6.3.34. Audition des témoins: le témoin 105
Le Président : Monsieur,
quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 105 : Mon nom est
le témoin 105.
Le Président : Quel âge avez-vous ?
le témoin 105 : J’ai 44 ans.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
le témoin 105 : Pour le moment,
sans profession. J’ai fait mes études d’économie et de gestion des entreprises.
Le Président : Dans quelle
commune êtes-vous domicilié ?
le témoin 105 : Pardon ?
Le Président : Dans quelle
commune êtes-vous domicilié ?
le témoin 105 : 1000 Bruxelles.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains des accusés, avant le mois d’avril 1994 ?
le témoin 105 : Oui.
Le Président : Qui connaissiez-vous ?
le témoin 105 : Vincent NTEZIMANA,
HIGANIRO Alphonse aussi.
Le Président : Etes-vous
de la famille des accusés ou de la famille des parties civiles, c’est-à-dire
de ceux qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?
le témoin 105 : Je ne réclame
ni dommages et intérêts aux accusés.
Le Président : Non, mais
vous n’êtes pas de la famille de ceux qui réclament des dommages et intérêts ?
le témoin 105 : Non.
Le Président : Il n’y a pas
des membres de votre famille qui réclament des dommages et intérêts aux
accusés ?
le témoin 105 : Non.
Le Président : Vous ne travaillez
pas non plus, sous les liens d’un contrat de travail, soit pour les accusés,
soit pour les parties civiles ?
le témoin 105 : Non.
Le Président : Je vais
vous demander, Monsieur, de bien vouloir lever la main droite et de prêter le
serment de témoin.
le témoin 105 : Je jure de
parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Vous pouvez
vous asseoir, Monsieur.
le témoin 105 : Merci.
Le Président : Monsieur le témoin 105,
vous avez été professeur à l’université nationale du Rwanda à Butare ?
le témoin 105 : Oui, Monsieur
le président.
Le Président : C’est là,
sans doute, que vous avez fait la connaissance de Vincent NTEZIMANA ?
le témoin 105 : C’est ça.
Le Président : Vous étiez
également administrateur trésorier de l’université ?
le témoin 105 : Administrateur
trésorier adjoint de l’université.
Le Président : C’est ça.
C’est encore une fonction que vous exerciez au moment des événements d’avril
1994 ?
le témoin 105 : Oui, oui.
Le Président : Euh… Monsieur le témoin 105,
Monsieur NTEZIMANA a notamment été élu, avant les événements d’avril 94, président,
je crois de l’APARU ?
le témoin 105 : Oui, c’est
ça.
Le Président : Vous avez
eu des contacts avec lui ?
le témoin 105 : Oui, oui.
Le Président : Dans vos fonctions
à l’université ?
le témoin 105 : Surtout ça,
donc, pour des relations socioprofessionnelles.
Le Président : Euh… vous
souvenez-vous de ce que Monsieur NTEZIMANA aurait, vraisemblablement dans le
courant du mois d’avril 1994, adressé au vice-recteur de l’université, une liste
de personnes qui souhaitaient évacuer Butare pour se rendre dans différents
endroits ?
le témoin 105 : Oui, oui,
j’ai eu connaissance de sa lettre et de ses annexes, c’est-à-dire les listes
qui accompagnaient cette lettre.
Le Président : Oui. Quel
est le sort qui a été réservé à cette lettre ? Que demandait cette lettre ?
le témoin 105 : C’est ça.
Donc, euh… j’ai eu une réunion avec… une réunion qu’on appelait « réunion
de direction » ; le vice-recteur du campus de Butare et le secrétaire
général adjoint du campus de Butare et moi-même, on a eu une réunion de direction
pour étudier l’objet de cette lettre qui concernait l’évacuation des professeurs
et de leurs familles. Donc, malheureusement, ça n’a pas été, dû au problème
euh… de ressources, c’est-à-dire ressources humaines pour trouver donc les gendarmes
qui pouvaient accompagner les familles, et notamment, pour trouver les bus de
l’ONATRACOM que nous avons voulu louer. Alors, lorsque nous avons eu malheureusement
l’échec de ces négociations que nous avons commencées, nous avons dû renoncer.
Alors, le vice-recteur s’est chargé, comme c’était lui, la lettre était adressée
à lui, s’est chargé de communiquer à Vincent, donc, la réponse finale de cette…
Le Président : Donc, il s’agissait
bien de listes de personnes qui souhaitaient être évacuées ? La demande
a bien été formulée par Monsieur NTEZIMANA dans ce sens-là ?
le témoin 105 : Oui.
Le Président : Une réunion
au moins, a eu lieu pour traiter ce problème ?
le témoin 105 : Oui.
Le Président : Il y a eu
des difficultés pour donner suite, à savoir, semble-t-il, d’après ce que vous
dites ici, la location de bus ou de cars pour pouvoir transporter les personnes ?
Si j’ai bien compris aussi, l’impossibilité d’obtenir, euh… la protection de
la gendarmerie ?
le témoin 105 : Oui, pour
l’escorte.
