assises rwanda 2001
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Instruction d’audience V. Ntezimana Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience V. Ntezimana > Audition témoins > le témoin 89
1. N. Gasana 2. le témoin 9 3. le témoin 125 4. le témoin 134 5. le témoin 116 6. le témoin 61 7. le témoin 124 8. le témoin 50 9. le témoin 150 10. le témoin 73 11. le témoin 55 12. le témoin 100 et commentaires V. Ntezimana 13. le témoin 97 14. le témoin 104 15. H. Gallee 16. le témoin 84 17. le témoin 36 18. B. Van Custem et commentaires V. Ntezimana et E. Seminega 19. Lecture président attestation J.B. Seminega 20. le témoin 77 21. le témoin 10 22. le témoin 96 23. le témoin 42 24. R. Degni-Segui 25. le témoin 15 26. J. Léonard et commentaires partie civile et V. Ntezimana 27. J.P. Van Ypersele de Strihou 28. le témoin 118 29. le témoin 31, commentaires avocat général, partie civile, défense, audition interview I. Nkuyubwatzi 30. le témoin 108 31. le témoin 127 32. le témoin 109 33. le témoin 147 34. le témoin 105 35. le témoin 89
 

6.3.35. Audition des témoins: le témoin 89

Le Président : Monsieur l’huissier, je vous demande maintenant de faire approcher Monsieur le témoin 89.

Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?

le témoin 89 : le témoin 89, c’est mes noms, j’ai pas de prénom.

Le Président : C’est juste. Vous êtes d’origine zaïroise ?

le témoin 89 : C’est bien ça.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

le témoin 89 : 48 ans, aujourd’hui.

Le Président : Bon anniversaire, Monsieur.

le témoin 89 : Merci.

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 89 : Chômeur.

Le Président : C’est moins drôle évidemment que l’anniversaire. Quelle est votre commune de domicile ?

le témoin 89 : Ottignies-Louvain-la-Neuve

Le Président : Monsieur le témoin 89, connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés, avant le mois d’avril 1994 ?

le témoin 89 : Oui, Monsieur le président, je connaissais Monsieur NTEZIMANA.

Le Président : Bien. Etes-vous de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles, c’est-à-dire des personnes qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?

le témoin 89 : Non, Monsieur le président.

Le Président : Etant chômeur, je suppose que vous n’êtes donc pas lié par un contrat de travail, ni aux accusés, ni aux parties civiles ?

le témoin 89 : Non.

Le Président : Je vais vous demander de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment de témoin.

le témoin 89 : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie, vous pouvez vous asseoir. Monsieur, vous êtes ici pour un point extrêmement précis de ce dossier d’instruction, qui est celui de savoir si vous avez, ou non, à la demande de Monsieur Vincent NTEZIMANA, en 1990, c’est pas hier, dactylographié un texte qui s’appelait « L’appel à la conscience des Bahutu » auquel étaient annexés « Les dix commandements des Bahutu ». Vous avez été entendu en 1995 à ce sujet, par la police, en tout cas au départ, par la police d’Ottignies-Louvain-la-Neuve.

le témoin 89 : Oui.

Le Président : Alors, avez-vous dactylographié ce texte à une époque où vous étiez, semble-t-il, jobiste, étudiant jobiste dans une société qui s’appelait Copyfac, à Louvain-la-Neuve ?

le témoin 89 : Oui. Euh… j’ai eu le temps d’étudier ce texte-là et ma réponse est celle que j’avais donnée en 1995. J’ai pas dactylographié ce texte-là.

Le Président : Vous avez effectivement, dans votre réponse de 1995, donné des précisions pour lesquelles vous disiez ne pas avoir dactylographié le texte, notamment parce que, euh… il y avait des problèmes de, je dirais, de dactylographie pure, hein…

le témoin 89 : Oui.

Le Président : …de présentation du texte qui faisait que ça ne pouvait pas être vous, celui qui l’avait dactylographié.

le témoin 89 : Oui, c’est bien ça.

Le Président : Vous saviez qu’un certain Monsieur le témoin 124, je crois, disait que vous lui aviez dit que c’était vous qui aviez dactylographié ce texte ?

le témoin 89 : Oui. Je l’ai su puisque l’inspecteur qui m’a vu à Ottignies m’en avait parlé. Donc, c’est Bonfils qui avait cité mon nom, à ce qu’il semble, au Rwanda, et Bonfils le témoin 124, je le connaissais aussi, je l’ai d’ailleurs rencontré ici, devant le Palais.

