6.3.7. Audition des témoins: le témoin 124
Le Président : Monsieur le témoin 124 est là ? Le nom de famille c'est
le témoin 124 ou c’est BONFILS ? Alors le témoin le témoin 124. Peut-on faire
silence dans la salle ? Après chaque entracte, si vous voulez bien faire silence ?
Bien. Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 124 : Mon nom c'est le témoin 124, mon prénom c'est Bonfils.
Le Président : Quel âge avez-vous ?
le témoin 124 : J'ai 42 ans.
Le Président : Quelle est votre profession ?
le témoin 124 : Je suis professeur à l'université nationale du Rwanda.
Le Président : Quelle est votre commune de domicile ?
le témoin 124 : Je vis à Butare.
Le Président : Au Rwanda ?
le témoin 124 : Oui.
Le Président : Connaissiez-vous les accusés
NTEZIMANA, HIGANIRO, MUKANGANGO, MUKABUTERA avant les faits qui leur
sont reprochés, avant avril 94 ?
le témoin 124 : Je connaissais particulièrement le professeur Vincent NTEZIMANA.
Le Président : Bien. Êtes-vous de la famille, donc parent ou allié de la famille
d'un des accusés ou des parties civiles ?
le témoin 124 : Absolument pas.
Le Président : Vous ne travaillez pas, ni pour les accusés, ni pour les parties
civiles ?
le témoin 124 : Pas du tout.
Le Président : Je vais vous demander, Monsieur, de bien vouloir lever la main
droite et de prêter le serment de témoin.
le témoin 124 : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité,
rien que la vérité.
Le Président : Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir. Euh… Monsieur
le témoin 124, vous avez côtoyé Monsieur NTEZIMANA, non seulement au Rwanda mais aussi
en Belgique ?
le témoin 124 : Je ne l'ai jamais côtoyé au Rwanda.
Le Président : Jamais, c'est uniquement ici. Pendant que…
le témoin 124 : Oui c'est…
Le Président : L'un comme l'autre vous y suiviez des études ou y faisiez des
recherches ? Vous étiez étudiants, même si c'était des grands étudiants dans
des études très élevées ?
le témoin 124 : C'était mon collègue de laboratoire à l'institut national de physique
géomètre à l'UCL entre 87 et 92, le temps que j'ai passé à Louvain-la-Neuve.
Le Président : Avez-vous pendant cette période été trésorier du FPR ?
le témoin 124 : Jamais de la vie.
Le Président : Avez-vous exercé pendant cette période, une éventuelle autre
fonction au sein de la représentation du FPR en Belgique ?
le témoin 124 : Je pense que j'étais ici comme étudiant à l'UCL et… je m'activais beaucoup
pour… les droits de l'homme, ce qui s'est passé au Rwanda.
Le Président : Je répète ma question.
le témoin 124 : Oui ?
Le Président : Avez-vous exercé une fonction pour le FPR en Belgique ?
le témoin 124 : Pas du tout.
Le Président : Avez-vous par la suite, de retour peut-être au pays, exercé une
fonction pour le FPR ?
le témoin 124 : Je suis professeur à l'UCL et je suis doyen de faculté. Je pense que
c'est ça ma fonction que j'exerce.
Le Président : Oui. A l'UNR, vous voulez dire ?
le témoin 124 : A l'UNR, oui, exactement.
Le Président : Donc, vous n'avez pas exercé, en tout cas ici en Belgique, une
fonction pour le FPR ?
le témoin 124 : J'ai fait des manifestations euh… qui dénonçaient ce qui se passait
au Rwanda, notamment les massacres, et le génocide par après.
Le Président : Selon vous, pendant son séjour commun avec le vôtre en Belgique
de Monsieur NTEZIMANA, est-ce que Monsieur NTEZIMANA était, lui, attaché, ou
exerçait des fonctions pour un parti ou un mouvement politique ?
le témoin 124 : Oui.
Le Président : Vous pouvez préciser pour quel mouvement ou parti ?
le témoin 124 : Il a exercé des fonctions dans plusieurs partis politiques, à commencer
d'abord par le MRND qui était, à cette époque, avant 1990, un mouvement… un
parti unique, et… après, il a exercé des fonctions comme secrétaire exécutif
dans un mouvement, entre guillemets, qui s'appelait la CERB.
