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6.3.11. Audition des témoins : le témoin 55
Le Président : Monsieur le témoin 55
peut se présenter. Alors, pendant qu’on va chercher Monsieur le témoin 55, ce que
je me propose de faire aujourd’hui, c’est arrêter à midi. Si les témoins
sont encore présents qui étaient prévus dans la matinée, comme ce sont des témoins
qui résident en Belgique, ils seront renvoyés et re-convoqués à un autre moment.
Cet après-midi, nous entendrons de toute façon Monsieur GALLEE, qui est venu
de France ou revenu de France, et doit repartir aujourd’hui en France.
Etant présentes du Rwanda, je crois qu’il y a Madame le témoin 84 et le témoin 36 ; ces deux personnes seront aussi entendues
cet après-midi. Nous verrons où nous en serons. Si d’autres témoins de cet après-midi
sont encore présents et qu’il est 17h, ils seront renvoyés à la maison pour
être re-convoqués à un autre moment. Voilà. Monsieur MUTULINGABO qui devrait
venir, ne viendra pas puisqu’il est détenu. On verra bien où nous en sommes.
Et le témoin 149 ? Ah ! Mais non, elle n’est pas là pour le
moment. Elle sera dans le deuxième shift, donc, on verra. Mais, je crois que
le témoin 88 n’était pas présente pour le premier shift non plus.
L’Avocat Général : On essaye
de savoir où elle se trouve, elle sera amenée avec le deuxième ou troisième
shift.
Le Président : Donc, nous
donnons la priorité cet après-midi, aux témoins qui viennent de l’étranger et
on re-planifiera en fonction du temps qui nous restera cet après-midi. Ou bien,
on entend certaines des personnes présentes ou bien, elles seront re-convoquées
pour une autre… pour un autre moment.
Ceci veut dire, Mesdames et Messieurs les jurés, que le procès durera
plus longtemps que ce qu’on ne vous a annoncé des 6 semaines minimum. Les 6
semaines minimum, c’est vraiment un minimum, minimum. Ca sera peut-être bien
7.
Bien, Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 55 : le témoin 55.
Le Président : Quel âge avez-vous ?
le témoin 55 : 47.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
le témoin 55 : Prêtre.
Le Président : Quelle est
votre commune de domicile ou de résidence ?
le témoin 55 :
Incourt.
Le Président : Au… En Belgique ?
le témoin 55 : Oui, en Belgique.
Le Président : Incourt, ah oui !
Excusez-moi, j’avais compris une … Excusez-moi, je commence à avoir des dissonances…
Connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés avant les faits qu’ils
leur sont reprochés, c’est à dire, est-ce que vous les connaissiez avant le
mois d’avril 1994 ?
le témoin 55 : Oui, je connaissais
Vincent.
Le Président : Vincent NTEZIMANA ?
le témoin 55 : Oui.
Le Président : Les autres
pas ?
le témoin 55 : Les autres,
je ne les avais pas vus avant 1994.
Le Président : C’est ça.
Etes-vous de la famille des accusés ou des parties civiles ?
le témoin 55 : Non.
Le Président : Travaillez-vous
pour les accusés ou les parties civiles ?
le témoin 55 : Non, pas du
tout.
Le Président : Je vais vous
demander, Monsieur, de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment
de témoin.
le témoin 55 : Je jure de
parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Je vous remercie.
Vous pouvez vous asseoir. Monsieur le témoin 55, vous êtes d’origine rwandaise ?
le témoin 55 : Oui, je suis
d’origine rwandaise.
Le Président : Mais, vous
êtes en Belgique depuis déjà de nombreuses années.
le témoin 55 : Oui.
Le Président : Depuis 1983,
semble-t-il ?
le témoin 55 : C’est ça.
Le Président : En avril 1994,
vous ne vous trouviez donc pas au Rwanda, et ce n’est donc pas au Rwanda que
vous avez fait la connaissance de Monsieur Vincent NTEZIMANA. C’est en Belgique ?
le témoin 55 : C’est en Belgique.
Le Président : Pouvez-vous
expliquer dans quelles circonstances vous avez fait sa connaissance ?
le témoin 55 : Quand je suis
arrivé sur le site de Louvain-la-Neuve en 83, il était déjà étudiant à Louvain-la-Neuve.
