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8.6.42. Audition des témoins: le témoin 145
Le Président : Madame le témoin 145,
ah, oui, Madame, épouse le témoin 145 ? Madame, quels sont vos nom et prénom ?
le témoin 145 : le témoin 145
Le Président : Quel âge avez-vous ?
le témoin 145 : Je
suis née le 19 décembre 1938.
Le Président : Quelle est
votre profession ?
le témoin 145 : Sans.
Le Président : Quelle est
votre commune de domicile ?
le témoin 145 : Liège.
Le Président : Connaissiez-vous
les accusés ou certains des accusés avant le mois d’avril 1994 ?
le témoin 145 : Oui,
je connaissais Gertrude et Kizito.
Le Président : Toutes les
deux ?
le témoin 145 : Toutes
les deux.
Le Président : Etes-vous
parente ou alliée, c’est-à-dire de la famille des accusés ou de la famille des
parties civiles ?
le témoin 145 : Non,
absolument pas.
Le Président : Etes-vous
attachée par les liens d’un contrat de travail avec les accusés ou les parties
civiles ?
le témoin 145 : Non.
Le Président : Je vais vous
demander, Madame, de bien vouloir lever la main droite et de prononcer le serment
de témoin.
le témoin 145 : Je
jure de parler sans haine et sans crainte et de dire toute la vérité et rien
que la vérité.
Le Président : Je vous remercie.
Vous pouvez vous asseoir. Madame, pouvez-vous exposer, puisque je n’ai pas non
plus en ce qui vous concerne trouvé de déclaration dans le dossier ; il
y en a une… Ou il y a une attestation peut-être… ?
Me. de CLETY : Il n’y
a pas d’attestation, Monsieur le président, il y a une lettre au dossier qui
se trouve…
Le Président : Dans le carton
5.
Me. de CLETY : Carton
4.
Le Président : Ah !
4.
Me. de CLETY : Sous-farde
2, pièce 6, annexe 18.
Le Président : Farde 2, il
n’y pas de farde 2 dans le classeur 4.
Me. de CLETY : Oui,
alors, c’est la sous-farde 8. C’est un témoignage du 11 septembre 1995, signé
par le témoin.
Le Président : Le carton
4 commence à la farde 9.
Me. de CLETY : Voulez-vous
avoir ma pièce, Monsieur le président ?
Le Président : Non, on va
se débrouiller comme ça, hein. Voulez-vous bien exposer, Madame, dans quelles
circonstances et à quelle époque vous avez fait la connaissance de sœur Kizito.
le témoin 145 : De
sœur Kizito ?
Le Président : Et de sœur
Gertrude ? Peut-être est-ce à des moments différents ?
le témoin 145 : A
des moments différents, oui, oui.
Le Président : Alors, pour
l’une et pour l’autre.
le témoin 145 : C’est
au cours - nous devions partir avec mon mari au Rwanda en voyage en juillet
1986 - c’est à ce moment-là que nous avons fait la connaissance de toute la
communauté de Sovu, puisque notre tante était religieuse là-bas, et une des
fondatrices de la communauté. Avant de partir au Rwanda, nous sommes évidemment
passés par Maredret pour aller voir si sœur Gertrude qui faisait, ici en Belgique,
ses études avec sœur Bernadette, si elles n’avaient pas des colis ou des lettres
à apporter. Nous les avions vues d’ailleurs plusieurs fois avant notre départ.
Alors, nous sommes arrivés au Rwanda et nous avons été accueillis dans la communauté.
Une communauté qui avait à ce moment-là à peu près une vingtaine, une trentaine
de religieuses. Nous avons été, je dois dire, fort impressionnés par la qualité
de cette communauté qui était très accueillante, vraiment très accueillante,
ce qu’on appelle le vrai accueil rwandais, très priante, très jeune, vraiment
pleine d’entrain et de joie de vivre, je vais dire.
Alors, nous avons pendant notre séjour là-bas, qui a duré du 1er
au 21 juillet, nous avons assisté à plusieurs… et nous avons participé activement
à des ateliers qu’elles avaient au sein de leur communauté, des ateliers qui
leur permettaient de vivre. Il y avait un atelier d’hosties qui fournissait
les hosties à toute… je crois que c’était la province, elles avaient beaucoup
de travail avec les hosties. Il y avait un atelier de reliure. Elles fournissaient
à des clients du pays. Il y avait une école d’alphabétisation où des petits
enfants de la région venaient une ou deux fois par semaine apprendre à lire,
à écrire, à compter, etc., c’étaient toujours les sœurs qui s’occupaient, qui
étaient responsables de ces ateliers-là.
Donc, je vous ai dit hosties, alphabétisation, dispensaire bien entendu.