Le Président : C-E-R-B, oui.
le témoin 124 : C-E-R-B, donc, Comité des Etudiants Rwandais en Belgique, qui travaillait
sous le contrôle de l'ambassade du Rwanda, et qui apparaissait beaucoup plus
souvent dans les médias que l'ambassadeur du Rwanda. Et par après, je l'ai vu
fonctionner comme… secrétaire exécutif du mouvement MDR, qui s'appelait MDR
Benelux, et ainsi, par après, j'ai appris que, quand il s'est retrouvé au Rwanda,
qu'il était membre créateur du parti PRD.
Le Président : Dans le MDR Benelux et le PRD, est-ce qu'il n'était pas notamment
associé politiquement à Alexis NSABIMANA ?
le témoin 124 : Bien sûr que quand il était encore ici en Belgique, ils étaient tous
dans ce parti-là, le MDR Benelux, et si mes souvenirs sont bons… à ce moment-là,
c'était Monsieur NSABIMANA Alexis qui était président, lui il était secrétaire
exécutif ou général. Et effectivement, j'ai appris après que, quand il s'est
retrouvé au Rwanda, il était avec lui dans le PRD. Bon, moi je n'étais pas là-bas,
les autres qui étaient là pourront le dire.
Le Président : Et dans la déclaration que vous avez faite lorsque vous avez
été entendu sur commission rogatoire au Rwanda, vous avez parlé d'une réunion
ou d’une conférence de presse, qui se serait tenue en Belgique au cours de laquelle,
notamment, Faustin TWAGIRAMUNGU, qui était, si je ne m'abuse, le président du
MDR, venait prendre la parole et parler de l'évolution, des mouvements politiques
au Rwanda. L'accord du MDR avec le PL etc. et les… Est-ce que vous vous souvenez
de cette conférence de presse ?
le témoin 124 : Je me souviens bien mais la date peut m'échapper, mais je me rappelle
bien du contexte.
Le Président : Mais ça se situe… bon sang, la date je peux comprendre que vous
ne vous en souveniez pas, mais est-ce que vous savez situer l'époque au moins
où ça se passait, cette conférence ?
le témoin 124 : Euh… oui, Monsieur
le président. C'était la période où il y avait une initiative des partis qui
commençaient à bouger au Rwanda, une initiative des partis qui voulaient qu'il
y ait une négociation avec le FPR. A ce moment-là il s'est retrouvé ici, il
a fait une conférence pour expliquer qu'il fallait absolument que le gouvernement
négocie avec le FPR et il y a eu des échanges de mots, à ce moment-là. Je me
souviens que…
Le Président : Oui, eh bien, vous pouvez expliquer quel a été l'échange de mots
entre Monsieur NTEZIMANA et Monsieur TWAGIRAMUNGU ?
le témoin 124 : Les mots, pas exactement, mais je me souviens que l'intervention de
Monsieur…
Le Président : Le sens de l'intervention.
le témoin 124 : L'intervention
de Monsieur NTEZIMANA était très… très agressive. Il était
complètement opposé à… à cette… à cette intention-là de négocier avec le FPR
et… bon, TWAGIRAMUNGU a fait une réplique, c'était dans cette période-là, entre-temps
les choses ont changé, mais TWAGIRAMUNGU à ce moment-là a fait une réplique
lui disant que : « Vous, vous, petit groupe minuscule qui vous trouvez
en Belgique, hein, vous sentez-vous vraiment, est-ce que vous pensez que vous
avez un poids ou un avis à donner sur ce que nous sommes en train de faire ? ».
C'était un peu dans ce sens-là, quoi.
Le Président : Donc, si je comprends bien, Monsieur NTEZIMANA, dans… dans le
sens de son intervention lors de cette conférence de presse, était de dire qu’apparemment
Monsieur TWAGIRAMUNGU était en train de se tromper sur ce qu'il fallait faire
au Rwanda.
le témoin 124 : Exactement.
Le Président : Et ce que Monsieur TWAGIRAMUNGU expliquait alors, c'est qu'il
fallait négocier, gouvernement et FPR ?
le témoin 124 : Tout à fait.
