8.6.29. Audition des témoins: le témoin 74
Le Président : Peut-on faire
approcher Madame le témoin 74 ? Madame, souhaitez-vous le concours
d’un interprète ?
le témoin 74 : Oui.
Le Président : Monsieur l’interprète,
voulez-vous bien demander au témoin quels sont ses nom et prénom ?
L’Interprète : Witwa nde ?
le témoin 74 : Anastasia MUKAMUSONI ?
L’Interprète : le témoin 74.
Le Président : Quel âge
avez-vous ?
L’Interprète : Ufite imyaka
ingahe ?
le témoin 74 : 48.
L’Interprète : 48 ans.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
L’Interprète : Umwuga wawe ?
le témoin 74 : Nta
mugabo ngira, nda…
L’Interprète : Umwuga.
le témoin 74 : Ndasenga.
L’Interprète : Je prie.
Le Président : Vous êtes
religieuse ?
le témoin 74 : Oui.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains des accusés avant le mois d’avril 1994 ?
L’Interprète : Wari uzi abaregwa
cyangwa se bamwe muribo mbere y’ukwezi cyenda kwa 94 ?
le témoin 74 : Abarega
sinarimbazi.
L’Interprète : Abaregwa.
le témoin 74 : Abaregwa
ndabazi.
L’Interprète : Les accusées,
je les connais.
Le Président : Tous ?
L’Interprète : Bose uko bangana ?
le témoin 74 : Nzi
bagenzi banjye.
L’Interprète : Je connais
mes consœurs.
Le Président : J’ai oublié
de vous demander, quelle était votre commune de résidence ?
L’Interprète : Komine utuyemo ?
le témoin 74 : Ubu
ngubu ni Huye.
L’Interprète : Huye.
Le Président : Etes-vous
de la famille des accusés, ou de la famille de ceux qui leur réclament des dommages
et intérêts ?
L’Interprète : Ufitanye isano
yo murango y’abaregwa cyangwa abaregera indishyi ?
le témoin 74 : Ntayo.
L’Interprète : Je n’ai aucune
relation avec eux.
Le Président : Vous n’êtes
pas non plus sous un lien de contrat d’emploi avec les accusés, ou ceux qui
leur réclament des dommages et intérêts ?
L’Interprète : Nta nubwo
waba ufite akazi ukorera abaregwa cyangwa abaregera indishyi ?
le témoin 74 : Oya.
L’Interprète : Non.
Le Président : Je vais vous
demander, Madame,
L’Interprète : Zamura ikiganza
cy’iburyo,
Le Président : De bien vouloir
lever la main droite et de prononcer le serment de témoin.
L’Interprète : Rahira iyo
ndahiro.
le témoin 74 : Ndahiriye
kuvuga ukuri gusa, nta rwango, nta mususu.
L’Interprète : Je jure de
parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Vous pouvez
tous les deux vous asseoir. Madame, vous faites partie de l’Ordre bénédictin
depuis quand ?
L’Interprète : Uri uwo mu
muryango w’ababenedictins kuva ryari ?
le témoin 74 : Kuva
muri 72.
L’Interprète : Depuis 72.
Le Président : Au mois d’avril
1994, vous ne vous trouviez pas au couvent de Sovu ?
le témoin 74 : Non.
Le Président : Vous étiez
à cette époque-là dans quel couvent ?
le témoin 74 : Nari
i Kigufi.
L’Interprète : J’étais à
Kigufi…
Le Président : Vous êtes,
à un moment, devenue supérieure du couvent de Sovu ?
L’Interprète : Hari igihe
wigeze uba umuyobozi w’ikigo cy’i Sovu ?
le témoin 74 : Yego.
L’Interprète : Oui.
Le Président : Etes-vous
encore actuellement au couvent de Sovu ?
le témoin 74 : Yego.
L’Interprète : Oui.
Le Président : Etes-vous
toujours la supérieure ?
le témoin 74 : Yego.
L’Interprète : Oui.
Le Président : Vous avez
pris vos fonctions de supérieure à Sovu à quelle époque ?
L’Interprète : Ni ryari watangiye
umulimo bw’ubuyobozi w’i Kigo cy’i Sovu ?
le témoin 74 : Muri
95.
L’Interprète : En 1995.
Le Président : Avant de prendre
vos fonctions à Sovu, aviez-vous déjà rencontré sœur Gertrude et sœur Kizito ?
L’Interprète : Mbere yuko
ufata iyo milimo, hari ubwo wari warigeze uhura na mama Gertruda na mama Kizito ?
le témoin 74 : Twarabanaga.
L’Interprète : Nous vivions
ensemble.
