assises rwanda 2001
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Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » > Audition témoins > le témoin 64
1. le témoin 19 2. M.le témoin 44 3. R. Tremblay 4. le témoin 110 5. le témoin 38 6. le témoin 72 7. le témoin 101 8. le témoin 79 9. le témoin 138 10. le témoin 57 11. le témoin 2 12. le témoin 66 13. le témoin 71 14. le témoin 64 15. le témoin 81 16. le témoin 151 17. le témoin 115 18. le témoin 136 19. le témoin 7 20. le témoin 75 21. le témoin 82 22. le témoin 80 23. le témoin 99 24. le témoin 152 25. le témoin 78 26. Commentaires sur textes rédigés à Maredret 27. le témoin 95 28. le témoin 133 et commentaires de défense 29. le témoin 74 30. le témoin 70 31. le témoin 20 32. le témoin 60 33. le témoin 17 34. le témoin 49 35. le témoin 127 36. le témoin 47 37. le témoin 46 38. le témoin 147 39. le témoin 51 40. A. JANSSENS 41. le témoin 48 42. le témoin 145 43. G. Dupuis
 

8.6.14. Audition des témoins: le témoin 64

Le Président : Voulez-vous bien demander, Monsieur l’interprète, quels sont ses nom et prénom ?

L’Interprète : Amazina yawe ?

le témoin 64 : Nitwa le témoin 64.

L’Interprète : Je m’appelle le témoin 64.

Le Président : Parfois, l’appelle-t-on aussi par le prénom de Ruth ?

L’Interprète : Rimwe na Rimwe bakwita Ruth ?

le témoin 64 : Lucie. Lucie

L’Interprète : Seulement Lucie.

Le Président : Quel est son âge ?

L’Interprète : Ufite imyaka ingahe ?

le témoin 64 : 25.

L’Interprète : 25 ans.

Le Président : Quelle est sa profession ?

L’Interprète : Umwuga ukora iki ?

le témoin 64 : Mba mu rugo.

L’Interprète : Je suis à domicile.

Le Président : Quelle est sa commune de domicile ?

L’Interprète : Utuye muri komine yihe ?

le témoin 64 : Huye.

L’Interprète : Dans la commune de Huye.

Le Président : Connaissait-elle, avant le mois d’avril 1994, les accusés ou certains des accusés ?

L’Interprète : Mbere y’ukwezi kwa kane 94, waruzi abaregwa cyangwa bamwe muri bo ?

le témoin 64 : Abaregwa ?

L’Interprète : Hum. Bariya baregwa.

le témoin 64 : Nari mbazi.

Le Président : Connaissait-elle sœur Gertrude ou sœur Kizito, ou les deux ?

le témoin 64 : Nari mbazi.

L’Interprète : Je les connaissais.

Le Président : Est-elle de la famille des accusés ou de la famille des personnes qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?

L’Interprète : Hari icyo upfana n’abaregwa cyangwa upfana n’abaregera indishyi ?

le témoin 64 : Icyo mpfana n’abarega ?

L’Interprète : Hum. Niba hari isano ufitanye nabo, abaregwa cyangwa mu baregera indishyi.

le témoin 64 : Musaza wa Kizito, afite mama wacu.

L’Interprète : Le frère de sœur Kizito est le mari de ma tante.

Le Président : Ca va, il n’est pas reprochable. Travaille-t-elle sous un contrat d’emploi avec les accusés ou les personnes qui demandent des dommages et intérêts ?

L’Interprète : Ari mu baregwa, cyangwa mu baregera indishyi, hari abo ukorera ? Bakuriha ?

le témoin 64 : Ntabo nkorera.

L’Interprète : Je ne travaille pour personne.

Le Président : Voulez-vous bien lui demander de lever la main droite et de prononcer le serment de témoin ?

L’Interprète : Uzi gusoma ?

le témoin 64 : Ndabizi.

L’Interprète : Zamura akaboko k’iburyo, urahire.

le témoin 64 : Ndahiye kuvuga ukuri gusa. Nta rwango, nta mususu.

L’Interprète : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Madame, au mois d’avril 1994, vous êtes-vous réfugiée au couvent de Sovu ?

L’Interprète : Mu kwezi kwa kane 94 wahungiye mu babikira b’i Sovu?

le témoin 64 : Niho nahungiye.

L’Interprète : C’est là que je me suis réfugiée.

Le Président : Vous souvenez-vous de la date à laquelle vous vous êtes réfugiée ?

L’Interprète : Uribuka itariki wahungiyeho ?

le témoin 64 : Ndayibuka.

L’Interprète : Je me souviens.

Le Président : C’était quelle date ?

L’Interprète : Yari itariki yihe ?

le témoin 64 : 17, ari ku cyumweru.

L’Interprète : C’était dimanche, le 17.

Le Président : Le 17 avril ?

L’Interprète : Avril.

Le Président : Vous êtes-vous réfugiée dans ce couvent ou à proximité de ce couvent, avec des membres de votre famille ?

L’Interprète : Wahungiye muri icyo kigo, cyangwa iruhande rwacyo n’abandi bo mu muryango wawe ?

le témoin 64 : Ntabwo numvise neza.

L’Interprète : Uhunga uwo munsi, wahungiye muri icyo kigo cyangwa iruhande rw’icyo kigo, hamwe n’abandi bantu bo mu muryango wawe ?

le témoin 64 : Ubundi mpunga, twe twahunze saa tanu z’ijoro, tujya mu kigo, tujya muri centre de santé, i Sovu.

L’Interprète : Nous nous sommes enfuis vers 23h et nous nous sommes rendus au centre de santé de Sovu.

Le Président : Y a-t-il eu quelque chose de particulier durant la nuit du 17 avril ?

L’Interprète : Hari ikintu waba warabonye muri iryo joro ry’itariki ya 17 ?

le témoin 64 : Ntacyo.

L’Interprète : Rien de spécial.

Le Président : Que s’est-il passé le 18 avril ? Le lundi ?

L’Interprète : Ku itariki ya 18 habaye iki ? Kuwa mbere ?

le témoin 64 : Ku itariki 18 bishe umusore witwa RANGIRA.

L’Interprète : Le 18, ils ont tué un jeune du nom de RANGIRA.

Le Président : Les gens qui se trouvaient au centre de santé ont-ils essayé d’aller au couvent ?