Le Président : Lorsque vous étiez venu une fois ?

le témoin 89 : Le 27 avril, je crois, oui. Donc, oui, ça je le savais donc.

Le Président : Et vous maintenez ne pas avoir dactylographié ce texte ?

le témoin 89 : Non. Euh... ce que Bonfils a dit de moi, puisque l’inspecteur me l’avait fait savoir, en gros, c’était vrai. On savait me reconnaître dans ce qu’il avait dit de moi. Et d’ailleurs, dans le livre de Monsieur NTEZIMANA, on reprend ça. J’ai deux ou trois personnes sur le site de Louvain-la-Neuve qui m’ont reconnu à partir de ce livre-là. Donc, ce que Monsieur le témoin 124 disait de moi était, en gros, vrai. On se connaissait, j’avais tapé sa euh…

Le Président : Sa thèse ou…

le témoin 89 : Sa thèse annexe et participé à la dactylographie de sa thèse et sans doute qu’à ce moment-là, on avait un peu discuté. Donc, on se connaissait un peu. Mais, au moment où Monsieur le témoin 124 glisse le fait que je lui ai dit, hein, avoir tapé ce texte-là à la demande de Monsieur NTEZIMANA, là, il y a une… comme un saut qui m’avait d’ailleurs frappé déjà en 95. J’ai dit : « Non, ce saut est étonnant ». Et alors, j’ai demandé à l’inspecteur de STEXHE, à ce moment-là, de me laisser le temps d’aller étudier le texte. Donc, euh… dans un texte où je me reconnais et où les autres me reconnaissent d’ailleurs, il y a, à un certain moment, un saut qui fait que je ne me reconnais plus, qui fait que je ne me reconnais plus puisque c’était sûr : ce texte-là, si je l’avais tapé, je ne l’aurais jamais oublié, et les raisons, je les avais données dans euh… quand j’avais été entendu. Je n’aurais jamais oublié puisqu’à ce moment-là, je fais mon propre mémoire, et dans mon propre mémoire de licence, je traite de ce genre de problème. Donc, ça avait quelque chose à voir au génocide et à cette terminologie-là. Donc, je ne pouvais pas avoir oublié ça.

Si j’avais eu ce texte-là en main, et surtout si je l’avais eu de Monsieur NTEZIMANA que je connaissais - mais enfin, je le connaissais, c’est-à-dire, euh… oui, on s’était rencontré à mes débuts, à mon arrivée à Louvain-la-Neuve ; ce n’était pas lui, mon ami, nous avions un ami commun, donc, on se connaissait bien - donc, si j’avais eu ce texte-là en 90, d’abord je ne l’aurais jamais oublié et j’ai dû invoquer d’ailleurs devant l’inspecteur une sorte de texte que j’ai eu et que je ne pouvais pas oublier non plus, et celui-là je ne l’aurais pas oublié. En deuxième lieu, si je l’avais eu de quelqu’un que je connaissais, je n’aurais jamais oublié. D’abord, j’aurais discuté avec lui, puisque j’avais étudié, théoriquement, le génocide, euh… Je comparais, à ce moment-là, le sous-développement au génocide dans mon mémoire. Donc, je connaissais le concept du génocide, et quelqu’un qui me connaissait, qui m’aurait soumis un tel texte, j’aurais discuté avec lui et essayé de l’en dissuader. Ça, c’est sûr de ma part. Donc, je ne… non, j’ai pas reçu ce texte de NTEZIMANA.

Le Président : Avez-vous éventuellement, pour Monsieur NTEZIMANA, dactylographié d’autres textes ?

le témoin 89 : Non. Je n’ai jamais eu ce rapport-là avec NTEZIMANA, jamais.

Le Président : Euh… vous connaissiez Madame le témoin 50 ?

le témoin 89 : Oui, euh… c’est la fille…

Le Président : C’était la fille du gérant de Copyfac ?

le témoin 89 : Oui, oui.

