6.3.26. Audition des témoins: Josiane LEONARD et commentaires des parties
civiles et de V. NTEZIMANA
Le Président : Monsieur le témoin 105
est là ? Monsieur le témoin 105 n’est pas là.
Donc, c’est… c’est Madame le témoin 6 qui est présente. Donc, c’est LEONARD
Josiane, c’est ça ?
Bien, donc, Monsieur le témoin 105 n’est pas là pour le moment, on va
peut-être attendre un petit peu pour voir si… s’il se présente. Monsieur le témoin 6
n’est pas présent mais son épouse, Madame LEONARD, est présente. Madame LEONARD
n’étant pas sur la liste, je suis éventuellement disposé à l’entendre en vertu
de mon pouvoir discrétionnaire. Pratiquons-nous de la sorte ? Je pense
que c’est un problème d’hébergement de Monsieur NTEZIMANA à son arrivée en Belgique
en 94. Alors, Madame LEONARD peut approcher mais elle sera entendue en vertu
du pouvoir discrétionnaire puisqu’elle n'est pas entendue à la demande d'une
des parties. Et les parties renoncent-elles à l’audition de Monsieur le témoin 6
? Oui ?
Madame, quels sont vos nom et prénom ?
Josiane LEONARD : Josiane
LEONARD.
Le Président : Quel âge avez-vous
?
Josiane LEONARD : 47 ans.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
Josiane LEONARD : J’ai des engagements
divers, dont déléguée de mutuelle, à Louvain-la-Neuve.
Le Président : Quelle est
votre commune de résidence ou de domicile ?
Josiane LEONARD : Gembloux.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains d’entre eux, avant le mois d'avril 1994 ?
Josiane LEONARD : Oui.
Le Président : Monsieur NTEZIMANA
uniquement ? Etes-vous parente ou alliée des accusés ou des parties civiles ?
Josiane LEONARD : Non.
Le Président : Travaillez-vous,
sous un lien de contrat de travail, pour les accusés ou les parties civiles ?
Josiane LEONARD : Non.
Le Président : Votre nom,
Madame, ne figurant pas sur la liste des témoins - c’est celui de votre mari
qui y figure - aucune des parties n’ayant demandé à ce que vous soyez entendue,
je vous entends donc en vertu de mon pouvoir discrétionnaire, raison pour laquelle
je ne vous demande pas de prêter serment.
Vous pouvez vous asseoir, Madame.
Vous n’avez pas été entendue personnellement, vous n’avez pas été
entendue personnellement dans le cadre de l’enquête ?
Josiane LEONARD : Si, en même
temps que mon mari, enfin d’abord lui et puis moi, le même jour.
Le Président : Vous êtes
l’épouse de Monsieur le témoin 6 ?
Josiane LEONARD : Oui.
Le Président : A quelle époque
avez-vous fait, vous, je ne parle pas de votre mari, mais vous, la connaissance
de monsieur NTEZIMANA ?
Josiane LEONARD : D’abord, je
voudrais dire quelque chose, je voudrais me présenter un petit peu et dire qui
je suis.
Le Président : Mais, Madame,
si vous voulez bien, je vous entends déjà en vertu de mon pouvoir discrétionnaire,
j’aimerais bien alors que vous répondiez aux questions que je vous pose.
Josiane LEONARD : Bon. Eh bien,
j’ai connu Vincent NTEZIMANA exactement au mois de mai 89. En fait, mon mari
est allé…
Le Président : Dans quelles
circonstances ?
Josiane LEONARD : Je vais justement
l’expliquer.
Le Président : Oui ?
Josiane LEONARD : Donc, mon mari
est allé deux fois au Rwanda. Il avait été invité par une association rwandaise,
la JOC rwandaise, pour les aider à financer un projet au Rwanda, un projet d’élevage,
de coopérative de petit élevage, pour faire travailler des jeunes handicapés.
Et alors, dans ce cadre-là, il est allé deux fois et nous avons fait la connaissance
de Rwandais. Et des Rwandais que nous avons connus ont donné notre adresse à
Vincent en lui disant : « Quand vous irez en Belgique, eh bien, allez
dans cette famille-là, vous serez bien accueilli ». C’est comme ça que
Vincent avait notre adresse et il est venu nous dire bonjour.