L’Interprète : Abari bahungiye muri centre de santé bagerageje guhungira mu kigo cy’ababikira ?

le témoin 64 : Bamaze kumwica, twese twahise twiruka tujya mu kigo cy’ababikira. Dusanga hafunze.

L’Interprète : Après la mort de ce jeune homme, nous nous sommes tous dirigés vers le couvent et là, nous avons trouvé porte close.

le témoin 64 : Tururira tugwamo imbere,

L’Interprète : Nous avons grimpé le mur et puis, nous sommes tombés à l’intérieur du couvent.

le témoin 64 : Ababyeyi bafite abana bakanyura muri senyenge.

L’Interprète : Les mères qui portaient les enfants passaient par les fils barbelés.

Le Président : Le soir du 18, y a-t-il eu une forte pluie ?

L’Interprète : Mu ijoro ry’itariki ya 18, hari imvura nyinshi yavuye ?

le témoin 64 : Yaraguye.

L’Interprète : Oui, il a plu très fort.

Le Président : Y a-t-il eu une demande de la part des réfugiés, pour pouvoir pénétrer dans les bâtiments du couvent ?

L’Interprète : Hari impunzi zasabye ko bashobora kuzifungurira kugirango zinjire mu mazu y’ababikira ?

le témoin 64 : N’umubikira wabivuze, abwira umusore witwa MPAMBARA,

L’Interprète : C’est une sœur qui l’a dit et qui s’est adressée à elle, du nom de MPAMBARA.

le témoin 64 : Bafungura akumba gatoya, n’abantu ntibakwirwamo. Benshi twaranyagiwe. Kari gato cyane, n’ubushyuhe bwatu…

L’Interprète : Donc, la sœur s’est adressée à sœur MPAMBARA qui a ouvert un petit réduit, une toute petite chambre mais dans laquelle tout le monde ne pouvait pas contenir. Ceux qui ont pu, sont entrés dedans mais nous sommes restés dehors, sous la pluie.

Le Président : Avez-vous reçu à manger le 18 avril, dans la journée du 18 avril ou le soir du 18 avril, avez-vous reçu à manger ?

L’Interprète : Kuri iyo taliki 18, ku manwa cyangwa nimugoroba, hari ifunguro babahaye ?

le témoin 64 : Ntaryo twabonye.

L’Interprète : Nous n’avons rien reçu.

Le Président : La sœur qui a fait ouvrir une petite pièce pour que certains réfugiés puissent passer la nuit à l’abri de la pluie, vous souvenez-vous de son nom ?

L’Interprète : Uribuka izina ry’umubikira wasabye ko bafungura ako gachambre gato kugirango abantu bahungiremo bahunga imvura ?

le témoin 64 : Ntabwo mwibuka neza.

L’Interprète : Je me souviens pas très bien de son nom.

Le Président : Ce n’était pas sœur Schola ou sœur Scholastique ?

L’Interprète : Ntabwo yari umubikira witwaga Schola cyangwa sœur Scholastique ?

le témoin 64 : Byashoboka ko ariwe, ariko ntabwo muzi neza. Umuntu yavugiye hejuru abwira abari hasi.

L’Interprète : Il se pourrait que ce soit bien elle mais je ne peux pas l’affirmer. J’ai entendu seulement quelqu’un parler de l’étage en s’adressant aux gens qui se trouvaient un peu plus bas.

Le Président : Après cette nuit sous la pluie, on arrive le 19 avril.

L’Interprète : Nyuma y’iryo joro imvura yaguye, ni ku itariki ya 19.

Le Président : Ce matin-là du 19 avril, sœur Kizito n’est-elle pas venue chercher les enfants des réfugiés ?

L’Interprète : Muri icyo gitondo cy’i 19, sœur Kizito ntabwo yaje gushaka abana b’impunzi ?

le témoin 64 : Yaraje abajyana mu gikari cyabo,

L’Interprète : Elle est venue les chercher et elle les a conduits dans l’arrière-cour.

le témoin 64 : Abwira umugabo witwa SEBUHINYORI ngo abazanire amapera, abazanire.

L’Interprète : Elle s’est adressée à un certain SEBUHINYORI à qui elle a dit d’aller leur donner des goyaves et qu’après, il les ramène.

le témoin 64 : Ayazanye, abona abana bamaze kuba benshi ntayo yabahaye, bayashyira hejuru y’inkwi, munsi ya cuisine.

L’Interprète : Ce monsieur est allé chercher les goyaves et lorsqu’il les a ramenées, il a vu qu’il y avait plus d’enfants que prévu, et…

Uwabivuze n’umubikira ?

le témoin 64 : Yee, ni Kizito.

L’Interprète : Et sœur Kizito a dit qu’il n’y avait plus de distribution de goyaves et alors, ils ont gardé les goyaves sur le bois qui se trouvait dans la cuisine.

Le Président : Faisiez-vous partie des enfants qui devaient recevoir à manger ?

L’Interprète : Wari muri abo bana bagombaga kugaburirwa ?

le témoin 64 : Nari mpari.

L’Interprète : J’en faisais partie.

Le Président : Certains enfants ont-ils reçu à manger ?

L’Interprète : Hari abana bamwe bagaburiwe ?

le témoin 64 : Ntabo.

L’Interprète : Non, il n’y en avait pas.

Le Président : Il n’y avait pas assez de fruits pour eux ?

L’Interprète : Ntabwo imbuto zari zihagije, izo bagombaga kubagabulira ?

le témoin 64 : Birashoboka ko zitari zihagije kandi Kizito yahise ategeka SEBIHONYORI ko azishyira hejuru z’inkwi.

L’Interprète : Il se pourrait qu’il n’y avait pas assez de fruits, mais sœur Kizito a ordonné immédiatement à SEBIHONYORI de les garder là où elle avait indiqué.

Le Président : Que s’est-il passé d’autre, le mardi 19 avril ?

L’Interprète : Hanyuma, ikindi cyabaye kuri uwo munsi kuwa kabiri, italiki 19 ?

le témoin 64 : Kuwa kabiri Mameya yajyanye n’umugabo wari mu mahugurwa, bajya i Butare kuzana abasirikare.

L’Interprète : Le mardi, la sœur supérieure est partie en compagnie d’un homme qui était en formation. Ils sont allés ensemble, ils se sont rendus à Butare d’où ils sont revenus en compagnie des militaires.