Le Président : Vous avez parlé tout à l'heure, tout en disant : « Moi,
je n'étais pas là au moment où cela a été créé, ce fameux PRD », mais vous
avez donné un mot d'explication, hein - cette création du PRD, notamment avec
Alexis NSABIMANA et Monsieur NTEZIMANA - vous avez donné une explication à propos
de la création du PRD. Vous avez expliqué que si ce petit parti était né à Butare
c'est parce qu’à Butare il n'y avait pas de représentation d'une des tendances
du MDR.
le témoin 124 : Vous voulez parler du PRD ou du MDR ?
Le Président : Vous avec expliqué : le PRD a été constitué notamment par
NTEZIMANA et Alexis NSABIMANA à Butare…
le témoin 124 : Ça, c'est à Butare, oui.
Le Président : …hein, et vous dites - vous avez donné un mot d'explication à
ce sujet-là - ce parti PRD est né là-bas, à Butare, parce qu’à Butare une des
deux tendances du MDR, qui avait en quelque sorte été coupé en deux à partir
du mois de juillet-août 1993, n'était pas représentée à Butare.
le témoin 124 : C'était ça mon impression.
Le Président : Et quelle était la tendance du MDR qui, selon vous, n'était pas
représentée à Butare ?
le témoin 124 : Moi, je pense le MDR Power.
Le Président : C'est-à-dire la tendance…
le témoin 124 : Extrémiste.
Le Président : …contre les accords d'Arusha ?
le témoin 124 : Exactement.
Le Président : La tendance opposée à Monsieur TWAGIRAMUNGU ?
le témoin 124 : A l'intention de Monsieur TWAGIRAMUNGU à l'époque de vouloir négocier
avec le FPR.
Le Président : Lors de cette commission rogatoire, vous avez également exposé
que Monsieur NTEZIMANA serait un des auteurs, un des rédacteurs d'un document
qui s'appelle « L'appel à la conscience des Bahutu » auquel est annexé,
ou auquel font suite « Les dix commandements ». Vous pouvez expliquer
comment vous… sur quoi vous vous fondez pour affirmer ça ?
le témoin 124 : C'était comme… par hasard un jour, je me retrouvais avec un dactylographe
qui travaillait dans un bureau, une agence qui assure la bureautique à Louvain-la-Neuve,
qui s'appelle Copy Fac, que tous les étudiants de Louvain-la-Neuve connaissent,
et c'était un soir, j'étais en train de faire taper mon travail de fin d'études,
ma thèse et… bon… à travers les discussions, les échanges, il est ressorti que
Monsieur m'a dit : « Tiens, êtes-vous au courant de ce qui se passe
ici à travers vos frères rwandais ? ». Moi, je lui ai dit que je ne
savais pas. Alors, il m'a dit : « Il y a un groupe qui est venu me
faire taper un texte euh… qui faisait appel à la haine vis-à-vis des Tutsi ».
Alors j'ai demandé c'était quoi. Il m'a dit : « Un texte intitulé
"Appel à la conscience des Bahutu" ».
J'ai retenu cela, j'ai pas fait de commentaires
et je suis parti, après mes travaux je suis parti. Alors, bon… j'ai gardé ça…
Là, j'étais très concentré sur ma thèse, il fallait terminer ma thèse et… quelque
temps plus tard, j'ai raconté ça à quelques amis qui étaient dans mon entourage ;
ça n'a pas fait beaucoup d'impact parce qu’à ce moment-là c'était vraiment très
loin de 94. Nous-mêmes qui nous trouvions ici, on ne pouvait pas du tout s'imaginer
que cela pouvait avoir une répercussion aussi… aussi catastrophique. Mais après,
là où j’ai trouvé ça très grave, c'est que, quelques semaines plus tard ou un
mois plus tard, ça a été rediffusé dans un journal, « Kangura », qui
était diffusé au Rwanda et qui nous est parvenu aussi ici parce qu'il y avait
des gens qui étaient abonnés à la presse rwandaise. Alors là, ça m'a fait peur.
C'était bien avant 94, c'était, je pense, en 91, je pense, 91.
Le Président : Kangura a publié cet article dans le numéro 6 de décembre 1990.
le témoin 124 : Hum, hum… C'est ça.