Je l’ai trouvé, donc, dans le groupe des Rwandais qui résidaient sur le site
et on n’était pas encore très, très nombreux. On se connaissait tous, ou presque.
Le Président : Est-ce qu’il
y avait à cette époque-là, en 1983, quand vous avez fait la connaissance de
Monsieur NTEZIMANA, des dissensions entre les étudiants rwandais en fonction
de ce qu’ils venaient du Nord, du Sud, de telle région ou…?
le témoin 55 : Non, pas tellement.
Nous savions que ceux qui venaient du Nord étaient beaucoup plus nombreux, mais…
On avait une équipe de volley-ball, de basket-ball ; tout le monde faisait
partie de l’équipe, que ça soit ceux du Sud ou ceux du Nord en ce temps-là.
Le Président : Il y avait
donc une bonne entente entre tous les étudiants, quelle que soit leur origine
ethnique, ou quelle que soit leur origine.
le témoin 55 : Quelle que
soit, oui, tout à fait, quelle que soit leur origine ethnique, en 83 jusque
d’ailleurs, vraiment, les années 80. C’est, c’est… il n’y avait pas de problèmes.
Le Président : Et il semblait
qu’à partir de 1985, il y a déjà eu un petit peu de changement dans l’attitude
de certains étudiants, membres du MRND.
le témoin 55 : Oui, effectivement.
Comme il y avait l’animation, ce qu’on appelait l’animation, qui venait d’arriver,
on venait nous demander de nous réunir pour animer, danser. En fait, on avait
une troupe de danseurs, par exemple, qui était déjà là et… bon, si on voulait
l’employer pour les animations, tout le monde n’était pas partant. Il y en a
qui voulaient bien aller à fond, vraiment, dans ces animations. D’autres ne
voulaient pas.
Le Président : Ces animations,
est-ce qu’elles n’étaient pas destinées un peu à glorifier le président le témoin 32 ?
le témoin 55 : Non… pas lui
personnellement, mais c’était, je dirais, dans le contexte de ce qui se faisait
au Rwanda. Tous les fonctionnaires travaillaient le samedi, devait aller à l’Umuganda,
le travail communautaire. D’autres allaient justement dans ces manifestations,
au fond… du MRND. Glorification effectivement, mais où ils chantaient aussi
le travail… Tout le monde n’était pas partant. Je ne sais pas comment vous le
dire. Ce n’était pas la glorification du témoin 32 lui-même en tant que tel,
mais c’était une idéologie qui n’était pas partagée par tous. Voilà.
Le Président : Mais cette
idéologie prônait quoi ?
le témoin 55 : Le travail,
si je traduis le chant : « Umugambi ni umwe banyarwanda », donc,
« Nous avons les mêmes objectifs, les buts communs, le travail en commun,
nous devons nous mettre ensemble ». Mais… au sein du MRND, qui était un
parti unique, tout le monde ne partageait pas ce point de vue. Sinon, le contenu
en soi, ce n’était pas un contenu à critiquer, hein… à mon sens.
Le Président : Vous avez
ensuite perdu de vue Monsieur NTEZIMANA pendant un certain temps car il est
retourné au Rwanda ?
le témoin 55 : Oui, tout
à fait.
Le Président : Et puis, il
est revenu par la suite pour suivre un doctorat ?
le témoin 55 : Oui.
Le Président : Vous l’avez
à nouveau rencontré à son retour ?
le témoin 55 : Oui, je l’ai
rencontré.
