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Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » > Audition témoins > le témoin 71
1. le témoin 19 2. M.le témoin 44 3. R. Tremblay 4. le témoin 110 5. le témoin 38 6. le témoin 72 7. le témoin 101 8. le témoin 79 9. le témoin 138 10. le témoin 57 11. le témoin 2 12. le témoin 66 13. le témoin 71 14. le témoin 64 15. le témoin 81 16. le témoin 151 17. le témoin 115 18. le témoin 136 19. le témoin 7 20. le témoin 75 21. le témoin 82 22. le témoin 80 23. le témoin 99 24. le témoin 152 25. le témoin 78 26. Commentaires sur textes rédigés à Maredret 27. le témoin 95 28. le témoin 133 et commentaires de défense 29. le témoin 74 30. le témoin 70 31. le témoin 20 32. le témoin 60 33. le témoin 17 34. le témoin 49 35. le témoin 127 36. le témoin 47 37. le témoin 46 38. le témoin 147 39. le témoin 51 40. A. JANSSENS 41. le témoin 48 42. le témoin 145 43. G. Dupuis
 

8.6.13. Audition des témoins: le témoin 71

Le Président : L’audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir et les accusés peuvent prendre place. Peut-être Madame le témoin 71 ? Vous l’avez sur votre liste, Monsieur l’huissier ? le témoin 71. Monsieur l’interprète, voulez-vous bien demander au témoin quels sont ses nom et prénom ?

L’Interprète : Amazina yawe yombi ?

le témoin 71 : le témoin 71.

L’Interprète : le témoin 71.

Le Président : Quelle est son âge ?

L’Interprète : Ufite imyaka ingahe ?

le témoin 71 : 27.

L’Interprète : 27 ans.

Le Président : Quelle est sa profession ?

L’Interprète : Umwuga wawe ?

le témoin 71 : Umuhinzi.

L’Interprète : Cultivatrice.

Le Président : Quelle est sa commune de domicile ?

L’Interprète : Komine utuyemo ?

le témoin 71 : Ubu dutuye muri komine ya Kabuga.

L’Interprète : Actuellement, c’est la commune de Kabuga.

Le Président : Connaissait-elle les accusés ou une parties des accusés avant le mois d’avril 1994 ?

L’Interprète : Wari uzi abaregwa cyangwa se bamwe mu baregwa mbere y’ukwezi kwa kane muri 94 ?

le témoin 71 : Hum ?

L’Interprète : Hari abo waruzi mu baregwa, muziranye cyangwa se bose cyangwa se bamwe muribo mbere y’ukwezi kwa kane kwa 94 ?

le témoin 71 : Ntabwo twari tuziranye, uretse ko ari jyewe ubazi.

L’Interprète : Non, on ne se connaissait pas, à part que moi, je les connaissais.

Le Président : Est-ce qu’elle connaissait sœur Gertrude et sœur Kizito ?

L’Interprète : Wari uzi mama Gertruda na Kizito ?

le témoin 71 : Narimbazi. Twari tunaturanye.

L’Interprète : Je les connaissais puisque nous étions des voisins.

Le Président : Est-ce qu’elle est de la famille des accusés ou de la famille des gens qui demandent des dommages et intérêts aux accusés ?

L’Interprète : Ufitanye isano yo mu muryango n’abaregwa cyangwa se ababarega ngo bazabahe indishyi z’akababaro ?

le témoin 71 : Ntabwo mbyumva.

L’Interprète : Niba hari isano mufitanye uri mwene wabo, w’abaregwa, cyangwa se uri mwene wabo wababarega, babaregera indishyi.

le témoin 71 :

L’Interprète : Yee, niba hari icyo mupfana mu muryango, hari isano mufitanye ?

le témoin 71 : Abaregera indishyi, hari abo dufitanye isano.

L’Interprète : Oui, parmi ceux qui demandent des dommages et intérêts, il y a des parents.

Le Président : Oui. Est-ce qu’elle travaille sous contrat d’emploi, comme employée des accusés ou de ceux qui demandent des dommages et intérêts ?

L’Interprète : Ngo hari akazi ubakorera, ukora ukoreshwa n’abaregwa cyangwa se abaregera indishyi, bakaba baguhembera akazi ubakorera ?

le témoin 71 : Ntako.

L’Interprète : Non.

Le Président : Voulez-vous bien l’inviter à lever la main droite et à prêter le serment de témoin que vous voudrez bien lui lire si elle ne sait pas lire.

L’Interprète : Zamura ukuboko kw’iburyo, urahire indahiro...

Le Président : Lisez-lui parce que je crois qu’elle a des difficultés du lire.

le témoin 71 : Ndahiye kuvuga ukuri, ndahiye kuvuga ukuri gusa, nta rwango, nta n’umususu.

L’Interprète : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Le Président : Vous pouvez vous asseoir tous les deux. Si vous parlez au témoin et que vous lui donnez des instructions, il faut les dire, hein.

L’Interprète : Je lui disais qu’elle ne parle pascomme ça, rapidement, qu’elle essaie de couper ses phrases pour que je puisse interpréter fidèlement.

Le Président : Bien. Madame, vous êtes-vous, au mois d’avril 1994, réfugiée au couvent de Sovu ?

L’Interprète : Mu kwezi kwa kane kwa 94, wahungiye mu kigo cy’ababikira b’i Sovu ?

le témoin 71 : Narahahungiye.

L’Interprète : Oui, je me suis réfugiée.

Le Président : A quelle date, si elle s’en souvient ?

L’Interprète : Ku yihe tariki niba ubyibuka ?

le témoin 71 : Nahahungiye kw’itariki 17.

L’Interprète : Je me suis réfugiée le 17.

Le Président : Le 17 avril ?

L’Interprète : Z’ukwa kane ?

le témoin 71 : Hum.

L’Interprète : Oui.

Le Président : Y avait-il d’autres membres de sa famille qui se sont réfugiés en même temps qu’elle au couvent ?

L’Interprète : Hari abandi bantu bo mu muryango wawe mwahungiye igihe kimwe mujya mu kigo cy’ababikira ?

le témoin 71 : Hum.

L’Interprète : Oui.

Le Président : De qui s’agissait-il ?

L’Interprète : Ni bande ?

le témoin 71 : Hari ba data bacu,

L’Interprète : Il y avait mes oncles paternels,

le témoin 71 : Hari papa, hari barumuna banjye,

L’Interprète : Mon père, mes sœurs,

le témoin 71 : N’abandi twari duturanye.

L’Interprète: Et d’autres, des voisins.

Le Président : Pourquoi toutes ces personnes s’étaient-elles réfugiées au couvent de Sovu ?

L’Interprète : Kuki abo bantu bose uvuze bari bahungiye mu kigo cy’ababikira k’i Sovu ?

le témoin 71 : N’uko twari twumvise yuko batangiye kugenda batwika amazu.

L’Interprète : C’est parce que nous venions d’apprendre qu’on avait commencé à incendier les maisons.

Le Président : Peut-elle expliquer ce qui s’est passé le 17 avril, le jour où elle s’est réfugiée ? Comment elle a vécu cette journée ?

L’Interprète : Wasobanura ibyabaye n’ibya kubayeho wowe kuri iyo tariki ya 17 z’ukwa kane ?

le témoin 71 : Ibya mbayeho ?

L’Interprète : Yee, n’ibyabaye.

le témoin 71 : N’ibyabaye bya cumi na kangahe ?

L’Interprète : Na karindwi.

le témoin 71 : Ibyabaye kuri iyo tariki ya 17 kuri jyewe,

L’Interprète : Ce qui m’est arrivé ce jour-là, du 17, c’est que,

le témoin 71 : Ni uko nahunze bavuze yuko uwo munsi, batubwiye yuko barimo gutwika amazu.

L’Interprète : Ce jour-là, on venait de nous dire qu’on incendiait des maisons.

le témoin 71 : Barimo gutwika amazu, barambwira ngo niduhunge. Ubwo jye nahise mpunga.

L’Interprète : Comme on incendiait les maisons, on nous a dit de nous enfuir, alors, je me suis directement enfuie.

le témoin 71 : Nafashe utwange, ndagenda njya mu babikira,

L’Interprète : J’ai pris mes effets personnels et je me suis rendue chez les sœurs.

le témoin 71 : Njya mu babikira, ubundi tugumayo. Kw’ivuriro ryari rihari hafi y’ikigo cy’ababikira.

L’Interprète : Je me suis rendue chez les sœurs, au centre de santé qui était là-bas, non loin du couvent des sœurs.

Le Président : A-t-elle passé la nuit au centre de santé ?