Le Président : Ça correspond, parce qu’à votre souvenir ?
le témoin 124 : Ça correspond, parce que je dis que ça nous est parvenu en 91. Début
91. On était ici en Belgique, nous autres.
Le Président : Est-ce que… il s'agissait d'un étudiant zaïrois, donc, qui travaillait
dans ce magasin ou ce…
le témoin 124 : Oui, c'était un étudiant zaïrois.
Le Président : …ce service de bureautique ?
le témoin 124 : C'était un étudiant zaïrois. Malheureusement…
Le Président : Vous connaissez son nom ?
le témoin 124 : C'est ça qui est très dommage, je ne connaissais pas son nom et, quand
le juge d'instruction est passé me voir au Rwanda, je lui ai dit que s’il pouvait
me donner la chance de m'amener des photos, je pourrais bien l'identifier. Et
je pense qu’aussi que ce n'est pas très compliqué parce qu’il n’y avait pas
plus de deux Zaïrois qui travaillaient à cette agence-là.
Le Président : Euh… qu'allais-je dire ? Monsieur le témoin 124… est-ce que cet
étudiant vous a dit avoir dactylographié lui-même ce document ? Ou bien que
ce document avait été dactylographié dans la société où il travaillait, à la
société Copy Fac ?
le témoin 124 : Il ne m'a pas donné ces précisions-là. Mais ce que je sais, à Copy
Fac, quand on amène des documents, on les dépose au secrétariat et puis, c'est
distribué aux dactylographes qui se passent les documents. Même au moment des
corrections on peut trouver le document, le texte qu'on veut faire taper, chez
une dactylographe ; le lendemain on passe, on trouve qu'il est chez quelqu'un
d'autre ; ça c'est les habitudes de la maison.
Le Président : Et cet étudiant vous a dit qu'elles étaient les personnes parce
que je crois que cet étudiant a parlé de plusieurs personnes - qui avaient remis
ce texte à dactylographier ?
le témoin 124 : Il m'a parlé d'un groupe de trois étudiants.
Le Président : Vous pouvez rappeler le nom de ces trois étudiants ?
le témoin 124 : Il y avait Monsieur NTEZIMANA Vincent, il y avait…
Le Président : Désiré…
le témoin 124 : RUHIGIRA Désiré, c'était un major, qui faisait sa thèse en urbanisme
je pense, en département de géographie. Il y avait aussi Papias NGABOYAMAHINA,
qui lui, étudiait à Gembloux et tous ces mouvements, ces mouvements politiques
tout ça c'était à Louvain-la-Neuve. Et c'est des gens qui étaient tout le temps
ensemble, en général.
Le Président : Bien. Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Monsieur l'avocat
général, à moins qu'il…
L'Avocat Général : Je voudrais simplement une confirmation. Les trois noms que le témoin
vient de citer, Monsieur NTEZIMANA, Monsieur RUHIGIRA et Monsieur NGABOYAMAHINA
sont les créateurs aussi du CERB ?
le témoin 124 : Exactement.
L'Avocat Général : Donc, du CERB, la Communauté
des Etudiants Rwandais de Belgique.
le témoin 124 : Je pense qu'ils se sont connus par tous les médias ici, ils étaient
plus… ils apparaissaient plus dans les médias que l'ambassadeur du Rwanda.
L'Avocat Général : Bon. Et alors, une autre précision. Vous pouvez confirmer que le document,
donc « L'appel à la conscience des Bahutu » a circulé d'abord dans
le cercle restreint de Louvain-la-Neuve avant d'être publié dans le n° 6 de
Kangura ?
le témoin 124 : Je le confirme. Pas seulement Louvain-la-Neuve, mais même en Belgique,
un peu partout.
Le Président : D'autres questions ? S'il n'y a plus de questions les parties
sont-elles d'accord pour que le témoin se… Il faut réagir un peu plus vite !
Oui, Maître GILLET.(Rires).
Me. GILLET : Oui, Monsieur le président. On se pose parfois la question de savoir
si on va poser une question. Un témoin qui devait venir, mais qui ne viendra
pas, a dit qu'il avait appris de Monsieur le témoin 124 que celui-ci aurait
vu le texte sur l'ordinateur à l'université de Monsieur NTEZIMANA, et je voudrais
savoir ce qu'il en est.
Le Président : Alors, pour être très, très clair, ce témoin qui ne viendra pas,
c'est Madame le témoin 76. Dans le cadre de l'enquête, cette dame a déclaré
à un moment donné que vous lui auriez dit avoir vu sur l'écran de l'ordinateur
de Monsieur NTEZIMANA, le texte de « L'appel à la conscience des Bahutu ».
