7.3.9. Témoin de contexte: le témoin 149
Le Président : Euh… Madame le témoin 149. Un interprète ? Celui-ci, vous voulez bien donner le deuxième micro
au témoin ? Comme ça on entend mieux.
Monsieur l'interprète, voulez-vous bien demander au témoin quels
sont ses nom et prénom ?
L’Interprète : Amazina yawe ?
le témoin 149 : Nitwa
le témoin 149.
L’Interprète : Je m'appelle le témoin 149.
Le Président : Quel âge a-t-elle
?
L’Interprète : Ufite imyaka ingahe ?
le témoin 149 : 17 ans.
L’Interprète : J'ai 17 ans.
le témoin 149 : Mfite
imyaka 19.
L’Interprète : 19 ans.
Le Président : Tout le monde n'est
pas professeur de mathématiques, hein ! Elle est née en 1976 ?
L’Interprète : Ngo wavukiye muri
’76 ?
Le Président : C'est pas le même
témoin…
le témoin 149 : Muri passeport
handitse ko navutse muri 1982.
L’Interprète : Sur mon passeport,
il a été inscrit que je suis née en 1982.
Le Président : Oui. Est-ce qu'elle
a déjà été interrogée au Rwanda,
L’Interprète : Mu Rwanda hari ubwo bigeze
bakubaza ?
Le Président : Par le juge d'instruction
Damien VANDERMEERSCH, en 1995 ?
L’Interprète : Hari ubwo umucamanza
witwa Damien VANDERMEERSCH yigeze akubaza mu Rwanda ?
le témoin 149 : Yego, yarambajije.
L’Interprète : Oui, il m'a interrogée.
Le Président : Et à cette époque-là,
elle était née en 1976 ?
L’Interprète : Icyo gihe wari
waravutse muri ’76 ?
le témoin 149 : Biraterwa
nibyo banditse muri passeport, bavuze yuko, umuntu avuga igihe yavukiye, akurikije
ibyanditse.
L’Interprète : Cela dépend de
ce qui a été inscrit dans le passeport. On nous a dit de dire ce qui est inscrit
dans le passeport.
Le Président : Bien ! Alors…
euh… Est-ce qu'il y a un état-civil qui tient note de la date de naissance au
Rwanda ?
L’Interprète : Mu Rwanda, hariho
ahantu hashobora kwerekana aho umuntu yavukiye ?
le témoin 149 : Mu Rwanda… ?
L’Interprète : Mu Rwanda niba
hariho ubutegetsi bwerekana, bufata… bwerekana aho umuntu yavukiye, igihe yavukiye ?
Bafite nk’amafishe, umuntu akurikiye aho byanditse.
le témoin 149 : Yego,
umuntu ashobora kujya muri komine, bakareba liste, kuko umuntu aba yaribaruje,
noneho bakahabona.
L’Interprète : On peut se rendre
à la maison communale et puis, suivant la liste, puisqu'on s'est déclaré, on
peut retrouver la date de naissance.
Le Président : Eh bien, sur cette
liste, elle est née en quelle année ?
L’Interprète : Kuri iyo liste
wibaruje ho, wavutse ryari ?
le témoin 149 : Kuri ya
fiche nibarujeho, banditse ko navutse muri ’83.
L’Interprète : Sur cette fiche,
j'ai déclaré que je suis née en 1983.
Le Président : Bien ! Alors,
on va tenir compte de l'âge qui figure sur le passeport qui est la seule officielle…
peut-être officielle que nous ayons. Quelle est sa profession ?
L’Interprète : Ngo : ukora iki ?
le témoin 149 : Ndi umunyeshuri.
L’Interprète : Je suis étudiante.
Le Président : Quelle est sa commune
de résidence ?
L’Interprète : Utuye he ? Mu yihe komine ?
le témoin 149 : Aho navukiye ?
L’Interprète : Oya, komine utuyemo ?
le témoin 149 : Ntuye muri komine Kanombe.
L’Interprète : J'habite dans la
commune de Kanombe.
Le Président : Au Rwanda, évidemment
?
L’Interprète : Mu Rwanda ?
le témoin 149 : Mu Rwanda.
L’Interprète : Oui, au Rwanda.
Le Président : Est-ce qu'elle
connaissait les accusés ici présents ou certains des accusés, Monsieur NTEZIMANA,
Monsieur HIGANIRO, Madame MUKANGANGO, Madame MUKABUTERA ? Est-ce qu'elle les
connaissait avant le mois d'avril 1994 ?
L’Interprète : Muri bariya baregwa,
wari ubazi cyangwa harimo uwo uzimo mbere yo mu kwezi kwa kane ’94 ?
le témoin 149 : Ntabo
nzi, uretse kumva amazina yabo.