Le Président : Et qu’est-ce que ces militaires ont fait ou qu’est-ce que la supérieure a fait au retour des militaires ?

L’Interprète : Abo basirikare bakore iki, cyangwa se umubikira mukuru yakoze iki bagarutse ?

le témoin 64 : Abasirikare baraje, badutegeka ko dusohoka mu kigo cy’ababikira, tukamanura ibintu,

L’Interprète : Les militaires sont venus et ils nous ont ordonné de sortir du couvent et qu’on devait faire descendre nos affaires.

le témoin 64 : Tukagaruka tukajya imbere ya Kiriziya bakaturemeshereza inama.

L’Interprète : Et qu’on devait se rendre après, devant l’église où ils avaient prévu de tenir une réunion.

le témoin 64 : Twaraje tugarutse, ababikira, ari Kizito, ari na Mameya, bahise bakinga urugi, abasirikare batubwira ko inama ari iyo.

L’Interprète : Et quand nous nous sommes rendus à l’endroit où devait se tenir la réunion, que ce soit sœur Kizito, que ce soit la sœur supérieure, les militaires nous ont dit qu’il n’y avait pas de réunion.

le témoin 64 : Ariko hagati aho,

L’Interprète : Mais entre-temps,

le témoin 64 : Abasirikare bavuganye na Mameya bamanuka kuri centre de santé, ibyo bavuze ntabwo mbizi.

L’Interprète : Les militaires se sont entretenus avec la sœur supérieure et ils sont descendus vers le centre de santé, mais je ne peux rien dire de leur entretien.

le témoin 64 : Ikindi, tumaze kugera kuri centre de santé,

L’Interprète : Autre chose, quand nous sommes arrivés au centre de santé,

le témoin 64 : Kizito yahise azana impapuro,

L’Interprète : Kizito est venue avec des papiers,

le témoin 64 : Abaza abazi kwandika, ngo nibatwandike batubarure, ngo ni Mameya ubimutumye.

L’Interprète : Et elle a demandé à ceux qui savent écrire, de nous inscrire et que c’était sur l’ordre de la sœur supérieure.

le témoin 64 : Ngo nibarangiza kwandika, tuzihe SIBUHINYORI Yohani.

L’Interprète : Et, qu’après notre inscription, nous devions remettre ces papiers à SEBUHINYORI Jean.

le témoin 64 : Nibyo byo kuri uwo munsi.

L’Interprète : C’est ce qui s’est passé ce jour-là.

Le Président : Et on a fait cette liste sur les papiers ?

L’Interprète : Iyo liste bayanditse kuri ayo makaratasi ?

le témoin 64 : Ku yahe makaratasi ?

L’Interprète : Kuyo Kizito yari yazanye.

le témoin 64 : Hum. Niho banditse.

L’Interprète : C’est sur ces papiers-là qu’on a dressé les listes.

Le Président : Savez-vous pourquoi la supérieure avait demandé aux militaires de faire partir les réfugiés du couvent ?

L’Interprète : Uzi impamvu yatumye umubikira mukuru asaba abasirikare kwirukana impunzi ngo bave mu kigo cyabo ?

le témoin 64 : Ubundi Mameya yatubwiye ko ngo tuhateza umwanda.

L’Interprète : La sœur supérieure disait qu’on salissait les lieux.

Le Président : N’avez-vous pas entendu la sœur supérieure parler avec des militaires et que les militaires prévenaient que, peut-être, il pouvait y avoir des dégâts aux bâtiments ?

L’Interprète : Ntabwo wigeze wumva Mameya aganira n’abasirikare bavuga ko yenda kubera impunzi aho ngaho hasenyuka ? Ikigo cyasenyuka ?

le témoin 64 : Turi imbere ya kiriziya,

L’Interprète : Lorsque nous nous trouvions en face de l’église,

le témoin 64 : Abasirikare urumva bari bagose,

L’Interprète : Les militaires avaient encerclé les lieux.

le témoin 64 : Abandi batatu nibo twari dusigaranye mu kibuga,

L’Interprète : Il ne restait plus que trois en notre compagnie, à l’intérieur du couvent.

le témoin 64 : Umwe mur ibo niwe wavuganye na Mameya,

L’Interprète : L’un d’entre eux s’est entretenu avec la sœur supérieure,

le témoin 64 : Mameya naje kumva avuga ko ngo kiriziya yabo yakwangirika.

L’Interprète : Et j’ai entendu dire par la sœur supérieure que leur église pourrait être détruite.

le témoin 64 : Ariko ibyo umusirikare yaramubajije ntabwo mbizi.

L’Interprète : Mais, ce que le militaire lui a demandé, je ne peux le dire.

Le Président : Savez-vous à quoi devaient servir les listes de recensement des réfugiés ?

L’Interprète : Uzi icyo ayo maliste yo kwibarura z’impunzi yari kumara ?

le témoin 64 : Ubundi bari batubwiye ko arukuduha ibyo kurya.

L’Interprète : On nous avait dit que c’était pour nous donner à manger,

le témoin 64 : Ntabwo babiduhaye,

L’Interprète : Mais nous n’avons rien reçu de leur part.

le témoin 64 : Ariko uwitwa RUSANGANWA Gaspard,

L’Interprète : Mais un certain RUSANGANWA Gaspard,

le témoin 64 : Umunsi baza kwica yarafite igitabo afite n’impapuro,

L’Interprète : Lorsqu’ils sont venus massacrer les gens, il portait, il avait un livre et des papiers,

le témoin 64 : Ntekereza ko arizo azanye.

L’Interprète : J’ai cru que ce sont ces listes-là qu’il apportait,

le témoin 64 : Kubera yuko yazengurukaga mu ntumbi, bagenda bareba, bakareba umuntu, bakareba nimba ari umuryango we wapfuye.

L’Interprète : Parce qu’il circulait à travers les morts en dénombrant, en cherchant ceux qui étaient morts et il voyait si telle ou telle personne de telle famille, était morte.

Le Président : Y a-t-il une seule religieuse ou deux religieuses qui ont donné les papiers pour faire les listes ?

L’Interprète : Ni umubikira umwe cyangwa ni babiri batanze izo mpapuro zo gukora ayo maliste ?

le témoin 64 : Ni Kizito wazizanye.

L’Interprète : C’est Kizito qui les a apportées,

le témoin 64 : Avuga ko atumwe na Mameya.

L’Interprète : Et qui a dit qu’elle était envoyée par la sœur supérieure.

