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6.3.35. Audition des témoins: le témoin 89
Le Président : Monsieur l’huissier,
je vous demande maintenant de faire approcher Monsieur le témoin 89.
Monsieur, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 89 : le témoin 89, c’est mes noms, j’ai pas de prénom.
Le Président : C’est juste. Vous
êtes d’origine zaïroise ?
le témoin 89 : C’est
bien ça.
Le Président : Quel âge avez-vous ?
le témoin 89 : 48
ans, aujourd’hui.
Le Président : Bon anniversaire,
Monsieur.
le témoin 89 : Merci.
Le Président : Quelle est votre
profession ?
le témoin 89 : Chômeur.
Le Président : C’est moins drôle
évidemment que l’anniversaire. Quelle est votre commune de domicile ?
le témoin 89 : Ottignies-Louvain-la-Neuve
Le Président : Monsieur le témoin 89,
connaissiez-vous les accusés ou certains des accusés, avant le mois d’avril
1994 ?
le témoin 89 : Oui,
Monsieur le président, je connaissais Monsieur NTEZIMANA.
Le Président : Bien. Etes-vous
de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles, c’est-à-dire
des personnes qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?
le témoin 89 : Non,
Monsieur le président.
Le Président : Etant chômeur,
je suppose que vous n’êtes donc pas lié par un contrat de travail, ni aux accusés,
ni aux parties civiles ?
le témoin 89 : Non.
Le Président : Je vais
vous demander de bien vouloir lever la main droite et de prêter le serment de
témoin.
le témoin 89 : Je
jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que
la vérité.
Le Président : Je vous remercie,
vous pouvez vous asseoir. Monsieur, vous êtes ici pour un point extrêmement
précis de ce dossier d’instruction, qui est celui de savoir si vous avez, ou
non, à la demande de Monsieur Vincent NTEZIMANA, en 1990, c’est pas hier, dactylographié
un texte qui s’appelait « L’appel à la conscience des Bahutu » auquel
étaient annexés « Les dix commandements des Bahutu ». Vous avez
été entendu en 1995 à ce sujet, par la police, en tout cas au départ, par la
police d’Ottignies-Louvain-la-Neuve.
le témoin 89 : Oui.
Le Président : Alors, avez-vous
dactylographié ce texte à une époque où vous étiez, semble-t-il, jobiste, étudiant
jobiste dans une société qui s’appelait Copyfac, à Louvain-la-Neuve ?
le témoin 89 : Oui.
Euh… j’ai eu le temps d’étudier ce texte-là et ma réponse est celle que j’avais
donnée en 1995. J’ai pas dactylographié ce texte-là.
Le Président : Vous avez
effectivement, dans votre réponse de 1995, donné des précisions pour lesquelles
vous disiez ne pas avoir dactylographié le texte, notamment parce que, euh…
il y avait des problèmes de, je dirais, de dactylographie pure, hein…
le témoin 89 : Oui.
Le Président : …de présentation
du texte qui faisait que ça ne pouvait pas être vous, celui qui l’avait dactylographié.
le témoin 89 : Oui,
c’est bien ça.
Le Président : Vous saviez
qu’un certain Monsieur le témoin 124, je crois, disait que vous lui aviez dit
que c’était vous qui aviez dactylographié ce texte ?
le témoin 89 : Oui.
Je l’ai su puisque l’inspecteur qui m’a vu à Ottignies m’en avait parlé. Donc,
c’est Bonfils qui avait cité mon nom, à ce qu’il semble, au Rwanda, et Bonfils
le témoin 124, je le connaissais aussi, je l’ai d’ailleurs rencontré ici, devant le
Palais.
Le Président : Lorsque vous
étiez venu une fois ?
le témoin 89 : Le
27 avril, je crois, oui. Donc, oui, ça je le savais donc.
Le Président : Et vous maintenez
ne pas avoir dactylographié ce texte ?
le témoin 89 : Non.
Euh... ce que Bonfils a dit de moi, puisque l’inspecteur me l’avait fait savoir,
en gros, c’était vrai. On savait me reconnaître dans ce qu’il avait dit de moi.