Il semble, par ailleurs, que vous avez partagé avec Monsieur NTEZIMANA à l'UCL,
le même bureau ou en partie travaillé sur les mêmes ordinateurs. Alors, cette
dame avait déclaré que vous lui auriez dit ça, ce n'est peut-être pas exact,
elle a peut-être interprété, je n'en sais rien. Avez-vous dit à Madame le témoin 76
que vous aviez vu sur l'écran d'ordinateur, à l'UCL, de Monsieur NTEZIMANA,
ce texte ? Est-ce vrai que vous avez vu ce texte affiché à l'écran de l'ordinateur
?
le témoin 124 : C'est faux. C'est faux parce que Madame, c'est plutôt Mademoiselle
le témoin 76, elle étudiait à Namur. Je pense qu'elle a mal reçu mon message.
C'est que moi je n'ai jamais dit à personne, jamais dit à personne du milieu
rwandais, qui était aussi bien à Louvain-la-Neuve qu'à Namur, qui a tapé ce
texte. Mais j'ai seulement dit que le texte, je savais où il avait été tapé.
Alors, en lisant justement les témoignages, euh… moi je pense particulièrement,
je pense sincèrement que, comme il savait que je partageais le même bureau que
Vincent, elle a cru qu’on partageait la même machine et que, donc, l'information
provenait de la machine, hein, que Vincent utilisait ainsi à l’institut d’astronomie
et de géophysique. Je dois signaler, Monsieur le président, qu'il y a deux ans,
j'étais de passage ici à Louvain-la-Neuve, en Belgique pardon, je suis parti
à Louvain-la-Neuve m'excuser auprès du professeur BERGER pour lui dire que c'est
dommage… c'est dommage que j'ai appris qu'un beau jour un jeune homme est venu
démonter les cartes des ordinateurs pour chercher le texte que Vincent avait
rédigé sur les ordinateurs de l'UCL. C'était complètement faux. C'était complètement
faux.
Le Président : Donc, vous maintenez votre version. Vous avez pris connaissance
de ce document parce qu'il a circulé à Louvain-la-Neuve et ailleurs en Belgique,
parce que vous en avez pris connaissance aussi par, je dirais, le retour des
exemplaires de Kangura du Rwanda et parce qu'un étudiant zaïrois vous a dit :
« C'est telle et telle personne qui sont venues faire dactylographier ce
document ici à Copy Fac ».
le témoin 124 : Je maintiens cela, Monsieur le président. Et je corrige encore, je
dis, les gens à qui j'ai révélé ça, je n'ai jamais dit qui a tapé ça, ils se
sont imaginés, comme j'étais avec Monsieur Vincent NTE…, on a passé ensemble
5 ans je pense, depuis 87, il m’a trouvé Louvain-la-Neuve, on a partagé le même
bureau jusque quand j'ai terminé en 92. Les gens à qui j'ai révélé que le texte
avait été tapé par, comment dire… le texte avait été diffusé et Vincent avait
eu une contribution dans la rédaction, dans le dépôt, je ne sais pas, les gens
ils ont mal interprété, ils ont cru que, comme on était dans le même bureau,
il a tapé dans… sur les machines de l’institut d’astronomie - géophysique et
là, le traitement de texte utilisait un logiciel qui est le LATEX, ça n'a rien
à voir avec les caractères qu’il y a dans le texte.
Le Président : Bien. Autre question ? Oui, Maître CARLIER.
Me. CARLIER : Merci, Monsieur le président. Si le témoin dit ne pas avoir vu ce
texte sur l'ordinateur de Monsieur Vincent NTEZIMANA dans les bureaux de l'université,
est-ce qu'il a vu le texte sur copie papier dans les bureaux de l'université ?
Le Président : Le texte, vous avez dit l'avoir vu circuler avant même que Kangura
ne revienne du Rwanda ?
le témoin 124 : Oui.
Le Président : C'était… vous l'avez vu sous quelle forme ? Une forme… je ne
sais pas… sur… sur du papier A4 ? Euh…
le témoin 124 : Oui, c'était du papier A4, c'est distribué comme tract, hein. C’était
distribué comme tract partout quoi… les gens, y recevaient ça dans les cercles
d'étudiants, un peu partout.