Le Président : Il est venu
vous dire bonjour à quelle époque, rappelez-le moi ?
Josiane LEONARD : En mai 89.
Le Président : En mai 89.
Il était à ce moment-là en Belgique ?
Josiane LEONARD : En Belgique,
oui.
Le Président : Il est venu…
il était de passage, ou il faisait des études ?
Josiane LEONARD : Non, il faisait
ses études en Belgique.
Le Président : En Belgique.
Vous êtes-vous, à cette occasion… à cette période-là, vus régulièrement ?
Josiane LEONARD : Oui. Disons
que dès qu’on les a connus, on les a trouvés très sympathiques, on a… on a…
on s’est revus régulièrement chaque année, ils venaient chez nous et nous allions
chez eux. Donc, pour des soirées en… de connaissances.
Le Président : Aviez-vous
connaissance, à l’époque, d’un engagement politique de Monsieur NTEZIMANA ?
Josiane LEONARD : Oui. Quand il
venait à la maison, il nous parlait qu’il était engagé au niveau politique.
Le Président : Vous parlait-il
de ses engagements politiques ?
Josiane LEONARD : Euh… c’est-à-dire
que quand on le voyait, on le voyait aussi en compagnie d’une autre personne,
d’un autre Rwandais qui, lui, était militaire et il était du parti MRND. Et
ce que je me souviens très bien, c’est qu’ils avaient souvent des discussions
assez vives ensemble, Vincent n’étant pas pour le parti MRND, et il nous semblait,
disons, vouloir… vouloir la démocratie au Rwanda. C’est le souvenir que j’ai
des discussions qui avaient lieu chez moi.
Le Président : La personne
avec la… l’autre Rwandais, si je puis dire, avec lequel les discussions avaient
lieu, c’était Joseph Désiré RUHIGIRA ?
Josiane LEONARD : Oui.
Le Président : Saviez-vous
si Monsieur NTEZIMANA adhérait, lui, à un parti politique ?
Josiane LEONARD : Mais euh… Bon,
à ce moment-là, je n’ai pas retenu le nom du parti. Je sais qu’ils discutaient
du MRND et que Vincent n’était pas d’accord, était opposé aux… enfin à la politique
du MRND et lui voulait… voulait une autre démocratie que celle-là, et ça,
c’est ce dont je me souviens.
Le Président : Oui…
Josiane LEONARD : Je me souviens
aussi qu’il disait que, par exemple le témoin 32… enfin le MRND, soutenait beaucoup
plus tout ce qui provenait du Nord que du Sud et il trouvait ça… que bon ce
n’était pas juste dans un pays qu’aussi bien les gens qui vivent au Sud, que…
que même les partis ou même n’importe quoi, les associations… le travail doit
avoir le même… enfin, il doit y avoir la même égalité pour les gens qui vivent
au Nord qu’au Sud.
Le Président : Alors, avez-vous,
dans les propos que tenait Monsieur NTEZIMANA, relevé qu’il marquait par exemple
une opposition ethnique entre Hutu et Tutsi dans…
Josiane LEONARD : Non. Ça, je
suis sûre et certaine, je n’ai jamais, mais jamais, chez moi, chez moi, entendu
de thèse anti-Tutsi. D’ailleurs, si ça avait eu lieu, je crois que j’aurais,
je n’aurais plus frayé Monsieur NTEZIMANA, ni sa famille. Ça, j’en suis sûre
et certaine. Etant donné que j’ai toujours milité pour tout ce qui était social,
droits de l’homme, relations Nord-Sud, c’est comme ça d’ailleurs que… c’est
parce que nous avons toujours voulu avoir la porte ouverte que nous avons invité
chez nous des étudiants étrangers et des candidats et des réfugiés politiques.
Mais ça, je suis certaine que si j’avais jamais entendu une seule parole, eh
bien je n’aurais plus frayé Monsieur NTEZIMANA.
Le Président : Vous avez
sans doute, en tout cas, perdu les contacts de relation, chez vous ou chez lui,
lorsque Monsieur NTEZIMANA est retourné au Rwanda en 1993 ?
Josiane LEONARD : Quand il est
retourné, je me souviens avoir reçu au moins une lettre de sa femme qui m’expliquait
dans sa lettre, si je me souviens bien, euh… bon, qu’il y avait beaucoup d’insécurité
au Rwanda, à ce moment-là.
