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7.3.24. Auditions des témoins: le témoin 14
Le Président : Monsieur,
quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 14 : le témoin 14.
Le Président : Quel âge avez-vous,
Monsieur ?
le témoin 14 : 61 ans
Le Président : Quelle est
votre profession ?
le témoin 14 : Je suis fonctionnaire.
Le Président : Quelle est
votre commune de domicile ?
le témoin 14 : Mons.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains des accusés, avant le mois d'avril 1994 ? Les accusés
étant Monsieur NTEZIMANA, Monsieur HIGANIRO, Madame MUKANGAGO et Madame MUKABUTERA.
le témoin 14 : J’en connaissais
un : Monsieur Alphonse HIGANIRO.
Le Président : Etes-vous
de la famille des accusés ou des parties civiles ?
le témoin 14 : Non.
Le Président : Etes-vous
attaché au service, par un contrat de travail, attaché au service des accusés
ou des parties civiles ?
le témoin 14 : Non.
Le Président : Je vais vous
demander, Monsieur le témoin 14, de bien vouloir lever la main droite et de prononcer
le serment de témoin.
le témoin 14 : Je jure de parler
sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Je vous remercie.
Asseyez-vous.
Monsieur le témoin 14, dans quelles circonstances et à quelle époque avez-vous
fait la connaissance de Monsieur Alphonse HIGANIRO?
le témoin 14 : Eh bien, euh…
ça remonte à pas mal d’années, c’était en février 88. A l’époque, nous étions
3 membres de notre ONG, en mission dans la région de Gisenyi pour un autre projet
et puis, à l’hôtel, j’ai eu un coup de téléphone d’un Monsieur HIGANIRO que
je ne connaissais pas, qui était secrétaire général, à l’époque, de la Communauté
économique des pays des Grands Lacs. Il souhaitait nous rencontrer, nous sommes
allés à deux le voir et, bon, il nous a expliqué qu’il était président d’une
association de parents d’élèves de Kabaya qui souhaitait construire une
école d’infirmières. Et bon, euh… on a discuté du projet puis en revenant, nous
avons présenté ça aux membres de notre association qui ont trouvé le projet
intéressant. On l’a étudié et du coup, on a repris, on a eu de nouveau certains
contacts avec Monsieur HIGANIRO que j’ai revu à 2 reprises au Rwanda, et à 3
ou 4 reprises en Belgique.
Le Président : Ces contacts
sont donc quand même relativement anciens ?
le témoin 14 : Euh… oui, oui,
ça, en fait, on… notre association, notre ONG est composée uniquement de bénévoles
et… mais elle a cet avantage d’avoir un éventail de collaborateurs, de membres
qui représentent beaucoup de compétences variées : il y a des agronomes,
des ingénieurs, des infirmières, médecins etc. ce qui fait qu’on a pu s’attaquer
à ce problème assez facilement. Le projet de Kabaya était intéressant parce
qu’une école d’infirmières s’indiquait, étant donné qu’il y avait un hôpital
à côté, et nous avons donc mis le projet en chantier. Ça veut dire, préparer
pour la coopération au développement, un dossier assez considérable, avec toute
la littérature nécessaire, mais aussi avec un budget, des plans, des devis etc.
ce qui implique une série de contacts et d’échanges d’un côté et d’autre, mais
qui se sont fait généralement par écrit.
Le Président : Jusqu’à quand
ont duré ces contacts avec Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 14 : Eh bien, les travaux…
parce que bon, vous savez que les… d’abord l’étude nous a pris un certain temps
puis, à l’administration, ça a pris de nouveau un certain temps, ce qui fait
que les travaux ont commencé, si mon souvenir est bon, en 91. Ils étaient pratiquement
terminés quand les événements sont arrivés. Notre dernière mission sur place,
enfin, d’un membre de notre ONG, date de février 94, c’était… c’était pas moi,
c’était Monsieur LECLERC qui était allé pour autre chose mais qui en a profité
pour aller voir. A l’époque, les travaux étaient terminés, et nous avions projeté
d’envoyer une coopérante infirmière pour la rentrée scolaire de septembre, mais
un peu plus tôt parce qu’il fallait veiller à l’équipement, la construction
était terminée mais c’était pas suffisant et… et puis, avec tout ce qui s’est
passé, bien, les bâtiments sont faits mais ça n’a pas été plus loin.
Le Président : Des contacts
que vous avez entretenus avec Monsieur HIGANIRO, que pouvez-vous, comment pouvez-vous
décrire sa personnalité telle que vous l’avez perçue, évidemment ?
le témoin 14 : Ben, écoutez,
évidemment, nous avons connu Monsieur HIGANIRO dans un cadre bien précis qui
était une action euh… humanitaire et sociale, et je dois dire que dans ce cadre-là,
il a toujours été remarquablement précis, correct, honnête. D’autre part, nous
n’avons jamais eu d’autres types de contact avec lui. D’abord, ça ne s’indiquait
pas et puis, on ne le voyait pas très souvent non plus.