Le Président : Pour l’escorte.
Et vous aviez, je crois, signalé déjà aussi à la police judiciaire, lorsque
vous avez été entendu, que euh… il fallait vraisemblablement des autorisations
individuelles et pas des autorisations collectives, parce qu’il y avait de toute
façon des contrôles individuels ?
le témoin 105 : Oui. Ça a
été toujours comme ça, même à la dernière minute, lorsqu’on a fui Butare, il
fallait toujours avoir une autorisation individuelle et une autorisation du
véhicule.
Le Président : De vos rapports
avec Monsieur NTEZIMANA, comment décririez-vous sa personnalité ?
le témoin 105 : Euh… mes rapports
peuvent se situer à deux niveaux. Le premier niveau, c’était lorsqu’il était
assistant au département de physique, moi aussi, j’étais assistant au département
de comptabilité, euh… on se voyait ou on avait le même transport de l’université
et je le voyais souvent jouer avec les étudiants, il jouait beaucoup au basket,
euh… je le voyais comme ça, comme d’autres collègues, sans autre… sans pouvoir
essayer de lui trouver une autre personnalité. Mais le deuxième niveau, c’est
que euh… lorsque j’étais administrateur trésorier adjoint à l’université, lorsqu’il
est revenu d’ici, qu’il a été élu président de l’APARU, là, nous avions des
relations socioprofessionnelles euh… souvent tendues, lorsqu’il fallait demander
pour le problème de logement que nous avons eu, lorsqu’on me demandait
des indemnités de logement, donc, c’étaient des relations entre un responsable
et quelqu’un qui représentait, d’une façon socioprofessionnelle, les enseignants.
Le Président : Connaissiez-vous
ses opinions politiques ?
le témoin 105 : J’ai pas bien
connu ses opinions politiques mais, comme on était à l’université, on parlait
de… d’un autre parti qui venait d’être fondé, qui, apparemment, était un parti
comme un parti euh… une scission du MDR. Sinon, je ne l’aurais jamais rencontré
dans une manifestation quelconque.
Le Président : Savez-vous
si Monsieur NTEZIMANA entretenait des relations avec des militaires ?
le témoin 105 : Ça, je l’ignore.
Le Président : Oui.
le témoin 105 : Je l’ignore.
Le Président : Vous l’ignorez.
Connaissez-vous le capitaine NIZEYI-MANA ?
le témoin 105 : Oui, je le
connaissais. Je l’ai vu, je le voyais mais je n’ai jamais, jamais, jamais, je
n’ai jamais communiqué avec lui. Lui non plus, n’a jamais communiqué avec moi.
Le Président : Vous-même,
vous étiez affilié à un parti politique ?
le témoin 105 : Oui, j’étais
affilié au parti politique du MRND.
Le Président : Y a-t-il eu
des réunions du MRND à Butare, dans les semaines qui ont précédé les événements
d’avril ?
le témoin 105 : A ma connaissance,
je ne me souviens pas qu’il y a eu une réunion. Mais il y avait eu des tentatives
de réunion, il s’agissait de… il y avait des élections en vue, concernant les
conseillers communaux. Alors, chaque parti essayait de se rencontrer, de faire
des réunions. On m’avait parlé d’une réunion qui devait avoir lieu, mais j’ai
jamais participé à une réunion, malheureusement.
Le Président : Et à la fin
de l’année 1993, auriez-vous participé à des réunions du MRND ?
le témoin 105 : A la fin de
1993 ? Non. Je vous ai dit que j’ai jamais participé à une réunion.
Le Président : Aucune ?
le témoin 105 : Aucune.
Le Président : Donc, vous
étiez simplement affilié à un parti, sans participer aux activités de ce parti
politique ?
le témoin 105 : Oui, comme
on le disait, affilié non actif.
Le Président : Vous avez
dit tout à l’heure que vous connaissiez également Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 105 : Oui.
Le Président : Vous pouvez
indiquer de quelle manière vous avez fait sa connaissance, ou dans quelle
mesure vous le connaissiez et à quelle époque vous l’avez connu ?
le témoin 105 : Euh… HIGANIRO,
je l’ai connu, d’abord lorsqu’il était secrétaire général au ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche scientifique. Je devais aller au Canada pour étudier
au Canada, c’était un problème de bourse, problème qui avait lieu, donc, concernant
mon départ. Alors, je l’ai rencontré. Il y avait des problèmes, apparemment,
on le voyait, au niveau du ministère. Alors, il m’a accueilli et ça a été débloqué.
Euh… depuis lors, lorsqu’il était ministre, on le voyait comme on voyait tous
les ministres. Lorsqu’il était à Butare, je ne l’ai jamais croisé, je ne l’ai
jamais croisé. Voilà donc les circonstances que…
Le Président : C’est ça.
le témoin 105 : …dans lesquelles
j’ai connu HIGANIRO.
Le Président : Vous avez
expliqué à la police judiciaire que, lorsque Monsieur HIGANIRO, ça remonte évidemment
à un certain temps, était secrétaire général du ministère de l’enseignement
supérieur, il avait une fonction équivalente à celle de chef de cabinet et que,
en conséquence, quand le ministre était absent, il remplaçait le ministre ?
le témoin 105 : Il remplaçait
le ministre ?