L’Interprète : Je n'en connais
aucun, à part entendre parler d'eux.
Le Président : C'est ça. Elle
n'est pas de la famille des accusés et elle n'est pas de la famille de ceux
qui demandent des dommages et intérêts aux accusés ?
L’Interprète : Ntacyo upfana n’abaregwa
cyangwa abaregera indishyi ?
le témoin 149 : Ntacyo
dupfana.
L’Interprète : Non, pas de rapport.
Le Président : Elle ne travaille
pas comme employée des accusés ou de ceux qui demandent des dommages et intérêts
aux accusés ?
L’Interprète : Ntukorera abaregwa
cyangwa abaka indishyi ? Abaregeye indishyi ?
le témoin 149 : Simbakorera ?
L’Interprète : Yego, niba utabakorera ?
le témoin 149 : Nta n’umwe
nkorera.
L’Interprète : Non. Je travaille
pour aucun.
Le Président : Bien, vous pouvez
tous les deux vous asseoir. Ah oui, il faut prêter le serment, pardon, excusez-moi…
l'inviter à prêter serment en levant la main droite. Levez la main droite…
L’Interprète : Buretse urahire,
uzi ku…
le témoin 149 : Yego.
Ndahiriye kuvuga ukuri gusa, nta rwango, nta mususu.
L’Interprète : Je jure de parler
sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Merci, vous pouvez
maintenant vous asseoir tous les deux. Le témoin, au mois d'avril 1994, travaillait-il,
est-ce qu'elle travaillait dans le couvent ou près du couvent, à Butare, des
sœurs benebikira, je crois ?
L’Interprète : Mu kwezi kwa kane
’94, wakoraga mu kigo cy’ababikira cyangwa iruhande rw’ikigo cy’ababikira, i
Butare ?
le témoin 149 : Nanabagamo, usibye no gukora nabagamo. Nari umwana mu rugo.
L’Interprète : Non, seulement
j'y travaillais mais aussi j'y vivais comme un enfant à la maison.
Le Président : Est-ce qu'elle
a rencontré au couvent, Malik KARENZI de la famille KARENZI, Malik et Umuringa?
L’Interprète : Muri icyo kigo,
wahuriyemo na Malik KARENZI n’Umulinga ?
le témoin 149 : Ngo twahuriye he ?
L’Interprète : Niba mwarahuye.
le témoin 149 : Yego,
twarabonanye kuko baje bahansanga.
L’Interprète : Oui, nous nous
sommes rencontrés parce qu'ils sont venus… lorsqu'ils sont venus, ils m'y ont
trouvée.
Le Président : Est-ce qu'elle
a rencontré aussi, au couvent, le témoin 134?
L’Interprète : Muri icyo kigo
wahuye na le témoin 134 ?
le témoin 149 : Yego,
twarahuye.Twari turi kumwe.
L’Interprète : Oui, nous nous
sommes rencontrées.
Le Président : Est-ce que ces
trois personnes, ces trois enfants, étaient venus au couvent après la mort des
parents KARENZI?
L’Interprète : Abo bana uko ari
batatu baje nyuma y’urupfu rw’ababyeyi KARENZI ?
le témoin 149 : Yego,
baje nyuma yuko papa wabo yari yapfuye.
L’Interprète : Oui, ils s'y sont
rendus après la mort de leur père.
Le Président : Ils sont restés
au couvent apparemment une quinzaine de jours ?
L’Interprète : Bashobora kuba
baragumye mu kigo iminsi 15, hafi y’iminsi 15 ?
le témoin 149 : Yego,
bagumye muri couvent.
L’Interprète : Oui, ils y sont
restés.
Le Président : A un moment donné,
des gens sont venus attaquer le couvent ?
L’Interprète : Hari igihe abantu
baje, bateye ikigo ?
le témoin 149 : Yego,
baragiteye.
L’Interprète : Oui, ils sont venus
l'attaquer.
Le Président : Les enfants se
sont cachés ?
L’Interprète : Abana barihishe ?
le témoin 149 : Abana
bari bari mu kigo.
L’Interprète : Les enfants se
trouvaient à l'intérieur du couvent.
Le Président : Tous les enfants,
il n'y avait pas seulement les KARENZI, il y avait plusieurs enfants, il y avait
beaucoup d'enfants dans le couvent, à ce moment-là ?
L’Interprète : Abana bose, ntabwo
ari abana ba KARENZI bonyine, hari abana benshi icyo gihe ?
le témoin 149 : Yego.
L’Interprète : Mu kigo ?
le témoin 149 : Yego.
Hari abana benshi icyo gihe.
L’Interprète : Oui, à ce moment
il y avait beaucoup d'enfants dans le couvent.
Le Président : Les gens qui venaient
frapper à la porte du couvent disaient, semble-t-il, que si les sœurs n'ouvraient
pas, on allait tuer tout le monde ?