L’Interprète : Waraye icyo gihe kw’ivuriro ?

le témoin 71 : Naraharaye.

L’Interprète : Oui, j’y ai passé la nuit.

Le Président : S’est-il passé quelque chose le lendemain, le 18 ?

L’Interprète : Bukeye bwaho kuri 18 hari ikintu cyabaye ?

le témoin 71 : Twazamutse tujya ahantu mu mahuriro y’umuhanda, ruguru ahantu bakundaga kwita kuri « douani »,

L’Interprète : Nous nous sommes rendus à un carrefour, plus haut, là, qu’on appelait « douane »,

le témoin 71 : Mu gitondo kare, ubwo ngubwo tuhageze, abagabo barahasigara.

L’Interprète : A notre arrivée très tôt le matin, les hommes y restèrent.

le témoin 71 : Baratubwira ngo twebwe nidutahe, tumanuke dusubire aho kuri centre de santé, turebe ko twashaka ibyo kurya, tubazanire.

L’Interprète : Ils nous ont dit de retourner au centre de santé et préparer à manger, leur amener à manger.

le témoin 71 : Ubwo igihe bitaratungana twabishyize ku mashyiga,

L’Interprète : Alors que la nourriture était encore sur le feu, mais pas encore prête,

le témoin 71 : Twumva grenade iraturitse.

L’Interprète : Nous avons entendu le bruit d’une grenade lancée.

le témoin 71 : Ubwo twahise twirukanka noneho tuzamuka ruguru mu kigo cy’ababikira.

L’Interprète : Nous nous sommes mis alors à courir en direction du couvent des sœurs.

le témoin 71 : Dusanga ikigo cy’ababikira kirafunze, tugerageza kurira,

L’Interprète : Nous avons trouvé le couvent fermé et nous avons essayé de grimper.

le témoin 71 : Bamwe barasesera abadashoboye kurira, abandi barurira, bamwe za senyenye zirabica.

L’Interprète : Ceux qui n’ont pas pu monter se sont faufilés et certains ont été blessés par les fils barbelés.

le témoin 71 : Ubwo twagezemo mu kigo cy’ababikira imbere,

L’Interprète : Une fois à l’intérieur du couvent des sœurs,

le témoin 71 : Ako kanya hahita hasohoka ababikira, n’abantu bandi bari mu mahugurwa,

L’Interprète : Immédiatement, sont sorties les sœurs et d’autres personnes qui étaient là-bas, en session,

le témoin 71 : Baratubaza ngo : « Ko muza mwirukanka hano habaye iki ? ».

L’Interprète : Et elles nous ont demandé : « Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi vous venez ici en courant ? ».

le témoin 71 : Tuti twumvise grenade tuza twirukanka tubahungiraho.

L’Interprète : Nous avons répondu que nous avons entendu le bruit d’une grenade et que nous sommes venus ici, nous réfugier.

le témoin 71 : Baraduseka ngo : « Ese grenade mwumvise, hariyo babateye ? ».

L’Interprète : Ils se sont moqués de nous en disant : « La grenade dont vous avez entendu le bruit avait été jetée sur vous ».

le témoin 71 : Nuko turabihorera, turahaguma.

L’Interprète : Nous n’avons rien répondu, nous les avons laissés comme ça et nous sommes restés là-bas.

Le Président : Est-ce que les gens qui étaient dans le couvent, les gens qui étaient en séminaire, ne trouvaient pas que les réfugiés les dérangeaient ?

L’Interprète : Abantu bari mu mahugurwa ntabwo babonaga yuko impunzi zabateraga nk’icyugazi, zibabangamiye ?

le témoin 71 : Babonaga nyine tubabangamiye, kubera ko bumvaga hari n’urusaku,

L’Interprète : Oui, c’est vrai, ils voyaient que nous les dérangions étant donné qu’il y avait même du bruit.

Le Président : Est-ce qu’ils voulaient que les réfugiés s’en aillent de la cour du couvent ?

L’Interprète : Bashakaga ko mugenda mukava ahongaho mu kigo cy’aho ababikira babaga ?

le témoin 71 : Yee, tugasubira aho twari turi hepfo kuri centre de santé.

L’Interprète : Oui, ils voulaient que nous retournions là où nous étions, plus bas au centre de santé.

Le Président : Le soir et la nuit du 18 avril, il a beaucoup plu ?

L’Interprète : Ku mugoroba, ndetse no mu ijoro yo ku itariki ya 18, hari imvura yaguye nyinshi ?

le témoin 71 : Mu ijoro bucya haba 18 cyangwa ?

L’Interprète : La nuit, ça signifie la veille du 18 ou ?

Le Président : Non, non, la nuit du 18.

L’Interprète : Mu ijoro ryo kuri 18 ubwaho.

le témoin 71 : Bucya haba 19 ?

L’Interprète : Alors, le lendemain ça devait être le 19 ?

Le Président : Normalement.

L’Interprète : Ngo yego.

le témoin 71 : Mur’iryo joro ndumva imvura yaraguye ariko itari nyinshi.

L’Interprète : Je pense que pendant cette nuit il a plu mais pas beaucoup.

le témoin 71 : Yaraguye, icyo gihe muri iryo joro rya 18… yaraguye, yaraguye nyinshi.

Le Président : N’y a-t-il pas eu de fortes pluies qui ont fait que les réfugiés voulaient rentrer dans les bâtiments du monastère ?

L’Interprète : Ngo ntabwo haguye imvura nyinshi yatumaga impunzi zishaka kujya mu mazu y’ikigo cy’ababikira ?

le témoin 71 : Yaraguye nyinshi.

L’Interprète : Oui, il a plu abondamment.

Le Président : Quelqu’un a-t-il ouvert les portes du monastère pour que les réfugiés puissent se mettre à l’abri ?

L’Interprète : Hari umuntu wafunguye imiryango y’ikigo cy’ababikira kugirango impunzi zibashe kujya kugama ?

le témoin 71 : Barafunguye.

L’Interprète : Ils ont ouvert.

le témoin 71 : Hagiyemo bakeya,

L’Interprète : Et un petit nombre est entré,

le témoin 71 : Abandi dusigara hanze.

L’Interprète : Et nous autres, sommes restés dehors.

le témoin 71 : Njyewe no kumenya ko banakinguye bwo nanabimenye barangije no kongera gukinga.

L’Interprète : Moi-même, quand j’ai su qu’on avait ouvert ce camp, on avait déjà fermé.

le témoin 71 : Uretse ko gusa numvaga, abandi bavuga bati : « Natwe twabimenye hakinguye ntabwo twinjiyemo ».

L’Interprète : A part que d’autres disaient : « Nous-mêmes qui l’avons su à temps, n’avons pas pu entrer ».

Le Président : Se souvient-elle à qui les réfugiés ont demandé pour pouvoir rentrer dans les bâtiments ?

L’Interprète : Waba wibuka uwo impunzi zasabye kwinjira muri ayo mazu ?

le témoin 71 : Uwo zasabye kwinjira mu mazu ?

L’Interprète : Yee, uwo zabisabye.

le témoin 71 : Ntabwo njyewe uwo bayasabye nzi uwo ariwe, uretse kubumva gusa ariko ntabwo muzi.

L’Interprète : Personnellement, je ne sais pas à qui on a demandé, à part que je l’ai entendu seulement.

Le Président : Ne faisait-elle pas partie du groupe qui a demandé, à la directrice du couvent pour pouvoir rentrer ?

L’Interprète : Ntabwo uri mubasabye umuyobozi w’ikigo, uburyo mwashobora kwinjira ?

le témoin 71 : Ntabwo njye nigeze njya mu babisabye.

L’Interprète : Non, moi, je n’ai jamais fait partie de ceux qui lui ont demandé.

le témoin 71 : Sinigeze menya yuko banagiye kubisaba. Nagumye hanze imvura iranyagira.

L’Interprète : Je n’ai même pas su qu’on a été le demander. Je suis restée dehors, sous la pluie.

le témoin 71 : Twari benshi cyane turi kumwe n’abandi.

L’Interprète : Nous étions nombreux, j’étais avec d’autres.

Le Président : Après cette nuit sous la pluie, la directrice du couvent a-t-elle dit quelque chose, donc, le lendemain matin, le 19 avril, la directrice du couvent a-t-elle demandé quelque chose aux réfugiés ?

L’Interprète : Bucyeye bwaho, mwaraye munyagirwa n’iyo mvura, umuyobozi w’ikigo hari ikintu yigeze asaba impunzi ?

le témoin 71 : Yaje adusaba kuhava ngo dusubire hepfo kuri centre de santé.