Le Président : Vous avez
fait partie de la même communauté, sœur Gertrude, sœur Kizito et vous ?
le témoin 74 : Yego.
L’Interprète : Oui.
Le Président : Comment décririez-vous
la personnalité de sœur Gertrude et de sœur Kizito ?
L’Interprète : Wasesengura
ute, wasobanura ute imiterere n’imyitwarire ya sœur Kizito na sœur Gertrude ?
le témoin 74 : Mama
Gertruda yinjiye ansanga mu muryango.
L’Interprète : Quand sœur
Gertrude est venue, elle m’a trouvée dans la communauté.
le témoin 74 : Abarezi
be baramureze,
L’Interprète : Ses éducateurs
l’ont éduquée,
le témoin 74 : Hanyuma
tubana nk’abavandimwe,
L’Interprète : Nous avons
vécu comme des sœurs,
le témoin 74 : Kandi
tubana neza.
L’Interprète : Sœurs dans
la famille et nous avons bien vécu.
le témoin 74 : Mama
Kizito nawe yansanze mu muryango.
L’Interprète : Sœur Kizito
m’a aussi rejointe dans la communauté. Ses éducateurs l’ont éduquée,
le témoin 74 : Nawe
tubana neza nk’abavandimwe.
L’Interprète : Nous aussi,
nous avons vécu en bons termes, comme des sœurs ; pas dans le sens de religieuses,
c’est équivalent, mais sœurs dans le sens de frères et sœurs, c’est ce que je
voulais dire.
Le Président : Lorsque vous
avez pris vos fonctions de supérieure à Sovu, avez-vous entendu parler dans
la population de la colline… avez-vous entendu parler en mal de sœur Gertrude
ou de sœur Kizito ?
L’Interprète : Aho utangiriye
ubuyobozi bw’ikigo cy’i Sovu, hari ubwo mu bantu baho ngaho wumvishe ibintu
bavuga bibi, kuri sœur Gertrude na sœur Kizito ?
le témoin 74 : Ibyo
numvise ni nkibyo namwe mwumva.
L’Interprète : Ce que j’ai
entendu dire, c’est ce que vous-même vous entendez.
Le Président : En avril 1994,
vous étiez à Kigufi.
L’Interprète : Oui.
Le Président : Vous souvenez-vous
de l’assistant médical, Benoît le témoin 123 ?
le témoin 74 : Ndamuzi.
L’Interprète : Je le connais.
Le Président : Avez-vous
été témoin de ce qui lui est arrivé, à Kigufi ?
L’Interprète : Waba uzi ibyamubayeho
i Kigufi ?
le témoin 74 : Baramwishe.
L’Interprète : On l’a tué.
Le Président : Etait-il venu
se réfugier avec sa famille dans votre couvent ?
L’Interprète : We n’abiwe,
bari barigeze guhungira mu kigo cyanyu ?
le témoin 74 : Bari
iwacu.
L’Interprète : Ils étaient
chez nous.
Le Président : Savez-vous
par qui lui et sa famille ont été tués ?
L’Interprète : Waba
uzi, we n’abiwe, uwabishe ?
le témoin 74 : N’interahamwe.
L’Interprète : Ils ont été
tués par les Interahamwe.
Le Président : Auriez-vous
entendu ces Interahamwe dire qu’ils étaient envoyés par Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 74 : Ntabyo
numvise.
L’Interprète : Je ne l’ai
pas entendu.
Le Président : Savez-vous
si, parmi les Interahamwe, se trouvaient des membres du personnel de Monsieur
HIGANIRO ?
le témoin 74 : Ntabwo
nababonye.
L’Interprète : Je ne les
ai pas vus.
Le Président : Y a-t-il des
questions à poser au témoin ? Maître JASPIS ?
Me. JASPIS : Monsieur le
président, est-ce que le témoin pourrait nous éclairer quant aux relations que
l’assistant médical entretenait avec son voisin HIGANIRO qui est également le
voisin du couvent, s’il vous plaît ?
Le Président : Savez-vous
quelles pouvaient être les relations qu’avaient Monsieur Benoit RAMANYWA et
sa famille, avec Monsieur HIGANIRO et la famille de Monsieur HIGANIRO ?
le témoin 74 : Ntabwo
mbizi kuko tutasohokaga.
L’Interprète : Je ne le sais
pas, puisque nous ne sortions pas.
Le Président : Y a-t-il d’autres
questions ? Maître RAMBOER ?
Me. RAMBOER : J’aimerais
poser une question concernant l’importance de la communauté de Sovu. D’abord,
on m’a dit que c’est une communauté riche, que c’est un couvent riche… Quelle
est l’importance en terres de ce couvent et, d’autre part, la congrégation des
bénédictines de Sovu, comparée aux autres congrégations religieuses rwandaises,
comment est-ce qu’on peut la situer, en importance ?