Le Président : Vous souvenez-vous du nombre approximatif de personnes qui se trouvaient sur ces listes ?

L’Interprète : Uribuka ukuntu abantu bari kuri iyo liste banganaga ?

le témoin 64 : Uwo munsi batubarura,

L’Interprète : Lorsqu’on nous a dénombrés,

le témoin 64 : Batubaruye turi 3.500.

L’Interprète : On était au nombre de 3.500.

le témoin 64 : Ariko abandi bari bataraza.

L’Interprète : Mais les autres n’étaient pas encore venus.

le témoin 64 : Nyuma baje kwiyongera.

L’Interprète : Et il y en a eu beaucoup plus, après.

Le Président : Vous n’avez rien reçu à manger le 18 ? Les fruits, vous ne les avez pas reçus ?

L’Interprète : Ntabwo babafunguriye ku itariki ya 18, n’ayo mapera ntabwo bayabahaye ?

le témoin 64 : Ntabyo baduhaye.

L’Interprète : Nous n’avons rien reçu.

Le Président : Le 19, rien du tout ? Le jour des listes ?

L’Interprète : Ku itariki ya 18, ntacyo babahaye na none ?

le témoin 64 : Oya, ntacyo. 18 ?

L’Interprète : 19. Ku munsi wa 19, ntacyo babahaye ?

le témoin 64 : Ntacyo baduhaye.

L’Interprète : Rien.

Le Président : Le mercredi 20 ?

L’Interprète : Ku itariki ya 20, kuwa gatatu ?

Le Président : Avez-vous reçu quelque chose à manger ? 

L’Interprète : Barabafunguriye.

le témoin 64 : Ntabwo badufunguriye.

L’Interprète : Nous n’avons rien reçu.

Le Président : Avez-vous reçu quelque chose, le jeudi 21 ?

L’Interprète : Hari icyo babahaye ku itariki 21 kuwa kane ?

le témoin 64 : Ntacyo baduhaye.

L’Interprète : Rien.

Le Président : Le vendredi 22 ?

L’Interprète : Ku itariki ya 22 ?

Le Président : Le 21, il semble qu’il y ait déjà eu quelques attaques, les Interahamwe, vers le centre de santé.

L’Interprète : Ku itariki ya 21, Interahamwe zari zatangiye gutera kuri centre de santé.

Le Président : Mais le 22,

L’Interprète : Ariko ku itariki ya 22,

Le Président :  Que s’est-il passé ? Le jour le plus terrible, que s’est-il passé ce jour-là ?

L’Interprète : Habyaye iki uwo munsi wo ku itariki ya 22 ?

le témoin 64 : Ubwicanyi bwaratangiye.

L’Interprète : C’était le début des massacres.

Le Président : Avez-vous vu les chefs, ceux qui dirigeaient les Interahamwe ce jour-là ?

L’Interprète : Uwo munsi waba warabonye abategekaga izo Nterahamwe ?

le témoin 64 : REKERAHO naramubonye,

L’Interprète : J’ai vu REKERAHO,

le témoin 64 : RUSANGANWA Gaspard,

L’Interprète : RUSANGANWA Gaspard,

le témoin 64 : NDAYISABA Yonasi,

L’Interprète : NDAYISABA Yonas,

le témoin 64 : Nabandi babongereje. N’ababikira.

L’Interprète : Et les autres, ainsi que les sœurs.

Le Président : Déjà le matin, les sœurs ?

L’Interprète : Mu gitondo wabonye ababikira ?

le témoin 64 : Ntabwo amasaha nshobora kuyibuka, byari ibintu bikomeye,

L’Interprète : Je ne peux pas me souvenir des heures parce que la situation était grave.

le témoin 64 : Ubwo ndamutse mbabwiye ibyo amasaha, ubwo naba ngiye kubeshya.

L’Interprète : Si jamais je vous parlais des heures, je vous mentirais.

le témoin 64 : Ariko, ubundi narababonye.

L’Interprète : Mais sinon, je vous dis que je les ai vues.

Le Président : Vous souvenez-vous si REKERAHO avait un appareil pour parler à la foule ?

L’Interprète : Uribuka niba REKERAHO hari icyuma yarafite yavugiragamo abwira abantu ?

le témoin 64 : REKERAHO yari afite micro.

L’Interprète : REKERAHO avait un porte-voix.

Le Président : Vous souvenez-vous s’il avait quelque chose de particulier dans sa manière d’être habillé ?

L’Interprète : Ushobora kwibuka niba hari ukuntu yari yambaye kwihariye ?

le témoin 64 :  REKERAHO yari yambaye umwenda ufite amabara y’umutuku n’umukara. Yawunyuranyije.

L’Interprète : REKERAHO portait un pagne qu’il avait noué autour de lui, de couleur rouge et noire.

Umutuku n’umukara ?

le témoin 64 : Yee, umutuku n’umukara.

L’Interprète : Oui, couleur rouge et noire.

Le Président : C’est un pagne ou un drapeau ?

L’Interprète : Ni umwenda cyangwa n’ibendera ?

le témoin 64 : Birashoboka ko yaba ari ibendera rya MDR kuko yari aririmo.

L’Interprète : Il se pourrait que ce soit le drapeau du MDR parce qu’il en faisait partie.

Le Président : Avez-vous, le 22 avril, le jour de cette grande attaque, été blessée ?

L’Interprète : Kuri iyo tariki ya 22, uwo munsi icyo gitero gikomeye, warakomeretse ?

le témoin 64 : Narakomeretse.

L’Interprète : J’ai été blessée.

Le Président : Vous pouvez décrire les blessures que vous avez eues ?

L’Interprète : Ushobora kuvuga ukuntu wakomeretse ?

le témoin 64 : Barandashe mu kibero,

L’Interprète : On m’a tiré dans la cuisse,

le témoin 64 : Uruhande rw’igitsina cyange,

L’Interprète : Tout près de mon sexe,

le témoin 64 : Bantera icyuma mu mutwe,

L’Interprète : Et j’ai reçu un coup de couteau à la tête,

le témoin 64 : Banjomba n’icumu ku itako.

L’Interprète : Et j’ai reçu un coup de lance dans la hanche.

Le Président : Vous avez dit tout à l’heure que les sœurs étaient aussi dans les chefs des Interahamwe. Pouvez-vous expliquer ce que vous avez vu que les sœurs faisaient ce jour-là ?

