assises rwanda 2001
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Instruction d’audience V. Ntezimana Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience V. Ntezimana > Audition témoins > le témoin 124
01. N. Gasana 02. le témoin 9 03. le témoin 125 04. le témoin 134 05. le témoin 116 06. le témoin 61 07. le témoin 124 08. le témoin 50 09. le témoin 150 10. le témoin 73 11. le témoin 55 12. le témoin 100 et commentaires V. Ntezimana 13. le témoin 97 14. le témoin 104 15. H. Gallee 16. le témoin 84 17. le témoin 36 18. B. Van Custem et commentaires V. Ntezimana et E. Seminega 19. Lecture président attestation J.B. Seminega 20. le témoin 77 21. le témoin 10 22. le témoin 96 23. le témoin 42 24. R. Degni-Segui 25. le témoin 15 26. J. Léonard et commentaires partie civile et V. Ntezimana 27. J.P. Van Ypersele de Strihou 28. le témoin 118 29. le témoin 31, commentaires avocat général, partie civile, défense, audition interview I. Nkuyubwatzi 30. le témoin 108 31. le témoin 127 32. le témoin 109 33. le témoin 147 34. le témoin 105 35. le témoin 89
 

6.3.7. Audition des témoins: le témoin 124

Le Président : Monsieur le témoin 124 est là ? Le nom de famille c'est le témoin 124 ou c’est BONFILS ? Alors le témoin le témoin 124. Peut-on faire silence dans la salle ? Après chaque entracte, si vous voulez bien faire silence ? Bien. Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

le témoin 124 : Mon nom c'est le témoin 124, mon prénom c'est Bonfils.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

le témoin 124 : J'ai 42 ans.

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 124 : Je suis professeur à l'université nationale du Rwanda.

Le Président : Quelle est votre commune de domicile ?

le témoin 124 : Je vis à Butare.

Le Président : Au Rwanda ?

le témoin 124 : Oui.

Le Président : Connaissiez-vous les accusés NTEZIMANA, HIGANIRO, MUKANGANGO, MUKABUTERA avant les faits qui leur sont reprochés, avant avril 94 ?

le témoin 124 : Je connaissais particulièrement le professeur Vincent NTEZIMANA.

Le Président : Bien. Êtes-vous de la famille, donc parent ou allié de la famille d'un des accusés ou des parties civiles ?

le témoin 124 : Absolument pas.

Le Président : Vous ne travaillez pas, ni pour les accusés, ni pour les parties civiles ?

le témoin 124 : Pas du tout.

Le Président : Je vais vous demander, Monsieur, de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment de témoin.

le témoin 124 : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir. Euh… Monsieur le témoin 124, vous avez côtoyé Monsieur NTEZIMANA, non seulement au Rwanda mais aussi en Belgique ?

le témoin 124 : Je ne l'ai jamais côtoyé au Rwanda.

Le Président : Jamais, c'est uniquement ici. Pendant que…

le témoin 124 : Oui c'est…

Le Président : L'un comme l'autre vous y suiviez des études ou y faisiez des recherches ? Vous étiez étudiants, même si c'était des grands étudiants dans des études très élevées ?

le témoin 124 : C'était mon collègue de laboratoire à l'institut national de physique géomètre à l'UCL entre 87 et 92, le temps que j'ai passé à Louvain-la-Neuve.

Le Président : Avez-vous pendant cette période été trésorier du FPR ?

le témoin 124 : Jamais de la vie.

Le Président : Avez-vous exercé pendant cette période, une éventuelle autre fonction au sein de la représentation du FPR en Belgique ?

le témoin 124 : Je pense que j'étais ici comme étudiant à l'UCL et… je m'activais beaucoup pour… les droits de l'homme, ce qui s'est passé au Rwanda.

Le Président : Je répète ma question.

le témoin 124 : Oui ?

Le Président : Avez-vous exercé une fonction pour le FPR en Belgique ?

le témoin 124 : Pas du tout.

Le Président : Avez-vous par la suite, de retour peut-être au pays, exercé une fonction pour le FPR ?

le témoin 124 : Je suis professeur à l'UCL et je suis doyen de faculté. Je pense que c'est ça ma fonction que j'exerce.

Le Président : Oui. A l'UNR, vous voulez dire ?

le témoin 124 : A l'UNR, oui, exactement.