Le Président : Alors, savez-vous
préciser quelle est l’importance des terres, la superficie des terres qui appartiennent
au couvent de Sovu ?
L’Interprète : Waba uzi uko
amasambu y’ikigo cy’i Sovu cy’ababikira yanganaga ?
le témoin 74 : Isambu
yacu iraringaniye ariko ntikabije kuba nini.
L’Interprète : Notre propriété
est moyenne mais elle n’est pas très vaste.
Le Président : Ca fait combien
d’hectares ?
L’Interprète : Ni za hectares
zingahe ?
L’Interprète : Je ne les
connais pas en tête.
Le Président : Quels genres
de cultures y a-t-il sur les terres qui dépendent du couvent ?
L’Interprète : Kuri ayo masambu
y’ikigo, harimo ubuhinge ki ?
le témoin 74 : Harimo
imyaka abaturage bose bahinga.
L’Interprète : Nous cultivons
les produits que la population en général cultive.
Le Président : C’est-à-dire ?
L’Interprète : Ni ukuvuga
iki ?
le témoin 74 : Ibijumba,
L’Interprète : Les patates
douces,
le témoin 74 : Ibishyimbo,
L’Interprète : Les haricots,
le témoin 74 : N’ibitoki.
L’Interprète : Ainsi que
la bananeraie.
Le Président : Combien de
personnes travaillent dans les champs ou dans la bananeraie, pour le couvent ?
L’Interprète : Mu mirima
cyangwa se urutoki, abantu bakoramo bakorera ikigo cy’ababikira, ni bangahe ?
le témoin 74 : Mu
murima hari abantu bageze kuri batatu,
L’Interprète : Dans les champs,
plus ou moins trois personnes.
le témoin 74 : Mu
nzu, hari abantu nabo batarenze batanu.
L’Interprète : A l’intérieur
de la maison, il n’y a pas plus de cinq personnes.
le témoin 74 : Ibindi
natwe turabyikorera n’amaboko yacu.
L’Interprète : D’autres activités,
nous les faisons nous-mêmes, de nos propres bras.
Le Président : N’y a-t-il
pas aussi une ferme qui dépend du couvent, avec un élevage de bétail ?
L’Interprète : Nta bworozi
rw’amatungo nabwo buhari bucungwa… ?
le témoin 74 : Turabufite,
bucungwa n’umubikira.
L’Interprète : Oui, nous
en avons une. La responsabilité incombe à une religieuse.
Le Président : Il y a combien
de vaches, combien de chèvres ?
L’Interprète : Harimo nk’inka
zingahe cyangwa ihene zingana iki ?
le témoin 74 : Ntabwo
nigeze njya kuzibara ariko inka ntizirenga 7 n’ihene ntizirenga 5.
L’Interprète : Je ne les
ai pas comptées, mais les vaches ne sont pas plus de sept et les chèvres pas
plus de cinq.
Le Président : Bien. D’autres
questions ? Maître NKUBANYI ?
Me. NKUBANYI : Monsieur le
président, est-ce que le témoin était déjà mère supérieure lorsque le père COMBLAIN
est venu à Sovu ?
le témoin 74 : Yego.
L’Interprète : Oui.
Le Président : Est-ce que
vous étiez déjà supérieure du couvent de Sovu lorsque le père COMBLAIN est venu,
en mission, à Sovu ?
le témoin 74 : Yego.
L’Interprète : Oui.
Me. NKUBANYI : Est-ce qu’il
vous a précisé sa mission ?
Le Président : Avez-vous
eu connaissance de sa mission ?
L’Interprète : Waba waramenye
icyamugenzaga ?
le témoin 74 : Ubutumwa
yarafite
L’Interprète : Le message,
dont il était porteur,
le témoin 74 : Bwari
buvuye mu mubare w’abantu benshi, ndashaka kuvuga ababikira bose bakuru.
L’Interprète : Venait de
plusieurs mères supérieures, plusieurs responsables religieuses.
Le Président : Et quelle
était sa mission ?
L’Interprète : Ubutumwa bwe
bukaba bwari ubuhe ?
Anastasie MUKAMUSONI : Ubutumwa,
twashakaga yuko abavandimwe babiri, Scholastique na Marie-Bernard dukomeza kugira
umubano.
L’Interprète : Le message,
c’était que sœurs Scholastique et Marie-Bernard… que nous puissions garder nos
relations avec elles,
le témoin 74 : Nicyo
bwri bugamije nta kindi.
L’Interprète : C’était cela,
le contenu du message, et rien d’autre.
