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6.3.19. Lecture par le président de l’attestation de Jean-Bosco SEMINEGA
Le Président : Oui, non,
ce n’est pas une audition par le juge d’instruction, c’est un pro justitia.
Le juge d’instruction VANDERMEERSCH établit un procès-verbal, le 12 octobre
1995, dans lequel il expose qu’il a rencontré Monsieur Jean-Bosco SEMINEGA dans
son bureau à Kigali, seul à seul. Il lui a soumis le compte-rendu de l’entretien
qu’il avait eu avec Messieurs DELVAUX et de STEXHE. Après avoir relu et apporté
quelques modifications manuscrites, Monsieur le témoin 150 confirme que ce compte-
rendu reproduit fidèlement ses propos. Il confirme qu’il ne souhaite pas signer
ce document par crainte de s’exposer. Le juge d’instruction joint à ce procès-verbal
le compte rendu relu et corrigé par Monsieur le témoin 150 Jean-Bosco.
[Interruption d’enregistrement]
Le Président : …être entendu
par les autorités judiciaires rwandaises dans le cadre de la présente affaire…
Non Identifié : On ne vous
entend pas, Monsieur le président.
Le Président : Vous ne m’entendez
pas, tiens. Alors, cette personne, Monsieur le témoin 150 nous informe qu’elle refuse,
étant commerçant sur la place de Kigali, d’être entendue par les autorités judiciaires
rwandaises dans le cadre de la présente enquête. Néanmoins, elle accepte de
nous transmettre les informations suivantes.
« Monsieur le témoin 150 résidait bien dans la maison de Bénédicte
le témoin 143, du 1er mars jusqu’au 28 juin 1994, approximativement.
De cette maison, il disposait d’une vue, à partir de son jardin, sur l’entrée
principale de l’immeuble occupé dans le quartier de Buye à Butare par Vincent
NTEZIMANA. le témoin 150 a fréquenté l’UNR de 1984 à 1988, et plus précisément, la
faculté des sciences économiques. C’est à cette époque qu’il a fait connaissance
de Vincent NTEZIMANA, membre du corps enseignant de cette université. Après
le 19 avril 1994, le témoin 150 était, comme beaucoup à Butare, confiné dans la propriété
qu’il occupait, sans possibilités de sortir dans les quinze jours qui suivirent,
à peu près. le témoin 150 confirme qu’en dehors des heures de couvre-feu, Vincent
NTEZIMANA recevait souvent la visite d’un véhicule militaire de type Land Rover,
conduit vraisemblablement par son ami, le capitaine Ildephonse NIZEYIMANA. Que
ce soit avant ou pendant cette guerre, ces deux personnes ne se cachaient pas
d’entretenir des relations d’amitié. le témoin 150 confirme que des gens armés, dont
certains étaient revêtus d’uniforme militaire, logeaient chez lui. Au moins,
je les voyais entrer et sortir (à propos de cette phrase, c’est le commentaire
qu’il ajoute à la main).
Innocent NKUYUBWATSI, qui travaillait à l’usine
allumettière, la SORWAL, y logeait également. le témoin 150 fait remarquer que ce
dernier circulait très facilement, après le 19 avril 1994, durant les massacres
à Butare. C’est d’ailleurs par l’intermédiaire de cette dernière personne que
le témoin 150 a eu l’occasion de s’approvisionner une fois durant cette période.
le témoin 150 a vu rentrer des hommes et des femmes dans la maison de NTEZIMANA.
le témoin 150 ne peut préciser si deux jeunes filles y résidaient en permanence.
Début juin, la rumeur lui a rapporté qu’une femme aurait été tuée chez NTEZIMANA.