Le Président : Autre question ?
Me. CARLIER :
Ma question était : dans les bureaux de l'université ?
Le Président : La mienne a obtenu une réponse. Uniquement dans les cercles d'étudiants ?
Ou bien on trouvait ça… ?
le témoin 124 : J'ai pas été chercher partout où ça avait été diffusé. Mais moi, ça
m'a trouvé là où j'étais, c'était distribué.
Le Président : Distribué dans les cercles d'étudiants ou bien distribué aux
étudiants, dans les auditoires, dans… aux professeurs dans les… aux professeurs
non rwandais, non africains… euh…
le témoin 124 : Je n'ai pas participé à la distribution, donc, je ne peux pas identifier
différents endroits où ça a été distribué mais bon, vous m'excuserez, Monsieur
le président, moi j'ai vu que c’était distribué là où j'étais, dans mon environnement,
sûrement ça a été distribué dans les bureaux, ailleurs, moi je ne sais pas.
Le Président : Bien.
Me. CARLIER : Est-ce que le témoin peut donner des noms de personnes qui ont vu
ce document dans les bureaux ?
Le Président : Le témoin n'a pas dit qu'il avait vu ce document dans les bureaux.
Avez-vous éventuellement des noms d'autres étudiants qui, comme vous, auraient
reçu un exemplaire ou auraient pu prendre connaissance de l'un ou l'autre exemplaire
de cet « Appel à la conscience » ?
le témoin 124 : Je pense que… il faut aller vérifier si cela n'a pas été effectivement
diffusé, distribué. Moi, je ne pourrais pas me rappeler de qui, qui était à
côté de moi, qui a reçu ça ou quoi… La question… elle ne me convient pas du
tout.
Le Président : Qu'elle vous convienne ou pas, ça… là n'est pas vraiment le problème.
Savez-vous y répondre ?
le témoin 124 : Les endroits où il y avait souvent des diffusions de tracts, c'était
au CEE, à Louvain-la-Neuve je veux dire, c'était au Cercle des Etudiants Etrangers.
C'était… des fois c'était distribué dans des casiers, les étudiants en général
c'était des Rwandais. Sûrement il y a eu des Européens aussi qui ont reçu ça,
mais je ne peux pas dire directement telle personne a eu ça, telle personne
a eu ça.
Le Président : Par exemple, vous pouvez vous souvenir de dire : « Moi
quand j'ai reçu ça, il y en a un autre qui faisait sa thèse en même temps que
moi ou qui était de la même commune que moi là-bas et qui m'a dit : tiens,
t'as reçu ça aussi » et avoir discuté peut-être avec… avec d'autres ?
le témoin 124 : Ça a été diffusé dans le milieu surtout rwandais, des étudiants rwandais
qui étaient des étudiants rwandais qui étaient là sur place, ils ont eu ça.
Le Président : Mais, est-ce que vous, là sur place, à Louvain-la-Neuve, est-ce
que vous avez discuté de ce document avec d'autres de vos collègues étudiants
?
le témoin 124 : Oui, on a discuté.
Le Président : Avec qui par exemple ? Si vous en avez le souvenir.
le témoin 124 : C'était surtout des étudiants qui étaient dans mon entourage parce
que bon, vous savez…
Le Président : Quels étaient les étudiants dans votre entourage ?
le témoin 124 : Oui. Euh, il y avait à ce moment-là un étudiant qui s'appelait MUTABAZI
Jean-Baptiste.
Le Président : Oui, MUTABAZI...
le témoin 124 : Jean-Baptiste.
Le Président : Oui.
le témoin 124 : Il y avait un étudiant qui s'appelait…, il y avait Jean-Baptiste, il
y avait…
Le Président : Il y avait Vincent NTEZIMANA ?
le témoin 124 : Bien sûr, oui, pardon. Il y avait Vincent NTEZIMANA aussi. (Rires
dans la salle)
Le Président : Oh ! oh ! Puisque vous partagiez même le même bureau.
le témoin 124 : Ouais.
Le Président : Bon. Jean-Baptiste MUTABASE par exemple, vous savez où il est
actuellement ? Est-ce qu'il est au…
le témoin 124 : Il est au Rwanda, il a terminé ses études, il est parti… il est au
Rwanda.