Le Président : Donc, vous n'avez pas exercé, en tout cas ici en Belgique, une fonction pour le FPR ?

le témoin 124 : J'ai fait des manifestations euh… qui dénonçaient ce qui se passait au Rwanda, notamment les massacres, et le génocide par après.

Le Président : Selon vous, pendant son séjour commun avec le vôtre en Belgique de Monsieur NTEZIMANA, est-ce que Monsieur NTEZIMANA était, lui, attaché, ou exerçait des fonctions pour un parti ou un mouvement politique ?

le témoin 124 : Oui.

Le Président : Vous pouvez préciser pour quel mouvement ou parti ?

le témoin 124 : Il a exercé des fonctions dans plusieurs partis politiques, à commencer d'abord par le MRND qui était, à cette époque, avant 1990, un mouvement… un parti unique, et… après, il a exercé des fonctions comme secrétaire exécutif dans un mouvement, entre guillemets, qui s'appelait la CERB.

Le Président : C-E-R-B, oui.

le témoin 124 : C-E-R-B, donc, Comité des Etudiants Rwandais en Belgique, qui travaillait sous le contrôle de l'ambassade du Rwanda, et qui apparaissait beaucoup plus souvent dans les médias que l'ambassadeur du Rwanda. Et par après, je l'ai vu fonctionner comme… secrétaire exécutif du mouvement MDR, qui s'appelait MDR Benelux, et ainsi, par après, j'ai appris que, quand il s'est retrouvé au Rwanda, qu'il était membre créateur du parti PRD.

Le Président : Dans le MDR Benelux et le PRD, est-ce qu'il n'était pas notamment associé politiquement à Alexis NSABIMANA ?

le témoin 124 : Bien sûr que quand il était encore ici en Belgique, ils étaient tous dans ce parti-là, le MDR Benelux, et si mes souvenirs sont bons… à ce moment-là, c'était Monsieur NSABIMANA Alexis qui était président, lui il était secrétaire exécutif ou général. Et effectivement, j'ai appris après que, quand il s'est retrouvé au Rwanda, il était avec lui dans le PRD. Bon, moi je n'étais pas là-bas, les autres qui étaient là pourront le dire.

Le Président : Et dans la déclaration que vous avez faite lorsque vous avez été entendu sur commission rogatoire au Rwanda, vous avez parlé d'une réunion ou d’une conférence de presse, qui se serait tenue en Belgique au cours de laquelle, notamment, Faustin TWAGIRAMUNGU, qui était, si je ne m'abuse, le président du MDR, venait prendre la parole et parler de l'évolution, des mouvements politiques au Rwanda. L'accord du MDR avec le PL etc. et les… Est-ce que vous vous souvenez de cette conférence de presse ?

le témoin 124 : Je me souviens bien mais la date peut m'échapper, mais je me rappelle bien du contexte.

Le Président : Mais ça se situe… bon sang, la date je peux comprendre que vous ne vous en souveniez pas, mais est-ce que vous savez situer l'époque au moins où ça se passait, cette conférence ?

le témoin 124 : Euh… oui, Monsieur le président. C'était la période où il y avait une initiative des partis qui commençaient à bouger au Rwanda, une initiative des partis qui voulaient qu'il y ait une négociation avec le FPR. A ce moment-là il s'est retrouvé ici, il a fait une conférence pour expliquer qu'il fallait absolument que le gouvernement négocie avec le FPR et il y a eu des échanges de mots, à ce moment-là. Je me souviens que…

Le Président : Oui, eh bien, vous pouvez expliquer quel a été l'échange de mots entre Monsieur NTEZIMANA et Monsieur TWAGIRAMUNGU ?

le témoin 124 : Les mots, pas exactement, mais je me souviens que l'intervention de Monsieur…

Le Président : Le sens de l'intervention.

le témoin 124 : L'intervention de Monsieur NTEZIMANA était très… très agressive. Il était complètement opposé à… à cette… à cette intention-là de négocier avec le FPR et… bon, TWAGIRAMUNGU a fait une réplique, c'était dans cette période-là, entre-temps les choses ont changé, mais TWAGIRAMUNGU à ce moment-là a fait une réplique lui disant que : « Vous, vous, petit groupe minuscule qui vous trouvez en Belgique, hein, vous sentez-vous vraiment, est-ce que vous pensez que vous avez un poids ou un avis à donner sur ce que nous sommes en train de faire ? ». C'était un peu dans ce sens-là, quoi.