L’Interprète : Elle nous a demandé de quitter les lieux et de retourner en bas, au centre de santé.

Le Président : La directrice dont elle parle, est-elle bien la sœur Gertrude qui se trouve dans les accusés ?

L’Interprète : Umuyobozi w’ikigo uvuga ni mama Gertruda uri hariya mu baregwa ?

le témoin 71 : Yee.

L’Interprète : Oui.

Le Président : A-t-elle donné une explication pour leur demander de retourner au centre de santé ?

L’Interprète : Hari icyo yigeze abasobanurira abasaba gusubira muri centre de santé, mu ivuriro ?

le témoin 71 : Yigeze adusobanurira ?

L’Interprète : Abasobanurira.

le témoin 71 : Kugirango tujye kuri centre de santé ?

L’Interprète : Yee.

Le Président : La directrice a-t-elle dit pourquoi ils devaient retourner au centre de santé ?

L’Interprète : Hari ubwo umuyobozi w’ikigo yigeze ababwira impamvu itumye mugombye gusubira ku ivuriro ?

le témoin 71 : Ubwambere aza, yaje atubwira ngo : « Nimumanuke mujye hariya hepfo dore muratera [Inaudible] mukabuza abari mu mahugurwa kwiyigira ». Ngo : « Ubundi murahunga iki ? ».

L’Interprète : La première fois, elle nous a dit de retourner là-bas puisque nous étions en train de gêner ceux qui suivaient leur session et puis, elle nous a demandé : « Qui, en fait, fuyez-vous ? ».

Le Président : Qui au fait fuyez-vous, c’est ça ?

L’Interprète : Oui : « Qui, au fait, fuyez-vous ».

Le Président : Les réfugiés ont-ils accepté de partir, de retourner au centre de santé ?

L’Interprète : Impunzi zemeye gusubira ku ivuriro ?

le témoin 71 : Ntabo nigeze mbona bemeye gusubirayo mu bantu bose bari bahari.

L’Interprète : Je n’ai vu personne qui a accepté de retourner, parmi tout le monde qui était là-bas.

Le Président : Qu’est-ce que la directrice a dit alors puisque les réfugiés ne bougeaient pas ?

L’Interprète : Ubwo ntawashakaga kuhava, umuyobozi w’ikigo yavuze ngwiki ?

le témoin 71 : Njye nahise mbona afashe imodoka,

L’Interprète : Je l’ai vue prendre une voiture,

le témoin 71 : Mbona hinjiyemo n’umuntu umwe, ngirango mu bari mu mahugurwa w’umugabo.

L’Interprète : Et j’ai vu aussi entrer dans cette voiture un homme que je pense qu’il était parmi ceux qui étaient au séminaire,

le témoin 71 : Ahita agenda.

L’Interprète : Et elle est partie immédiatement.

le témoin 71 : Nyuma yaje kugaruka, agarukanye n’abasirikare.

L’Interprète : Après, elle est revenue en même temps que les militaires.

le témoin 71 : Hanyuma abasirikare baratubwira ngo nituze, ngo nituze dufate ibintu byacu hanyuma tumanuke.

L’Interprète : Alors, les militaires nous ont dit de prendre nos effets et de descendre.

le témoin 71 : Ngo nitumara kubigeza hariya hepfo ngo tugaruke ngo hanyuma ngo tubasobanurire icyatuzanye ngo dukore n’inama tubyige.

L’Interprète : Et après avoir déposé nos effets, que nous revenions pour qu’ils nous tiennent une réunion et nous expliquent.

le témoin 71 : Ubwo twatangiye gufata ibintu tubimarura hepfo,

L’Interprète : Alors, nous avons pris nos effets et avons commencé à descendre avec.

le témoin 71 : Ntabwo inama nigeze mbona iba. Sinzi uko byabaye.

L’Interprète : Je n’ai jamais vu cette réunion se tenir et je ne sais pas ce qui s’est passé.

Le Président : N’y a-t-il pas eu, ce jour-là, un recensement, un regroupement par cellule, des réfugiés au centre de santé ?

L’Interprète : Uwo munsi ku ivuriro nta barura ryigeze rihaba, ngo abantu bagende babashyira mu matsinda bakurikije amaselire yabo ?

le témoin 71 : Ibarura ryarahabaye.

L’Interprète : Le recensement a eu lieu.

Le Président : Qui a demandé ce recensement et qui l’a fait ?

L’Interprète : Ninde wasabye ko iryo barura riba ? Ninde se warikoze, warikoresheje ?

le témoin 71 : Ninde wasabye ko riba ?

L’Interprète : Ninde wasabye ko riba ?

le témoin 71 : Uwasabye ko riba ntabwo nzi uwo ariwe.

L’Interprète : La personne qui a demandé que ce recensement ait lieu, je ne la connais pas.

L’Interprète : Ninde wabaruye ?

le témoin 71 : Habaruye abasore twari kumwe witwaga KABERA,

L’Interprète : La personne qui a fait ce recensement était un jeune homme qui était avec nous, du nom de Kabera,

le témoin 71 : Na Karido

L’Interprète : Ainsi que Karido.

le témoin 71 : Bo babaruraga nyine batubwira yuko ngo bababwiye ngo nibakore ibarura ry’abantu bahari ngo hanyuma ngo babone n’uko bazabaha imfashanyo ngo y’icyaba kibatunga mu gihe batarasubira mu ngo zabo.

L’Interprète : Alors qu’ils faisaient ce recensement, ils nous disaient que le but c’était que l’on sache qui est là, afin de donner assistance le temps qu’ils n’ont pas encore regagné leur domicile.

Le Président : A qui le recensement a-t-il été remis ?

L’Interprète : Iryo barura rirangiye, ibivuyemo, impapuro bazishyiriye nde ?

le témoin 71 : Bazijyanye mu babikira.

L’Interprète : Les papiers sur lesquels figuraient les résultats du recensement ont été apportés chez les sœurs.

Le Président : Par qui ?

L’Interprète : Ninde wazijyanye.

le témoin 71 :  Karido niwe wazijyanye ariko sinzi umukozi yazihaye umwe…

L’Interprète : C’est KARIDO qui les a pris mais je ne sais pas, je ne connais pas l’employé à qui il les a remis.

le témoin 71 : Yamanutse avuga ngo nzihaye umukozi, numvaga avuga ngo hari uwo azihaye, hanyuma ngo azishyikirize ababikira. Sinzi nimba ari umukozi nimba ari umubikira.

L’Interprète : Il nous disait : « Je viens de les remettre à un ouvrier ». Si c’est un ouvrier ou alors, si c’est à une sœur qu’il les a remis, je ne sais pas.

Le Président : Ce n’est pas aux militaires que le recensement a été remis ?

L’Interprète : Ntabwo izo mpapuro zahawe umusirikare ?

le témoin 71 : Ntabwo nzi nimba barazihaye umusirikare. Abasirikare bari bahari basubiye haruguru mu kigo, bari haruguru mu kigo ariko sinzi nimba barazimuhaye cyangwa batarazimuhaye.

L’Interprète : Je ne sais pas si on les a remis à un militaire. Les militaires étaient montés là-bas, au centre, je ne sais pas si on leur a donné ou pas.

Le Président : Le jour du recensement, avez-vous reçu de la nourriture ?

L’Interprète : Uwo munsi w’ibarura, hari ibiribwa mwahawe ?

le témoin 71 : Ntabyo.

L’Interprète : Non.

Le Président : Les jours suivants, avez-vous reçu de la nourriture ?

L’Interprète : Iminsi yakurikiyeho hari ibiribwa mwahawe ?

le témoin 71 : Ntabyo.

L’Interprète : Non.

Le Président : Le 19 avril, à part le recensement, s’est-il passé quelque chose d’autre de particulier ?

L’Interprète : Le 18 ? Kuri 18 usibye ibarura, nta kindi kintu kidasanzwe cyabaye ?

le témoin 71 : Kuri 18 ?

L’Interprète : C’est bien le 18 ?

Le Président : Le 19, pardon.

L’Interprète : Kuri 19. Kuri 19 usibye iryo barura nta kindi kintu kidasanzwe cyabaye ?

le témoin 71 : Kuri 19 ?

L’Interprète : Yee.

le témoin 71 : Kuri 19 ikintu kidasanzwe cyahabaye, n’abo bantu bashakaga kuza, urebye, ibyo aribyo byose bashakaga kuza kwiba amatungo. Bazaga batera amahane, bavuza ingoma, bavuza inzogera n’amafirimbi, nibyo numvise.