Interprète : Wavuze mu kanya ko ababikira bari hamwe n’abatware b’Interahamwe, ushobora…

Le Président : Oui, mais d’abord, je voudrais savoir de quelles sœurs il s’agit.

L’Interprète : Ariko yashaka kumenya ababikira abo aribo, mbere ya byose.

le témoin 64 : Ababikira ni MUKABUTERA Yuliyana, ariwe Kizito,

L’Interprète : Les sœurs, il s’agissait de MUKABUTERA Julienne qui est sœur Kizito,

le témoin 64 : Undi ni Mameya, MUKANGANGO Consolata, ariwe Gertruda.

L’Interprète : L’autre, c’est la sœur supérieure, MUKANGANGO Gertrude, qui est la sœur supérieure.

L’Interprète : MUKANGANGO Consolata qui est sœur supérieure Gertrude, pardon.

Le Président : Alors, peut-elle expliquer ce que, pouvez-vous expliquer ce que vous avez vu que ces deux sœurs faisaient ?

L’Interprète : Ushobora kuvuga icyo wabonye abo babikira bombi bakoraga ?

le témoin 64 : Ababikira nababonye bazanye essence.

L’Interprète : Je les ai vues venir, portant de l’essence,

le témoin 64 : Bari kumwe na REKERAHO,

L’Interprète : En compagnie de REKERAHO,

le témoin 64 : NDAYISABA Yonasi,

L’Interprète : NDAYISABA Jonas,

le témoin 64 : RUSANGANWA Gaspard.

L’Interprète : Et RUSANGANWA Gaspard.

Le Président : Et pas aussi le témoin 32 Joseph ?

L’Interprète : Ntabwo bari kumwe na le témoin 32 Yozefu ?

le témoin 64 : Yee, bari bari kumwe na Yozefu.

L’Interprète : Oui, ils étaient avec lui, le témoin 32 Joseph.

Le Président : Avez-vous entendu ce que REKERAHO disait aux Interahamwe lorsque les sœurs sont venues avec de l’essence ?

L’Interprète : Waba warumvise ibyo REKERAHO yabwiraga Interahamwe igihe ababikira bazanaga essence ?

le témoin 64 : Narabyumvise.

L’Interprète : Je l’ai entendu.

Le Président : Qu’a-t-il dit ?

L’Interprète : Yavuze iki ?

le témoin 64 : REKERAHO yaraje avugira muri micro,

L’Interprète : REKERAHO est venu, il a parlé dans son porte-voix,

le témoin 64 : Avuga yuko bashiki le témoin 2 babagobotse.

L’Interprète : En disant que leurs sœurs leur venaient en aide.

Le Président : Avez-vous constaté que sœur Kizito était particulièrement à l’aise dans le groupe des Interahamwe et pouvez-vous expliquer pourquoi elle était à l’aise ?

L’Interprète : Waba warabonye niba sœur Kizito yaramerewe neza muri icyo gice k’Interahamwe ? Ushobora gusobanura icyatuma wabonaga niba uko yari yitwaye, amerewe neza hamwe n’abongabo ?

le témoin 64 : Urabyumva nawe umuntu uba ugambiriye gukora ibintu bibi nkibyo.

L’Interprète : Ibiki, ut’iki ?

le témoin 64 : Urabyumva, umuntu nkawe uba ugambiriye gukora ibintu bibi nkibyo.

L’Interprète : Vous comprenez très bien que quelqu’un qui est décidé à faire tant de mal,

L’Interprète : Nicyo cyatumaga amererwa neza se hamwe nizo Nterahamwe ?

le témoin 64 : Nizo Nterahamwe ? Umuntu agambiriye kuza kumena amaraso y’umuntu ? Urabyumva nawe umuntu uko aba avuze cyangwa uko aba atekereza.

L’Interprète : Celui qui est décidé à verser le sang de quelqu’un, vous comprenez très bien quel est son comportement.

le témoin 64 : Ubundi uriya Kizito niwe wagomba kubimenya.

L’Interprète : C’est sœur Kizito seule qui serait capable du savoir.

Le Président : N’y avait-il pas, présents autour du garage, des gens que sœur Kizito connaissait particulièrement bien ?

L’Interprète : Nta bantu bari bakikije cyangwa bari iruhande rw’igaraji sœur Kizito yarazi ubwe bwite ?

le témoin 64 : Abaturage benshi bari bahari, kubera ko Kizito avuka kuri uwo murenge.

L’Interprète : Il y avait beaucoup de gens du village parce que sœur Kizito est originaire de ce même village,

le témoin 64 : Kandi na basaza be bari bahari.

L’Interprète : Et puis, il y avait aussi, parmi ces gens-là, ses frères.

Le Président : NGOBOKA Tharcisse ?

le témoin 64 : Oui.

L’Interprète : Oui.

Le Président : Silas?

L’Interprète : Silas ?

le témoin 64 : Hm.

Le Président : Et MACAPA, c’est qui ? C’est aussi un frère de sœur Kizito ?

le témoin 64 : Oui.

L’Interprète : Oui.

Le Président : Avez-vous vu à qui sœur Gertrude et sœur Kizito ont donné les bidons d’essence ?

L’Interprète : Waba warabonye abo sœur Gertrude na sœur Kizito baba barahaye izo bidons za essence ?

le témoin 64 : BYOMBOKA Visenti, ariwe watwitse igaraji.

L’Interprète : Elles les ont remis à BYOMBOKA Vincent qui a mis le feu au garage.

Le Président : Vous vous trouviez où par rapport au garage ? Vous étiez, si j’ai bien compris, grièvement blessée, étiez-vous couchée, assise et à quel endroit par rapport au garage ?

L’Interprète : Ngo niba yabyumvise neza wari wakomeretse birenze, aho wari uri, hari hateganye hate n’igaraji ? Wari wicaye, cyangwa wari waguye… ?

le témoin 64 : Byari byegeranye, naraharebaga.

L’Interprète : C’était tout près du garage, je voyais tout.

le témoin 64 : Ni iruhande rw’igaraji.

L’Interprète : C’était à côté du garage.

Le Président : Que s’est-il passé lorsque le feu a été mis au garage ?