Le Président : Donc, si je comprends bien, Monsieur NTEZIMANA, dans… dans le sens de son intervention lors de cette conférence de presse, était de dire qu’apparemment Monsieur TWAGIRAMUNGU était en train de se tromper sur ce qu'il fallait faire au Rwanda.

le témoin 124 : Exactement.

Le Président : Et ce que Monsieur TWAGIRAMUNGU expliquait alors, c'est qu'il fallait négocier, gouvernement et FPR ?

le témoin 124 : Tout à fait.

Le Président : Vous avez parlé tout à l'heure, tout en disant : « Moi, je n'étais pas là au moment où cela a été créé, ce fameux PRD », mais vous avez donné un mot d'explication, hein - cette création du PRD, notamment avec Alexis NSABIMANA et Monsieur NTEZIMANA - vous avez donné une explication à propos de la création du PRD. Vous avez expliqué que si ce petit parti était né à Butare c'est parce qu’à Butare il n'y avait pas de représentation d'une des tendances du MDR.

le témoin 124 : Vous voulez parler du PRD ou du MDR ?

Le Président : Vous avec expliqué : le PRD a été constitué notamment par NTEZIMANA et Alexis NSABIMANA à Butare…

le témoin 124 : Ça, c'est à Butare, oui.

Le Président : …hein, et vous dites - vous avez donné un mot d'explication à ce sujet-là - ce parti PRD est né là-bas, à Butare, parce qu’à Butare une des deux tendances du MDR, qui avait en quelque sorte été coupé en deux à partir du mois de juillet-août 1993, n'était pas représentée à Butare.

le témoin 124 : C'était ça mon impression.

Le Président : Et quelle était la tendance du MDR qui, selon vous, n'était pas représentée à Butare ?

le témoin 124 : Moi, je pense le MDR Power.

Le Président : C'est-à-dire la tendance…

le témoin 124 : Extrémiste.

Le Président : …contre les accords d'Arusha ?

le témoin 124 : Exactement.

Le Président : La tendance opposée à Monsieur TWAGIRAMUNGU ?

le témoin 124 : A l'intention de Monsieur TWAGIRAMUNGU à l'époque de vouloir négocier avec le FPR.

Le Président : Lors de cette commission rogatoire, vous avez également exposé que Monsieur NTEZIMANA serait un des auteurs, un des rédacteurs d'un document qui s'appelle « L'appel à la conscience des Bahutu » auquel est annexé, ou auquel font suite « Les dix commandements ». Vous pouvez expliquer comment vous… sur quoi vous vous fondez pour affirmer ça ?

le témoin 124 : C'était comme… par hasard un jour, je me retrouvais avec un dactylographe qui travaillait dans un bureau, une agence qui assure la bureautique à Louvain-la-Neuve, qui s'appelle Copy Fac, que tous les étudiants de Louvain-la-Neuve connaissent, et c'était un soir, j'étais en train de faire taper mon travail de fin d'études, ma thèse et… bon… à travers les discussions, les échanges, il est ressorti que Monsieur m'a dit : « Tiens, êtes-vous au courant de ce qui se passe ici à travers vos frères rwandais ? ». Moi, je lui ai dit que je ne savais pas. Alors, il m'a dit : « Il y a un groupe qui est venu me faire taper un texte euh… qui faisait appel à la haine vis-à-vis des Tutsi ». Alors j'ai demandé c'était quoi. Il m'a dit : « Un texte intitulé "Appel à la conscience des Bahutu" ».

J'ai retenu cela, j'ai pas fait de commentaires et je suis parti, après mes travaux je suis parti. Alors, bon… j'ai gardé ça… Là, j'étais très concentré sur ma thèse, il fallait terminer ma thèse et… quelque temps plus tard, j'ai raconté ça à quelques amis qui étaient dans mon entourage ; ça n'a pas fait beaucoup d'impact parce qu’à ce moment-là c'était vraiment très loin de 94. Nous-mêmes qui nous trouvions ici, on ne pouvait pas du tout s'imaginer que cela pouvait avoir une répercussion aussi… aussi catastrophique. Mais après, là où j’ai trouvé ça très grave, c'est que, quelques semaines plus tard ou un mois plus tard, ça a été rediffusé dans un journal, « Kangura », qui était diffusé au Rwanda et qui nous est parvenu aussi ici parce qu'il y avait des gens qui étaient abonnés à la presse rwandaise. Alors là, ça m'a fait peur. C'était bien avant 94, c'était, je pense, en 91, je pense, 91.