Et d’ailleurs, dans le livre de Monsieur NTEZIMANA, on reprend ça. J’ai deux
ou trois personnes sur le site de Louvain-la-Neuve qui m’ont reconnu à partir
de ce livre-là. Donc, ce que Monsieur le témoin 124 disait de moi était, en gros, vrai.
On se connaissait, j’avais tapé sa euh…
Le Président : Sa thèse ou…
le témoin 89 : Sa
thèse annexe et participé à la dactylographie de sa thèse et sans doute qu’à
ce moment-là, on avait un peu discuté. Donc, on se connaissait un peu. Mais,
au moment où Monsieur le témoin 124 glisse le fait que je lui ai dit, hein, avoir tapé
ce texte-là à la demande de Monsieur NTEZIMANA, là, il y a une… comme un saut
qui m’avait d’ailleurs frappé déjà en 95. J’ai dit : « Non, ce saut
est étonnant ». Et alors, j’ai demandé à l’inspecteur de STEXHE, à ce moment-là,
de me laisser le temps d’aller étudier le texte. Donc, euh… dans un texte où
je me reconnais et où les autres me reconnaissent d’ailleurs, il y a, à un certain
moment, un saut qui fait que je ne me reconnais plus, qui fait que je ne me
reconnais plus puisque c’était sûr : ce texte-là, si je l’avais tapé, je
ne l’aurais jamais oublié, et les raisons, je les avais données dans euh… quand
j’avais été entendu. Je n’aurais jamais oublié puisqu’à ce moment-là, je fais
mon propre mémoire, et dans mon propre mémoire de licence, je traite de ce genre
de problème. Donc, ça avait quelque chose à voir au génocide et à cette terminologie-là.
Donc, je ne pouvais pas avoir oublié ça.
Si j’avais eu ce texte-là en main, et surtout si je l’avais eu de
Monsieur NTEZIMANA que je connaissais - mais enfin, je le connaissais, c’est-à-dire,
euh… oui, on s’était rencontré à mes débuts, à mon arrivée à Louvain-la-Neuve ;
ce n’était pas lui, mon ami, nous avions un ami commun, donc, on se connaissait
bien - donc, si j’avais eu ce texte-là en 90, d’abord je ne l’aurais jamais
oublié et j’ai dû invoquer d’ailleurs devant l’inspecteur une sorte de texte
que j’ai eu et que je ne pouvais pas oublier non plus, et celui-là je ne l’aurais
pas oublié. En deuxième lieu, si je l’avais eu de quelqu’un que je connaissais,
je n’aurais jamais oublié. D’abord, j’aurais discuté avec lui, puisque j’avais
étudié, théoriquement, le génocide, euh… Je comparais, à ce moment-là, le sous-développement
au génocide dans mon mémoire. Donc, je connaissais le concept du génocide, et
quelqu’un qui me connaissait, qui m’aurait soumis un tel texte, j’aurais discuté
avec lui et essayé de l’en dissuader. Ça, c’est sûr de ma part. Donc, je ne…
non, j’ai pas reçu ce texte de NTEZIMANA.
Le Président : Avez-vous
éventuellement, pour Monsieur NTEZIMANA, dactylographié d’autres textes ?
le témoin 89 : Non.
Je n’ai jamais eu ce rapport-là avec NTEZIMANA, jamais.
Le Président : Euh… vous
connaissiez Madame le témoin 50 ?
le témoin 89 : Oui,
euh… c’est la fille…
Le Président : C’était la
fille du gérant de Copyfac ?
le témoin 89 : Oui,
oui.
Le Président : Elle venait
parfois travailler chez Copyfac ?
le témoin 89 :
Euh... oui, euh... Marie est venue chez Copyfac
après nous, euh… c’est-à-dire bon, elle était très jeune, moi, bon, moi quand…
c’est-à-dire, il y avait ce pool de dactylos et quand il y avait des nouveaux
qui venaient, c’étaient les anciens qui les initiaient, puis il y avait des
gens qui partaient, il y en a qui restaient. Marie est venue, et moi, étant
parmi les anciens, j’ai été sans doute de ceux qui l’ont initiée mais bon, comme
moi j’étais étudiant, je ne restais pas tout le temps là, je n’étais pas responsable.
