assises rwanda 2001
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Instruction d’audience A. Higaniro Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience A. Higaniro > Audition témoins > le témoin 108
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7.3.18. Auditions des témoins: le témoin 108

Le Président : Bien. Monsieur le témoin 108.

Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

le témoin 108 : Je m’appelle le témoin 108.

Le Président : le témoin 108 ou le témoin 108 ?

le témoin 108 : -RI.

Le Président : Bien. Quel âge avez-vous ?

le témoin 108 : 61 ans.

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 108 : Educateur.

Le Président : Quelle est votre commune de domicile ?

le témoin 108 : Actuellement, j’habite à Anvers.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés avant le mois d'avril 1994 ?

le témoin 108 : Certains. Pas tous.

Le Président : Qui connaissiez-vous ?

le témoin 108 : HIGANIRO et NTEZIMANA.

Le Président : HIGANIRO et NTEZIMANA. Etes-vous de la famille des accusés ?

le témoin 108 : Non.

Le Président : Ou des parties civiles ? Famille des parties civiles ?

le témoin 108 : Non.

Le Président : Vous ne travaillez pas non plus, sous un lien de contrat de travail, pour les accusés ou pour les parties civiles ?

le témoin 108 : Non.

Le Président : Je vais vous demander alors Monsieur, de bien vouloir lever la main droite - levez la main droite - et de prêter le serment de témoin.

le témoin 108 : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir, Monsieur. Personnellement, Monsieur, je n’ai pas trouvé de déclaration de votre part dans le dossier d’instruction préparatoire. Vous avez dit que vous connaissiez Monsieur NTEZIMANA et Monsieur HIGANIRO avant le mois d’avril 1994. Pouvez-vous me dire dans quelles circonstances vous avez fait la connaissance de Monsieur NTEZIMANA ?

le témoin 108 : NTEZIMANA était enseignant à l’université, au campus de Butare, université dont j’étais recteur. Et je l’ai vu pour la première fois quand je présidais un organe de l’université appelé « Commission des titres », qui étudie les dossiers des professeurs pour faire des propositions au Conseil universitaire, des propositions de promotion du personnel académique.

Le Président : Et Monsieur HIGANIRO ?

le témoin 108 : HIGANIRO, je… j’ai travaillé avec lui en 1981 quand le ministère de l’éducation nationale du Rwanda a été scindé en deux ministères et un des deux ministères m’a été confié, à savoir le ministère de l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et de la culture. Et HIGANIRO était mon secrétaire général à ce moment-là.

Le Président : Vous vous trouviez à Butare en avril 94 ?

le témoin 108 : Oui.

Le Président : Vous avez connu les événements là-bas, alors ?

le témoin 108 : En fait, je… j’étais à Butare, oui.

Le Président : Oui. Avez-vous éventuellement connaissance de l’implication que pourrait avoir Monsieur Vincent NTEZIMANA dans des meurtres de professeurs de l’université ?

le témoin 108 : Non. Il dépendait du campus de Butare. L’université nationale du Rwanda était divisée en deux campus.

Le Président : Et vous-même, vous étiez sur quel campus, à ce moment-là ?

le témoin 108 : Moi, j’étais au rectorat. Le rectorat était situé hors des deux campus. Un campus était au Nord à Ruhengeri et un autre à Butare. Le rectorat était à Butare mais hors du campus.

Le Président : En qualité de recteur de l’université nationale, saviez-vous que Monsieur Vincent NTEZIMANA était le président de… d’une association qui s’appelait l’APARU?

le témoin 108 : Oui. C’est à ce titre-là qu’il siégeait à la Commission des titres.

Le Président : Il semble, par exemple, que Monsieur Vincent NTEZIMANA ait fait des démarches auprès du vice-recteur en vue de… d’envisager la possibilité pour certains professeurs de quitter Butare, et de manière à ce que l’université organise ces départs de professeurs et de leur famille. Avez-vous connaissance de ces démarches ? 

le témoin 108 : Non.

Le Président : Etait-ce normal qu’il s’adresse au vice-recteur plutôt qu’au recteur ?

le témoin 108 : Oui. Oui. Puisque les campus travaillaient presque indépendamment du rectorat, en certaines matières. Notamment la gestion quotidienne du campus.

Le Président : Bien. Donc vous n’avez pas été tenu au courant de démarches en vue de… de faire partir certains professeurs ?

le témoin 108 : Non. Non. Non.