Le Président : Kangura a publié cet article dans le numéro 6 de décembre 1990.

le témoin 124 : Hum, hum… C'est ça.

Le Président : Ça correspond, parce qu’à votre souvenir ?

le témoin 124 : Ça correspond, parce que je dis que ça nous est parvenu en 91. Début 91. On était ici en Belgique, nous autres.

Le Président : Est-ce que… il s'agissait d'un étudiant zaïrois, donc, qui travaillait dans ce magasin ou ce…

le témoin 124 : Oui, c'était un étudiant zaïrois.

Le Président : …ce service de bureautique ?

le témoin 124 : C'était un étudiant zaïrois. Malheureusement…

Le Président : Vous connaissez son nom ?

le témoin 124 : C'est ça qui est très dommage, je ne connaissais pas son nom et, quand le juge d'instruction est passé me voir au Rwanda, je lui ai dit que s’il pouvait me donner la chance de m'amener des photos, je pourrais bien l'identifier. Et je pense qu’aussi que ce n'est pas très compliqué parce qu’il n’y avait pas plus de deux Zaïrois qui travaillaient à cette agence-là.

Le Président : Euh… qu'allais-je dire ? Monsieur le témoin 124… est-ce que cet étudiant vous a dit avoir dactylographié lui-même ce document ? Ou bien que ce document avait été dactylographié dans la société où il travaillait, à la société Copy Fac ?

le témoin 124 : Il ne m'a pas donné ces précisions-là. Mais ce que je sais, à Copy Fac, quand on amène des documents, on les dépose au secrétariat et puis, c'est distribué aux dactylographes qui se passent les documents. Même au moment des corrections on peut trouver le document, le texte qu'on veut faire taper, chez une dactylographe ; le lendemain on passe, on trouve qu'il est chez quelqu'un d'autre ; ça c'est les habitudes de la maison.

Le Président : Et cet étudiant vous a dit qu'elles étaient les personnes ­ parce que je crois que cet étudiant a parlé de plusieurs personnes - qui avaient remis ce texte à dactylographier ?

le témoin 124 : Il m'a parlé d'un groupe de trois étudiants.

Le Président : Vous pouvez rappeler le nom de ces trois étudiants ?

le témoin 124 : Il y avait Monsieur NTEZIMANA Vincent, il y avait…

Le Président : Désiré…

le témoin 124 : RUHIGIRA Désiré, c'était un major, qui faisait sa thèse en urbanisme je pense, en département de géographie. Il y avait aussi Papias NGABOYAMAHINA, qui lui, étudiait à Gembloux et tous ces mouvements, ces mouvements politiques tout ça c'était à Louvain-la-Neuve. Et c'est des gens qui étaient tout le temps ensemble, en général.

Le Président : Bien. Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Monsieur l'avocat général, à moins qu'il…

L'Avocat Général : Je voudrais simplement une confirmation. Les trois noms que le témoin vient de citer, Monsieur NTEZIMANA, Monsieur RUHIGIRA et Monsieur NGABOYAMAHINA sont les créateurs aussi du CERB ?

le témoin 124 : Exactement.

L'Avocat Général : Donc, du CERB, la Communauté des Etudiants Rwandais de Belgique.

le témoin 124 : Je pense qu'ils se sont connus par tous les médias ici, ils étaient plus… ils apparaissaient plus dans les médias que l'ambassadeur du Rwanda.

L'Avocat Général : Bon. Et alors, une autre précision. Vous pouvez confirmer que le document, donc « L'appel à la conscience des Bahutu » a circulé d'abord dans le cercle restreint de Louvain-la-Neuve avant d'être publié dans le n° 6 de Kangura ?

le témoin 124 : Je le confirme. Pas seulement Louvain-la-Neuve, mais même en Belgique, un peu partout.

Le Président : D'autres questions ? S'il n'y a plus de questions les parties sont-elles d'accord pour que le témoin se… Il faut réagir un peu plus vite ! Oui, Maître GILLET.(Rires).

