur général en avait besoin pour faire ses courses d’agent commercial.
Ça, je l’ai… ça, je l’ai vu.
Le Président : Oui ?
Me. MONVILLE : Et alors,
une dernière série de questions, Monsieur le président, concernant cette fameuse
lettre du 23 mai 1994. Est-ce que le témoin peut confirmer qu’il n’a pas vu
cette lettre au moment où Monsieur le témoin 21 l’a reçue.
le témoin 40 : Ben, c’est
pas moi, il y avait des autres aussi de la SORWAL, qui étaient des cadres aussi.
Personne te dira qu’il a vu cette lettre. Martin nous a dit qu’il a reçu ça,
juste après le… je crois, le… le premier chargement du camion qui est allé à
Gisenyi. Le chauffeur est venu avec, je crois, le document qui était destiné
à Martin. Alors Martin, lui-même, comme il devait nous dire ça. Mais cette lettre,
on ne l’a pas eue à la SORWAL. Moi, j’ai jamais eu connaissance de cette lettre
à la SORWAL. Même mes collègues, aussi les cadres, n’ont jamais eu connaissance
de cette lettre.
Le Président : Oui ?
Me. MONVILLE : Est-ce que
le témoin alors, Monsieur le président, pourrait éventuellement confirmer qu’il
a quand même reçu des instructions verbales de Monsieur le témoin 21, en rapport avec
ladite lettre du 23 mai ?
le témoin 40 : A la SORWAL,
avec ladite lettre. A la SORWAL, j’ai jamais eu, et je répète, j’ai jamais eu
connaissance, sauf des informations verbales qu’il m’a dites, je répète, les
informations verbales qu’on a reçues, c’était concernant le chimiste. Et puis,
il y avait aussi d’autres… bon, il le disait verbalement, comme ça, que le directeur
général il a dit que, bon, si le chimiste ne vient pas travailler, qu’on doit
arrêter son salaire mais qu’on doit toujours essayer d’optimaliser le rendement.
Parce qu’à ce moment-là, il fallait sortir l’allumette à 2.5, je crois. Ça,
il nous a dit ça verbalement. Mais tout le contenu de cette lettre, ben non.
Le Président : Oui ?
Me. MONVILLE : Est-ce que
le témoin pourrait confirmer la déclaration qu’il a faite lors du procès-verbal
de confrontation avec Monsieur le témoin 21 : « J’ai
reçu des instructions verbales de Martin qui concernaient mon service, soit
que le directeur général voulait qu’on intensifie la prospection commerciale
dans les zones où il n’y avait pas de combat » ?
Le Président : Vous avez
reçu ça, comme instruction ?
le témoin 40 : Pardon ?
Le Président : Avez-vous
reçu, comme instruction verbale… ?
le témoin 40 : Verbalement,
parce que Martin, il passait dans différents services, verbalement.
Le Président : Oui, verbalement.
le témoin 40 : Oui, verbalement.
Me. MONVILLE : Merci, Monsieur
le président.
Le Président : D’autres questions ? Maître EVRARD.
Me. EVRARD : Merci, Monsieur
le président. Concernant les instructions verbales qui auraient été données
au témoin sur base ou en tout cas, à partir d’éléments contenus dans cette lettre,
il y a, au dossier, une déclaration, c’est un procès-verbal du 25 juin 1997.
Et le témoin peut-il nous confirmer qu’en ce qui concerne le témoin 121
Vianney, il a été effectivement question de suspendre son salaire ?
le témoin 40 : Oui. Il a été
question de suspendre son salaire. Ça aussi, je l’ai appris par Martin. D’ailleurs,
nous nous sommes posés pas mal de questions, nous nous demandions des questions
parce que dans… il paraît que le directeur général avait dit à Martin que s’il
ne vient pas au… au service, qu’on doit suspendre son salaire. Bon, c’est quelqu’un
qui n’était même pas de Butare. Comment il pouvait vivre ou quoi, ou quoi. Beh,
il ne pouvait pas passer les barrières, parce que soi-disant, il ressemblait
à un Tutsi. Mais par après, comme il était à 100 mètres de chez moi, bon, je
dis : « Bon, je vais y passer pour voir si… ». A ce moment-là,
c’était vers début juin, fin mai-début juin, parce que, cette fois-ci, j’avais
ma propre voiture. Je dis : « Je peux le… le prendre dans ma propre
voiture ». Je pense que les barrières, ça fait maintenant deux mois qu’on
commence… ils commençaient à être calmes, je dis qu’on pourrait monter avec
lui jusqu’à la SORWAL. Et c’est ce que j’ai fait.
Le Président : Oui ?