Le Président : Quand avez-vous
revu Monsieur NTEZIMANA et peut-être le reste de sa famille ?
Josiane LEONARD : Le jour de son…
de sa rentrée en Belgique, le 2 août, puisque c’est chez nous qu’il a été hébergé.
Le Président : Le 2 août
1994 ?
Josiane LEONARD : Oui.
Le Président : Il était seul
à ce moment-là ?
Josiane LEONARD : Il était avec
ses deux enfants, l’aîné… les deux premiers.
Le Président : Les deux aînés ?
Josiane LEONARD : Oui.
Le Président : Son épouse
ne l’accompagnait pas. Elle était encore aux Etats-unis à l’époque ?
Josiane LEONARD : Elle était aux
Etats-Unis. En fait, elle m’a téléphoné le 2 avril chez moi, me disant qu’elle
était de passage à Bruxelles, qu’elle partait aux Etats-Unis et que le 2 mai,
elle rentrait, elle repassait par la Belgique pour quelques jours, pour faire
quelques achats puisqu’elle était enceinte, et je lui avais proposé à ce moment-là,
de passer… de venir chez moi, ces quelques jours.
Le Président : En fait, à
ce moment-là, elle n’est pas venue ?
Josiane LEONARD : Non.
Le Président : Le 2 mai ?
Josiane LEONARD : Non. Le 2 mai,
elle m’a téléphoné en disant que puisqu’elle était enceinte et qu’elle était
à 8 mois, elle ne pouvait pas retourner au Rwanda et qu’ici, en Belgique, elle
n’aurait pas de sécurité sociale, donc, que la Banque mondiale qui payait son
voyage là-bas, couvrirait ses frais d’hospitalisation et d’accouchement.
Le Président : Lorsque l’épouse
de Monsieur NTEZIMANA et le bébé, j’imagine, sont arrivés en Belgique, vous
les avez hébergés avec Monsieur NTEZIMANA et les deux autres enfants aussi ?
Josiane LEONARD : Non. C’est le
2 août 94 que j’ai hébergé Vincent et ses deux enfants chez moi, pendant le
mois d’août, en attendant que Vincent trouve un logement.
Le Président : Est-ce qu’une
personne bien précise vous a contactée pour héberger Monsieur NTEZIMANA ou bien
c’est lui-même qui… qui vous a contactée ?
Josiane LEONARD : Euh… J’ai rencontré un Rwandais à Louvain-la-Neuve qui
m’avait déjà vue en compagnie de Vincent et de son épouse. Il m’a demandé si
j’avais des nouvelles d’Agnès, son épouse, et je lui ai dit que oui, que j’avais
eu un coup de fil, qu’elle devait normalement repasser, c’était dans le courant
du mois d’avril, qu’elle devait repasser, je ne sais plus ça quand c’était,
donc que j’avais eu des contacts avec Agnès et il m’a dit qu’ils essayaient
que Vincent, je crois qu’à ce moment-là, il se trouvait à Goma, et qu’ils essayaient
de… que le témoin 144 essayait du faire revenir en Belgique en
essayant de lui octroyer une bourse de l’UCL. Alors, j’ai… Monsieur… Jean-Pascal
le témoin 144 m’a contactée et je lui ai dit que… et si Vincent revenait, parce
que se posait le problème du logement, eh bien, je l’hébergerais chez moi avec
ses deux enfants, le temps de trouver un logement.
Le Président : Monsieur NTEZIMANA
s’installe chez vous, provisoirement, avec les deux enfants. N’êtes-vous pas
recontactée assez peu de temps après son installation…
Josiane LEONARD : Oui, exactement,
le dimanche.
Le Président : …par Monsieur
le témoin 144 ?
Josiane LEONARD : Si, le dimanche.