Me. GILLET : Oui, Monsieur le président. On se pose parfois la question de savoir si on va poser une question. Un témoin qui devait venir, mais qui ne viendra pas, a dit qu'il avait appris de Monsieur le témoin 124 que celui-ci aurait vu le texte sur l'ordinateur à l'université de Monsieur NTEZIMANA, et je voudrais savoir ce qu'il en est.

Le Président : Alors, pour être très, très clair, ce témoin qui ne viendra pas, c'est Madame le témoin 76. Dans le cadre de l'enquête, cette dame a déclaré à un moment donné que vous lui auriez dit avoir vu sur l'écran de l'ordinateur de Monsieur NTEZIMANA, le texte de « L'appel à la conscience des Bahutu ». Il semble, par ailleurs, que vous avez partagé avec Monsieur NTEZIMANA à l'UCL, le même bureau ou en partie travaillé sur les mêmes ordinateurs. Alors, cette dame avait déclaré que vous lui auriez dit ça, ce n'est peut-être pas exact, elle a peut-être interprété, je n'en sais rien. Avez-vous dit à Madame le témoin 76 que vous aviez vu sur l'écran d'ordinateur, à l'UCL, de Monsieur NTEZIMANA, ce texte ? Est-ce vrai que vous avez vu ce texte affiché à l'écran de l'ordinateur ?

le témoin 124 : C'est faux. C'est faux parce que Madame, c'est plutôt Mademoiselle le témoin 76, elle étudiait à Namur. Je pense qu'elle a mal reçu mon message. C'est que moi je n'ai jamais dit à personne, jamais dit à personne du milieu rwandais, qui était aussi bien à Louvain-la-Neuve qu'à Namur, qui a tapé ce texte. Mais j'ai seulement dit que le texte, je savais où il avait été tapé. Alors, en lisant justement les témoignages, euh… moi je pense particulièrement, je pense sincèrement que, comme il savait que je partageais le même bureau que Vincent, elle a cru qu’on partageait la même machine et que, donc, l'information provenait de la machine, hein, que Vincent utilisait ainsi à l’institut d’astronomie et de géophysique. Je dois signaler, Monsieur le président, qu'il y a deux ans, j'étais de passage ici à Louvain-la-Neuve, en Belgique pardon, je suis parti à Louvain-la-Neuve m'excuser auprès du professeur BERGER pour lui dire que c'est dommage… c'est dommage que j'ai appris qu'un beau jour un jeune homme est venu démonter les cartes des ordinateurs pour chercher le texte que Vincent avait rédigé sur les ordinateurs de l'UCL. C'était complètement faux. C'était complètement faux.

Le Président : Donc, vous maintenez votre version. Vous avez pris connaissance de ce document parce qu'il a circulé à Louvain-la-Neuve et ailleurs en Belgique, parce que vous en avez pris connaissance aussi par, je dirais, le retour des exemplaires de Kangura du Rwanda et parce qu'un étudiant zaïrois vous a dit : « C'est telle et telle personne qui sont venues faire dactylographier ce document ici à Copy Fac ».

le témoin 124 : Je maintiens cela, Monsieur le président. Et je corrige encore, je dis, les gens à qui j'ai révélé ça, je n'ai jamais dit qui a tapé ça, ils se sont imaginés, comme j'étais avec Monsieur Vincent NTE…, on a passé ensemble 5 ans je pense, depuis 87, il m’a trouvé Louvain-la-Neuve, on a partagé le même bureau jusque quand j'ai terminé en 92. Les gens à qui j'ai révélé que le texte avait été tapé par, comment dire… le texte avait été diffusé et Vincent avait eu une contribution dans la rédaction, dans le dépôt, je ne sais pas, les gens ils ont mal interprété, ils ont cru que, comme on était dans le même bureau, il a tapé dans… sur les machines de l’institut d’astronomie - géophysique et là, le traitement de texte utilisait un logiciel qui est le LATEX, ça n'a rien à voir avec les caractères qu’il y a dans le texte.

Le Président : Bien. Autre question ? Oui, Maître CARLIER.

Me. CARLIER : Merci, Monsieur le président. Si le témoin dit ne pas avoir vu ce texte sur l'ordinateur de Monsieur Vincent NTEZIMANA dans les bureaux de l'université, est-ce qu'il a vu le texte sur copie papier dans les bureaux de l'université ?