Me. EVRARD : Monsieur le
président, le témoin peut-il confirmer ce qui a été également déclaré lors d’une
de ses auditions, que : « Même si HIGANIRO a joué,
à une ou deux reprises, le rôle d’agent commercial - je suppose que l’on
fait référence à Gisenyi - il ne m’a jamais été notifié par
mes supérieurs que je n’avais plus cette fonction » ?
le témoin 40 : Verbalement
oui, mais pas… moi, ce que j’ai voulu parler par-là, c’est que, normalement,
quand on change, on notifie ça par écrit. Mais verbalement, on me l’a dit. Mais
par écrit, je l’ai jamais reçu, ça.
Le Président : Et vous avez
continué à faire l’agent commercial ?
le témoin 40 : Dans les zones
où il n’y avait pas de combat.
Le Président : Oui. D’autres questions ? N’y a-t-il plus
de questions ? Alors, s’il n’y a plus de question, les parties sont-elles
d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 40, est-ce bien des
accusés ici présents dont vous avez voulu parler ? Persistez-vous dans
vos déclarations ? Confirmez-vous ce que vous avez déclaré ?
le témoin 40 : Bon, je… je
confirme ce que j’ai déclaré. Je confirme encore les dépositions que j’ai faites
au cours de mes différentes auditions avec…
Le Président : La police
judiciaire.
le témoin 40 : …les inspecteurs
du juge VANDERMEERSCH.
Le Président : Bien. La Cour
vous remercie pour votre témoignage, Monsieur. Vous pouvez disposer librement
de votre temps.
le témoin 40 : OK.
Le Président : Madame le témoin 28
est là ? Oui, Maître MONVILLE. Oui, vous avez la parole.
Me. MONVILLE : Le témoin
n’est pas allumé. Mais Monsieur le président, nous venons d’entendre, en deux
fois, Monsieur le témoin 40 et notamment dans ses explications, il nous a dit qu’il
avait vu et qu’il était formel pour confirmer avoir vu, entre les mains de Monsieur
le témoin 21, la lettre écrite, donc, tracée de la main par Monsieur HIGANIRO, au
mois de mai 1994. Il est rigoureusement impossible que cette lettre ait pu provenir
du dossier répressif belge. Pourquoi ? Parce que même un avocat qui a le
droit de consulter, avant chaque Chambre du conseil, le dossier répressif -
donc quelqu’un qui est détenu, ben, il y a des pièces, on peut y avoir égard
et on plaide sur la base de ces pièces - cet avocat, n’a pas la possibilité
de prendre des copies de ces pièces : le secret de l’instruction s’y oppose
et tout ce qu’un avocat peut faire, c’est, soit prendre ses propres notes manuscrites,
mais alors on ne peut pas reconnaître, à moins qu’il y ait une similitude frappante,
l’écriture de quelqu’un d’autre, voire de prendre un dictaphone, de dicter ce
qu’il a lu et la secrétaire le retranscrit. Et ce n’est que bien plus tard,
à la fin d’une instruction éventuellement, et la fin de l’instruction, dans
cette affaire-ci, date de l’an 2000, ce n’est qu’à ce moment-là que l’on a la
possibilité d’obtenir copie des pièces. Donc, il était impossible qu’un avocat
quelconque ait pu prendre la pièce, une photocopie de cette pièce, au moment
où Monsieur HIGANIRO venait d’être placé sous mandat d’arrêt. Je crois que cette
précision s’imposait, Monsieur le président.
Le Président : Il y a une
autre opinion à ce sujet ? Maître HIRSCH.
Me. HIRSCH : Monsieur le président,
durant la détention préventive, il y a notamment l’accusé qui a accès à son
dossier répressif. La seule manière de prendre note dans un dossier répressif
quand on n’a pas accès aux copies, c’est de prendre note à la main et de reproduire
exactement les termes d’une lettre qui se trouve au dossier répressif. Rien
n’empêchait donc Monsieur HIGANIRO de communiquer cette lettre à son avocat.
Le Président : Une autre
remarque ?
L’Avocat Général : Oui, je
voudrais quand même ajouter : Maître MONVILLE est quand même, probablement,
conscient de la loi Franchimont qui permet à chaque inculpé, après sa déclaration,
de recevoir une copie de sa déclaration et éventuellement des pièces à l’appui.
Me. MONVILLE : Monsieur l’avocat
général, vous avez tout à fait raison, mais vous vous souviendrez que cette
loi est entrée en vigueur au mois d’octobre 98 et que Monsieur HIGANIRO, sauf
erreur de ma part, a été placé sous mandat d’arrêt le 27 avril 1995 et que les
faits qui nous occupent datent du mois de juin 1995. C’était trop tôt.
Le Président : Bien. Alors,
Madame le témoin 28. |
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