A un certain moment, c’est elle d’ailleurs qui a pris la responsabilité du magasin.
Donc, je connais bien Marie le témoin 50.
Le Président : Euh… lorsqu’elle
dit que c’est elle qui aurait dactylographié ce texte, qu’elle en avait bien
le souvenir, euh… qu’elle vous en aurait montré le brouillon, en tout cas le
brouillon des « Dix commandements », qu’est-ce que vous répondez à
ça ?
le témoin 89 : Que
Marie m’en aurait montré le brouillon des « Dix commandements » ?
Le Président : Oui.
le témoin 89 : Non,
non. Je n’ai jamais parlé avec Marie, euh… ni avant, ni après. Non, là c’est…
Le Président : Madame
le témoin 50 dit aussi qu’elle avait lié quelque part, amitié avec Monsieur
NTEZIMANA ?
le témoin 89 : Oui,
j’ai entendu ça, mais…
Le Président : Ça vous étonne ?
le témoin 89 : Bon,
il peut y avoir des sympathies entre les gens, euh… amitié, vous dites ?
Le Président : Ou sympathie,
peut-être simplement sympathie, c’est possible que cela n’aille pas jusqu’à
de l’amitié.
le témoin 89 : Non, quand on travaille ensemble… moi, quand j’ai tapé
le texte de, euh… du témoin 124, par exemple, on pouvait arriver à discuter
de certaines choses, peut-être dans ce sens-là, sinon, euh… sympathie comme
telle, c’est vrai, ça dépend de ce qu’on met derrière ce mot-là. Ça, je ne sais
pas. C’est vrai, euh… Marie, je ne la vois pas haïr, mépriser quelqu’un comme
ça, euh… avoir une certaine affinité avec quelqu’un, euh… oui, c’est possible.
Mais quand même, je ne sais pas, je ne sais pas.
Le Président : Bien. Y a-t-il
des questions à poser au témoin ? Maître NKUBANYI ?
Me. NKUBANYI : Euh… est-ce
que le témoin aurait vu Monsieur NTEZIMANA se rendre souvent dans le magasin
Copyfac au moment où il travaillait là-bas ?
le témoin 89 : Oui.
J’ai travaillé pendant un bon nombre d’années dans ce magasin-là. Beaucoup de
gens ont défilé dans ce magasin. Mais, euh… non, je ne pourrais pas dire ça,
je ne pourrais pas… j’ai pas souvenir de l’avoir vu, euh… souvent, ni très souvent.
C’est-à-dire, je n’aurais retenu ça que s’il était venu avec quelque chose de
bien précis et que moi je l’aurais fait. Et encore, bon, je dois dire, ce texte,
exceptionnellement celui-ci, quand je dis que je ne l’aurais jamais oublié,
celui-ci, je ne l’aurais jamais oublié, mais j’ai tapé vraiment beaucoup de
textes, j’ai tapé beaucoup de thèses, j’ai tapé des livres, j’ai tapé des petits
travaux, euh… mais quant à me souvenir, me rappeler tous ceux qui sont passés
par-là, ou tous ceux pour qui j’ai travaillé, ça, c’est très difficile. Si quelqu’un
m’amène un texte et qu’on discute un tout petit peu, je peux dire : « Tiens,
là, je m’en souviens ». Il y a certaines choses dont on se souvient, on
a tapé une grande thèse, on s’en souvient, mais des gens comme ça, qui viennent,
qui passent, qui sortent, qui passent, qui sortent, non, ça, je ne sais pas
répondre à ce… à cette question-là.
Le Président : D’autres questions ?
S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin
se retire ? Monsieur le témoin 89, confirmez-vous les déclarations que vous
venez de faire, persistez-vous dans ces déclarations ?
le témoin 89 : Oui,
je confirme et je persiste.
Le Président : La Cour vous
remercie pour votre témoignage. Vous pouvez maintenant disposer librement de
votre temps.
le témoin 89 : Merci. |
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