Le Président : Le texte, vous avez dit l'avoir vu circuler avant même que Kangura ne revienne du Rwanda ?

le témoin 124 : Oui.

Le Président : C'était… vous l'avez vu sous quelle forme ? Une forme… je ne sais pas… sur… sur du papier A4 ? Euh…

le témoin 124 : Oui, c'était du papier A4, c'est distribué comme tract, hein. C’était distribué comme tract partout quoi… les gens, y recevaient ça dans les cercles d'étudiants, un peu partout.

Le Président : Autre question ?

Me. CARLIER : Ma question était : dans les bureaux de l'université ?

Le Président : La mienne a obtenu une réponse. Uniquement dans les cercles d'étudiants ? Ou bien on trouvait ça… ?

le témoin 124 : J'ai pas été chercher partout où ça avait été diffusé. Mais moi, ça m'a trouvé là où j'étais, c'était distribué.

Le Président : Distribué dans les cercles d'étudiants ou bien distribué aux étudiants, dans les auditoires, dans… aux professeurs dans les… aux professeurs non rwandais, non africains… euh…

le témoin 124 : Je n'ai pas participé à la distribution, donc, je ne peux pas identifier différents endroits où ça a été distribué mais bon, vous m'excuserez, Monsieur le président, moi j'ai vu que c’était distribué là où j'étais, dans mon environnement, sûrement ça a été distribué dans les bureaux, ailleurs, moi je ne sais pas.

Le Président : Bien.

Me. CARLIER : Est-ce que le témoin peut donner des noms de personnes qui ont vu ce document dans les bureaux ?

Le Président : Le témoin n'a pas dit qu'il avait vu ce document dans les bureaux. Avez-vous éventuellement des noms d'autres étudiants qui, comme vous, auraient reçu un exemplaire ou auraient pu prendre connaissance de l'un ou l'autre exemplaire de cet « Appel à la conscience » ?

le témoin 124 : Je pense que… il faut aller vérifier si cela n'a pas été effectivement diffusé, distribué. Moi, je ne pourrais pas me rappeler de qui, qui était à côté de moi, qui a reçu ça ou quoi… La question… elle ne me convient pas du tout.

Le Président : Qu'elle vous convienne ou pas, ça… là n'est pas vraiment le problème. Savez-vous y répondre ?

le témoin 124 : Les endroits où il y avait souvent des diffusions de tracts, c'était au CEE, à Louvain-la-Neuve je veux dire, c'était au Cercle des Etudiants Etrangers. C'était… des fois c'était distribué dans des casiers, les étudiants en général c'était des Rwandais. Sûrement il y a eu des Européens aussi qui ont reçu ça, mais je ne peux pas dire directement telle personne a eu ça, telle personne a eu ça.

Le Président : Par exemple, vous pouvez vous souvenir de dire : « Moi quand j'ai reçu ça, il y en a un autre qui faisait sa thèse en même temps que moi ou qui était de la même commune que moi là-bas et qui m'a dit : tiens, t'as reçu ça aussi » et avoir discuté peut-être avec… avec d'autres ?

le témoin 124 : Ça a été diffusé dans le milieu surtout rwandais, des étudiants rwandais qui étaient des étudiants rwandais qui étaient là sur place, ils ont eu ça.

Le Président : Mais, est-ce que vous, là sur place, à Louvain-la-Neuve, est-ce que vous avez discuté de ce document avec d'autres de vos collègues étudiants ?

le témoin 124 : Oui, on a discuté.

Le Président : Avec qui par exemple ? Si vous en avez le souvenir.

le témoin 124 : C'était surtout des étudiants qui étaient dans mon entourage parce que bon, vous savez…

Le Président : Quels étaient les étudiants dans votre entourage ?

le témoin 124 : Oui. Euh, il y avait à ce moment-là un étudiant qui s'appelait MUTABAZI Jean-Baptiste.

Le Président : Oui, MUTABAZI...

le témoin 124 : Jean-Baptiste.

Le Président : Oui.

le témoin 124 : Il y avait un étudiant qui s'appelait…, il y avait Jean-Baptiste, il y avait…

Le Président : Il y avait Vincent NTEZIMANA ?

le témoin 124 : Bien sûr, oui, pardon. Il y avait Vincent NTEZIMANA aussi. (Rires dans la salle)

Le Président : Oh ! oh ! Puisque vous partagiez même le même bureau.

le témoin 124 : Ouais.