Le Président : Mais est-ce
que l’attitude des autres étudiants à l’égard de Monsieur NTEZIMANA n’était
pas un peu particulière à son retour du Rwanda ? Vous avez expliqué qu’à son
retour du Rwanda en Belgique, quand il est venu faire son doctorat, les étudiants
du Sud…
le témoin 55 : Oui, oui,
oui…
Le Président : …considéraient
Monsieur NTEZIMANA comme un espion du Nord.
le témoin 55 : Oui, en fait,
au fur et à mesure que les années passaient, de plus en plus, au Rwanda, il
y avait, je dirais, une division. Il y avait ceux du Nord et ceux du Sud. Ceux
du Nord étaient dans le camp du président, donc du MRND, à fond. Et… ceux du
Sud étaient défavorisés. Cette situation se reflétait sans doute dans nos groupes,
ici en Belgique. Nous venions aussi du Rwanda, nous autres, et donc, c’était
normal. Alors, quand il est revenu, on se disait : « Tiens, est-ce qu’il
ne serait pas par hasard du groupe du Nord ? », ça veut dire du président,
sous-entendu. Et comme nous, on n’aimait pas vraiment le MRND, si vous voulez,
on se méfiait un peu. Voilà. C’est ce que je disais.
Le Président : A cette époque-là,
vous avez également expliqué que Monsieur NTEZIMANA était en relation avec un
certain Joseph RUHIGIRA.
le témoin 55 : Oui, oui.
Le Président : RUHIGIRA,
qui était militaire, mais qui poursuivait en Belgique des études d’architecture…
le témoin 55 : Oui, oui.
Le Président : …et vous avez
expliqué que ce RUHIGIRA était, lui, un pur et dur du MRND.
le témoin 55 : Ah ! Tout à fait. Mais en disant qu’ils étaient en relation,
je ne voulais pas dire qu’ils partageaient la même dureté, hein ! Ca, je
tiens à le souligner.
Le Président : Monsieur NTEZIMANA
ne semblait pas être un pur et dur comme Monsieur RUHIGIRA ?
le témoin 55 : Du MRND, non
pas du tout. D’ailleurs, par après, ça m’a étonné, venant du Nord, de plus en
plus ses réflexions étaient très, très critiques contre le MRND. Tout à fait.
Le Président : A la fin de
l’année 1990, en octobre 1990, le FPR, depuis l’Ouganda, a attaqué l’armée régulière
rwandaise.
le témoin 55 : Oui.
Le Président : Quelle a été
la réaction des étudiants rwandais en Belgique suite à cette attaque, lorsqu’ils
ont appris cette attaque du FPR ?
le témoin 55 : La première
chose, on avait le souffle coupé. Il n’y a pas eu beaucoup, beaucoup de commentaires.
On se sentait vraiment… c’était comme si le ciel tombait sur la terre, quoi.
Notre souffle était coupé et puis, peu à peu, premier jour, deuxième jour, on
osait parler entre nous. C’était… on n’y croyait même pas. Et alors, quelques
jours après, euh… quatre, cinq jours peut-être, il y en a un qui a proposé aux
autres de se réunir, de réagir : « Allons-nous rester comme ça alors
qu’on attaque notre pays ». Et c’est surtout ceux du troisième cycle, parce
qu’à Louvain-la-Neuve, il y a des cycles, licence, troisième cycle, ou alors
ceux qui commencent vraiment la candidature, et ceux qui sont concertés, c’est
ceux qui étaient vraiment, en majorité, du troisième cycle.
Et alors, on a décidé de faire une réunion. La réunion s’est tenue,
je dirais, 6 jours après, hein. Je n’ai pas personnellement assisté à la réunion,
parce que je terminais. Je devais quitter le site de Louvain-la-Neuve et céder
la place. Mais j’étais invité, je me suis tenu au courant. Le but était d’afficher
une opposition claire à cette attaque. Et ceux qui étaient invités à cette réunion,
c’était tout le monde qui était venu du Rwanda. Tous ceux qui faisaient le troisième
cycle. Et effectivement, il paraît que, parce qu’on me l’a dit, je n’étais pas
là, mais on me l’a dit, ils ont décidé de mettre sur pied un comité, de rédiger
un communiqué contre cette attaque. Et ça a été fait. Et dans la suite…
Le Président : Est-ce que
ce communiqué condamnait l’action du FPR uniquement, ou bien est-ce que ce communiqué
condamnait les Tutsi en général ?
le témoin 55 : Non, je ne
crois pas qu’il condamnait les Tutsi en général. Je ne me rappelle pas le contenu,
en fait. Je n’ai pas regardé. Mais je n’ai pas eu l’impression que ça condamnait
les Tutsi en général.