Le Président : Ou d’aider en tout cas à la fuite de certains professeurs et de leurs familles ?

le témoin 108 : Non, je n’ai pas été saisi. 

Le Président : Dans les relations que vous avez pu avoir sur le plan professionnel ou dans…dans cette Commission des titres là avec Monsieur Vincent NTEZIMANA, ces quelques moments de relation vous permettent-ils de décrire brièvement la personnalité de Monsieur NTEZIMANA ?

le témoin 108 : Euh… en réalité, il était nouvellement nommé. Je crois que je n’ai pu travailler avec lui dans le cadre de la Commission des titres que, je crois, une ou deux fois. En 1993.

Le Président : Trop peu que pour pouvoir donner une appréciation sur sa personnalité ?

le témoin 108 : Trop peu.

Le Président : Par contre, de votre ancien secrétaire général, que pouvez-vous dire sur le plan de la personnalité ?

le témoin 108 : Oh, avec lui, j’ai, j’ai fait une année. Euh… quand j’étais ministre et qu’il était secrétaire général. Ce que je sais, c’est que c’est un… un homme raisonnable. Collaborateur. En tant que collaborateur, j’ai été satisfait par ses services. Et c’est un travailleur puisque c’est avec lui que nous avons mis en place un nouveau ministère. C’est avec lui que j’ai cherché les personnes à proposer au Conseil universitaire pour nomination dans l’organigramme. Nous avions notamment trois directions générales. Et j’ai personnellement cherché deux, je lui ai demandé de m’en chercher un troisième et j’ai été satisfait par le rendement de son travail pendant le temps que j’ai été avec lui.

Le Président : Dans le temps, à propos justement de son travail, était-ce quelqu’un qui était plus absorbé par les aspects techniques des choses ou plus absorbé par les aspects politiques du travail ?

le témoin 108 : L’aspect politique était du domaine du ministre. Et lui, c’était un haut-fonctionnaire, donc un technicien. A mon avis, je n’ai jamais eu à me plaindre du fait que il allait au-delà de ses attributions.

Le Président : Il ne donnait pas de conseils au ministre sur le plan politique ?

le témoin 108 : Quand je les lui demandais.

Le Président : Bien. Y a-t-il des questions à poser au témoin ?

Me. EVRARD : Merci, Monsieur le président.

Le Président : Oui, Maître EVRARD, je vous en prie

Me. EVRARD : Le secrétaire général du ministère, dont le témoin a été ministre, aurait-il eu la possibilité de faire exclure ou d’influer sur la politique de recrutement des fonctionnaires pour des raisons régionalistes ou ethnistes ? Est-ce que cette compétence n’appartiendrait pas plutôt au ministre de la fonction publique ?

Le Président : Vous avez entendu la question ?

le témoin 108 : Oui, je l’ai entendue et je… je crois avoir compris le sens de sa question. A savoir si mon collaborateur a fait montre de régionalisme.

Le Président : Et en avait-il la possibilité, même fonctionnelle, hein ? Est-ce que ça entrait dans ses attributions de…

le témoin 108 : Non, non. Mais là où la personne qui vient de poser la question, à mon avis, ne cadre pas avec la réalité, c’est quand il introduit le ministre de la fonction publique au niveau du recrutement. Le recrutement était fait au Conseil universitaire, mais chaque ministre faisait des propositions au Conseil universitaire et la fonction publique n’intervenait que pour gérer les dossiers d’avancement, etc. Mais quant à HIGANIRO, il n’était pas du tout dans ses attributions de faire quoi que ce soit en dehors du ministre qui appliquait la politique du gouvernement. Vous n’êtes pas sans savoir que, au Rwanda, il y a eu un thème d’équilibre régional et ethnique. Si ce principe a été appliqué par un gouvernement, ça n’appartient pas du tout, ce n’est pas du ressort d’un fonctionnaire, fût-il secrétaire général, d’avoir à répondre de ce principe.

Le Président : Oui ?

Me. EVRARD : Monsieur le président, vous avez indiqué tout à l’heure, vous avez posé au témoin la question de savoir s’il émettait des opinions politiques. Le témoin, si j’ai bien compris, a répondu qu’il le ferait éventuellement à la demande du ministre. Est-ce que… il ne s’agit pas de faire le procès du ministre ici, mais le ministre a-t-il eu une attitude régionaliste, qu’il aurait demandé de soit faire appliquer, soit, euh… sur laquelle il aurait souhaité se faire conseiller par son secrétaire général ?