L’Interprète : Abantu bazaga gutera
bakomanga ku rugi rwo mu kigo cy’ababikira, bavugaga ko niba badafunguye, barica
abantu bose.
le témoin 149 : Yego,
niko bababwiye.
L’Interprète : C'est comme ça
qu'ils disaient, c'est comme ça.
Le Président : Ces gens sont rentrés
dans le couvent et ils ont été voir partout dans ce couvent, frappant sur les
portes ?
L’Interprète : Abo bantu binjiye
mu kigo bashaka hose, bakubita ku nzugi zose…
le témoin 149 : Yego,
binjiye mu kigo bakubita ku nzugi hose.
L’Interprète : Ils sont rentrés
dans le couvent en frappant sur toutes les portes.
Le Président : Ils rassemblaient
les enfants ?
L’Interprète : Bakoranyije abana,
bateranyije abana ?
le témoin 149 : Barabateranyije
bose.
L’Interprète : Oui, ils les ont
rassemblés tous.
Le Président : Et tous les enfants
étaient emmenés à l'extérieur ?
L’Interprète : Basohoye abana
bose ?
le témoin 149 : Yego,
basohoye abana bose. Nta numwe basize.
L’Interprète : Oui, ils ont fait
sortir tous les enfants, ils n'en ont laissé aucun.
Le Président : Ils ont essayé
de retrouver tout le monde ?
L’Interprète : Bagerageje kubona
bose, kubona abantu bose, abana bose ?
le témoin 149 : Oya ntabwo
bababonye bose.
L’Interprète : Ils n'ont pas retrouvé
tout le monde.
Le Président : Quelques-uns ont
pu rester cachés ou s'enfuir ?
L’Interprète : Bamwe bashoboye
guhunga cyangwa kwihisha ?
le témoin 149 : Yego.
Hari ababashije kwihisha ariko bose ntabwo ariko barokotse.
L’Interprète : Oui. Il y a ceux
qui ont pu se cacher mais ils n'ont pas échappé tous aux tueurs.
Le Président : Les enfants donc,
étaient tous rassemblés. Est-ce qu'ils n’ont pas dû montrer leur carte d'identité
?
L’Interprète : Igihe abana bose
bari bakoranye, ntabwo, nta gihe bagombye kwerekana indangamuntu zabo ?
le témoin 149 : Yego,
Bababwiye kwerekana indangamun-tu, abazifite barazerekana.
L’Interprète : On leur a dit de
montrer leur carte d'identité, et ceux qui en avaient, les ont montrées.
Le Président : Est-ce qu'on a
séparé les enfants Hutu des autres ?
L’Interprète : Batandukanyije
abana b’abahutu n’abandi ?
le témoin 149 : Yego,
barabatandukanije.
L’Interprète : Oui, ils les ont
séparés.
Le Président : Est-ce que les
enfants KARENZI étaient du côté des Tutsi ?
L’Interprète : Abana ba KARENZI,
bari ku ruhande rw’abatutsi ?
le témoin 149 : Abana
ba KARENZI bari bari kumwe n’abandi, uretse abana babiri b’abahutu nyine bari
bashyizemo. Abana babiri b’abahutu nibo bari bari ku ruhande, abana ba KARENZI
bagumye aho ngaho, hamwe n’abatutsi.
L’Interprète : Les enfants KARENZI
étaient avec les autres enfants Tutsi sauf deux enfants Hutu qu'on avait mêlés
à eux.
Le Président : On avait confondu
?
L’Interprète : Barabitiranyije ?
le témoin 149 : Abahe ?
Abana ?
L’Interprète : Abo bana babiri
b’abahutu, barabitiranyije ?
le témoin 149 : Oya ntabwo
babitiriranyije kuko bari abahutu.
L’Interprète : On les a pas confondus,
parce qu'ils étaient effectivement Hutu.
Le Président : Il y a quelqu'un
qui a pu rester caché, que les soldats n'ont pas trouvé, c'est Yvette je crois
?
L’Interprète : Hari umwe washoboye
kwihisha, abasoda ntibamubonye arakeka ko ari Yvette.
le témoin 149 : Yego,
arahari, niwe Yvette wabashije kwihisha ntibamubona, abasirikare.
L’Interprète : Oui, effectivement,
il s'agit d'Yvette qui a pu se cacher, que les militaires n'ont pas pu retrouver.
Le Président : Les enfants KARENZI,
est-ce qu'ils n'ont pas été battus plus que les autres enfants ?
L’Interprète : Abana ba KARENZI
ntabwo bakubiswe kurusha abandi bana ?
le témoin 149 : Yego,
abana ba KARENZI nibo bakubiswe kurusha abandi.