L’Interprète : Le 19, ce qui s’est passé d’anormal c’est les gens qui sont venus. En fait, ils voulaient piller les animaux domestiques, le bétail et ils venaient en sifflant et puis, en faisant du tambour et c’est ça que j’ai vu qui s’est passé.

Le Président : Le 20 avril, y a-t-il eu quelque chose de particulier cette fois-là ? Le 20 avril, c’est le mercredi.

L’Interprète : Kuri 20 bwo nta kintu cyabaye kidasanzwe ?

le témoin 71 : Ku itariki 20 ?

L’Interprète : Yee.

Le Président : Le 20 avril, c’est le mercredi.

L’Interprète : Ubwo hari kuwa gatatu. Kuri iyo tariki ya 20.

le témoin 71 : Yee, hari kuwa gatatu.

L’Interprète : Oui, c’était mercredi.

le témoin 71 : Icyo gihe kuwa gatatu… ibyo…

Le Président : En fin de journée, est-ce qu’il n’y a pas un camion qui est venu avec des sacs ?

le témoin 71 : Kuwa gatatu bateye grenade, baduteye grenade muri centre de santé.

L’Interprète : Oui, mercredi on a lancé une grenade au centre de santé.

Le Président : Est-ce qu’il n’y a pas aussi un camion avec des sacs, qui est venu ?

L’Interprète : Nta kamyo yigeze iza ipakiye imifuka ?

le témoin 71 : Baravuze ngo dore… icyo gihe njyewe ntabwo nayibonye, nari nagiye ahasubira hirya, abo twari kumwe numva baravuze ngo : « Umenya ya mfashanyo turi buyibone, tubonye imodoka izamukana ibintu ». Sinzi nimba ari kamyo.

L’Interprète : Je ne l’ai pas vu, j’étais un peu à côté mais ceux qui étaient avec moi m’ont dit : « Peut-être que cette assistance-là nous allons l’avoir. Nous voyons un véhicule venir ». Mais moi, je ne sais pas si c’était un camion.

Le Président : Le 21 avril, le jeudi 21 avril, les Interahamwe ont déjà commencé à faire des attaques ?

L’Interprète : Kuwa kane ku itariki ya 21, Interahamwe zari zatangiye gutera ?

le témoin 71 : Zari zatangiye gutera.

L’Interprète : Oui, ils avaient commencé à faire des attaques.

Le Président : Les réfugiés ne se sont-ils pas défendus en lançant des pierres vers les Interahamwe ?

L’Interprète : Impunzi ntabwo zagerageje kwirwanaho zitera izo nterahamwe amabuye ?

le témoin 71 : Twarabigeragezaga ariko bikatunanira.

L’Interprète : Nous avons essayé, mais sans succès.

le témoin 71 : Zo, icyo gihe zarateye amabuye ariko, natwe turayatera, bo bagerageza gutwara amatungo.

L’Interprète : Ils ont lancé des pierres, nous aussi, nous avons essayé,

le témoin 71 : Barayatwaye, hari n’abantu bamwe mubo twari kumwe bakomeretse icyo gihe, b’impunzi.

L’Interprète : Et ils ont pris du bétail et il y a même eu des blessés parmi les réfugiés.

Le Président : Les policiers communaux n’ont-ils pas tiré des coups de fusil pour faire peur aux Interahamwe ?

L’Interprète : Abapolisi ba komine, ntabwo bigeze barasa n’imbunda kugirango bakange izo nterahamwe ?

le témoin 71 : Ahongaho abapolisi ba komine bari bahari nyine nabo bagerageje kurasa mu kirere kugirango bazikange, ariko ntabwo bwazibujije gutwara.

L’Interprète : Oui, les policiers communaux étaient là, ils ont tiré en l’air pour faire peur aux Interahamwe mais cela ne les a pas empêchés de prendre du bétail.

Le Président : Que s’est-il passé le 22 avril, le vendredi 22 avril ?

L’Interprète : Kuri 22 bwo byagenze bite ? Kuwa gatanu kuri 22 z’ukwa kane?

le témoin 71 : Kuri 22, noneho ubwo baje ari benshi cyane, baragot’ahantu hose ku buryo nta hantu na hamwe wabonaga hatari umuntu. Wabonaga yaba ishyamba yaba ibindi biti byari aho bikikije aho hose, wabonaga ari abantu gusa, ku buryo nta giti cyari kikigaragara ko ari igiti uretse nko kurebera hejuru, ubundi wabonaga ari abantu gusa, ku buryo utabona itandukanirizo.

L’Interprète : Le 22 avril, ils ont encerclé, ils étaient tellement nombreux qu’on ne distinguait plus les arbres, partout il y avait les attaquants, partout.

le témoin 71 : Ubwo abantu bari bensi cyane, bafite intwaro zinyuranye nyinshi : arabafite imihoro, arabafite amacumu, arabafite ibyuma, arabafite amasasu, arabafite grenade, arabafite…

L’Interprète : Ils étaient tellement nombreux, il y en avait qui avaient des machettes, il y en avait qui avaient des lances, il y en avait qui avaient des grenades, il y en avait qui avaient des balles.

le témoin 71 : Baratangira batatera amabuye, baratera za grenade, bararasa, ubwo abapolisi nabo…

L’Interprète : Ils se sont mis à lancer des pierres, à lancer des grenades,

le témoin 71 : Abapolisi nabo bitwaga ngo baraturinze, bakajya barasa mu kirere, ubwo natwe tukarwana.

L’Interprète : Et les policiers qui étaient là, soi-disant pour nous protéger, tiraient en l’air,

le témoin 71 : Natwe tukarwana dutera amabuye,

L’Interprète : Et nous, nous essayions de nous défendre en lançant des pierres.

le témoin 71 : Hari harimo n’abafite imyambi bazi kurasa nabo bakarasa,

L’Interprète : Il y en avait même qui avaient des flèches et qui essayaient de tirer.

le témoin 71 : Bigejeje hagati noneho ba bapolisi barasaga mu kirere, batangira kurasa abantu bamwe mubo twari kumwe.

L’Interprète : Après, ces policiers-là qui tiraient en l’air, se sont mis à tirer sur des personnes qui étaient avec nous.

Le Président : Des gens se sont-ils réfugiés dans le garage du centre de santé ?

L’Interprète : Ubwo abantu bahungiye mu igaraji y’ivuriro ?

le témoin 71 : Ubwo twabonye bikomeye nyine duhita bamwe duhungira mu igaraji.

L’Interprète : Quand nous avons vu que ça n’allait plus, certains d’entre nous avons commencé à nous enfuir vers le garage.

le témoin 71 : Tumaze kugera mu igaraji bahise barikinga.

L’Interprète : Une fois dans le garage, ils l’ont immédiatement fermé.

Le Président : Vous-même, Madame, êtes-vous rentrée dans le garage ?

L’Interprète : Wowe ubwawe winjiyemo imbere mu igaraji ?

le témoin 71 : Njyewe ninjiyemo.

L’Interprète : Oui, je suis entrée dedans.

Le Président : Dans les chefs des Interahamwe, a-t-elle reconnu quelqu’un ?

L’Interprète : Mu bari bayoboye interahamwe, hari uwo wamenyemo ?

le témoin 71 : Uwo namenyemo ni REKERAHO kuko nabonaga ariwe uvugira muri micro. Navuga ko ariwe muntu mukuru.

L’Interprète : La personne que j’ai reconnue, que je qualifierais de chef de l’attaque, c’est REKERAHO puisqu’il parlait dans un micro.

Le Président : REKERAHO avait un drapeau aussi sur son dos ou en main ?

L’Interprète : REKERAHO hari ibendera yari afite mu mugongo cyangwa se mu ntoki ze ?

le témoin 71 : Yari arifite.

L’Interprète : Oui, il l’avait.

Le Président : Avec REKERAHO, est-ce qu’il n’y avait pas aussi un certain Gaspard RUSANGANWA ?

L’Interprète : Nta muntu witwa Gaspard RUSANGANWA wari kumwe na REKERAHO ?

le témoin 71 : Nawe yarahari.

L’Interprète : Lui aussi était là.

Le Président : Quelqu’un a-t-il mis le feu au garage ?

L’Interprète : Hari umuntu watwitse igaraji ?

le témoin 71 : Twamaze kugera mu igaraje, tumaze gushyiraho urugi, urugi turarutsikamira turarukomeza turarufata.

L’Interprète : Après avoir été dans le garage, nous avons fermé la porte et nous l’avons pris fort, de nos bras.

le témoin 71 : Interahamwe ziraza, zabanje kwica abagaragara imbere bari hanze,

L’Interprète : Les Interahamwe ont commencé par tuer ceux qui étaient visibles et qui étaient dehors,

le témoin 71 : Nyuma baza kuvuga ngo : « Kandi sha, na hariya higeze kwinjiramo abantu, hahoze hakinguye ».