Le Président : Oui.

le témoin 108 : Je peux répondre ?

Le Président : Bien sûr.

le témoin 108 : Attitude régionaliste, par cette expression, j’entends une attitude contraire à ce que euh… j’explique : le fait qu’il existait un principe d’équilibre ethnique et régional. Ça voulait dire que pour le cas qui me concerne, pour un nouveau ministère, il fallait que dans l’organigramme, le ministre propose des gens en tenant compte de ce principe. C’est-à-dire qu’il y ait des Hutu, des Tutsi ou des Twa quand on pouvait en avoir qui avaient la formation cadrant avec le profil de la fonction à occuper.

Le Président : Donc, il… aurait-il pu, Monsieur HIGANIRO, être amené à appliquer les décisions du ministre ? 

le témoin 108 : Non, HIGANIRO, je crois que pour être concret, je ne le traiterais pas du tout de régionaliste, dans ce sens que quand j’ai proposé des noms parmi lesquels il y avait des Tutsi, ou des gens qu’on appelait abanyenduga, des gens qui ne sont pas de sa région, il ne s’y est pas opposé, il ne m’a fait aucun problème.

Le Président : Donc, il a toujours exécuté ce que vous lui demandiez ? A supposer, maintenant, que des nominations ou des promotions aient été vues de l’extérieur comme étant régionalistes, ce n’était pas, si je comprends bien, du fait de Monsieur HIGANIRO…

le témoin 108 : Non, c’est moi.

Le Président : Mais de votre fait à vous ?

le témoin 108 : De moi.

Le Président : Si votre politique était mal perçue… 

le témoin 108 : Oui, de moi et du gouvernement auquel je faisais partie. Donc, si le gouvernement avait adopté le principe d’équilibre régional et ethnique et que les membres du gouvernement et les techniciens l’appliquaient, ce n’est pas à un technicien à euh… le reprocher.

Le Président : Bien.

le témoin 108 : Mais pour le cas d’espèce, je… je confirme que je ne l’ai jamais considéré comme un régionaliste dans le sens négatif.

Le Président : Une autre question ?

Me. EVRARD : Je vous remercie, Monsieur le président. Concernant maintenant Butare. Le témoin était recteur de l’université nationale alors que Monsieur HIGANIRO était le directeur général de la SORWAL. Peut-on demander au témoin quelles relations éventuelles il avait avec lui ? Ensuite, il était également membre du parti MRND dans la préfecture de Butare et, à ce titre, le témoin peut-il nous dire si Monsieur HIGANIRO participait à des meetings ou des manifestations politiques publiques dans la ville de Butare ?

le témoin 108 : Je peux ?

Le Président : Avez-vous… oui, donc premier volet de la question : lorsque Monsieur HIGANIRO est arrivé à Butare comme directeur de la SORWAL, vous étiez, à l’époque, recteur de l’université. Avez-vous entretenu avec lui des relations d’amitié, de… professionnelles ou autres ?

le témoin 108 : Non, sur le plan professionnel, l’université n’avait pas de relation verticale ou horizontale avec la SORWAL : j’entends que HIGANIRO n’avait pas à répondre devant l’université, au niveau de l’université, n’avait pas à répondre à la SORWAL. L’université n’était pas un client particulier de la SORWAL étant donné le produit que la SORWAL produisait, donc je dirais que sur le plan professionnel, il n’y avait pas de relations.

Sur le plan social, ça faisait quand même une bonne dizaine d’années de distance et après avoir fait des parcours, chacun en ce qui le concerne, qui nous amenaient à être l’un distant de l’autre. Mais quand il venait à Butare, à l’une ou l’autre occasion, on s’est… on s’est salué mais on… on n’habitait pas l’un à côté de l’autre et… il n’y avait pas de relation particulière de dire que chaque fois, on pouvait me voir chez lui ou lui chez moi.

Le Président : Et alors. L’avocat a affirmé que vous étiez membre du MRND de Butare ?

le témoin 108 : Cela est vrai.

Le Président : En qualité de membre du MRND de Butare, avez-vous vu Monsieur HIGANIRO participer à des manifestations publiques du MRND ?

le témoin 108 : Pour autant que je sache, non.