Le Président : Au cours de
ces contacts, abordiez-vous éventuellement les problèmes de la situation politique
du Rwanda ?
le témoin 14 : Ca ne s’est jamais
présenté, euh… d’abord, parce qu’à l’époque où on a, où nous avons eu les premiers
contacts, la situation politique était ce qu’elle était, m’enfin, elle n’était
pas euh… périlleuse. Euh… puis euh… les quelques fois où je l’ai vu au Rwanda,
c’était avant septembre 90 et je l’ai vu 3 ou 4 fois en Belgique, mais toujours
pour discuter du projet ; il a probablement évoqué l’une ou l’autre chose
mais ça ne me… ça ne m’est pas resté en mémoire en tout cas.
Le Président : Il ne vous
a pas dit des choses énormes du genre…
le témoin 14 : Non, non, ça,
parce qu’alors je m’en souviendrais.
Le Président : …du genre,
du genre de ce que certains prétendent qu’il aurait dit, à certains moments,
qu’il fallait trouver ou appliquer aux Tutsi la solution finale, ça vous aurait
marqué ce genre de…
le témoin 14 : Non, non. Là,
je m’en souviendrais, oui, oui, oui, oui. Ca, c’est pas…
Le Président : Bien. Y a-t-il
des questions à poser au témoin ? On risque d’avoir fini avec 2 minutes
d’avance, hein. Maître FERMON.
Me. FERMON : Monsieur le
président, est-ce que le témoin peut nous dire à qui ont été versés les fonds
obtenus par l’association dont le témoin fait partie de l’administration générale
de la coopération au développement, pour financer le projet de cette école à
Kabaya ?
Le Président : Alors, d’abord
un petit instant, quelle est l’ONG ?
le témoin 14 : C’est Nord-Sud
Coopération.
Le Président : Bien. Alors,
si nous voulons avoir affaire à l’affaire d’aujourd’hui qui nous occupe, avez-vous,
cette ONG a-t-elle versé des fonds…
le témoin 14 : Ah, forcément.
Vous savez, nous avons…
Le Président : … à Monsieur
HIGANIRO ?
le témoin 14 : Oui, euh… d’abord,
il faut savoir ce que nous avons construit. C’est une école complète, c’est-à-dire
qu’il y avait là-dedans 6 classes générales, 2 classes laboratoires, 4 classes
de… comment, d’expérimentation, bloc administratif, bloc sanitaire, etc. C’était
relativement important. Euh… pour la partie construction, nous n’avions personne
sur place : ça n’avait pas grand sens de garder quelqu’un pour regarder
monter des briques, donc, nous travaillions à travers et avec notre partenaire
local, qui était l’association Ibuka représentée par Monsieur HIGANIRO. Et toute
la partie construction passait par là. La suite, c’est-à-dire l’équipement qui
n’a pas commencé, cela, ça, ça aurait dû dépendre de notre coopérante sur place
et là, l’argent serait, aurait été géré par elle.
Euh… comment est-ce qu’on travaillait ? Il y avait généralement
une avance de fonds pour travaux. Il faut savoir qu’au Rwanda, les entrepreneurs
pour commencer, il faut d’abord payer leurs briques et leur ciment, sinon ils
ne commencent pas. Et puis, on payait un solde à l’envoi des factures. Et ça
a été fait régulièrement. D’autre part, nous envoyions régulièrement aussi des
gens vérifier sur place si les constructions étaient convenables, bien faites.
Nous avions, notamment dans nos administrateurs, un entrepreneur en construction
qui est un homme de grand métier, qui est allé à plusieurs reprises, euh… nous
avons aussi envoyé Monsieur SCULIER, qui lui, était comptable et qui vérifiait
la comptabilité de… de Ibuka, et la plupart du temps, nous avons versé l’argent
au compte que nous donnait monsieur HIGANIRO, qui était Ibuka ou HIGANIRO, je
ne me souviens plus.
Il y a eu 2 ou 3 exceptions, je ne sais plus combien non plus, m’enfin,
où nous avons payé… nous avons en fait remboursé Monsieur RWABUKUMBA, j’ai vu
ça dans le journal, je me suis d’ailleurs étonné que des pièces de notre dossier
soient égarées, m’enfin bon. Euh… pourquoi ? Le fonctionnement de l’AGCD,
donc la coopération au développement, veut qu’on travaille par tranches généralement
de 12 mois et on vous libère le budget par tranche. Quand la tranche est terminée,
vous envoyez votre rapport avec les pièces comptables etc. si c’est approuvé,
on vous libère la tranche suivante, etc. Mais entre les deux, il y a, il se
passe un laps de temps. Or, Monsieur RWABUKUMBA que nous connaissions relativement
mieux parce qu’il venait souvent en Belgique, avait accepté d’avancer l’argent
à Ibuka quitte à ce que nous remboursions. Et c’est comme ça que, par le canal
de Monsieur RWABUKUMBA, certaines sommes sont passées et c’est uniquement parce
qu’il a joué le banquier. Mais tout ça était toujours vérifié et justifié par
facture, etc.
Le Président : Une autre
question ? Plus de question ? Les parties sont d’accord pour que le
témoin se retire ? Monsieur le témoin 14, confirmez-vous les déclarations que
vous venez de faire, persistez-vous dans vos déclarations ?
le témoin 14 : Oui, absolument.
Le Président : La Cour vous
remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps.
le témoin 14 : Merci.
Le Président : Bien. Eh bien,
l’audience est suspendue, elle reprend demain à 9h00. Je vous souhaite une bonne
soirée. J’aimerais voir Maîtres HIRSCH et GILLET 2 minutes. |
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