Une des sœurs était responsable du dispensaire. Tous les gens de la colline
descendaient au dispensaire. Mon mari a aidé à la vaccination de la rougeole
qui avait lieu à ce moment-là, etc. Et puis alors, il y avait l’hôtellerie,
l’hôtellerie qui était quand même très, très importante parce qu’elle permettait
aux gens de passage, de voyages, des gens de la région, Rwandais ou autres,
de venir un peu, je vais dire, se ressourcer dans un endroit calme où ils trouvaient
un bon accueil et qui était un endroit où le pilier central était la prière
et les offices, parce qu’elles étaient quand même contemplatives et voulaient
le montrer à ce moment-là. Les gens qui allaient là étaient conscients qu’elles
étaient dans une communauté contemplative. Voilà, nous avons participé donc
à tous ces ateliers-là. Je dois dire que nous n’avons pas été les seuls bénéficiaires
évidemment, hein. Pendant qu’on était là, il y avait des voyageurs, des jeunes
qui étaient en voyage, enfin, voilà. Ca c’est avant la guerre. Je ne connaissais
que Gertrude à ce moment-là.
Puis, après la guerre, j’ai connu Kizito, parce que sœur Kizito était
beaucoup plus jeune, donc, je n’étais pas encore entrée au monastère à ce moment-là,
je ne l’ai connue que lors de leur retour en Belgique. Et voilà. Je l’ai vue
épisodiquement en allant, moi, par affection, les voir, etc. J’ai eu beaucoup
de contacts avec elle quand elle était à Liège, où elle suivait ses études à
Liège. Nous avons beaucoup sympathisé et moi je trouve que c’est une personne
vraiment très simple, très dévouée, elle a un amour des personnes âgées, vraiment
je crois que c’est très, très important à dire parce qu’elle a une prévenance
pour les gens absolument étonnante. Elle a dans son entourage une personne qui
pour le moment souffre énormément de la situation. Eh bien, Kizito sait toujours
le mot à dire ou à ne pas dire pour ne pas inquiéter la personne en question.
Le Président : Et la personnalité
de sœur Gertrude ?
le témoin 145 : La
personnalité de sœur Gertrude. Sœur Gertrude, bien sûr, je la connais depuis
plus longtemps et je l’ai évidemment vue beaucoup plus aussi. Pour moi, Gertrude
est une personne très équilibrée, est une personne consciente, absolument, de
son devoir, de ses responsabilités. Elle est très énergique. Je vais vous dire,
moi je ne l’ai pas connue au Rwanda puisque, je vous l’ai dit, elle était en
Belgique. Je l’ai connue depuis son retour où elle subit ce qui nous amène ici,
et je dois dire qu’elle le fait avec une sérénité qui est vraiment exemplative
pour nous tous. Il faut quand même dire que dans ces circonstances-là, elle
fait des études, elle réussit ses études avec des grades, ce qui n’est quand
même pas rien du tout et je suis certaine, connaissant sœur Gertrude, ça je
le dis, je l’affirme, je l’ai juré, que sœur Gertrude, c’est impossible qu’elle
ait fait ce dont on l’accuse. Peut-être que les circonstances ont fait qu’un
acte qu’elle aurait pu faire ou dire l’a amené à des choses plus graves. Mais
elle a sans arrêt demandé l’avis de ses sœurs. Si les sœurs lui répondaient :
« Tu fais ce que tu veux », elle prenait la responsabilité toute seule
et elle a eu plusieurs fois l’occasion d’entendre ces réponses-là. Elle a eu
plusieurs fois l’occasion de donner sa propre vie pour quelqu’un d’autre, et
elle m’a dit textuellement : « Si je suis ici, c’est plusieurs fois
que j’aurais dû être morte et être tuée, si je suis ici, c’est que Dieu a décidé
que je devais être vivante aujourd’hui ». C’est tout ce que je peux vous
dire.
Le Président : Suit-elle
encore actuellement des formations ou des études ?
le témoin 145 : Elle
finit ses études à Namur, maintenant, elle n’a pas encore tout à fait terminé,
elle a encore des examens à faire en juin.
Le Président : Vous voyez
bien, Maître VERGAUWEN, qu’il y a un problème de timing ! Ce sont les examens
de sœur Gertrude ! Y a-t-il des questions plus précises à poser au témoin ?
S’il n’y a pas de questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin
se retire ? Madame, confirmez-vous les déclarations que vous venez de faire
et persistez-vous dans ces déclarations ?
le témoin 145 : Absolument,
je l’ai juré.
Le Président : Madame, la
Cour vous remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer librement de
votre temps après avoir récupéré votre carte d’identité et votre convocation.
le témoin 145 : Merci
beaucoup. |
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