L’Interprète : Et puis, ils ont dit : « Là-bas, il y a aussi des gens qui sont entrés dedans, avant c’était ouvert ».

le témoin 71 : Ubwo nubwo barimo kubivuga barimo n’abadamu bafite abana, abana batangira kurira kubera n’ubushyuhe bwari burimo, bati « Koko harimo abantu ».

L’Interprète : Alors qu’ils le disaient, il y a une dame qui avait un enfant, alors l’enfant s’est mis à pleurer à cause de la chaleur qui était dedans et ils ont dit : « Ah, c’est vrai, il y a des gens là-dedans ».

le témoin 71 : Bahise basunika urugi,

L’Interprète : Ils ont immédiatement poussé la porte,

le témoin 71 : Basunitse urugi rurabananira kubera ko natwe twari turutsikamiye.

L’Interprète : Mais ils ne sont pas parvenus à la pousser puisque nous-mêmes, nous la fermions de notre force.

le témoin 71 : Rumaze kubananira, batangira kuduhamagara, bavuga ngo : « Abantu murimo aho nimusohoke mugire vuba, abandi bo twabishe, ariko mwe nimusohoke tubakize ».

L’Interprète : Après avoir échoué, ils nous ont appelés, ils nous ont dit : « Vous qui êtes là-dedans, sortez, les autres nous les avons tués, vous autres, sortez, nous allons vous épargner ».

le témoin 71 : Twanga gusohokamo, tugumamo, barwana narwo, bagerageza no kururasa bibaza yuko hari kare yenda twaba dufite urufunguzo ngirango niko bibajije. Ariko ntarwo twari dufite ngo rufunguke.

L’Interprète : Subiramo buhoro.

le témoin 71 : Bo bageragije kururasa,

L’Interprète : Ils ont même essayé de tirer sur la porte,

le témoin 71 : Barurashe ruranga, rwanga gukinguka kuko ari twe twari turutsikamiye.

L’Interprète : Mais ils n’ont pas pu puisque c’est nous qui la fermions.

le témoin 71 : Hari n’isasu barashe rifata umuntu umwe mu bari barutsikamiye,

L’Interprète : Et même une des balles qu’ils ont tirée a atteint un des hommes qui de leurs forces fermaient la porte.

le témoin 71 : Ariko ngirango ntabwo yahise apfa ako kanya, sinzi nimba yarahise apfa ako kanya kuko nabonaga agihumeka. Ahirita.

L’Interprète : Je pense qu’il n’est pas mort immédiatement puisqu’il respirait encore, il agonisait.

le témoin 71 : Ubwo byarabananiye, noneho numva REKERAHO ahise avuga ngo : « Dis, nimba mwanze gusohoka, niye kuzana lisensi, kandi turabatwika ».

L’Interprète : Ils ont échoué et puis, quand ils ont échoué, j’ai entendu REKERAHO dire : « Si vous ne voulez pas sortir, je vais amener de l’essence et nous allons vous brûler ».

le témoin 71 : Ngo : « Uwumva adashaka gutwikwa, nagire vuba yisohokere, n’aho ubundi bitabaye ibyo, turabatwikiramo ».

L’Interprète : « Que quiconque qui ne veut pas être brûlé sorte de son propre gré, autrement nous allons vous brûler dedans ».

le témoin 71 : Ngo : « Arushaka kwicishwa isasu, nasohoke tumurase yipfire vuba, naho ubundi ni hahandi hanyu, ntawe uribusigare ».

L’Interprète :  « Si quelqu’un veut être tué d’une balle, qu’il sorte et que nous le tuons, qu’il meure rapidement de telle façon, nous allons vous tuer, il n’y aura pas de survivants ».

le témoin 71 : Ubwo ntawigeze akingura.

L’Interprète : Alors, personne n’a ouvert.

le témoin 71 : Ahita abwira izo nterahamwe ngo : « Dis, nimubihorere, ahubwo mucukure aho ku ruhande, hanyuma turajya kuzana lisense ruguru aha, hari bashiki bacu bagomba kuyiduha ».

L’Interprète : Il a dit à ces Interahamwe : « Vous pouvez les laisser, plutôt que creusez un trou là-bas, moi, je monte là-bas chez les sœurs, nous y avons des sœurs, je vais leur demander de l’essence et elles vont nous donner ».

le témoin 71 : Ubwo we yahise azamuka, ajya kuzana lisansi abandi basigara bacukura.

L’Interprète : Alors, lui est monté chercher de l’essence et les autres sont restés en train de creuser.

le témoin 71 : Ubwo yamanutse asanga umwobo barangije kuhabomora, bahagushijemo, hari umwenge.

L’Interprète : Quand il est revenu, ils avaient déjà terminé le trou, il y avait un trou qui traversait.

Le Président : Un trou dans le mur du garage ou un trou dans la porte du garage ?

L’Interprète : Uwo mwobo wari mu rukuta rw’igaraji cyangwa wari mu rugi rw’igaraji ?

le témoin 71 : Umwobo wari mu rukuta rw’igaraji, naho ku rugi ho har’imyenge y’amasasu.

L’Interprète : Oui, le trou était dans le mur du garage tandis que d’autres trous de balles étaient dans la porte.

le témoin 71 : Lisanse ubwo, hamaze akanya gato, lisensi iba iramanutse. Mpita numva ngo : « Lisansi yabonetse dore bashiki bacu barayituzaniye ».

L’Interprète : Après un court instant, l’essence était là et nous l’avons entendu dire : « Bon, l’essence est maintenant disponible, nos sœurs nous l’apportent ».

le témoin 71 : Twahise tugerageza kurunguruka muri wa mwobo bacukuye, ndebye mpita mbona koko, ababikira babiri, mbona nawe,

L’Interprète : Alors, nous avons essayé de regarder à travers le trou qu’ils avaient creusé et à ce moment-là, j’ai vu deux sœurs et lui,

le témoin 71 : Mbona nawe, RUSANGANWA Gaspard n’umuhungu we yari abari iruhande witwa Dawudi,

L’Interprète : Je l’ai vu alors, RUSANGANWA Gaspard et le fils de ce dernier, du nom de David.

le témoin 71 : Ubwo REKERAHO yahise avuga ngo : « Wowe sha, wowe zamuka ube wakiriye n’aka kabido hanyuma utangire akazi ».

L’Interprète : REKERAHO a dit : « Eh toi, le gars, vas là-bas recevoir ce bidon d’essence pour que le travail commence ».

le témoin 71 : Uwo yahise, hahise hazamuka umuhungu witwa BYOMBOKA ahita yakira ka bido ka lisensi. Ubwo twahise tubona ko rero birangiye

L’Interprète : Alors, est parti un garçon du nom de BYOMBOKA qui a reçu l’essence et nous avons vu que c’était fini.

le témoin 71 : Twahise tubona ko duhiye birangiye,

L’Interprète : Nous avons vu que nous allions brûler, c’était fini.

le témoin 71 : Duhita dutangira kuvuga duti : « Reka dukingure bataradutwika ».

L’Interprète : Nous nous sommes dit : « Ouvrons la porte avant qu’on nous brûle ».

le témoin 71 : Dutangiye gukingura biratunanira. Naho ubwo nabo bari bakingiye inyuma.

L’Interprète : Quand nous avons essayé d’ouvrir, nous n’avons pas pu, puisqu’eux aussi avaient fermé de derrière.

le témoin 71 : Bagiye kuzana lisansi barangije gukingira inyuma.

L’Interprète : Ils avaient déjà fermé par derrière quand ils sont allés chercher de l’essence.

le témoin 71 : Kandi n’uwo mwanya bacukuyemo ari mutoya, umuntu ataseseramo.

L’Interprète : En plus, le trou qu’ils avaient creusé n’était pas suffisamment grand pour qu’on puisse pénétrer à travers.

le témoin 71 : Bamwe batangiye gutemagura urugi, mubo twari kumwe, muri iryo garaji.

L’Interprète : Les uns ont commencé à découper la porte, et les uns parmi ceux qui étaient avec nous, dans ce garage-là.

le témoin 71 : Ubwo wawundi nawe wakiriye lisansi aba arayizanye ayiroshyemo, amenye, acishije kuri wa mwenge,

L’Interprète : Alors, la personne qui avait reçu de l’essence venait de la verser dedans, à travers le trou,

le témoin 71 : N’umuriro utangiye kuba mwinshi.