J’étais partie avec Vincent pour voir un logement et quand je suis revenue chez
moi, mon mari avait une tête jusqu’à terre et, bon, il n’a pas voulu me parler
devant Vincent. Quand Vincent est monté dormir, il m’a parlé de toutes les accusations
qui étaient portées contre lui. Ma première réaction a été d’abord de l’incrédulité
parce qu’ayant connu Vincent, quelqu’un de sympathique, de gentil, de serviable,
quelqu’un qui était vraiment très calme et très serein, je ne voyais pas, enfin,
je n’imaginais pas Vincent être accusé de telle façon. Ma deuxième réaction,
eh bien, ça a été de me dire : « Eh bien, c’est pas possible, on ne
peut pas accuser quelqu’un de telles atrocités si c’est pas vrai ». Alors,
je dois dire qu’on a passé une nuit sans dormir. On se demandait ce qu’on allait
faire, on était atterrés, on était furieux. On se disait : « On ne
peut pas héberger, chez nous, quelqu’un qui a participé au génocide ».
Donc, on ne savait pas quel allait être notre comportement. Alors, Jean-Pascal
avait discuté avec mon mari en disant qu’il fallait… il fallait ne rien dire,
continuer à l’héberger et que lui allait mener sa propre enquête pour savoir
ce qu’il en était.
Le Président : Vous avez
eu connaissance de l’enquête de Monsieur le témoin 144 ou du résultat de son
enquête ?
Josiane LEONARD : Il nous téléphonait
régulièrement pour nous apporter des éléments sur l’enquête qu’il faisait, oui.
Le Président : Et est-ce
qu’il… est-ce que Monsieur le témoin 144 a… a varié dans sa position à l’égard
de Monsieur NTEZIMANA ? Par exemple, la première fois qu’il vous en a parlé,
est-ce que lui-même était inquiet ou se disait : « Je ne peux pas
moi…
Josiane LEONARD : Bien sûr.
Le Président : …non plus,
venir en aide à quelqu’un qui aurait… » ?
Josiane LEONARD : Tout à fait.
Enfin, Monsieur le témoin 144, je ne le connaissais pas avant, mais j’ai des
connaissances qui le connaissent bien et qui m’ont certifié à ce moment-là,
que c’était quelqu’un d’une très grande rigueur, d’une très grande intégrité
et que je pouvais lui faire confiance, que si… s’il menait sa propre enquête
et qu’il me disait que, il nous disait que, bon, eh bien, les accusations n’étaient
pas avérées, eh bien, on pouvait le croire. Moi, il était impossible que je
fasse quoi que ce soit puisque j’hébergeais Vincent et les enfants.
Le Président : Et, comment
dirais-je, Monsieur le témoin 144 vous a fait part du résultat de son enquête ?
Josiane LEONARD : Euh…
Le Président : Et au bout
de combien de temps ?
Josiane LEONARD : Ecoutez, ça
je… ça remonte à 7 ans, je ne saurais pas vous dire exactement. Disons qu’il
y avait, on avait… de temps en temps, il nous téléphonait en disant : « Ecoute,
il y a telle accusation par exemple, eh bien, il semble qu’elle ne soit pas
fondée », ainsi de suite, au fur et à mesure des semaines et des mois.
Bon, il y a des choses qui nous ont étonnés aussi : d’abord que les premières
accusations, c’est-à-dire au départ, nous, on pensait qu’il était… on croyait
à sa culpabilité. Au fur et à mesure des semaines, on a commencé à douter très
fort de cette culpabilité-là. Bon, il y a des… il y avait des éléments, par
exemple, les premières personnes qui ont accusé Vincent, étaient des personnes
qui se trouvaient à Louvain-la-Neuve, au moment des faits. Ça, ça nous a déjà
paru étonnant. Bon, je sais que quand euh… quand Vincent était encore à la maison,
disons que nous autres, on avait donné comme consigne à nos enfants - parce
qu’il y avait des gens qui téléphonaient chez nous en ne donnant pas leur nom
- que toute personne qui téléphonait pour Vincent devait nous donner… devait
dire son nom avant de passer le téléphone. Et je sais qu’à une occasion, Vincent
m’a dit qu’il y avait une personne qui avait téléphoné à la maison en lui disant
qu’elle avait été poussée à porter des accusations contre Vincent.
Le Président : Vous avez
expliqué tout à l’heure que vous vous occupez notamment d’une mutuelle ?
Josiane LEONARD : Oui.
Le Président : N’avez-vous
pas aussi d’autres activités engagées ?
Josiane LEONARD : Oui.
Le Président : Lesquelles ?