Innocent NKUYUBWATSI aurait, selon le témoin 150, continué à résider chez NTEZIMANA
jusqu’à la fin juin, époque de la chute de Butare entre les mains du FPR. Revenant
à la période suivant le 19 avril 1994 à Butare, le témoin 150 a été convoqué, comme
les autres habitants, à une réunion du secteur du quartier de Buye où il résidait
à l’époque. le témoin 150 a alors constaté que Vincent NTEZIMANA faisait partie du
comité de sécurité de ce même quartier. Il y fut question de l’organisation
des patrouilles de nuit et des barrages auxquels devaient participer ces mêmes
habitants. Vincent NTEZIMANA était chef d’une des équipes qui procédaient à
des rondes durant la nuit, ainsi que la journée. Monsieur le témoin 150 a demandé
d’être relevé de l’obligation de participer à des rondes car il hébergeait beaucoup
de gens chez lui, sans disposer d’un boy pour le travail domestique.
Bien qu’officiellement le témoin 150 devait participer
aux rondes, il en était pratiquement exempté. Le chef de la sécurité de ce quartier
de Buye était le témoin 93 (là, il a barré ami de Vincent NTEZIMANA
pour remplacer par professeur à la faculté d’agronomie). le témoin 150 précise que plus ou moins trois jours après cette réunion,
il a fait l’objet d’une fouille de sa maison par des militaires, probablement
envoyés par le comité de sécurité de ce quartier de Buye, pour y chercher des
Inyenzi. Après cette fouille, Vincent NTEZIMANA est passé chez le témoin 150 quelques
jours plus tard, dans la matinée. Il semblait chercher quelqu’un qui se cachait
chez lui. C’était la seule et unique fois qu’il s’est présenté chez lui depuis
le 19 avril. La façon dont il se comportait amène Monsieur le témoin 150 à considérer
que Vincent NTEZIMANA avait choisi le camp extrémiste pendant le génocide et
les massacres collectifs dans le secteur de Butare. Il en prend pour preuve
le fait que Vincent NTEZIMANA logeait des gens bien et d’autres qui ne l’étaient
pas, parfois à la demande du capitaine NIZEYIMANA. Comme personnes fréquentables,
il cite Monsieur Jean-Marie Vianney le témoin 142, métissé, résidant actuellement à
Kigali, il travaille actuellement chez PETRORWANDA où il exerce des fonctions
de cadre supérieur (n° de tél. : …).
Par contre, Innocent NKUYUBWATSI ne l’était pas,
car il aurait dit qu’il aurait participé au massacre de la famille KARENZI et
il voulait prendre les biens qui se trouvaient dans l’immeuble KARENZI. Il n’était
pas content, car le comité de sécurité, dont faisaient partie le témoin 93
et Vincent NTEZIMANA, n’était pas d’accord. le témoin 150 estime que le capitaine
Hildefons NIZEYIMANA (ou IZEYIMANA ) est celui qui
a organisé les massacres à Butare. le témoin 150 estime que s’il avait eu un ami
tel que NIZEYIMANA, il aurait pris ses distances avec celui-ci ».
L’autre document qui figure au dossier, c’est le même, mais sans
les annotations manuscrites. C’est exactement le même texte. Alors, il y en
a peut-être encore ailleurs. Je crois qu’il y a encore, effectivement, une autre
audition, mais sur laquelle je ne retombe pas, dans laquelle il dit ne pas avoir
été… avoir fait l’objet de menaces, si mes souvenirs sont bons. Vous en avez
peut-être encore d’autres, mais alors, lisez-les vous-même.
Non Identifié : Non, non,
il y en a une deuxième, c’est tout.
Le Président : La deuxième,
c’est la même que celle que je viens de lire mais sans les annotations manuscrites.
Non Identifié : Il y a une
déclaration où il dit qu’il n’a pas été l’objet de menaces.
Le Président : Oui, si c’est
ça, bon. De menaces de la part du témoin 142 Vianney. Bien, y a-t-il
d’autres choses ou des commentaires avant que nous n’entendions le témoin ?
Ah oui, il n’est pas repris dedans puisqu’il n’était pas cité comme témoin. |
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