Le Président : Oui.
le témoin 105 : Bah, de toute
façon, c’est une évidence. Le secrétaire général remplaçait toujours le ministre
lorsqu’il était absent.
Le Président : Et au moment
où Monsieur HIGANIRO donc, est venu, euh… à Butare, où il est devenu directeur
général de la SORWAL, vous ne l’avez jamais rencontré ?
le témoin 105 : Jamais croisé.
Le Président : Même croisé ?
le témoin 105 : Même croisé.
Le Président : Vous habitiez
dans quel quartier ?
le témoin 105 : J’habitais
le quartier de Buye, tout près de la route macadamisée qui entre dans Butare,
tout près de la commune Ngoma, de la maison communale de Ngoma.
Le Président : Euh… et Monsieur
HIGANIRO habitait aussi dans ce quartier-là, non ? Le quartier est peut-être
très grand, hein.
le témoin 105 : Oui, moi aussi,
c’est ce que je connaissais. Donc, le quartier était grand, donc, là où il habitait,
je n’ai jamais été chez lui, lui non plus, donc, comme je le dis, je ne l’ai
jamais croisé, jamais, jamais.
Le Président : Euh… à la
police judiciaire, vous aviez indiqué que, selon ce que vous saviez, les postes
importants à la SORWAL étaient occupés par des gens qui venaient de la région
du Nord ?
le témoin 105 : Que j’ai dit
à la police judiciaire que la SORWAL était occupée par ?
Le Président : Que les gens,
les places importantes à la SORWAL étaient occupées par des gens venant de la
région du Nord du Rwanda. Monsieur HIGANIRO, il venait du Nord ?
le témoin 105 : Oui, bien
sûr.
Le Président : Il y avait
d’autres responsables, d’autres personnes importantes de la SORWAL qui venaient
du Nord, aussi ?
le témoin 105 : Ce que je
me souviens, ce que j’ai dit, c’est que depuis que la SORWAL a été créée, il
y avait des directeurs expatriés mais il y a eu toujours quelqu’un, un directeur
du Nord, ça a été… les quatre que je connais, les quatre, ils étaient du Nord,
donc, c’est ce que j’ai dit.
Le Président : C’est qui,
les quatre que vous connaissiez ?
le témoin 105 : Bon, en commençant
par HIGANIRO, euh… celui qu’il a remplacé était NGIRIRA, celui que NGIRIRA a
remplacé, UWILINGIYIMANA Léonard qui était mon collègue à la faculté des sciences
économiques, euh… Léonard a remplacé, si je me souviens bien Gaspard, NSUBIJE
Gaspard. Voilà donc, du moins, les quatre dont je me souviens.
Le Président : Et en 94,
le témoin 21, il était du Nord ?
le témoin 105 : Oui, Martin,
du Nord, oui.
Le Président : Jean-Paul
le témoin 40 ?
le témoin 105 : Je ne sais
pas où les limites se fixent. Mais le témoin 40 vient de Kigali.
Le Président : Avez-vous
observé que, pendant les événements d’avril 94, d’avril et mai 1994, il y avait
des entraînements militaires à la SORWAL, ou en tout cas, des entraînements
du maniement d’armes ?
le témoin 105 : Non, je ne
l’ai pas remarqué.
Le Président : Vous n’avez
pas remarqué ?
le témoin 105 : Non.
Le Président : Et vous ne
le saviez pas non plus ?
le témoin 105 : Non.
Le Président : A la police
judiciaire, vous avez indiqué que pendant les événements, vous saviez qu’il
y avait des autorités militaires qui dispensaient des cours de maniement des
armes à des jeunes hommes civils. Ce n’était pas à la SORWAL, peut-être ?
C’était peut-être ailleurs ?
le témoin 105 : Non, ce n’était
pas à la SORWAL.
Le Président : Et ça se faisait
dans quel cadre, ces entraînements ?
le témoin 105 : Ça se faisait
dans le cadre de la défense civile. Alors, les gens demandaient : « Est-ce
que c’est possible d’avoir, nous aussi, des armes au lieu d’être à la merci
de tout le monde, des Interahamwe, du FPR ? ». Alors, au niveau de
la défense civile, ils ont travaillé tout ça, ils ont essayé d’enseigner le
maniement des armes.
Le Président : Vous avez
participé, vous, à ce genre d’enseignement ?
le témoin 105 : Non, jamais.
Le Président : Bien. Y a-t-il
des questions à poser au témoin ? S’il n’y a pas de questions au témoin,
les parties sont-elles d’accord pour qu’il se retire ? Alors, Monsieur
le témoin 105, confirmez-vous les déclarations que vous venez de faire et persistez-vous
dans ces déclarations ?
le témoin 105 : Oui, je le
confirme.
Le Président : La Cour vous
remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de votre temps.
le témoin 105 : Je vous remercie,
Monsieur le président. |