L’Interprète : Et le feu a commencé à devenir grand.

le témoin 71 : Ubwo umuriro uba utangiye kwinjiramo, natwe ariko, ariko batemagura urugi kugirango turebe uko twasohoka tujye hanze,

 L’Interprète : Le feu commençait à atteindre l’intérieur alors que nous, on essayait de découper la porte pour voir comment aller dehors,

le témoin 71 : Ubwo bamaze kurutema, uwambere yarasohotse, asohotse bahita bamukubita impiri ahita agwa aho, nanjye bankubita imiri mu gahanga, nikubita hasi. Ubwo baba bazanye indi lisansi noheho yo…

L’Interprète : La porte a été découpée et le premier qui était sorti a été accueilli par un coup de massue et puis, il est tombé là-bas, moi aussi, qui suivais, j’ai reçu un coup de massue au front.

le témoin 71 : Ariko ubwo muri icyo gihe batemaga urugi bahise babona yuko barimo kurutema naho babazanyeho lisansi yo kubatwika nyine. Ubwo nasohotsemo nanjye muri icyo gihe.

L’Interprète : Alors qu’on découpait la porte, eux avaient vu qu’on découpait la porte et avaient déjà versé de l’essence là-dessus.

le témoin 71 : Nasohotsemo icyo gihe ariko habanje no gusohokamo abandi benshi, harimo n’umukobwa witwa Regina KAWESEGE

L’Interprète : Je suis sortie à ce moment-là mais il y en a d’autres qui étaient sortis un peu avant, dont une fille du nom de KAWESEGE Régine.

le témoin 71 : Ubwo baba bamukubise icumu agwa hafi ya wa muriro, birukanka bajya kumusonga. Ubwo nanjye nahise nirukanka,

L’Interprète : A celle-là, on lui a donné un coup de lance et elle est tombée près de ce feu-là et moi aussi, j’ai suivi en courant.

le témoin 71 : Mu gihe barimo kumukubita ubwo nanjye nabaye nk’usohokamo nsimbuka nirukanka ngwa hirya, nsohokamo mbamuka ku maboko n’imyenda, mpita nyikura, nsa nuyishishimura…

L’Interprète : Alors qu’ils l’achevaient, moi-même, je suis sortie mais j’avais déjà pris feu et mes habits qui brûlaient, je les ai enlevés et je les ai jetés à côté.

le témoin 71 : Kari agashati, n’uko kari gafashwe konyine nari nambaye, ubundi mpita ngashishimura kagwa nka hariya nanjye…

L’Interprète : C’était déjà ma chemisette qui brûlait et puis, je l’ai enlevée et je l’ai jetée à côté.

le témoin 71 : Nanjye mba nguye hirya bankubise ibuye nikubita hasi,

L’Interprète : Moi-même, j’ai reçu un coup de pierre et je suis tombée de l’autre côté.

le témoin 71 : Ubwo nyuma bahita baza bankubitaho n’impiri hano mu gahanga.

L’Interprète : Après, ils sont revenus et ils m’ont donné un coup de massue au front.

le témoin 71 : Ubwo nahise ndyama, nikubita hasi nubitse inda,

L’Interprète : Je me suis couchée sur mon ventre, je suis tombée sur mon ventre.

le témoin 71 : Nyuma haje kuza undi noneho, araza, nubitse inda, numva ahise atema mu mutwe.

L’Interprète : Alors que j’étais sur mon ventre, un autre est venu et m’a coupé dans la tête.

le témoin 71 : Amaze gutema mu mutwe, nahise nzamur’amaboko gutya nyagereka aho batemye, hanyuma nayo, haza undi numva akubise impiri, arahonda honda hose no mu mugongo.

L’Interprète : Après avoir senti qu’on me coupait, j’ai essayé de me protéger la tête avec mes mains et puis, je sentais qu’un autre me donnait des coups de massue, partout dans le dos.

Le Président : Avez-vous vu, vu de vos yeux, les sœurs qui auraient apporté de l’essence ?

L’Interprète : Wowe ubwawe, n’amaso yawe waba wariboneye ababikira bazanye lisansi ?

le témoin 71 : Narababonye.

L’Interprète : Je les ai vues.

Le Président : Comment les avez-vous vues ? Par une fenêtre ? Par un trou de balle dans la porte ?

L’Interprète : Wababonye ute ? Wababoneye mu idirishya ?

Le Président : Par un trou de balle dans la porte ?

L’Interprète : Wababoneye se mu mwobo isasu ryari ryaciye mu rugi ?

le témoin 71 : Njyewe nababoneye mu mwobo bari bacukuye ku rukuta rw’igaraji.

L’Interprète : Je les ai vues à travers le trou qu’ils avaient fait dans le mur du garage.

Le Président : Qui étaient ces deux sœurs ?

L’Interprète : Abo babikira babiri bari bande ?

le témoin 71 : Yari Kizito na Mameya.

L’Interprète : C’étaient Kizito et la mère supérieure.

Le Président : Avez-vous vu les bidons d’essence ou le bidon d’essence ?

L’Interprète : Wabonye ikijerikani cyangwa se ibijerikani birimo lisensi ?

le témoin 71 : Ntabwo nabonaga ari ibijerikani, nabonaga ari utubido.

L’Interprète : Je ne voyais pas que c’étaient des jerricanes, c’étaient des bidons.

Le Président : Il y en avait combien ?

L’Interprète : Byari bingahe ?

le témoin 71 : Nabonaga tubiri.

L’Interprète : C’étaient deux.

le témoin 71 : Umwe nabonaga afite kamwe undi afite akandi, niba inyuma hari abandi badufite, ibyo ntabyo nzi.

L’Interprète : Je voyais que l’une avait un bidon et que l’autre avait un autre, et si derrière il y en avait d’autres qui en avaient d’autres, là, je ne sais pas.

Le Président : Vous souvenez-vous de la couleur des bidons ?

L’Interprète : Waba wibuka ibara ry’utwo tubido ?

le témoin 71 : Ntabwo ibara nigeze ndyitaho kurikurikira.

L’Interprète : Je n’ai pas fait attention quant à la couleur.

Le Président : Comment avez-vous pu échapper à Sovu ?

L’Interprète : Wabashije kurokoka i Sovu ute ? Wakize ute ubwicanyi bw’i Sovu ?

le témoin 71 : Njyewe kurokoka ubwo bwicanyi bw’i Sovu, narayemo uwo munsi,

L’Interprète : La façon dont j’ai échappé, j’ai passé, là-bas, la nuit.

le témoin 71 : Uwo munsi bakimara kunkubita nagumyemo ariko kugeza ni mugoroba. Naje kuzanzamuka ni mugoroba.

L’Interprète : Ce jour-là, je suis restée dedans, quand j’ai repris connaissance, c’était le soir.

le témoin 71 : Njye nkimara kuzanzamuka sinanibajije ko ari nimugoroba ahubwo nari nagize ngo ni bukeye, uwundi munsi, kubera ko mbere nari nabanje guta ubwenge.

L’Interprète : Après avoir repris connaissance, je n’ai même pas réalisé que c’était le soir, je pensais que c’était le soir du lendemain, car avant, j’avais commencé par perdre connaissance.

le témoin 71 : Kubera ko, naje kubaza bamwe mu bari basigaye nabo batapfuye ahongaho, ndavuga nti : « Ariko ubundi mwari muri hehe ? »

L’Interprète : Et puisque j’ai demandé aux autres qui avaient pu échapper, qui étaient là, je leur ai demandé : « Vous, où étiez-vous ? ».

le témoin 71 : Bati : « Twebwe abasirikare bari badutwaye batubeshya ngo baratujyanye ».

L’Interprète : Ils ont dit que les militaires les avaient amenés et les avaient trompés en disant qu’ils les amenaient.

le témoin 71 : Nti reka, nti nabonye na Kizito na Mameya barimo gutemberana na RUSANGANWA hano, nti Kizito aravuga ngo : « Ariko ngo naho babishe neza ».

L’Interprète : J’ai dit que, moi-même, j’ai vu Kizito qui circulait là-bas avec RUSANGANWA et Kizito qui disait : « On les a tués d’une belle mort, on les a bien tués ».

le témoin 71 : Ngo : « Naho babishe neza, n’amafaranga bashwanyaguje, ubundi ubu babuze inshuti y’abaturanyi bari bafite babe bayamusigira yenda azayabahe ? ».

L’Interprète : « Vous voyez cet argent-là qu’ils ont déchiré, est-ce qu’ils n’avaient pas des voisins à qui ils auraient dû le confier pour qu’ils leur remettent ? ».

le témoin 71 : Abandi baravuga ngo : « Natwe twasize bari bamanutse, twabahasize ».