Josiane LEONARD : Bon, par exemple,
je suis au Resto du cœur toutes les semaines, je suis, euh… je m’occupe de l’opération
11.11.11 au CNCD, j’ai d’ailleurs été longtemps responsable locale, j’ai même
été au Conseil d’administration, je suis catéchiste. Euh… Voilà, euh…
Le Président : Vous participez
aux activités d’Amnesty International ?
Josiane LEONARD : J’ai été… je
suis membre, mais je ne suis plus dans le groupe local.
Le Président : Bien !
Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Oui, Madame le 10e
juré ?
Le 10e Juré :
Monsieur le président, le témoin pourrait-il rappeler la date à laquelle Madame
NTEZIMANA était aux Etats-Unis ?
Le Président : Vous vous
rappelez de la date à laquelle Madame… ?
Josiane LEONARD : Donc, elle était…
elle faisait escale à, à Gembloux j’allais dire, à Bruxelles le 2 avril, donc,
elle est arrivée le 3 avril et elle est rentrée fin septembre.
Le 10e Juré :
OK. Merci.
Le Président : Une autre
question ? Oui, Maître HIRSCH.
Me. HIRSCH : Oui, une petite
question, Monsieur le président. En principe, madame NTEZIMANA devait repasser,
donc par la Belgique, à son retour initialement prévu fin avril, début mai…
Josiane LEONARD : Oui.
Me. HIRSCH : Est-ce que Madame
NTEZIMANA a téléphoné au témoin pour lui dire qu’elle ne viendrait pas ?
Josiane LEONARD : Oui.
Me HIRSCH : Des Etats-Unis ?
Josiane LEONARD : Oui.
Me. HIRSCH : Et, euh… à quel
moment, environ ?
Josiane LEONARD : Le 2 mai, le
jour où elle devait atterrir à Bruxelles, elle m’a téléphoné, c’est ce que j’ai
dit tantôt, pour dire que, comme elle était enceinte de 8 mois, elle savait
pas retourner au Rwanda vu… vu les événements et que euh… et que euh… bon, si
elle venait ici en Belgique, elle n’avait pas de sécurité sociale pour accoucher,
donc euh… Enfin moi, je disais qu’à ce moment-là, j’aurais bien voulu chercher
mais la Banque mondiale ayant dit qu’ils prenaient tout en charge, euh… c’était
préférable que ça reste comme ça.
Me. HIRSCH : Et dans cette
ligne, Monsieur le président, est-ce que Madame NTEZIMANA a pu donner au témoin
des nouvelles de ses deux autres enfants qui étaient donc restés au Rwanda ?
Josiane LEONARD : Quand elle m’a
téléphoné le 2 mai, elle n’avait aucun… aucune nouvelle de sa famille. Elle
ne savait rien.
Le Président : D’autres questions
? Maître GILLET ?
Me. GILLET : Oui. Dans le
témoignage de Monsieur le témoin 6, il est à plusieurs questions, euh… à plusieurs
reprises plutôt, question d’un Pierre TEGERA, qui est agronome de la faculté
de Gembloux, enfin qui a fait ses études là. Et j’aurais voulu savoir qui était
ce monsieur TEGERA, quelles étaient ses activités au Rwanda, si bien entendu,
le témoin le… le sait ?
Josiane LEONARD : En fait, c’est
moi qui ai connu Monsieur TEGERA parce qu’il était à la faculté de Gembloux
et lors d’une journée Tiers-Monde où je tenais un stand, il est - je crois que
c’est un stand Amnesty, d’ailleurs, je ne sais plus très bien - il est passé
devant moi, il m’a posé des questions sur le… sur l’activité et puis il m’a
dit qu’il était Rwandais. Alors, quand mon mari est parti au Rwanda, j’ai proposé,
j’ai demandé à la faculté s’il y avait des Rwandais, si mon mari pouvait aller
porter quelque chose de leur part au Rwanda et ramener d’autres choses. Et c’est
comme ça que nous avons fait la connaissance de Monsieur TEGERA.
Alors, je sais qu’il s’occupait de la pomme de terre au Rwanda. Mais
je ne connaissais, je ne connaissais pas ses autres activités.
Le Président : D’autres questions ?
S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin
se retire ? Madame LEONARD, est-ce bien des accusés ici présents dont vous
avez voulu parler ? Le sens de cette question étant : persistez-vous
dans vos déclarations ?