Le Président : Participait-il éventuellement à des manifestations plus limitées, à des réunions de Comité préfectoral, enfin je ne sais pas comment le parti était structuré mais…

le témoin 108 : Non, au niveau du… du Comité préfectoral, après le multipartisme, tous les chefs de service étaient convoqués quand il y avait une réunion qui concerne, par exemple, un problème de sécurité. Le préfet prenait l’initiative d’inviter tous les chefs de service. Et certainement à ce titre-là, HIGANIRO en tant que chef d’une usine qui a sous ses ordres des employés, il était invité. Mais dans le cadre du Comité préfectoral du MRND, donc du multipartisme, HIGANIRO n’en faisait pas partie. Il n’avait aucun rôle politique dans le cadre du MRND à Butare.

Le Président : Vous-même, vous aviez une fonction particulière dans le MRND de Butare ?

le témoin 108 : Oui, j’étais membre du Comité préfectoral.

Le Président : Bien, en tant que membre du Comité préfectoral du MRND du Butare, avez-vous jamais eu connaissance de l’existence d’un comité, d’une commission, d’un groupement de fonctionnaires ou de salariés de la région de Butare, affiliés au MRND ?

le témoin 108 : J’en ai entendu parler et même, il m’a été dit que j’avais été pressenti pour y figurer. Mais à ce que je sache, je n’ai participé à aucune des réunions de ce comité, et j’ai l’impression que le comité a été pris de court par la vitesse des événements de manière qu’il n’a pas pu réellement fonctionner.

Le Président : En votre qualité de membre du Comité préfectoral du MRND avez-vous reçu des suggestions de cette espèce de comité ?

le témoin 108 : Non. Non, puisque quand il… s’il y avait des suggestions à faire, on devait les transmettre au bureau du Comité préfectoral. Donc, le Comité préfectoral était composé de 12 membres parmi lesquels il y en avait 3, un président, un vice-président et un trésorier qui, euh… qui dirigeaient, qui dirigeaient le comité. Donc s’ils devaient faire des suggestions, ce n’était certainement pas à moi. Moi, je les aurais apprises lors d’une réunion du Comité préfectoral, chose qui n’a pas été réalisée, ou qui n’a pas pu être réalisée.

Le Président : Bien. Une autre question ?

Me. EVRARD : Monsieur le président, je souhaiterais que l’on pose au témoin la question de savoir comment un membre de la structure du parti, tel que le témoin, voyait l’existence de comités, de petits comités, en tout cas de réunion à caractère, certes où on parle de politique, mais de réunion plutôt de nature privée. Est-ce que ça lui paraissait euh… quelque chose de normal dans les circonstances de l’époque, ou ça lui paraissait éventuellement une forme de, éventuellement de dissidence ou de choses un peu anormales par rapport aux structures du parti ?

Le Président : Alors, l’éclosion de ces petits comités, je dirais, en dehors des structures habituelles du parti, phénomène normal ? Phénomène anormal ?

le témoin 108 : Logiquement, ce n’est pas normal. Logiquement, ce n’est pas normal. Si ces petits comités travaillaient au nom d’un parti sans avoir été mandatés par le parti, c’est anormal. Mais d’autre part, on ne peut pas empêcher l’initiative de gens qui veulent se rencontrer, de se rencontrer pour réfléchir sur un problème. Pourvu qu’ils précisent que c’est à leurs noms et à leurs risques et périls.

Le Président : Une autre question ? Plus d’autre question ? Les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 108, est-ce bien des accusés ici présents dont vous avez voulu parler ? Le sens profond de cette question étant seulement de savoir si vous persistez dans les déclarations que vous venez de faire ?

le témoin 108 : Je ne saisis pas le sens de votre question, Monsieur le président.

Le Président : Alors je vais la poser beaucoup plus simplement : confirmez-vous les déclarations que vous avez faites?

le témoin 108 : Je les confirme.

Le Président : Je vous remercie. La Cour vous remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps. 

le témoin 108 : Je vous remercie.

Le Président : Une petite suspension ? L’audience est suspendue, on reprend à quatre heures moins cinq ?

Oui, Monsieur le sixième juré, vous vouliez intervenir ?

Le 6e Juré : [inaudible]

Oui, on va essayer de faire ça.