L’Interprète : Les autres ont dit : « Nous-mêmes, nous les avons laissés là-bas alors qu’ils descendaient».

le témoin 71 : Nti : « Ariko ubundi, ubu ni gihe ki ? ».

L’Interprète : Alors, j’ai demandé : « En fait, c’est quand ? ».

le témoin 71 : Ngo : « Reka ni kumugoroba ». Nti : « Njye nagize nti bwakeye ahubwo ni ku wundi munsi ».

L’Interprète : Ils ont dit : « Non, ce n’est que le soir ». Et moi, j’ai dit : « Je pensais que c’était le lendemain ».

le témoin 71 : Nti : « Ese ubundi mwe bari babajyanye hehe ? ». Ngo : « Bari batubwiye ngo batujyanye i Butare ».

L’Interprète : J’ai demandé : « Où est-ce que vous nous emmenez ? ». Ils ont répondu, on nous disait qu’on nous emmenait à Butare.

le témoin 71 : Ngo : « Ariko ntaho batujyanye ».

L’Interprète : Mais ils ne nous ont emmenés nulle part.

le témoin 71 : Bwarakeye mu gitondo,

L’Interprète : Alors, le lendemain,

le témoin 71 : Numva bamwe mu bari bakiri bazima barimo kuvuga ngo :

L’Interprète : J’ai entendu ceux qui étaient encore vivants, dire :

le témoin 71 : « Uzi ko na ba babikira ba hano haruguru bihungiye ? ».

L’Interprète : « Vous savez, même les sœurs de là, en haut, se sont enfuies ».

le témoin 71 : Noneho abandi bati : « Ese barahunga iki, ntacyo bahunga, ese ibyo bakoze ntibabizi ? ».

L’Interprète : Et les autres de répondre : « Elles ont fui, qu’est-ce qu’elles ont fui ? Est-ce qu’elles ne savent pas ce qu’elles ont fait ? ».

le témoin 71 : Ndavuga nti : « Ariko se ubundi imiryango yari irimo, y’ababikira bahari, nabo babahunganye ? ».

L’Interprète : Et alors j’ai demandé : « Est-ce que les membres des familles des religieuses qui étaient là-bas, est-ce qu’eux aussi ont fui avec elles ? ».

le témoin 71 : Abandi bati : « Nta bantu tubonyemo batari ababikira, n’ababikira gusa ».

L’Interprète : Et les autres m’ont répondu : « Nous n’avons vu personne, seulement les sœurs ».

le témoin 71 : Ubwo bwamaze gucya, bigejeje nko mu masaa mbili,

L’Interprète : Alors, le lendemain, vers 8h,

le témoin 71 : Nkeka ko ubwo hari nka saa mbili mbega mbona interahamwe zirongera zirakorakoranye hose, abantu barakorakoranye benshi cyane,

L’Interprète : Je pense que c’était autour de 8h, alors, j’ai vu beaucoup d’Interahamwe venir partout, se rassembler de partout,

le témoin 71 : Ubwo hazamo umupolisi witwaga Matiyasi, n’umusirikare nako,

L’Interprète : Parmi eux était un policier du nom de Mathias, pardon, c’était un militaire,

le témoin 71 : Araza, aravuga ngo :

L’Interprète : Il est venu, il a dit :

le témoin 71 : « Abantu mukiri bazima mwese »,

L’Interprète : « Vous autres qui êtes encore vivants »,

le témoin 71 : « Njyewe ndashaka kubakiza, nkabajyana i Butare, ngo hari ahantu bashaka kubashyira »,

L’Interprète : « Je vais vous sauver en vous emmenant à Butare, on va vous rassembler quelque part »,

le témoin 71 : « Abapfuye barapfuye, abasigaye bakiri bazima, mwese mugende mwibara abantu 30 »,

L’Interprète : « Que ceux qui sont morts sont morts, mais que ceux qui vivent encore se groupent par nombre de 30, car »,

le témoin 71 : « Kubera ko hari bus batanga igomba kubajyana ikabageza ahongaho ».

L’Interprète : « On a donné un bus qui doit vous transporter jusque-là ».

le témoin 71 : Ubwo abantu 30 baribaze,

L’Interprète : Alors, on s’est compté par nombre de 30,

le témoin 71 : Ahita abashorera, arabamanukana.

L’Interprète : Et lui les a conduits, il est descendu avec.

le témoin 71 : Amaze kubamanukana, ageze hepfo, bageze hepfo nko kuri kwa CONFIGI, numvaga njyewe ari nko kuri CONFIGI, kubera ko,

L’Interprète : Et un peu plus, je pense, aux environs de la CONFIGI,

le témoin 71 : Bamwe bavugaga ngo yabagejeje ngo kwa procureur.

L’Interprète : Les uns disaient qu’il les a emmenés jusque chez le procureur.

le témoin 71 : Ubwo numva njyewe isasu rihise rivuga.

L’Interprète : J’ai entendu une balle siffler.

le témoin 71 : Arongera ararasa numva arakomeje arashe amasasu menshi noneho,

L’Interprète : Il a tiré encore, et puis j’ai entendu qu’il a tiré plusieurs balles,

le témoin 71 : Mu minota mike cyane aba arazamutse.

L’Interprète : Et après une poignée de minutes, il est remonté.

le témoin 71 : Aravuga ngo : « Reka abo njyanye bari bagiye kubica hanyuma none mbonye mbageza muri busi, nimugire vuba hibare abandi, hari n’indi isigaye inyuma, niko abo bavuze ».

L’Interprète : Il a dit : « Ceux que je viens de prendre là-bas ont risqué d’être tués mais je viens de les faire monter dans un bus. Que d’autres se comptent encore. On a dit qu’il y a un autre bus derrière, qui arrive ».

Séraphine MUKAMANA : Ubwo njyewe nahise mpaguruka, nabyimba-ganye mu maso hose n’amaboko, nanatutubikanye,

L’Interprète : Alors, je me suis levée alors que j’étais toute en sueur et que mon visage ainsi que les bras, avaient gonflé,

le témoin 71 : Nanatutubikanye kubera ubushye.

L’Interprète : Et que je suais à cause des brûlures.

le témoin 71 : Ubwo ngubwo ndavuga nti : « Ariko Matiyasi, ariko ubu wowe, abo ujyanye, ntabwo mubishe ? Ubwo ntabwo usize abandi barimo kubica, abandi ntunabarashe ? ».

L’Interprète : Alors, je lui ai dit : « Mathias, c’est toi, ceux que tu viens de prendre, n’est-ce pas, qu’on vient de les tuer et que toi-même, tu as tiré dessus »,

le témoin 71 : Nti : « Watwiciye ahangangaha ukareka kutwica nabi, wanatugendesheje ? ».

L’Interprète : « Pourquoi tu ne nous tues pas ici au lieu de nous tuer mal, même après nous avoir fait marcher ? ».

le témoin 71 : Ngo : « Reka ntabo nishe, mbagejeje muri busi, uretse ko bashakaga kubica, hanyuma nkarasa kugirango bahunge ».

L’Interprète : Il a dit : « Je ne les ai pas tués, je les ai fait monter dans un bus, à part qu’ils voulaient les tuer et que moi, j’ai tiré pour qu’ils puissent s’enfuir ».

le témoin 71 : Mu gihe turimo kubivugana gutyo, hahise haza umuhungu witwa le témoin 151, ahita amfata, ankuramo.

L’Interprète : Alors que je lui disais ça, est venu un jeune homme du nom du témoin 151 et il m’a tirée à l’écart.

le témoin 71 : Arambwira ngo wowe, ubwo ngirango yari yabanje kubisaba Matiyasi. Mathias ariko hagati aho nawe yarambwiye,

L’Interprète : Il m’a dit, je pense qu’il avait demandé à Mathias et Mathias aussi m’avait dit,

le témoin 71 : Yarambwiye ngo : « Woweho, nta nubwo nakwirirwa nkujyana, kuko wowe n’ubundi ntabwo uteze kubaho ».

L’Interprète : Il m’a dit : « Toi-même, je ne peux même pas t’emmener puisque, de toute façon, tu ne peux pas survivre ».

le témoin 71 : Ngo : « Umuntu umeze gutyo ubundi wowe nakujyana hehe ? Nta nubwo nabona aho ngutwara kubera ko harimo abantu bazima gusa ».