Le Président : Elle venait parfois travailler chez Copyfac ?

le témoin 89 : Euh... oui, euh... Marie est venue chez Copyfac après nous, euh… c’est-à-dire bon, elle était très jeune, moi, bon, moi quand… c’est-à-dire, il y avait ce pool de dactylos et quand il y avait des nouveaux qui venaient, c’étaient les anciens qui les initiaient, puis il y avait des gens qui partaient, il y en a qui restaient. Marie est venue, et moi, étant parmi les anciens, j’ai été sans doute de ceux qui l’ont initiée mais bon, comme moi j’étais étudiant, je ne restais pas tout le temps là, je n’étais pas responsable. A un certain moment, c’est elle d’ailleurs qui a pris la responsabilité du magasin. Donc, je connais bien Marie le témoin 50.

Le Président : Euh… lorsqu’elle dit que c’est elle qui aurait dactylographié ce texte, qu’elle en avait bien le souvenir, euh… qu’elle vous en aurait montré le brouillon, en tout cas le brouillon des « Dix commandements », qu’est-ce que vous répondez à ça ?

le témoin 89 : Que Marie m’en aurait montré le brouillon des « Dix commandements » ?

Le Président : Oui.

le témoin 89 : Non, non. Je n’ai jamais parlé avec Marie, euh… ni avant, ni après. Non, là c’est…

Le Président : Madame le témoin 50 dit aussi qu’elle avait lié quelque part, amitié avec Monsieur NTEZIMANA ?

le témoin 89 : Oui, j’ai entendu ça, mais…

Le Président : Ça vous étonne ?

le témoin 89 : Bon, il peut y avoir des sympathies entre les gens, euh… amitié, vous dites ?

Le Président : Ou sympathie, peut-être simplement sympathie, c’est possible que cela n’aille pas jusqu’à de l’amitié.

le témoin 89 : Non, quand on travaille ensemble… moi, quand j’ai tapé le texte de, euh… du témoin 124, par exemple, on pouvait arriver à discuter de certaines choses, peut-être dans ce sens-là, sinon, euh… sympathie comme telle, c’est vrai, ça dépend de ce qu’on met derrière ce mot-là. Ça, je ne sais pas. C’est vrai, euh… Marie, je ne la vois pas haïr, mépriser quelqu’un comme ça, euh… avoir une certaine affinité avec quelqu’un, euh… oui, c’est possible. Mais quand même, je ne sais pas, je ne sais pas.

Le Président : Bien. Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Maître NKUBANYI ?

Me. NKUBANYI : Euh… est-ce que le témoin aurait vu Monsieur NTEZIMANA se rendre souvent dans le magasin Copyfac au moment où il travaillait là-bas ?

le témoin 89 : Oui. J’ai travaillé pendant un bon nombre d’années dans ce magasin-là. Beaucoup de gens ont défilé dans ce magasin. Mais, euh… non, je ne pourrais pas dire ça, je ne pourrais pas… j’ai pas souvenir de l’avoir vu, euh… souvent, ni très souvent. C’est-à-dire, je n’aurais retenu ça que s’il était venu avec quelque chose de bien précis et que moi je l’aurais fait. Et encore, bon, je dois dire, ce texte, exceptionnellement celui-ci, quand je dis que je ne l’aurais jamais oublié, celui-ci, je ne l’aurais jamais oublié, mais j’ai tapé vraiment beaucoup de textes, j’ai tapé beaucoup de thèses, j’ai tapé des livres, j’ai tapé des petits travaux, euh… mais quant à me souvenir, me rappeler tous ceux qui sont passés par-là, ou tous ceux pour qui j’ai travaillé, ça, c’est très difficile. Si quelqu’un m’amène un texte et qu’on discute un tout petit peu, je peux dire : « Tiens, là, je m’en souviens ». Il y a certaines choses dont on se souvient, on a tapé une grande thèse, on s’en souvient, mais des gens comme ça, qui viennent, qui passent, qui sortent, qui passent, qui sortent, non, ça, je ne sais pas répondre à ce… à cette question-là.

Le Président : D’autres questions ? S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Monsieur le témoin 89, confirmez-vous les déclarations que vous venez de faire, persistez-vous dans ces déclarations ?

le témoin 89 : Oui, je confirme et je persiste.

Le Président : La Cour vous remercie pour votre témoignage. Vous pouvez maintenant disposer librement de votre temps.

le témoin 89 : Merci.