Me. NKUBANYI : Est-ce que, dans
la mission du père COMBLAIN, il n’était pas question de disculper la sœur Gertrude ?
Le Président : Etait-il question
d’obtenir de sœur Scholastique et de sœur Marie-Bernard une disculpation ?
le témoin 74 : Ibyo
ntabwo mbizi.
L’Interprète : Ca, je ne
le sais pas.
Le Président : D’autres questions ?
Maître VERGAUWEN ?
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie,
Monsieur le président. Le témoin nous a dit qu’elle était actuellement mère
supérieure. Je voudrais savoir s’il peut nous dire en quoi consiste le rôle
d’une mère supérieure dans un couvent et quelles sont ses responsabilités ?
Le Président : Pouvez-vous
brièvement exposer ce qu’est le rôle d’une mère supérieure, dans un couvent
de bénédictines,
L’Interprète : Wasobanura
ibyerekeye imirimo umuyobozi w’ikigo ashinzwe muri couvent y’ababenedictine ?
Le Président : Et quelles
sont ses responsabilités ?
L’Interprète : Inshingano
ze zaba ari izihe se ?
le témoin 74 : Inshingano
z’umukuru w’urugo,
L’Interprète : La responsabilité
de la mère supérieure,
le témoin 74 : Ni
ukwkira buri wese kandi abakabana nawe,
L’Interprète : C’est d’accueillir
tout un chacun, de vivre avec elle,
le témoin 74 : Kandi
akamufasha kugendera mu murongo mwiza.
L’Interprète : Et de l’aider
de marcher dans la droiture.
Le Président : Est-ce une
fonction difficile à remplir ?
L’Interprète : Ibyo bintu
bikaba biruhije kubitunganya ? Uwo murimo ?
Anastasie MUKAMUSONI : Uwo
murimo uraruhije kuko abantu bose badahwanya ibitekerezo.
L’Interprète : Cette tâche
est difficile, car les personnes ne pensent pas de la même façon.
Le Président : Une autre
question.
Me. VERGAUWEN : Monsieur
le président, concernant le volet de Kigufi, peut-on demander au témoin la confirmation
de ce qu’elle a déclaré dans son audition du 3 décembre 1997, sauf erreur, carton
32, je ne sais plus exactement le numéro de la pièce, elle dit ceci, à la page
2 : « Le 9 avril 1994, dans la matinée, nous avons
enterré… Ansilla chez nous, et Benoît, avec sa famille, a été enterré près du
dispensaire ».
Le Président : Vous savez
préciser l’endroit où Benoît et sa famille ont été enterrés ?
le témoin 74 : Benoît
twamushyinguye kw’ivuriro.
L’Interprète : Benoît, nous
l’avons enterré au dispensaire.
Le Président : Et les autres
membres de sa famille aussi ?
le témoin 74 : Tout
le monde. Bose twabashyize hamwe.
L’Interprète : Tout le monde,
nous les avons mis ensemble.
Le Président : Oui ?
Me. VERGAUWEN : Lorsque le
témoin se trouvait à Kigufi, a-t-elle eu vent de la participation… vous avez
posé la question, Monsieur le président, mais sans donner les noms, et peut-être
que les noms diront quelque chose au témoin ? La participation de Messieurs
le témoin 3 et le témoin 12 dans les événements, l’attaque du monastère et les événements
qui se sont déroulés à Kigufi… ?
Le Président : Vous connaissez
Monsieur le témoin 3 et Monsieur le témoin 12 ?
L’Interprète : Waba wari
uzi awitwa le témoin 3 n’uwitwa le témoin 12 ?
le témoin 74 : Ndabazi
nk’abaturanyi.
L’Interprète : Je les connais
comme des voisins.
Le Président : Les avez-vous
vu participer à l’attaque du monastère, au mois d’avril 1994 ?
le témoin 74 : Ntabwo
nababonye.
L’Interprète : Je ne les
ai pas vus.
Le Président : Les avez-vous
vu participer au meurtre de la famille de Benoît ?
le témoin 74 : Non,
ntabwo nababonye.
L’Interprète : Non, je ne
les ai pas vus.
Le Président : Une autre
question ? Plus d’autres questions ? Les parties sont d’accord pour
que le témoin se retire ? Madame, confirmez-vous les déclarations que vous
venez de faire ? Persistez-vous dans ces déclarations ?
L’Interprète : Urahamya ibyo
umaze kuvuga, urabishimangira ?
le témoin 74 : Ndabihamya.
L’Interprète : Je les confirme,
Le Président : La Cour vous
remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer de votre temps, tout en
restant à la disposition de la Cour pour assurer votre retour au Rwanda.
le témoin 74 : Murakoze.
L’Interprète : Merci. |