L’Interprète : Il m’a dit : « Dans cet état, où est-ce que je peux t’emmener, je ne sais même pas où te mettre puisqu’il n’y a que des personnes vivantes là-bas, il n’y aura que des personnes vivantes ».

le témoin 71 : Araza arambwira ati : « Mama wawe ari mu rugo iwacu, arambwiye ngo nshakishe ukuntu nabona umwana ukiri muzima noneho muzane, muzane iwacu ».

L’Interprète : Alors, le témoin 151 m’a dit : « Ma mère est chez nous, à la maison ». Il m’a dit de venir voir s’il y a un de ses enfants qui serait encore vivant, que je l’emmène là-bas.

le témoin 71 : Ubwo le témoin 151 yaranjyanye, anjyana iwe,

L’Interprète : Alors le témoin 151 m’a emmenée chez lui.

le témoin 71 : Angejeje iwe, aravuga, kuko iwabo ari hafi y’ikigo cy’ababikira,

L’Interprète : Une fois chez lui, comme chez lui c’était tout près du couvent des sœurs,

le témoin 71 : Ati : « Ubungubu interahamwe zimeze nabi cyane, ntabwo nahita mugushyira, we ari iwacu, niho ari, none… »

L’Interprète : Il a dit : « Les Interahamwe font rage et on ne peut pas te l’amener tout de suite, elle est chez nous ».

le témoin 71 : Ahita avuga ati : « Ndakujyana nimugoroba mugushyire, hanyuma nawe arare akujyanye iwabo ».

L’Interprète : Il m’a dit : « Je vais te l’amener ce soir, ainsi la même nuit, pour qu’elle-même t’amène chez elle ».

Le Président : Combien de membres de votre famille sont-ils morts à Sovu ?

L’Interprète : Abantu bo mu muryango wawe baguye i Sovu ni bangahe ?

le témoin 71 : Abo muryango wanjye ?

L’Interprète : Yee, vugiramo hano.

le témoin 71 : Nari mfite ba data bacu barindwi,

L’Interprète : J’avais sept oncles paternels.

le témoin 71 : Muri abo barindwi batanu bari bubatse bose bagiye bafite abana.

L’Interprète : Parmi les sept, cinq avaient fondé des foyers et avaient des enfants.

le témoin 71 : Mu rugo iwacu kwa papa ho, twari abana icyenda,

L’Interprète : A la maison de mon père, nous étions au nombre de neuf enfants.

le témoin 71 : Muri abo bana icyenda, turiho turi abana batatu, na mama.

L’Interprète : Parmi les neuf, nous sommes survivants, nous sommes trois enfants et notre mère.

le témoin 71 : Abandi barapfuye.

L’Interprète : D’autres sont morts.

le témoin 71 : No kwa data wacu keretse data wacu umwe washigaje abana nawe bane.

L’Interprète : Du côté de mes oncles paternels, sauf un oncle paternel, dont quatre enfants ont survécu.

Le Président : Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Maître FERMON ?

Me. FERMON : Une seule, Monsieur le président. Quand REKERAHO a dit : « Nos sœurs sont venues en aide, le travail peut commencer ». Est-ce que c’est quelque chose qu’il crie par son haut-parleur ou est-ce que c’est quelque chose qu’il a dit à proximité et qu’elle a entendu comme ça ?

Le Président : Lorsque vous avez entendu REKERAHO dire : « Nos sœurs nous sont venues en aide », est-ce quelque chose que REKERAHO criait dans son porte-voix ?

L’Interprète : Ubwo wumvishe REKERAHO avuga ngo : « Bashiki bacu batugobotse », wumvaga abivugira muri micro ?

le témoin 71 : Avuga ngo bashiki le témoin 2 barabagobotse ?

L’Interprète : Yee, yabivugiraga muri micro ?

Le Président : Il avait le micro, il a crié ça dans le micro ?

L’Interprète : Ibyo yabivugiye muri micro ?

le témoin 71 : Ibyo ngibyo numvaga atari muri micro avugiramo.

L’Interprète : Non, quand j’ai entendu ça, j’entendais que ce n’était pas dans un porte-voix qu’il parlait.

Le Président : Il était tout près de l’endroit où elle se trouvait dans le garage ?

L’Interprète : Yari yegereye hafi yaho wari uri mu igaraje ?

le témoin 71 : Yari hafi yaho, numvaga ari hafi yaho.

L’Interprète : Oui, j’entendais que c’était tout près de là-bas.

le témoin 71 : Uretse ko ntamurebaga kuri icyo gihe.

L’Interprète : A part que je ne le voyais pas à ce moment-là.

Le Président : Mais, par contre, les sœurs, elle les voyait ?

L’Interprète : Ababikira bo warababonaga ?

le témoin 71 : Nahise njya kubareba nyine turungurukira aho mu mwenge.

L’Interprète : Je suis immédiatement partie les voir quand elle a dit ça, je suis immédiatement partie les voir, à travers le trou.

Le Président : Une autre question ? S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Madame, confirmez-vous les déclarations que vous venez de faire maintenant ?

L’Interprète : Urahamya ibyo umaze kuvuga ubu ?

le témoin 71 : Ndabihamya.

L’Interprète : Je le confirme.

Le Président : Vous pouvez vous retirer maintenant tout en restant administrativement à la disposition de la Cour pour assurer votre retour au Rwanda.

L’Interprète : Ushobora kwigendera ariko ukaba waboneka igihe cyose urukiko rwagukenera, kugirango rutegure iby’urugendo rwawe rusubira mu Rwanda.

Le Président : La Cour vous remercie.

L’Interprète : Urukiko ruragushimiye.

le témoin 71 : Nanjye ndabashimiye.

L’Interprète : Je vous remercie aussi,

le témoin 71 : Uretse ko hari n’ikindi nakongeraho.

L’Interprète : A part que j’ai une chose à ajouter.

le témoin 71 : Hari data wacu wakoragayo aho mu babikira,

L’Interprète : J’ai mon oncle paternel qui travaillait là-bas, chez les sœurs.

le témoin 71 : Ibintu byose yari yabashije kutubwira ngo tudakenera gukoresha ahongaho turi ngo tubizane ajye kubitubikishiriza mu kibikira,

L’Interprète : Il nous avait dit qu’il allait nous faire garder tous les effets dont nous n’avions pas besoin, chez les sœurs.

le témoin 71 : Ibyo byose nta na kimwe twigeze tubona.

L’Interprète : De toutes ces choses-là, nous n’avons rien vu.

le témoin 71 : Murakoze.

L’Interprète : Je vous remercie.

Le Président : Merci, à elle aussi.

L’Interprète : Nawe baragushimiye.

Le Président : Il y a sans doute un commentaire, Maître WAHIS ?

Me. WAHIS : Je vous remercie, Monsieur le président. Avec permission, un petit commentaire pour montrer au jury, l’évolution des versions qui est un exemple extrêmement parlant dans le cadre de ce témoin. Je vais m’attacher uniquement aux faits du 22 avril, donc à ce fameux incendie du garage. Dans sa toute première version auprès des enquêteurs d’African Rights, il n’est pas question, à une seule ligne de sa déclaration, de la présence des sœurs, le 22 avril lors de l’incendie du garage. Seconde version, le 29 septembre 1995, il est question uniquement de sœur Kizito qui portait des galons d’essence, on ne parle pas de sœur Gertrude. Neuf jours plus tard, nouvel interrogatoire devant Monsieur DELVAUX. A ce moment-là, c’est toujours sœur Kizito, il y a un bidon, ce ne sont plus des galons, c’est un bidon et elle précise ceci : « Vous me posez la question de savoir si pendant les tueries du centre de santé, j’ai vu Gertrude, je ne l’ai pas vue ». La réponse est très claire. Troisième version, lorsqu’elle est interrogée par Monsieur TREMBLAY en février 1999. Là, elle voit deux sœurs, mais elle ne voit pas que les sœurs portent de l’essence, c’est un homme, BYOMBOKA, qui porte un bidon de 5 litres. Par où voit-elle puisqu’elle est dans le garage ? Elle précise de manière expresse qu’elle a tout vu par un trou de balle dans la porte du garage. Vous avez entendu la question que Monsieur le président lui a posée tout à l’heure : « Etes-vous sûre que c’est par un trou dans le mur ou est-ce un trou dans la porte ? ». Ce n’était pas pour rien. Aujourd’hui, elle vous a dit qu’elle a tout vu par un trou dans le mur du garage, qu’elle a vu les deux sœurs qui portaient chacune un bidon. Ca fait cinq versions à chaque fois différentes.

Le Président : Un autre commentaire ? Alors, s’il n’y a plus de commentaire, le témoin suivant, Madame le témoin 64 Ruth… ah, c’est Lucie.