Josiane LEONARD : Oui.
Le Président : La Cour vous
remercie pour votre témoignage, Madame. Vous pouvez disposer librement de votre
temps.
Le Président : Monsieur Van
YPERSELE. Monsieur le témoin 144, ça peut prendre un certain temps ? Voulez-vous
une suspension maintenant ? De… allez, un quart d’heure et puis on entend
Monsieur le témoin 144. Oui ? Un quart d’heure… Ah, mais il n’est… non,
Maître EVRARD n’est plus là. Donc, Maître CUYKENS, un quart d’heure. Un quart
d’heure, c’est 15 minutes… il semble que Maître EVRARD n’avait pas bien compris
l’heure de reprise de l’audience cet après-midi.
[Suspension d’audience]
Le Président : L’audience
est reprise, vous pouvez vous asseoir. Les accusés peuvent prendre place. Maître
GILLET ? Quand les accusés auront pris place, vous pouvez…
Oui, Maître GILLET.
Me. GILLET : Monsieur le
président, est-ce que vous me permettrez de faire un commentaire sur euh… le
témoignage précédent ?
Le Président : Oui.
Me. GILLET : Oui, c’est parce
que, bon, je suppose que le jury peut de temps en temps se poser la question
euh… de savoir pourquoi on parle de tel nom ou de telle chose, et ne rien comprendre.
Je crois qu’il est intéressant qu’il le sache. Donc, j’ai posé la question de
savoir qui était ce Monsieur Pierre TEGERA dont il est question à plusieurs
reprises dans l’audition de Monsieur le témoin 6. C’est quelqu’un dont on a déjà
parlé. Effectivement, il m’a été confirmé par la fonction qu’il avait de s’occuper
du programme de pommes de terre en… en… au Rwanda, que c’est celui dont on a
déjà parlé à plusieurs reprises, qui figure aussi dans cette association culturelle
que Monsieur HIGANIRO et NTEZIMANA ont créée ensemble et qui, dès 1992 - et
notamment dans le rapport auquel a collaboré Monsieur le professeur DEGNI-SEGUI
qui est venu tout à l’heure - est désigné comme étant un des auteurs principaux
des massacres qui ont eu lieu dans la région de Gisenyi, dans cette période
entre 1990 et 1994 aux côtés d’Anatole NSENGIYUMVA dont il était déjà, à plusieurs
reprises, question au cours de ce procès.
Et je crois qu’il est important - avec un certain Monsieur Joseph-Désiré
RUHIGIRA qui revient dans ce témoignage-ci, aussi, de Monsieur le témoin 6 et à de
nombreuses autres reprises, et qui a été un de ceux qui a assuré la garde du
gouvernement génocidaire pendant le génocide - je crois qu’il est quand même
intéressant et important de se rendre compte de cet entourage qui revient à
peu près systématiquement, y compris jusque dans des témoignages des plus anodins,
apparemment, de Monsieur NTEZIMANA et de Monsieur HIGANIRO.
Le Président : Oui. Monsieur
NTEZIMANA ou Maître CARLIER ou Maître BELAMRI souhaitent-ils faire également
un commentaire ?
Vincent NTEZIMANA : Oui, Monsieur
le président. Je crois que, donc, il vient d’être question de l’ADSK, l’association
dont il a souvent été question et auquel je suis revenu. Nous étions plus de
300 membres et je crois avoir dit que parmi les 300 membres, s’il y a des suspects
là-dedans, ça ne veut pas dire nécessairement que le but de l’association n’était
pas son objectif, celui de créer un fond pour des élèves dont les parents étaient
démunis.
Donc, l’autre observation que je voulais faire. On veut créer une
sorte d’amalgame en citant les noms de personnes qui ne sont poursuivis nulle
part. Donc, est-ce qu’on peut d’ores et déjà acter qu’untel, untel est un génocidaire,
alors qu’il n’est pas poursuivi nulle part, que on crée un climat de ce genre
en disant : « Voilà, telle, telle fréquentation est réputée génocidaire »,
avant même de connaître les faits dont il serait accusé. Monsieur le président,
je vous assure que ça devient inquiétant qu’on crée une sorte d’atmosphère comme
ça, autour de gens, autour des noms dont les gens ne sont pas poursuivis. Je
vous remercie.
Le Président : Bien. |