L’Interprète : Byagenze bite bamaze gutwika igaraji ?

le témoin 64 : Bamaze gutwika igaraji abaturage barakomeje barica, abapolisi ba komine nabo barakomeza barica,

L’Interprète : Lorsqu’on a mis le feu au garage, certains habitants, en même temps que les policiers, ils ont continué à massacrer les gens,

le témoin 64 : Kugeza saa kumi n’imwe z’umugoroba.

L’Interprète : Jusqu’à 17h.

le témoin 64 : Aribwo batumanukanye, batujyana kuri Kabu-rimbi.

L’Interprète : C’est à ce moment qu’on nous a fait descendre jusqu’à la route goudronnée.

Le Président : Vous pouviez encore vous déplacer malgré vos blessures ?

L’Interprète : Ko wari wakomeretse, icyo gihe washoboraga kugenda ?

le témoin 64 : Hari abantu bakiri bazima bandazaga umuntu,

L’Interprète : Il y avait encore des survivants qui, aimablement, me portaient.

le témoin 64 : Na mama twari turi kumwe,

L’Interprète : J’étais aussi en compagnie de ma mère.

le témoin 64 : Bampa ikibando cyo kwicumba, banamfashe.

L’Interprète : Ils me soutenaient et ils m’ont donné une sorte de béquille contre laquelle je m’appuyais.

le témoin 64 : Ariko Kizito, saa cumi n’imwe, narongeye ndamubona.

L’Interprète : Mais j’ai revu à 17h, sœur Kizito.

Le Président : Hum, hum. Que faisait-elle ?

L’Interprète : Yakoraga iki icyo gihe ?

le témoin 64 : Bagendaga mu ntumbi ari kumwe na RUSANGANWA.

L’Interprète : Elle marchait à travers les corps, en compagnie de RUSANGANWA.

le témoin 64 : RUSANGANWA afite igitabo na za mpapuro,

L’Interprète : RUSANGANWA portait le livre dont j’ai parlé, aussi avec les papiers.

le témoin 64 : Kizito aza kuvuga ngo : « N’aho babishe neza, abantu babicanye amafaranga ntibayatange, kubona mwayaciye ».

L’Interprète : Kizito a dit qu’ils ont eu une mort douce parce qu’ils avaient déchiré l’argent, ils méritaient une autre mort.

Le Président : Y a-t-il eu beaucoup de membres de votre famille qui sont morts à Sovu ?

L’Interprète : Hari abawe b’umuryango wawe benshi bapfiriye i Sovu ?

le témoin 64 : Barahari ?

L’Interprète : Oui, il y en a.

Le Président : Beaucoup ?

L’Interprète : Benshi cyane ?

le témoin 64 : Benshi.

L’Interprète : Ils sont beaucoup, nombreux.

Le Président : Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Oui, Maître VANDERBECK ?

Me. VANDERBECK : Je vous remercie, Monsieur le président. Juste deux ou trois petites confirmations par rapport à l’audition qu’a faite le témoin le 28 septembre 1995 devant les enquêteurs belges, notamment devant Monsieur le procureur VERHULST, VER ELST-REUL, pardon, je m’en voudrais d’écorcher son nom. Peut-elle confirmer que, évoquant les événements du 18, le témoin aurait dit ceci. Donc, elle dit qu’ils arrivent à Sovu : « Nous y avons trouvé les sœurs MUKANGANGO Gertrude et MUKABUTERA Julienne, ce sont les seules que nous avons pu voir car elles ne se cachaient pas et d’ailleurs, pendant que nous nous trouvions au couvent, sœur MUKABUTERA Julienne est allée chercher des militaires qu’elle avait corrompus, en renfort, et elles nous ont fait croire qu’elles allaient tenir une réunion, mais tout ce manège parce qu’elles n’avaient pas trouvé un moyen de nous tuer tous ».

Le Président : Vous souvenez-vous avoir déclaré cela, sous le nom du témoin 64 Ruth ? Vous souvenez-vous si vous avez déclaré à quelqu’un que sœur Kizito était allée chercher des militaires corrompus ?

L’Interprète : Uribuka niba hari umuntu wigeze kubwira ko sœur Kizito yari yagiye gushaka abasirikare baguriye ?

le témoin 64 : Mvugisha ukuri ko, ari Mameya wagiye.

L’Interprète : Je dis sincèrement que c’est la sœur supérieure qui est allée les chercher.

Me. VANDERBECK : Une autre question, Monsieur le président. Est-ce que, toujours dans cette même déclaration et parlant des événements du 22, elle confirme, quand on lui pose la question, et là, les questions sont posées, on a la réponse juste après : « Dans quoi Kizito Julienne a apporté l’essence ? ». La réponse est la suivante : « Elle l’avait dans un jerricane à moitié plein, qu’elle a remis à Emmanuel REKERAHO ».

Le Président : Qui a apporté l’essence ?

L’Interprète : Ninde wazanye essence ?

le témoin 64 : Nagumije mbabwira ko Mameya na Kizito bayimanukanye bari kumwe na REKERAHO, n’abo bantu bandi navuze hejuru.

L’Interprète : Je vous ai dit qu’il s’agissait de la sœur supérieure et de la sœur Kizito qui étaient en compagnie de REKERAHO et des autres dont j’ai parlé auparavant.

le témoin 64 : Ndumva kuri ibyo navuze ntacyo ndibwongereho, nta nicyo ndibugabanyeho.

L’Interprète : Je pense que tout ce que je vous ai déclaré, je pense, je n’ai rien à ajouter ni à retrancher.

Le Président : Est-ce qu’il est possible qu’à quelqu’un d’autre que moi, vous n’ayez pas parlé de sœur Gertrude à propos du bidon d’essence ?

L’Interprète : Birashoboka ko waba warabwiye undi muntu atari we ko ari, waba waravuze ko ari sœur Gertrude wari afite iyo bidon ya essence ?

le témoin 64 : Mbaye mbabwira yuko abo babikira babiri aribo mvuga bazanye essence.

L’Interprète : Je vous confirme à nouveau qu’il ne s’agissait que de ces deux sœurs dont je parle, qui ont apporté de l’essence.

le témoin 64 : Ndumva ntarenga kuri iyi ndahiro ndahiye ngo mvuge n’ibinyoma.

L’Interprète : Je pense que je ne peux pas mentir sous serment.

Le Président : Mais quand elle n’était pas sous serment, est-ce qu’elle n’a pas dit à quelqu’un d’autre, pas ici, à quelqu’un d’autre, quelque part, il y a longtemps ?