L’Interprète : Oui, ce sont les
enfants KARENZI qui ont été battus plus que les autres enfants.
Le Président : Et puis, les enfants
KARENZI et les autres enfants qui n'étaient pas Hutu, ont été emmenés ?
L’Interprète : Abana ba KARENZI
hamwe n’abandi bana batari abahutu, barabatwaye, hamwe bose ?
le témoin 149 : Bose barabatwaye
uretse abandi bana bamwe basize, bitewe n’uko bari bisobanuye.
L’Interprète : Ils les ont tous
emmenés, à part quelques enfants qui sont restés parce qu'ils s'étaient expliqués.
Le Président : Et par exemple,
le témoin, lui, a pu rester, elle, elle a pu rester parce qu’elle avait expliqué
qu'elle était une orpheline adoptée par le couvent…
L’Interprète : Wowe washoboye
gusigara kuko wari wavuze ko uri impfubyi.
Le Président : …que les religieuses
avaient confirmé ça aux militaires ?
le témoin 149 : Oui, niko
nasigaye maze kwisobanura ko nari umwana wo muri orphelinat, warerewe aho ngaho,
nkanahakurira.
L’Interprète : C'est effectivement
comme ça que j'ai pu rester, parce que j'ai expliqué que j'étais l'enfant de
l'orphelinat, que j'étais élevée là et que j'ai grandi là.
Le Président : Est-ce que les
religieuses n'ont pas essayé… essayé de faire croire que tous les enfants étaient
de l'orphelinat ?
L’Interprète : Nta gihe ababikira
bagerageje kumvisha abo bantu ko abana bose bari imfubyi ?
le témoin 149 : Barabigerageje
ariko biranga kubera umugambi wabo bari baje bagamije.
L’Interprète : Elles ont essayé,
mais cela n'a pas marché parce qu’ils avaient décidé déjà… ils avaient un projet
déjà arrêté.
Le Président : Et notamment, est-ce
que les militaires n'ont pas exigé d'avoir la liste de tous les enfants qui
étaient au couvent ?
L’Interprète : Abasoda ntabwo
basabye liste y’abana bose babaga muri icyo kigo ?
le témoin 149 : Sinzi
niba barayisabye, kuko abo ababikira bari babaheje, kuburyo tutazi ibyo bababwiye.
L’Interprète : Je ne sais pas
s'ils l'ont demandée… Abari baheje abandi n’abahe ?
le témoin 149 : Interahamwe,
zari zabwiye ababikira ngo bagume mu nzu, ngo batabona amaraso ya bene wabo.
L’Interprète : Je ne sais pas
s'ils l'ont exigée, s'ils l'ont demandée, parce que les Interahamwe leur avait
dit, aux religieuses, de rester à l'intérieur du couvent, de la maison donc,
pour ne pas voir le sang des leurs couler.
Le Président : Est-ce qu'elle
sait ce que sont devenus les enfants qui ont été emmenés par les militaires
et les Interahamwe ?
L’Interprète : Uzi icyabaye kuri
abo bana batwawe n’abasirikare n’Interahamwe ?
le témoin 149 : Ntabwo
nzi icyo babaye, icyo nzi cyo, mubo batwaye bose nta n’umwe nigeze mbona.
L’Interprète : Je ne sais pas
ce qu'ils sont devenus, mais je peux confirmer, parmi tous ceux qui ont été
emmenés par eux, je n'en ai plus jamais revu aucun.
Le Président : Y a-t-il des questions
à poser au témoin ? Monsieur l'avocat général ?
L'Avocat Général : Une seule
question, Monsieur le président. Le témoin peut-il confirmer que, lorsque les
enfants se sont trouvés dehors, les militaires ou les Interahamwe les ont obligés
de chanter qu'ils étaient les victimes des attaques du FPR ?
L’Interprète : Ushobora guhamya
ko, igihe abana bari hamwe hanze, Abasoda cyangwa Interahamwe zabasabye kuririmba
ko bazize FPR.
le témoin 149 : Ndabihamya.
L’Interprète : Je le confirme.
Le Président : Y a-t-il d'autres
questions ? Les parties sont-elles d'accord pour que le témoin se retire ? Monsieur
l'interprète, voulez-vous bien demander au témoin si elle confirme ses déclarations
?
L’Interprète : Uhamije ibyo umaze
kuvugira aha ?
le témoin 149 : Ndabihamije.
L’Interprète : Je le confirme.
Le Président : Vous pouvez remercier
le témoin de la part de la Cour…
L’Interprète : Urukiko ruragushimiye
le témoin 149 : Nanjye
ndabashimiye.
L’Interprète : Je vous remercie
également.
Le Président : Lui dire qu'elle
peut disposer, mais qu'elle doit rester administrativement à la disposition
de la Cour, jusqu'à son retour au Rwanda. |