Le Président : Bon. Jean-Baptiste MUTABASE par exemple, vous savez où il est actuellement ? Est-ce qu'il est au…

le témoin 124 : Il est au Rwanda, il a terminé ses études, il est parti… il est au Rwanda.

Le Président : Il est au Rwanda pour le moment.

le témoin 124 : Oui.

Le Président : Bien. D'autres questions ? Maître CARLIER.

Me. CARLIER : Monsieur le président, est-ce que le témoin a bien déclaré, même si la question ne lui convient pas, à l'émission de la RTBF « Au nom de la loi » le 17 février 1999 : « Il - c'est-à-dire Vincent NTEZIMANA - l'a distribué, c'est-à-dire le tract dont question, dans tous les bureaux ? ».

Le Président : Avez-vous déclaré ça à une émission de télévision dont on a, si nécessaire, éventuellement, la cassette ?

le témoin 124 : Je ne me souviens pas très bien mais… je suis persuadé qu'il a participé à la distribution, mais je ne l'ai pas vu. Mais je suis persuadé parce que très souvent il y avait des tracts à l'institut d’astronomie et géophysique, il y avait des tracts qui tombaient dans les boîtes à lettres des chercheurs et il n'y avait pas d'autres personnes qui pouvaient distribuer les tracts de ce genre parce qu’on se connaissait bien.

Me. CARLIER : Monsieur le président, je voudrais encore faire appel à la mémoire hésitante du témoin. Est-ce qu'il est bien d'accord pour dire avoir déclaré - à la différence de ce qu'il a déclaré aujourd'hui - lors de son audition au Rwanda le 9 mai 95 : « Ce document, ils l'ont rédigé - désignant les personnes dont Monsieur Vincent NTEZIMANA - et il a été dactylographié, dactylographié par un étudiant jobiste zaïrois dont je ne veux pas donner le nom ».

Le Président : Je ne pose pas la question. Nous avons eu une réponse aujourd'hui.

le témoin 124 : Et je n'ai même jamais dit que je…, je n'ai jamais cité cela, même si ça a été écrit et je voulais corriger aussi, je n'ai jamais dit : « Il a été tapé par un étudiant jobiste dont je ne connais pas le nom ». Il faut bien lire mon témoignage, il faut remonter voir ce que j'ai dit en avant. J'ai dit : « Dont je ne connais pas le nom », pas : « Dont je ne veux pas témoigner le nom ». Il faut bien lire mon témoignage.

Le Président : Bien. D'autres questions ?

Me. CARLIER : Je voudrais que soit notée cette précision du témoin si vous avez sous les yeux, comme moi, Monsieur le président…

Le Président : Quelle précision, Maître CARLIER ?

Me. CARLIER : Qui dit : « Je n'ai jamais dit dont je ne veux pas donner le nom ». Cela figure dans sa déposition du 9 mai 95, où il dit textuellement : « Il a été dactylographié par un étudiant jobiste zaïrois dont je ne veux pas donner le nom ».

Le Président : Eh bien, nous allons revérifier très précisément toute la déclaration.

le témoin 124 : Je pense que c'est mieux, Monsieur le président.

Le Président : « Concernant " l'appel des Bahutu " c'est lui, avec Papiace et Désiré, qui l'ont rédigé - vous parlez de Vincent NTEZIMANA - ce document a circulé dans le cercle des étudiants de Louvain-la-Neuve avant sa publication au Rwanda dans le journal Kangura. Ce document, ils l'ont rédigé - parlant des trois - il a été dactylographié par un étudiant jobiste zaïrois dont je ne veux pas donner le nom. Le manuscrit lui a été remis par les trois. Après dactylographie, le fichier a été détruit. Cet étudiant zaïrois est quelqu'un de bien et qui n'a rien à voir dans cette histoire. Lorsqu'il m'en a parlé - il a dactylographié ma thèse annexe - c'était pour dire qu'il ne comprenait pas mes compatriotes. Je ne connais pas son nom ». Y a-t-il des modifications à faire acter par rapport à la déclaration d'aujourd'hui ?

le témoin 124 : Je pense que c'est clair.

Me. CARLIER : Simplement, que le témoin ne dit plus que l'étudiant zaïrois a dactylographié ce texte.