L’Interprète : Utararahira, mbere, ntabwo ari ahangaha, ahandi, nta wundi muntu waba warabwiye, hashize iminsi myinshi ? Ubungubu.

le témoin 64 : Amadosiye twarayakoresheje igihe kinini, intambara nibwo yari ikirangira,

L’Interprète : On a fait, on a ouvert beaucoup de dossiers, juste après la guerre.

le témoin 64 : Ndumva twaratangiye muri 95,

L’Interprète : Je pense que nous avons commencé à partir de 1995,

le témoin 64 : Ariko ndumva bataduhahe amadossier yacu ngo tuyasome,

L’Interprète : Mais je pense qu’on ne nous a pas remis nos dossiers pour les relire,

le témoin 64 : Cyangwa ngo badusomere,

L’Interprète : Ou bien qu’on les a relus pour nous,

le témoin 64 : Twumve ko ibyo batwandikiye aribyo cyangwa atari byo.

L’Interprète : Pour que nous nous rendions compte que ce que nous avons déclaré était conforme à ce qu’ils avaient écrit.

le témoin 64 : Nkaba mbabwije ukuri ko ibyo mvuga aribyo nabonye.

L’Interprète : Et je vous jure que tout ce que j’ai dit, c’est ce que j’ai vu.

Le Président : Est-ce que peut-être, dans toutes les auditions qu’elle a dû faire, elle n’a pas, parfois, oublié de parler de sœur Gertrude ?

L’Interprète : Mu zindi nyandiko, imvugo waba warakoze, ntabwo waba waribagiwe kuba waravuze ikerekeye sœur Gertude ?

le témoin 64 : Mbabwiye ko amadosoyise twakoresheje ari menshi, ariko ibyo mvugiye imbere y’urukiko ni ukuri.

L’Interprète : Je vous dis que les auditions étaient très nombreuses, mais ce que je viens de dire devant vous, est la pure vérité.

Le Président : Bien. Une autre question ?

Me. VANDERBECK : Juste une dernière, Monsieur le président, en ce qui me concerne en tout les cas. Toujours dans cette même audition, à la question qui lui est posée : « A la date du 23 avril 1994, aurais-tu vu Gertrude ? ». Est-ce qu’elle confirme, j’imagine que la réponse sera non, mais je lui pose quand même la question, qu’elle aurait répondu ceci : « Je l’ai vue en compagnie de Kizito et de REKERAHO, ils sont allés à Butare, chercher des grenades et d’autres munitions et c’est d’ailleurs à cet instant que REKERAHO a dit qu’il fallait qu’il fasse vite pour qu’ils aillent tuer ceux qui se trouvaient à la commune de Huye ».

Le Président : Je vais vous demander, Monsieur l’interprète, de traduire exactement ce que je vais dire, hein.

L’Interprète : D’accord, Monsieur le président.

Le Président : Vous lui dites ceci : quelqu’un lui a un jour,

L’Interprète : Hari umuntu, umunsi umwe,

Le Président : Posé la question suivante :

L’Interprète : Wakubajije ibikurikira :

Le Président : « A la date du 23 avril 1994, aurais-tu vu Gertrude ? ».

L’Interprète : « Kw’italiki ya 23 z’ukwezi kwa kane, waba warabonye Gertrude ? ».

le témoin 64 : Kumubona, nababonye bahunze mu gitondo.

L’Interprète : Je l’ai vue lorsqu’elle s’enfuyait le matin.

le témoin 64 : Nibwo bacaga hejuru y’abantu batahwanye, n’imirambo.

L’Interprète : Et c’est à ce moment qu’elles passaient au-dessus des cadavres et des gens qui n’étaient pas complètement morts.

Le Président : Etait-elle avec Kizito ce jour-là ?

L’Interprète : Wari kumwe na Kizito uwo munsi ?

le témoin 64 : Hmm ?

L’Interprète : Elle ou sœur Gertrude ?

Le Président : Sœur Gertrude, était-elle avec Kizito, ce jour-là ?

L’Interprète : Icyo gihe Mameya, sœur Gertrude yari kumwe na Kizito, uwo munsi ?

le témoin 64 : Imodoka yari Mazda, igendamo abantu benshi, sinagusobanurira nimba Kizito yari arimo. Mameya ubwo mwabimubaza.

L’Interprète : Le véhicule, c’était un véhicule Mazda, à bord duquel se trouvaient beaucoup de gens, beaucoup de monde, je ne peux pas affirmer que la sœur Gertrude était en compagnie de sœur Kizito, c’est la sœur supérieure qui peut vous le dire elle-même.

Le Président : Est-ce qu’elle a vu REKERAHO avec sœur Kizito, avec sœur Gertrude, pardon, ce jour-là ?

L’Interprète : Uwo munsi wabonye REKERAHO ari kumwe na sœur Gertrude uwo munsi ?

le témoin 64 : Ntabwo namubonye. Ibyo mbabwira ubu ni ukuri, ntabwo mbabeshya.

L’Interprète : Je ne l’ai pas vue, mais ce que je vous dis maintenant, ce que je vous déclare maintenant, est la pure vérité.

le témoin 64 : REKERAHO yarafite akandi kazi yakoraga…

L’Interprète : REKERAHO était occupé à autre chose,

le témoin 64 : Ko gusensibiriza kwica abantu.

L’Interprète : Il était en train de sensibiliser les gens en les appelant au massacre.

Le Président : Je voudrais savoir quel est le nom du père du témoin.

L’Interprète : Izina rya So ?

le témoin 64 : Yitwa MWEREKANDE Yozefu.

L’Interprète : Il s’appelle MWEREKANDE Joseph.

Le Président : Et sa maman ?

L’Interprète : Mama,

le témoin 64 : Yitwa le témoin 72.

L’Interprète : Elle s’appelle le témoin 72.

Le Président : D’autres questions ?

Me. VANDERBECK : Oui, j’ai une toute petite précision, Monsieur le président, au sujet du recensement. Pourriez-vous demander au témoin si, lors de ce recensement, on a compté le nombre de personnes ou si on a inscrit les noms des personnes sur les listes ?

Le Président : Lors du recensement ? le 19 avril, je crois, quand on est venu avec les papiers, a-t-on seulement inscrit sur les papiers le nombre de personnes ou bien a-t-on mis le nom des personnes qui étaient présentes ?