Le Président : Il est au Rwanda pour le moment.
le témoin 124 : Oui.
Le Président : Bien. D'autres questions ? Maître CARLIER.
Me. CARLIER : Monsieur le président, est-ce que le témoin a bien déclaré, même si
la question ne lui convient pas, à l'émission de la RTBF « Au nom de la
loi » le 17 février 1999 : « Il - c'est-à-dire Vincent NTEZIMANA - l'a distribué, c'est-à-dire
le tract dont question, dans tous les bureaux ? ».
Le Président : Avez-vous déclaré ça à une émission de télévision dont on a,
si nécessaire, éventuellement, la cassette ?
le témoin 124 : Je ne me souviens pas très bien mais… je suis persuadé qu'il a participé
à la distribution, mais je ne l'ai pas vu. Mais je suis persuadé parce que très
souvent il y avait des tracts à l'institut d’astronomie et géophysique, il y
avait des tracts qui tombaient dans les boîtes à lettres des chercheurs et il
n'y avait pas d'autres personnes qui pouvaient distribuer les tracts de ce genre
parce qu’on se connaissait bien.
Me. CARLIER : Monsieur le président, je voudrais encore faire appel à la mémoire
hésitante du témoin. Est-ce qu'il est bien d'accord pour dire avoir déclaré
- à la différence de ce qu'il a déclaré aujourd'hui - lors de son audition au
Rwanda le 9 mai 95 : « Ce document, ils l'ont rédigé - désignant les
personnes dont Monsieur Vincent NTEZIMANA - et il a été dactylographié, dactylographié
par un étudiant jobiste zaïrois dont je ne veux pas donner le nom ».
Le Président : Je ne pose pas la question. Nous avons eu une réponse aujourd'hui.
le témoin 124 : Et je n'ai même jamais dit que je…, je n'ai jamais cité cela, même
si ça a été écrit et je voulais corriger aussi, je n'ai jamais dit : « Il
a été tapé par un étudiant jobiste dont je ne connais pas le nom ». Il
faut bien lire mon témoignage, il faut remonter voir ce que j'ai dit en avant.
J'ai dit : « Dont je ne connais pas le nom », pas : « Dont
je ne veux pas témoigner le nom ». Il faut bien lire mon témoignage.
Le Président : Bien. D'autres questions ?
Me. CARLIER : Je voudrais que soit notée cette précision du témoin si vous avez
sous les yeux, comme moi, Monsieur le président…
Le Président : Quelle précision, Maître CARLIER ?
Me. CARLIER : Qui dit : « Je n'ai jamais dit dont je ne veux pas donner
le nom ». Cela figure dans sa déposition du 9 mai 95, où il dit textuellement :
« Il a été dactylographié par un étudiant jobiste zaïrois dont je ne veux
pas donner le nom ».
Le Président : Eh bien, nous allons revérifier très précisément toute la déclaration.
le témoin 124 : Je pense que c'est mieux, Monsieur le président.
Le Président : « Concernant " l'appel des Bahutu " c'est lui,
avec Papiace et Désiré, qui l'ont rédigé - vous parlez de Vincent NTEZIMANA
- ce document a circulé dans le cercle des étudiants de Louvain-la-Neuve avant
sa publication au Rwanda dans le journal Kangura. Ce document, ils l'ont rédigé
- parlant des trois - il a été dactylographié par un étudiant jobiste zaïrois
dont je ne veux pas donner le nom. Le manuscrit lui a été remis par les trois.
Après dactylographie, le fichier a été détruit. Cet étudiant zaïrois est quelqu'un
de bien et qui n'a rien à voir dans cette histoire. Lorsqu'il m'en a parlé -
il a dactylographié ma thèse annexe - c'était pour dire qu'il ne comprenait
pas mes compatriotes. Je ne connais pas son nom ». Y a-t-il des modifications
à faire acter par rapport à la déclaration d'aujourd'hui ?
le témoin 124 : Je pense que c'est clair.
Me. CARLIER : Simplement, que le témoin ne dit plus que l'étudiant zaïrois a dactylographié
ce texte.