Le Président : Ca condamnait
uniquement, selon votre souvenir, le comportement du FPR.
le témoin 55 : Oui. Maintenant,
dans la suite, le développement, il y a eu beaucoup de branches, beaucoup de
branches de cette communauté, et… et de visions de la chose. Beaucoup de branches.
Mais dans les premiers temps, c’était pour condamner l’attaque.
Le Président : En 1990, fin
1990, vous étiez donc toujours sur le site de Louvain-la-Neuve ?
le témoin 55 : Non, pas du
tout, non.
Le Président : Non ?
le témoin 55 : Non, non,
justement, je n’ai pas assisté à cette première réunion, parce que j’avais quitté
déjà.
Le Président : Avez-vous
eu connaissance éventuellement à la fin de l’année 1990, même en dehors du site
de Louvain-la-Neuve, d’un document qui s’appelait « L’appel à la conscience
des Bahutu » ?
le témoin 55 : Ah oui,
ça… oui, oui, j’ai eu connaissance de ça, mais ça venait du Rwanda, alors.
Le Président : C’est un document
qui venait du Rwanda ? Ce n’est pas un document qui a circulé sous forme
de tract ici en Belgique ?
le témoin 55 : Non, non,
non.
Le Président : Vous n’avez
jamais eu, vous, personnellement en mains, un tract ?
le témoin 55 : Non, c’était,
je crois que j’ai eu ça par des photocopies. Mais ce n’était pas des tracts.
C’était Kangura.
Le Président : Des photocopies
de Kangura ?
le témoin 55 : De Kangura,
oui, c’est ça.
Le Président : Et… vous avez
expliqué aussi, lorsque vous avez été entendu dans le cadre de l’enquête préalable,
qu’au moment où le multipartisme a trouvé une place au Rwanda…
le témoin 55 : Oui.
Le Président : …que Monsieur
NTEZIMANA, à cette époque-là, avait adhéré au MDR…
le témoin 55 : Oui.
Le Président : …dont il était
secrétaire, j’imagine pour une section, la section Benelux ?
le témoin 55 : Oui, tout
à fait.
Le Président : Vous avez
pu apprécier… ? Comment est-ce que vous avez… oui, apprécié les prises
de position de Monsieur NTEZIMANA ?
le témoin 55 : En fait, je
crois que ça a commencé fin septembre ou octobre 91. Je crois. Et… NTEZIMANA,
d’abord, s’est distancié bien sûr de la communauté. Il y avait la communauté
des étudiants, qui demeurait toujours. Comme de plus en plus, ceux de la communauté
étaient, apparemment, vraiment des porte-parole du MRND, en tout cas la majorité,
et NTEZIMANA s’est distancié de cette communauté, et au sein du MRD, le parti
donc dont il était le secrétaire, il a rédigé des critiques très sévères contre
le parti du président, le MRND. Et, dans le même temps, du moins début… en 1991,
et 1992 d’ailleurs, il tançait beaucoup plus le parti du président, parce que
le gouvernement multipartite n’était pas encore accepté. C’est ce que je me
rappelle. Donc, dans la première partie, je trouve que son action était plus
contre le MRND, le parti du président, plus que contre le FPR. C’est ce que
j’ai trouvé dans ses écrits.
Le Président : Et pourtant,
lors de votre audition préparatoire, vous avez dit qu’il tenait parfois des
propos très sévères, très… virulents à l’égard du FPR ?
le témoin 55 : Oui, tout
à fait. Tout à fait. Il n’a jamais accepté qu’on attaque, donc, la guerre en
soi, en elle-même, c’est la… dans… chaque fois que je l’ai vu, il était contre
le fait d’attaquer. Surtout que, parfois c’était le calme, et puis encore une
attaque. Ca l’irritait effectivement. Mais j’ai pas vu… je disais cela, parce
que je n’ai pas vu des écrits, alors que pour le MRND, il a des écrits. Tandis
que pour le FPR, il en parlait quand on discutait, mais il n’a pas mis cela
par écrit, résolument. C’est ce que je voulais dire.