L’Interprète : Umunsi babarondora ku itariki 19, kuri ayo maliste, banditseho uko mwanganaga cyangwa se bashyizeho n’amazina y’abana ?

le témoin 64 : Bandikaga amazina y’abantu, bagashyiraho n’umubare w’abo atunze.

L’Interprète : On inscrivait là-dessus les noms des gens et les noms de ceux qui faisaient partie de la même famille.

Le Président : Apparemment, il y a de meilleurs traducteurs dans la salle !

L’Interprète : Hari amazina bandikaga yabo ?

le témoin 64 : Amazina…

L’Interprète : Nab’umuryango.

le témoin 64 : Ubundi Kizito yavuze yuko bandika shefu w’urugo. Bakandika nabo atunze.

L’Interprète : Kizito avait dit qu’il lui fallait inscrire le nom du chef de famille et ceux qui faisaient, ceux qui composaient la famille.

le témoin 64 : Kizito wafashe izo mpapuro, akazijyana,

L’Interprète : C’est Kizito qui a pris ces papiers,

le témoin 64 :  Azi neza uko zari zanditse.

L’Interprète : Et elle est la seule qui sait comment étaient dressées ces listes.

Le Président : Bien. Une autre question ?

Me. WAHIS : Oui, Monsieur le président. A deux reprises dans ses déclarations, elle fait état des circonstances de la mort de Gérard KABILIGI. Est-ce qu’elle pourrait nous dire quand et comment cet homme est décédé ?

Le Président : Pouvez-vous expliquer comment Gérard KABILIGI, c’est çà, KABILIGI…

Me. WAHIS : C’est la même chose.

Le Président : …est mort, à quel moment et comment il est mort ?

L’Interprète : Ushobora gusobanura ukuntu KABILIGI yapfuye, n’igihe yapfiriye ?

le témoin 64 : Ubwo ababikira bamanukaga,

L’Interprète : Lorsque les sœurs sont descendues,

le témoin 64 : Bari kumwe na ba bagabo nababwiye,

L’Interprète : En compagnie des hommes dont je vous ai cité les noms,

le témoin 64 : Kabiligi nawe yahise amanuka mu ishyamba, imbere yaho twari turi, arimo ashya.

L’Interprète : KABILIGI est descendu aussi devant eux, se dirigeant dans le petit bois, là où nous nous trouvions, il était en train de flamber,

le témoin 64 : Arimo ashya, nkaba ntashidikanya ko abo bazanye essence aribo babikoze.

L’Interprète : Et je ne peux pas douter que ce sont ceux qui portaient cette essence qui l’ont brûlé.

le témoin 64 : Nkaba nakongeraho ko yari umukozi wabo.

L’Interprète : J’ajouterai qu’il travaillait aussi pour elles, les sœurs donc.

Le Président : Une autre question ? Maître JASPIS ?

Me. JASPIS : Monsieur le président, est-ce que vous pourriez demander au témoin de nous préciser ce qu’elle-même a subi comme blessures ou toute autre atteinte, durant ces journées tragiques, s’il vous plaît ?

Le Président : Je pense que le témoin a parlé de ses blessures et que nous allons avoir un rapport du médecin légiste. Peut-être un moment d’inattention, ça arrive à cette heure-ci. Y a-t-il d’autres questions ? Les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Madame, confirmez-vous les déclarations que vous avez faites ici, aujourd’hui ?

L’Interprète : Urahamya ibyo umaze kuvuga uyu munsi hano ?

le témoin 64 : Ndabihamya.

L’Interprète : Je le confirme.

Le Président : La Cour vous remercie pour votre témoignage, Madame.

L’Interprète : Urukiko ruragushimira kubera ubuhamya bwawe.

le témoin 64 : Nanjye mbashimiye kuba mwambajije.

L’Interprète : Je vous remercie également de m’avoir auditionnée.

Le Président : Vous pouvez retourner, enfin, lorsque le chauffeur pourra retourner avec le dernier témoin qui reste aussi, à l’Ecole royale militaire pour y loger, mais vous devez rester à la disposition de la Cour pour assurer votre retour au Rwanda.

L’Interprète : Ushobora gusubira aho ucumbitse ubu ngubu, ariko ukaguma mu maboko y’Urukiko kugeza igihe usubiriye imuhira.

le témoin 64 : Murakoze.

L’Interprète : Elle vous remercie.

Le Président : Alors, un quart d’heure de suspension et puis, nous entendrons le dernier témoin. Il y a un commentaire ?

Me. JASPIS : Un commentaire, si vous le permettez, à moins que vous ne préfériez que je le fasse après la suspension.

Le Président : Faites-le tout de suite, surtout s’il est très bref.

Me. JASPIS : Je vous remercie, Monsieur le président. Je comprends bien votre énervement, et nous sommes tous très fatigués. J’aurais voulu simplement dire un petit mot à l’attention de Mesdames et Messieurs les jurés. Ce qui se passe cet après-midi devant cette Cour d’assises est très cruel et très difficile à vivre, à entendre et à comprendre. Cela n’est pas aussi cruel…

Le Président : Alors, c’est un commentaire du témoignage, n’est-ce pas, ce n’est pas une plaidoirie.

Me. JASPIS : Je parle de cette femme.

Le Président : Ce n’est pas parler du témoin, c’est parler du témoignage, un commentaire.

Me. JASPIS : D’accord, Monsieur le président. Je veux simplement dire que ce n’est pas aussi cruel que ce que la personne qui vient de témoigner a subi. Vous avez eu, Monsieur le président, la sagesse d’avertir les jurés, il y a quelques jours, de ce qu’ils ne devaient pas s’étonner de certaines choses étranges comme par exemple des contradictions importantes dans les témoignages. Vous-même et les avocats des accusés, avez encore, à la fin de ce témoignage, très justement, je pense, en conformité avec le dossier, soulevé un certain nombre de questions qui effectivement posent problème. Je voudrais simplement déjà avertir les membres du jury que nous reviendrons un peu plus longuement et en détail sur la manière dont ce type de témoignage peut être, peut exister, peut être reçu, doit être reçu et compris, compte tenu d’un contexte qui est très particulier tant sur le plan personnel que sur le plan de la communauté qui a vécu ce drame. C’est tout ce que je voulais dire. C’était simplement prévenir de ce que nous reviendrions sur une certaine difficulté. Je vous remercie.

Le Président : Bien. Nous reprenons à 7h -1/4.