Le Président : Eh bien, vous allez… ce n'est pas une déclaration devant le juge
d'instruction, donc de toute façon, ça ne va pas être acté, puisqu’il n'y a
que des variations dans les dépositions de témoins. Vous confirmez aujourd'hui
que cet étudiant vous a parlé de ce texte, cet étudiant zaïrois, il vous a dit
que c'étaient certains de vos compatriotes qui l’avaient remis à dactylographier
là où il travaillait ?
le témoin 124 : Je le confirme.
Le Président : Vous avez peut-être dit à l'époque que c'était lui qui l'avait
dactylographié ; vous dites aujourd'hui que vous ne savez pas si c'est
lui qui l'a dactylographié.
le témoin 124 : Non, c'est pas ça que je dis. Je dis qu’il me demande s’il y a deux…
deux des citations qui sont contradictoires. Il y a une citation qui dit :
« Dont je ne veux pas donner le nom », puis il y a une citation où
je dis : « Dont je ne connais pas le nom ». Moi, j'ai bien dit :
« Je ne connais pas son nom ».
Le Président : Oui. Mais dans cette déclaration vous dites :« Cet
étudiant qui a dactylographié ». Aujourd'hui vous dites plus tout à fait
la même chose. Vous dites : « On a remis ce document, il m'en a parlé,
je ne suis pas sûr que ce soit lui qui l'a dactylographié ». Vous avez
expliqué : « Parfois on allait un jour porter un document, on trouvait
que c'était tel dactylographe qui l'avait ; le lendemain on allait porter
pour corriger, c'était un autre qui l'avait ».
le témoin 124 : Lui - je répète encore, si vous permettez - lui m'a dit qu'il avait
reçu le document et qu'il l’avait dactylographié.
Le Président : Il vous a dit l'avoir dactylographié ?
le témoin 124 : Oui.
Le Président : D'accord. D'autres questions ? Les parties sont-elles d'accord
pour que le témoin se retire ? Monsieur…
Me. RAMBOER:
C'est une toute petite question, Monsieur le président.
Le Président : Oui.
Me. RAMBOER : Tout simplement. Lors de cette conférence que Monsieur TWAGIRAMUNGU
est venu donner et où il y a eu un échange de propos entre Monsieur NTEZIMANA
et Monsieur TWAGIRAMUNGU, est-ce qu’à ce moment-là donc, Monsieur NTEZIMANA
était déjà, donc, représentant en Belgique du parti de Monsieur TWAGIRAMUNGU
?
Le Président : De quel parti ?
Me. RAMBOER : Du MDR, dont Monsieur NTEZIMANA a été, comme j'ai compris…
Le Président : Du MDR Benelux.
Me. RAMBOER : …secrétaire général du MDR Benelux. Alors donc, il y a eu une
conférence ici en Belgique donnée par Monsieur TWAGIRAMUNGU étant à ce moment
là, si j'ai compris, président du MDR au Rwanda. Est-ce qu’au moment qu'il y
a eu cette conférence et qu'il y a eu un échange de propos très vifs entre Monsieur
TWAGIRAMUNGU et Monsieur NTEZIMANA, est-ce que Monsieur NTEZIMANA parlait au
nom déjà à ce moment-là du MDR Benelux ?
Le Président : Selon vous… à quel moment ?
Me. RAMBOER : Ou est-ce qu'il était toujours membre de la Communauté des étudiants
rwandais en Belgique ?
Le Président : Selon vous, à quel titre prenait-il la parole, Monsieur NTEZIMANA
?
le témoin 124 : Vous m'excuserez, Monsieur le président, je ne situe pas très bien,
mais je pense à travers les textes qu'il y a moyen de trouver… il y a moyen
de se retrouver, de savoir s'il était à ce moment-là actif de la CERB ou bien
du MDR Benelux. On peut remonter les dates. Je ne me souviens pas très bien.
Le Président : Voilà. Bien. D'autres questions ? Les parties sont-elles d'accord
pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 124, est-ce bien des accusés ici
présents dont vous avez voulu parler, confirmez-vous vos déclarations ?
le témoin 124 : Monsieur le président, je confirme mes déclarations.
Le Président : Oui. Eh bien, vous pouvez disposer provisoirement de votre temps
en tout cas. Je vous demande malgré tout de rester à la disposition de la Cour
jusqu'à votre retour au Rwanda.
le témoin 124 : Je vous remercie. |