Le Président : Est-ce qu’il
avait également des propos virulents ou violents à l’égard des complices du
FPR, des Tutsi de l’intérieur ?
le témoin 55 : Je crois qu’en
ce temps-là, question de complices, ce n’était pas vraiment - à Louvain-la-Neuve
du moins - ce n’était pas très, très fort, hein. Je n’ai pas entendu dire qu’untel
ou untel serait virulent dans le FPR ou… il n’a attaqué personne à mon avis,
à ce que je sache… sur le site.
Le Président : Bien. Y
a-t-il des questions à poser au témoin ?
Me. LARDINOIS : En 1992
ou en 1993, excusez-moi d’être imprécis, il y a eu une conférence de presse
où était présent Monsieur Faustin TWAGIRAMUNGU, le président du MDR. Est-ce
que vous avez eu connaissance de la participation de Monsieur NTEZIMANA ou d’une
prise de parole lors de cette conférence de presse ?
le témoin 55 : Oui, je connais
quelque chose là-dessus. Effectivement, NTEZIMANA… d’abord, le mouvement MDR,
c’est-à-dire le mouvement où NTEZIMANA était secrétaire, ne participait pas
officiellement, parce qu’en fait, c’étaient les partis d’opposition qui s’étaient
donnés rendez-vous pour donner une conférence de presse contre le président
le témoin 32, voilà. On pensait que le MDR, qui était censé être le grand parti
d’opposition, serait présent. Il n’était pas présent. Alors, il paraît que dans
la salle, quelqu’un a posé cette question : « Voilà, vous êtes des
partis d’opposition. Pourtant on ne voit pas le plus important. Qu’est-ce qui
se passe ? ». Et le responsable, le chef de cette conférence a répondu :
« Nous aussi, nous ne savons pas pourquoi ils ne sont pas là. Il faudra
peut-être leur demander ». Et alors, Faustin qui était dans la salle, paraît-il,
a dit : « Ecoutez, ils ne sont pas là présents, je pense que la branche
du MDR en Belgique est une branche extrémiste ».
Alors après, Vincent a demandé à Faustin pourquoi il avait dit cela.
Parce que, paraît-il, Vincent n’était pas là, tout comme son parti, pour réagir
contre le FPR qui venait d’attaquer le pays, alors que, deux jours avant, ils
avaient signé des accords ici, des accords de paix. Voilà, donc, ils n’ont pas
participé ce jour-là à cette conférence, en réaction en fait à l’attaque du
FPR, qui venait de se faire il y avait quelques jours, malgré les rencontres
et le communiqué commun qu’ils avaient rédigé ensemble quelques jours avant.
Voilà, c’est tout ce que je sais.
Me. LARDINOIS : Donc, si
j’ai bien compris, la présence du président du MDR était justifiée par une espèce
de soutien aux accords de… aux négociations qui étaient en cours à Arusha. C’était
ça, je pense, le thème de la conférence de presse ?
le témoin 55 : Non, non,
non.
Me. LARDINOIS : Ce n’était pas
ça ?
le témoin 55 : Pas du tout.
Pas du tout. En fait, le président le témoin 32, en juillet 92, est venu ici
en Belgique, je crois. Juillet 92. Alors, les partis d’opposition qui se trouvaient
en Belgique voulaient manifester leur opposition. Vous savez, quand un président
vient ici, parfois des groupes se forment pour manifester contre son action,
sa façon de diriger le pays, contre l’accueil tout court. Alors, les mouvements
d’opposition qui se trouvaient ici, c’étaient le FPR, MDR, PSD et PL. Ils tenaient
des réunions ensemble en tant que mouvements d’opposition, pour mener justement
l’opposition en commun. Il était donc surprenant que l’un de ces mouvements
ne soit pas là. Vous voyez ? Et donc, Vincent a expliqué qu’il ne devait
pas être là, parce que, parmi les conférenciers, il y avait le FPR. Sous-entendu :
voilà, on était tout le temps ensemble, vous nous aviez promis de ne plus attaquer,
mais voilà, il y a deux jours, vous avez attaqué. Pourquoi je viendrais m’asseoir
là ? Est-ce que je me suis fait comprendre ?
Le Président : Mais pourtant,
Monsieur Faustin TWAGIRAMUNGU était aussi présent.
le témoin 55 : Oui, mais
il venait du Rwanda, lui. Et il n’avait pas encore rencontré le MDR du Benelux
alors. Il était de passage dans la salle, Monsieur TWAGIRAMUNGU.