Le Président : Eh bien, vous allez… ce n'est pas une déclaration devant le juge d'instruction, donc de toute façon, ça ne va pas être acté, puisqu’il n'y a que des variations dans les dépositions de témoins. Vous confirmez aujourd'hui que cet étudiant vous a parlé de ce texte, cet étudiant zaïrois, il vous a dit que c'étaient certains de vos compatriotes qui l’avaient remis à dactylographier là où il travaillait ?

le témoin 124 : Je le confirme.

Le Président : Vous avez peut-être dit à l'époque que c'était lui qui l'avait dactylographié ; vous dites aujourd'hui que vous ne savez pas si c'est lui qui l'a dactylographié.

le témoin 124 : Non, c'est pas ça que je dis. Je dis qu’il me demande s’il y a deux… deux des citations qui sont contradictoires. Il y a une citation qui dit : « Dont je ne veux pas donner le nom », puis il y a une citation où je dis : « Dont je ne connais pas le nom ». Moi, j'ai bien dit : « Je ne connais pas son nom ».

Le Président : Oui. Mais dans cette déclaration vous dites :« Cet étudiant qui a dactylographié ». Aujourd'hui vous dites plus tout à fait la même chose. Vous dites : « On a remis ce document, il m'en a parlé, je ne suis pas sûr que ce soit lui qui l'a dactylographié ». Vous avez expliqué : « Parfois on allait un jour porter un document, on trouvait que c'était tel dactylographe qui l'avait ; le lendemain on allait porter pour corriger, c'était un autre qui l'avait ».

le témoin 124 : Lui - je répète encore, si vous permettez - lui m'a dit qu'il avait reçu le document et qu'il l’avait dactylographié.

Le Président : Il vous a dit l'avoir dactylographié ?

le témoin 124 : Oui.

Le Président : D'accord. D'autres questions ? Les parties sont-elles d'accord pour que le témoin se retire ? Monsieur…

Me. RAMBOER: C'est une toute petite question, Monsieur le président.

Le Président : Oui.

Me. RAMBOER : Tout simplement. Lors de cette conférence que Monsieur TWAGIRAMUNGU est venu donner et où il y a eu un échange de propos entre Monsieur NTEZIMANA et Monsieur TWAGIRAMUNGU, est-ce qu’à ce moment-là donc, Monsieur NTEZIMANA était déjà, donc, représentant en Belgique du parti de Monsieur TWAGIRAMUNGU ?

Le Président : De quel parti ?

Me. RAMBOER : Du MDR, dont Monsieur NTEZIMANA a été, comme j'ai compris…

Le Président : Du MDR Benelux.

Me. RAMBOER : …secrétaire général du MDR Benelux. Alors donc, il y a eu une conférence ici en Belgique donnée par Monsieur TWAGIRAMUNGU étant à ce moment là, si j'ai compris, président du MDR au Rwanda. Est-ce qu’au moment qu'il y a eu cette conférence et qu'il y a eu un échange de propos très vifs entre Monsieur TWAGIRAMUNGU et Monsieur NTEZIMANA, est-ce que Monsieur NTEZIMANA parlait au nom déjà à ce moment-là du MDR Benelux ?

Le Président : Selon vous… à quel moment ?

Me. RAMBOER : Ou est-ce qu'il était toujours membre de la Communauté des étudiants rwandais en Belgique ?

Le Président : Selon vous, à quel titre prenait-il la parole, Monsieur NTEZIMANA ?

le témoin 124 : Vous m'excuserez, Monsieur le président, je ne situe pas très bien, mais je pense à travers les textes qu'il y a moyen de trouver… il y a moyen de se retrouver, de savoir s'il était à ce moment-là actif de la CERB ou bien du MDR Benelux. On peut remonter les dates. Je ne me souviens pas très bien.

Le Président : Voilà. Bien. D'autres questions ? Les parties sont-elles d'accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 124, est-ce bien des accusés ici présents dont vous avez voulu parler, confirmez-vous vos déclarations ?

le témoin 124 : Monsieur le président, je confirme mes déclarations.

Le Président : Oui. Eh bien, vous pouvez disposer provisoirement de votre temps en tout cas. Je vous demande malgré tout de rester à la disposition de la Cour jusqu'à votre retour au Rwanda.

le témoin 124 : Je vous remercie.