Le Président : D’autres questions ?
Monsieur l’avocat général ? Maître CARLIER ?
Me. CARLIER : Quand le
témoin parle de la communauté, s’agit-il de la CERB, Communauté des Etudiants
Rwandais en Belgique ?
le témoin 55 : Oui, tout
à fait. C’est bien de cela qu’il s’agit.
Le Président : D’autres questions ?
Oui, Maître CARLIER.
Me. CARLIER : Est-ce que de l’ensemble
de ce qu’il a relaté de ses contacts avec Vincent NTEZIMANA, le témoin le classe
dans ce qu’on qualifierait de Hutu Power ?
le témoin 55 : Non, vraiment
pas. Parce que, pour moi, vous voyez, si je calcule les années où je l’ai rencontré,
c’est 83, ça fait 17 ans. Même si quelques années, il était rentré. Ca m’étonne
quand même, de toutes les rencontres que j’ai faites avec lui, qu’il ne me parlait
jamais, disons, contre des individus Tutsi ou… il ne m’a jamais tenu un discours
que… je dirais, raciste. Pour tout vous avouer, je ne crois pas, vu le poids
des accusations que je vois dans la presse, que je trouve ici… je me demande
s’il s’agit du même homme que je connais à Louvain-la-Neuve, dans nos relations,
avec ceci quoi. Je suis très, très étonné. Voilà.
Le Président : D’autres questions
encore ? Les parties sont… Oui ?
Me. CARLIER : Une question,
Monsieur le président, le témoin dit : « Je me demande s’il s’agit
du même homme ? ». Est-ce que dans ses relations avec Vincent NTEZIMANA,
il a eu une impression parfois de duplicité, de quelqu’un qui montre un visage
et cache la réalité ?
le témoin 55 : Non, jusqu’aujourd’hui,
non, évidemment.
Le Président : Vous aviez
des contacts fréquents avec Vincent NTEZIMANA ?
le témoin 55 : Non, pas vraiment.
Parce que, maintenant, je n’habite plus à Louvain-la-Neuve ni à Bruxelles. J’avais…
Le Président : Non, mais
à l’époque où vous étiez tous les deux à Louvain-la-Neuve ?
le témoin 55 : Ah ça, on
n’était pas très nombreux, hein. Donc on avait des contacts pas programmés,
mais on se rencontrait... Tous les Rwandais qui se trouvaient sur le site, on
se rencontrait bien.
Le Président : Mais à partir
de 1990, vous n’étiez plus sur le site de Louvain-la-Neuve ?
le témoin 55 : Non, justement,
je n’étais pas sur le site.
Le Président : Et à cette
époque-là, 1990, à partir de 1990, les contacts avec Vincent NTEZIMANA étaient-ils
encore aussi nombreux qu’en 1983 ?
le témoin 55 : Oh non, non,
non. Non, pas du tout. Je ne revenais plus. Je venais d’avoir une autre charge
et je me suis investi en cette charge. Je ne suis plus retourné d’ailleurs,
même si je suis au courant, c’est que je recevais des rapports, des articles…
Le Président : Ah oui, donc,
à l’époque, ce n’étaient pas des contacts personnels avec lui que vous aviez ?
C’est par les publications ou des conférences de presse ou des articles de journaux
ou des choses de ce genre-là, donc…
le témoin 55 : Oui, mais
quand je passais à Louvain-la-Neuve, et puisque ça arrivait quand même, on se
rencontrait. Je dois dire que les contacts n’étaient plus à la même fréquence
mais, pour une communauté que tu connaissais fort bien, je retournais de temps
en temps, mais pas, pas vraiment comme avant quoi.
Le Président : C’est cela. D’autres questions ? Les parties sont-elles
d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 55, est-ce bien
des accusés ici présents dont vous avez voulu parler ? Le sens de cette
question et simplement de savoir si vous persistez dans vos déclarations, si
vous confirmez vos déclarations.
le témoin 55 : Je confirme
mes déclarations.
Le Président : Je vous remercie
pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps.
le témoin 55 : Merci, Monsieur
le président. |
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